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Collège Lasalle, Tunis Session Hiver 2017

COURS DE DROIT : INTRODUCTION A L’ETUDE DU DROIT

Par sa nature là, l’Homme vit en société, d’où la nécessité de normes et de limites pour
organiser ses comportements et ceux de ses semblables, ainsi que pour encadrer les relations
qui ont entre eux. Ces limites constituent un critère de comportement dans la société, d’où une
sanction matérielle est infligée à celui qui adopte un comportement contraire.
La notion de droit :
Le droit est un ensemble de règles organisant les relations au sein de la société, ces règles
abstraites sont obligatoires et les personnes se trouvent obligé de les respecter.
Une distinction est établie entre le droit objectif et le droit subjectif.

Le droit objectif‫القانون‬ / Le droit subjectif‫الحق‬ /


C’est l’ensemble de règle de Il désigne les prérogatives reconnues à une
conduite sociale ayant un caractère personne et exercées sous la protection de
l’Etat. Cela signifie que l’intérêt est
obligatoire.
conféré, exercé est protégé par l’état.

Selon le doyen Carbonnier « Le droit subjectif est un pouvoir, mais un pouvoir garanti par
l’Etat parce qu’il est conforme au droit objectif».
Le rapport qui existe entre le droit objectif et le droit subjectif est le suivant : les droits
subjectifs trouvent leur source dans le droit objectif qui les reconnaît et les réglemente. ( ce
sont deux faces d’une même pièce de monnaie).

La vie sociale est composée de plusieurs conflits d’intérêts entre ses membres, d’où la
naissance du besoin d’organiser leurs relations par « un ensemble de règles de conduite
sociale ayant un caractère obligatoire et dont le respect est assuré au besoin par la contrainte».
Il est généralement admis de distinguer entre le droit privé et le droit public. Le
premier est un ensemble de règles organisatrices de relations entre les individus. Il est
subdivisé en plusieurs branches telles que le droit civil et le droit commercial. Cependant le
droit public détermine les règles organisatrices de l’Etat et des relations entre celui-ci et ses

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administrés. Les notions de souveraineté et de pouvoir sont caractéristiques de l’inégalité
entre les deux parties dans les rapports de droit public.

SECTION 1 : les caractéristiques de la règle de droit :

§ 1 : la détermination des caractères de la règle de droit :


La règle de droit est une norme de conduite qui s’adresse aux personnes vivant en
société et organisant leur comportement par l’encadrement et la direction. C’est une règle
juridique pure obligeant les individus à un comportement déterminé, on parle alors de droits
‫ حقوق‬et d’obligations ‫ واجبات‬.
Cette règle peut être positive ‫ مخولة‬en donnant une possibilité ou une autorisation ou
un ordre de faire, comme elle peut être négative‫ ناهية‬en interdisant un comportement tel que
l’interdiction de se remarier avec sa femme triplement divorcée.
A  / La règle de droit est une règle générale et abstraite ‫ عامة و مجردة‬ :
c’est une règle applicable à toutes les personnes qui y sont désignées. Sa généralité fait qu’elle
ne se limite pas aux cas particuliers et spécifiques. Mais cela ne doit pas se confondre avec les
règles de droit qui s’appliquent à une catégorie bien déterminée dans la société, tels que les
commerçants, les travailleurs, les enfants…
Sa généralité réside dans le fait que la règle de droit s’applique à ces personnes en leur
qualité, abstraction faite de leur personne.
B/ La règle de droit est permanente ‫ دائمة‬ : elle est édictée pour durer dans le
temps, Elle est nécessairement appliquée chaque fois que ses conditions d’application se
réalisent, à moins qu’elle ne soit abrogée (supprimée) par une nouvelle norme de même valeur
juridique ou de valeur supérieure.
Exemple : la loi de finance est applicable seulement pour une année.
C/ La règle de droit est obligatoire et contraignante ‫ ملزمة‬ : C’est le
caractère le plus déterminant de la règle de droit. Elle est forcément respectée par l’existence
de la sanction et par la peur crée dans les esprits de subir cette sanction. L’auteur de
l’infraction à cette règle risque de se voir infligé soit une sanction civile (dommage et intérêts)
ou une sanction pénale (amende ou prison…).
§2 : La distinction entre la règle de droit et d’autres règles de conduites :
A  / La distinction entre la règle de droit et la règle morale ‫ األخالق‬ :
Les domaines de ces deux règles sont différents. La règle de droit vise la résolution des
conflits d’intérêts entre les individus dans la société, alors que la règle morale a pour domaine
la conscience collective. Plus généralement, la règle de droit s’inspire de la morale, mais
parfois elle y est contraire. Par exemple : la prescription acquisitive ou instinctive, ce qui
implique l’acquisition ou la perte d’un droit par le fait de l’écoulement d’une certaine période
de temps : l’acquisition de la propriété d’un immeuble après 15 ans.
Exemple 2 : le non exercice d’une action en justice durant une période déterminée par la loi
fait perdre à son titulaire le droit de le recouvrir la prescription extinctive. ‫التقادم المسقط‬.
Mais parfois la règle de droit n’a rien à voir avec la règle morale tel que le code de la route et
les règles de procédures devant les tribunaux.
B/ La distinction entre la règle de droit et la règle religieuse ‫القاعدة‬
‫الدينية‬ :
La religion comprend un domaine plus vaste que celui de la règle de droit. La règle religieuse
ne se contente pas de réglementer les relations entre les individus mais entre ces derniers et
Dieu.

