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février 2021
Gouvernance
et institutions
d’eau stockeron
C
Zone R
Bassinko Project Resid
De nouveaux b
identifiés dans
vertes et bleues
Aéroport de
Donsin
de traitement e
15 ans de présence et
Université 2ie Donsin Airport
2ie University Smart Technopole,
Po / Ghana Kongoussi Zone Hôtelière
Innovation Hub
et Résidentielle
Ouahigouya Zone d
Indus
cités face à la de
Hospitality and Residential zone
Cité Bassinko
Loumbilla - Tourisme et
Zone Résidentielle
Université 2ie zone résidentielle
L’alliance bleu/
Bassinko Project Residential Area
2ie University Loumbilla - Tourism and
Aéroport de
Léo OuahigouyaDonsin Korsimoro
residential zone
motion de l’agrKi
Donsin Airport
Smart Technopole, Université Ouaga 2 et
Kongoussi Zone Hôtelière et Résidentielle Industrie Légère de Kossodo
d’expériences dans
Innovation Hub University Ouaga 2 and
Cité Bassinko Hospitality and Residential zone Zone Rési
Kossodo - Light Industrial
Université 2ie Zone Résidentielle
2ie University
Bassinko Project Residential Area Loumbilla - Tourisme et Technopole Ki
Ouahigouya zone résidentielle Industries légères Residen
Aéroport de Loumbilla - Tourism and Innovative Industries
Cité Bassinko
Zone Résidentielle
Bassinko Project Residential Area
Donsin
Donsin Airport Korsimoro
residential zone
chemin de fer railway
Zone d’industrie
Koupéla
protected
zone résidentielle
green zones
Cité Bassinko Koupéla
17 Contributions
Rédacteur en chef invité transversales
Vincent Bourjaillat
18 Les Ateliers de Bamako en 2011 et 2014 et les enjeux
Coordination de gouvernance de la capitale malienne
Simon Brochard Juliette Coulibaly Paradis
Gouvernance
et Institutions
La conception et la fabrique des villes sont La méthode des Ateliers est faite d’écoute,
par nature collectives. Les Ateliers internationaux d’échanges et de créativité. Elle est donc, par
de maîtrise d’œuvre urbaine de Cergy-Pontoise, essence, participative et collective. Elle a été
ont, en une quarantaine d’années d’existence, mise en œuvre en Europe, Asie, Amérique la-
constitué un réseau de professionnels de toutes tine et Afrique dans de nombreux villes et ter-
nationalités, générations et disciplines - archi- ritoires pour proposer des solutions innovantes,
tecture, urbanisme, géographie, économie, débrouiller des situations complexes et ouvrir
paysage, sociologie, art, ingénierie, environne- des consensus entre des parties contradictoires,
ment… - qui acceptent après une sélection de voire opposées.
grande exigence, de prendre part à une réflexion En Afrique ce sont environ 15 sessions qui
en équipes au croisement de la planification et ont été à ce jour organisées, toujours, ce qui est
de l’aménagement urbain. essentiel, avec une forte proportion de profes-
Chaque session d’atelier est un lieu de propo- sionnels africains. Un état des expériences peut
sition libre, où l’émulation d’un travail collectif et donc commencer à être dressé.
bénévole permet de faire émerger des concep- La variété des situations a engagé les Ateliers
tions, des représentations et des projets inno- à réaliser avec les participants, les pilotes et les
vants pour le devenir des espaces urbains en experts associés des synthèses thématiques res-
transition permanente. tituant en 5 livrets la diversité et la complexité
Des rencontres et échanges informels entre des problématiques urbaines rencontrées :
les autorités locales - décideurs, acteurs et › Cultures et sociétés
professionnels de l’urbain, forces vives locales › Gouvernances et institutions
concernées – et avec les participants à l’atelier › Mobilités et transports
jalonnent le déroulement des sessions de travail. › Environnement et adaptation au changement
Cette production collective permet de porter climatique
un regard nouveau, de varier les échelles, d’ou- › Foncier et droit à la ville.
