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CHAPITRE II 

: FONDEMENTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES DE LA

POLITIQUE BUDGETAIRE SUR LA CROISSANCE ECONOMIQUE


Il s'agira dans le cadre de ce chapitre de présenter d'abord dans une
première section l'analyse théorique des effets de la politique budgétaire sur
la croissance économique, ensuite dans une deuxième section d'aborder les
déterminants de la croissance et enfin dans une troisième section de faire la
revue empirique des effets de la politique budgétaire sur la croissance
économique.
Section I : analyse théorique des effets de la politique budgétaire sur la
croissance économique
Avant la crise de 1929, les finances publiques n'avaient que pour but
d'assurer les activités régaliennes de l’Etat. Le volume des dépenses de l’État
n’était alors pas considéré comme une variable susceptible d’influencer le
niveau de l’activité économique ; ce qui limitait les possibilités de mise en
œuvre d’une telle politique. Ce n’est qu’avec l’analyse de l’économiste
britannique John Maynard Keynes que cette conception a été modifiée en
soulignant l’impact de la politique budgétaire sur le niveau d’activité
économique d’un pays. La mise en œuvre de cette politique a fonctionné un
temps, avant d’être vivement remise en cause dans les années soixante, à un
moment où elle révélait ses limites.
Apres avoir parcouru les généralités de la politique budgétaire dans cette
section, nous allons faire un survol de la littérature théorique avant de
présenter ses limites.
1.1Généralités de la politique budgétaire

La politique budgétaire peut être définie comme « la manipulation délibérée


d’un certain nombre de moyens (l'imposition ou des dépenses publiques)
pour atteindre certaines fins ». Elle demeure l’un des principaux leviers de la
politique économique de l’État consistant à utiliser certains instruments
budgétairespour influer sur la conjoncture économique. On peut distinguer
ainsi les instruments et les objectifs de la politique budgétaire.

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1.1.1 Les moyens d’action de la politique budgétaire

Les politiques budgétaire et monétaire partagent le même objectif : contrôler


la demande globale. Une demande globale trop élevée crée de l’inflation ; une
demande trop faible entraîne une récession. Une croissance économique
forte et stable exige un contrôle efficace de la demande globale.
Pour atteindre cet objectif, la politique budgétaire jongle entre les dépenses
de l’État et les impôts et les taxes.

a- L’action par les dépenses publiques

Elle est le résultat d’une volonté d’intervention forte ; se traduisant par une
croissance des dépenses publiques et, au sein de celles-ci, par une
prépondérance des dépenses a fort effet sur l’économie (infrastructures
publiques, travaux publics, allocations sociales…). L’action par les dépenses
peut se faire par différents canaux :

-La relance de la consommation des ménages qui ont une forte propension
marginale à consommer. En augmentant le montant des aides sociales ou en
augmentant le niveau du Smic, l’Etat est sûr que les ménages modestes vont
utiliser en quasi-totalité cette augmentation de revenus pour accroître leur
consommation. Les entreprises qui vont recevoir ces nouvelles commandes
vont à leur tour distribuer des revenus à leurs salariés et embaucher pour
faire face à la demande. Le multiplicateur de dépense est enclenché. Il est
d’autant plus fort que la propension marginale (calculée sur l’augmentation
du revenu) est forte.

-La relance des investissements privés et publics est un canal plus long à
mettre en place mais tout aussi efficace. L’Etat peut subventionner ou
exonérer d’impôt les entreprises qui investissent ou encore lancer une
politique de grands travaux favorisant les infrastructures publiques. Là
encore le multiplicateur d’investissement va provoquer une hausse des
dépenses plus que proportionnelle à la dépense initiale de l’Etat.
b- L’action par les recettes publiques (impôts, emprunts)

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Au-delà des objectifs financiers, à savoir la couverture des dépenses
publiques, les recettes publiques (impôts, emprunts) servent à atteindre des
objectifs économiques et sociaux précis ; on distingue deux outils :

-l’interventionnisme fiscal : l’impôt peut etre utilisé pour modifier la


répartition du revenu national, pour relancer tel ou tel secteur de l’économie,
pour orienter les dépenses des agents vers un domaine souhaité ;

- le recours à l’emprunt : l’emprunt peut permettre d’assurer l’équilibre entre


les besoins de financement de l’Etat et l’épargne, de peser sur la demande
globale etc.

La manipulation des impôts est un puissant outil de la politique budgétaire.


Ainsi, les variations de quelques points des tranches de l’impôt sur le
revenu, la modification des taux de TVA ou encore de la taxe intérieure sur
les produits pétroliers (TIPP) mettent en mouvement des montants
importants qui sont de nature à agir directement sur la conjoncture
économique.

1.1.2 Les objectifs de la politique budgétaire


Il est de coutume de présenter les objectifs des politiques économiques en se
référant aux fonctions de l’État dégagées par R. Musgrave en 1959 :
• l’État doit veiller à l’allocation optimale des ressources, en assurant la
production des biens collectifs purs, en luttant contre les effets externes et
les monopoles;
• l’État a une fonction de stabilisation de l’activité économique en veillant au
respect des grands équilibres, d’où un taux de croissance du PIB le plus
élevé possible, le plein-emploi, la stabilité des prix, c’est-à-dire un taux
d’inflation le plus faible possible et un équilibre des échanges extérieurs, en
d’autres termes de la balance des paiements ;
• l’État a enfin pour fonction de redistribuer la richesse créée, en fonction
des choix manifestés par les électeurs, sur une base éminemment subjective
de combinaison d’efficacité économique et de justice sociale.
Les politiques économiques ont pour objectif la stabilisation de la
conjoncture et la croissance durable. La politique conjoncturelle vise à agir à

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court terme sur les déséquilibres de la situation économique, à l’aide
d’instruments dans un cadre institutionnel donné (fonctionnement du
marché du travail, état de la concurrence, réglementation...) pour améliorer
les performances de l’économie. Les politiques structurelles visent à agir sur
l’économie à moyen et à long terme en modifiant les structures économiques
et sociales d’un pays et les conditions de fonctionnement des différents
marchés.
Par la politique budgétaire, l'État utilise le budget non seulement pour
équilibrer ses comptes, mais également pour influer sur la conjoncture
économique. En fait, la régulation de l'économie semble aujourd'hui être
devenue l'objectif premier de la politique budgétaire, freinant l'activité en cas
de déséquilibre des échanges extérieurs et d'inflation et la stimulant lors de
récessions ou de crises majeures.
L’outil théorique qui va représenter les objectifs de court terme de la
politique économique est le Carré Magique de Kaldor: Cet outil, proposé en
1971 par l’économiste britannique Nicholas Kaldor représente le plein
emploi, la stabilité des prix, l’équilibre de la balance extérieure, lacroissance.
Ces quatre objectifs paraissent difficiles à atteindre simultanément, d’où
l’expression de « carré magique » car certains de ses objectifs s’opposent
comme l’inflation et le chômage, par exemple une baisse de l’inflation
provoque une hausse du chômage et inversement.

