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Les carnets no 2

février 2021

Gouvernance
et institutions

Grand Ouagadougou 2050 Aéroport


Aéroportde
Donsin
Donsin
de Donsin
Airport
Mobilité e
Donsin Airport
Smart
SmartTechnopole,
Technopole, Zone Paysage bleu/
Kongoussi Hôtelière et Résidentielle
Zone Hôtelière et Résidentielle
Innovation Hub
Innovation Hub, Hospitality
Hospitality and Residential zone Depuis sa créat
and Residential zone
verte de Ouaga
Loumbilla - Tourisme et
Loumbilla, Tourisme et zone
zone résidentielle restée qu’au sta
résidentielle
Loumbilla - Tourism and partie de sa sur
Loumbilla, Tourism and
residential zone
Korsimoro residential zone de passer du st
Université Ouaga 2 et
Université Ouaga 2 et
Industrie
Industrie Légère dede
Légère Kossodo
Kossodo ture verte de Ou
University Ouaga
University Ouaga 2 and
2 and
Kossodo
Kossodo-- Light Industrial
Light Industrial
Université
Université 2ie
2ie
2ie University zone qui continue de
Technopole
2ie University Ouahigouya Technopole
Industries légères actuelles. Cette
Industries
Innovativelégères
Industries portance de con
Cité Bassinko Koupéla Smart City
Zone Résidentielle
Cité Bassinko Innovative Industries
Bassinko Project Residential Area
protection des
Zone Rési- Grand Ouaga.
dentielle
Bassinko La création d’un
Université Joseph Ki Zerbo
Project Université
University Joseph
Joseph Ki Ki Zerbo
Zerbo urbaines vertes
Residential University Joseph Ki Zerbo néfique et perti
Area C’est une répon
Ancien
AncienAéroport
Aéroport
Zone d’industrie Eco-Centre Urbain
Centre Urbaine à mixte:
à Usage Usage
Zonezone
Industrial Old Airport Site
mixte plifieront dans
industrielle OldMixed-use
AirportUrban
SiteCenter maintenant. L’u
Industrial Mixed-use Green Urban aux changeme
zone Eco-Center
Ouaga2000 Centre Urbaine contribuera à ré
Ouaga2000
secundaire Centre Urbain
Kienfangue
secondaire d’usage mixte
d’usage mixte réduire la pollu
Kienfangue
Zone Résidentielle
Kienfangue
Zone
Ouaga2000 Mixed
Ouaga2000 Mixed use use servira de bouc
Secundary urban center
Residential Area Secundary urban center microclimat. Le
Résidentielle
Kienfangue Centre Urbaine secundaire
Centre
ville, est la prob
Koubri Urbain secondaire
Residential Bobo/ Côte Koubri
Industries légères travers les infra
agro-alimentaires
Area d’ivoire Industries
Koubri urbanlégères
center
agro-alimentaires
Uni
Light industry
saison pluvieus 2ie

Koubri urban center


Light industry Kongoussi habitées, de no K

d’eau stockeron
C
Zone R
Bassinko Project Resid

De nouveaux b
identifiés dans
vertes et bleues
Aéroport de
Donsin
de traitement e

15 ans de présence et
Université 2ie Donsin Airport
2ie University Smart Technopole,
Po / Ghana Kongoussi Zone Hôtelière
Innovation Hub
et Résidentielle
Ouahigouya Zone d
Indus
cités face à la de
Hospitality and Residential zone
Cité Bassinko
Loumbilla - Tourisme et
Zone Résidentielle
Université 2ie zone résidentielle

L’alliance bleu/
Bassinko Project Residential Area
2ie University Loumbilla - Tourism and
Aéroport de
Léo OuahigouyaDonsin Korsimoro
residential zone

motion de l’agrKi
Donsin Airport
Smart Technopole, Université Ouaga 2 et
Kongoussi Zone Hôtelière et Résidentielle Industrie Légère de Kossodo

d’expériences dans
Innovation Hub University Ouaga 2 and
Cité Bassinko Hospitality and Residential zone Zone Rési
Kossodo - Light Industrial
Université 2ie Zone Résidentielle
2ie University
Bassinko Project Residential Area Loumbilla - Tourisme et Technopole Ki
Ouahigouya zone résidentielle Industries légères Residen
Aéroport de Loumbilla - Tourism and Innovative Industries
Cité Bassinko
Zone Résidentielle
Bassinko Project Residential Area
Donsin
Donsin Airport Korsimoro
residential zone
chemin de fer railway
Zone d’industrie
Koupéla

Smart Technopole, Industrial zone


développement urbain zones vertes Kongoussi Zone Hôtelière et Résidentielle
centralité Université Ouaga 2 et
voies principales goudronnées
cours d´eau water courses
Innovation Hub Industrie Légère de Kossodo
Hospitality and Residential zone University Ouaga 2 and

2019-2050 à conserver Université 2ie


Loumbilla - Tourisme et importante Kossodo - Light Industrial
principal tarmac road
Université Joseph Ki Zerbo
University Joseph Ki Zerbo

barrage existant existing dam


2ie University
Technopole

protected
zone résidentielle

les villes africaines


urban development important
Ouahigouya Industries légères
Loumbilla - Tourism and
residential zone
Innovative Industries
voies
Kienfangue principales avec ligne de bus rapide

barrage proposé proposed dam


Ancien Aéroport

green zones
Cité Bassinko Koupéla

2019-2050 central area


Korsimoro Zone d’industrie Zone Résidentielle
principal tarmac road with fast bus lane
Zone Résidentielle Centre Urbaine à Usage mixte:
Bassinko Project Residential Area Industrial zone Kienfangue Old Airport Site
Université Ouaga 2 et
Zone d’industrie
Industrie Légère de Kossodo Residential Area Mixed-use Urban Center
University Ouaga 2 and Industrial zone
Kossodo - Light Industrial
Université 2ie Université Joseph Ki Zerbo Ouaga2000 Centre Urbaine
2ie University
Technopole University Joseph Ki Zerbo secundaire
Kienfangue
Ouahigouya
Zone Résidentielle
Industries légères Bobo/ Côte d’usage mixte
Innovative Industries d’ivoire Ouaga2000 Mixed use
Kienfangue
4 La gouvernance des villes africaines : une invention par
le terrain
Vincent Bourjaillat

Les Ateliers internationaux 7 Saint-Louis, Bangui, Bamako et Ouagadougou


de maîtrise d’œuvre urbaine Quatre ateliers de référence
Le Verger
rue de la Gare 8 Saint-Louis : Combiner les gouvernances pour des
95000 Cergy enjeux multiscalaires
www.ateliers.org Anne Durand

10 Bangui : vers un Grand Bangui inclusif


Les Ateliers Gabriel Tanguy Ngouamidou

Directrice 12 Bamako : développement urbain et gouvernance


Christine Lepoittevin Bassy Diara

Directrice des projets 14 Ouagadougou : un accélérateur de la mise en place


Véronique Valenzuela d’une gouvernance métropolitaine
Valentin Bayiri
Gestion et communication
Victoire Bayle 16 Témoignage
Abdoulaye Deyoko

17 Contributions
Rédacteur en chef invité transversales
Vincent Bourjaillat
18 Les Ateliers de Bamako en 2011 et 2014 et les enjeux
Coordination de gouvernance de la capitale malienne
Simon Brochard Juliette Coulibaly Paradis

Les plans et croquis illustrant 22 Agences autonomes et Partenariats Public-Privé-


les propositions sont extraits Population, leviers d’une gouvernance opérationnelle
des travaux des équipes du Grand Ouagadougou
des différents ateliers. Sylvain Saudo
Les illustrations des articles sont
la propriété de leurs auteurs 24 Sécurité urbaine dans les quartiers non-lotis de
respectifs, sauf mention explicite. Ouagadougou : les citadins, leurs traditions et leurs
institutions.
ISBN Léandre Guigma
979-10-93009-14-8
27 Contribution des organisations à l’amélioration du
Date de publication mode de vie des habitants des grandes villes africaines
Février 2021 Ndassa Younchawou

30 Gouvernance des villes et institutions en Afrique


Christophe Mestre
15 ans de présence
et d’expériences dans
les villes africaines

Gouvernance
et Institutions
La conception et la fabrique des villes sont La méthode des Ateliers est faite d’écoute,
par nature collectives. Les Ateliers internationaux d’échanges et de créativité. Elle est donc, par
de maîtrise d’œuvre urbaine de Cergy-Pontoise, essence, participative et collective. Elle a été
ont, en une quarantaine d’années d’existence, mise en œuvre en Europe, Asie, Amérique la-
constitué un réseau de professionnels de toutes tine et Afrique dans de nombreux villes et ter-
nationalités, générations et disciplines - archi- ritoires pour proposer des solutions innovantes,
tecture, urbanisme, géographie, économie, débrouiller des situations complexes et ouvrir
paysage, sociologie, art, ingénierie, environne- des consensus entre des parties contradictoires,
ment… - qui acceptent après une sélection de voire opposées.
grande exigence, de prendre part à une réflexion En Afrique ce sont environ 15 sessions qui
en équipes au croisement de la planification et ont été à ce jour organisées, toujours, ce qui est
de l’aménagement urbain. essentiel, avec une forte proportion de profes-
Chaque session d’atelier est un lieu de propo- sionnels africains. Un état des expériences peut
sition libre, où l’émulation d’un travail collectif et donc commencer à être dressé.
bénévole permet de faire émerger des concep- La variété des situations a engagé les Ateliers
tions, des représentations et des projets inno- à réaliser avec les participants, les pilotes et les
vants pour le devenir des espaces urbains en experts associés des synthèses thématiques res-
transition permanente. tituant en 5 livrets la diversité et la complexité
Des rencontres et échanges informels entre des problématiques urbaines rencontrées :
les autorités locales - décideurs, acteurs et › Cultures et sociétés
professionnels de l’urbain, forces vives locales › Gouvernances et institutions
concernées – et avec les participants à l’atelier › Mobilités et transports
jalonnent le déroulement des sessions de travail. › Environnement et adaptation au changement
Cette production collective permet de porter climatique
un regard nouveau, de varier les échelles, d’ou- › Foncier et droit à la ville.
blier les frontières administratives, de revisiter
les territoires et ainsi permettre l’expression
d’idées originales, que la pression du quotidien Pierre-André Périssol
et les rôles institutionnels ne peuvent pas faire Président des Ateliers, ancien Ministre,
apparaitre. Maire de Moulins

Gouvernance et Institutions 3
La gouvernance des édito
villes africaines : Vincent Bourjaillat

une invention
Rédacteur en chef, pilote de
plusieurs ateliers et copilote du Pôle

par le terrain
Afrique, ingénieur-urbaniste

Depuis l’antiquité, l’organisation de la « Cité » 1  L’URBANISATION DE L’AFRIQUE : UN


est un enjeu majeur pour le bon fonctionnement PROCESSUS DISTINCT DES PRÉCÉDENTS
des sociétés urbaines. La Cité, cet endroit où se MODÈLES CONTINENTAUX
rassemblent et se concentrent les hommes né-
cessite en effet qu’un certain nombre de règles A l’aune de ces processus observés sur le
du jeu communes soient définies et établies, temps long de l’histoire, à l’heure de la mon-
garantissant ainsi un équilibre entre les besoins dialisation généralisée et de l’urbanisation de
individuels et les besoins collectifs. Sinon c’est au l’ensemble de la planète, comment caractériser
mieux la loi du plus fort qui règne, au pire le dé- la situation de croissance urbaine de l’Afrique et
sordre et le chaos. aborder cet enjeu de la gouvernance des villes
Chaque continent, du fait de son histoire et africaines ?
des cultures dominantes qui y ont prévalu, a vu S’il reste prétentieux d’édicter des règles gé-
se développer des modèles et des types de villes nérales pour un continent si vaste avec des peu-
différentes, avec des écarts importants comme plements si différenciés selon les sous-régions,
par exemple entre les villes européennes, denses quelques invariants se dessinent quand même :
et souvent contraintes par leurs sites et la topo- une histoire urbaine incertaine, un rythme de
graphie, et les villes nord-américaines, conçues croissance très élevé avec des processus d’éta-
pour la voiture au sein d’un espace sans limites.. lement urbain très forts, une urbanisation en
Chaque ville, au cours de de l’histoire, connaît grande partie dé-corrélée du développement
des séquences de vie plus ou moins favorables : économique, et des Etats souvent peu puissants
certaines cités antiques florissantes ont disparu et peu efficaces, qui ne peuvent servir ni de
de la carte du monde, d’autres se sont assoupies guides ni de modèle.
puis sont revenues sur le devant de la scène (les › Le rythme élevé de la croissance urbaine est
« villes-phénix »), d’autres ont émergé et se sont nourri autant par la vitalité de la croissance dé-
imposées comme les nouveaux centres d’attrac- mographique que par l’exode rural et l’attirance
tivité et de modernité. Régulièrement, les villes des villes, emblèmes de la modernité. En fait tout
doivent donc repenser leur organisation pour va trop vite, les organisations publiques courent
s’adapter aux évolutions de la société et des après l’urbanisation, qui déborde jour après jours
échanges, et pour maintenir l’équilibre entre les limites administratives existantes et contribue
l’ensemble des intérêts qui s’y rencontrent et s’y à parcelliser le pouvoir des autorités politiques
confrontent. locales : d’où une généralisation des situations
En ce qui concerne leur organisation, la situa- où les autorités locales doivent acquérir une lé-
tion idéale dans laquelle le périmètre d’admi- gitimité pour agir à la bonne échelle, celles de
nistration correspondrait parfaitement au péri- l’agglomération urbaine.
mètre physique et spatial de l’urbanisation, avec › La dé-corrélation  entre la croissance urbaine
un bon équilibre des pouvoirs entre le centre et et la croissance économique est la grande par-
les périphéries, s’apparente régulièrement à la ticularité du continent africain : contrairement à
recherche du « graal » de la bonne gouvernance la révolution industrielle des pays occidentaux
urbaine pour la majorité des grandes villes et ag- ou au décollage du sud-est asiatique à la fin du
glomérations de notre planète. XXème siècle, la croissance urbaine africaine