blier les frontières administratives, de revisiter
les territoires et ainsi permettre l’expression
d’idées originales, que la pression du quotidien Pierre-André Périssol
et les rôles institutionnels ne peuvent pas faire Président des Ateliers, ancien Ministre,
apparaitre. Maire de Moulins
Gouvernance et Institutions 3
La gouvernance des édito
villes africaines : Vincent Bourjaillat
une invention
Rédacteur en chef, pilote de
plusieurs ateliers et copilote du Pôle
par le terrain
Afrique, ingénieur-urbaniste
Gouvernance et Institutions 5
dans leurs territoires, et non pas en référence à création d’agences ou l’organisation de Partena-
un modèle apporté de l’extérieur. riats Public Privé Population (4P) sont autant de
En effet, si les pouvoirs municipaux n’arrivent facettes d’une même recherche de plus grande
toujours pas à jouer d’égal à égal avec les Etats, efficacité de l’action publique.
ils se sont néanmoins installés durablement dans › Enfin, ce carnet témoigne du changement de
les paysages institutionnels des pays. Les maires paradigme le plus frappant à observer au cours
des grandes villes africaines sont souvent de- des dernières années : une prise de distance
venus des personnalités influentes, et les acteurs vis-à-vis des doctrines d’organisation adminis-
de la société civile ne restent généralement pas trative et des « dogmes » des grandes institu-
les bras croisés. Ils sont actifs dans la revendi- tions financières internationales au profit d’une
cation et la mise en place d’organisations et de gouvernance participative reconnaissant davan-
services utiles au quotidien, et contribuent donc tage les citadins et les initiatives locales, et s’ap-
aussi à construire des gouvernances locales plus puyant sur les énergies et les propositions des
participatives et connectées au terrain. habitants et de la société civile. Le témoignage
Les contributions et témoignages recueillis de Gabriel Ngouamidou sur la reconstruction de
dans ce carnet attestent de cette situation où, en Bangui, le plaidoyer de Ndassa Younchawo sur
l’absence d’une « doctrine cadre », les acteurs lo- une gouvernance participative généralisée, la
caux n’attendent pas qu’on leur demande ou leur démonstration de Léandre Guigma sur la copro-
recommande de mettre en place des dispositifs duction de la sécurité urbaine des quartiers non
de bonne gouvernance urbaine et de conduite lotis de Ouagadougou sont autant d’exemples
d’une action publique efficace, ils cherchent et qui attestent de la place désormais prise par les
expérimentent différents modes de dialogue, démarches participatives et les initiatives locales
de partenariat et d’action, au plus près des obli- dans l’organisation réelle de la gouvernance des
gations de la gestion quotidienne. Ce bouillon- villes africaines.
nement hétéroclite donne à voir ce qui pourrait
constituer concrètement les grands piliers d’un PRÉPARER L’ÉTAPE D’APRÈS
début de modèle de la gouvernance des villes
africaines, et qu’illustrent les différentes contri- La gouvernance des villes africaines se carac-
butions recueillies dans ce carnet. térise aujourd’hui par une addition de dispositifs
› Tout d’abord, s’exprime le besoin de construire construits de manière empirique, plutôt adaptés
des visions stratégiques de long terme, pour à chaque réalité locale, et qui s’installent dans
pouvoir se projeter collectivement et anticiper la durée. Au-delà de la compréhension de cette
les situations futures, mais aussi pour éclairer les situation, l’enjeu est maintenant de passer de
choix plus immédiats et notamment dépasser la phase des prototypes a une phase de géné-
l’addition de projets ponctuels. C’est ce qu’at- ralisation des meilleurs systèmes, à la mise en
testent les exemples de St Louis du Sénégal, commun des bonnes pratiques, et à terme, à
avec l’enjeu du transfert sur la rive intérieure du l’élaboration d’un référentiel commun aux villes
fleuve du quartier des pêcheurs menacé par africaines.
