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05/12/2008
Diagrammes d’équilibre
Alliages binaires
par Jean HERTZ
Professeur émérite à l’Université Henri-Poincaré - Nancy I
1. Présentation générale............................................................................. M 70 - 4
2. Principes thermodynamiques des équilibres entre phases ......... — 5
3. Règle des phases de Gibbs et règle des bras de levier ................. — 10
4. Phases présentes dans les alliages métalliques ............................. — 12
5. Simulation des diagrammes binaires par la solution régulière .. — 13
6. Divers types de diagrammes binaires en relation avec la nature
des interactions v ................................................................................... — 15
7. Solidification et coefficient de ségrégation..................................... — 25
8. Principales causes d’écart à l’équilibre............................................. — 26
9. Morphologie structurale des alliages................................................. — 27
10. Généralités sur les diagrammes présentés....................................... — 28
11. Principales causes d’incertitude des diagrammes d’équilibre ... — 28
12. Préparation des alliages......................................................................... — 29
13. Méthodes de détermination des diagrammes ................................. — 29
14. Renseignements généraux sur la présentation
des diagrammes ....................................................................................... — 30
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. M 70
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∂E ∂E ∂E
d E = ------- dS + ------- d V + ∑ -------- dn i (6)
2.2 Conditions d’équilibre ∂S V, ni ∂V S, ni ∂n i S, V, n
i j
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2.2.3 Conditions de l’équilibre thermodynamique équation dans laquelle la fonction de Gibbs G est définie par :
local G = E + PV – TS (17)
Ce sont les échanges permanents des grandeurs extensives S, V C’est cette fonction qui passe par un minimum à l’équilibre iso-
et ni qui vont aboutir à l’égalisation des grandeurs intensives de bare-isotherme. Si l’on calcule la différentielle de la fonction G en
tension T, P et µi sur l’ensemble du système. Chaque type tenant compte de la relation (7) on trouve :
d’échange S, V ou ni sera responsable de l’égalisation de sa varia-
ble intensive associée T, P ou µi , à condition toutefois que les d G = – S d T + V d P + Σµ i d n i (18)
conditions imposées aux limites (sur le contour du système) se Pour exprimer le passage à minimum de la fonction de Gibbs
prêtent à cette égalisation. Ainsi, si le système était placé dans un d’un système quelconque Σ, on doit d’une part exprimer que la dif-
gradient de température l’équilibre thermodynamique ne s’établi- férentielle première de G est nulle, d’autre part que sa différentielle
rait pas, le système pourrait seulement se stabiliser dans un état seconde est une forme quadratique positive :
d’écoulement permanent et stationnaire de la chaleur. Justifions
rapidement l’uniformité des variables intensives dans un système d G (Σ ) = 0 d 2 G (Σ ) ≥ 0 (19)
fermé, isobare et isotherme sur son contour : considérons les
échanges locaux entre σ et Σ (figure 1). L’équilibre thermodyna- L’égalité du premier ordre dans (19) s’appelle la condition d’équi-
mique exprime dans son second principe que les fluctuations loca- libre du système, tandis que l’inégalité du second ordre traduit la
les ne sont pas productrices de désordre ou encore que lorsque σ stabilité de l’équilibre. Pour un alliage binaire, cette inégalité
reçoit la quantité d’entropie dS le système Σ reçoit en échange la entraîne trois conditions de stabilité à satisfaire simultanément :
quantité (– dS ), de manière à conserver globalement le désordre
avec un bilan entropique nul. Pour des raisons plus évidentes les ∂T
------- >0 ∂P
------- <0 ∂µ
--------i >0 (20)
quantités de volume et de matière se conservent également. En ∂S P, ni ∂V T, ni ∂n i P, T, n
j
appliquant la relation (7) à chacun des sous-systèmes σ et Σ et en
sommant, le bilan en énergie de l’échange de fluctuation s’établit ces inégalités avaient déjà été évoquées au paragraphe 2.1. Quel
ainsi : que soit le nombre de constituants du système, ces conditions de
stabilité sont toujours des conditions nécessaires mais elles ne
de (σ ) + dE (Σ ) = (T – T ’)dS – (P – P ’)dV + ∑(µi – µi′ )dni = 0 (14) sont suffisantes que pour un système binaire. La dernière inégalité
semble recouvrir deux expressions distinctes selon que l’on
i
équation dans laquelle on a supposé que les grandeurs intensives utilise le constituant 1 ou le constituant 2 ; mais on démontre
dans σ et dans son voisinage immédiat de Σ étaient distinctes. [relation (25)] que l’une des conditions est redondante par rapport
à l’autre.
Le premier principe de la thermodynamique exprime que l’éner-
gie se conserve globalement, les fluctuations d’échange local ont
donc un bilan de variation d’énergie nulle. La relation (14) devant 2.3.2 Équations d’Euler et équations
être satisfaite pour une infinité de dS, dV et dni indépendants entre de Gibbs-Duhem. Fractions molaires
eux, on en déduit la seule solution :
Le développement de la thermochimie pour son application aux
T = T’ , P = P’ et µi = µ i′ (15) calculs des diagrammes de phases suppose connues certaines
relations qui concernent les potentiels thermodynamiques. Tous
Dans les relations (15), les deux premières égalités nous sont ces potentiels sont des grandeurs additives sur l’ensemble du sys-
très familières : on a conscience que la température s’uniformise, tème et nous allons montrer que ce sont des formes linéaires des
une casserole retirée du feu refroidit et prend progressivement la variables extensives. Considérons par exemple la relation fonda-
température du local ; de même une baudruche gonflée se dégon- mentale de Gibbs (5), qui exprime que les variables E, S, V, et ni ...
fle lorsqu’elle crève. Mais l’égalisation des potentiels chimiques sont liées, à l’équilibre thermodynamique. Considérons en outre
est un concept plus abstrait et c’est sur ce principe de base que un certain système dans un certain état d’équilibre bien défini. On
repose toute la théorie des diagrammes d’équilibre de phases. En peut par la pensée subdiviser ce système en ne considérant que sa
effet, l’uniformité des potentiels chimiques de tous les constituants fraction f, les grandeurs citées étant toutes additives elles seront
impose un ensemble de conditions qui traverse les frontières des toutes multipliées simultanément par f dans le nouveau système
phases distinctes à l’intérieur d’un même système. considéré. Cette observation démontre que l’équation fondamen-
tale de Gibbs est une forme linéaire à laquelle s’applique la rela-
tion d’Euler :
∂E ∂E ∂E
E = ------- S + ------- V + ∑ -------- n i
6
2.3 Les potentiels thermodynamiques ∂S ∂V i
∂n i
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Cette relation exprime qu’à l’intérieur d’un système en équilibre Dans la pratique la variable pression n’a que très peu d’influence
chimique isobare isotherme, les potentiels chimiques sont liés sur les phases condensées et on ne dispose que d’informations
dans leur ensemble : très fragmentaires sur cette influence : on convient donc en
général de fixer la pression à une valeur constante choisie égale à
T0 , P0 → 0 = ∑n i d µ i J (24) 1 atmosphère standard (101 325 Pa ou 100 000 Pa selon les normes
standard adoptées, ce qui ne modifie pas de façon détectable les
i
potentiels chimiques des phases condensées). Finalement le sys-
En particulier pour un système binaire, les deux potentiels chi- tème d’équation (28) conduit à une solution unique pour chaque
miques des deux constituants sont liés et peuvent se déduire l’un température T fixée :
de l’autre par une intégration :
α α β β
n1 x1 x 2 = x 2 (T ) et x 2 = x 2 (T ) (29)
T0 , P0 → dµ2 = – ------ d µ 1 = – ------ d µ 1 (25)
n2 x2 Dans un plan représentant les fractions molaires x2 en abscisses
et la température T en ordonnées, les relations (29) décrivent deux
Dans cette dernière relation, les variables x1 et x2 sont les frac- courbes distinctes appelées courbes conjuguées de l’équilibre
tions molaires des constituants, dont la définition générale est : α ⇔ β. C’est le principe de la représentation graphique appelée
x i = ni / Σn i diagramme d’équilibre entre phases. À chaque température, tous
les mélanges biphasés (α + β) sont situés sur un segment de droite
et, pour un système binaire : horizontale dont les extrémités représentent les deux compositions
des phases en équilibre à cette température : ce bipoint est appelé
x1 = n1 /(n1 + n2 ) x2 = n2 /(n1 + n2 ) (26) segment de conjugaison ou conode.
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2.6 Grandeurs de mélange et d’excès. Chaque grandeur de mélange engendre son identité de Gibbs-
Duhem analogue à la relation (23) :
États de référence.
mix mix
Activités des constituants ∂Y
----------------
∂Y
d T + ---------------- ∑ni dY i
mix
dP = (34)
∂T P,ni ∂P T,ni
i
Le calcul des équilibres entre phases nécessite la modélisation
L’entropie de mélange joue un rôle particulièrement important
algébrique des potentiels chimiques de chaque constituant dans
car elle contient l’accroissement du désordre global qui accompa-
chaque phase. Les fonctions additives énergie interne E, enthalpie
gne l’opération de mélange des constituants pour former une
H = E + PV, enthalpie libre de Gibbs G = H – TS, ne sont définies
phase unique ϕ. Indépendamment des interactions qui peuvent
qu’à une constante additive arbitraire près. Un troisième principe
s’exercer entre les espèces et par simple dénombrement du nom-
de la thermodynamique, posé par Nernst en 1906, attribue l’entro-
bre possible de configurations microscopiques, l’opération de
pie nulle S = 0 à toute phase en état d’équilibre stable ou métasta-
mélange des constituants est créatrice d’entropie (c’est une opéra-
ble, au zéro de l’échelle de température thermodynamique. Toutes
tion irréversible). La définition de l’entropie intégrale de mélange
ces fonctions sont modélisées pour chaque phase et, en général,
est la même que celle de n’importe quelle autre grandeur de
on considère leurs valeurs molaires c’est-à-dire pour une quantité
mélange, relation (30) :
de matière égale à une mole d’atomes Em , Hm , Gm , Sm .
