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Les inte,prétations

rennes capturés bien avant leur domestication, au Néolithique? Fabri­


quaient-ils des embarcations rudimentaires pour traverser les rivieres, des
canoes en écorce? Avaient-ils inventé les raquettes pour traverser les
étendues enneigées des steppes qui couvraient l 'Europe? Autant de ques­
tions qui restent sans réponses.
Meme si toutes ces activités sont inrpliquées par les vestiges qui nous
sont parvenus de la préhistoire, il ne nous reste que les trames incom­
pletes de la vie joumaliere, culturelle et spirit:uelle de nos ancetres, et nous
ne pouvons aller plus loin dans les reconstitutions et les interprétations,
sous peine de faire de la paléofiction... Cela laisse beaucoup de place a
notre imaginaire et c'est sans doute ce qui fait le charme de la préhistoire:
chacun y met ses propres fantasmes.

Les habitats de la préhistoire


L'habitat était, avec la nouniture, ! 'un des facteurs les plus important.s
de la survie de nos ancet:res. Par chance, il a laissé des traces analysables
clans les sédiments. Les hommes de la préhistoire recherchaient les habi­
tats les plus confortables, les mieux exposés au soleil et a l'abri du vent et
eles pluies. Dans les pays calcaires karstiques, il existe des grottes et eles
abris-sous-roche qui constituent des abris naturels solides, faciles a
défendre contre un ennemi éventuel et les betes de proie. Mais dans les
g:rancles steppes d'Europe orientale, il n'y avait plus de ces cavités. Les
hommes préhistoriques ont done construit des cabanes ele formes et de
t.ailles variées (fig. 39-40). Les fouilles les plus anciennes d'habitats ont
été réalisées en 1928 par S.N. Zamiatnine a Gagarino et par Rogatchev a
Kostienki. Il existe de nombreuses traces d'habitats dans les steppes
lressiques en Moravie, a Dolni Vestonice et Pavlov, en Ukraine, a Mézine,
Malta, Pouchkari I, Khotilevo, Avdéévo et Kostienki.
Nous prendrons un exemple typique, celui ele Mezhiritcb, sur les borels
du Dniepr, en Uk:raine, oíl cinq huttes constituant un petit hameau ont été
fouillées par Igor Pidoplitchko. Ces constructions faites dans un pays
recouvert de lress en raison de sa situation en pleine zone périglaciaire ne
pouvaient etre effectuées qu'avec les moyens du bord, c'est-a-dire
quelques bouquets d'arbres poussant le long des rivieres et des ossements
de mammouths. A Mezhiritch, on a retrouvé les restes de 149 mam­
inouths, ce qui représente environ 21 t de matériel pour la premiere hutte,
les autres étant plus petites. Cette grande hutte de 42 m 2 de superficie pos­
sédait une armature constituée de 25 cranes espacés régulierement, sur
lesquels reposaient 95 mandibules retournées et disposées en chevrons
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La vie des hommes préhistoriques