l’érosion côtière, de Bamako avec l’élaboration La contribution de Christophe Mestre, qui
de la vision Bamako 2030 ou encore la démarche conclut ce livret, plaide ainsi pour accroître la
actuelle de la commune de Ouagadougou pour connaissance des villes africaines. Nous la pro-
organiser une intercommunalité avec les com- longeons en invitant les autorités politiques et
munes voisines. administratives, les ordres professionnels, les
› Ensuite, c’est le « mode projet » qui est mobi- organismes de formation africains et les parte-
lisé par de nombreuses collectivités pour définir naires de la société civile a davantage s’orga-
et « opérationnaliser » les politiques publiques, niser et se mobiliser dans les prochaines décen-
les rendre plus efficaces et au plus près des nies pour penser et formuler les spécificités des
besoins des citadins, tout autant que pour dé- villes africaines, et ainsi contribuer à davantage
passer les lourdeurs et les mauvaises habitudes insérer les peuples africains dans le grand jeu de
de l’administration. Des démarches d’ateliers, la la mondialisation de la 1ère partie du XXIe siècle.
Gouvernance et Institutions 7
Regard sur l’atelier
Saint-Louis : Combiner
Anne Durand
les gouvernances Participante de l’atelier, architecte
Gouvernance et Institutions 9
Regard sur l’atelier
Bangui : vers
Gabriel Tanguy Ngouamidou
un Grand Bangui Référent local, chargé de Mission en
matière d’Habitat et Logement Social
inclusif Ministère de l’Urbanisme de la Ville et de
l’Habitat, République Centrafricaine
densification incontrôlée.
Arc des polarités
Une autre conséquence est le déplacement Principaux lieux communs avec des commerces
Fleuve et rivière
Aéropo o Bangui
maines (logements, services sociaux de bases,
M’Pok
Miskine
rt intern
ational
etc). C’est dans ce contexte que s’est tenu l’Ate- Co
lline de
Kassai
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Île
La démarche adoptée par l’Atelier de Cergy PK8
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contribué à créer une dynamique au niveau des M p oko
quartiers. N
0 1 2 3 4 km
Gouvernance et Institutions 11
Regard sur l’atelier
Bamako :
Bassy Diara
développement Référent local, conseiller du Maire de Bamako
urbain et gouvernance
Gouvernance et Institutions 13
Regard sur l’atelier
Ouagadougou :
Valentin Bayiri
un accélérateur de Conseiller technique du Maire,
Gouvernance et Institutions 15
TÉMOIGNAGE
Abdoulaye Deyoko
Directeur Fondateur de l’Ecole Supérieure d’Ingénierie,
d’Architecture et d’Urbanisme (ESIAU), Bamako
En tant que membre du jury des Ateliers pen- organisé à Paris par une ONG Française portant
dant 3 années successives (2 à Porto Novo et 1 surl a restructuration écologique d’un bidonville
à Bamako) et en tant que Directeur fondateur et son adaptation au changement climatique. Sur
d’une école d’Architecture et d’Urbanisme, nous 36 écoles d’architecture et d’urbanisme l’ESIAU
pouvons témoigner sur l’impact de ces ateliers s’est classée 2ème. Ces participations nous éga-
sur nos modes d’interventions dans nos villes. lement encouragé à élaborer un projet d’amé-
Dans le cadre de notre modeste expérience nagement urbain en design urbain autour de
nous avons constaté qu’en matière d’analyse thématiques portant sur des jardins connectés et
urbaine en Afrique la pluridisciplinarité est rare- la fracture numérique, dans l’espace public d’un
ment utilisée, on se contente souvent des études quartier de Bamako. Au delà du projet en tant
des experts venus d’ailleurs qui n’ont aucune que tel, c’est le mode de gouvernance du quar-
pratique urbaine et qui associent très peu les tier qui est présenté. Il s’agit, et c’est sa force, d’un
techniciens et surtout les institutions de forma- projet initié par les habitants d’une commune de
tion en la matière. Bamako avec les élus locaux
Les thématiques retenues dans les Ateliers En conclusion de cette brève contribution je
sont innovantes car non seulement elles tiennent souhaite faire ressortir l’impact des Ateliers non
compte des préoccupations des écoles d’archi- seulement sur les participants (étudiants et pro-
tecture et d’urbanisme en permettant aux étu- fessionnels) mais aussi sur la mobilisation des
diants d’être confronté à la réalité urbaine mais acteurs locaux que sont les communes face aux
elles permettent surtout aux autorités locales problèmes d’aménagement urbain.
d’avoir un autre regard sur leurs territoires et les
incitent à prolonger la réflexion sur les théma- Site Internet de l’ESIAU : www.esiau-mali.com
tiques développées.