1.2 Lien entre politique budgétaire et croissance économique


Le débat théorique autour des effets des dépenses publiques et de la fiscalité
sur laproduction constitue sans doute un des sujets de controverse entre
grandes écoles : leskeynésiens et post keynésiens qui insistent sur les effets
de relance d’une intervention de l’Etat par l’instrument budgétaire
notamment en phase de récession économique.

1.2.1 La politique budgétaire interventionniste


Selon l’analyse keynésienne l’économie de marché livrée à elle-même ne
conduit pas à un équilibre de plein-emploi.John Maynard Keynes (1936),
illustre auteur de la théorie économique, s’attache à démontrer que

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l’économie de marché n’a pas la capacitéde s’autoréguler. Il en découle une
analyse qui justifie l’intervention des pouvoirs publics dans ledomaine
économique et social. Dans l’optique de Keynes, les mécanismes de l’échange
marchand restent les ressorts fondamentaux de la dynamique économique.
En effet, il considère que dans les économies capitalistes développées tout
conduit à l’insuffisance de la demande et à la remise en cause de la loi des
débouchés de SAY.
Selon Keynes et ses disciples, les agents économiques, pris individuellement,
n'ont qu'une conception brève de révolution économique (on parle à leur
propos de myopie). Ces auteurs considèrent que les opérations de l'Etat sont
d'un ordre de grandeur macroéconomique qui lui permet d'agir
significativement sur la formation de l'équilibre. Pour influer positivement
sur la croissance économique, la théorie keynésienne propose d'une part
l'augmentation des dépenses de consommation par une politique de
redistribution des revenus, d'autre part, la relance de l'investissement privé
par une baisse du taux d'intérêt mais aussi par une politique
d'investissements publics. Or, ces deux politiques ne peuvent être que le fait
de l'Etat. Le rôle de l'Etat à travers ces commandes est mieux capturé par
l'effet du multiplicateur keynésien. On appelle « multiplicateur keynésien », le
mécanisme macroéconomique mis en exergue par Keynes, qui permet de
compenser la faiblesse des dépenses privées par un accroissement des
dépenses publiques. Toute augmentation du niveau des investissements se
traduit par une hausse supplémentaire des revenus (salaires et profits) qui
permettent àleur tour, d'accroître les dépenses de consommation. Il s'ensuit
une croissance des recettes des producteurs qui devront à nouveau renforcer
leur production pour faire face aux commandes nouvelles. Ainsi,
l'investissement nouveau provoque des ondes successives qui accroissent
l'activité économique avec une intensité qui dépend de la part des revenus
distribués, affectée à la consommation.

En conséquence, en cas de défaillances de l'investissement privé, une


relance de l'activité économique globale peut être obtenue par des
investissements publics supplémentaires. Selon le courant keynésien, les
dépenses de fonctionnement des administrations et les dépenses
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d'investissement agissent positivement sur la croissance économique. Les
fondements de la théorie keynésienne et les développements formulés par les
économistes postkeynésiens constituent le soubassement des politiques
économiques menées après la seconde guerre mondiale et elles ont conduit à
une croissance très forte du P.I.B.
Autrement dit, en cas de forte dégradation de la conjoncture économique, les
gouvernements peuvent être tentés de mener une politique budgétaire
volontariste. Une telle politique consiste à soutenir l'activité économique à
court terme, en faisant jouer le « multiplicateur keynésien ».

En effet, une augmentation des dépenses publiques engendre des revenus


supplémentaires qui sont pour partie consommés, pour partie épargnés, et
pour partie récupérés par les administrations publiques sous la forme
d'impôts et de cotisations sociales. Or, la partie de ces revenus
supplémentaires qui est consommée vient nourrir la demande intérieure
adressée aux entreprises. Ces dernières peuvent dès lors augmenter leurs
investissements, leurs emplois, et distribuer des revenus supplémentaires.
Le surcroît de dépenses publiques provoque par conséquent un effet
cumulatif (un effet multiplicateur) qui stimule d'autant plus l'activité
économique que les revenus sont peu épargnés, peu imposés, et que la
demande de consommation s'adresse principalement aux entreprises
nationales.

Les gouvernements peuvent également soutenir l'activité en réduisant les


charges fiscales et donc en augmentant le revenu des personnes privées.
Cette politique stimule l'activité économique, mais dans une moindre
proportion que la dépense publique, car une partie de ce revenu
supplémentaire est immédiatement épargnée par les ménages et les
entreprises.

Alors que la crise se prolonge dans les années quatre-vingt, (inflation,


chômage, déficits publics, faible croissance), on assiste au déclin du
keynésianisme pur. À la fin des années quatre-vingt-dix, une nouvelle
génération de "néo-keynésiens" apparaît.

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Ils conservent de Keynes deux principes majeurs : l'imperfection du marché
et la nécessité de l'intervention de l'Etat. Ils construisent un nouveau
keynésianisme qui intègre les acquis de la micro-économie ainsi que les
apports des néo-classiques. Les néo-keynésiens admettent que, outre un
sous-emploi lié à une insuffisance de la demande, le chômage comporte
également une composante offre, c'est-à-dire une rigidité du travail, une
difficulté à gérer la main-d’œuvre. Olivier Blanchard parle "d'effets
d'hystérésis", c'est-à-dire qu'une partie du chômage peut persister par auto
entretien, alors même que ses causes initiales ont disparu.
Comme le chômage a plusieurs composantes, il convient d'intervenir à
plusieurs niveaux : réduire les coûts du travail par la diminution des
charges sociales sur les bas salaires, aider à la relance de la demande, aider
et soutenir certaines industries nationales jeunes ou encore fragiles.
L'Etat doit par ailleurs assumer un rôle de stimulateur dans le décollage
économique des pays en développement, par des partenariats Etat-t-
entreprises.

1.2.2 La politique budgétaire libérale et leurs critiques

« Il n’y a pas de riche qui ne s’efforce de devenir plus riche encore ;


laissez-le faire ; il enrichira la nation en s’enrichissant lui-même. » :
Adam Smith
Dans La Richesse des nations (1776), Adam Smith esquisse le « système
simple et facile de la liberté naturelle ». Il tient pour un fait de nature que la
lutte des hommes pour faire face à la rareté n’est pleinement efficace que
dans un contexte de liberté des échanges des biens, des services et des
facteurs de production que sont la terre ou le travail. Il avance que tous les
individus sont avant tout guidés par leur intérêt personnel : « Nous
n’attendons pas notre dîner de la bienveillance du boucher, du marchand de
bière ou du boulanger, mais bien de la considération qu’ils ont de leur
propre intérêt ».
Et pourtant, si le contexte est concurrentiel, les motifs égoïstes des hommes
interagissent pour produire le plus inattendu des résultats, à savoir

