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La dynamique concurrentielle

Le positionnement stratégique se fait par rapport à un marché sur lequel l’entreprise se


trouve confrontée à d'autres acteurs. Le terme précis qu'il conviendrait d'utiliser serait celui
d’espace concurrentiel ; un marché très précisément défini (segment de marché) où se
rencontrent des produits (ou des services) concurrents et où se développent des stratégies
d’investissement, de prix, de différenciation, etc.

En reprenant 1es analyses de M. Porter, on peut dire qu’il existe sur cet espace une
rivalité dynamique entre les producteurs; ceux-ci étant soumis par ailleurs : à la menace de
nouveaux arrivants (concurrence potentielle) ; à l'émergence possible de substituts ; au
pouvoir de négociation des acheteurs et au pouvoir de négociations de leurs fournisseurs.

Cette dynamique concurrentielle donne lieu à trois approches complémentaires


développées par l'économie industrielle : la théorie des barrières à l’entrée des marchés
contestables ; la dynamique des oligopoles ; la recherche du pouvoir de marché.

1. Barrières à l'entrée, à la sortie, marchés contestables

C'est à J.S. Bain (1956) que l'on doit la théorie des barrières à l’entrée. La
problématique de Bain est simple: si l'on considère un espace concurrentiel donné, il faut
analyser non seulement la concurrence réelle qui existe entre les offreurs, mais aussi la
concurrence potentielle qui pourrait être introduite par de nouveaux entrants. L'entrée, qui est
libre dans le modèle de concurrence pure et parfaite, peut-être ainsi, selon Bain, rendue
difficile, voire impossible, par l’existence de barrières à l’entrée dont la hauteur pourrait être
mesurée, en théorie, par un prix limite, i.e. le prix le plus élevé possible (pratiqué par les
insiders) qui déclenche le phénomène d’entrée. Dans la pratique, J. S. Bain distingue quatre
catégories de barrières :

- L’avantage absolu en matière de coût dont peuvent disposer un ou plusieurs insiders


par rapport aux entrants (technologie, savoir-faire, etc.).

- La différenciation des produits pratiquée par les insiders et qui rend souvent plus
difficile et plus couteuse l'entrée d'un nouveau producteur.

- Les économies d'échelle : lorsqu’elles sont .importantes, elles ont pour effet de
restreindre la structure de l'offre à un petit nombre, voile à une seule firme (monopole
naturel).

- Le montant des capitaux requis est parfois très élevé, restreignant ainsi le nombre de
candidats à l'entrée.

Aux quatre catégories de barrières introduites par Bain, on peut ajouter les barrières
institutionnelles ou réglementaires qui tiennent à l’organisation d'une profession, par elle-
même ou par l’Etat. Il est important de noter que les barrières à l'entrée peuvent résulter des

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conditions techniques de la production (technologie-économies d'échelle); elles sont alors
naturelles; dans d'autres cas elles résultent d'une stratégie délibérée de la part des insiders
qui, par la différenciation. La technologie ou d'autres moyens, cherchent à limiter ou à
interdire l'entrée. En général on peut dire que les barrières à l’entrée peuvent être
surmontées soit par une innovation majeure qui donnerait à l’outsider un avantage décisif,
soit par une entrée en force fondée sur la puissance financière.

La notion de barrières à l’entrée a été élargie aux barrières à la sortie et, plus
globalement, aux barrières à la mobilité (entrée ou sortie).

Les barrières à la sortie des obstacles qui rendent couteuse la sortie d'une industrie :
existence d'actifs spécialisés sans valeur marchande, contrats de travail à durée
indéterminée, contrats d'approvisionnement, etc. On utilise parfois le terme de coûts
d'irréversibilité pour désigner des coûts d'entrée (investissement) qui ne sont pas récupérables
en cas de sortie.

L'analyse de la mobilité et de ses limites a donné lieu à la formulation de la théorie des


marchés contestables (Baumol, Panzar et Willig, 1982). On dit qu’un marché est parfaitement
contestable s’il n’existe aucune barrière à l'entrée et la sortie. Cette condition peut permettre
des mouvements ultra rapides d'entrée et de sortie (hit and run). Notons que l'une des
hypothèses les plus discutables de cette théorie est la similitude des conditions de
production et de coûts entre les différents participants.