Pour comparer entre elles les grandeurs molaires de plusieurs S mix = S ϕ(P, T, ni ...) – ∑ n i S *m,i (P,T ) (35)
phases (compte tenu des constantes additives arbitraires), il est i
nécessaire de les référer à une origine commune. C’est ce que l’on Cette grandeur contient donc le terme d’entropie de configura-
appelle l’état de référence : le plus souvent on choisit le système tion de mélange qui correspond aux permutations permises des
hors d’équilibre dans lequel chaque constituant est pris en quan- espèces lorsqu’elles sont dans la même phase ϕ, permutations qui
tité égale à celle du système considéré, mais à l’état pur et séparé, étaient impossibles dans l’état de référence. Un calcul statistique
dans un état structural convenu pour chacun, à la même tempéra- du nombre de permutations ainsi engendrées et l’application de la
ture et sous la même pression. L’état structural convenu pour cha- relation de Boltzmann (4) donne le résultat suivant pour le désor-
que corps pur est appelé état de référence du corps pur. Aucun dre idéal :
calcul thermochimique ne peut être effectué sans avoir défini au
préalable les états de référence de chaque constituant, tout comme
S mix(configuration) = – R ∑ ni ln (xi )
i
il serait impossible de définir une abscisse algébrique sur un axe et :
sans en avoir choisi l’origine. mix
Si (configuration) = – R ln (xi ) (36)
Considérons dans une phase ϕ une grandeur additive Y, on
appelle grandeur de mélange Y mix la différence entre la grandeur avec R la constante molaire des gaz parfaits définie plus
ϕ
Y dans la phase ϕ homogène et la quantité Y dans le système de haut au paragraphe 2.1,
référence, les deux états de la matière contenant la même quantité xi la fraction molaire, définie à la relation (26).
de chaque constituant :
On constate que lorsque la dilution de l’élément i devient infinie,
Y mix = Y ϕ(P, T, ni ...) – ∑ niY m* , i (P,T ) (30) c’est-à-dire xi → 0, l’entropie partielle molaire de configuration du
constituant i tend vers l’infini positif. Or si l’on explicite le potentiel
i
* ( P,T ) désigne la grandeur de même
Dans cette expression, Y m chimique de mélange, à partir de la relation (1) G = H – TS , on
,i obtient :
nature dans une mole de corps pur i pris dans l’état structural de
mix mix mix
référence convenu. µi = Hi – TS i (37)
mix Aux grandes dilutions de l’espèce i , le potentiel chimique de
On appelle grandeur molaire partielle de mélange Yi , la déri-
mélange de ce constituant tendra donc vers l’infini négatif, c’est ce
vée partielle de Y mix par rapport à la variable ni :
que l’on appelle un puits de potentiel chimique infiniment profond.
Le sens physique de ce résultat est que toute substance exempte
∂Y mix ∂Y
= --------
mix * (T , P ) d’un constituant i exerce sur ce constituant une force motrice de
Yi = ---------------- – Ym (31)
∂n i T, P, nj ≠ i ∂n i T, P, nj ≠ i
,i
diffusion attractive infiniment forte. Dans le cas des alliages métal-
liques, qui nous intéresse ici, l’opération de fusion dans un creuset
Exemple : en choisissant comme grandeur additive Y la fonction ou dans une poche risque donc d’apporter une contamination de
de Gibbs G dont la différentielle est donnée à la relation (18), on l’alliage par les constituants du creuset, seule la cinétique lente de
observe que le potentiel chimique de mélange s’identifie à l’enthalpie cette dissolution des parois dans le bain peut retarder cette conta-
libre molaire partielle de mélange : mination. Pour la recherche des puretés extrêmes, on a recours à
des méthodes de fusion sans creuset, telles que la fusion de zone
∂G
( T , P , x 1 , x 2 ,... x c – 1 ) = -------
mix mix
µi = Gi
∂n i T , P , n
– G *m , i (T , P ) (32) sur barreau, la fusion en lévitation dans un champ électromagné-
j≠i tique haute fréquence ou la fusion en apesanteur.
Pour chaque constituant i , on définit l’activité ai et le coefficient
G *m , i (T , P ) = µ *i est aussi appelé le potentiel chimique du corps d’activité γi dans le système ou dans la phase considérés et par
pur dans son état de référence. référence à un état du corps pur i prédéfini, par les relations :
Puisque toutes les grandeurs additives sont des formes linéaires mix
des variables ni la formule d’Euler s’applique également aux gran- µi
= RT ln(ai ) = RT ln(γi ) + RT ln(xi ) (38)
deurs de mélange : On dit que la phase ϕ est idéale si le potentiel chimique de
∑n i Y i
mix mix mélange ne contient que la contribution d’entropie de configura-
Y =
i tion idéalement désordonnée de type (), dans ce cas γi = 1 et ai = xi
ou en divisant par ∑ ni : à toute température. Aucune solution n’est rigoureusement idéale,
i mais toutes s’en approchent vers les hautes températures
∑ xiY i
mix mix lorsqu’elles restent stables.
Ym = (33)
i L’écart à l’idéalité est engendré par trois causes principales.
La grandeur Y mix est encore appelée grandeur intégrale de Une cause extrinsèque constituée par le choix arbitraire d’un
mélange. état de référence de corps pur non isomorphe de la phase consi-
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∑
E E
Ym = xiY i (42) c’est-à-dire l’enthalpie libre molaire de mélange d’un système
i binaire, en conditions isobare-isotherme. L’équation de Gibbs-
Duhem (25) associée à la relation d’Euler permet d’établir sans dif-
On remarque que les conditions d’équilibre thermodynami- ficulté les relations :
que dans un système expriment l’égalité des potentiels chimi- mix
mix mix d Gm
ques dans toutes les phases coexistantes. Il y a donc continuité µ1 = G m – x 1 -----------------
d x2
des potentiels chimiques de mélange et des activités des
constituants lorsque l’on traverse l’interface entre deux phases. et :
Mais cette continuité n’est assurée que par la compensation des d Gm
mix
mix mix
deux discontinuités, enthalpique et entropique ∆ α H i
β mix
et µ2 = G m + x 2 ----------------- (44)
d x2
β mix
∆ αS i , qui représentent la différence finie des deux grandeurs Dans les équations (44), la fonction de Gibbs isobare-isotherme
partielles de mélange en phase β ou en phase α : mix
n’est plus fonction que d’une seule variable G m ( x 2 ) . Elles expri-
β mix β mix ment que les potentiels chimiques de mélange sont les intersec-
∆ αH i – T ∆ αS i = 0.
tions avec les deux axes verticaux des corps purs de la tangente
Pour les compositions biphasées, c’est-à-dire sur le segment mix
de conjugaison, les enthalpies et les entropies partielles molai- à la courbe représentative de la fonction G m ( x 2 ) , prise à l’abs-
res de mélange sont encore distinctes des précédentes et sont cisse x2 , (figure 2). Des relations similaires s’appliquent aussi aux
mix mix grandeurs d’excès.
parfois écrites H i et S i pour les distinguer, la double barre
représentant la coexistence de deux phases. Finalement, la
continuité des potentiels chimiques s’établit par le jeu d’égalités
suivant :
3. Règle des phases de Gibbs
( αH mix α mix mix mix
– T S i ) limite α /α + β = (H i – TS i ) α + β
i
β mix β mix et règle des bras de levier
= ( H i – T S i ) limite β/α + β (43)
Ainsi le potentiel chimique est la seule grandeur partielle Nous regroupons dans ce paragraphe deux règles d’importances
molaire continue sur l’ensemble d’un système polyphasé et inégales. La règle des phases de Gibbs est de portée universelle et
c’est la raison pour laquelle on peut le définir sans ambiguïté permet le dénombrement des phases coexistantes dans un sys-
sur le système total ; mais toutes les autres grandeurs partielles tème de multiplicité quelconque, en relation avec le nombre de
ne sont continues que dans la même phase : c’est pourquoi degrés de liberté de ce système. La seconde règle dite des bras de
l’entité considérée comme système thermodynamique en cal- levier ou des segments inverses ne s’applique qu’aux systèmes
cul automatique de diagramme est toujours la phase pour ne binaires, c’est une image géométrique du bilan des masses des
pas avoir à modéliser des grandeurs discontinues. deux phases, dans un domaine biphasé.
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3.1 Règle des phases de Gibbs Les échelles de composition wi et xi sont reliées entre elles par
une relation homographique, qui fait intervenir les masses atomi-
ques des éléments, et qui a pour effet de dilater ou de comprimer
une des échelles par rapport à l’autre lorsque wi → 0 et inverse-
3.1.1 Variables de composition chimique ment lorsque wi → 1. Ces échelles se recoupent aux deux extrémi-
d’une phase tés 0 et 1. On se reportera au paragraphe 14.2.
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au point que même le signe des coefficients d’interaction est Sur un intervalle de température moyennement étendu, cette
souvent difficile à déterminer. Si la physique du solide a marqué relation peut être intégrée en considérant l’entropie de fusion
des succès certains en cette fin de siècle, en particulier pour ∆fusSA* comme une constante :
expliquer la forme de certains diagrammes de phases et la α L
nature des structures stables des corps purs, elle est encore très µ A∗ – µ A∗ = ∆FusSA*(T – TA*) (60)
loin de modéliser quantitativement un diagramme réel par ces
méthodes ab initio. Cette équation fait intervenir deux paramètres qui sont mesura-
bles pour un métal réel ∆FusSA* et TA* . Il existe une relation simi-
laire pour le corps pur B * et une relation de même type pour
Dans le dénombrement des liaisons de Bragg-Williams, la solu-
chaque variété allotropique (réelle ou spéculative, par exemple
tion a été supposée statistiquement désordonnée. En négligeant α
toutes les entropies d’excès, l’entropie de mélange s’identifie à pour µB ∗ ), de chacun des corps purs. Pour les variétés spéculati-
l’entropie idéale de configuration, au moins si la solution est de ves, les deux constantes seront toujours des coefficients ajustables
substitution. La forme générale de cette entropie a été donnée à la (pour un métal réel) puisque les entropie et température de fusion
relation () et s’écrit ici : de ces phases fictives ne peuvent pas être mesurées.
mix En désignant par x L et x α les fractions molaires du constituant B
S m (ϕ) = – R [x ln(x ) + (1 – x ) ln(1 – x )] (55) dans les phases L et α, l’enthalpie libre du solide α et du liquide L
s’écrivent par référence aux deux constituants purs liquides :
L’enthalpie libre de mélange d’une phase ϕ par référence à ses
deux corps purs isomorphes vaut donc : Gm
mix
(L) = ω Lx L(1 – x L) + RT [x L ln(x L) + (1 – x L) ln(1 – x L)] (61)
ω ϕx (1
mix
G m (ϕ) = – x ) + RT [x ln(x ) + (1 – x ) ln(1 – x )] (56) G m (α) = ω αx α(1 – x α) + RT [x α ln(x α) + (1 – x α) ln(1 – x α)]
mix
C’est cette expression que l’on appelle modèle de la solution + x α∆fusSB*(T – TB*) + (1 – x α)∆fusSA*(T – TA*) (62)
régulière. Dans l’approche phénoménologique de Hildebrand
comme dans l’approche statistique de Bragg-Williams et Bethe le
coefficient ω ϕ est strictement enthalpique, mais il est possible
aussi de le faire varier linéairement en T pour faire apparaître une
5.4 Récapitulation des paramètres
entropie d’excès parabolique. C’est ce que l’on appelle la solution variables du modèle
quasi régulière.