Gouvernance et Institutions 17
Les Ateliers de Bamako mais réduits1 les services techniques propres de
la mairie centrale sont engagés mais accaparés
en 2011 et 2014 et les par la gestion du quotidien.
Gouvernance et Institutions 19
maîtres d’ouvrages et partenaires qui a résulté LES BÉNÉFICES DES ATELIERS POUR
de ce jury a contribué à poser un diagnostic sur L A STRUCTURATION DE L A VISION
l’état de la métropole et à identifier au sein de la « BAMAKO HORIZON 2030 »
production des équipes les éléments d’analyse
et de projet les plus pertinents. Le coup d’Etat militaire du 22 mars 2012 fra-
gilise considérablement et durablement l’Etat du
A l’issue de l’atelier, la légitimité de la mairie Mali, mais les maires restent en place et assurent
du District de Bamako comme chef de file des la continuité de la puissance publique. Dans ce
collectivités locales de la métropole est ren- contexte, les élus de Bamako et des communes
forcée parce qu’elle a porté l’une des premières riveraines s’appuient sur la production de l’Ate-
expressions de stratégie urbaine pour la capitale lier et le soutien de la coopération française,
depuis le schéma directeur avorté de 2004. La notamment de l’Agence d’Urbanisme du Grand
mairie du District démontre à l’Etat central sa ca- Lyon, pour élaborer une vision politique, car-
pacité à activer des partenaires pour exercer ses tographiée et partagée de Bamako à l’horizon
compétences stratégiques, et pose en tant que 2030. Elle synthétise les perspectives secto-
maître d’ouvrage, les bases d’une stratégie de rielles présentes dans les différents ministères, et
développement urbain à horizon 2030, partagée s’adossent à des orientations politiques simples,
entre tous les acteurs, dans une recherche de exprimées à trois échelles : l’Afrique de l’Ouest,
bénéfice collectif, permettant d’aller des projets la métropole, le centre ville du District de Ba-
sectoriels à une stratégie d’ensemble, et égale- mako sur ses deux rives. Le Comité Technique
ment de mettre en place un cadre de concerta- du Développement Urbain (CTDU), renforcé par
tion à l’échelle du Grand Bamako. l’expérience de l’atelier de 2011, missionne une
équipe pluridisciplinaire. Les acteurs du comité
L’Atelier de 2011 conforte également le posi- des partenaires locaux, sont mobilisés ainsi que
tionnement de la mairie du District de Bamako le cadre de concertation avec les élus des com-
par rapport aux ordres des professionnels, no- munes riveraines. Le dialogue avec la junte au
tamment à travers la mise en place d’un comité pouvoir s’établit, et c’est ensemble, maires de
des partenaires locaux. Celui-ci donne l’occasion Bamako, maires des communes rurales périur-
à la mairie de dialoguer ouvertement avec un baines, ministre de l’administration territoriale,
ensemble de professionnels du pays (urbanistes, pilotes de l’atelier de 2011, que Bamako pré-
architectes, géomètres, ingénieurs, sociologues, sente sa vision à l’horizon 2030 lors de la confé-
enseignants géographes, historiens) autour rence Africités de décembre 2012 à Dakar.
