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¶ 8-0830

Insomnies et troubles de l’installation


du rythme jour/nuit du jeune enfant
M.-J. Challamel, P. Franco

Difficultés d’endormissements et éveils nocturnes multiples sont très fréquents chez le jeune enfant,
puisque 25 % à 50 % des enfants de moins de 5 ans, 16 % à 27 % des enfants d’âge scolaire ont, ou ont
eu, des difficultés de sommeil pendant plus de 3 mois. Les causes peuvent être environnementales,
psychologiques ou médicales. De 70 % à 80 % des insomnies de l’enfant ont une origine
comportementale (conditionnement à l’endormissement, syndrome de prise alimentaire nocturne,
mauvaise hygiène de sommeil). Écouter la plainte des parents, proposer des règles d’hygiène du sommeil
très simples et adaptées au contexte socioculturel de l’enfant permet une résolution très rapide des
troubles dans la grande majorité des cas. Les difficultés de sommeil résistant à la prise en charge
comportementale, l’existence de signes de privation de sommeil doit faire suspecter une cause médicale.
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Mots clés : Sommeil ; Insomnie ; Causes comportementales ; Causes médicales

Plan ves, son métabolisme : il existe une relation entre diminution


du temps de sommeil et risque de surpoids ou d’obésité quel-
¶ Introduction 1 ques années plus tard, cette relation est particulièrement
significative chez l’enfant de moins de 10 ans [1-3].
¶ Définitions 1
Les difficultés de sommeil de l’enfant retentissent sur la
¶ Prévalence 1 qualité de vie des parents, elles ont un coût socioéconomique :
¶ Principales causes environnementales de difficultés les parents d’enfants mauvais dormeurs sont plus fréquemment
d’endormissement et de réveil 2 déprimés, plus somnolents, ont plus d’accidents et sont plus
Chez l’enfant de moins de 5 ans 2 souvent absents de leur travail que les parents d’enfants bons
Chez l’enfant d’âge scolaire 2 dormeurs.
¶ Insomnie comportementale et troubles de l’installation
du rythme jour/nuit 3
¶ Des difficultés transitoires du sommeil aux insomnies durables : ■ Définitions [4, 5]

importance des relations parents-enfant 3


Insomnies et troubles du rythme circadien sont presque
¶ Insomnies d’origine médicale 3
Sur quels symptômes les suspecter ? 3 indissociables chez l’enfant.
Causes médicales liées à l’alimentation 3 L’insomnie de l’enfant correspond à des anomalies répétées
Causes organiques d’insomnie 3 de l’installation, de la durée, de la continuité et/ou de la qualité
du sommeil, malgré un coucher et une opportunité pour dormir
¶ Insomnie et problèmes psychopathologiques et neurologiques 4
appropriés pour l’âge de l’enfant. Ces difficultés de sommeil
¶ Prise en charge des insomnies 4 entraînant une altération du fonctionnement diurne de l’enfant
Comment éviter les problèmes de sommeil ? 4
et/ou de sa famille.
Difficultés de sommeil déjà installées 4
La principale caractéristique du trouble circadien chez
Prise en charge comportementale 4
l’enfant est la non-concordance entre le sommeil de l’enfant et
Prise en charge médicamenteuse 4
le rythme de sommeil exigé par les parents, la crèche et/ou
¶ Conclusion 5 l’école.
Ces troubles vont se traduire par des difficultés d’endormis-
sement (plus de 30 minutes), des éveils nocturnes ou un réveil
précoce [4].
■ Introduction
Protéger le sommeil des jeunes enfants, prendre en charge
précocement les difficultés de sommeil même les plus bénignes ■ Prévalence
est important. Les enfants mauvais dormeurs dorment en
moyenne 1 heure de moins que les bons dormeurs [1]. Cette La prévalence de l’insomnie chez l’enfant est élevée. Elle est
réduction du temps de sommeil a des répercussions significati- retrouvée chez 25 % à 50 % des enfants de moins de 5 ans,
ves sur le comportement de l’enfant, sur ses capacités cogniti- chez 16 % à 27 % des enfants d’âge scolaire.