Dans nos modèles de diagrammes binaires, nous avons introduit
au maximum quatre phases distinctes, les deux solutions solides
primaires α et β, une seule solution solide intermédiaire γ et le
5.3 Changements d’états de référence liquide L. Chacune des phases α, β et L est décrite comme une
des corps purs solution régulière avec son propre coefficient d’interaction ω ϕ.
D’autre part, les solutions solides primaires α et β possèdent cha-
Dans un même calcul diagrammatique, l’état de référence de cune leur entropie et température de fusion de corps pur isomor-
chaque corps pur doit rester le même pour toutes les phases phe. En pratique, nous affecterons toujours la valeur 10 J/(mol · K)
coexistantes. Peu de phases seront donc représentées par réfé- aux entropies de fusion des corps purs stables ou métastables
rence aux deux corps purs isomorphes. D’ailleurs pour les phases dans le diagramme. Ces deux phases sont donc décrites par leurs
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Température (°C)
bilité d’introduire aussi des atomes A sur le second sous-réseau, a
décrivant ainsi une nouvelle interaction régulière entre les deux 870
types d’atomes distribués sur ce second sous-réseau. Pour décrire
l’attraction qui s’exerce entre les atomes A et B qui forment le Liquide
composé stœchiométrique A2B, une enthalpie de formation du 840
composé stœchiométrique à partir des corps purs solides A* et B *
Li
est introduite ainsi que l’enthalpie positive représentant la compo-
qu
810
id
sition extrême métastable A2A. Finalement nous disposons au total
us
So
de 11 paramètres ajustables pour créer tous nos diagrammes :
li d
— 4 coefficients d’interaction régulière dans les phases α, β, L et
us
780
second sous-réseau γ ;
— 3 températures de fusion de A* sous les variétés α, β et γ ;
— 2 températures de fusion de B * sous les variétés α et β ; 750
Solide a
— 1 enthalpie de formation de A2B et 1 enthalpie de corps pur
A2A*. 720
(kJ/mol)
6. Divers types b
de diagrammes binaires 0
mix
en relation avec la nature Gm –1
des interactions ω –2
L
L
–3
6.1 Systèmes à faible interaction 600 °C
avec miscibilité totale solide –4
a
785 °C
La figure 4 correspond à un système simple où les deux consti- –5 a
tuants sont miscibles en toutes proportions dans la phase liquide L
comme dans la solution solide α. Deux phases seulement occupent a
le diagramme d’équilibre. À haute température, la phase L et, à –6 a
L
basse température, la phase α. Les corps purs isomorphes A* et 600 °C
B * fondent respectivement à 900 et 700 oC. Entre ces deux tempé- –7
ratures, le diagramme présente deux lignes conjugées liquide et 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
solide appelées liquidus et solidus formant un fuseau de coexis- Fraction molaire xB
tence des phases qui se referme aux extrémités du diagramme sur
les deux points de fusion des corps purs. Les deux interactions Les courbes conjuguées liquidus et solidus forment un seul
régulières sont choisies ici faiblement répulsives, ω L = 750 J/mol et fuseau fermé aux deux points de fusion des corps purs. À 785 °C,
ω α = 2 000 J/mol, ce qui représente une enthalpie de mélange de les courbes d'enthalpie libre de mélange du solide et du liquide
se coupent, définissant une tangente commune qui engendre un
seulement quelques centaines de J/mol au centre du diagramme segment de conjugaison sur le diagramme.
(187 J/mol en phase liquide et 500 J/mol en phase solide). Le dia-
gramme de phases est représenté sur la figure 4a tandis que les
enthalpies libres de mélange calculées à 600 oC et à 785 oC sont Figure 4 – Système présentant une miscibilité totale en phase
tracées sur la figure 4b avec les deux liquides purs comme états liquide et en phase solide. Interactions faiblement répulsives
de référence. À 600 oC, les courbes L et α sont totalement disjoin-
tes et la phase α est stable à toute composition. Au contraire à
785 οC, les courbes L et α se coupent au voisinage de la composi-
tion xB = 0,45 et une tangente commune définit un segment de répulsive des interactions ; avec des interactions faiblement attrac-
conjugaison liquide ↔ solide. Le segment de tangente commune tives, le fuseau se situerait au-dessus de la ligne droite (système
αL de la figure 4b constitue la plus basse enthalpie libre réalisable Ag-Au [M 70-103]) et, pour deux phases presque idéales, il enca-
entre ces deux compositions ; le mélange biphasé (α + L) est donc, drerait cette droite (système Cu-Ni [M 70-151].
dans ce domaine, l’équilibre stable. À sa gauche, le domaine α
monophasé et à sa droite le domaine L monophasé. Dans le
domaine biphasé et pour une même température, les potentiels
chimiques sont indépendants de la composition (ils se lisent à 6.2 Systèmes à forte interaction
l’intersection de la double tangente avec les axes verticaux des répulsive : lacune de démixtion
deux corps purs, § 2.7), les compositions des deux phases sont en phase solide
donc invariantes avec la composition moyenne, seul le rapport de
leurs masses évolue pour satisfaire la règle des segments inverses
(§ 3.2). 6.2.1 Démixtion dans une phase
On observe sur la figure 4a que le fuseau liquidus ↔ solidus se
place ici en dessous de la ligne droite imaginaire reliant les deux Lorsque les conditions de stabilité chimique ne sont plus satis-
points de fusion. Cette propriété est liée à la nature faiblement faites dans une phase, celle-ci ne peut plus exister à la composition
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(J/mol)
mes équivalentes variées : 527 °C
∂µ ∂ 2G m ∂ 2G m
Mix Mix 0
--------i > 0 ↔ ----------------------- ↔ -
mix
- > 0 ----------------------- >0 (63)
∂x i P, T
Gm
∂x 12 P, T ∂x 22 P, T 627 °C
– 400
condition spinodale :
– 800
∂ 2G m Mix
727 °C
-----------------------
- =0
∂x 22 P, T – 1 200
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Température (°C)
900
900
Température (°C)
a
a Liquide
Liquide 800
800
700
700
600
600
500
500 a C
C
400
a a
400
a
300
300
m (J/mol)
2 000
(J/mol)
437 °C – 500
ix
1 500
Gm
– 1 000
mix
L
Gm
650 °C
1 000 – 1 500
500 – 2 000 L
a
0 – 2 500
L
– 3 000
– 500 L
a
– 3 500 a
– 1 000 a
a L
– 4 000
– 1 500 a L b
b – 4 500
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
– 2 000
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 Fraction molaire xB
Fraction molaire xB 0
m (kJ/mol)
L
Figure 6 – Système à forte interaction répulsive présentant 611 °C
une lacune de miscibilité en phase solide complète jusqu’au point
–2
critique et un fuseau unique liquidus-solidus. Le liquidus à faible a
pente est caractéristique des liquides proches de la démixtion L
–3
6.2.3 Lacune de démixtion solide complète,
solidification congruente
–4
La figure 7 est une simulation de démixtion solide avec solidifi- a
cation congruente à minimum. Elle est engendrée avec les coeffi-
cients d’interaction suivants ω α = 12 000 J/mol et ω L = 5 000 J/mol. –5
Les températures de fusion des corps purs sont choisies plus voi- c
sines que dans le cas précédent. La figure 7b représente les fonc-
tions de Gibbs de mélange à 650 oC, température située au-dessus 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
du point critique de la phase solide et à laquelle les courbes solide Fraction molaire xB
et liquide se coupent en deux points engendrant deux équilibres Les courbes conjuguées liquidus et solidus forment deux fuseaux de
α ↔ L disjoints, donc deux fuseaux. Cette situation se retrouve part et d'autre d'un minimum commun situé à 611 °C, appelé point de
dans le diagramme du système Au-Ni [M 70-125]. congruence. À la température de congruence, les courbes de Gibbs
sont tangentes entre elles (figure 7c).
■ Justification du théorème de Gibbs-Konovalov
La figure 7c montre la situation des courbes d’enthalpie libre de Figure 7 – Système à forte interaction répulsive présentant
mélange du solide et du liquide à la température de fusion une lacune de miscibilité en phase solide complète
congruente 611 °C. La courbe du liquide est entièrement contenue jusqu’au point critique
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Température (°C)
bes présentent une tangente commune. En ce point particulier, les 900
potentiels chimiques des deux constituants (qui se lisent à a
l’intersection de cette tangente avec les axes verticaux des corps
800
purs (§ 2.7) sont égaux dans les deux phases pour la même
concentration xB = 0,64. La phase solide et la phase liquide en Liquide
équilibre sont donc de même composition et la solidification se fait 700
à température constante qui est un minimum commun au solidus E
et au liquidus. En effet, si l’on s’écarte si peu soit-il vers les basses a a
températures, les deux courbes de la fonction de Gibbs ne se cou- 600
pent plus et, si l’on s’écarte vers les hautes températures, on
retrouve une situation analogue à celle de la figure 7b. Le point de 500
congruence peut donc être considéré comme un double segment
de conjugaison entre une phase liquide et une phase solide équi-
titres. Du point de vue de la règle des phases, la condition supplé- 400
L α
mentaire x 2 = x 2 ramène la variance du système isobare biphasé
à zéro. Ce point est donc un point isolé dont les coordonnées sont 300
des constantes physiques.