d’une même problématique stratégie urbaine, En 2013, malgré le contexte sécuritaire qui se
ce qui étaye la réflexion, la nuance, la crédite et dégrade, la mairie du District de Bamako met en
la partage. place une cellule de préfiguration d’une agence
d’urbanisme. Elle capitalise l’expérience de l’Ate-
Le dialogue avec les communes rurales voi- lier de 2011 afin de produire de la connaissance
sines est renoué, dans une démarche d’élabo- sur la ville et d’être une aide à la décision poli-
ration et de partage d’une vision commune ga- tique. L’objectif est de lancer le Schéma Directeur
gnante-gagnante pour les communes du centre d’Aménagement du Grand Bamako, sous la maî-
de la métropole comme pour celles de la péri- trise d’ouvrage effective des collectivités locales
phérie. La mairie du District associe les maires avec la mairie du District comme chef de file, et
des communes riveraines aux réunions du co- avec la vision Bamako à l’horizon 2030 comme
mité des partenaires techniques, et à tous les fil directeur. Malheureusement, la faiblesse et la
temps forts de l’atelier. confusion de la gouvernance politique de la ca-
pitale ne permet pas de dépasser les blocages
multiples. La concertation avec les maires des
communes riveraines reste informelle, l’idée
d’une planification du Grand Bamako s’effrite,
l’Etat freine la réforme du statut du District.
Gouvernance et Institutions 21
Agences autonomes d’investissement repose alors essentiellement
sur les partenaires de la coopération décentra-
et Partenariats lisée.
Gouvernance et Institutions 23
d’agressions notamment dans les zones non ha-
Sécurité urbaine dans bitées (vergers, bas-fonds, carrières d’extraction
de la terre) et de vols récurrents. Face à cette in-
les quartiers non- sécurité, les dispositifs institutionnels de sécurité
sont renforcés par des dynamiques individuelles
lotis de Ouagadougou : et collectives de protection des résidents.
Ouagadougou est la capitale du Burkina Faso, Mais comment ces organes institutionnels
pays sahélien de l’Afrique occidentale. L’agglo- peuvent-ils assurer la sécurité en permanence
mération de Ouagadougou est constituée de dans les multiples ruelles sinueuses des quar-
quartiers lotis, c’est-à-dire régulièrement amé- tiers non lotis ? Ils arrivent généralement à pos-
nagés selon les textes en vigueur et de quartiers teriori dans les non-lotis, pour des constats, des
précaires localement appelés « non lotis ». Les enquêtes ou des arrestations. Ces forces de
quartiers non lotis abritent quatre Ouagalais sur défense et de sécurité républicains ne sont pas
dix et occupent un quart du territoire de l’agglo- donc efficaces pour la prévention ou pour la dé-
mération. Ces quartiers sont occupés par des fense au moment des agressions dans les quar-
citadins qui ont achetés leurs terrains auprès de tiers non lotis de Ouagadougou.
propriétaires terriens ou de chefs traditionnels
sans l’autorisation de l’administration publique. « L’AUTO -SÉCURITÉ » PAR LES CITADINS
Certains y ont construit leur maison d’habitation
et y résident. La gouvernance de ces quartiers Les résidents du non-loti observent un mi-
non-lotis allie des logiques institutionnelles tra- nimum de règles de sécurité en érigeant autant
ditionnelles et des dynamiques locales. que possible, des murs de clôture et en se mu-
nissant de fermetures pour leur terrain et pour
Le quartier non loti du « Marteau » est situé au leur habitation. Ainsi, lorsqu’on entend crier « Au
secteur 19 de l’arrondissement 4, au Nord-Est de voleur ! », tous les riverains sortent par curiosité
Ouagadougou. Il occupe une superficie de 260 pour savoir de qui s’agit-il, mais également pour
hectares et sa population est estimée à 25.000 contribuer à son châtiment. Les sévices corpo-
habitants. A partir de ce quartier non loti étudié rels subis par les présumés accusés de la part de
dans le cadre des Ateliers de maîtrise d’œuvre la foule sont particulièrement violents, car les au-
urbaine de Ouagadougou, nous montrerons teurs des coups et bastonnades sont anonymes
comment ces trois logiques et dynamiques s’af- et ne se donnent aucune censure. Certains lyn-
frontent, s’imbriquent ou se complètent, dans le chages de présumés voleurs connaissent alors
contexte de la sécurité urbaine en particulier. des fins tragiques, sans que l’accusation ne
Les quartiers non-lotis véhiculent auprès des soit irréfutablement prouvée, ce qui devient un
non-résidents une image de quartier de pro- contentieux juridique.