Traité de Médecine Akos 1


8-0830 ¶ Insomnies et troubles de l’installation du rythme jour/nuit du jeune enfant

■ Principales causes Difficultés de sommeil par excès de stimulations


environnementales de difficultés Beaucoup de jeunes enfants sont sans cesse stimulés, occupés
ou passent un temps devant un écran de télévision ou un écran
d’endormissement et de réveil d’ordinateur très important [7]. Des jeux trop violents, trop près
du coucher peuvent aussi empêcher l’endormissement.
Chez l’enfant de moins de 5 ans [1, 2, 4-6]

Dans cette tranche d’âge, 70 % à 80 % des troubles du Chez l’enfant d’âge scolaire [8-11]
sommeil ont une origine environnementale.
Quatre circonstances, souvent associées entre elles, entraînent Difficultés d’endormissement et opposition
des difficultés d’endormissement et/ou des éveils nocturnes. au coucher
Conditionnement anormal à l’endormissement Entre 5 et 10 ans, les difficultés les plus fréquentes consistent
C’est le trouble le plus fréquent chez l’enfant de moins de en des difficultés d’endormissement. L’endormissement est
3 ans : le nouveau-né ou le nourrisson n’a jamais été posé dans retardé mais, une fois endormis, ils ne se réveillent générale-
son lit encore réveillé ; le jeune enfant ne s’est jamais endormi ment pas. Ces difficultés d’endormissement relèvent de plu-
seul ou ne sait plus s’endormir seul. L’enfant ne s’endort pas sieurs causes :
dans sa chambre, il est incapable de s’endormir sans biberon ou • l’enfant est un « couche tard ». Il existe un décalage des
sans être allaité, sans être bercé, sans être promené en voiture heures d’endormissement et de réveil : il a des difficultés à
ou couché contre ses parents, sans leur présence jusqu’à s’endormir à l’heure imposée par ses parents. Une fois
l’endormissement. Le sommeil avant minuit est généralement endormi, il ne se réveille pas, mais le lever est difficile les
très stable mais des éveils multiples surviennent à partir de jours scolaires. Les jours non scolaires, l’enfant se lève
minuit. Le problème n’est pas celui des éveils, qui sont nor- beaucoup plus tard. Ces décalages des horaires d’endormisse-
maux puisque l’on se réveille normalement à chaque change- ment et de réveil sont favorisés par des horaires de lever et
ment de cycle, mais réside dans l’incapacité de l’enfant à se d’activité trop tardifs les jours non scolaires ;
rendormir seul, sans l’aide de ses parents. Ces réveils nocturnes • les besoins en sommeil de l’enfant sont surestimés par les
sont généralement courts (< 10 minutes) si toutes les conditions
parents : il est court dormeur, il est couché trop tôt par
(ou presque) du premier endormissement sont redonnées
rapport à son heure normale d’endormissement. Il va avoir
(Fig. 1).
des difficultés à s’endormir. Une fois endormi, il dort très
Syndrome de prise alimentaire nocturne bien, le réveil matinal est facile et il est en pleine forme dans
la journée. Il ne se réveille pas plus tard les jours non
Ces éveils multiples se compliquent très souvent d’un excès scolaires ;
d’apport de liquide pendant la nuit. On parle d’excès de liquide
• il s’agit d’un enfant anxieux qui a peur du noir, qui a peur
lorsque la quantité de liquide nocturne ingérée – eau, lait ou
de faire des cauchemars, ou qui, victime de petites illusions
sirop –, dépasse 200 grammes par nuit. La distension vésicale
provoquée par l’excès de liquide multiplie les éveils. Ce trouble hypnagogiques, se laisser emporter par son imagination ;
s’accompagne très fréquemment de difficultés alimentaires dans • il s’agit d’un enfant toujours incapable de s’endormir seul. Il
la journée. pourra aussi se réveiller la nuit ;
• il s’agit d’une insomnie d’endormissement par excès de
Difficultés de sommeil par insuffisance de limites stimulations : télévision, ordinateurs ou jeux vidéo dans la
Dès 18 mois, parfois avant, l’enfant entre dans une phase chambre, activité physique trop tardive le soir, coucher trop
d’opposition normale. Certains parents peu fermes se laissent tardif, consommation de boissons stimulantes.
déborder par les multiples demandes de leur enfant pour éviter
d’être mis au lit ou pour en sortir, lors du coucher et des éveils Éveils nocturnes
nocturnes. Ces parents n’osent pas dire non pour plusieurs
Ils sont moins fréquents que les difficultés d’endormissement.
raisons :
• par culpabilité, parce que peu présents dans la journée, ils Il peut s’agir :
considèrent qu’ils ne passent pas suffisamment de temps avec • d’un enfant incapable de s’endormir seul : il réveille une ou
leur enfant ; deux fois ses parents dans la nuit pour se rassurer ;
• parce que les pleurs de l’enfant ou ses caprices les angoissent, • d’un enfant dont les besoins de sommeil ont été surestimés
puisqu’ils ont (ou ont eu) eux-mêmes des difficultés de par les parents, il est plutôt court dormeur et couche tôt, il
séparation ; s’endort facilement mais il va se réveiller à partir de 5-6 heu-
• par peur de réveiller les voisins ou un autre enfant ; res du matin, ou se réveiller pendant 1 à 2 heures en seconde
• parce qu’ils sont fatigués, déprimés et n’en peuvent plus. partie de nuit.