Au paragraphe 6.3, nous rencontrerons la même situation pour
les solutions attractives mais avec une inversion de sens dans 0
(J/mol)
l’échelle des températures : le point de congruence présentera 637 °C
alors une tangente horizontale commune au liquidus et au solidus
mais en un maximum de température (figure 12). –500
mix
Gm
Il est bien sûr possible de démontrer mathématiquement le théo-
rème de Gibbs-Konovalov : –1 000
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900
a tectique est plus générale et peut concerner deux phases solides
quelconques comme sur la figure 13, qui représente un système à
800 interaction attractive. Juste à la température invariante péritecti-
Liquide que, le liquide et le solide qui reste stable à haute température pré-
700 sentent l’un et l’autre un domaine monophasé plus ou moins
étendu de part et d’autre du palier invariant, tandis que le nouveau
solide qui apparaît à cette température, appelé solide péritectique,
600 présente une composition unique située sur ce palier. D’un côté de
a cette composition le palier marque la fin de la solidification et par-
ticipe à la ligne de solidus, de l’autre côté au contraire le liquide
500 reste en excédent après la réaction péritectique qui provoque la
redissolution de toute la phase solide primaire. Contrairement à la
400 situation eutectique, un équilibre péritectique ne marque donc pas
P la fin de la solidification et il est fréquent que plusieurs équilibres
de ce type s’enchaînent en cascade vers les températures décrois-
300 santes, par exemple sur le diagramme Cu-Zn [M 70-157], système
a
à interaction attractive. La figure 9b mise en correspondance avec
le diagramme de phases 9a montre les enthalpies libres de
1 mélange du liquide et du solide à la température invariante péri-
(kJ/mol)
–4
6.2.5 Équilibre eutectique sans isomorphisme
–5 a des solutions solides
b
La figure 10a représente un équilibre eutectique très semblable
–6 à celui de la figure 8a, mais ici les deux solutions solides ne sont
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 pas isomorphes. La figure 10b représente les enthalpies libres de
Fraction molaire xB mélange des trois phases α, β et L, à la température invariante
eutectique 670 oC. La tangente triple touche une seule fois chacune
Le palier invariant à trois phases ne fait partie du solidus qu'entre les des courbes, bien que la phase α présente deux spinodaux. Les
deux compositions solides
figures 10b et 10c montrent les courbes d’enthalpie libre de
mélange au-dessus et en dessous de la température eutectique TE .
Figure 9 – Diagramme péritectique engendré par l’intersection
Au-dessus de TE , il existe deux équilibres distincts du liquide soit
d’une lacune de miscibilité en phase solide avec un fuseau unique
avec α soit avec β, tandis qu’en dessous de TE le liquide n’est plus
liquidus-solidus
en concurrence pour l’équilibre. Les paramètres de modélisation
sont ici les suivants ω α = 20 000 J/mol, ω β = 12 000 J/mol,
ω L = 10 000 J/mol. La transition α ↔ β du corps pur A* requiert
1 000 J/mol d’enthalpie latente et la transition inverse β ↔ α du
Les conditions imposées au modèle pour engendrer ce dia- corps pur B *, 3 000 J/mol.
gramme sont ω α = 20 000 J/mol et ω L = 10 000 J/mol. Le dia-
gramme Ag-Cu [M 70-111] est de ce type. Les liquides eutectiques
sont utilisés en métallurgie pour obtenir des points de fusion à
basse température soit en fonderie du moulage, soit en soudage. 6.2.6 Équilibre monotectique
Exemple : le mélange eutectique Ag-Cu a longtemps servi Dans les systèmes fortement répulsifs à relativement bas points
d’alliage de métal d’apport pour réaliser des soudures appelées bra- de fusion, une lacune de démixtion peut apparaître dans le liquide,
sures à l’argent. en dessous de sa température critique. Lorsque le solide primaire
La figure 8a représente le diagramme de phases en correspon- apparaît au sein des deux liquides, il se forme un équilibre inva-
dance avec la figure 8b montrant les enthalpies libres de mélange riant à trois phases. Cet invariant est appelé équilibre monotec-
des deux phases liquide et α à la température eutectique 637 oC. La tique. La composition du solide est extérieure au segment de
tangente triple touche deux fois la courbe solide et une fois la conjugaison binodal des liquides. Le cas contraire est extrêmement
courbe liquide. rare et sera étudié au paragraphe 6.4.1 (équilibre syntectique).
La figure 11a représente cette situation diagrammatique et la
■ Équilibre invariant péritectique binaire figure 11b les courbes d’enthalpie libre du liquide et du solide
Il est schématisé par la réaction : à la température monotectique. Ici les coefficients d’interaction
choisis sont égaux en phase liquide et en phase solide
(liquide + solide 1) ↔ solide 2 ω α = ω L = 20 000 J/mol. À 750 o C, la phase solide β n’est pas
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Température (°C)
1 000 1 000
(J/mol)
a c
500
mix
900
Gm
0
Liquide 727 °C
– 500
800
– 1 000
a
700 E – 1 500
a
b – 2 000
600
– 2 500 a b b
– 3 000 L
500 L
L
– 3 500
1 000 1 000
(J/mol)
(J/mol)
670 °C b d
500 500
mix
mix
Gm
Gm
0 0
627 °C
– 500 – 500
– 1 000 – 1 000
– 1 500 – 1 500
a
– 2 000 a – 2 000
L
L
– 2 500 – 2 500
b b
– 3 000 a – 3 000
L b
– 3 500
a b
– 3 500
– 4 000 – 4 000
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Fraction molaire xB Température (°C)
À la température eutectique 670 °C, les trois courbes d'enthalpie libre de mélange ont une tangente commune. Le palier invariant à trois phases fait
totalement partie du solidus. Au-dessus de cette température, il existe deux équilibres monovariant distincts solide-liquide.
Figure 10 – Diagramme eutectique engendré par l’intersection de la courbe de Gibbs de la phase liquide avec les courbes de Gibbs de deux phases
solides distinctes
encore solidifiée, elle apparaîtra à plus basse température et, 6.3.1 Miscibilité totale en solution solide primaire
selon les cas, en équilibre invariant eutectique ou péritectique avec et solution solide intermédiaire
α et L. sous le solidus
Cette situation s’observe lorsque les interactions attractives,
6.3 Systèmes à interaction attractive (ω < 0) sont moyennement fortes, de l’ordre du kilojoule par mole,
entre constituants et les points de fusion des corps purs suffisamment hauts en
température pour que la phase intermédiaire n’atteigne pas le soli-
Lorsque les constituants s’attirent fortement, il apparaît dans le dus. Elle engendre deux équilibres congruents à maximum. La
diagramme de phases une ou plusieurs solutions solides intermé- figure 12a illustre ce type de diagramme. Les courbes conjuguées
diaires (ou des composés définis). Nous limitons notre modélisa- de solidification forment deux fuseaux qui se referment en un
tions au cas où se forme un seul composé, situé au voisinage de point maximum congruent et dont la composition est souvent pro-
la composition A2B ; cette représentation permet de simuler tous che de celle de la phase intermédiaire. Celle-ci présente également
les types d’équilibre invariants individuels qui peuvent se présen- un équilibre congruent avec la solution solide primaire en un maxi-
ter dans les diagrammes binaires à interaction attractive. En exa- mum. En dessous de cet invariant, la phase intermédiaire présente
minant les diagrammes réels, le lecteur pourra ensuite interpréter deux équilibres disjoints avec la solution solide primaire, chacun
sans difficulté toutes les situations engendrées par la présence de situé d’un côté de la stœchiométrie structurale du composé. Les
plusieurs solutions solides intermédiaires, ce qui n’apporte pas de figures 12b et 12c montrent les situations des courbes d’enthalpie
situation nouvelle. libre de mélange des phases α, γ et L aux deux températures de
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M 70 − 20 © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques
Température (°C)
1 000
a
Température (°C)
950
C a 900 Liquide
925 a
800
900
Liquide Liquide 700
875
600
850
500
a
825 g
400
800
300
775
4
(kJ/mol)
b
1 000
(J/mol)
2
b
mix
Gm
0 a
mix
500
Gm
a L g
–2
0 a
989 °C L
–4
– 500
–6
828 °C
L
–1 000 –8
– 10
–1 500 a L L
– 12
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
– 2 000 Fraction molaire xB
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Fraction molaire xB 2
(kJ/mol)
c
0
Le palier invariant met en équilibre deux phases liquides et une seule
713 °C
phase solide et n'appartient pas au solidus. La solidification se
mix
–2
Gm
– 12
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Température (°C)
1 000
Température (°C)
a 1 000
900 a
900
800
a Liquide
Liquide
800
700
a g
600 700
500 600
b
400 500
g b
300
400
(kJ/mol)
2
(kJ/mol)
4
mix
0
Gm
591 °C
mix
Gm
2
–2
g
a g
0
–4
681 °C a a b
–2 –6
b L
b L
L
–4 –8
a – 10
–6 g
g
L b
– 12
–8
g b
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
– 14
Fraction molaire xB
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
4
(kJ/mol)
Fraction molaire xB
513 °C
0 Figure 14 – Système à forte interaction attractive en phase solide
a
et en phase liquide
–2
b L
g 6.3.2 Fusion péritectique du composé
–4 intermédiaire
a L
L Lorsque la stabilité du composé défini augmente ou lorsque les
–6 températures de fusion des corps purs décroissent, le composé
b
c défini apparaît au sein du mélange biphasé (liquide L + solide pri-
g maire α), par une réaction péritectique. La figure 13a illustre cette
–8 situation. Nous avons achevé la solidification par une seconde
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 réaction péritectique en cascade avec apparition de β dans la
Fraction molaire xB mélange biphasé (liquide L + solide γ ), suivi en température
décroissante par un équilibre monovariant entre L et β qui se ter-
Un composé intermédiaire g apparaît dans le diagramme qui
engendre, à 681 °C, un équilibre péritectique avec la solution mine au point de fusion du corps pur B *. Une autre situation serait
solide primaire a et le liquide. La seconde solution solide possible avec apparition de β dans un équilibre eutectique avec L
primaire b se décompose aussi sur un palier péritectique et γ. Il suffirait pour l’obtenir de remonter quelque peu la tempéra-
d'équilibre avec g et le liquide à 513 °C. ture de fusion du corps pur B *. La figure 13b montre la situation
des quatre courbes d’enthalpie libre de mélange α, β, γ et L à la
Figure 13 – Système à forte interaction attractive en phase solide température de fusion péritectique de γ, 681 oC. La tangente triple
et en phase liquide touche une seule fois les courbes α, γ et L. La phase β n’est pas en
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6.3.3 Fusion congruente du composé intermédiaire Figure 16 – Disposition schématique du diagramme dans le cas d’un
équilibre métatectique à trois phases ( a , b et L)
Si l’enthalpie de formation du composé intermédiaire γ = A2B
devient plus négative, sa stabilité en température s’accroît et
dépasse la ligne droite imaginaire qui joint les deux points de Une situation symétrique dans l’échelle des températures, mais
fusion des corps purs. La fusion du composé devient alors tout aussi exceptionnelle que l’équilibre syntectique apparaît dans
congruente à maximum. C’est ce qui apparaît sur la figure 14a : le diagramme (Fe, Cr) [M 70-146] où la phase intermédiaire σ, qui
pour obtenir cette disposition nous avons porté l’enthalpie de for- se forme de façon congruente à partir de la solution primaire α,
mation du composé stœchiométrique à – 30 000 J/(formule). Deux engendre, à plus basse température, un équilibre eutectoïde avec
paliers invariants apparaissent alors à plus basse température, de une lacune de démixtion de cette même phase α.