4 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


n’est pas indexée sur la croissance économique. 2  DES GOU VERNANCES QUI S’INVENTENT
Les effets majeurs de cette situation sont de PAR LE TERRAIN ET PAR LE LOCAL
priver les Etats et les villes de la stabilité sociale
apportée par la création d’emplois et des res- L A BANALISATION DE L’ENJEU DE
sources fiscales générées par le développement L A GOUVERNANCE DES VILLES
des activités, mais aussi par une faible implica- DANS L’AGENDA PARTENARIAL
tion des grands acteurs économiques nationaux
et régionaux : le volet économique est généra- Face à ce constat d’une urbanisation débridée
lement le maillon faible des politiques urbaines et des faibles ressources humaines et financières
conduites par les villes africaines et de leurs do- disponibles pour y faire face, les responsables afri-
cuments de planification urbaine. cains ont dû, et doivent encore, recourir massive-
› L’histoire et l’expérience urbaine, à l’excep- ment à l’aide technique et financière des pays du
tion de quelques célèbres cités politiques ou Nord et des grandes institutions internationales.
marchandes, est faiblement présente dans les Ces aides étant généralement « conditionnées »,
cultures locales et ne peut donc pas servir de elles ont fait l’objet dans les années 1980/1990,
base ou de cadre de référence pour l’organisa- en ce qui concerne leur volet territorial, de re-
tion et la régulation des évolutions actuelles. Les commandations pour l’amélioration de la gou-
villes africaines se construisent donc majoritaire- vernance, la mise en place d’institutions plus dé-
ment selon le modèle du grand village, comme mocratiques et d’organisations territoriales plus
une juxtaposition de concessions et de villages. décentralisées. Puis, face à la corruption récur-
L’émergence d’une culture et d’un mode de vie rente des Etats, les grandes institutions internatio-
urbains est progressif et tarde parfois à s’im- nales ont plaidé l’émergence d’autorités locales et
poser comme le modèle dominant. La considé- d’un pouvoir municipal, considérées comme plus
ration et le respect des espaces collectifs et des efficaces car au plus près des besoins et des per-
biens communs, qui sont l’une des « obligations » sonnes.Plus récemment, dans un contexte de dé-
du mode de vie urbain, ne sont souvent pas en- veloppement mondialisé, prenant en compte les
core complètement acquis. nouveaux risques du réchauffement climatique
› La faiblesse des Etats-Nations. Bien que large- et des migrations de populations, l’adoption du
ment décrié lors des indépendances, et même Nouveau Programme pour les villes à Quito en
s’il a souffert quelques contre-exemples spec- 2016 et les nouveaux Objectifs du Développe-
taculaires comme en Somalie ou au Soudan, le ment Durable (ODD), notamment l’objectif 11
modèle de l’Etat-Nation hérité de la colonisa- en faveur des « villes et communautés durables »,
tion s’est finalement imposé comme l’objectif le c’est une approche plus globale qui prévaut : des
plus communément recherché par les respon- villes inclusives et résilientes, moins vulnérables
sables politiques africains. Ce modèle n’est sans au changement climatique.
doute pas l’idéal mais il possède de nombreuses Dans cette nouvelle approche, l’enjeu de la
cordes à son arc, comme les principes d’organi- réforme des institutions et de la bonne gouver-
sation et de hiérarchie de l’administration territo- nance des villes apparaît comme un enjeu trans-
riale entre un Etat central et des échelons décon- versal. Autrement dit, il est un peu partout mais il
centrés, principalement les régions. Cependant n’est plus vraiment un objectif prioritaire en soi.
il se décline mal à l’échelle des villes et des ag-
glomérations, et de fait, aucun dispositif un peu DES GOUVERNANCES URBAINES
général n’a émergé jusqu’à présent : hormis le MAJORITAIREMENT CONSTRUITES, DE
souci des gouvernements de garder directe- FAIT, PAR DES PROCESSUS BOT TOM-UP
ment la main sur les villes capitales, c’est plutôt
l’improvisation qui demeure quant à l’organisa- Cette banalisation des enjeux de gouver-
tion des principales villes, et ce dans la majorité nance urbaine dans les programmes internatio-
des pays du continent. naux et les coopérations bilatérales peut être vue
comme une chance et une liberté pour inventer
des formes d’organisation davantage ancrées

Gouvernance et Institutions 5
dans leurs territoires, et non pas en référence à création d’agences ou l’organisation de Partena-
un modèle apporté de l’extérieur. riats Public Privé Population (4P) sont autant de
En effet, si les pouvoirs municipaux n’arrivent facettes d’une même recherche de plus grande
toujours pas à jouer d’égal à égal avec les Etats, efficacité de l’action publique.
ils se sont néanmoins installés durablement dans › Enfin, ce carnet témoigne du changement de
les paysages institutionnels des pays. Les maires paradigme le plus frappant à observer au cours
des grandes villes africaines sont souvent de- des dernières années : une prise de distance
venus des personnalités influentes, et les acteurs vis-à-vis des doctrines d’organisation adminis-
de la société civile ne restent généralement pas trative et des « dogmes » des grandes institu-
les bras croisés. Ils sont actifs dans la revendi- tions financières internationales au profit d’une
cation et la mise en place d’organisations et de gouvernance participative reconnaissant davan-
services utiles au quotidien, et contribuent donc tage les citadins et les initiatives locales, et s’ap-
aussi à construire des gouvernances locales plus puyant sur les énergies et les propositions des
participatives et connectées au terrain. habitants et de la société civile. Le témoignage
Les contributions et témoignages recueillis de Gabriel Ngouamidou sur la reconstruction de
dans ce carnet attestent de cette situation où, en Bangui, le plaidoyer de Ndassa Younchawo sur
l’absence d’une « doctrine cadre », les acteurs lo- une gouvernance participative généralisée, la
caux n’attendent pas qu’on leur demande ou leur démonstration de Léandre Guigma sur la copro-
recommande de mettre en place des dispositifs duction de la sécurité urbaine des quartiers non
de bonne gouvernance urbaine et de conduite lotis de Ouagadougou sont autant d’exemples
d’une action publique efficace, ils cherchent et qui attestent de la place désormais prise par les
expérimentent différents modes de dialogue, démarches participatives et les initiatives locales
de partenariat et d’action, au plus près des obli- dans l’organisation réelle de la gouvernance des
gations de la gestion quotidienne. Ce bouillon- villes africaines.
nement hétéroclite donne à voir ce qui pourrait
constituer concrètement les grands piliers d’un PRÉPARER L’ÉTAPE D’APRÈS
début de modèle de la gouvernance des villes
africaines, et qu’illustrent les différentes contri- La gouvernance des villes africaines se carac-
butions recueillies dans ce carnet. térise aujourd’hui par une addition de dispositifs
› Tout d’abord, s’exprime le besoin de construire construits de manière empirique, plutôt adaptés
des visions stratégiques de long terme, pour à chaque réalité locale, et qui s’installent dans
pouvoir se projeter collectivement et anticiper la durée. Au-delà de la compréhension de cette
les situations futures, mais aussi pour éclairer les situation, l’enjeu est maintenant de passer de
choix plus immédiats et notamment dépasser la phase des prototypes a une phase de géné-
l’addition de projets ponctuels. C’est ce qu’at- ralisation des meilleurs systèmes, à la mise en
testent les exemples de St Louis du Sénégal, commun des bonnes pratiques, et à terme, à
avec l’enjeu du transfert sur la rive intérieure du l’élaboration d’un référentiel commun aux villes
fleuve du quartier des pêcheurs menacé par africaines.
l’érosion côtière, de Bamako avec l’élaboration La contribution de Christophe Mestre, qui
de la vision Bamako 2030 ou encore la démarche conclut ce livret, plaide ainsi pour accroître la
actuelle de la commune de Ouagadougou pour connaissance des villes africaines. Nous la pro-
organiser une intercommunalité avec les com- longeons en invitant les autorités politiques et
munes voisines. administratives, les ordres professionnels, les
› Ensuite, c’est le « mode projet » qui est mobi- organismes de formation africains et les parte-
lisé par de nombreuses collectivités pour définir naires de la société civile a davantage s’orga-
et « opérationnaliser » les politiques publiques, niser et se mobiliser dans les prochaines décen-
les rendre plus efficaces et au plus près des nies pour penser et formuler les spécificités des
besoins des citadins, tout autant que pour dé- villes africaines, et ainsi contribuer à davantage
passer les lourdeurs et les mauvaises habitudes insérer les peuples africains dans le grand jeu de
de l’administration. Des démarches d’ateliers, la la mondialisation de la 1ère partie du XXIe siècle.

6 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


Saint-Louis,
Bangui,
Bamako et
Ouagadougou
Quatre ateliers
de référence

Lors des assises de la


coopération décentralisée,
Bamako, Décembre 2011

Gouvernance et Institutions 7
Regard sur l’atelier
Saint-Louis : Combiner
Anne Durand
les gouvernances Participante de l’atelier, architecte

pour des enjeux


multiscalaires

Située au Nord du Sénégal et à UNE SITUATION UNIQUE , PLUSIEURS DÉFIS


l’embouchure du grand Fleuve,
la ville-archipel de Saint Louis Saint Louis, la grande ville au Nord du Sé-
est riche d’un passé colonial négal, possède de nombreux atouts, patrimo-
prospère et cosmopolite mais niaux avec l’inscription de l’île au patrimoine
a beaucoup perdu au béné- mondial de l’Unesco, mais aussi naturels, éco-
fice de la « nouvelle » capitale, nomiques ou culturels. Malgré ces potentiels,
Dakar. Quelle stratégie d’amé- elle n’a pas réussi à se développer comme une
nagement innovante proposer pour créer les métropole, face à la concurrence de Dakar, qui a
conditions d’un développement équilibré, en attiré la majorité des activités, administratives et
répondant au défi environnemental de l’éléva- politiques, mais aussi économiques.
tion du niveau des eaux et du changement cli- L’atelier qui s’est tenu anticipait des défis
matique, à celui de l’explosion démographique majeurs à relever, à la fois environnementaux,
attendue d’ici 2030, au service d’une économie économiques ou démographiques. En 2010, ils
urbaine dynamique, multipolaire et diversifiée ? étaient moins prégnants qu’aujourd’hui : faire
face à l’érosion des côtes, gérer les crues et pré-
Consultez tous les documents de Saint- server l’écosystème fragile du delta du fleuve
Louis 2010 sur le site des Ateliers. Sénégal, élaborer une stratégie pour loger une
population qui doublerait d’ici 2030, diversifier
les activités économiques : les retombées du
Saint-Louis 2030, nouvelle métropole africaine tourisme et de la pêche n’assurent pas un niveau
de vie satisfaisant pour la population locale …
Territoire concerné L’atelier de Saint Louis avait pour mission de
Saint-Louis - Sénégal construire une vision d’ensemble et définir des
Date effets de leviers. La question de la gouvernance
Du 10 au 24 Avril 2010 et du jeu des acteurs fut, comme souvent, es-
Pilotes sentielle et s’est posée à plusieurs niveaux. Les
Luc Raimbault, ingénieur-urbaniste et Vincent participants ont travaillé en étroite collabora-
Bourjaillat, ingénieur-urbaniste tion avec les services de la mairie et le Maire de
Participants l’époque, Cheick Bamba Dieye et les partenaires
21 participants venus de 10 pays (Belgique, France, Italie, de la Municipalité : les ONG, l’AFD, la coopéra-
Japon, Kenya, Mauritanie, Nigeria, Pologne, Rwanda, Sénégal) tion décentralisée, les industriels, les usagers, les
Partenaires locaux pêcheurs…
Mairie de Saint-Louis Face à l’urgence de certains défis, le pre-
Partenaires institutionnels mier sujet concerne la question des dispositifs
Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Agence à mettre en place pour réaliser les projets. En
Française de Développement, Lille Métropole, Unesco 2010, un nouveau port de commerce, associé à
l’aménagement d’un nouveau chenal étaient en-
visagés pour transformer Saint-Louis en centre
économique régional. Il nécessitait de déplacer
l’activité de pêche.
Difficile de convaincre les pêcheurs et leurs

8 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


REGARD SUR L’ATELIER – SAINT-LOUIS : COMBINER LES GOUVERNANCES POUR DES ENJEUX MULTISCALAIRES

épouses des quartiers de Ndar-Toute et Guet-


Ndar, de s’éloigner du bord de mer, puisque
toute leur vie y était organisée. Informel, le
sous-secteur artisanal traditionnel, est très dyna-
mique dans le pays et représente plus de 80% de
la production nationale (MPEM, 2016). La hausse
de la productivité ne constituait pas leur objectif.
Les pêcheurs logeant dans la bande des vingt
mètres en front de mer (la langue de barbarie),
très exposés aux changements climatiques et
à la montée des eaux constituaient cependant
une question centrale. Comment les décisions
peuvent-elles se prendre, lorsqu’elles mêlent
urgence et attachement à un lieu ? Comment se
positionner face à leur résistance ?