Terreurs nocturnes Éveils conscients entre


Éveils confusionnels minuit et 5 heures

Éveil

Sommeil paradoxal

Sommeil lent profond

20 h 22 h 0h 2h 4h 6h
Figure 1. Éveils nocturnes. Les éveils de première partie de nuit correspondent à des éveils incomplets en sommeil lent profond : ils correspondent à des
terreurs nocturnes ou des éveils confusionnels qui font partie des parasomnies, l’enfant n’en est pas conscient. Les éveils de seconde partie de nuit sont
conscients, ils surviennent à chaque cycle de sommeil. Si l’enfant ne sait pas se rendormir seul, il va signaler ses éveils par des pleurs ou des appels.

2 Traité de Médecine Akos


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■ Insomnie comportementale Tableau 1.


Sur quels symptômes évoquer une insomnie d’origine médicale ?
et troubles de l’installation - la présence d’un ronflement sonore, de troubles alimentaires, de régur-
du rythme jour/nuit gitations anormales ou d’infections oto-rhino-laryngologiques anorma-
lement fréquentes ;
La peur qu’un enfant n’ait pas assez dormi, les conseils - l’existence d’éveils nocturnes longs (supérieurs à 15 minutes) associés
souvent donnés de ne jamais réveiller un enfant qui dort font ou non à un temps de sommeil diminué sur 24 heures ;
que, très souvent, les difficultés d’endormissement ou les éveils - la survenue d’éveils dès la première partie de la nuit ;
nocturnes se compliquent d’une mauvaise organisation du - l’existence d’un sommeil agité entre les éveils ;
rythme jour/nuit. - la présence dans la journée d’une fatigue anormale, de siestes
Ces troubles correspondent souvent à un décalage des heures inopinées, d’une agitation pathologique ;
de coucher et de lever favorisé par :
- la présence de troubles du comportement : timidité anormale,
• une opposition ou des pleurs au coucher, un coucher trop
agressivité, etc.
tardif ;
• des éveils nocturnes avec sommeil « rattrapé » le matin (ces Certaines données apportées par l’examen de l’enfant peuvent aussi
levers tardifs, même s’ils ne surviennent que deux fois par orienter vers la recherche d’une cause organique : l’existence d’un retard
semaine, peuvent entraîner un décalage des siestes et surtout staturopondéral, d’un excès de poids, la présence de très grosses amyg-
du sommeil nocturne, et ce tous les jours) ; dales, l’existence d’un examen neurologique ou psychomoteur anormal.
• des siestes anormalement fréquentes pour l’âge de l’enfant,
trop longues ou trop tardives dans l’après-midi.
Tableau 2.
Causes médicales des insomnies.
■ Des difficultés transitoires Liées Reflux gastro-œsophagien
du sommeil aux insomnies à l’alimentation Allergie aux protéines du lait de vache
durables : importance des relations Erreurs diététiques :
- allaitement maternel exclusif après 6-12 mois
parents-enfant - volumes alimentaires insuffisants ou excessifs
Les troubles transitoires du sommeil font partie du dévelop- - apport insuffisant en lipides (lait demi-écrémé)
pement normal de l’enfant. Certaines étapes sont plus à risque : - consommation excessive de protéines, de sucres
le premier mois, la période 7-9 mois, la seconde année [2]. - carences nutritionnelles martiales, protéiques,
Difficultés de sommeil apparues dès les premières semaines de lipidiques