miscuité, où les résidents se connaissent et en-
tretiennent des liens forts de sociabilité. Mais Mais certains malfaiteurs opèrent discrète-
en réalité, beaucoup de résidents sont victimes ment la nuit afin d’échapper à la vindicte popu-
1 Entretien du 26 janvier 2019, à Toukin/ le Marteau Cette gouvernance hybridée des acteurs
Gouvernance et Institutions 25
institutionnels, traditionnels et des citadins en
matière de sécurité urbaine dans les quartiers
non-lotis de Ouagadougou pourrait inspirer la
gouvernance urbaine à Ouagadougou et dans
le Grand Ouaga, en général. En effet, le cadre
d’échanges, de dialogue et co-construction de
Ouagadougou, proposé par la forme et la tenue
des Ateliers de Ouagadougou en 2019 constitue
déjà les prémisses d’une nouvelle forme de gou-
vernance à bâtir entre les institutions centrales,
décentralisées, publiques ou privés, les traditions
bien représentées par les chefs traditionnels aux
bonnets rouges et les citadins ordinaires, consti-
tués d’hommes et de femmes des quartiers lotis
et non lotis, venus exprimer leurs desiderata de
vives voix.
Gouvernance et Institutions 27
dins africains, dans leurs façons d’être, les inte- coûtent entre 20 et 31 % plus cher aux ménages
ractions avec les autres et les modes d’appro- urbains africains.1
priation de l’espace urbain par les citadins. La
seconde partie propose des pistes pour une Les frais de transport quotidiens pour ceux qui
plus grande participation des organisations à travaillent sont élevés, voire prohibitifs, sachant
l’amélioration des conditions de vies des urbains par ailleurs que les systèmes, des taxis, et moto
et la mise en place d’une plateforme de gouver- taxis informels sont plus chers que les services
nance urbaine participative concertée, afin de de bus, très peu développés dans les villes afri-
développer une synergie d’action entre pouvoirs caines. Pour ceux qui sont contraints de se dé-
publics et entreprises. placer à pied, l’accès à l’emploi est donc limité.
ETAT DES LIEUX : UNE DÉGRADATION Parce qu’elles ne font pas l’objet d’un dévelop-
DES CONDITIONS DE VIE DANS pement planifié suffisant et qu’elles accueillent
LES VILLES AFRICAINES un important exode rural, les villes connaissent
une expansion continue des implantations sau-
On observe aujourd’hui un phénomène de vages, qui se trouvent plutôt dans le centre et
cumul des inégalités sociales et environnemen- donc plus près des emplois (à l’instar de Kibera à
tales dans les villes africaines. Concrètement, Nairobi, de Tandale à Dar es Salaam, de Bependa
au niveau de l’occupation de l’espace, les po- à Douala, de Mokolo Lobi à Yaoundé). Le secteur
pulations les plus défavorisées se concentrent à informel s’exerce pour la plupart sur les chaussés
proximité des zones les plus polluées, les maré- et trottoirs de la ville, créant un désordre urbain
cages ou les zones à risques, alors que les plus dans les artères de la ville.
aisées résident à proximité d’espaces verts, ont L’ensemble de ces difficultés entraîne le dé-
accès à tous les services ou autres infrastructures veloppement d’« habitus » (comportements et
urbaines. La croissance des inégalités socio-spa- attitude) qui constituent une menace pour la
tiales et les problèmes liés à l’exclusion de cer- ville : oisiveté des jeunes, agressions et insécu-
taines populations à revenus modestes, handi- rité, constructions anarchiques, désordre urbain,
capées, personnes âgées, migrants et jeunes ’insalubrité, etc…
sont aussi accentués par le renchérissement du
niveau de vie grandissant dans les villes afri- Il est donc nécessaire de développer de nou-
caines. Le coût de transports est élevé, les équi- veaux mécanismes de socialisation et d’intégra-
pements de loisirs et de divertissement, ne sont tion des citadins africains afin de prendre en
pas accessibles pour le plus grand nombre , les compte les attentes et besoins de ses habitants
services de bases sont limités. et provoquer des changements de comporte-
ments.