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l’harmonie sociale. Pour exprimer cette idée, il utilise l’image de la « main
invisible » : « En cela comme en beaucoup d’autres cas, il est conduit par une
main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions »
Le libéralisme des autres classiques est présenté par Montoussé (2002) qui
relève que : « les autres auteurs classiques poursuivent l’œuvre de Smith et
s’attachent aussi à présenter les bienfaits du libéralisme. » C’est le cas de
Malthus qui stipule que les aides sociales de l’Etat sont néfastes et ne
permettent pas, contrairement à leur objectif, de faire reculer la pauvreté.
De façon générale, pour ce courant de pensée, l’Etat ne doit pas intervenir
sur le marché, afin de ne pas fausser les effets de la main invisible. Adam
Smith préconise le « laisser-faire », c’est à dire que le fonctionnement de
l’économie doit être libre. Cette théorie de Smith est à la base même du
courant de pensée classique selon lequel ce « laisser-faire » est la meilleure
façon d’éviter la crise de déséquilibre, car l’économie a tendance à se réguler
elle-même.
Ainsi à la fin du 19iéme siècle la théorie libérale a été renouvelée et plusieurs
arguments ont été avancés par différentes écoles :
- L’école de l’économie de l’offre

La conception de ces théoriciens constitue une réaction à la philosophie


keynésienne. En effet, s'opposant à deux des principales idées keynésiennes.
D’une part, l'Etat doit par son intervention, se substituer aux défaillances du
marché au niveau de la production et de la politique de redistribution des
revenus.
D’autre part, les autorités publiques peuvent grâce aux instruments de la
politique budgétaire, agir sur la croissance économique.
Selon eux, le poids des défenses publiques, qui se traduit par une pression
fiscale accrue, mobilise en effet une part toujours plus importante de
capitaux (via les déficits budgétaires et les emprunts contractés en vue de
leur remboursement) qui ne trouvent pas leur place dans le circuit
économique. La stratégie de l'économie de l'offre s'articule autour de la
diminution des impôts pesant sur les particuliers et les entreprises, et de la
réduction des dépenses publiques tant sur le plan social que sur le plan

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économique. L'effet attendu est d'une triple nature :
• relancer l'investissement et l'activité économique grâce à une augmentation
de l'offre d'épargne due à l'allégement fiscal ;
• responsabiliser ceux que ce courant présente volontiers comme des
« assistés » attendant la sollicitude de l'Etat par une réduction du volume des
défenses publiques à vocation sociale. On retrouve ici l'argument, avancé par
les classiques, de l'effort naturel que chacun doit consentir pour améliorer
sa propre condition, l'intérêt général s'analysant comme la somme des
intérêts individuels ;

• enfin, restaurer les conditions de concurrence qui optimisent l'allocation


des ressources, mettant ainsi fin aux gaspillages des deniers publics, par la
réduction des dépenses à caractère économique. En outre, les tenants de
l'économie de l'offre condamnent l'action de l'Etat sur la conjoncture et ils
considèrent que l'augmentation des dépenses publiques est sans effet sur le
niveau de croissance économique.

- L’école des néoclassiques


Pour les néoclassiques, l’activité économique est entièrement déterminée par
l’offre, de sorte que les déficits publics n’ont aucun effet sur l’activité. Ainsi
d’après ces théoriciens, l’Etat est un facilitateur du marché qui doit créer des
conditions propices à la concurrence pure et parfaite et veiller au respect de
celles-ci.
De façon générale, cette théorie est soutenue par les effets d’offre. Ces effets
présentés par Delaigue sont au demeurant des effets à long terme. Mais
l'anticipation de ces effets par les agents économiques peut induire des
réactions de l'activité à court terme. De fait, une variation des impôts peut
avoir un impact sur l'offre de travail ou sur l'épargne et l'investissement. La
localisation internationale du capital et du travail peut aussi être affectée.
En effet, l'organisation du marché du travail peut influencer l'effet de la
politique budgétaire. Par exemple, lorsque les syndicats sont forts et la
concurrence imparfaite, une hausse des impôts peut conduire à une hausse
des salaires. Mais une concertation peut atténuer l'effet d'une politique
budgétaire restrictive et conduire à une baisse du multiplicateur.
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Dans les modèles de la nouvelle économie classique, la proposition
d'inefficacité de la politique économique (Lucas, Sargent & Wallace) avance
que lorsque les agents économiques formulent des anticipations rationnelles
dans un modèle néoclassique, les politiques budgétaires sont pleinement
anticipées et ne conduisent pas à modifier la consommation et
l’investissement. Seule une politique surprenant les agents aura un effet, et
seulement par le biais de mécanismes d'offre.
Une autre analyse en termes d’offre revient à considérer le niveau de
développement. Dans les pays en développement, la propension marginale à
consommer est plus élevée que dans les pays riches et le multiplicateur est
plus élevé ce qui est contraire aux effets attendus. De fait, l'accès limité aux
marchés de capitaux de ces pays peut être source d'éviction et limiter la
valeur du multiplicateur.

- L’école monétariste
Le monétarisme est une doctrine économique d'inspiration néoclassique
marquée par la personnalité de Milton Friedman (Prix Nobel d'économie en
1976). Le courant monétariste s'est aussi développé en réaction aux
politiques d'inspiration keynésienne impuissantes à résoudre la crise que
connaissaient les pays industrialisés dans les années soixante-dix. Friedman
considère en effet que l'accroissement des dépenses publiques, qui
caractérise tout processus de relance keynésien, ne peut augmenter la
demande globale et par conséquent, le revenu national. Pour les
monétaristes, cette augmentation des dépenses de l'Etat n'entraîne qu'un
effet d'éviction du secteur prive suite à son financement par l’impôt ; ce qui
réduit les défenses privées. En conséquence, toute intervention de l'Etat
dans l'économie à travers une hausse des dépenses publiques est par
essence inefficace en termes de croissance.
1.2.3 La conception de l’école des anticipations rationnelles
Au sens économique, les anticipations des agents économiques sont les
hypothèses subjectives plus ou moins pessimistes ou optimistes leur
permettant des prévisions en vue d’une décision.
La théorie de l’anticipation rationnelle est proposée par Muth en 1961 et
reprise puis développée dans les années 70 par divers économistes comme
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Barro, Lucas, Sargent ou encore Wallace, ou autres économistes de l’école de
Minneapolis ou de Chicago.
Cette théorie part d’une critique des anticipations adaptatives.
Les anticipations adaptatives signifient qu’une valeur anticipée d’une
variable dépend des valeurs observées dans le passé : si les prix ont
augmenté de 1% par mois depuis un an, ils augmenteront de 1% le mois
suivant. Très utile pour l’élaboration des modèles économétriques, ces
anticipations ne permettent pas, par construction, de prévoir les points de
retournement. En univers incertain, surtout depuis 1974, cet inconvénient
nécessite le passage aux « anticipations rationnelles » formulées par des
agents rationnels au sens néoclassique (maximisation de leur satisfaction
sous contrainte de ressources limitées). Dans ce cas, les agents utilisent
toutes leurs informations disponibles (extrapolation du passé, mais aussi
prévisions diverses qui peuvent agir sur la variable future) pour anticiper le
niveau de la variable.
Caractéristiques :
- Les agents rationnels tiennent compte de l’ensemble de l’information
pertinente dont ils disposent à un moment donné, présente ou passée voire
future (en tenant compte également des politiques en cours ou annoncées
par les gouvernements) pour élaborer leurs anticipations, et pas seulement
des erreurs passées.
- Les agents économiques possèdent un certain modèle de l’économie qui
relie les variables exogènes aux variables endogènes sur lequel ils basent
leurs anticipations. Pour tirer parti de toute l’information pertinente d’un
moment, les agents disposent d’un schéma interprétatif du « bon »
fonctionnement de l’économie.
D’abord, l’équilibre (au sens walraso-paretien) correspond à la parfaite
réalisation des anticipations. Seul un choc exogène, non anticipé,peut
modifier les tendances. Mais ceci suppose une information parfaite, comme
dans la théorie classique de la concurrence pure et parfaite. Ensuite, des
agents formulant de bonnes anticipations anticipent correctement les
conséquences des politiques économiques. Ainsi, à l’annonce d’une relance
budgétaire keynésienne, ils anticipent une hausse des prix : les entreprises