vie : une trop grande anxiété parentale, une dépression du post-
partum aggravée par le manque de sommeil peuvent retentir sur Organiques Maladies chroniques : asthme, diabètes, etc.
le sommeil du nouveau-né et retarder l’installation du rythme Syndrome d’apnées obstructives, rhinite obstructive
jour/nuit. Un peu plus tard, l’incapacité à s’endormir seul, la Affections dermatologiques : eczéma, prurit
prise de biberons nocturnes et l’absence de limites font que ces Médications psychostimulantes : corticoïdes,
difficultés persistent. bêta2-mimétiques, théophylline, méthylphénidate
L’enfant a bien dormi jusqu’à 1 an ou même 3 ans et se met Syndromes douloureux : otite chronique, coliques,
à mal dormir : certaines circonstances favorisent transitoirement etc.
un mauvais sommeil et une dépendance de l’enfant pour Troubles psychologiques et psychiatriques : anxiété,
s’endormir. Il s’agit : TDAH, précocité, dépression, troubles envahissants
• de la reprise du travail de la mère ; du développement
• de l’apprentissage de la marche, de la propreté ; Déficits : mental, moteur, neurosensoriel, épilepsie
• de l’entrée en halte-garderie, à l’école maternelle ou d’un
mode de garde trop multiple (l’enfant manque de repères), TDAH : trouble déficit de l’attention/hyperactivité.
d’un séjour chez les grand-parents ;
• d’une pathologie transitoire de l’enfant, surtout si celle-ci a Causes médicales liées à l’alimentation
entraîné une hospitalisation ;
(Tableau 2)
• il peut s’agir aussi de la naissance d’un autre enfant, d’un
déménagement, d’une peur (orage, incendie), de problèmes Chez le nourrisson et le jeune enfant
scolaires, d’une séparation des parents.
Si les troubles persistent, ils peuvent être le reflet de difficul- Une éventuelle allergie alimentaire ou une erreur diététique
tés psychologiques plus importantes, d’une anxiété anormale de peuvent être en cause [3, 12].
l’enfant, de difficultés de séparation d’avec la mère. Parfois, Allergie aux protéines du lait de vache : elle touche 2 % à
l’enfant est relativement serein et indépendant, mais ce sont les 3 % des nourrissons. Elle est retrouvée dans environ 10 % des
parents qui ont des problèmes de séparation : par anxiété, mais insomnies sévères du nourrisson. L’insomnie est précoce, elle se
parfois parce que les symptômes de l’enfant les renvoient à leur manifeste généralement avant 1 an. Le sommeil est très frag-
histoire personnelle ou conjugale. menté, la durée du sommeil très courte (3 à 5 heures par nuit).
Le temps de sieste est très diminué. Il existe une hypersudation
nocturne, une hyperactivité diurne importante.
■ Insomnies d’origine médicale Erreurs diététiques : les erreurs diététiques sont fréquentes
chez le nourrisson. Il peut s’agir d’un allaitement maternel
Les insomnies secondaires à une cause médicale sont plus exclusif de très longue durée, persistant au-delà de 12 mois ; de
rares (moins de 30 % des enfants vus pour des troubles du volumes alimentaires insuffisants ou alors excessifs ; de déséqui-
sommeil en consultations spécialisées ont une insomnie d’ori- libres de l’alimentation avec apports excessifs de sucre, de
gine médicale). protéines ou insuffisants en lipides.