CONSTRUIRE UN NOU VEL


IMAGINAIRE COMMUN

La sensibilisation aux défis et la pédagogie


ont constitué les moyens choisis par les équipes Structure schématique de l’agglomération
pour aider les autorités locales à agir. Dix ans de Saint-Louis (schéma de l’Atelier)
plus tard, six cents logements sont en projet
avec la Banque Mondiale dans le cadre du Pro-
gramme de relèvement d’urgence de Saint-
Louis à 14 kilomètres des côtes au nord de la
ville, à Diougop, près de l’Université. La ques- D’où le questionnement de l’Atelier sur la sensi-
tion qui demeure réside dans la pertinence du bilisation des citoyens à leurs quartiers, la qualité
projet : répond-il aux souhaits des habitants de de vie dont ils sont en partie responsables. La
Guet N‘Dar, victimes de l’érosion côtière ? Cer- gestion des déchets et l’assainissement des eaux
taines équipes des Ateliers avaient proposé de usées constituaient par exemple des probléma-
combiner port de pêche, port de commerce et tiques essentielles en 2010, qui devaient passer
habitations déplacées sur un même espace au par une sensibilisation et une responsabilisation
sud de la ville. Le futur port demeure encore en de la population. De nombreux chantiers ont été
débat mais dans son nouveau programme ac- réalisés dans ce sens, ouvrant vers une meilleure
cueillerait un théâtre de plein air et un café-bar. équité entre les quartiers, dont un financé en
Cette mixité de fonctions serait-elle l’aboutisse- 2020 par la Banque Mondiale. Afin d’être plus
ment de décisions collectives ? attractive et après plusieurs années d’inertie,
A l’échelle de l’ensemble de la ville, Saint- le Programme de Développement Touristique
Louis constitue un exemple intéressant pour la (PDT) démarré en 2008, a relancé ses activités.
gouvernance, partagé entre des enjeux locaux, L’organisation de l’Atelier de 2010 aura donc
régionaux, nationaux. Elle demande d’être à permis aux partenaires locaux de commencer à
l’écoute et dans le partage. Rarement une ville construire une approche globale du territoire de
qui possède une richesse patrimoniale, une mé- St louis, condition nécessaire pour réussir à dé-
moire collective du passé n’aura autant vécu la nouer la complexité et les interactions existantes
nécessité de construire son futur sur un imagi- entre les différents défis urbains, environnemen-
naire commun. taux, économiques et sociaux.
L’enjeu est de taille quand nous savons que les Certains projets ont avancé, d’autres non,
habitants se considèrent avant tout comme ha- mais une dynamique de dialogue s’est installée
bitants d’un quartier plutôt que Saint-Louisiens. et portera progressivement ses fruits.

Gouvernance et Institutions 9
Regard sur l’atelier
Bangui : vers
Gabriel Tanguy Ngouamidou
un Grand Bangui Référent local, chargé de Mission en
matière d’Habitat et Logement Social
inclusif Ministère de l’Urbanisme de la Ville et de
l’Habitat, République Centrafricaine

A Bangui, capitale de la Répu- LES FRACTURES GÉOGRAPHIQUES DE BANGUI


blique Centrafricaine, les af-
frontements communautaires La crise qu’a connu la République Centrafri-
de 2013 ont laissé de pro- caine en 2013 a été l’une des plus destructrices
fondes cicatrices physiques et que n’ait jamais connu le pays.
mentales. Les autorités locales Pour sa capitale, Bangui, elle a eu comme
ont souhaité avec Les Ateliers conséquences entre autres :
se projeter de nouveau dans › La destruction du tissu urbain
l’avenir en construisant un projet de ville partagé › La destruction du tissu social
et commun pour tous les habitants de Bangui, › Une fracture sociale très prononcée
en repensant le grand territoire, celui de la ville
contemporaine. La ville de Bangui est constituée en grande
partie sur les quartiers qui se sont construits his-
Consultez tous les documents de toriquement sur des regroupements ethniques
Bangui 2018 sur le site des Ateliers. et régionalistes.
On peut citer en exemple des quartiers tels
que : Malimaka, Miskine, Sara Yakité, Mamadou
Bangui : De l’urbanité des Kodoros à Mbaiki, etc qui regroupent des natifs d’une ré-
la dynamique du grand territoire gion donnée. Arrivés à Bangui, ceux-ci se sont
regroupés dans des espaces géographiques qui
Territoire concerné ont par la suite constitué des quartiers portant
Le Grand Bangui – République Centrafricaine souvent le nom du premier arrivant.
Pilotes
Lamine Cassé, enseignant-chercheur, géographe, Université Ce mode de regroupement a été un facteur
Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal), Vincent Bourjaillat, important de fractures sociales et d’affronte-
ingénieur-urbaniste et Christophe Bayle, architecte-urbaniste ments communautaires, pendant la crise, mais
Date aussi au lendemain de la crise.
Du 29 juin au 10 juillet 2018 L’insécurité aidant, les populations de certains
Participants quartiers ne peuvent plus aller dans d’autres
12 participants venus de 6 pays étrangers (Cameroun, quartiers constitués majoritairement des popula-
Centrafrique, France, Inde, Espagne, Zimbabwe) tions qui leurs sont hostiles, confortant ou renfor-
Partenaires locaux çant les fractures urbaines existantes.
Mairie de Bangui, Ministère de l’urbanisme, de la ville Au niveau des structures marchandes, Bangui
et de l’habitat de la République Centrafricaine a alors connu et connaît encore à l’heure actuelle
Partenaires institutionnels une désorganisation totale des marchés entraî-
AFD et Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères nant un problème social sans précédent, difficile
à résoudre par les autorités du pays.

En effet, les commerçants qui, jadis, vendaient


dans certains marchés de la ville ne peuvent plus
y retourner en raison de l’insécurité dans les
zones concernées. Ils créent d’autres marchés
informels ou en occupent des beaucoup plus

10 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


REGARD SUR L’ATELIER – BANGUI : VERS UN GRAND BANGUI INCLUSIF

petits, générant un surnombre et des problèmes Dynamiques internes

urbains de circulation, de transport urbain et de Principaux axes

densification incontrôlée.
Arc des polarités

Dynamiques péricentrale et périphérique

Une autre conséquence est le déplacement Principaux lieux communs avec des commerces

massif de la population d’une zone à l’autre, Principaux marchés

Axes des lieux communs

créant une pénurie en matière de logement et Modes d’habitat dominants

services sociaux de base. Centre-ville

Zones dominées par l’habitat loti

PK12 Zones dominées par l’habitat spontané

Des quartiers comportant jadis des équipe- Environnement

ments sociaux de bases relativement limités ont


Collines

Fleuve et rivière

été envahis par la population d’autres quartiers,


Gobongo
fuyant l’insécurité dans leurs zones, créant ainsi
des manques et une pression dans tous les do- Combattant Boy Rab

Aéropo o Bangui
maines (logements, services sociaux de bases,

M’Pok
Miskine

rt intern
ational
etc). C’est dans ce contexte que s’est tenu l’Ate- Co
lline de
Kassai

lier de Cergy de Bangui en 2018.

Gb
za

a
Ba
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i

PK5 Oaungo
PK0

CRÉER DU LIEN ENTRE LES QUARTIERS


s
ge
sin
Pétévo es

d
Île
La démarche adoptée par l’Atelier de Cergy PK8
GU
I

était basée sur la gouvernance sociale et a

N
BA
OU
contribué à créer une dynamique au niveau des M p oko

quartiers. N
0 1 2 3 4 km

Cette démarche qui consistait à impliquer


la population dans la définition des enjeux ur- République Centraficaine République Démocratique du Congo

bains au niveau de leurs quartiers a permis de


regrouper des associations des femmes et de
jeunes de différents horizons, étudiants, actifs et Les participants ont proposé de relier les
sans emplois, venant de différentes parties de la quartiers au travers de « l’axe des polarités ».
ville de Bangui, afin de réfléchir sur les meilleures
manières d’enclencher de nouvelles dynamiques
sociales au sein des quartiers.

Des réflexions ont été faites dans le sens de


créer des espaces de rencontre et de vie in-
ter-quartiers afin de favoriser un brassage de la
population et de briser les barrières historiques,
nées du mode de regroupement de la popula- tives et de diverses formes de participation po-
tion, et favoriser la cohésion sociale et le vivre pulaire faisant de l’espace urbain une mosaïque
ensemble. de cultures, où s’expriment des luttes et des re-
Ces réflexions menées dans un contexte gé- vendications pour des espaces plus inclusifs.
néral qui consiste à réinventer le grand Bangui
en associant la population ont abouti sur une Avec la paix retrouvée à Bangui, les auto-
prise de conscience par les autorités publiques rités du pays entendent consolider, intensifier
de la nécessité de construire une identité de ville et surtout étendre cette expérience à d’autres
collective pour assurer la diversité et le vivre en- structures et établissements humains au sein du
semble dans le grand territoire. Grand Bangui et à l’intérieur du pays, afin d’être
Cette expérience a permis de relever que les une piste majeure dans les réflexions devant
établissements humains constitués des quartiers conduire à la redéfinition des villes durables, in-
informels ou sous équipées regorgent d’initia- clusives et prospères.

Gouvernance et Institutions 11
Regard sur l’atelier
Bamako :
Bassy Diara
développement Référent local, conseiller du Maire de Bamako

urbain et gouvernance

Bamako, comme la plupart des UNE CAPITALE EN CROISSANCE


grandes capitales africaines, est
irréversiblement confrontée à Caractérisée par une démographie exponen-
la nécessité de se doter d’une tielle (+ de 5%/an) et un étalement urbain incon-
vision à long terme de son dé- trôlé qui éclate les limites de la ville, Bamako est
veloppement et de son orga- confrontée à des besoins insatisfaits des services
nisation en tant que métropole de base, une insuffisance d’équipements struc-
multimillionnaire. L’atelier de turants et une quasi absence de planification ur-
2011 avait pour objectif de définir un système baine depuis plus de deux décennies (absence
de centralités urbaines adapté à l’extraordi- de Schéma Directeur).
naire croissance de la ville, articulé à un réseau
de transports collectifs performant, et encoura- Avec ses 2/3 de la population urbaine du Mali,
geant la densification. En 2014, une deuxième 80% des industries, 75% des importations et 10%
session s’est appuyée sur les résultats du pre- des exportations, elle représente 40% du Pro-
mier atelier pour établir une feuille de route duit Intérieur Brut (PIB). Motrice de l’économie
opérationnelle qui décrive les projets structu- malienne, située à 90 km des capitales Ouest
rants à réaliser dans les prochaines années. africaines, Bamako présente un site naturel ex-
ceptionnel, porteur d’histoire et d’identité col-
Consultez tous les documents de Bamako lective pouvant amorcer son développement
2011 et 2014 sur le site des Ateliers. économique par son attractivité à la condition
d’apporter de la cohérence territoriale sous une
gouvernance clairement établie et affirmée.
Bamako : Les nouvelles centralités
(2011) / Stratégie opérationnelle de UNE FAIBLESSE INSTITUTIONNELLE QUI FREINE
la vision Bamako 2030 (2014) L’AMÉNAGEMENT URBAIN DE L A CAPITALE

Territoire concerné Pour la promotion du développement local et


Métropole de Bamako – Mali son ancrage dans le processus de démocratisa-
Pilotes tion, la réforme de la décentralisation de 1993 a
Vincent Bourjaillat, ingénieur-urbaniste (2011 et 2014), créé 703 communes accompagnées d’un arsenal
Franck Charlin, urbaniste (2011), Juliette Coulibaly-Paradis, législatif et réglementaire assurant l’implantation
urbaniste (2014) et Nicolas Détrie, urbaniste (2014) forte et irréversible des collectivités territoriales
Dates dans le paysage institutionnel malien. Avec son
Du 8 au 22 juillet 2011, et du 13 au 20 Juin 2014 statut particulier, le District de Bamako est érigé
Participants en collectivité territoriale s’administrant dans le
21 participants venus de 9 pays (Angleterre, Burkina cadre des lois et règlements qui lui instruisent le
Faso, Cambodge, Cameroun , Côte d’Ivoire, France , tutorat du Ministère de l’Administration Territo-
Hongri , Mali, Tchad) puis 9 participants venus de 5 pays rial. Les matières relevant de ses compétences,
(Afrique du Sud, France, Espagne, Mali et Tchad) notamment la responsabilité du Schéma d’amé-
Partenaires locaux nagement et d’urbanisme et son programme de
Ville de Bamako développement se heurtent aux prérogatives
Partenaires institutionnels des six communes qui le composent ainsi que
AFD et Agence d´urbanisme de l´aire métropolitaine lyonnaise les grands projets sectoriels de l’Etat. C’est là

12 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


l’une des limites de la loi 96-025 du 21 février
1996 qui éclate le pouvoir local et installe une
faiblesse institutionnelle qui laisse peu de place
à l’affirmation de l’autorité de Bamako.