part et d’autre du composé, avec la cristallisation des solutions
primaires α ou β au sein du mélange (γ + L). Chacun de ces équili-
bres est, selon les cas, de type eutectique ou de type péritectique, 6.4.2 Équilibre métatectique
ce qui donne quatre variantes possibles au diagramme. Nous
Il s’agit également d’un équilibre à trois phases, une phase
avons choisi les paramètres du modèle pour obtenir deux paliers
liquide et deux phases solides. Les règles de stabilité prévoient que
eutectiques, ce qui est fréquent. La figure 14b représente les
l’entropie d’un système s’accroît vers les températures croissantes
enthalpies libres de mélange des quatre phases α, β, γ et L, à la
(règle attribuée à Vant’Hoff, mais préalablement établie par Gibbs
température du plus bas eutectiques, 591 oC. On y observe, d’une
en 1876). En s’appuyant sur l’exemple du corps pur, on en déduit
part, une tangente triple aux trois phases γ, L et β et, d’autre part,
trop hâtivement que le liquide, qui possède davantage d’entropie
une tangente double aux phases α et γ. Les paramètres du modèle
que le solide, se place au-dessus du solide dans l’échelle des
sont ici ω α = – 6 000 J/mol, ω β = – 5 000 J/mol, ω γ = – 8 000 J/mol
températures. Dans un système à trois phases, cette habitude de
(pour les interactions entre A et B sur le second sous-réseau du
pensée peut être mise en défaut : c’est le bilan entropique des
composé γ ) et ω L = – 11 000 J/mol. Le composé stœchiométrique
trois phases qui doit être considéré et non l’entropie individuelle
A2B a une enthalpie de formation à partir des corps purs solides
des phases. Ainsi existe-t-il des situations diagrammatiques
de – 30 000 J/(formule). Les enthalpies des transitions fictives
(figure 16), d’ailleurs rares, où une solution solide intermédiaire β
α → β et α → γ du corps pur A* sont respectivement 3 000 J/mol et
engendre au refroidissement une phase liquide minoritaire L en
3 333 J/mol. L’enthalpie de transition fictive β → α du corps pur B *
coexistence avec une autre solution solide α. Le palier invariant est
vaut 3 000 J/mol.
analogue à un palier péritectique qui serait dessiné à l’envers dans
l’échelle des températures. La figure 16 illustre schématiquement
cette disposition : la solution solide β « fond » au refroidissement
6.4 Équilibres invariants syntectique engendrant simultanément le liquide et la phase α. On rencontre
et métatectique cette disposition dans les bronzes (Cu, Sn), diagramme [M 70-155],
où la phase γ contenant 27 atomes % d’étain fond à 640 oC au
refroidissement, engendrant beaucoup de phase solide ε et un peu
6.4.1 Équilibre syntectique de liquide. Évidemment en abaissant encore la température, ce
Dans certains systèmes très rares, on observe à la fois une liquide résiduel se solidifiera : dans le cas des bronzes cette
lacune de miscibilité liquide, caractéristique d’une interaction seconde solidification interviendra sur le palier péritectique à
répulsive entre les constituants de la phase liquide et la formation 415 oC. C’est cette fusion transitoire qui est évoquée dans l’éty-
d’une solution solide intermédiaire voire d’un composé défini, mologie du mot métatectique (du grec meta = transitoire et
caractéristique d’une interaction attractive en phase solide. La tekein = fondre).
phase intermédiaire est peu stable et forme, vers les températures
élevées, un équilibre invariant (sous pression imposée) avec les
deux phases liquides de la lacune de miscibilité. La figure 15 illus- 6.5 Règles des solubilités limites stable
tre schématiquement cette disposition diagrammatique exception- et métastable
nelle. On ne peut évidemment pas citer de nombreux exemples :
on rencontre l’équilibre syntectique dans le binaire (K, Pb) ; très
Dans ce paragraphe, nous évoquons, d’une part, les ruptures de
récemment, on vient de mettre en évidence la fusion syntectique
pente des lignes conjuguées aux extrémités des paliers à trois pha-
du composé CoSi2 . L’étymologie du mot syntectique vient du grec
ses et, d’autres part, le sens de variation de la solubilité limite d’un
sun = ensemble et tekein = fondre, elle exprime la fusion simulta-
élément d’alliage dans une solution primaire en équilibre métasta-
née en deux liquides.
ble ou en équilibre stable avec une seconde phase. Ces règles
découlent du même type de raisonnement graphique sur la posi-
tion de la tangente commune aux courbes d’enthalpie libre inté-
grale de deux phases (figure 17).
L1 + L2
S 6.5.1 Règle 1
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6.5.2 Règle 2
mix
G
Aux extrémités d’un palier d’équilibre triphasé les extrapola-
tions métastables des lignes conjuguées externes sont toujours
Austénite Graphite situées dans les domaines biphasés stables.
g
Cémentite Fe3C
a
6.6 Transformations à l’état solide
Liquide
b T = TP
Toutes les configurations de diagrammes que nous venons de
décrire en partant de la phase liquide se retrouvent à l’identique
b T < TP dans les transitions entre phases solides. Nous donnons ci-des-
sous les divers cas possibles avec leur terminologie.
xB
b ■ La démixtion en phase solide : α1 ↔ α2 est un équilibre mono-
variant entre deux phases isomorphes issues d’une même phase α
instable (voir § 6.2.1).
T
■ La transformation congruente α ↔ β est tout à fait semblable
à la fusion congruente que nous avons précédemment décrite
(§ 6.2.3) et (§ 6.3.3) on en trouvera de nombreux exemples
(a + Liquide) Liquide dans les diagrammes présentés : (Al, Mn) [M 70-115], 950 oC et
P 37,5 atome % Mn ; (Au,Cu) [M 70-123] compositions AuCu et
a
AuCu3 ; (Co, Fe) [M 70-143], quatre congruences entre phases soli-
(a + b) (b + Liquide) des sont présentes sur ce diagramme aux compositions Co3Fe,
b CoFe et CoFe3 .
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mix
6.7 Quelques règles utiles pour µ1 (L) = ω L(x L)2 + RT ln(1 – x L) (64)
interpréter un diagramme de phases Au voisinage du corps pur 1*, le terme logarithmique dans (64)
est un infiniment petit du premier ordre en x L devant lequel on
Nous rassemblons dans l’encadré quelques règles faciles à com- peut négliger le terme du second ordre, il reste donc :
prendre et qui peuvent être utiles au lecteur non familiarisé avec
(L) ≈ RT ln(1 – x L)
mix
l’interprétation des lignes d’un diagramme de phases complexe. µ1 (65)
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Exemples
u (°C)
C’est pour cette raison que les transformations α ↔ γ par germina-
tion et croissance sont facilement inhibées, dans les conditions prati-
ques de refroidissement ou de chauffage, dans les alliages Fe-Ni, et 1 083
sont remplacées par une transformation martensitique se produisant
dans des conditions hors d’équilibre sans diffusion. On est ainsi amené
à tracer un diagramme hors d’équilibre [M 70-164], plus proche de A
la réalité pratique des phénomènes que le diagramme d’équilibre Liquide
[M 70-163], où l’on distingue les transformations au refroidissement et
au chauffage.