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augmentent les prix pour ne pas être prises de court, les salariés réclament
des hausses de salaires et l’inflation ainsi créée neutralise les effets revenus
de la relance. Les mesures discrétionnaires de la politique économique
restent donc sans effets, voire même peuvent avoir des résultats négatifs.
Les économistes de l'École des anticipations rationnelles (Barro, Bailey,
Lucas) ont démontré que toute politique budgétaire dont les effets sont
rationnellement anticipés par les agents économiques est inefficace. Seule la
non anticipation de la politique économique a donc des chances d'agir sur
l'économie mais cela suppose un degré de rationalité des agents privés.
Cette thèse a notamment été développée dans le cas où l'Etat accroît ses
dépenses en émettant des titres publics supplémentaires (cas d'un déficit
budgétaire avec offre constante de monnaie). Les dépenses publiques
peuvent donc être sans effet sur le niveau du PIB Par rapport à ces
développements, il peut sembler important d'étudier les théories qui
expliquent la croissance plus rapide des défenses publiques par rapport à
l'évolution du PIB.

1.3 Les limites de la politique budgétaire

Une politique budgétaire peut néanmoins avoir des effets défavorables sur
l’activité économique. C’est d’ailleurs en raisons de ces effets défavorables
qu’elle tend aujourd’hui à etre de plus en plus critiquée.

1.3.1 Les couts de financement de la politique budgétaire

L’emprunt peut entrainer un effet d’éviction c'est-à-dire la rationalisation de


la demande des capitaux des agents privés sur le marché financier du fait de
la présence de l’Etat. L’efficacité de la politique budgétaire se mesure donc à
l’aide du multiplicateur Keynésien ; toutefois, lorsque les prix sont rigides, si
l’investissement est sensible au taux d’intérêt, le financement des dépenses
publiques par l'impôt a un effet nul et ceci est dû à l’effet d’éviction : en effet,
la hausse des dépenses publiques va augmenter le taux d’intérêt, par la

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suite il y aura un découragement de l’investissement ; ce découragement
peut être négligeable si l’investissement est fortement sensible à la demande.
Cette éviction s’appuie sur deux mécanismes :
Un effet « quantité » car l’Etat offre des garanties, les préteurs vont donc en
faire une priorité et donc la quantité de capitaux disponible pour les autres
emprunteurs sera moindre.
Un effet sur le « prix » car l’augmentation de la demande de capitaux conduit
à une hausse du prix c'est-à-dire des taux d’intérêt. Emprunter devient donc
plus chère pour les emprunteurs privés. Pour éviter cet effet d’éviction
l’ETAT peut limiter ses dépenses en augmentant les impôts mais cela a des
conséquences. « Laffer », par sa fameuse courbe,a démontré qu’au-dessus
d’un certain seuil d’imposition les individus sont incité à réduire leur activité
économique ce qui va entrainer deux effets : une diminution de la croissance
et une baisse des recettes de l’ETAT car « trop d’impôts tuent l’impôt ».

1.3.2 Les contraintes de la politique budgétaire


La dette publique correspond à l’ensemble des emprunts publics contractés
par toutes les administrations publiques (Etat, collectivités …). Le service de
la dette est le montant a remboursé chaque année, il comprend une partie
du capital et les intérêts.
Lorsque la dette s’accroit fortement cela pose deux problèmes majeurs, d’une
part les marges de manœuvre pour financer les politiques économiques se
réduisent parce qu’une partie du budget sert à payer les intérêts de la dette
et rembourser une partie du capital. Dans les années 2010, 17 % du budget
servait à rembourser seulement les intérêts.
Un risque d’insolvabilité de l’Etat c'est-à-dire d’incapacité de faire face au
remboursement de ses emprunts sans recourir à des ajustements
budgétaires très important (Grèce). Un nouveau pacte pour en finir avec la
crise de la dette vient d’être établi et signé par 23 membres de l’UE. Ce pacte
comporte l’ajout de la règle d’or pour ne pas voter un budget déficitaire au-
delà de 0.5 % du PIB (contre 3 % dans l’ancien traité). La cour de justice
européenne contrôlera le respect de cette règle. Un nouveau mécanisme

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dans le fond monétaire européen celui du mécanisme européen de solidarité
(MES) pour aider les pays en difficulté.
Le problème de soutenabilité peut se poser si un effet boule de neige c'est-à-
dire l’auto alimentation de la dette se met en place. Le remboursement de la
dette empêche les investissements (politique industrielle) donc moins
d’impôts puis diminution des recettes et augmentation du déficit (cercle
vicieux).

1.3.3 Limites à l’efficacité de la politique budgétaire


Parmi les limites à l’efficacité de la politique budgétaire on peut citer : les
anticipations des agents économiques, les délais de mise en œuvre et les
fuites d’une économie ouverte.
Pour commencer, les anticipations des agents économiques jouent un rôle
central dans la réussite d’une politique économique. L’analyse keynésienne
les a beaucoup étudiées. De ce fait, une politique de relance ne sera efficace
que si les agents économiques croient en la reprise, si c’est le cas il y aura
un effet d’implication de la politique de relance.
Les anticipations peuvent limiter les efficacités dans certains cas, la Théorie
de l’équivalence Ricardienne (Ricardo-Baro) énonce que les agents
économiques anticipent une hausse future des impôts notamment pour
rembourser la dette publique et vont donc épargner davantage en réduisant
l’effet multiplicateur. Ils épargnent plus aussi parce qu’ils pensent que les
taux d’intérêts vont augmenter et le remboursement aussi.
Les agents économiques s’ils croient en la croissance peuvent imaginer que
l’inflation augmente du fait de cette croissance.
Il faut donc en permanence étudier les indicateurs concernant les ménages
(moral de ménage, climat des affaires).
Ensuite, les délais de mise en œuvre (de décision et d’exécution) peuvent
transformés une politique contra-cyclique en une politique pro-cyclique. Une
politique budgétaire de rigueur décidée pour faire face à une croissance de
l’inflation peut du fait des délais de mise en œuvre produire ses efforts alors
que la situation économique a évoluée et notamment s’est aggravée dans ce