« Finalement ! ! !, qui est le responsable de la


ville de Bamako ? » s’interrogeait le Président de
la République du Mali en 2009, pendant que la
Nation préparait les festivités du Cinquantenaire
dans la Capitale, entre les prévisions d’investis-
sement de l’Etat avec près de 222 milliards CFA
et le plan de développement de la Mairie du
District de Bamako. Cette affirmation illustre, à
elle seule, l’éclatement du pouvoir local bama-
kois au moment où les élus prennent conscience
du développement urbain à travers le 1er Forum
développement Urbain (2010) et les deux ate-
liers de maîtrise d’œuvre urbaine (2011/2014)
qui préfigurent la vision « Bamako Horizon 2030,
Croissance et Développement –Imaginer les
stratégies urbaines pour un avenir maîtrisé et
partagé » du Conseil du District de Bamako.

UN DÉBUT DE SOLUTIONS POUR


UNE STRATÉGIE D’ENSEMBLE

Une ville aménagée, équilibrée et agréable à


vivre, économiquement performante avec une
identité collective renforcée, telles sont les pers-
pectives de stratégies urbaines qui se mettent
en place à la faveur de la prise de conscience
des insuffisances de la loi remplacée par la loi
2017-051 du 2 octobre 2017. Elle apporte des
solutions à l’éclatement du pouvoir local, met en Évolution vers un système de
place l’Agence de Développement Régionale polycentralités (schéma de l’atelier)
de Bamako (ADR) porteuse de grands projets
structurants et améliore la coordination entre
les exécutifs locaux. Dans l’attente de la mise en
application des dispositions réglementaires, les
services s’efforcent d’apporter de la cohérence
dans la gestion du développement urbain par d’Urbanisme préparent le futur Schéma d’Urba-
une meilleure concertation notamment à travers nisme de Bamako, la réorganisation des struc-
l’activation du Comité Régional d’Orientation, de tures avec une fonction urbaine importante, les
Coordination et de Suivi des Actions de Déve- propositions sur une mobilité/logistique perfor-
loppement du District de Bamako (CROCSAD) mantes et les questions intercommunales. Ces
présidé par le Gouverneur (Préfet) en collabora- futurs aménagements obéissent à la vision Ba-
tion avec le Maire de Bamako. mako Horizon 2030 avec les résolutions issues
des ateliers de 2010/2011 et de 2014 malgré le
Ainsi Sous l’autorité du Maire de Bamako, retard dans la définition des limites du territoire
l’ADR et la Cellule de Préfiguration d’une agence de Bamako.

Gouvernance et Institutions 13
Regard sur l’atelier
Ouagadougou :
Valentin Bayiri
un accélérateur de Conseiller technique du Maire,

la mise en place Jean-Yves Kiettyetta


Directeur Général du Conseil des
d’une gouvernance transports du Grand Ouaga

métropolitaine Georges Ismaël Ouedraogo


en charge du service des Etudes,
Mairie de Ouagadougou

Capitale bouillonnante, Ouaga- UNE MÉTROPOLE EN MUTATION


dougou est une ville sahélienne
faisant face à une croissance Ouagadougou connaît, à l’instar des autres
démographique exponentielle villes d’Afrique subsaharienne de même statut,
et à de nombreuses vulné- une croissance urbaine soutenue induisant un
rabilités environnementales étalement de l’espace urbain au-delà des limites
au premier rang desquels les administratives de la municipalité et empiétant
questions hydriques. Com- par-là sur les collectivités territoriales avoisi-
ment projeter Ouaga 2050 en faisant rencontrer nantes, un équipement déficient en services de
l’échelle locale du quotidien et l’échelle globale base, le développement d’un habitat informel
d’une métropole, et en répondant aux menaces et une mauvaise accessibilité des quartiers péri-
qui pèsent sur elle ? phériques, qui abritent généralement des popu-
lations à bas revenus.
Consultez tous les documents de
Ouagadougou 2019 sur le site des Ateliers. A la fois ville capitale, chef-lieu de région et
de province, et commune urbaine à statut parti-
culier, Ouagadougou est aujourd’hui une métro-
Ouagadougou 2050, Vivre le quotidien pole sans politique métropolitaine.
à l’échelle du grand territoire Loin de s’estomper, la mutation urbaine en
cours nécessite une anticipation et une planifica-
Territoire concerné tion du développement de la métropole, afin de
Le grand Ouagadougou - Burkina-Faso répondre aux nombreux défis qui en découlent.
Pilotes D’où la tenue de l’atelier international d’urba-
Sylvain Saudo, ingénieur et Halimatou Mama nisme de Ouagadougou en mars 2019, sur le
Awal, docteure en architecture thème « Ouagadougou 2050, vivre le quotidien
Dates de l’atelier à l’échelle du grand territoire ». L’objectif de l’ate-
Du 1e au 16 Mars 2019 lier était la construction d’une vision d’avenir
Participants pour le territoire métropolitain ouagalais. En
12 participants venus de 11 pays (Pays-Bas, Burkina d’autres termes, il s’agissait de réfléchir à la stra-
Faso, Danemark, République Tchèque, Ouganda, Inde, tégie de développement de Ouagadougou à
France, Cameroun, Bénin, Sénégal, Côte Ivoire) l’horizon 2050 en s’appuyant sur ses spécificités
Partenaires locaux et le tissu des initiatives locales pour répondre
Mairie de Ouagadougou à ses vulnérabilités et accompagner sa mutation
Partenaires institutionnels urbaine.
Agence Française de développement, Union Européenne
L’atelier a mis en exergue que la dynamique
démo-spatiale pose pertinemment la question
de la gestion urbaine en général et celle de la
gouvernance institutionnelle en particulier. Les

14 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


REGARD SUR L’ATELIER – OUAGADOUGOU : UN ACCÉLÉRATEUR DE LA MISE EN PLACE D’UNE GOUVERNANCE MÉTROPOLITAINE

nouvelles configurations auxquelles doivent La construction du


faire face les gestionnaires de Ouagadougou, et Grand Ouaga est
qui sont communes aux villes africaines, se tra- une opportunité
duisent par le besoin de définition d’une gouver- pour instituer
nance, de schémas d’urbanisme et d’orientations une gestion
pour l’aménagement du territoire aux nouvelles intégrée de l’eau
échelles des métropoles urbaines, ainsi qu’une et des paysages
gestion intégrée de ce nouveau système urbain.
En effet, les structures de gouvernance exis-
tantes ont fait la preuve de leur insuffisance, leurs
structures juridiques et institutionnelles ayant été
conçues pour des villes monocentriques à struc-
ture municipale unique, plutôt que pour des
systèmes urbains à structure multimunicipale et
multinodale.

LE GRAND OUAGA EN CONSTRUCTION

L’atelier a permis par la suite de poser les ja-


lons d’une gouvernance urbaine par la coopé-
ration intercommunale entre la Commune de
Ouagadougou et sept autres communes limi-
trophes ou environnantes : Komki-Ipala, Kom-
silga, Koubri, Loumbila, Pabré, Saaba et Tan-
ghin-Dassouri. Le processus de création de cette
intercommunalité a été déclenché en septembre
2019 lors d’un séminaire international de plani-
fication urbaine dans la commune de Loumbila.
Lors de ce séminaire, les enjeux et défis de la
gouvernance d’une intercommunalité à l’échelle
du Grand Ouaga ont été débattus, à travers des Les collectivités territoriales parties prenantes
dialogues techniques et politiques ainsi que le ayant adhéré au projet sans réserve, sa concréti-
partage d’expériences internationales. sation est escomptée pour l’année 2020. Cette
initiative bénéficie pleinement du soutien de
Le séminaire a été l’occasion de réunir des l’Etat burkinabè, représenté par le Premier Mi-
instances du gouvernement local, central et nistre lors de l’atelier. Elle bénéficie également
des institutions internationales pour stimuler le du soutien des organisations internationales.
dialogue entre les différentes échelles de gou- Par ailleurs, la Communauté des communes
vernance. Des dialogues préliminaires de facili- du Grand Ouaga s’organise concrètement avec
tation avaient été menés par la mairie de Ouaga- un secrétariat exécutif et des structures tech-
dougou, avec les membres du gouvernement niques opérationnelles tels le Conseil des trans-
central et les représentants des collectivités ports du Grand Ouaga (CTGO) et l’agence d’ur-
territoriales du Grand Ouaga afin de présenter banisme du Grand Ouaga (AUGO). Ils sont en
les enjeux de l’intercommunalité. À la fin de ce cours d’opérationnalisation et assumeront res-
séminaire, un Mémorandum d’entente de créa- pectivement la mission principale d’autorité or-
tion de l’Intercommunalité du « Grand Ouaga » a ganisatrice des transports urbains dans le Grand
été signé par les représentants des communes Ouaga et de planification urbaine à l’échelle
concernées, avec l’appui du gouvernement cen- métropolitaine. Elles auront le statut d’Etablis-
tral. Une feuille de route pour les prochaines sement public local intercommunal (EPL) afin de
étapes a aussi été adoptée. les rendre pleinement autonomes.

Gouvernance et Institutions 15
TÉMOIGNAGE

Abdoulaye Deyoko
Directeur Fondateur de l’Ecole Supérieure d’Ingénierie,
d’Architecture et d’Urbanisme (ESIAU), Bamako

En tant que membre du jury des Ateliers pen- organisé à Paris par une ONG Française portant
dant 3 années successives (2 à Porto Novo et 1 surl a restructuration écologique d’un bidonville
à Bamako) et en tant que Directeur fondateur et son adaptation au changement climatique. Sur
d’une école d’Architecture et d’Urbanisme, nous 36 écoles d’architecture et d’urbanisme l’ESIAU
pouvons témoigner sur l’impact de ces ateliers s’est classée 2ème. Ces participations nous éga-
sur nos modes d’interventions dans nos villes. lement encouragé à élaborer un projet d’amé-
Dans le cadre de notre modeste expérience nagement urbain en design urbain autour de
nous avons constaté qu’en matière d’analyse thématiques portant sur des jardins connectés et
urbaine en Afrique la pluridisciplinarité est rare- la fracture numérique, dans l’espace public d’un
ment utilisée, on se contente souvent des études quartier de Bamako. Au delà du projet en tant
des experts venus d’ailleurs qui n’ont aucune que tel, c’est le mode de gouvernance du quar-
pratique urbaine et qui associent très peu les tier qui est présenté. Il s’agit, et c’est sa force, d’un
techniciens et surtout les institutions de forma- projet initié par les habitants d’une commune de
tion en la matière. Bamako avec les élus locaux

  Les thématiques retenues dans les Ateliers En conclusion de cette brève contribution je
sont innovantes car non seulement elles tiennent souhaite faire ressortir l’impact des Ateliers non
compte des préoccupations des écoles d’archi- seulement sur les participants (étudiants et pro-
tecture et d’urbanisme en permettant aux étu- fessionnels) mais aussi sur la mobilisation des
diants d’être confronté à la réalité urbaine mais acteurs locaux que sont les communes face aux
elles permettent surtout aux autorités locales problèmes d’aménagement urbain.
d’avoir un autre regard sur leurs territoires et les
incitent à prolonger la réflexion sur les théma- Site Internet de l’ESIAU : www.esiau-mali.com
tiques développées.

Les Ateliers de Bamako après ceux de Porto


Novo ont porté sur les nouvelles centralités de
Bamako Métropole Quel système de centralités
urbaines adapté à l’extraordinaire croissance
de la ville ? Ceci a marqué le coup d’envoi de
l’organisation des thématiques autour du déve-
loppement durable des villes africaines par les
autorités locales. En effet les « Ateliers » de Ba-
mako ont permis à la mairie de cette ville d’initier
un document intitulé Bamako 2030 élaboré par
différents spécialistes locaux ainsi que l’institu-
tionnalisation d’un Forum sur le développement
urbain de Bamako qui se tient chaque année au
mois de février. Ce Forum en est à sa 4e édition.