On retrouve une autre illustration de ce phénomène dans le dia-
C
gramme Cu-Sn, tracé dans les conditions pratiques de refroidissement 798
[M 70-156]. L’apparition de la phase ε dans la phase α homogène ne B E
755
peut pratiquement pas avoir lieu au refroidissement, si bien que, pour D
les conditions pratiques d’emploi des bronzes, il convient de remplacer a b g
la limite de solubilité de l’étain dans le cuivre par une verticale (courbe
en trait plein du diagramme). La décomposition eutectoïde de la Cu x0 F % Sn
phase δ n’a pas lieu non plus dans les conditions pratiques de refroidis-
sement, et le domaine δ doit être prolongé jusqu’aux basses tempéra- Figure 20 – Solidus AB, CD, EF, dans le cas d’une diffusion
tures. imparfaite à l’état solide, au cours de la solidification
d’un alliage Cu-Sn de composition x0
8.3 Diffusion à l’état solide au cours Remarque : le diagramme hors d’équilibre Cu-Sn [M 70-156] représente, en tiretés, les
de la solidification solidus relatifs aux conditions de coulée en sable ou en coquille (refroidissement plus
rapide). Ces solidus ne sont que des courbes approximatives moyennes, intégrant pour
tous les alliages les courbes telles que AB de la figure 20. Dans les conditions pratiques de
Exemple : ce diagramme Cu-Sn, hors d’équilibre [M 70-156], illus- solidification, l’eutectoïde α-δ est présent dès lors que la composition du bronze dépasse
tre aussi l’effet des difficultés de diffusion à l’état solide lors de la une valeur de l’ordre de 8 % d’étain, comme le montre le diagramme [M 70-156].
solidification. En effet, au cours de la solidification, dans les condi- À la solidification, on ne peut espérer obtenir un alliage homo-
tions d’équilibre, la composition du solide qui se développe aux gène que si sa composition se situe, sur le diagramme d’équilibre
dépens du liquide suit le solidus, et la solidification se termine à la correspondant, à la position de celle d’un minimum du liquidus où
température où la verticale de l’alliage perce le solidus. Mais la diffu- se produit une solidification congruente, sans changement de
sion à l’état solide étant très lente, cette évolution ne se réalise composition. Dans le cas général, à la solidification d’un alliage, on
qu’avec un certain retard (courbe AB, figure 20, d’autant plus impor- obtient des phases hétérogènes, ainsi que des phases étrangères
tant que la vitesse de solidification est élevée, car alors, la diffusion non prévues dans les états d’équilibre, quand leur formation est
à l’état solide permettant l’évolution de la composition du solide a de possible au fur et à mesure que l’on descend sur le liquidus. Il
moins en moins le temps de se produire. Il en résulte en première convient donc, lors de l’utilisation des diagrammes d’équilibre,
conséquence que le solide déposé est hétérogène : il est plus riche d’être très prudent, et de prendre en compte ces phénomènes soit
en cuivre au cœur des grains. Par ailleurs, la solidification n’est pas pour prévoir les phases qui existeront dans un alliage, soit pour
encore terminée au point B, puisque le solide apparu n’a pas encore définir ses conditions de traitement, et en particulier pour éviter les
la composition d’équilibre, et la deuxième conséquence de cette dif- brûlures. Dans les alliages d’aluminium de la série 2 000 (Al-Cu),
ficulté de diffusion à l’état solide est l’abaissement de la tempéra- cette précaution conduit à observer des températures d’homogé-
ture de fin de solidification. néisation avant trempe extrêmement précises, souvent à ± 3 oC
Mais la conséquence la plus grave de ce phénomène, dans les allia- près dans les conditions industrielles.
ges où peuvent exister plusieurs phases solides, est essentiellement la Des difficultés du même ordre, pour atteindre l’état d’équilibre,
présence de phases étrangères qui ne devraient normalement pas se rencontrent à la solidification dans les alliages dont le dia-
exister dans l’alliage après solidification. En effet, dans le diagramme gramme présente un équilibre monotectique à trois phases.
Cu-Sn par exemple, quand la température atteint celle du palier péritec- L’alliage biphasé à l’état liquide se présente sous forme de deux
tique où apparaît la phase β à 798 oC (figure 20), le solide α hétérogène couches liquides superposées (en raison de leur différence de den-
possède une composition moyenne inférieure à celle de l’alliage initial sité), qui réagissent à leur interface commune pour former la phase
(point B ), il reste donc du liquide de composition péritectique. Quand le solide. Celle-ci isole alors les deux couches liquides qui se solidi-
refroidissement se poursuit, ce liquide réagit avec la phase α pour for- fient ensuite indépendamment l’une de l’autre, à moins que par
mer de la phase β qui l’isole du liquide ; celui-ci évolue ensuite en igno- gravité, elle ne flotte ou tombe au fond. Après solidification,
rant pratiquement la phase α par suite des difficultés de diffusion à l’alliage est constitué d’un empilement de trois couches solides de
l’état solide dans la phase β. C’est pour cette raison que, dans le cas compositions et de structures micrographiques différentes.
général, les transformations péritectiques ne sont pas complètes.
Il est donc parfois impossible de fabriquer par solidification un
Dans le diagramme Cu-Sn, à partir de 798 oC, le liquide dépose donc alliage de deux métaux présentant une lacune de solubilité à l’état
de la phase β dont l’évolution de la composition moyenne (courbe CD ) liquide à cause de la gravité. C’est pourquoi il est intéressant d’étu-
est aussi en retard sur celle du solidus correspondant, comme pour la dier la solidification de tels alliages en apesanteur. On ne peut les
phase α. On atteint ainsi le palier péritectique à 755 oC où apparaît la fabriquer que par la voie du frittage d’un mélange de poudres des
phase γ, dont la composition moyenne suit la courbe EF (figure 20). La métaux de base de l’alliage.
diffusion n’étant pas totalement nulle à l’état solide, la solidification
s’arrêtera avant le point le plus bas du liquidus [M 70-155]. Après leur
apparition, les phases β et γ se décomposent à l’état solide en eutec-
toïde α-δ. Après solidification, l’alliage contient donc de la phase δ fra-
gile qui diminue considérablement la ductilité du bronze, alors qu’il ne
9. Morphologie structurale
devrait pas en contenir pour la composition choisie. En outre, lors d’un des alliages
traitement thermique, il convient de ne pas dépasser la température de
fusion des phases qui se sont solidifiées en dernier, sous peine de les On constate, d’après ce qui précède, que les diagrammes de
refondre et de brûler l’alliage. phases permettent de déterminer, dans les conditions d’équilibre,
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ou dans des conditions hors d’équilibre, la nature des phases pré- métalliques. Ils permettront au lecteur intéressé de mieux
sentes dans un alliage, et dans une certaine mesure, la répartition comprendre les équilibres entre phases.
de ces phases. Cependant la morphologie structurale (forme, Les publications concernant les diagrammes d’équilibre sont très
dimension, répartition spatiale des phases) peut être souvent esti- nombreuses et souvent difficiles à concilier, voire contradictoires.
mée à l’aide des diagrammes de phases, compte tenu des remar- En effet, le problème expérimental essentiel est de réaliser l’équi-
ques supplémentaires suivantes concernant la solidification et les libre parfait entre les phases, à une certaine température, ce qui est
transformations à l’état solide. souvent pratiquement impossible, même en laboratoire, puis
À la solidification, les phases solides primaires se présentent d’analyser et de reconnaître ces phases stables à cette tempéra-
souvent sous forme de dendrites ramifiées, ou possèdent une ture.
forme liée à la nature cristalline des phases (graphite lamellaire, Un examen rapide des différentes conséquences de ces difficul-
silicium à grains angulaires par exemple). Les alliages de compo- tés sur les méthodes utilisées pour la détermination des diagram-
sition eutectique sont constitués, à l’état solide, d’un ensemble de mes d’équilibre, ou sur les procédés d’élaboration des alliages,
deux phases solides sous forme de grains extrêmement fins, imbri- permettra au lecteur de se faire une idée plus précise sur la validité
qués les uns dans les autres selon une disposition lamellaire, glo- des diagrammes qu’il rencontrera dans la littérature, et sur les
bulaire ou aciculaire, mais l’eutectique peut être divorcé. Les conditions et les limites de leur utilisation pour les alliages habi-
phases étrangères, apparues dans des conditions hors d’équilibre, tuellement utilisés dans l’industrie. Il ne devra jamais perdre de
quand elles existent, se retrouvent aux joints des grains ou dans vue que tous les diagrammes présentent, à des niveaux divers, un
les espacements interdendritiques. La forme des grains est large- certain degré d’incertitude, et que cela tient à la nature même des
ment influencée par les conditions de refroidissement (vitesse de phénomènes complexes mis en jeu. Il ne devra jamais oublier, que
refroidissement, direction et importance des gradients de tempéra- si l’équilibre est difficile à atteindre en laboratoire, il l’est encore
ture à la solidification). Les grains sont toujours d’autant plus fins plus pour les alliages industriels.
que la vitesse de refroidissement est plus élevée.
On trouve confirmation de ce fait capital dans le diagramme
Les transformations à l’état solide conduisent, pour les transfor- tracé dans les conditions industrielles proposé pour les alliages
mations allotropiques, à des structures d’autant plus fines que le cuivre-étain [M 70-156], et dans celui des alliages fer-nickel
refroidissement est, là aussi, plus rapide. Les transformations [M 70-164], pour les conditions pratiques de transformation, en
eutectoïdes fournissent des structures micrographiques où se ren- comparaison avec les diagrammes d’équilibre correspondants.
contrent deux phases finement imbriquées l’une dans l’autre, le
plus souvent de morphologie lamellaire, la structure étant égale- Les restrictions qui viennent d’être faites n’ôtent cependant pas
ment d’autant plus fine que le refroidissement est plus rapide, ou aux diagrammes leur intérêt primordial. Ils constituent un guide
que la transformation hors d’équilibre s’effectue à plus basse tem- indispensable qui, utilisé avec discernement, permet souvent d’évi-
pérature. Il en est de même pour les démixtions à l’état solide qui ter ou d’expliquer de nombreuses difficultés et de prévoir, avec
permettent d’obtenir, généralement après trempe et revenu, des une bonne chance de succès, la structure des alliages considérés,
précipités très fins de la nouvelle phase, répartis dans les grains de sous les réserves qui sont exprimées dans ce qui suit. Ils indiquent,
la phase initiale, d’autant plus fins et nombreux que la transforma- dans la mesure où ils sont connus avec précision, la limite vers
tion au cours du revenu a lieu à plus basse température. laquelle tendent à revenir plus ou moins vite les alliages, lors de
leur évolution naturelle vers l’état d’équilibre, c’est-à-dire vers
La répartition des phases et la finesse de la structure microgra- l’état le plus stable, comme le veut la thermodynamique.
phique sont également affectées, après transformation à l’état
solide, par les joints de grains qui facilitent l’apparition à l’état
solide d’une nouvelle phase : pour les transformations allotropi-
ques, leur action permet un affinement du grain. Enfin, les trans-
formations martensitiques, toujours hors d’équilibre, aboutissent à
11. Principales causes
des structures aiguilletées qui soulignent des directions cristallo-
graphiques particulières. Il ne faut pas confondre ces dernières
d’incertitude des
structures avec les structures de Widmanstätten où les phases se diagrammes d’équilibre
sont formées par germination et croissance le long de certaines
directions cirstallographiques.