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cas cette politique de rigueur va aggraver le cycle en cours et non le contré
(donc pro-cyclique).
Enfin, Dès que l’économie s’ouvre sur l’extérieur, toute injection
supplémentaire de fonds de la part de l’État stimule les achats à l’étranger,
ce qui aboutit à une hausse des importations.
Cela a pour effet de diminuer l’effet multiplicateur de ces dépenses publiques
sur la production intérieure.
De plus, lorsque les importations connaissent une croissance plus rapide
que la production, l’économie subit la contrainte extérieure qui se traduit
par un déséquilibre de la balance commerciale, comme ce fut le cas en
France en 1982 après la mise en place d’une politique de relance. Il en
découle une sortie de devises plus importante que les entrées ; cela
contribue à la dépréciation de la monnaie nationale, ce qui surenchérit le
coût des importations indispensables (matières premières par exemple).
Aussi, pour limiter la dépréciation de la monnaie nationale, l’État est obligé
de susciter l’entrée de capitaux en augmentant les taux d’intérêt. Or cette
hausse pénalise l’investissement, donc l’emploi.
Par ailleurs, lorsqu’une partie plus importante du revenu est thésaurisée,
c’est-à-dire retirée du circuit économique, l’effet multiplicateur des dépenses
publiques est également amoindri.

Section II : Déterminants de la croissance économique


Depuis Adam Smith (1976) la croissance économique est un sujet qui n’a
cessé de préoccuper les économistes et les décideurs publics de même que
les facteurs susceptibles de la générer.
Par sources de croissance économique, il faut entendre tous les facteurs qui
contribuent à l’accroissement de la production de l’économie dans le temps.
Plusieurs facteurs sont traditionnellement invoqués pour expliquer le
processus de croissance économique. Leur recours et la justification liée à
leur utilisation ont suivi le développement de la pensée économique.
Dans cette section le travail sera axé en premier lieu sur l’apport des
facteurs capital et travail à la croissance économique, puis en deuxième lieu
sur la contribution des facteurs investissement et technologie à la

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productivité et en dernier lieu la présentation des facteurs qualitatifs comme
source de croissance.

2.1 Le capital et travail


La pensée économique naît historiquement avec la reconnaissance du rôle
du travail et du capital dans la production de richesse.
La production de biens et services résulte de la combinaison du travail des
actifs et des moyens de production disponibles (le capital fixe et les
ressources naturelles).
Si on accepte d’inclure les ressources naturelles et la terre dans le capital au
sens large, on obtient deux facteurs de production : le travail et le capital.

2.1.1 Le travail et son efficacité comme source de croissance


économique
La pensée économique naît historiquement avec la reconnaissance du rôle
dutravail dans la production de richesse.À la fin du 19éme siècle, les
économistes classiques (A. Smith, D. Ricardo, S. Mill), et Karl Marx (1818-
188) considèrent que seul le travail est productif de richesses.Ainsi, le travail
annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation
annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie ; et ces choses
sont toujours ou le produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres
nations avec ce produit.
Le facteur travail participe à la croissance économique au regard de l’étude
de la productivité.
La quantité de travail mise en œuvre détermine également la quantité de
richesses produites. Elle correspond aux quantités d’heures passées dans
l’entreprise pour produire en sachant que la durée du travail est déterminée
par les propriétaires des moyens de production et que, depuis le début du
XXe siècle, elle est encadrée par la loi (durée légale du travail).
Il est possible donc d'augmenter les niveaux de croissance économique en
augmentant la population active (la population au travail). Il faut cependant
que la durée de travail reste constante. De fait, la baisse du temps de travail
peut venir contrebalancer l'augmentation du nombre d'actifs, l'effet sur la

16
croissance étant alors nul. L’augmentation de la quantité de travail
(population active occupée et durée annuelle du travail) explique, toutes
choses égales par ailleurs, la croissance économique, c'est-à-dire
l’augmentation durable de la production au cours du temps, car la force de
travail est plus nombreuse et plus qualifiée pour participer à la production
qu’auparavant. La contribution de la quantité de travail à la croissance
économique a été significative au XIXe siècle (croissance extensive). Elle est
beaucoup moins importante au XXe siècle, particulièrement en Europe
(croissance intensive). Cependant, avec l’essor du secteur des services, la
croissance de la fin du XXe siècle est redevenue plus intensive en emploi.

2.1.1 Le capital et son accumulation comme facteurs de la


croissance
L'autre facteur de croissance est le capital. L'augmentation du stock de
capital, c'est-à-dire l'investissement, permet d'assurer une croissance
durable. Comme le travail, le capital peut croître d'une façon extensive, ou
bien d'une façon intensive. Dans le cas d'une croissance extensive,
l'augmentation du capital peut se traduire par l'achat de nouvelles
machines, ce qui a pour effet de moderniser le stock de capital existant ou
bien par l'achat davantage de matières premières (consommations
intermédiaires). Dans le cas d'une croissance intensive, il s'agit d'une
substitution du capital au travail. Des machines plus performantes
permettent de remplacer le travail réalisé par l'homme ce qui conduit à un
accroissement de l'intensité capitalistique (le volume de capital par
travailleur).
Outre, dans « Investment in human capital » (1961), Théodore Schultz
fait valoir que les connaissances et les compétences sont une forme de
capital et que ce capital est le produit d'un « investissement volontaire ». Il
montre alors qu'il existe un lien entre la croissance des pays occidentaux et
l'investissement dans le capital humain, notamment dans l'éducation.
Quelques années plus tard, Gary Becker dans Human Capital, A
Theoretical and EmpiricalAnalysis (1964), reprend à Schultz le concept
de « capital humain » et le définit comme un stock de ressources productives

17
incorporées aux individus eux-mêmes, constitué d'éléments aussi divers que
le niveau d'éducation, de formation et d'expérience professionnelle, l'état de
santé ou la connaissance du système économique. En d'autres termes, toute
forme d'activité susceptible d'affecter ce stock (poursuivre ses études, se
soigner, etc.) est définie comme un investissement en capital humain. Du
point de vue de ces économistes, l'élévation du niveau de formation constitue
une source durable de la croissance d'autant plus intéressante que
l'augmentation du stock de capital humain est un processus cumulatif :
lorsque des savoirs de base sont assimilés, il est ensuite plus aisé d'acquérir
de nouvelles connaissances.

2.2 L’investissement et les progrès techniques


Que ce soit dans l'accroissement du facteur travail ou dans l'accroissement
du facteur capital, la croissance économique intensive fait appel à une
variable particulièrement précieuse : le progrès technique.