Selon le rapport urbanisation de la Banque
Mondiale de 2017, les dépenses de logement CONTRIBUTION DES ORGANISATIONS
dans les villes africaines sont supérieures de ET ENTREPRISES À L’AMÉLIORATION
55 % à celles observées dans d’autres continents. DES MODES DE VIE DES CITADINS
À Dar es Salaam, par exemple, 28 % des habi-
tants vivent à trois au moins dans une pièce. À L’enjeu majeur du développement des villes
Lagos, au Nigéria, deux habitants sur trois vivent africaines est la création de meilleures condi-
dans des bidonvilles. tions de vie pour ses habitants urbains. Pour
garantir leur attractivité (au sens de la capacité
Le coût des denrées alimentaires est environ à répondre aux besoins essentiels des habitants,
35 % plus chères dans les villes d’Afrique que présents et futurs), il s’agit notamment de trouver
dans celles d’autres pays à revenu faible ou inter-
médiaire ailleurs dans le monde. Globalement,
par rapport aux autres pays en développement à 1 Rapport urbanisation de la Banque Mondiale
niveau de revenus similaire, les biens et services 2017
Gouvernance et Institutions 29
publics locaux, ce qui pose la question de la pé-
Gouvernance des rennité et de la qualité de ces services publics,
qui manquent cruellement de personnels et de
villes et institutions moyens de fonctionnement,
› Sur le plan politique, les villes, et ceci d’au-
en Afrique tant plus qu’elles ont un poids démographique
élevé sont considérées comme des foyers d’op-
Christophe Mestre position au pouvoir central, comme des espaces
Directeur du Centre International d’Études de contestation qui remettent en cause les équi-
pour le Développement Local (CIEDEL) libres politiques nationaux, que ce soit les ma-
nifestations d’Alger de ces derniers mois, les
manifestations qui ont fait basculer le pouvoir
à Khartoum en 2019 ou le signal de départ des
En Afrique, la réalité urbaine, longtemps ou- « printemps arabes » que fut l’immolation de M.
bliée tant des chercheurs que des décideurs po- Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid, en Tunisie.
litiques et des acteurs techniques est aujourd’hui Ceci amène fréquemment un contrôle du pou-
plus qu’une réalité : en 2020 c’est environ 50 % voir central sur les villes capitales au détriment
de la population africaine qui est urbaine, soit de l’autonomie locale.
environ 500 millions d’habitants et en 2050 on › Sur le plan institutionnel, les processus de dé-
estime que plus de 1 milliard d’africains vivront centralisation entamés majoritairement à la char-
en ville1, il faudra ainsi « construire » en Afrique nière des années 80 – 90, sont restés au milieu
l’équivalent de toutes les villes que la Chine a du gué, voire ont reculé comme le montre le fait
produit durant toute son histoire. que les transferts de compétences de l’Etat aux
collectivités territoriales et les transferts de res-
Dans ce contexte d’urbanisation accélérée, les sources qui devaient les accompagner ne sont
villes africaines sont soumises à une quadruple toujours pas des réalités, et que l’autonomie
tension, démographique, sociale, politique et locale reste souvent un simple affichage. On se
institutionnelle : rappellera les revendications des dakarois en-
› Sur le plan démographique, chaque ville est vers leur maire au sujet des coupures à répétition
soumise à une poussée démographique issue de la fourniture d’énergie électrique, alors que
tant du croît interne que de l’exode rural ou des cette compétence n’a pas été transférée aux col-
migrations internationales. Il y a quelques an- lectivités territoriales ou les « charcutages » insti-
nées M. Simon Compaoré alors maire de Ouaga- tutionnels de nombreuses capitales qui visent à
dougou expliquait que sa ville, qui pesait alors réduire leur autonomie politique.