Concernant l’ESIAU, la participation à 3 ate-


liers (2 à Porto Novo et 1 à Bamako) nous a
poussé à participer à un concours international

16 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


Contributions
transversales
Juliette Coulibaly Paradis, France

Sylvain Saudo, France

Léandre Guigma, Burkina-Faso

Ndassa Younchawou, Cameroun

Christophe Mestre, France

Saint Louis, sur


le petit bras du
fleuve Sénégal

Gouvernance et Institutions 17
Les Ateliers de Bamako mais réduits1 les services techniques propres de
la mairie centrale sont engagés mais accaparés
en 2011 et 2014 et les par la gestion du quotidien.

enjeux de gouvernance L’Etat lui-même semble dépassé pour conce-


voir une vision à moyen et long terme de sa ca-
de la capitale malienne pitale. En 2010, Le schéma directeur du District
de Bamako est largement dépassé, la popula-
Juliette Coulibaly Paradis tion ayant plus que doublé depuis la dernière
Pilote de l’atelier Bamako 2014, urbaniste révision en 1995, et l’aire urbaine débordant
largement des limites administratives. La lenteur
de la réforme du statut particulier du District de
Bamako, incluant le débat sur l’intégration des
LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL DE BAMAKO communes rurales périurbaines, empêche toute
EN DÉBUT DE MANDAT (2009-2014) planification à la bonne échelle. L’Etat engage
des projets d’envergure sans réflexion globale
Mise en place avec la démocratie dans le stratégique. Ainsi, le cinquantenaire de l’indé-
milieu des années 1990, la décentralisation ma- pendance en 2010 a été l’occasion de la réali-
lienne est jeune, et le système institutionnel de sation de multiples équipements « hors sol » qui
la capitale est morcelé et bicéphale. Le District restent juxtaposés, tels que la cité administrative
de Bamako est une collectivité locale à statut ministérielle, de l’échangeur routier à la sortie
particulier, divisée en six communes urbaines de du pont Fahd, du troisième pont sur le Niger, de
plein exercice levant l’impôt, dont les maires élus l’aménagement du marigot Diafarana Ko,… La
par la population sont sous l’autorité du Gouver- croissance urbaine exponentielle a alimenté une
neur du District . Elle est assimilée à une Région, coalition des communes périphériques en op-
mais partage certaines compétences générales position au cœur d’agglomération, rassemblées
avec les six communes, sans avoir aucune auto- en association sur le thème de la ville centre, et
rité sur elles. Ainsi à Bamako, le pouvoir se par- de ses grands commerçants, qui grignotent les
tage entre le maire et le Gouverneur du District, terres agricoles des villageois dans un but spé-
ce qui entraine un manque de coordination et culatif, et déverse ses déchets dans les champs.
parfois une paralysie du pouvoir de la capitale.
LE CONTEXTE URBAIN DE BAMAKO EN 2010
A cet imbroglio institutionnel s’ajoute la fai-
blesse des services techniques décentralisés, En 2010, Bamako est la capitale d’un pays po-
et le manque d’une direction territoriale pour litiquement stable, enclavé, un peu excentré des
piloter l’aménagement et le développement ur- grands axes de développement régionaux, dont
bain. La compétence de l’urbanisme et du déve- l’économie repose sur l’agriculture paysanne et
loppement urbain a été transférée aux mairies, les mines. La transition urbaine est encore loin
mais dans les faits l’Etat continue de disposer d’être réalisée et la ville n’est globalement pas
des lignes budgétaires et de l’essentiel des res- appréhendée comme moteur de développe-
sources humaines. Les services déconcentrés ment économique national, malgré une prise
sont mis à disposition, comme la Direction Régio- de conscience avec l’adoption en 2009 par l’Etat
nale de l’Urbanisme et de l’Habitat du District de de la Stratégie de Développement des Villes du
Bamako (DRUH-DB), mais elle n’a les moyens de Mali (SDVM). Fin février 2010 la mairie du Dis-
contrôler ni l’habitat spontané ni le respect des trict de Bamako organise un premier Forum du
servitudes et des emplacements réservés. Les Développement Urbain rassemblant les maires
ordres professionnels techniques sont mobilisés des communes de Bamako et des communes

1 18 urbanistes inscrits à l’ordre en 2010

18 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


alentours, l’Etat, les professionnels de la ville, de quelques équipements de rayonnement in-
les représentations diplomatiques, et les par- ternationaux tels que l’aéroport, la gare interur-
tenaires au développement. La ville est passée baine et l’université, qui n’ont pas généré de
d’un à deux millions d’habitants en dix ans, avec centralités métropolitaines. La tentative de dé-
un taux de croissance urbaine de 5,4%, le plus sengorger le centre historique en délocalisant le
rapide des villes africaines. La prospective dé- grand marché dans les Halles de Bamako sur la
mographique envisage le triplement de la po- rive droite n’a pas été suivi d’une réorganisation
pulation d’ici 2030 pour passer de 2 à presque structurelle de la desserte et n’a pas fonctionné.
6 millions d’habitants. Les bamakois sont jeunes, La structure urbaine qui prévalait pour une petite
à éduquer, mais représentent aussi une force de ville ne fonctionne plus pour une métropole mul-
travail potentielle, dans un climat de mixité et de timillionnaire.
bonne cohésion sociales.
LES ENJEUX ET RÉSULTATS DU
La ville se développe pratiquement à rez-de- PREMIER ATELIER DE L A MAÎTRISE
chaussée sous forme de lotissements de par- D’ŒU VRE URBAINE À BAMAKO
celles de 600 à 300m². Malgré les collines des
monts mandingues au Nord, elle s’étale sur les Dans la dynamique du 1er forum du Dévelop-
communes rurales périurbaines, confisquant pement Urbain de Bamako, la mairie du District
le foncier, appauvrissant les villageois paysans, de Bamako fait appel aux Ateliers de Cergy. La
éloignant les populations des pôles de res- question d’un système de centralités urbaines
sources, et ne parvenant pas à répondre aux be- adapté à l’extraordinaire croissance de la ville, ar-
soins des nouveaux quartiers périphériques en ticulé à un réseau de transports collectifs perfor-
infrastructures, équipements structurants et ser- mant, et encourageant la densification comme
vices de bases (accessibilité, mobilité, salubrité, alternative à l’étalement, émerge comme sujet
eau, électricité, santé, éducation). du workshop. L’idée directrice est de rééquili-
brer la structure de la capitale en tenant compte
L’organisation urbaine est globalement restée de son statut de métropole multimillionnaire
la même qu’à l’époque coloniale : un unique devant se développer sur ses deux rives autour
centre-ville sur la rive gauche du fleuve Niger, d’une identité commune, dans un site naturel
concentre les fonctions commerciales, poli- exceptionnel, avec au centre le fleuve Niger. Il
tiques, administratives, financières, religieuses. s’agit ainsi de promouvoir le passage d’une mo-
Le réseau viaire et les transports en commun no-centralité à une poly-centralité. La présence
(SOTRAMA) convergent vers le grand marché, le de 21 professionnels confirmés, aux nationalités,
marché rose, la gare ferroviaire à l’arrêt, la grande expériences, professions, variées, est garant
mosquée, et l’Assemblée Nationale. Il s’en suit d’une production de qualité et s’est avérée très
une congestion hors de toute proportion avec formatrice pour tous, en particulier pour les pro-
le parc automobile vétuste et modeste mais en fessionnels locaux participants aux équipes de
augmentation. Le centre névralgique de la ville conception.
est asphyxié, évité par ceux qui le peuvent, à la
merci des incendies accidentels. Il reste néan- La mobilisation de personnalités de haut ni-
moins le cœur de l’activité commerciale, où se veau au jury final est réussie grâce au portage
rejoignent transporteurs, commerçants de gros politique et à la mobilisation du réseau des Ate-
et de détail, et joue un rôle décisif en terme d’ap- liers, de l’ensemble des partenaires français et
provisionnement et d’activité économique. de l’AIMF et de CGLUA par la mairie du District.
Le jury coprésidé par le Ministre Pierre André
La rive droite, urbanisée depuis les années Périssol et le maire du District de Bamako, ras-
1970, et connectée à la ville historique par semble des ministres maliens, les maires des
deux puis trois ponts à partir de 2011, compte communes de la métropole, des maires ou élus
la moitié des bamakois, mais reste une ville de métropoles africaines et françaises, des ac-
dortoir, très sous équipée malgré l’existence teurs internationaux. La discussion libre entre

Gouvernance et Institutions 19
maîtres d’ouvrages et partenaires qui a résulté LES BÉNÉFICES DES ATELIERS POUR
de ce jury a contribué à poser un diagnostic sur L A STRUCTURATION DE L A VISION
l’état de la métropole et à identifier au sein de la « BAMAKO HORIZON 2030 »
production des équipes les éléments d’analyse
et de projet les plus pertinents. Le coup d’Etat militaire du 22 mars 2012 fra-
gilise considérablement et durablement l’Etat du
A l’issue de l’atelier, la légitimité de la mairie Mali, mais les maires restent en place et assurent
du District de Bamako comme chef de file des la continuité de la puissance publique. Dans ce
collectivités locales de la métropole est ren- contexte, les élus de Bamako et des communes
forcée parce qu’elle a porté l’une des premières riveraines s’appuient sur la production de l’Ate-
expressions de stratégie urbaine pour la capitale lier et le soutien de la coopération française,
depuis le schéma directeur avorté de 2004. La notamment de l’Agence d’Urbanisme du Grand
mairie du District démontre à l’Etat central sa ca- Lyon, pour élaborer une vision politique, car-
pacité à activer des partenaires pour exercer ses tographiée et partagée de Bamako à l’horizon
compétences stratégiques, et pose en tant que 2030. Elle synthétise les perspectives secto-
maître d’ouvrage, les bases d’une stratégie de rielles présentes dans les différents ministères, et
développement urbain à horizon 2030, partagée s’adossent à des orientations politiques simples,
entre tous les acteurs, dans une recherche de exprimées à trois échelles : l’Afrique de l’Ouest,
bénéfice collectif, permettant d’aller des projets la métropole, le centre ville du District de Ba-
sectoriels à une stratégie d’ensemble, et égale- mako sur ses deux rives. Le Comité Technique
ment de mettre en place un cadre de concerta- du Développement Urbain (CTDU), renforcé par
tion à l’échelle du Grand Bamako. l’expérience de l’atelier de 2011, missionne une
équipe pluridisciplinaire. Les acteurs du comité
L’Atelier de 2011 conforte également le posi- des partenaires locaux, sont mobilisés ainsi que
tionnement de la mairie du District de Bamako le cadre de concertation avec les élus des com-
par rapport aux ordres des professionnels, no- munes riveraines. Le dialogue avec la junte au
tamment à travers la mise en place d’un comité pouvoir s’établit, et c’est ensemble, maires de
des partenaires locaux. Celui-ci donne l’occasion Bamako, maires des communes rurales périur-
à la mairie de dialoguer ouvertement avec un baines, ministre de l’administration territoriale,
ensemble de professionnels du pays (urbanistes, pilotes de l’atelier de 2011, que Bamako pré-
architectes, géomètres, ingénieurs, sociologues, sente sa vision à l’horizon 2030 lors de la confé-
enseignants géographes, historiens) autour rence Africités de décembre 2012 à Dakar.
d’une même problématique stratégie urbaine, En 2013, malgré le contexte sécuritaire qui se
ce qui étaye la réflexion, la nuance, la crédite et dégrade, la mairie du District de Bamako met en
la partage. place une cellule de préfiguration d’une agence
d’urbanisme. Elle capitalise l’expérience de l’Ate-
Le dialogue avec les communes rurales voi- lier de 2011 afin de produire de la connaissance
sines est renoué, dans une démarche d’élabo- sur la ville et d’être une aide à la décision poli-
ration et de partage d’une vision commune ga- tique. L’objectif est de lancer le Schéma Directeur
gnante-gagnante pour les communes du centre d’Aménagement du Grand Bamako, sous la maî-
de la métropole comme pour celles de la péri- trise d’ouvrage effective des collectivités locales
phérie. La mairie du District associe les maires avec la mairie du District comme chef de file, et
des communes riveraines aux réunions du co- avec la vision Bamako à l’horizon 2030 comme
mité des partenaires techniques, et à tous les fil directeur. Malheureusement, la faiblesse et la
temps forts de l’atelier. confusion de la gouvernance politique de la ca-
pitale ne permet pas de dépasser les blocages
multiples. La concertation avec les maires des
communes riveraines reste informelle, l’idée
d’une planification du Grand Bamako s’effrite,
l’Etat freine la réforme du statut du District.

20 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


Dans ce contexte, un second atelier est orga-
nisé en 2014, avec une équipe de professionnels
réduite à 10 personnes. Il s’agit d’opérationna-
liser la vision Bamako à l’horizon 2030 avec la
proposition d’une feuille de route, en commen-
çant par le cœur de la métropole, c’est-à-dire
le District de Bamako, où la mairie centrale est
légitime à agir. Le jury se tient en présence du
Premier ministre du Mali, et certaines proposi-
tions de l’Atelier sont reprises par l’Etat comme
projets présidentiels. Le portage de certains élus
locaux profite à leur parcours politique vers des
responsabilités gouvernementales.