pour constituer des parois. Ces restes de mammouths enfoncés dans le sol
devaient assurer la stabilité de l 'habitation pour lutter contre les vents vio­
lents de la steppe. On estime que les interstices étaient colrnatés avec du
lress, des branchages et des peaux. Les défenses retrouvées au centre apres
l'effondrement de la hutte devaient former la courbure de l'entrée de la
hutte en forme de coupole avec des branchages et plaqucr la hurte au sol.
Un grand foyer était disposé au centre de rhabitation qui pouvail
accueillir enviran 15 a 20 personnes. L' intérieur a livré des outils, des sta­
tuettes gravées. des fragmems de colliers, des coquillages, des fragments
d 'ambre de la Baltique et meme un era.ne de mammouth recouvett de des­
sins a l'ocre rouge, ainsi que des reliefs de rcpas. Souvent des fosses
étaient creusées a la périphérie des huttes. remplies d'os, interprétées
comme des réserves pour alirnenter les feux, sachant que les bouses
séchées des mammouths et des bisons devaient etre plus riches en com­
bustible. Dans d'autres fosses. des défenses de mammoutbs sont consi­
dérées comme des réserves pour fabriquer des outils ... Cet habitat d 'hiver
qui a dG servir pendant plusieurs années abritait peut-etre 60 a 80 per­
sonnes. Ce type de huttes s'es1 main1enu sans modification chez les chas­
seurs tchouktches en Sibéric orientale jusqu · au début du sieclc. Ces habi­
tats se démontent facilement et se transportent.
Des emplacements de huttes similaires ont été découverts et fouillés par
André Leroi-Gourhan et Micbcl Brézillon a Pincevent, pres de Montereau
(Seine-et-Mame) (jig. 39). La répartition des foyers, des zones d'amas de
sílex et d'ossements et d'une nappe d'ocre rouge a été interprétée comme
la trace d'une tente a trois éléments couverts de peaux, soutenue par une
annature de perches disposées en faisceau. La tente, d'environ 30 m 2, pos­
sédait une entrée principale ayant la meilleure orientation possible dans la
vallée el deux íssues latérales en disposition alterne. Dans la premiere cel­
lule, pres de l 'entrée principale. se trouvait un bloc siege a la lumiere du
jour avec, en arriere, le premier foyer, de 20 cm de profondeur et de 50 cm
de díamctre, destiné a la cuisine. A l'intérieur, une aire de circulation et
de préparation des repas voisinait avec une zone de couchage. Les deux
autres foyers dans les autres cellules devaient servir a chauffer l'habita­
tion, qui pouvait contenir enviran 10 a 15 personnes. Ces vestiges sont attri­
bués a des chasseurs magdaléniens nomades qui parcouraient les steppes
a la poursuite des rennes et qui peut-etrc rransportaient avec eux les 150 kg
de perches et de peaux servant d · infra tructure a la tente. Des trat.neaux el
des travois accrochés a des chevaux, des rennes ou des chiens ont peut-etre
été utilisés, bien avant la domestication de ces demiers. Des habitats iden­
tiques ont été mis au jour a Étioles et Marsangy, dans l'Yonne. A Ville-
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Les interprétations

rest, en Haute-Loire, Jean Combier a découvert un véritable village gra­


vettien étendu sur plus de 500 m 2, constitué de hurtes de 5 m de diametre,
comportant un foyer central, des traces ele piquets et ceinturées par des gros
blocs assurant la stabilité des habitations. Les constructions réalisées dans
les grottes sont souvent plus difficiles a identifier en raison des nom­
breuses blocailles qui constituent le remplissage naturel de ces récep­
tacles. Dans la grotte du Renne, a Arcy-sur-Cure, une structure de hutte
gravettienne a été identifiée par André Leroi-Gourhan gríice a 11 trous de
poteaux qui traversent la couche moustérienne sous-jacente et délimitent
un abrí circulaire de 2,5 m de large recouvert de 2 cm d'ocre. Des frag­
ments de défenses de mammouths sont interprétés comme l'armature de
cene hutte, le matériel Jithique étant localisé dans une zone au pied d'un
gros bloc ou le railleur de si lex, assis, avait débité ses lames, tandis que la
partie centrale était dégagée des déchets de cuisine et qu 'un foyer se trou­
vait devant 1'entrée.
Nous ne savons rien des rencontres entre les diverses populations
noma.des qui devaient immanquablement se faire, les amenant parfois a se
disputer un habita! de qualité, une entrée de grone particulierement bien
abritée ou exposée, a proxímíté d'une source, d 'une rívíere, de bois et de
sites d'extraction du sílex. La concurrence devait s'instaurer dans une
ambiance pas forcérnent amicale.

L'habillement de nos ancetres


On s'est posé la question de savoir si les homrnes préhistoriques por­
taient des habits. Nous avons vu que jusqu 'a une époque récente, au
siecle demier, les Alakalufs vivaient nus une grande partie de l'année et
ne s'habillaient que pendant la saison froide. Cette résistance est liée a
l'action puissante de la sélection naturelle, qui élimine impitoyablement
les plus fragiles. On imagine les fernmes de la préhistoire en train de
fabriquer des vetements pour la période froide. Elles devaient tendre les
peaux avec des piquets en bois plantés dans le sol afín de les racler pour
enlever les demiers vestiges de graisse et de viande. U fallait ensuite faire
sécher la peau sur un feu doux sans la faire durcir avant de la travailler
pour lui donner la forme désirée, la percer de trous avec un poin9on, un
pen;oir, pour y faire passer des lanieres d'attache. C'est au cours du
Solutréen que l'on voit appara1tre les aiguilles a chas en os, qui démon­
trent que ces hommes et femmes contemporains des phases les plus
froides du Quaternaíre ont cousu des peaux de betes pour en faire des
habits. Cela ne veut pas dire que les hommes plus anciens ne portaient
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