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Revue française d'histoire d'outre-

mer

La Notion de personne en Afrique noire. Actes du colloque


international du Centre national de la recherche scientifique, Paris
11-17 octobre 1971
Philippe Laburthe-Tolra

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Laburthe-Tolra Philippe. La Notion de personne en Afrique noire. Actes du colloque international du Centre national de la
recherche scientifique, Paris 11-17 octobre 1971. In: Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 64, n°237, 4e trimestre
1977. pp. 550-551;

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COMPTES RENDUS
dénominateur reste la marginalité ethnique paradoxalement institutionnalisée (je
m'étonne que les auteurs, qui font parfois allusion au monde antique, n'aient pas
songé au terme de « métèques » ; ils auraient également trouvé en latin et en grec
l'emploi métaphorique vis-à-vis des dépendants de cette terminologie de la parenté
et/ou de la minorité dont ils signalent l'existence et l'ambiguïté en Afrique;. Après
avoir renvoyé dos-à-dos les a priori idéologiques des libéraux et des socialistes
occidentaux (p. 54-55), S. Miers et I. Kopytofï soulignent que ce ne sont pas les
motivations économiques qui sont à la racine de cette formation sociale en Afrique,
et ils concluent que les facteurs endogènes suffisent à l'expliquer sans qu'il soit
nécessaire d'en attribuer l'origine à des influences externes (qui ont dû cependant
la modifier au cours du temps).
On peut regretter que les intéressantes monographies qui suivent ne donnent
pas une vue d'ensemble du continent africain : trop peu d'entre elles concernent
l'Afrique du Sud et de l'Est (ce sont celles sur les BaTswana du Botswana, les Sena
de Mozambique, les Kerebe de Tanzanie) ; les autres se rapportent à l'Afrique
et surtout occidentale : Imbangala du Nord de l'Angola, Bakongo, du Zaïre,
Duala du Cameroun, Igbo et Margi de Nigeria, Touareg, Peul, Damagaram du
Niger, Vaï, Sherbro et Mende de Sierra-Leone, Wolof et Sérer de Sénégambie.
Mais ce n'est pas l'exhaustivité géographique, c'est plutôt la diversité des approches
interdisciplinaires qui caractérise la richesse de l'ouvrage, où l'esclavage est cerné
tantôt sous l'angle de l'institution, tantôt sous celui de son utilisation, ou de son
évolution au cours du xixé siècle, ou encore de son rapport aux lignages, ou de sa
signification au sein d'un ensemble écologique. Ni les éléments de psychologie
sociale, ni les justifications idéologiques qui le rendaient acceptable ou tolérable
aux yeux des populations ne sont oubliés. L'unité de ces études réside sans doute
dans leur sens de la dynamique sociale et du changement historique, retracés ou
reconstitués avec la prudence et la rigueur (ou la relativité) qui s'imposent. On y
trouvera beaucoup d'hypothèses ou d'idées neuves, comme par exemple celle que
l'esclavage a été supprimé autoritairement chez les Duala au moment même où
il prenait un plein sens économique en fonction de la baisse de rentabilité des
Ces vues n'émergent que dans la mesure où un certain niveau d'objectivité
et de sang-froid est atteint à propos de ce délicat problème de l'esclavage, dont
l'évaluation sérieuse requérait, comme le dit Ralph Austen (p. 329) « a careful
and dispassionate compréhension ». On peut considérer que cette exigence est
ici atteinte d'une manière exemplaire.
Philippe Laburthe-Tolra.

La Notion de personne en Afrique noire. Actes du colloque international du Centre


