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Difficultés d’endormissements et éveils nocturnes multiples sont très fréquents chez le jeune enfant,
puisque 25 % à 50 % des enfants de moins de 5 ans, 16 % à 27 % des enfants d’âge scolaire ont, ou ont
eu, des difficultés de sommeil pendant plus de 3 mois. Les causes peuvent être environnementales,
psychologiques ou médicales. De 70 % à 80 % des insomnies de l’enfant ont une origine
comportementale (conditionnement à l’endormissement, syndrome de prise alimentaire nocturne,
mauvaise hygiène de sommeil). Écouter la plainte des parents, proposer des règles d’hygiène du sommeil
très simples et adaptées au contexte socioculturel de l’enfant permet une résolution très rapide des
troubles dans la grande majorité des cas. Les difficultés de sommeil résistant à la prise en charge
comportementale, l’existence de signes de privation de sommeil doit faire suspecter une cause médicale.
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Dans cette tranche d’âge, 70 % à 80 % des troubles du Chez l’enfant d’âge scolaire [8-11]
sommeil ont une origine environnementale.
Quatre circonstances, souvent associées entre elles, entraînent Difficultés d’endormissement et opposition
des difficultés d’endormissement et/ou des éveils nocturnes. au coucher
Conditionnement anormal à l’endormissement Entre 5 et 10 ans, les difficultés les plus fréquentes consistent
C’est le trouble le plus fréquent chez l’enfant de moins de en des difficultés d’endormissement. L’endormissement est
3 ans : le nouveau-né ou le nourrisson n’a jamais été posé dans retardé mais, une fois endormis, ils ne se réveillent générale-
son lit encore réveillé ; le jeune enfant ne s’est jamais endormi ment pas. Ces difficultés d’endormissement relèvent de plu-
seul ou ne sait plus s’endormir seul. L’enfant ne s’endort pas sieurs causes :
dans sa chambre, il est incapable de s’endormir sans biberon ou • l’enfant est un « couche tard ». Il existe un décalage des
sans être allaité, sans être bercé, sans être promené en voiture heures d’endormissement et de réveil : il a des difficultés à
ou couché contre ses parents, sans leur présence jusqu’à s’endormir à l’heure imposée par ses parents. Une fois
l’endormissement. Le sommeil avant minuit est généralement endormi, il ne se réveille pas, mais le lever est difficile les
très stable mais des éveils multiples surviennent à partir de jours scolaires. Les jours non scolaires, l’enfant se lève
minuit. Le problème n’est pas celui des éveils, qui sont nor- beaucoup plus tard. Ces décalages des horaires d’endormisse-
maux puisque l’on se réveille normalement à chaque change- ment et de réveil sont favorisés par des horaires de lever et
ment de cycle, mais réside dans l’incapacité de l’enfant à se d’activité trop tardifs les jours non scolaires ;
rendormir seul, sans l’aide de ses parents. Ces réveils nocturnes • les besoins en sommeil de l’enfant sont surestimés par les
sont généralement courts (< 10 minutes) si toutes les conditions
parents : il est court dormeur, il est couché trop tôt par
(ou presque) du premier endormissement sont redonnées
rapport à son heure normale d’endormissement. Il va avoir
(Fig. 1).
des difficultés à s’endormir. Une fois endormi, il dort très
Syndrome de prise alimentaire nocturne bien, le réveil matinal est facile et il est en pleine forme dans
la journée. Il ne se réveille pas plus tard les jours non
Ces éveils multiples se compliquent très souvent d’un excès scolaires ;
d’apport de liquide pendant la nuit. On parle d’excès de liquide
• il s’agit d’un enfant anxieux qui a peur du noir, qui a peur
lorsque la quantité de liquide nocturne ingérée – eau, lait ou
de faire des cauchemars, ou qui, victime de petites illusions
sirop –, dépasse 200 grammes par nuit. La distension vésicale
provoquée par l’excès de liquide multiplie les éveils. Ce trouble hypnagogiques, se laisser emporter par son imagination ;
s’accompagne très fréquemment de difficultés alimentaires dans • il s’agit d’un enfant toujours incapable de s’endormir seul. Il
la journée. pourra aussi se réveiller la nuit ;
• il s’agit d’une insomnie d’endormissement par excès de
Difficultés de sommeil par insuffisance de limites stimulations : télévision, ordinateurs ou jeux vidéo dans la
Dès 18 mois, parfois avant, l’enfant entre dans une phase chambre, activité physique trop tardive le soir, coucher trop
d’opposition normale. Certains parents peu fermes se laissent tardif, consommation de boissons stimulantes.
déborder par les multiples demandes de leur enfant pour éviter
d’être mis au lit ou pour en sortir, lors du coucher et des éveils Éveils nocturnes
nocturnes. Ces parents n’osent pas dire non pour plusieurs
Ils sont moins fréquents que les difficultés d’endormissement.