En 2020, dans un contexte sécuritaire et éco-


nomique national considérablement dégradé, la
capacité collective à passer à l’acte n’a pas été
démontrée et la gouvernance politique de Ba-
mako n’a pas été sensiblement améliorée. En
l’absence d’organisation de nouvelles élections
municipales du fait du manque de sécurité dans
le reste du pays, le mandat des élus a été pro-
longé. Néanmoins, la vision Bamako 2030 fait
toujours référence bien qu’étant restée une vi-
sion politique et technique sans aucune portée
juridique. Parmi des 7 actions prioritaires mise
en exergue par l’Atelier de 2014, l’aménagement
prioritaire du Port Sec à l’entrée de la route de
Ségou a continué à être porté par tous les ac-
teurs, mais avec d’énormes difficultés foncières,
et la gare routière de Sogoniko en rive droite
a fait l’objet de projets non réalisés. L’aération
du centre-ville historique, l’aménagement des
berges du fleuve, et la mise en place d’un nou-
veau circuit des transports collectifs en anneau
sur les deux rives, ont buté sur l’absence de
pouvoir politique fort permettant d’assumer des
expropriations au nom d’un projet d’intérêt gé-
néral.
En revanche, la cellule de préfiguration
de l’agence d’urbanisme a laissé place à une
Agence de Développement Régionale, financée
de manière pérenne par l’Etat et les collectivités
et dirigée par Mahamadou Wadidie, et le schéma
directeur de Bamako semble enfin lancé. La ré-
forme du statut du District de Bamako est quand
à elle, toujours en attente, mais les services de
Bamako et les professionnels sont mieux pré-
parés à appréhender et à partager la complexité
de l’organisation de la capitale.

Gouvernance et Institutions 21
Agences autonomes d’investissement repose alors essentiellement
sur les partenaires de la coopération décentra-
et Partenariats lisée.

Public-Privé- On peut ainsi déplorer un développement


inféodé aux aides extérieures, diluant les visions
Population, leviers stratégiques dans une collection d’opportunités ;
un tour des projets urbains ouagalais vous donne
d’une gouvernance ainsi parfois l’impression de visiter un musée de
la coopération décentralisée, ici le projet italien,
opérationnelle du là l’échangeur France-UE, ici le GIZ, là l’AFD…etc.

Grand Ouagadougou Regardant l’articulation entre Etat et collecti-


vités locales, le manque de dialogue et l’absence
Sylvain Saudo d’un mode projet sont flagrants. Ici la mairie dé-
Pilote de l’atelier Ouagadougou couvre que le ministère est en train de dédou-
2018, ingénieur et urbaniste bler la voirie au grand damne des riverains qui
subissent des travaux qui s’éternisent, là l’Etat
entend définir seul le projet t qui prendra place
sur le site du futur ex-aéroport, les exemples sont
Au lendemain du Front populaire, la constitu- légion !
tion du 02 juin 1991 est venue disposer que le
Burkina Faso organisait son territoire en collecti- Autre écueil auquel les édiles de la capitale
vités territoriales. Depuis, le processus de décen- burkinabé doivent faire face, c’est le taux de
tralisation est resté relativement lent et inégal : croissance record avec environ 200  000 nou-
l’Etat peine à partager ses responsabilités et fait veaux habitants chaque année, ce qui renvoie
montre d’une diligence tout aussi inégale dans l’acte d’aménager le territoire a de la régulation
l’organisation de la déconcentration des services plutôt qu’a de l’anticipation. Cette démogra-
de ses ministères. Il faut attendre 2004 pour que phie record étale rapidement la tâche urbaine
soit adopté un code général des collectivités ter- de Ouagadougou qui devient de fait un grand
ritoriales qui vienne préciser les compétences Ouaga, phagocytant les communes rurales en-
dévolues aux communes urbaines, amorçant vironnantes. Cependant, d’un point de vue ad-
une nouvelle étape dans la décentralisation. ministratif, cette entité du grand Ouaga, qui
semble dès lors devoir être le bon échelon de
Dans les faits, si l’on regarde Ouagadougou gouvernance, n’existe pas encore. L’absence
dont la structure démocratique (élus d’arron- d’une structure de coopération intercommunale
dissement et élus centraux) est en place et joue désincarne et rend inopérant tout schéma direc-
pleinement son rôle d’animation de l’action pu- teur d’aménagement à cette échelle. Pire il prive
blique locale, on constate assez vite un certain l’intérêt général d’une capacité régulatrice là où
nombre de freins. Sur le plan budgétaire tout les logiques spéculatives privées jouissent sans
d’abord, les ressources financières de la ville entrave d’un développement anarchique.
assises sur une maigre dotation étatique et une
assiette fiscale obsolète, sont nettement insuffi- A l’occasion de l’Atelier international d’ur-
santes pour qu’elle puisse endosser les compé- banisme qui s’est tenu en mars 2019, plusieurs
tences transférées. A titre d’exemple, le budget pistes de travail ont pu être proposées par les
municipal annuel de la ville de Ouagadougou, équipes. Pour la gouvernance, deux perspec-
c’est moins que le budget dévolu à la gestion tives se sont faites jour : d’une part la création
des ordures ménagères de sa jumelle, Lyon. Ce d’établissements publics locaux (agences) à
faible budget est quasi intégralement consacré même d’incarner des organes partenariaux à
au fonctionnement de la collectivité. Sa capacité visée opérationnelle et/ou stratégique ; d’autre

22 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


part prendre davantage appui sur la formidable ouagalais. L’art du recyclage, de la transforma-
ingéniosité populaire comme cheville ouvrière tion des matériaux, de la débrouille frugale est
de l’action publique locale. une force. Transformer une place publique en
terrain de foot, en terrasse de café, une rue en
Pour illustrer le premier point, nous pouvons atelier, en salle de mariage, en lieu de culte ou en
prendre l’exemple de l’agence municipale des scène de spectacle est à la portée des ouagalais.
grands travaux (AMGT), avec une équipe dédiée L’économie informelle répond à la plupart des
issue des services techniques municipaux. Ce services que les pouvoirs publics ne parviennent
n’est que le 30 décembre 2019 que cette agence pas à organiser (banque, éducation, adduction
a été consacrée comme un établissement public d’eau, ramassage des ordures ménagères, etc.).
local (EPL) avec une autonomie de gestion et un Le développement de la capitale burkinabé ne
conseil d’administration qui, s’il reste nommé pourra se faire sans cette énergie. L’urbanisme
par le Maire de la ville, permet d’envisager une stratégique produit par une agence d’urbanisme
plus grande ouverture partenariale. Dans une donnera une armature, les partenariats public/
dynamique similaire, la mairie de Ouagadougou privé/population (PPPP) seront vraisemblable-
pense à la structuration de différentes agences ment à rechercher comme leviers opérationnels
sur les champs thématiques du développement et dans une logique d’urbanisme tactique. Ce
économique, de l’urbanisme, et des transports. processus de travail en concertation avec les par-
Si la mise sur pieds de ces outils stratégiques et/ ties prenantes locales est d’ailleurs en cours d’ex-
ou opérationnels autonomes peut être saluée, périmentation. La « pépinière urbaine » soutenue
il faut veiller à ce que leurs instances de pilo- par l’AFD et mise en œuvre par l’AMGT en est un
tage reflètent bien 1/les échelles de territoire exemple. Elle vise à redéfinir un espace public de
(Ouaga ou grand Ouaga ?), 2/ les écosystèmes sport et loisirs le long d’un drain en associant la
d’acteurs qui les administrent (les représentants société civile. Au-delà de l’étape de conception
des ministères siègent-ils ? quelle place pour la faite dans une logique de démocratie participa-
société civile ? et les différents partenaires inter- tive (co-conception), les ouagalais pourront être
nationaux ?) faute de quoi leur légitimité et leur associés non seulement à la réalisation (chantier
portée en pâtiront. Dans un pays fondé sur un participatif) mais aussi, étape sine qua non de
droit coutumier, préexistant au droit moderne et la définition d’un Commun, à la bonne gestion
garant de cette notion occidentale de « Nature », dans le temps de certains aménagements réa-
il convient également de donner une place à lisés. S’il semble ainsi pertinent d’encourager à
part entière aux détenteurs des traditions dans l’installation de Communs sis sur le triptyque :
ces instances. L’ampleur opérationnelle, c’est à un bien, une communauté d’utilisateurs et un
dire la capacité de fonctionnement et d’investis- corpus de règles de bonne gestion, leur instal-
sement dévolue à ces agences devra enfin être lation et leur vie doit rester sous la bienveillance
adaptée au regard des ambitions portées. régulatrice des acteurs publics qui restent seuls
garants de l’intérêt général.
Dans le difficile contexte budgétaire existant,
on voit bien que les perspectives stratégiques
de la collectivité vont peiner à trouver leur pleine
traduction sur le terrain tant l’argent public est
rare. L’arsenal des outils incitatifs ou coercitifs
permettant une planification maîtrisée reste par
ailleurs à fourbir : outils de régulation ; outils fi-
nanciers, outils fiscaux, outils de contrôle…

Partant de ce constat et avec une population


qui a appris à habiter avec une telle ingéniosité,
il apparait primordial de prendre appui sur les

Gouvernance et Institutions 23
d’agressions notamment dans les zones non ha-
Sécurité urbaine dans bitées (vergers, bas-fonds, carrières d’extraction
de la terre) et de vols récurrents. Face à cette in-
les quartiers non- sécurité, les dispositifs institutionnels de sécurité
sont renforcés par des dynamiques individuelles
lotis de Ouagadougou : et collectives de protection des résidents.

les citadins, leurs L A SÉCURITÉ INSTITUTIONNELLE DES


FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ
traditions et leurs
La sécurité institutionnelle est assurée par les
institutions. forces de défense et de sécurité, notamment par
la police et la gendarmerie. Les conseillers muni-
Léandre Guigma cipaux constituent également des relais institu-
Expert associé des Ateliers, sociologue tionnels pour communiquer l’état de la sécurité
au Conseil Municipal, d’autant plus qu’il existe
une police municipale à Ouagadougou.

Ouagadougou est la capitale du Burkina Faso, Mais comment ces organes institutionnels
pays sahélien de l’Afrique occidentale. L’agglo- peuvent-ils assurer la sécurité en permanence
mération de Ouagadougou est constituée de dans les multiples ruelles sinueuses des quar-
quartiers lotis, c’est-à-dire régulièrement amé- tiers non lotis ? Ils arrivent généralement à pos-
nagés selon les textes en vigueur et de quartiers teriori dans les non-lotis, pour des constats, des
précaires localement appelés « non lotis ». Les enquêtes ou des arrestations. Ces forces de
quartiers non lotis abritent quatre Ouagalais sur défense et de sécurité républicains ne sont pas
dix et occupent un quart du territoire de l’agglo- donc efficaces pour la prévention ou pour la dé-
mération. Ces quartiers sont occupés par des fense au moment des agressions dans les quar-
citadins qui ont achetés leurs terrains auprès de tiers non lotis de Ouagadougou.
propriétaires terriens ou de chefs traditionnels
sans l’autorisation de l’administration publique. « L’AUTO -SÉCURITÉ » PAR LES CITADINS
Certains y ont construit leur maison d’habitation
et y résident. La gouvernance de ces quartiers Les résidents du non-loti observent un mi-
non-lotis allie des logiques institutionnelles tra- nimum de règles de sécurité en érigeant autant
ditionnelles et des dynamiques locales. que possible, des murs de clôture et en se mu-
nissant de fermetures pour leur terrain et pour
Le quartier non loti du « Marteau » est situé au leur habitation. Ainsi, lorsqu’on entend crier « Au
secteur 19 de l’arrondissement 4, au Nord-Est de voleur ! », tous les riverains sortent par curiosité
Ouagadougou. Il occupe une superficie de 260 pour savoir de qui s’agit-il, mais également pour
hectares et sa population est estimée à 25.000 contribuer à son châtiment. Les sévices corpo-
habitants. A partir de ce quartier non loti étudié rels subis par les présumés accusés de la part de
dans le cadre des Ateliers de maîtrise d’œuvre la foule sont particulièrement violents, car les au-
urbaine de Ouagadougou, nous montrerons teurs des coups et bastonnades sont anonymes
comment ces trois logiques et dynamiques s’af- et ne se donnent aucune censure. Certains lyn-
frontent, s’imbriquent ou se complètent, dans le chages de présumés voleurs connaissent alors
contexte de la sécurité urbaine en particulier. des fins tragiques, sans que l’accusation ne
Les quartiers non-lotis véhiculent auprès des soit irréfutablement prouvée, ce qui devient un
non-résidents une image de quartier de pro- contentieux juridique.
miscuité, où les résidents se connaissent et en-
tretiennent des liens forts de sociabilité. Mais Mais certains malfaiteurs opèrent discrète-
en réalité, beaucoup de résidents sont victimes ment la nuit afin d’échapper à la vindicte popu-