national de la recherche scientifique, Paris 11-17 octobre 1971. — Paris, Éd. du
C.N.R.S., 1973. — 24 cm, 597 p., ill., pi. — 128 F 40.
Cette importante contribution à notre connaissance de l'Afrique nous offre
trente-deux études de haute qualité rassemblées à l'instigation de Mme Dieterlen,
et que M. Michel Cartry présente dans une introduction — synthèse
pénétrante. La plupart de ces textes sont des monographies traitant le
posé dans une ethnie déterminée, sous la signature de spécialistes célèbres
(P. Verger, M. Fortes, J. Middleton) qui ne sont plus désormais seulement des
mais aussi des fils du continent africain (tels MM. Abimbola, Nukunya, Cissé,
ou Mme Diarra). On peut seulement regretter que, des 23 groupes abordés, 17
l'Afrique de l'Ouest, et cinq seulement le reste de l'Afrique, ce déséquilibre
paraissant inévitable sous le signe de la « francophonie » et permettant par ailleurs
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Rev. franc, d'hist, d'Outre-Mer t. LXIV (1977), n° 237.
COMPTES RENDUS
d'intéressantes comparaisons entre des sociétés voisines de cultures très proches.
Certaines études sont d'ailleurs en elles-mêmes comparatives et dégagent des modèles
propres à un ensemble culturel homogène, comme celles de MM. Auge, L. de Heusch
et Smith. Trois autres (MM. R. Bastide, Hampaté Ba et L.-V. Thomas) tentent
de faire une présentation globale, valable pour toute l'Afrique, de la notion en
cause, mais cette vue synthétique est peut-être prématurée, comme l'indique avec
prudence M. Cartry (p. 30). Plus suggestives sont sans doute les approches
et psychiatriques ou psychanalytiques (J. Monfouga, Broustra, Martino et
Simon), avec 6 p. extrêmement profondes d'E. Ortigues, ou encore la mise en acte
de type sociodramatique présentée par Jean Rouch, et qui aboutit à l'implication
de la personne même de l'observateur dans le système observé.
Les références à l'histoire sont nulles ou exceptionnelles dans un travail de ce
type, exception faite de l'excellente contribution de Mme Lebeuf qui compare le
personnage du roi et les structures spatio-temporelles dans trois royaumes : Nupé,
Rwanda et Swazi, en les rapprochant des principautés kotoko dont elle retrace
le devenir historico-mythique. Cependant, ce colloque lui-même n'est-il pas un
moment de l'histoire de la pensée ? A ce titre, l'exécution magistrale et définitive
des théories si célèbres du P. Tempels par les mises au point de M. Luc de Heusch
mérite de fixer sur le présent ouvrage l'attention des futurs historiens des opinions
concernant l'Afrique.
Philippe Laburthe-Tolra.

Lebeuf (Jean-Paul et Annie) : Les Arts des Sao. Cameroun, Tchad, Nigeria. Pho-
togr. : Dominique Darbois. — Paris, Éd. du Chêne, 1977. — 29 cm, 206 p., cartes
ill. en noir et en coul. — 160 F.
Le nom de Sao n'était rattaché qu'à des légendes colportées par les Kanembu
et les Kotoko, lorsque, en 1936, M. Lebeuf mit à jour les premiers restes
de cette civilisation. Cette découverte fit l'objet de nombreux articles
et de quelques livres, notamment Les Sao légendaires de Marcel Griaule,
du Tchad et Archéologie du Tchad par les auteurs du présent livre. Ce livre,
par sa somptueuse illustration, peut espérer toucher un plus large public que les
précédents et contribuer à faire connaître une des civilisations les plus originales
du continent africain. Selon les datations établies par Mme et M. Lebeuf, les Sao
seraient apparus aux environs du lac Tchad vers le vie siècle avant notre ère.
installés au sud du lac Tchad, ils sont refoulés de ses rives septentrionales
par le Kanem. Définitivement vaincus au début du xvne siècle, ils seraient
les Kotoko actuels. Les analyses de matériel en provenance des sites dits sao
au moyen de la méthode du carbone 14 donnent des dates s'étageant du ve siècle
avant notre ère à la fin du xvme siècle. Il serait souhaitable de préciser la trame
chronologique de cette civilisation. Les sites sont nombreux, connus et attendent
les archéologues qui voudront bien les fouiller. L'étude de la civilisation sao est
indispensable pour une meilleure connaissance de l'histoire et de la civilisation
des peuples du bassin du Tchad. Espérons que ce beau livre suscitera des vocations.
Alfred Fierro-Domenech.

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Rev. franc, d'hist. d'Outre-Mer, t. LXIV (1977), n» 237.

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