11.1 Imprécision de certains domaines
Dans de nombreux diagrammes, les limites de certains domai-
10. Généralités sur les nes sont indiquées en pointillés, ce qui signifie qu’elles ne sont pas
connues avec suffisamment de précision. On rencontre principale-
diagrammes présentés ment cette situation pour les hautes ou les basses températures.
Pour les hautes températures, cette imprécision résulte surtout de
la pollution de l’alliage soit par l’atmosphère utilisée, soit par les
Les diagrammes d’équilibre des alliages métalliques proposés matériaux des creusets contenant les alliages, principalement pour
dans cet article ont été choisis principalement en fonction de l’inté- les alliages de métaux réfractaires très réactifs (Cr, Ti, etc.), mais
rêt pratique et industriel des alliages correspondants ; leur liste aussi des difficultés de mesure des températures élevées, et des
n’est donc pas exhaustive. Ces diagrammes ont été établis à partir conditions de solidification. Pour les basses températures, il s’agit
des recueils de diagrammes d’équilibre dont la liste est donnée surtout de la lenteur de certaines transformations à l’état solide et
dans « Pour en savoir plus » [Doc. M 70], notamment ceux de Han- plus encore de la diffusion à l’état solide. Pour quelques régions
sen, Elliott, Shunk, ASM et Moffatt, ainsi qu’à partir de publications difficiles à déterminer dans certains diagrammes, les limites des
originales. domaines ont pu être déterminées par des calculs thermodyna-
Les diagrammes qui ne figurent pas dans le présent article peu- miques.
vent être consultés dans les ouvrages plus spécialisés cités dans
« Pour en savoir plus ». Quelques références d’ouvrages concer-
nant les diagrammes d’équilibre des oxydes et des composés 11.2 Incertitude liée aux mécanismes
réfractaires (céramiques) sont également indiquées. Dans « Pour de la solidification
en savoir plus » figurent enfin une liste des ouvrages généraux qui
permettent d’interpréter les diagrammes d’équilibre, et certaines La surfusion peut affecter la solidification soit lors de la traversée
références d’ouvrages traitant de la thermodynamique des alliages du liquidus oblique du diagramme, soit aussi pour les transforma-
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M 70 − 28 © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques
tions isothermes, comme les transformations eutectiques. Il en phases métastables. C’est, par exemple, le cas des aciers (alliages
résulte une imprécision sur les limites du domaine liquide, c’est-à- fer-carbone). Ces phases peuvent elles-mêmes, à leur tour, donner
dire sur le liquidus. Par ailleurs, il y a souvent ségrégation dans les éventuellement naissance à d’autres phases métastables (cas de la
phases solidifiées, en raison d’une diffusion à l’état solide particu- martensite dans les aciers).
lièrement difficile dans les solutions solides de substitution : elles Certaines transformations sont tellement rapides, que la vitesse
sont alors hétérogènes, et la température de fin de solidification de transformation importe peu. Il s’agit notamment des transfor-
est abaissée. Pour ces deux raisons, les solidus sont souvent mations martensitiques qui se produisent à une température indé-
connus avec une faible précision, et c’est pourquoi ils sont souvent pendante de la vitesse de refroidissement, mais ne sont pas
dessinés en pointillés dans les diagrammes d’équilibre. La lenteur complètes et ont lieu à des températures différentes au chauffage
de la diffusion joue un rôle particulièrement néfaste dans le cas et au refroidissement, dans des conditions hors d’équilibre.
des transformations péritectiques qui ne sont jamais complètes.
Cela explique le doute qui règne souvent sur les résultats relatifs à Exemple : un cas intéressant est celui des alliages de cobalt
ce type de transformation et sur les alliages qui l’on subie. D’une [M 70-141], [M 70-142], [M 70-143], [M 70-144] où les diagrammes
manière générale, l’alliage est d’autant plus proche de l’état d’équi- affectent des formes différentes au chauffage et au refroidissement,
libre que la vitesse de refroidissement est plus faible. en raison de l’hystérésis importante de cette transformation.
Les impuretés, surtout pour les alliages à faible teneur, peuvent Bien souvent, d’ailleurs, ces transformations ne conduisent pas
modifier considérablement le comportement des alliages. Cette à un état d’équilibre thermodynamique.
action amène le métallurgiste à prendre des précautions particuliè-
res au cours de l’élaboration des alliages. Il résulte de ce qui précède, que dans certains alliages indus-
triels, et même dans des alliages élaborés en laboratoire, il existe
très fréquemment des phases métastables. Ces phases, bien que
ne correspondant pas à des états d’équilibre définitifs figurent
11.3 Incertitude due aux difficultés dans certains diagrammes d’équilibre en raison de leur présence
de transformation à l’état solide courante dans les alliages, et des conséquences pratiques de
celle-ci. Parfois sont représentées simultanément les phases
Seules sont évoquées dans ce paragraphe les transformations d’équilibre et les phases métastables : cas des diagrammes fer-
mettant en jeu des modifications de structure cristalline. Les trans- nickel [M 70-163] et [M 70-164] et fer-manganèse [M 70-159] ainsi
formations magnétiques qui sont indiquées sur les diagrammes que celui du diagramme métastable fer-carbone [M 70-134] et
n’entrent pas dans cette catégorie. [M 70-135].
On retrouve dans les transformations à l’état solide les mêmes
inconvénients que ceux évoqués précédemment :
— retards souvent importants ;
— diffusion paresseuse ;
12. Préparation des alliages
— influence des impuretés, etc.
Les données retenues sont, dans l’ensemble, celles obtenues à
Cela est particulièrement vrai pour les limites de solubilité à
partir des métaux les plus purs, ce qui est le cas des publications
l’état solide, qui sont toujours très difficiles à déterminer, surtout
les plus récentes, et celles dans lesquelles la contamination due à
pour les plus basses températures où les transformations à l’état
l’atmosphère ou au creuset dans lequel est élaboré l’alliage est la
solide sont très lentes, et où l’évolution de la concentration des
plus faible.
phases par diffusion est très ralentie. Il est donc très courant
d’obtenir des phases sursaturées, ce qui conduit à effectuer des Après élaboration, les alliages doivent subir des recuits d’homo-
maintiens isothermes, c’est-à-dire des recuits très longs, pour obte- généisation et, éventuellement, un corroyage important, pour
nir des phases homogènes et dans l’état le plus proche de l’équi- réduire les distances de diffusion et augmenter le taux de défauts,
libre. La détermination du diagramme fer-manganèse [M 70-159], ce qui accélère la diffusion, mais aussi pour provoquer la recristal-
pour les températures les plus basses, a, par exemple, nécessité lisation, ce qui active la mobilité des atomes, et peut aussi affiner
des recuits de plus de deux ans ; une durée de plusieurs semaines le grain, et ainsi faciliter certaines transformations ultérieures.
est très courante. La difficulté d’obtenir des états aussi proches que possible de
On retiendra donc, de préférence, les résultats obtenus pour les l’équilibre nécessite souvent l’utilisation de méthodes d’élabora-
temps de recuit les plus longs. Pour faire évoluer plus rapidement tion indirectes. Au lieu de faire appel à la solidification d’alliages
l’alliage aux basses températures, il est courant d’effectuer, quand liquides, il est souvent plus sûr et plus rapide, lorsque les risques
cet alliage s’y prête, des écrouissages importants qui favorisent de contamination ne sont pas trop grands, de procéder à des
certaines transformations et accélèrent la diffusion des atomes recuits d’alliages frittés à partir de poudres des composants de
grâce aux défauts cristallins qu’ils provoquent, et grâce à la dimi- l’alliage. On peut citer comme exemple les alliages présentant une
nution de la dimension des régions à homogénéiser (cf. article lacune de solubilité à l’état liquide qu’il est très difficile d’homogé-
Écrouissage. Recuit dans le présent traité). néiser quand ils sont élaborés par solidification.
Des difficultés d’autres origines se présentent également. Il se
trouve notamment que la solubilité d’un élément dans un alliage
peut varier avec la grosseur du grain (solubilité différente dans les
joints de grains). La dimension du grain pouvant varier dans de lar- 13. Méthodes
ges proportions selon les conditions expérimentales, il peut donc
arriver que des dispersions apparaissent dans les résultats. Quoi-
de détermination
que cette cause de perturbation soit, en ce qui concerne les allia-
ges industriels, très généralement négligeable, on en trouve
des diagrammes
cependant des exemples, notamment pour la solubilité du carbone
dans le fer α [M 70-134] et [M 70-135]. Les techniques utilisées pour la détermination des diagrammes
d’équilibre sont de plusieurs types.
La vitesse de refroidissement joue, comme pour la solidification,
un rôle important. Il faut généralement refroidir très lentement les ■ L’analyse thermique, avec enregistrement des courbes de refroi-
alliages pour que les transformations se produisent à l’équilibre. Si dissement et l’analyse thermique différentielle, plus précise, sont
le refroidissement est trop rapide, on peut en effet, comme cela a très souvent employées pour déterminer les températures des
été déjà dit (§ 8.1), conserver à des températures plus basses des points de transformation. Comme celles-ci sont très affectées par
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les impuretés, par la surfusion, et plus généralement, par le retard éléments constituant l’alliage : puis, pour un élément donné, dans
aux transformations que peuvent présenter les alliages, on retient l’ordre alphabétique du symbole du deuxième élément.
en général la température la plus élevée parmi les résultats propo-
sés par les différents auteurs, ou obtenus au cours de différents Exemple : on trouve le diagramme Fe-C à C-Fe.
essais pour un même alliage. C’est, en particulier, le cas pour les
températures de début de solidification (liquidus). Historiquement, Cependant, dans la représentation des diagrammes, c’est l’élé-
l’analyse thermique a été la première méthode utilisée pour déter- ment de base des alliages industriels le plus fréquemment rencon-
miner des équilibres entre phases ; c’est en 1829, en Suède, qu’ont trés qui a généralement été placé à gauche.
ainsi été étudiés, pour la première fois, des équilibres entre phases,
Les diagrammes proposés sont établis, pour la plupart, sous une
dans les alliages Pb-Sn, par Rudberg.
pression égale à la pression atmosphérique. Quand ils comportent
■ La dilatométrie et les mesures de résistivité peuvent souvent ren- un élément gazeux, la pression est parfois différente et a été indi-
dre les mêmes services que l’analyse thermique dont elles permet- quée dans le texte. Les effets d’une augmentation de pression sur
tent de compléter ou de confirmer les résultats. les diagrammes d’équilibre entre phases ont été mentionnés dans
les cas les plus remarquables.