2.2.1 Le progrès technique  :


Le progrès technique désigne une amélioration qualitative des facteurs de
production eux-mêmes (innovations techniques) ou de leur utilisation
(innovations organisationnelles telles que le taylorisme par exemple).
Il améliore la productivité globale des facteurs (PGF), c'est-à-dire le rapport
entre la production et le volume total de facteurs utilisé. Pour les néo-
classiques, la PGF mesure l'accroissement de richesse qui n'est pas expliqué
par l'accroissement des facteurs de production. Elle intervient donc comme
un troisième facteur. Selon cette approche (le modèle de Solow), mise au
point par Robert Solow dans « A Contribution to the Theory of Economic
Growth » (1957), le progrès technique est exogène, il est un donné telle une «
manne tombée du ciel », qui met en évidence que la croissance vient du
progrès technique, mais qui n'explique pas pourquoi.
Dans « Increasing Returns and Long Run Growth » (1986), Paul Romer met au
point une théorie de la croissance endogène qui a pour objet d'expliquer la
croissance économique à partir de processus et de décisions
microéconomiques. Selon lui, la croissance repose sur les investissements en

18
R&D. La R&D permet des découvertes qui bénéficient à l'ensemble des
agents économiques du fait des externalités positives qu'elle génère.
D'autres auteurs, dans un cadre d'analyse micro-économique vont insister
sur les variables endogènes du progrès technique : Robert Lucas (« On the
mechanics of economic development », 1988) met en avant l'accumulation du
capital humain et Robert Barro (« Party politics of growth », 1994) souligne
le rôle positif des investissements publics lorsque ceux-ci restent toutefois
dans des budgets équilibrés (selon Barro, l'Etat est inefficace pour agir sur la
conjoncture économique au moyen du déficit public, mais son action peut
dégager des externalités positives à condition qu'elles compensent l'impact
négatif des prélèvements obligatoires sur l'activité économique notamment
en aidant la recherche fondamentale et en adoptant une approche favorable
à l'existence de monopoles dans les secteurs à forte croissance).

2.2.2 L’investissement  :
L’action d’investir est le fruit de la volonté d’un dirigeant d’obtenir dans le
futur un profit supérieur. C’est donc un pari sur l’avenir car les effets
peuvent arriver plusieurs mois après, voire plusieurs années.
Selon Domar (1946), L'investissement exerce une double influence sur
l'activité économique. Par son aspect « demande » (multiplicateur), il
détermine le revenu et la demande globale.
Du côté de la demande, l'investissement détermine le niveau du revenu par
le multiplicateur keynésien. En d'autres termes, l'accroissement de la
demande dépend de la variation de l'investissement.
Du côté de l'offre c'est le montant d'investissement qui détermine la
croissance, alors que du côté de la demande, c'est la croissance de
l'investissement. Ainsi, « si l'on investit assez aujourd'hui pour ajuster la
demande à la capacité de production, il faudra investir encore plus demain
du fait de l'accroissement de capacité engendré par l'investissement ».
L'intuition économique est très simple et consiste à penser que certains
investissements publics d'infrastructures génèrent des externalités qui
améliorent la productivité des facteurs privés, les exemples les plus

19
fréquemment cités étant ceux des réseaux routiers et autoroutiers, des
réseaux d'approvisionnement et de traitement des eaux etc...
De ce fait, l'analyse des liens entre la croissance et le capital public a connu
un vif regain d'intérêt notamment avec les travaux théoriques de (Barro,
1990) qui montrent que les dépenses publiques productives assimilées au
capital public d'infrastructure peuvent jouer un rôle moteur dans un
processus de croissance auto-entretenue.

2.3 Les facteurs qualitatifs


La croissance à long terme d’une économie reste un phénomène encore
largement inexpliqué. Dès le XIXème siècle, les économistes ont identifié le
rôle des facteurs de production que sont le capital et le travail dans la
croissance. Les modèles économiques élaborés ultérieurement expliquent la
croissance par la mobilisation de ces facteurs. Mais en partie seulement : il
reste un large facteur inexpliqué, que les économistes ont associé au progrès
technique et à la façon dont les facteurs sont combinés entre eux.
L’économie institutionnelle est alors intervenue, notamment dans le dernier
quart du XXème siècle, qui a ouvert des voies nouvelles.
Si l’augmentation des quantités de capital et de travail a un impact positif
sur la croissance, qu’est ce qui permet (ou non) la mobilisation de ces
facteurs de production ? En outre, il ne suffit pas de mobiliser massivement
ces facteurs pour assurer une croissance durable : qu’est-ce qui rend cette
mobilisation efficace dans la durée ?

2.3.1 La bonne gouvernance


La relation entre la gouvernance et la croissance économique ne cesse de
gagner d’intérêt depuis les années 90, tant en science économique qu’au sein
de la communauté internationale. Selon le Programme des Nations Unis
pour le Développement (2008), la gouvernance peut être définie comme
l’exercice de l’autorité économique, politique et administrative en vue de
gérer des affaires d’un pays à tous les niveaux. Elle englobe alors, les
mécanismes, les processus et les institutions par le biais desquels les
citoyens et les groupes expriment leurs intérêts, exercent leurs droits

20
juridiques, assument leurs obligations et auxquels ils se réfèrent pour régler
leurs différends.
Ainsi dans le cadre de la détermination de la relation entre la croissance
économique et la gouvernance, plusieurs auteurs ont développé des pensées.
La synthèse de quelques résultats empiriques édifie sur la réalité que le
maintien d’une croissance économique à moyen et à long terme exige un
changement qualitatif des structures et institutions de gouvernance, ainsi
que du comportement des acteurs. C’est dans ce sens que Mauro (1995,
1998), qui a travaillé sur un large échantillon de pays au moyen d’une
analyse en coupe transversale, conclut que la corruption a un faible effet sur
la croissance économique à long terme mais un impact fort et négatif sur les
investissements. Il rejoint Gyimah-Brempong (2002) dont les travaux ont
porté sur un panel de données des pays africains et qui a abouti à l’évidence
que la corruption fait réduire la croissance économique, d’autant qu’il réduit
le capital physique à injecter dans l’économie.
Dans le même ordre Kaufmann et Kraay (2002, 2003) ont exploré
l’interrelation gouvernance-croissance à travers plusieurs domaines
regroupés en six grands indicateurs. Ils concluent que le revenu par
habitant et la qualité de la gouvernance sont significativement, fortement et
positivement corrélés entre les pays. Ainsi une meilleure gouvernance
engendre une hausse du revenu par habitant et le phénomène contraire est
observé lorsque le niveau de gouvernance est faible, suivi d’un enlisement de
l’économie par suite des taux de croissance négatifs.
En fin North (1990), s’est penché sur la démocratie, la stabilité politique et la
corruption pour analyser la causalité entre la gouvernance et la croissance
économique. Pour cet auteur et d’autres comme Hall et Jones (1999) ;
Rodrick et al (2002) ; Ouidade (2010), si l’augmentation des quantités de
capital et de travail a un impact positif sur la croissance, cette augmentation
sera beaucoup plus importante si l’économie considérée dispose d’une bonne
qualité de gouvernance. Ce qui va rendre la mobilisation des facteurs plus
efficace dans le temps et d’induire la croissance. C’est dans cette logique
que, Fosu (1992) et De-Haan puis Siemann (1996) montrent que l’effet de

21
l’instabilité politique passe par l’investissement et l’accumulation du capital,
pour affecter négativement les performances économiques.