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De même, certaines règles de droit n’ont aucun lien avec la religion. Exemple : les formalités
de constitution d’une société. D’autres règles sont même contraire à la religion tel que le prêt
avec intérêts (bien que la nouvelle doctrine sur cette question n’adopte plus cette position) ou
l’adoption…
Leurs sources sont différentes : l’une est d’origine divine, l’autre est d’origine humaine
(législative).
Leurs objets sont différents : la loi a un objet d’intérêt collectif à travers les actes extérieurs,
alors que la religion a un but personnel dans l’attente d’une récompense éternelle et elle
s’intéresse aux intentions cachées de l’individu.
Il n’est cependant pas exclu que la règle de droit s’inspire fortement de la règle religieuse :
Exemple1 : l’article 1253 du C.O.C si l’objet de la société entre musulmans est défendu par la
religion, elle est nulle.
Exemple 2: les conditions de mariage et la succession.
C/ La distinction entre la règle de droit et la règle d’usage  ‫ العادة‬:
La règle de droit tire sa force obligatoire de l’autorité qui l’a édicté, alors que la règle d’usage
est un comportement spontané de la part des individus dans le groupe social. L’usage est une
expression collective de ce dernier.
Leurs sources sont différentes : pour la règle de droit c’est le législateur, pour la règle d’usage
c’est un comportement social répété. Cela n’empêche pas que certaines règles de droit se sont
inspirées des règles d’usages professionnels. Exemple : commerçants, marins…
La sanction de la norme de droit est exercée par le pouvoir public. Alors que la sanction du
non-
.respect d’une règle d’usage est purement morale.
SECTION II : Les fondements de la règle de droit :
Pourquoi respecte-t-on la règle de droit ?
Il y a deux raisons :
1- le besoin pratique de sécurité juridique : défini dans la recherche de la stabilité dans
les relations en prévoyant les conséquences de chaque acte et en garantissant la liberté
individuelle.
2- le besoin idéal de justice entre les individus : c’est une notion abstraite visant
l’égalité entre les individus en créant un équilibre entre leurs intérêts contradictoires. Pour
justifier et expliquer l’autorité de la règle de droit plusieurs écoles philosophiques ont essayé
de lui trouver une base théorique.
§ 1 : Doctrine idéaliste : dite l’école du droit naturel :
Le droit naturel est un droit supérieur exprimant un idéal de justice ayant comme source
d’inspiration l’observation de la vie humaine et de sa nature. Ce sont des règles abstraites et
parfaites telles que la bonne foi, le droit de la propriété et de la vie, le droit de la famille et du
travail...
Selon cette doctrine le droit positif peut être conforme au droit naturel. Le droit positif c’est
un ensemble de règle en vigueur dans un pays déterminé à un moment donné.
Cette doctrine a été critiquée à cause du contenu variable du droit naturel dans le temps et
l’espace. Selon l’approche de cette doctrine, le contenu du droit naturel serait alors variable
d’un peuple à un autre et d’un temps à un autre. Le plus opportun serait de réduire le droit
naturel uniquement à quelques principes fondamentaux universels et éternels.
§ 2 : Doctrine positiviste/positivisme étatique :
Selon cette doctrine la règle de droit tire son caractère obligatoire de la volonté de
l’autorité compétente qui l’a édictée, à savoir l’Etat.
La règle de droit tire son caractère obligatoire et impératif d’elle-même et non pas d’une
norme supérieur idéale et juste (le droit naturel). L’exemple le plus démonstratif de cette