■ L’analyse radiocristallographique, qui permet de déterminer,
avec une grande précision, les limites de solubilité à l’état solide, est
souvent mise en œuvre, à condition que les alliages soient très
homogènes. Elle s’applique généralement à des alliages trempés 14.2 Compositions massique et atomique
depuis une certaine température, dans le but de figer, hors d’équili-
bre, les phases existantes à cette température, mais tous les alliages Pour la commodité de la présentation et de la lecture, les dia-
ne se prêtent pas à ce type d’expérimentation. Il arrive également grammes sont représentés en atomes pour-cent [composition de 0
que les contraintes introduites par la trempe modifient suffisam- à 100 atomes pour cent, équivalente à la fraction molaire (de 0 à 1),
ment le paramètre cristallin pour rendre les mesures imprécises. Il plus couramment utilisée en thermodynamique]. En effet, les ato-
existe aujourd’hui des chambres de diffraction X chauffantes. mes s’associent souvent entre eux, dans des composés définis cor-
■ L’analyse micrographique au microscope est moins précise, mais respondant à des fractions atomiques simples (1/4, 1/3, 1/2, par
elle peut être utilisée soit à la température ambiante, soit, dans quel- exemple). Il s’ensuit que les dessins des diagrammes sont beau-
ques cas, à plus haute température. Dans ce dernier cas, les chauf- coup mieux équilibrés quand ils sont dessinés en atomes pour
fages, qui doivent être prolongés pour favoriser l’homogénéisation, cent, surtout quand les deux métaux ont des masses atomiques
risquent de s’accompagner de pollution par l’environnement. très différentes.
■ L’examen à la microsonde complète utilement les examens Exemple : le diagramme Cu-Be [M 70-130], dessiné en atomes
précédents qui renseignent sur la structure, la répartition et le pour- pour cent, est très lisible, mais si le diagramme était dessiné en
centage des différentes phases, en fournissant directement la masse pour cent, sa moitié gauche serait très écrasée et fort peu lisi-
composition de ces phases et, en particulier, les limites de solubilité ble car la composition CuBe (50 atomes %) ne correspond qu’à 12 %
du diagramme. en masse environ.
■ La mesure de certaines grandeurs thermodynamiques permet
également d’obtenir des renseignements très précis sur les dia- Une autre graduation en masse pour cent figure dans le haut du
grammes de phases. C’est le cas, en particulier, de la mesure de diagramme et les compositions remarquables sont indiquées en
l’activité d’un constituant dans l’alliage, au moyen d’une pile dont la atomes pour cent et, entre parenthèses, en masse pour cent. Mais,
f.e.m. (force électromotrice) est proportionnelle au potentiel chimi- par contre, compte tenu de son importance, le diagramme Fe-C est
que de cet élément. Pour cela, on forme un contact entre l’alliage et aussi proposé entièrement dessiné en masse pour cent [M 70-134].
un électrolyte à conduction ionique qui permet de réaliser à l’inter- La figure 21 est une construction géométrique issue du théo-
face l’équilibre d’ionisation de l’élément considéré : rème de Thalès et qui permet d’obtenir graphiquement la fraction
massique wB ou wB %, [définition (46)], du constituant B à partir de
M ↔ M n + + n e– sa fraction molaire xB ou xB % [définition (45)]. Si on appelle MA et
De telles mesures peuvent se poursuivre jusqu’à ce que l’équili- MB les deux masses atomiques des constituants la relation homo-
bre complet de l’alliage soit atteint et donnent la position des graphique qui lie les compositions massiques et atomiques s’écrit :
lignes conjuguées avec beaucoup de précision. Par ailleurs, les wB M xB wB % M xB %
valeurs de l’activité de l’élément sont des données extrêmement - = --------B- ---------------
-------------- - = --------B- --------------------------
- ou ---------------------------- - (70)
utiles pour la modélisation du diagramme de phases par le calcul. 1– w B M A 1 – x B 100 – w B % M A 100 – x B %
Les mesures calorimétriques de dissolution isotherme d’un consti-
tuant dans la phase liquide peuvent également fournir des coor- L’exemple utilisé sur la figure 21 est le binaire (Fe,Si) dont les
données précises de points du liquidus ; comme précédemment masses atomiques sont sensiblement dans le rapport 2/1 = 56/28.
les enthalpies mesurées sont également précieuses pour la modé- Pour trouver la fraction massique du silicium dans le binaire
lisation par calcul. (Fe,Si), on trace un axe des abscisses horizontal gradué de 0 à 1.
Par son extrémité 1, on trace un axe vertical des ordonnées tel que
OMSi et OMFe soient des segments de longueurs proportionnelles
aux 2 masses atomiques. À partir de O on joint la composition ato-
14. Renseignements généraux mique sur l’abscisse et on prolonge jusqu’en P sur AMFe . On pro-
jette ensuite ce point P sur l’abscisse parallèlement à l’ordonnée.
sur la présentation La construction inverse donne xSi lorsque l’on connaît wSi .
des diagrammes
14.3 Structures et dénominations
14.1 Classement des diagrammes des phases métalliques
Les diagrammes sont classés par ordre alphabétique du symbole ■ Les métallurgistes ont toujours utilisé des dénominations parti-
de l’élément venant en premier dans l’ordre alphabétique parmi les culières pour désigner les structures cristallines des phases solides,
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Tableau 1 – Données relatives aux différents éléments rencontrés dans les diagrammes proposés
Diamètre Température de
Masse Température
Numéro atomique Valence Structure cristalline transformation
Élément atomique de fusion
atomique (2) (3) (4) allotropique
(1)
(nm) (oC) (oC)
Ag 47 107,868 0,289 1 961,93 c.f.c.
Al 13 26,98154 0,286 3 660,37 c.f.c.
As 33 74,9216 0,236 3, 5 817 (2,8 MPa) rh.
Au 79 196,9665 0,288 1, 3 1 064,43 c.f.c.
B 5 10,81 0,176 3 2 300 α rh.
β rh.
γ q. simple + autres structures
Be 4 9,01218 0,222 2 1 278 ± 5 α h.c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 1 254 ± 5
β c.c.
Bi 83 208,9804 0,307 3, 5 271,3 rh. + autres structures (sous haute
pression)
C 6 12,011 0,154 2, 4 ≈ 3 500 α h.
graphite
β rh.
c.d. diamant + autres structures (sous
haute pression)
Ca 20 40,08 0,395 2 840 ± 1 α c.f.c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 443 ± 3
β c.c.
Cd 48 112,41 0,298 2 320,9 h.c.
Ce 58 140,12 0,365 3, 4 798 ± 3 α c.f.c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ – 150
β h.c. double
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ – 10
γ c.f.c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 730
δ c.c.(?)
Co 27 58,9332 0,250 2, 3 1 495 α h.c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 417
β c.f.c.
(1) Les masses atomiques de certains éléments peuvent être différentes des valeurs indiquées, si les proportions des différents isotopes varient.
(2) Les diamètres atomiques indiqués correspondent en réalité aux distances entre plus proches voisins, pour la plupart des éléments, et sont approximatifs.
(3) Pour certains éléments, il existe d’autres valences, dans des cas particuliers, c’est pourquoi elles ne sont pas indiquées.
(4) Les différentes variétés cristallines sont indiquées α, β, γ, etc., dans l’ordre des températures croissantes.
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Tableau 1 – Données relatives aux différents éléments rencontrés dans les diagrammes proposés (suite)
Diamètre Température de
Masse Température
Numéro atomique Valence Structure cristalline transformation
Élément atomique de fusion
atomique (2) (3) (4) allotropique
(1)
(nm) (oC) (oC)
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Tableau 1 – Données relatives aux différents éléments rencontrés dans les diagrammes proposés (suite)
Diamètre Température de
Masse Température
Numéro atomique Valence Structure cristalline transformation
Élément atomique de fusion
atomique (2) (3) (4) allotropique
(1)
(nm) (oC) (oC)
S 16 32,06 0,208 2, 4, 6 112,8 α orth. f.c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 96
β m.
γ rh.
Sb 51 121,75 0,291 3, 5 630,74 rh.
Si 14 28,0855 0,235 4 1 410 c.d.
Sn 50 118,69 0,281 2, 4 231,968 1 α c.d.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 13,2
β q.c.
Ta 73 180,9479 0,286 5 2 996 c.c.
Th 90 232,0381 0,360 4 1 750 c.f.c.
Ti 22 47,90 0,289 3, 4 1 660 ± 10 α h.c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 882
β c.c.
U 92 238,029 0,275 4, 6 1 132,3 ± 0,8 α orth. base c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 660
β q. simple
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 760
γ c.c.
V 23 50,9415 0,262 3, 5 1 890 ± 10 c.c.
W 74 183,85 0,274 6 3 410 ± 20 α c.c.
β c. simple, métastable (redevient α
au-dessus de 700 oC, irréversiblement)
Zn 30 65,38 0,266 2 419,58 h.c.
Zr 40 91,22 0,317 4 1 852 ± 2 α h.c.
—––––––––––––––––––––––––––––––––→ 870
β c.c.
(1) Les masses atomiques de certains éléments peuvent être différentes des valeurs indiquées, si les proportions des différents isotopes varient.
(2) Les diamètres atomiques indiqués correspondent en réalité aux distances entre plus proches voisins, pour la plupart des éléments, et sont approximatifs.
(3) Pour certains éléments, il existe d’autres valences, dans des cas particuliers, c’est pourquoi elles ne sont pas indiquées.
(4) Les différentes variétés cristallines sont indiquées α, β, γ, etc., dans l’ordre des températures croissantes.
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