2.3.2 les aléas météorologiques et climatiques et leurs impacts sur la


croissance
Longtemps restreinte aux communautés scientifiques, la problématique de
l’effet des changements climatiques sur la productivité s’est progressivement
imposée comme l’un des sujets de politique internationale les plus
marquants de la fin du XXe siècle.
Une première façon d’aborder cette question considère la relation historique
entre le climat des différents pays et leur performance économique. L’idée
que les pays chauds auraient tendance à être plus pauvres apparaît dès le
XIVe siècle chez le géographe arabe Ibn Khaldun, avant de trouver sa
formulation la plus connue chez Montesquieu qui observait dans l’esprit des
lois qu'un « excès de chaleur » rend les hommes « paresseux et découragés ».
Sans s’aventurer à en tirer les mêmes conclusions, les données plus récentes
réunies par Nordhaus (2006) semblent confirmer l’existence d’une
corrélation négative entre la température et l’économie.
Une deuxième façon d’aborder la question, plus convaincante, consiste à
repérer différents impacts économiques quantifiables et à les agréger pour
évaluer leur effet net sur le revenu national. Les mécanismes par lesquels le
climat peut influencer les évolutions économiques sont nombreux et
potentiellement énormes; même si l’on pouvait identifier chaque mécanisme
et comprendre parfaitement son fonctionnement, il faudrait encore préciser
les interactions réciproques et la façon dont l’ensemble s’agrège au niveau
macroéconomique.
Dans un papier récent, “Climate Shocks and Economic Growth: Evidence
from the Last Half Century” (Dell, Jones, and Olken 2008), nous adoptons
une troisième approche qui permet de faire avancer le débat. En utilisant
des données mondiales sur les 50 dernières années, ce document travaille
sur les fluctuations historiques de la température et des précipitations dans
chaque pays, en tentant de les isoler des autres effets. Cela peut aider à
préciser les effets spécifiques du climat sur le revenu national.

22
De par ces trois approches, la situation climatique peut être considérée
comme un intrant agricole naturel qui agit fortement sur la production et
qui, à ce titre, influence l'ensemble de l'économie. En effet, une pluviométrie
favorable à la production agricole participe activement à la production
intérieure et par ricochet à la croissance économique.

Section III : Effets des dépenses publiques sur la croissance


Au niveau de cette section nous mettons l'accent dans un premier temps à la
classification économique des dépenses publiques et dans un deuxième
temps à l'étude des faits stylisés de la politique budgétaire et croissance
économique.
3.1 : Classification des dépenses publiques
Dans la classification économique, les dépenses budgétaires sont réparties
entre deux rubriques: dépenses ordinaires et dépenses en capital. Elle a
pour but de montrer à quoi l'Etat emploie ses ressources, c'est-à-dire où
vont ses dépenses.
1ERE RUBRIQUE: les dépenses ordinaires
Les dépenses ordinaires sont à leur tour subdivisées en cinq catégories
selonleur nature: dépenses de personnel, dépenses de matériel, dépenses
d'entretien, dépenses de transfert et dépenses diverses et spéciales.
Auparavant, les dépenses budgétaires ordinaires comprenaient en plus la
dette amortissable (jusqu'en 1975) et la dette viagère (jusqu'en 1979-1980)
1ère catégorie: Dépenses de personnel
Cette catégorie de dépenses budgétaires ordinaires regroupe l'ensemble des
rémunérations des fonctionnaires et agents de l'Etat mais non seules, les
dépenses de personnel absorbent plus de la moitié des crédits du budget
ordinaires. Leur part actuelle dans le budget commence à amorcer une
baisse mais reste tout de même encore très forte par rapport à celle des
autres dépenses budgétaires.
2ème catégorie: Dépenses de matériel
Les dépenses de matériel sont destinées aux acquisitions de biens et de
services de l'Etat. Elles représentent entre 14% et 18% de l'ensemble des

23
dépenses budgétaires ordinaires. La grosse part des crédits affectés aux
dépenses de matériel revient au ministère des Forces armées.
3ème catégorie: Dépenses d'entretien
Les crédits de ce poste servent àentretenir les locaux administratifs et le
matériel. Certains auteurs estiment que les crédits ouverts pour leur
entretien ne sont pas nécessaires et que ces crédits doivent être réduits au
maximum. Ce raisonnement est irréaliste. En effet, sans entretien, les
bâtiments administratifs et le matériel s'abîment rapidement nécessitant par
suite de gros frais de réparation ou de reconstruction.
4ème catégorie: Dépenses de transfert
Ce sont des dépenses sans contrepartie de la part de celui qui en bénéficie.
Elles sont constituées par des versements du budget général sous des
formes diversesà un certains nombres de catégories de bénéficiaires. Ces
dépenses non pas toutes une finalité sociale.Elles viennent de diverses
horizons et concernent plusieurs domaines:domaine international
(contributions versées aux organismes internationales),domaine éducatif
(bourses d'études), domaine économique (subventions à la zonefranche
industrielle), domaine social (aides sociales). Sont exclus de cette catégorie
lestransferts destinés à des dépenses en capital.
5ème catégorie: Dépenses diverses et dépenses spéciales
Cette catégorie comporte deux subdivisions: les dépenses diverses et les
dépenses spéciales.
Les dépenses diverses concernent essentiellement certaines dépenses de
fonctionnement qui ne figurent pas dans les catégories précédentes telles
que: frais de réception, frais d'organisation des fêtes et des cérémonies
(présidence de laRépublique), frais de visites officielles et frais de
participation aux conférences et congrès internationaux (ministre des
affaires étrangères), frais de transferts des fonds, équipements des centres
de la DTAI (ministère de l'économie et desfinances). Tous les ministères ne
disposent pas des crédits pour les dépenses de cette catégorie.
Les dépenses spéciales sont celles prévues au chapitre 216 de la Présidence
dela République. Elles comprennent trois volets: fonds secrets, fonds
politiques et fonds solidarité africaine.

24
2EME RUBRIQUE: Les dépenses en capital
Appelées également dépenses d'équipement ou encore dépenses
d'investissement, les dépenses en capital sont "des dépenses qui laissent
subsister quelque chose derrière elles tandis que les dépenses de
fonctionnement ne laissent rien subsister".
Les dépenses de cette rubrique servent à préserver et à entretenir le
patrimoine de la collectivité publique, à l'améliorer ou à l'accroître.
Théoriquement, d'après la loi 75-64 du 28 juin 1975, les dépenses en capital
comprennent: les investissements exécutés par l'Etat, les prises de
participation et les transferts affectés à des investissements exécutés sur
subventions ou fonds de concours.
Dans la pratique, sont rangées sous cette rubrique trois catégories distinctes
de dépenses d'investissements: celles entièrement financées par le Sénégal,
celles entièrement financées sur aides extérieures et celles financées à la fois
par le Sénégal et les bailleurs de fonds étrangers.
Auparavant, ne figuraient dans le budget national d'équipement, que les
seules dépenses d'investissement entièrement financées par le Sénégal et les
contreparties sénégalaises financés sur aides extérieures. Mais en dehors du
budget national d'équipement, on trouvait également les dépenses
d'investissement dans les comptes d'affectation spéciale (projets financés sur
aides extérieures et sur recettes affectées du budget général mais seule y
figurait la part sénégalaise) et dans les comptes annexes au budget (projets
entièrement financés sur aides extérieures et projets mixtes mais seuls y
figuraient les apports étrangers).