Sur quels symptômes les suspecter ? Causes organiques d’insomnie (Tableau 2)

Ces insomnies s’accompagnent plus fréquemment d’une Chez le nourrisson


diminution du temps de sommeil et d’un retentissement sur le Il faut systématiquement éliminer un syndrome douloureux,
comportement diurne du nourrisson ou de l’enfant (Tableau 1). une otite chronique ou un reflux gastro-œsophagien.

Traité de Médecine Akos 3


8-0830 ¶ Insomnies et troubles de l’installation du rythme jour/nuit du jeune enfant

Chez l’enfant Cette consultation permet :


• d’avoir le temps d’écouter les parents, d’entendre leur plainte,
Il peut s’agir d’un syndrome d’apnées du sommeil, d’un
d’écouter l’histoire personnelle des parents et de l’enfant, de
syndrome des jambes sans repos ou d’une cause médicamen-
prendre le temps de parler à l’enfant ;
teuse : les psychostimulants et les corticoïdes par exemple
• d’éliminer une cause médicale ;
peuvent entraîner des éveils nocturnes et des difficultés
• d’évaluer les horaires de sommeil diurnes et nocturnes, la
d’endormissement.
.
durée du sommeil. Cette évaluation est très facilitée si un
L’asthme et l’eczéma sont également fréquemment associés à
agenda de sommeil a été rempli pendant une dizaine de jours
une insomnie, de même que les diabètes insulinodépendant et
(Fig. 2) ;
insipide.
• de rechercher la possibilité d’une privation de sommeil
Le syndrome d’hyperactivité avec trouble de l’attention
évaluée sur le comportement de l’enfant pendant la journée
s’accompagne parfois d’une insomnie. Les enfants dits « préco-
(Tableau 1) ;
ces » ont des difficultés d’endormissement, un temps de
• d’évaluer les conditions de couchage de l’enfant : température
sommeil diminué et des cauchemars plus fréquents que les
de la chambre, possibilité de nuisances sonores, éclairage,
enfants de la population générale.
confort du lit.

■ Insomnie et problèmes .
Prise en charge comportementale [2, 4, 5, 13]