24 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


laire et au lynchage. Pour faire face à ces nou- brousse ». Ces groupes d’autodéfense populaires
velles formes d’agressions, quelques chefs de très répandus dans le milieu rural, notamment
quartiers non lotis ont recours à des consulta- dans les zones peu habitées pour lutter contre
tions et protections mystiques ainsi qu’aux ser- les coupeurs de routes et brigands qui pillent,
vices de groupes d’autodéfense traditionnelles volent et violentent les paisibles citoyens. Ils sé-
appelés « Kologweogo ». vissent surtout dans les zones réputées comme
présentant des risques d’insécurité, où les forces
L A SÉCURITÉ TRADITIONNELLE DES officielles de sécurité sont faiblement représen-
PROTECTEURS MYSTIQUES ET KOLOGWEOGO tées ou inefficaces. Ces groupes d’autodéfense
sont très craints des voleurs et brigands du fait
Pour garantir une protection contre les ma- des amendes et des sévices corporels qu’ils
ladies, les mauvais esprits, les mauvais sorts et appliquent aux personnes qu’ils interpellent. Ils
toutes sortes de malheur (vols, accidents…), des sont également dotés de pouvoirs magico-reli-
citadins consultent des guérisseurs et protec- gieux obtenus à l’issue d’un rite d’intégration. Ils
teurs traditionnels. Ces protecteurs traditionnels sont une émanation des autorités coutumières
sont réputés pour leurs pouvoirs magico-re- et structurés au niveau national. Cependant, ces
ligieux, capables de guérir des maladies, de groupes d’autodéfense populaire divisent l’opi-
chasser ou de protéger contre les mauvais es- nion publique nationale qui y voit un risque de
prits, les dangers divers ou de changer positive- dérive et de justice parallèle intolérable dans un
ment le destin d’une personne (réussite scolaire état de droit.
ou professionnelle, mariage, fécondité etc.).
VERS DES FORMES RÉSILIENTES ET HYBRIDÉES
Le sentiment d’insécurité du quartier est une DE GOU VERNANCE SÉCURITAIRE
préoccupation évoquée par de nombreux cita-
dins du non loti du Marteau comme en témoigne Devant les limites de l’auto-sécurité par les
les propos du Chef de Toukin, l’un des sous-quar- citadins, les groupes d’autodéfense transposés
tiers du Marteau. du milieu rural au milieu urbain, agissent comme
des forces à même de dissuader et/ou de cap-
« Dans le non-loti, c’est comme un Far West. turer les brigands et les voleurs qui opèrent
J’étais obligé de faire appel aux Kologweogo. Si dans les non-lotis. Ils agissent ainsi comme des
on est proche de la ville et que les gens vivent relais des forces de sécurité officielles, trop oné-
comme au village, alors il faut agir comme au reuses à équiper et à faire fonctionner par les
village, pour sécuriser. En plein midi, tu peux pouvoirs publics sur toute l’étendue de l’agglo-
laisser ta cour et on te vole. Avant, il n’y avait pas mération urbaine. Dans le meilleur des cas, les
ça. Le village n’était pas dense et tout le monde Kologweogo livrent les présumés coupables aux
se connaissait ; il y avait moins de vol. (…) J’ai ap- forces de défense et de sécurité pour la suite de
pelé la police au 1010 à maintes reprises, mais la procédure judiciaire. Malheureusement, ces
ils ne sont pas réactifs. Du coup, on a laissé faire dernières commettent quelquefois des erreurs
les Kologweogo qui sont les résidents du quar- et appliquent aux présumés coupables des ser-
tier afin de pouvoir identifier les mauvaises per- vices corporels exagérés.
sonnes et les mettre hors d’état de nuire. Depuis
le 21 septembre 2018 où les Kologweogo ont Dans le quartier non loti du Marteau, le re-
été installés, il y a la quiétude dans le quartier »1 cours aux Kologweogo s’est effectué suite aux
limites de la sécurisation institutionnelle et indivi-
« Kologweogo  » est en langue «  moore  », duelle des résidents. La présence dissuasive des
parlée par l’ethnie majoritaire du pays. Cela si- Kologweogo semble avoir donné satisfaction,
gnifie littéralement en français « protecteur de la car selon le Chef de Toukin, le nombre de vols a
diminué dans le quartier.

1 Entretien du 26 janvier 2019, à Toukin/ le Marteau Cette gouvernance hybridée des acteurs

Gouvernance et Institutions 25
institutionnels, traditionnels et des citadins en
matière de sécurité urbaine dans les quartiers
non-lotis de Ouagadougou pourrait inspirer la
gouvernance urbaine à Ouagadougou et dans
le Grand Ouaga, en général. En effet, le cadre
d’échanges, de dialogue et co-construction de
Ouagadougou, proposé par la forme et la tenue
des Ateliers de Ouagadougou en 2019 constitue
déjà les prémisses d’une nouvelle forme de gou-
vernance à bâtir entre les institutions centrales,
décentralisées, publiques ou privés, les traditions
bien représentées par les chefs traditionnels aux
bonnets rouges et les citadins ordinaires, consti-
tués d’hommes et de femmes des quartiers lotis
et non lotis, venus exprimer leurs desiderata de
vives voix.

Les sièges des Mairies d’arrondissement et


des institutions centrales semblent bien éloignés
de certains résidents des quartiers non lotis, si
bien que le recours des résidents aux services
municipaux ou centraux n’est pas systématique.
D’autres espaces de rencontre et de dialogue
des acteurs seraient alors à créer au niveau local
dans les quartiers de Ouagadougou. Des règles
consensuelles de gouvernance multi acteurs et
un cadrage de leurs interventions locales per-
mettraient d’assurer une complémentarité et
une efficience de leurs actions respectives, sous
l’égide de la commune et dans le respect des
règles républicaines.

26 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


Contribution des
organisations à
l’amélioration du mode
de vie des habitants des
grandes villes africaines
Ndassa Younchawou
Participant de l’atelier Douala 2013 et Bangui,
président de l’Association pour le Développement
Durable des Ressources Humaines

La population urbaine en Afrique s’élève


actuellement à 472 millions d’habitants, et va
doubler au cours des vingt-cinq prochaines an-
nées pour atteindre un milliard d’habitants en
2040. Dès 2025 les villes africaines abriteront
187 millions d’habitants supplémentaires, soit
l’équivalent de la population actuelle du Nigéria
(Rapport urbanisation Banque Mondial, 2017).
L’urbanisation des villes africaines, est donc un
défi majeur pour les acteurs de développement,
bailleurs de fonds internationaux, pouvoirs pu-
blics, entreprises et organisations qui opèrent
dans les villes africaines, car les villes sont vouées
à jouer un rôle capital dans le développement
de leurs pays.

Afin d’accélérer la croissance économique et


d’atteindre l’objectif de créer des emplois, mais
aussi d’améliorer les conditions de vie et de fa-
ciliter l’accès aux besoins fondamentaux, d’amé-
liorer les infrastructures des villes africaines, il
est indispensable d’impliquer d’une manière
participative tous les acteurs dans une plate-
forme concertée, et de placer le citadin africain
au cœur des dispositifs de gouvernance. La gou-
vernance urbaine étant ici définie comme étant
la coordination des intérêts variés pour la pour-
suite d’un intérêt commun, celui du bien être des
citadins africains.

Cette contribution s’organise autour de deux


parties. La première met en relief les conditions
de vies en ville et évalue les « habitus » des cita-

Gouvernance et Institutions 27
dins africains, dans leurs façons d’être, les inte- coûtent entre 20 et 31 % plus cher aux ménages
ractions avec les autres et les modes d’appro- urbains africains.1
priation de l’espace urbain par les citadins. La
seconde partie propose des pistes pour une Les frais de transport quotidiens pour ceux qui
plus grande participation des organisations à travaillent sont élevés, voire prohibitifs, sachant
l’amélioration des conditions de vies des urbains par ailleurs que les systèmes, des taxis, et moto
et la mise en place d’une plateforme de gouver- taxis informels sont plus chers que les services
nance urbaine participative concertée, afin de de bus, très peu développés dans les villes afri-
développer une synergie d’action entre pouvoirs caines. Pour ceux qui sont contraints de se dé-
publics et entreprises. placer à pied, l’accès à l’emploi est donc limité.

ETAT DES LIEUX : UNE DÉGRADATION Parce qu’elles ne font pas l’objet d’un dévelop-
DES CONDITIONS DE VIE DANS pement planifié suffisant et qu’elles accueillent
LES VILLES AFRICAINES un important exode rural, les villes connaissent
une expansion continue des implantations sau-
On observe aujourd’hui un phénomène de vages, qui se trouvent plutôt dans le centre et
cumul des inégalités sociales et environnemen- donc plus près des emplois (à l’instar de Kibera à
tales dans les villes africaines. Concrètement, Nairobi, de Tandale à Dar es Salaam, de Bependa
au niveau de l’occupation de l’espace, les po- à Douala, de Mokolo Lobi à Yaoundé). Le secteur
pulations les plus défavorisées se concentrent à informel s’exerce pour la plupart sur les chaussés
proximité des zones les plus polluées, les maré- et trottoirs de la ville, créant un désordre urbain
cages ou les zones à risques, alors que les plus dans les artères de la ville.
aisées résident à proximité d’espaces verts, ont L’ensemble de ces difficultés entraîne le dé-
accès à tous les services ou autres infrastructures veloppement d’«  habitus  » (comportements et
urbaines. La croissance des inégalités socio-spa- attitude) qui constituent une menace pour la
tiales et les problèmes liés à l’exclusion de cer- ville : oisiveté des jeunes, agressions et insécu-
taines populations à revenus modestes, handi- rité, constructions anarchiques, désordre urbain,
capées, personnes âgées, migrants et jeunes ’insalubrité, etc…
sont aussi accentués par le renchérissement du
niveau de vie grandissant dans les villes afri- Il est donc nécessaire de développer de nou-
caines. Le coût de transports est élevé, les équi- veaux mécanismes de socialisation et d’intégra-
pements de loisirs et de divertissement, ne sont tion des citadins africains afin de prendre en
pas accessibles pour le plus grand nombre , les compte les attentes et besoins de ses habitants
services de bases sont limités. et provoquer des changements de comporte-
ments.
Selon le rapport urbanisation de la Banque
Mondiale de 2017, les dépenses de logement CONTRIBUTION DES ORGANISATIONS
dans les villes africaines sont supérieures de ET ENTREPRISES À L’AMÉLIORATION
55 % à celles observées dans d’autres continents. DES MODES DE VIE DES CITADINS
À Dar es Salaam, par exemple, 28  % des habi-
tants vivent à trois au moins dans une pièce. À L’enjeu majeur du développement des villes
Lagos, au Nigéria, deux habitants sur trois vivent africaines est la création de meilleures condi-
dans des bidonvilles. tions de vie pour ses habitants urbains. Pour
garantir leur attractivité (au sens de la capacité
Le coût des denrées alimentaires est environ à répondre aux besoins essentiels des habitants,
35  % plus chères dans les villes d’Afrique que présents et futurs), il s’agit notamment de trouver
dans celles d’autres pays à revenu faible ou inter-
médiaire ailleurs dans le monde. Globalement,
par rapport aux autres pays en développement à 1 Rapport urbanisation de la Banque Mondiale
niveau de revenus similaire, les biens et services 2017