raisons :
• par culpabilité, parce que peu présents dans la journée, ils Il peut s’agir :
considèrent qu’ils ne passent pas suffisamment de temps avec • d’un enfant incapable de s’endormir seul : il réveille une ou
leur enfant ; deux fois ses parents dans la nuit pour se rassurer ;
• parce que les pleurs de l’enfant ou ses caprices les angoissent, • d’un enfant dont les besoins de sommeil ont été surestimés
puisqu’ils ont (ou ont eu) eux-mêmes des difficultés de par les parents, il est plutôt court dormeur et couche tôt, il
séparation ; s’endort facilement mais il va se réveiller à partir de 5-6 heu-
• par peur de réveiller les voisins ou un autre enfant ; res du matin, ou se réveiller pendant 1 à 2 heures en seconde
• parce qu’ils sont fatigués, déprimés et n’en peuvent plus. partie de nuit.
Éveil
Sommeil paradoxal
20 h 22 h 0h 2h 4h 6h
Figure 1. Éveils nocturnes. Les éveils de première partie de nuit correspondent à des éveils incomplets en sommeil lent profond : ils correspondent à des
terreurs nocturnes ou des éveils confusionnels qui font partie des parasomnies, l’enfant n’en est pas conscient. Les éveils de seconde partie de nuit sont
conscients, ils surviennent à chaque cycle de sommeil. Si l’enfant ne sait pas se rendormir seul, il va signaler ses éveils par des pleurs ou des appels.
■ Insomnie et problèmes .
Prise en charge comportementale [2, 4, 5, 13]
Nom et prénom :
Date de naissance :
Adresse :
Téléphone :
Date 0h 2h 4h 6h 8h 10 h 12 h 14 h 16 h 18 h 20 h 22 h 24 h - Observations
Exemple
Merc
B B B R
04/10/04
Figure 2. Agenda de sommeil. Cet agenda peut très facilement être rempli pendant 10 à 15 jours par les parents ou même par les enfants d’âge scolaire.
Il permet de visualiser sur plusieurs jours le rythme veille/sommeil, d’évaluer la durée du sommeil, son organisation jour/nuit, de repérer les horaires
d’endormissements le soir et d’éveils le matin ainsi que leur régularité ou irrégularité, d’évaluer le délai d’endormissement après le coucher, la durée et l’horaire
des éveils nocturnes et des siestes. Chez l’enfant d’âge scolaire, en période de vacances, il permet d’évaluer les besoins de sommeil et un éventuel décalage des
horaires de sommeil et d’éveil par rapport à la période scolaire. Si des manifestations anormales et/ou des éveils nocturnes surviennent au cours du sommeil,
il permet de repérer leurs horaires de survenue.
souffrance des uns et des autres, proposer des règles d’hygiène [5] Morgenthaler TI, Owens J, Alessi C, Boehlecke B, Brown TM,
du sommeil très simples, permet une résolution très rapide de Coleman Jr. J, et al. Practice parameters for behavioural treatment of
la grande majorité des troubles. bedtime problems and night wakings in infants and young children.
Les insomnies résistant à la prise en charge comportementale, Sleep 2006;29:1277-81.
l’existence d’une privation de sommeil doivent faire suspecter [6] Adair R, Bauchner H, Philip B, Levenson S, Zucherman B. Night
une cause médicale. Ces causes organiques de mauvais sommeil waking during infancy: the role of parental presence at bedtime.
Pediatrics 1991;87:500-3.
doivent systématiquement être recherchées chez les enfants
[7] Thompson DA, Christakis DA. The association between television
porteurs d’un handicap. Quelle que soit la cause du trouble du
viewing and irregular sleep schedules among children less than 3 years
sommeil, la possibilité d’une « douleur psychique » doit toujours of age. Pediatrics 2005;116:851-6.
être recherchée et au moindre doute, l’enfant et/ou ses parents [8] Mindell JA, Meltzer LJ, Carskadon M, Chervin RD. Developmental
confiés à un psychothérapeute. aspects of sleep hygiene: findings from the 2004 national Sleep
.
Foundation Sleep in America poll. Sleep Med Rev 2009;10:771-9.
[9] Kahn A, Van de Merckt C, Rebuffat E, Mozin MJ, Sottiaux M, Blum D,
■ Références et al. Sleep problems in healthy preadolescents. Pediatrics 1989;84:
542-6.
[1] Touchette E, Petit D, Tremblay RE, Montplaisir JY. Risk factors and [10] Owens J, Spirito A, McGuinn M, Nobile C. Sleep habits and sleep
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[3] Challamel MJ, Franco P. Nutrition, éveil et sommeil: physiopathologie [12] Kahn A, Mozin MJ, Rebuffat E, Blum D, Casimir C, Duchateau J.
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treatment of bedtime problems and night wakings in infants and young charge cognitivo-comportementale des troubles du sommeil du jeune
children. Sleep 2006;29:1263-75. enfant. Arch Pediatr 2001;8:639-44.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Challamel M.-J., Franco P. Insomnies et troubles de l’installation du rythme jour/nuit du jeune enfant. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 8-0830, 2011.