psychopathologiques Cette approche doit toujours tenir compte du contexte


socioculturel de la famille [11].
et neurologiques Le médecin incite les parents à observer des règles d’hygiène
Plus rarement, il s’agit d’authentiques problèmes psychiatri- de sommeil très simples qui permettent souvent une résolution
ques : chez l’enfant, l’insomnie peut s’intégrer dans le cadre très rapide des troubles. Il s’agit de :
d’une dépression avec difficultés d’endormissement, éveils • régulariser l’heure du réveil matinal : si les heures du réveil
nocturnes et éveil précoce. Dans l’autisme, les troubles du matinal sont tardives, il convient de réveiller l’enfant à une
sommeil sont précoces, le plus évocateur est la survenue d’une heure régulière et pas trop tardive, y compris le week-end.
insomnie « silencieuse » au cours de laquelle le nourrisson est Chez l’enfant d’âge scolaire, cet horaire ne devrait pas
dans son lit, les yeux grands ouverts, sans manifester son dépasser 9 heures ;
désarroi. Les carences affectives graves sont également à • réorganiser le sommeil et les siestes sur 24 heures : si des
l’origine d’insomnies sévères et précoces. Enfin 50 % à 80 % des difficultés de sommeil existent, la durée et l’horaire des siestes
enfants porteurs d’un handicap présentent des difficultés de doivent être appropriés à l’âge de l’enfant. En effet, des siestes
sommeil dont les étiologies sont multifactorielles : troubles du trop fréquentes pour l’âge de l’enfant, une sieste supprimée
rythme circadien, syndrome d’apnées, reflux gastro-œsophagien, trop précocement, une sieste d’après-midi se prolongeant
atteinte des centres du sommeil. après 16 heures ou une sieste du matin trop précoce (avant
9 heures), une sieste d’après-midi trop longue (de plus de
2 h 30), peuvent entraîner un retard du coucher et des éveils
■ Prise en charge des insomnies nocturnes ;
• instituer un rituel du coucher qu’il est préférable de faire dans
Comment éviter les problèmes la chambre de l’enfant, mais insister aussi pour que les
parents quittent l’enfant avant qu’il ne soit endormi ;
de sommeil ? • supprimer les conditionnements : en fonction du degré
À partir de 4 mois, si l’enfant signale encore ses éveils d’anxiété de l’enfant et de ses parents, il peut demander aux
nocturnes il faut inciter les parents à : parents de laisser pleurer progressivement l’enfant, au
• laisser leur enfant s’endormir progressivement seul dans son moment des siestes et du coucher du soir ;
lit, leur conseiller de se séparer de lui avant qu’il ne • supprimer les alimentations nocturnes : le biberon du soir ne
s’endorme ; doit plus être associé à l’endormissement. Il doit être pris en
• dissocier progressivement l’alimentation de l’endormisse- dehors de la chambre, en dehors du lit. La quantité de lait
ment ; conseiller aux mères qui allaitent de ne pas répondre des biberons nocturnes est diminuée progressivement sur 10
immédiatement à la demande de l’enfant, d’attendre un peu, à 15 jours, de 10 à 20 ml chaque jour.
par exemple le temps de la préparation d’un biberon ; Chez les enfants présentant une opposition au coucher ou
• ne pas parler, ne pas trop éclairer et à rester le plus neutre qui s’endorment difficilement, le thérapeute doit :
possible lors des éveils nocturnes. • essayer de comprendre ce qu’il se passe : a-t-il peur du noir ?
À partir de 5-6 mois, si l’enfant tarde à faire ses nuits, il faut : S’il présente des illusions hypnagogiques, il faut lui expliquer
• conseiller de régulariser l’heure du réveil du matin en ouvrant que c’est normal, que cela arrive aussi aux adultes ;
les volets de la chambre où dort l’enfant, pour lui amener la • reculer un peu l’heure du coucher en couchant l’enfant, dans
lumière du jour à une heure régulière et pas trop tardive ; un premier temps, à l’heure où il est le plus souvent endormi,
• recommander, si des périodes d’alimentation nocturnes ce qui favorise l’endormissement. Il faut ensuite revenir très
persistent, chez les enfants nourris au biberon, de diminuer progressivement de 5 minutes en 10 minutes à une heure de
progressivement la quantité des biberons de 20 ml en 20 ml ; coucher qui correspond plus à son âge et à ses besoins en
et insister sur le fait qu’un enfant, né à terme, en bonne sommeil ;
santé et non hypotrophique n’a plus besoin d’être alimenté • demander aux parents d’instituer des limites : il est important
la nuit après 6 mois. Chez les nourrissons allaités, conseiller que les parents soient fermes et ne se laissent pas déborder
d’espacer et de diminuer la durée des tétées. par de trop nombreuses demandes au moment du coucher.
En revanche, si l’enfant a peur du noir, il faut leur conseiller
Difficultés de sommeil déjà installées de laisser la porte de sa chambre ouverte sur un couloir
faiblement éclairé ou de mettre une petite veilleuse dans sa
Si des éveils ou des difficultés d’endormissement apparaissent
chambre ;
ou persistent après 6 mois, il est important de prendre en
• inciter les parents à diminuer tous les excès de stimulation :
charge les difficultés de sommeil de l’enfant le plus précoce-
écran dans la chambre, boissons stimulantes, jeux trop
ment possible. Cette intervention rapide, efficace dans plus de
violents le soir, etc.
80 % des cas, va diminuer le stress familial, améliorer les
relations parents/enfant. Le médecin doit éviter néanmoins de
résoudre les problèmes au cours d’une consultation normale,
Prise en charge médicamenteuse
mais donner un rendez-vous pour une consultation dédiée plus Près de 70 % des troubles du sommeil de l’enfant sont liés à
longue, si possible avec les deux parents présents. de mauvaises habitudes. En dehors de quelques cas particuliers :