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affirmation c’est que l’individu se soumet à la règle de droit même si elle apparaît contraire à
l’idéal de justice et de morale du droit naturel et ce dans le but de conserver la bonne
organisation de la société.
Kelsen (autrichien) est le fondateur de l’école normativiste a défendu une théorie pure du
droit à travers la fameuse « pyramide de Kelsen ».
C’est une hiérarchie de nomes dont chacune tire son caractère obligatoire de sa conformité à
la norme qui lui est supérieure, c’est un ordonnancement juridique pur.
Mais cette théorie ne donne pas de justification à la norme supérieure qui se trouve au sommet
de la pyramide, à savoir la constitution.
Le positivisme scientifique repose sur les phénomènes sociaux historiques et économiques
comme facteur déterminant dans l’élaboration des règles de droit. Selon cette doctrine le droit
est le fruit spontané de l’évolution des peuples guidé par les phénomènes sociaux, historiques
et même économiques qui les conditionnent.
§3 : Les rapports entre les droit musulman et le droit positif :
Trois approches doctrinales différentes ont examiné le fondement du droit positif par
rapport au droit musulman.
- une première doctrine : a adopté la laïcité, caractérisée par une distinction entre l’Islam en
tant que religion et le concept d’Etat et de droit. Une séparation doit être établie entre le droit
musulman, œuvre de l’homme ayant pour objet la constitution de l’Etat, et l’Islam en tant que
religion contenant des principes généraux. Exemple : l’empire ottoman.
- une deuxième doctrine : adopte la confusion entre le droit musulman et le droit positif et ce à
travers le coran et le sunna, ces deux règles comportent un ensemble de normes destinées à
organiser les rapports sociaux. Elles doivent être retenues par le législateur et appliquées par
le juge sans négliger le rôle de l’Ijtihad‫ اإلجتهاد‬. Exemple : les pays islamiques.
- une troisième doctrine : adopte la conciliation entre le droit musulman et le droit positif.
Le droit musulman guide le législateur qui lui sert comme source d’inspiration et guide dans
l’interprétation des textes ambigus.
APPROCHE ENTRE LE DROIT MUSULMAN ET LE DROIT POSITIF TUNISIEN :
D’abord la constitution, article n°1 : l’islam est la religion de l’état et celle de son
président.
A travers les institutions étatiques : le ministère des affaires religieuses 1994,
l’encouragement de la recherche dans le domaine des études islamiques, le mufti de la
république, le conseil islamique supérieur de 1989.ainsi que des institutions internationales
telle que le congrès islamique.
A travers la législation : En matière de contrat : la nullité des actes conclus malgré leur
prohibition par la religion musulmane. Article n° 575, 1107,1253 du C.O.C
En matière de statut personnel et de succession : les conditions de mariage, l’héritage…
Le juge s’est inspiré du droit musulman dans l’interprétation des textes obscurs et en
cas de leur silence de la loi (lacune).
Exemple : l’indignité successorale, la garde de l’enfant, en matière de témoignage (on a
adopté le témoignage unique).

CHAPITRE II : L’EVOLUTION ET LES STRUCTURES


DU DROIT TUNISIEN :
SECTION I : L’évolution du droit tunisien :
L’histoire tunisienne dégage 4 moments :
§ 1 : avant l’islam : 4 époques :
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a / l’époque de Carthage : (814 av J.C.) est celle des premiers signes de
l’évolution de droit. Une constitution organisait la vie publique de la cité de Carthage ; le droit
de vote, la reconnaissance du droit de propriété, le sénat (pouvoir législatif), la démocratie.
b / époque de Rome :Après la chute de Carthage, l’empereur romain agréait la
désignation d’un « proconsul » pour diriger la cité. Ses pouvoirs étaient larges pour assurer
l’ordre, l’administration et même pour rendre justice (civil criminel).
c/ l’époque vandale : C’est le peuple germanique qui a battu les romains. Leur
époque est caractérisée par le pouvoir absolu du roi dans tous les domaines. Mais chaque cace
était jugée par ses propres lois et coutumes.
d/ l’époque Byzance : Division de l’empire romain. C’était le préfet qui avait
toutes les attributions administratives, militaires et judiciaires.
§ 2 : avec l’islam : 660 après JC
Les conquêtes musulmanes avaient une influence considérable sur le droit. Le droit positif
n’était que l’application pure et simple du droit musulman. Sous l’empire ottoman, un pacte
fondamental appelé TANZIMET/1857 est adopté. Ce pacte constitue une charte qui
reconnaît les libertés fondamentales de l’homme.
Aussi il y a la constitution de 1861-1864 qui établi un régime de trois pouvoirs : le législatif,
l’exécutif, et le judiciaire. Ensuite il y a eu un mouvement de codification qui a contribué à la
rédaction de plusieurs textes tel que le code civil, et le code criminel 1861.
§ 3 : époque du protectorat :
Après le traité du Bardo 1881, plusieurs textes ont été promulgués. Exemple : le code foncier
1885, le c.o.c 1906, le code des procédures civiles 1910, le code pénal 1913, le code des
instructions criminelles 1921…
§ 4 : époque de l’indépendance :
Un régime républicain fut consacré dans la constitution du 1 juin 1959, cette constitution a
subi plusieurs amendements. en plus de l’unification de la justice et de la promulgation de
divers textes régissant plusieurs matières dont principalement le code de statut personnel, le
code de commerce…
§ 5 : époque post révolutionnaire :
La loi constituante n° 2011-6 du 16 décembre 2011 relative à l’organisation provisoire des
pouvoirs publics ( JORT n° 97, 20-23 décembre 2011, pp3111-3115) qui mis fin à
l'application de la constitution de 1959.
La constitution Tunisienne du 27 janvier 2014 a instauré un régime politique démocratique:
elle fixe les principes généraux d'exercices des pouvoirs. elle garanties les droits et libertés
tels que la liberté de conscience, le principe de parité et le caractère civil de l'Etat.