28 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


de nouveaux modes de financement et de gou- de travailler ensemble suivant un plan d’action
vernance locale permettant des investissements clairement défini.
nécessaires à la préservation ou à l’évolution des
infrastructures existantes et/ou à la construction Au niveau des pays africains, les gouverne-
de nouvelles infrastructures, pour la vie tout en ments et les mairies des villes devraient mettre
veillant à ne pas induire voir renforcer les inéga- en place des mesures incitant les entreprises à
lités sociales entre les habitants. investir dans le développement des infrastruc-
tures sociales tant pour leurs employés que pour
Pour ce qui est de la contribution des entre- les populations environnantes aux entreprises.
prises opérantes dans les villes africaines, l’enjeu En retour et après évaluation, l’Etat accorderait
de développer, au titre de leur Responsabilité aux entreprises qui se sont démarquées, des
Sociale et Environnementale (RSE) des inves- facilitations fiscales. Un nouveau contrat public -
tissements à caractère sociale afin de faciliter privé et organisations est à privilégier pour déve-
l’accès des employés et leurs familles aux sys- lopper des projets à fort impact social : en déve-
tèmes de logement, de santé et d’éducation de loppant au côté des pouvoirs publics des projets
qualité. Cette orientation est aussi valable pour significatifs dans le domaine de l’éducation, de
les bailleurs internationaux qui devraient mettre la santé, de l’eau, de l’énergie renouvelable, du
en avant l’amélioration de bien être des citadins logement et du transport, les entreprises gagne-
comme conditionnalité de l’aide au développe- ront ainsi en visibilité et en label d’entreprises
ment. Ce qui aura à coup sûr un incident positif citoyennes.
sur le mode vie des citadins, des employés dans
les entreprises, mais aussi de freiner l’immigra- Au niveau des villes, il revient à la mairie d’or-
tion vers les pays plus riches. ganiser et d’établir un plan d’amélioration de
bien être des habitants qui intègre les actions de
En ce qui concerne les organisations sociales chaque acteur de la ville. La mairie rassemble les
telles les associations, elles doivent aussi jouer un documents stratégiques, et met en place l’action
rôle fondamental dans l’amélioration du cadre et politique nécessaire pour soutenir et faciliter
mode de vie des citadins. Ainsi, l’accompagne- les actions portées par les acteurs locaux. Elle
ment et le soutien des entreprises, des pouvoirs doit encadrer, sensibiliser, faciliter l’accès aux
publics et des bailleurs de fonds aux associa- documents domaniaux quand c’est nécessaire,
tions d’intérêt communautaires participera à em- réquisitionner les terrains pour cause d’utilité
ployer des jeunes citadins sortants des écoles publique pour des projets d’intérêts communau-
et faciliter leur insertion socioprofessionnelle. taires quand les circonstances l’obligent, jouer
Ces associations peuvent de ce fait participer à le rôle d’arbitre pour régler les litiges et conflits
la « conscientisation » des populations, à former qui surgissent dans le cadre du plan d’action.
des jeunes leaders, à faire émerger l’engage- Elle doit se donner mission d’impliquer les asso-
ment citoyen et surtout à accroître la responsabi- ciations et organisations locales dans toutes les
lité des habitants sur l’amélioration de leur cadre démarches visant la redéfinition du cadre de vie
de vie, de la maintenance et l’entretien des équi- de leur populations cibles, de l’entretien des in-
pements existants. frastructures réalisées et de la mobilisation de la
main d’œuvre locale dans la mise en œuvre des
METTRE EN PL ACE DES PL ATEFORMES projets. Ce qui va faciliter l’insertion socioprofes-
DE GOU VERNANCE URBAINE sionnelle des jeunes en milieu urbain ainsi que
leur formation.
Pour l’amélioration du cadre de vie urbain,
nous proposons la mise en place de plateformes Ainsi, la mise en place de ces plateformes par
de gouvernance urbaine impliquant tous les ac- les mairies des villes devraient permettre de ré-
teurs qui opèrent dans les villes africaines (bail- soudre les principales difficultés que connaissent
leurs de fonds pouvoirs publics, entreprises, les projets de développement en Afrique, de dé-
municipalités, associations ) et leur permettant passer les conflits et les divergences d’intérêts.

Gouvernance et Institutions 29
publics locaux, ce qui pose la question de la pé-
Gouvernance des rennité et de la qualité de ces services publics,
qui manquent cruellement de personnels et de
villes et institutions moyens de fonctionnement,
› Sur le plan politique, les villes, et ceci d’au-
en Afrique tant plus qu’elles ont un poids démographique
élevé sont considérées comme des foyers d’op-
Christophe Mestre position au pouvoir central, comme des espaces
Directeur du Centre International d’Études de contestation qui remettent en cause les équi-
pour le Développement Local (CIEDEL) libres politiques nationaux, que ce soit les ma-
nifestations d’Alger de ces derniers mois, les
manifestations qui ont fait basculer le pouvoir
à Khartoum en 2019 ou le signal de départ des
En Afrique, la réalité urbaine, longtemps ou- « printemps arabes » que fut l’immolation de M.
bliée tant des chercheurs que des décideurs po- Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid, en Tunisie.
litiques et des acteurs techniques est aujourd’hui Ceci amène fréquemment un contrôle du pou-
plus qu’une réalité : en 2020 c’est environ 50 % voir central sur les villes capitales au détriment
de la population africaine qui est urbaine, soit de l’autonomie locale.
environ 500 millions d’habitants et en 2050 on › Sur le plan institutionnel, les processus de dé-
estime que plus de 1 milliard d’africains vivront centralisation entamés majoritairement à la char-
en ville1, il faudra ainsi « construire » en Afrique nière des années 80 – 90, sont restés au milieu
l’équivalent de toutes les villes que la Chine a du gué, voire ont reculé comme le montre le fait
produit durant toute son histoire. que les transferts de compétences de l’Etat aux
collectivités territoriales et les transferts de res-
Dans ce contexte d’urbanisation accélérée, les sources qui devaient les accompagner ne sont
villes africaines sont soumises à une quadruple toujours pas des réalités, et que l’autonomie
tension, démographique, sociale, politique et locale reste souvent un simple affichage. On se
institutionnelle : rappellera les revendications des dakarois en-
› Sur le plan démographique, chaque ville est vers leur maire au sujet des coupures à répétition
soumise à une poussée démographique issue de la fourniture d’énergie électrique, alors que
tant du croît interne que de l’exode rural ou des cette compétence n’a pas été transférée aux col-
migrations internationales. Il y a quelques an- lectivités territoriales ou les « charcutages » insti-
nées M. Simon Compaoré alors maire de Ouaga- tutionnels de nombreuses capitales qui visent à
dougou expliquait que sa ville, qui pesait alors réduire leur autonomie politique.
1 500 000 habitants était dans une situation où
elle « absorbait » 150  000 habitants de plus par Ces tensions posent au quotidien la question
an, avec son corollaire d’étalement urbain, de lo- de la gouvernance de la ville et des institutions
gement précaire… qui la mettent en œuvre : comment gouverner
› Sur le plan social, l’urbanisation se traduit par un espace urbain en croissance exponentielle
l’explosion d’une demande sociale en matière de alors qu’il est soumis à de telles contraintes po-
production de service de tous ordres : eau, élec- litiques, institutionnelles et financières de la part
tricité, assainissement, voirie, transport public, de l’Etat central ?
école, santé mais aussi sécurité, cadre de vie… A
cette demande sociale, les réponses apportées La gouvernance du territoire urbain repose
sont plus souvent sous forme d’investissement principalement sur quatre pôles2 :
que de moyens de fonctionnement des services

2 Dans certains Etats, il conviendrait de prendre


en compte un autre pôle qui est celui des autorités
1 Estimation d’après les chiffres du FIAD 2017 coutumières.

30 15 ans de présence et d’expériences dans les villes africaines


› L’Etat et ses services qui permet à l’habitant de vivre dans l’espace ur-
Leur vision de la ville reste le plus souvent bain en y trouvant les principaux services qu’il est
marquée par une vision aménagiste, d’une ville en droit d’attendre.
qui s’impose à ses habitants, comme on peut le
voir avec l’explosion des « échangeurs » dans la Gouverner la ville demande alors de per-
plupart des capitales africaines, échangeurs qui mettre aux différentes catégories d’acteur d’être
sont parfois localisés sans prendre en compte reconnues, de pouvoir participer à la gestion de
le tissu urbain, les voies de dégagement ou les la cité et d’être positionné clairement sur une ou
accès aux infrastructures situées à proximité, plusieurs fonctions.
La gouvernance repose donc bien sur la
› Les collectivités territoriales et leurs services, construction d’un ou de plusieurs espaces pu-
Les collectivités territoriales sont au contact blics placés sous l’égide de la ou des collectivités
direct et permanent des citoyens. Mais elles territoriales de l’espace urbain.
manquent à la fois de connaissances de leur Les partenaires techniques et financiers ont
territoire (base de données, informations statis- alors tout leur rôle à jouer en ce sens, et ceci
tiques…), de compétences techniques (urba- tant pour alimenter la construction des villes
nistes…) et de moyens (financiers, matériels…) africaines que pour contribuer à améliorer la
pour jouer pleinement leur rôle et sont souvent gouvernance des villes françaises, en appuyant
dans une posture de réponse à la demande d’ur- le renforcement de chaque pilier de la gouver-
gence ou de court terme plus que prospective nance et en accompagnant les dynamiques de
d’une ville en transformation perpétuelle, dialogues et de coopération entre ces acteurs.
Ceci est plus facile à dire qu’à faire et comme
› Les acteurs économiques le disait l’ambassadeur Bigot lors des assises fran-
Pivots essentiels de la vie de la cité, les acteurs co-sahéliennes de la coopération décentralisée
économiques dans leur diversité (transporteurs, à Poitiers en octobre 2019, « il faut réinventer une
commerçants, entrepreneurs, fournisseurs de manière de faire du développement ».
service…) fabriquent la ville au quotidien en oc-
cupant l’espace public, en organisant et gérant Pour cela, il est sans doute nécessaire de
les flux, mais dans une somme d’intérêts contra- poser quelques questions clefs :
dictoires, dont la complexité est augmentée par › La gouvernance de la ville est elle uniforme,
leur caractère informel et la faible articulation de ou à chaque ville son modèle, qui plus est évo-
ceux-ci au territoire. lutif ?
› Dans une époque marquée par une citoyen-
› Les habitants neté fragmentée, comment faire de la ville un
Principaux acteurs de la ville, mais souvent espace inclusif, qui regroupe des catégories de
« oubliés », ils la construisent, la vivent et l’in- populations différentes dans un esprit de cohé-
carnent. Ils sont capables de la détourner pour sion sociale et vers un projet commun ?
l’adapter –autant que faire se peut- à leurs be- › Comment articuler concertation et prise de
soins, souvent contradictoires et entremêlés. décision au différents niveaux emboîtés de la
ville ?
Enfin de manière transversale à ces quatre › Comment mettre en pratique la notion de
pôles, la gouvernance articule quatre fonctions. subsidiarité pour permettre aux habitants de
Une fonction politique, qui vise à organiser la contribuer depuis leur lieu de vie à la construc-
cité, imaginer la ville de demain, à faire de la pros- tion de la ville ?
pective au regard des évolutions du contexte ; › Au regard des contraintes économiques et
une fonction technique qui vise à organiser et institutionnelles des villes, est-il possible de
mettre en œuvre les moyens pour faire évoluer continuer à promouvoir un modèle de service
la ville vers le futur souhaité ; une fonction éco- public universel ou faut-il amener les acteurs de
nomique qui permette à ses habitants de vivre et la ville (habitants, acteurs économiques…) à en
travailler sur place et enfin une fonction d’usage être les co-constructeurs ?

Gouvernance et Institutions 31
LES ATELIERS EN AFRIQUE

Association à but non lucratif, 2020 SAN PEDRO, CÔTE D’IVOIRE 2014 BAMAKO, MALI
Les Ateliers sont un réseau De la cité portuaire à la Atelier de stratégie opérationnelle
international de professionnels, métropole côtière sur la vision Bamako 2030
d’universitaires, et de décideurs
en matière d’aménagement 2019 KAMPALA, OUGANDA 2013 DOUALA, CAMEROUN
urbain. Centrée sur la pratique Green and Innovative Kampala Douala, « ville assemblée »
de la maîtrise d’œuvre urbaine,
l’association organise des ateliers 2018 OUAGADOUGOU, 2012 THIÈS, SÉNÉGAL
envisagés comme un lieu de BURKINA FASO Thiès, ville carrefour
conception et de créativité afin Ouagadougou 2050, Vivre le quotidien
d’apporter aux décideurs locaux à l’échelle du Grand territoire 2012 PORTO-NOVO, BÉNIN
un regard international et des Ecosystème et développement urbain
propositions novatrices sur leurs 2018 OUARZAZATE, MAROC
problèmes d’aménagement. Le grand Ouarzazate, une ville 2011 BAMAKO, MALI
Créés en 1982 et à l’origine oasienne du XXIe siècle Les nouvelles centralités de
tournés vers les étudiants et la métropole de Bamako
jeunes professionnels, Les 2018 BANGUI, REPUBLIQUE
Ateliers organisent depuis CENTRAFRICAINE 2011 PORTO-NOVO, BÉNIN
2005 des ateliers ouverts à des De l’urbanité des Kodoros à la Stratégie et projets
professionnels expérimentés dynamique du grand territoire d’aménagement pour le Centre-
et bénévoles, à la demande Ville Ouest de Porto-Novo
de collectivités locales, 2017 PORTO-NOVO, BÉNIN
gouvernements ou autres Révéler les défis de Porto-Novo, 2010 SAINT-LOUIS, SENEGAL
partenaires. En France ou Capitale Africaine du XXIème siècle Saint-Louis 2030, nouvelle
dans d’autres pays, ces ateliers métropole africaine
apportent aux maîtres d’ouvrage 2016 DOUALA, CAMEROUN
un regard international et Douala ô Mulema : Entre infrastructure 2010 PORTO-NOVO, BÉNIN
des propositions illustrées et stratégie métropolitaine, quelle Un nouveau quartier en
et novatrices sur la stratégie place pour le projet urbain ? bordure de lagune
territoriale et les projets
d’aménagement urbain. Les 2014 NOUAKCHOTT, MAURITANIE 2009 PORTO-NOVO, BÉNIN
ateliers sont aussi, par la Nouakchott, l’avenir pour L’aménagement des
confrontation des métiers et défi : Adaptation et mutation berges de la lagune
des cultures, un lieu de remise d’une ville vulnérable
en question des apprentissages 2006 CASABLANCA, MAROC
et d’échange de haut niveau. Le grand projet urbain de Casablanca

2005 PORTO-NOVO, BÉNIN


Identité et développement d’une
capitale africaine du 21e siècle

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