4 Traité de Médecine Akos


Insomnies et troubles de l’installation du rythme jour/nuit du jeune enfant ¶ 8-0830

Nom et prénom :
Date de naissance :
Adresse :

Téléphone :

Date 0h 2h 4h 6h 8h 10 h 12 h 14 h 16 h 18 h 20 h 22 h 24 h - Observations

Exemple
Merc
B B B R
04/10/04

Coucher Sommeil Lever B : biberon R : repas Éveil calme Cris - pleurs

Figure 2. Agenda de sommeil. Cet agenda peut très facilement être rempli pendant 10 à 15 jours par les parents ou même par les enfants d’âge scolaire.
Il permet de visualiser sur plusieurs jours le rythme veille/sommeil, d’évaluer la durée du sommeil, son organisation jour/nuit, de repérer les horaires
d’endormissements le soir et d’éveils le matin ainsi que leur régularité ou irrégularité, d’évaluer le délai d’endormissement après le coucher, la durée et l’horaire
des éveils nocturnes et des siestes. Chez l’enfant d’âge scolaire, en période de vacances, il permet d’évaluer les besoins de sommeil et un éventuel décalage des
horaires de sommeil et d’éveil par rapport à la période scolaire. Si des manifestations anormales et/ou des éveils nocturnes surviennent au cours du sommeil,
il permet de repérer leurs horaires de survenue.

enfants présentant une pathologie cérébrale, une insomnie


organique ou une insomnie d’origine psychiatrique, le recours
■ Conclusion
aux traitements médicamenteux doit être exceptionnel. Les troubles du sommeil ont leur ancrage dans le développe-
Modalités de prescription ment neurophysiologique et psychoaffectif de l’enfant. Savoir
écouter, prendre le temps de répondre aux questions des
Chez l’enfant sain, la prise d’un « somnifère » ne doit jamais parents, ou de l’enfant, déculpabiliser, mettre des mots sur la
être banalisée, en particulier pour des raisons de tolérance :
possibilité d’effet paradoxal ou d’effets indésirables. Ils ne
doivent jamais être prescrits en première intention. Cette
prescription doit toujours être accompagnée par une prise en
charge comportementale et/ou psychologique.
Les somnifères peuvent cependant constituer une solution
transitoire lorsque les parents sont épuisés. Ils peuvent parfois
faciliter l’approche comportementale. Ils ont un effet transitoire,
“ Points essentiels
le traitement doit donc être de courte durée, et doit être
diminué très progressivement pour éviter les problèmes de • De 70 % à 80 % des insomnies de l’enfant ont une
sevrage. Il ne devrait jamais être prescrit de somnifères avant origine comportementale (conditionnement à
l’âge de 1 an. l’endormissement, syndrome de prise alimentaire
nocturne, mauvaise hygiène de sommeil).
Choix d’une spécialité • Les difficultés de sommeil résistant à la prise en charge
Aucune thérapeutique médicamenteuse n’est aujourd’hui comportementale, l’existence de signes de privation de
validée chez l’enfant. Les antihistaminiques H1 de première sommeil doivent faire suspecter une cause médicale.
génération (hydroxyzine [Atarax®] ; piméthixène [Calmixène • Écouter la plainte des parents, proposer des règles
sirop®]) sont très souvent choisis par les médecins pour leur d’hygiène du sommeil très simples permet une résolution
effet sédatif associé à une tolérance acceptable. rapide des troubles dans la grande majorité des cas.
La mélatonine est actuellement la médication la plus appro-
• Chez l’enfant sain, la prise d’un « somnifère » ne doit
priée pour synchroniser le sommeil des enfants porteurs d’une
pathologie cérébrale. jamais être banalisée. Ils ne doivent jamais être prescrits en
L’homéopathie est une prescription réservée aux médecins première intention. Cette prescription doit toujours
homéopathes et qui peut parfois être une solution thérapeuti- s’accompagner d’une prise en charge comportementale
que adaptée et sans danger, mais la durée du traitement doit et/ou psychologique.
être limitée : dans la plupart des cas, elle ne devrait pas dépasser • La possibilité d’une « douleur psychique » doit toujours
15 jours si elle est inefficace. Mais là encore cette thérapeutique être recherchée et au moindre doute l’enfant et/ou ses
n’a pas été validée et il est important de ne pas banaliser la parents confiés à un psychothérapeute.
prise d’un « sirop pour dormir ».