SECTION ΙΙ : Les structures de droit tunisien :


§ 1 : La distinction entre droit public et droit privé :

Droit public Droit privé


Définition : Définition :
Le droit public est un ensemble de règles Il réglemente les rapports des particuliers
destinées à l’organisation de l’Etat, des entre eux même, individus ou groupes. C’est
collectivités publiques, des établissements le droit des gouvernés.
publics, ainsi que de l’organisation des
rapports de ces derniers avec les particuliers.
On l’appelle droit de l’Etat ou droit des
gouvernants.

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Le but : il couvre les intérêts collectifs. Le but : il protège les intérêts particuliers
Exemple : les élections. Exemple : le mariage
Les moyens : Les règles sont essentiellement Les moyens : Plusieurs règles sont
impératives supplétives, d’où une large autonomie de la
volonté individuelle.
Les sanctions : L’emploi des moyens Les sanctions :
exorbitants de contrainte dont disposent les L’obtention des droits passe obligatoirement
pouvoirs publics sans passer par l’autorité par la justice et grâce à son approbation (pas
judiciaire et ceux à travers l’exécution de justice privée)
directe. Ex : la taxation d’office infligée par
le fisc

Il faut nuancer cette distinction qui ne se vérifie pas d’une manière absolue. Certaines
disciplines juridiques comme le droit de travail ne servent pas uniquement les intérêts privés
de l’employé et de l’employeur mais également il contribue à protéger l’intérêt général de la
collectivité. Parfois le droit privé comporte des aspects d’ordre public tel que la
réglementation des baux commerciaux (fonds de commerce/ bail commercial).
En plus l’Etat peut être condamné par une juridiction civile à la demande d’un particulier. Ex :
le dédommagement d’un accidenté de la route causé par un véhicule appartenant à l’Etat.
§ 2 : Le contenu de la distinction :
Les branches du droit public Les branches du droit privé
-le droit constitutionnel : la constitution est le -le droit civil (droit des gens) : c’est le droit
texte qui détermine l’organisation politique commun des particuliers, il porte sur l’étude des
d’un pays. droits subjectifs  (ensemble des prérogatives des
-le droit administratif  : particulières données par l’Etat), les créances
il a pour objet l’organisation et le réelles, l’état des personnes, la famille, les biens
et des sûretés (hypothèque, gage, privilège)
fonctionnement de l’administration ainsi que -le droit commercial : c’est la réglementation du
les rapports entre celle-ci et les administrés et commerce et des commerçants, les actes de
la résolution de leurs conflits. Le tribunal commerce, le fonds de commerce, les procédures
administratif est compétant dans le de redressement des entreprises en difficultés
contentieux entre l’administration et les économiques, la faillite des commerçants.
administrés. Ex : annulation du licenciement -le droit de travail : il traite des formes privées
d’un fonctionnaire. de travail subordonné, la résolution des litiges
-droit international  public : nés à l’occasion d’un contrat de travail ou
il définie les règles applicables entre les Etats d’apprentissage. Il forme avec le droit de la
eux-mêmes et les organisations sécurité sociale :le droit social.
-le droit international privé : il traite des
internationales.
questions relatives à la nationalité, à la condition
des étrangers, il traite également les conflits de
loi dans l’espace et les conflits de juridictions.
-le droit pénal : il traite des infractions pénales
(le crime, le délit, la contravention) et leurs
sanctions (amende prison peine de mort,
extradition…)
-le droit judiciaire privé : ce sont les procédures
civiles. Comment faire valoir ses droits en justice
et les voies d’exécution d’une décision de
justice.

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