1 500 000 habitants était dans une situation où
elle « absorbait » 150 000 habitants de plus par Ces tensions posent au quotidien la question
an, avec son corollaire d’étalement urbain, de lo- de la gouvernance de la ville et des institutions
gement précaire… qui la mettent en œuvre : comment gouverner
› Sur le plan social, l’urbanisation se traduit par un espace urbain en croissance exponentielle
l’explosion d’une demande sociale en matière de alors qu’il est soumis à de telles contraintes po-
production de service de tous ordres : eau, élec- litiques, institutionnelles et financières de la part
tricité, assainissement, voirie, transport public, de l’Etat central ?
école, santé mais aussi sécurité, cadre de vie… A
cette demande sociale, les réponses apportées La gouvernance du territoire urbain repose
sont plus souvent sous forme d’investissement principalement sur quatre pôles2 :
que de moyens de fonctionnement des services
Gouvernance et Institutions 31
LES ATELIERS EN AFRIQUE
Association à but non lucratif, 2020 SAN PEDRO, CÔTE D’IVOIRE 2014 BAMAKO, MALI
Les Ateliers sont un réseau De la cité portuaire à la Atelier de stratégie opérationnelle
international de professionnels, métropole côtière sur la vision Bamako 2030
d’universitaires, et de décideurs
en matière d’aménagement 2019 KAMPALA, OUGANDA 2013 DOUALA, CAMEROUN
urbain. Centrée sur la pratique Green and Innovative Kampala Douala, « ville assemblée »
de la maîtrise d’œuvre urbaine,
l’association organise des ateliers 2018 OUAGADOUGOU, 2012 THIÈS, SÉNÉGAL
envisagés comme un lieu de BURKINA FASO Thiès, ville carrefour
conception et de créativité afin Ouagadougou 2050, Vivre le quotidien
d’apporter aux décideurs locaux à l’échelle du Grand territoire 2012 PORTO-NOVO, BÉNIN
un regard international et des Ecosystème et développement urbain
propositions novatrices sur leurs 2018 OUARZAZATE, MAROC
problèmes d’aménagement. Le grand Ouarzazate, une ville 2011 BAMAKO, MALI
Créés en 1982 et à l’origine oasienne du XXIe siècle Les nouvelles centralités de
tournés vers les étudiants et la métropole de Bamako
jeunes professionnels, Les 2018 BANGUI, REPUBLIQUE
Ateliers organisent depuis CENTRAFRICAINE 2011 PORTO-NOVO, BÉNIN
2005 des ateliers ouverts à des De l’urbanité des Kodoros à la Stratégie et projets
professionnels expérimentés dynamique du grand territoire d’aménagement pour le Centre-
et bénévoles, à la demande Ville Ouest de Porto-Novo
de collectivités locales, 2017 PORTO-NOVO, BÉNIN
gouvernements ou autres Révéler les défis de Porto-Novo, 2010 SAINT-LOUIS, SENEGAL
partenaires. En France ou Capitale Africaine du XXIème siècle Saint-Louis 2030, nouvelle
dans d’autres pays, ces ateliers métropole africaine
apportent aux maîtres d’ouvrage 2016 DOUALA, CAMEROUN
un regard international et Douala ô Mulema : Entre infrastructure 2010 PORTO-NOVO, BÉNIN
des propositions illustrées et stratégie métropolitaine, quelle Un nouveau quartier en
et novatrices sur la stratégie place pour le projet urbain ? bordure de lagune
territoriale et les projets
d’aménagement urbain. Les 2014 NOUAKCHOTT, MAURITANIE 2009 PORTO-NOVO, BÉNIN
ateliers sont aussi, par la Nouakchott, l’avenir pour L’aménagement des
confrontation des métiers et défi : Adaptation et mutation berges de la lagune
des cultures, un lieu de remise d’une ville vulnérable
en question des apprentissages 2006 CASABLANCA, MAROC
et d’échange de haut niveau. Le grand projet urbain de Casablanca