Traité de Médecine Akos 5


8-0830 ¶ Insomnies et troubles de l’installation du rythme jour/nuit du jeune enfant

souffrance des uns et des autres, proposer des règles d’hygiène [5] Morgenthaler TI, Owens J, Alessi C, Boehlecke B, Brown TM,
du sommeil très simples, permet une résolution très rapide de Coleman Jr. J, et al. Practice parameters for behavioural treatment of
la grande majorité des troubles. bedtime problems and night wakings in infants and young children.
Les insomnies résistant à la prise en charge comportementale, Sleep 2006;29:1277-81.
l’existence d’une privation de sommeil doivent faire suspecter [6] Adair R, Bauchner H, Philip B, Levenson S, Zucherman B. Night
une cause médicale. Ces causes organiques de mauvais sommeil waking during infancy: the role of parental presence at bedtime.
Pediatrics 1991;87:500-3.
doivent systématiquement être recherchées chez les enfants
[7] Thompson DA, Christakis DA. The association between television
porteurs d’un handicap. Quelle que soit la cause du trouble du
viewing and irregular sleep schedules among children less than 3 years
sommeil, la possibilité d’une « douleur psychique » doit toujours of age. Pediatrics 2005;116:851-6.
être recherchée et au moindre doute, l’enfant et/ou ses parents [8] Mindell JA, Meltzer LJ, Carskadon M, Chervin RD. Developmental
confiés à un psychothérapeute. aspects of sleep hygiene: findings from the 2004 national Sleep
.
Foundation Sleep in America poll. Sleep Med Rev 2009;10:771-9.
[9] Kahn A, Van de Merckt C, Rebuffat E, Mozin MJ, Sottiaux M, Blum D,
■ Références et al. Sleep problems in healthy preadolescents. Pediatrics 1989;84:
542-6.
[1] Touchette E, Petit D, Tremblay RE, Montplaisir JY. Risk factors and [10] Owens J, Spirito A, McGuinn M, Nobile C. Sleep habits and sleep
consequences of early childhood dyssomnias. Sleep Med Rev 2009;13: disturbances in school-aged children. J Dev Behav Pediatr 2000;21:
355-61. 27-36.
[2] Challamel MJ, Franco P, Hardy M. Le sommeil de l’enfant. Collection [11] Giannotti F, Cortesi F. Family and cultural influences on sleep
Pédiatrie au quotidien. Paris: Masson; 2009 (192p). development. Child Adolesc Psychiatr Clin N Am 2009;18:849-61.
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M.-J. Challamel (mariejo.challamel@free.fr).


Les Fronts de Saône, 25 F, rue André Lassagne, 69300 Caluire et Cuire.
P. Franco.
Hôpital femme-mère-enfant, Explorations fonctionnelles pédiatriques : EEG, EMG, sommeil, Aile A1, 59, boulevard Pinel 69677 Bron cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Challamel M.-J., Franco P. Insomnies et troubles de l’installation du rythme jour/nuit du jeune enfant. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 8-0830, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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6 Traité de Médecine Akos

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