3.2 Littérature empirique de la politique budgétaire et


croissanceéconomique.

La question concernant les effets des dépenses publiques sur l’activité


économique a fait l’objet de plusieurs études et recherches. Ces dernières
sont soit d’ordre macroéconomique ou économétrique avec de nombreuses
méthodologies. Parmi les méthodes les plus récentes, utilisées, sont celles
qui se basent sur les modèles VAR. Cette approche est mise en application

25
dans plusieurs objectifs tels que l’analyse de l’effet des dépenses publiques
sur la croissance. En effet, tout comme celle théorique, la littérature
empirique sur les effets de la composition des dépenses a aussi produit des
résultats mitigés.

Les modèles récents de croissance (pour l’essentiel, les modèles dits de


croissance endogène) estiment pour la plupart qu’en dehors de la prise en
compte des effets externes, l’État exerce une influence directe sur l’efficacité
du secteur privé : les investissements publics concourent à la productivité
privée. C’est dans cette optique que Barro (1990, 1991) présente un modèle
de croissance où les dépenses publiques jouent un rôle moteur. De même,
d’autres travaux sur séries temporelles, en particulier ceux d’Aschauer
(1989a, b) sur données américaines, sont parvenus à confirmer l’existence
d’une corrélation positive entre dépenses publiques et croissance.
Pour sa part, Rajhi (1996) développe un modèle qui tient compte des
dépenses publiques comme input de la fonction de production, mais
abandonne les deux principales hypothèses de Barro (1991), à savoir
l’existence d’un seul secteur de production et les rendements d’échelle
constants. En outre, les dépenses publiques introduites sont supposées
accroître la productivité aussi bien dans le secteur des biens de
consommation que dans le secteur éducatif et elles sont financées d’une
manière forfaitaire.
Quand aux modèles récents de croissance endogène, il a été également
démontré qu’il y a une variété de canaux par lesquels les dépenses publiques
et les différents types de taxes peuvent avoir des effets positifs sur la
croissance. En effet, comme l’ont suggéré Tanzi et Zee (1997), les dépenses
publiques peuvent affecter le taux de croissance économique au moins par
deux canaux :
-directement, en augmentant le stock de capital de l’économie à travers, par
exemple, l’investissement public en infrastructure (qui peut être
complémentaire de l’investissement privé) ou l’investissement des entreprises
publiques ;

26
-indirectement, en augmentant la productivité marginale des facteurs de
production offerts par le secteur privé, à travers les dépenses d’éducation, de
santé et d’autres services qui contribuent à l’accumulation du capital
humain.
Knight, Loayza et Villanueva (1993) et Nelson et Singh, (1994) ont aussi mis
en évidence le fait que le niveau de l’investissement public en infrastructure
avait un effet significatif sur la croissance, notamment au cours des années
1980. En utilisant une étude en coupes portant sur un échantillon de 119
pays, Easterly et Rebelo (1993) ont estimé que l’investissement public en
transports et communications était lié positivement à la croissance.
Devarajan, Swaroop et Zou (1996) ont mis en évidence une relation positive
entre les dépenses de consommation publique (mesurée par les dépenses
courantes en pourcentage des dépenses totales) et la croissance économique.
Pour la même année Caselli, Esquivel (1996) et Lefort ont aussi relevé
l’existence d’un effet positif des dépenses publiques en pourcentage du PIB
(nettes des dépenses militaires et d’éducation) sur la croissance.
Ainsi, à l’aide d’un modèle à correction d’erreur, Morley et Perdikis (2000),
concluent, dans le cas de l’Égypte, à l’existence à long terme d’un effet positif
des dépenses publiques totales sur la croissance, notamment après les
réformes fiscales de 1974 et 1991.

En revanche, plusieurs auteurs ont mis en évidence l’existence d’une


relation inverse entre certaines composantes des dépenses publiques et la
production. Pour leur part, Ojo et Oshikoya (1995) ont montré, dans le cas
des pays sub-sahariens, qu’une hausse des dépenses publiques réduit la
croissance du PIB par tête. Devarajan, Swaroop et Zou (1996) ont également
obtenu des évidences d’une relation inverse entre l’investissement public et
la croissance, suggérant en fait que les gouvernements pourraient avoir
effectué de mauvaises allocations de ressources en faveur des dépenses en
capital (au détriment des charges de maintenance d’infrastructures). En
considérant le ratio du déficit budgétaire plutôt que celui des dépenses
publiques de consommation, Ghura et Hadjimichael (1996) ont trouvé, pour

27
leur part, une relation négative et significative avec le taux de croissance du
PIB par tête.
Barro (1997) a trouvé que les dépenses publiques de consommation en
pourcentage du PIB (calculées en déduisant les dépenses de défense et
d’éducation) étaient corrélées négativement à la croissance.
Dans la même logique, plusieurs études empiriques ont également mis en
évidence l’existence d’une relation inverse entre les impôts (mode de
financement des dépenses publiques) et la croissance économique. Rodrik
(1998) a fourni des évidences selon lesquelles la croissance à long terme en
Afrique sub-saharienne au cours des années 1965-1990 était affectée
significativement par la politique budgétaire (en plus des ressources
humaines, la démographie et une variable de rattrapage). De faibles surplus
de l’administration centrale tendaient à ralentir le taux de croissance du
revenu par tête dans la région. Dans le cas des pays de l’UEMOA, Ténou
(1999) aboutit également au même résultat.

Par ailleurs, les évidences d’une relation neutre entre depenses publiques et
le niveau de l’activité ont été les résultats de beaucoup de travaux
empiriques. Devarajan, Swaroop et Zou (1996), par exemple, n’ont pu mettre
en évidence une relation significative entre la croissance et le niveau des
dépenses (mesuré par leur part dans le PIB).
Easterly, Loayza et Montiel (1997) n’ont trouvé aucun effet significatif de la
part des dépenses publiques de consommation dans le PIB sur la croissance
en Amérique Latine. De même, selon l’étude de Patrick Guillaumont et al
(1999) les politiques macroéconomiques en Afrique demeurent inefficaces de
fait de stagnation de produit par tête. Alors que dans la même étude les
auteurs ont vu qu’il faut réformer les politiques budgétaires pour qu’elles
puissent accroitre l’investissement. AGENOR et al (juillet 2005) à l’aide d’un
modèle VAR ont testé la relation entre le capital public et investissement
privé dans la région MENA. L’insignificativité des résultats obtenus est
expliquée par la qualité de l’environnement dans lequel opère le secteur
privé.

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Bibliographie

Barro ; 1990 : théorie de la croissance endogène

Vaudelin. P ; 2013 : la politique économique dans un cadre européen, 21P

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