2. La dynamique des oligopoles

Dans son ouvrage Competition among the Fews, William Fellner (1949) écrivait que
tout oligopole est caractérisé par l'existence de deux tendances contradictoires: la tendance à
l'entente (coopération-collusion) et la tendance à la concurrence sauvage (cut throat
competition). En fonction d'un certain nombre de paramètres (qui varient dans le temps)
l’une ou l'autre de ces tendances l'emporte provisoirement ou durablement.

La modélisation des oligopoles a donné lieu à une très importante littérature et cette
question occupe encore aujourd'hui une grande partie des travaux de la nouvelle économie
industrielle.

Les modèles de base sont le modèles de duopoles développés par Cournot(1838),


Bertrand (1883), Edgewonh (1925), von Stackelberg (1934). L'introduction des plus
récents développements de la théorie des jeux permet d'enrichir considérablement ces
approches.

Les éléments majeurs des débats sont alors : Stratégies coopératives ou non
coopératives - possibilité ou impossibilité d’atteindre un équilibre (équilibre de Nash,
équilibre bayésien) - jeux statiques ou dynamiques - information des joueurs complète ou
incomplète, symétrique ou asymétrique.

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L'introduction de ces différents éléments donne lieu à une formalisation mathématique,
poussée mais on débouche, ici également, sur des problématiques de type institutionnel :
connaissance partagée par tous les joueurs (Common knowledge), réputation des joueurs et
confiance réciproque, économie de la négociation et contrats.

Il est intéressant de voir sur ce point que la théorie des jeux nous aide à mieux
comprendre les limites de l’indétermination, mais qu’elle ne parait pas en mesure, à elle
seule, de lever les indéterminations dès lors que sont introduits les problèmes d’information.
On retrouve en toile de fond les deux tendances contradictoires de W. Fellner.

3. Le pouvoir du marché

Une stratégie de recherche de rente passe par l'établissement d'un pouvoir de


marché. Il s'agit d’un concept ancien de l'économie industrielle que l'on peut définir comme
« la capacité d’une firme de modifier au fil du temps les conditions du marché à son
avantage » (Jacquemin, 1985). L'acquisition du pouvoir de marché permet de se dégager
des conditions de la concurrence ; ceci se traduit par l'établissement d'une rente de
monopole.

On distingue traditionnellement trois formes de pouvoir de marché : le pouvoir


horizontal, le pouvoir vertical et le pouvoir congloméral.

1. Le pouvoir horizontal dans une industrie de type oligopolistique peut se définir


comme 1a capacité des firmes en place de fixer des prix supérieurs à ce que seraient des prix
concurrentiels. Plusieurs moyens peuvent être employés pour arriver à ces fins : la collusion, la
domination, la discrimination.

- La collusion repose sur l'idée que si les offreurs réussissent à s'entendre, ils
obtiendront, collectivement et pour chacun, de meilleurs résultats. La tendance n°1 de Fellner
serait donc la plus efficace. Il existe toute une gradation des formes de collusion en fonction
de l'efficacité de l'entente et de son respect par tous les participants. La forme la plus dure
est le cartel, accord entre plusieurs entreprises se matérialisant par un texte. Nous avons
ensuite des formes dégradées : ententes, collusion tacite ou informelle, parallélisme des
comportements, etc. Ces différentes formes de collusion peuvent porter sur la répartition
des marchés (répartition géographique ou quotas), les prix (barème, mode de fixation), la
détermination de certaines pratiques communes qui peuvent avoir pour effet d'élever les
barrières à l'entrée.

L'efficacité de la collusion dépend en grande partie de la capacité des acteurs à


maintenir la discipline de l'accord et à sanctionner les tricheurs.

- la domination repose sur le pouvoir 'particulier détenu par l’un des offreurs,
pouvoir dû à sa puissance financière ou technologique, à sa part de marché. Une telle
firme est alors en mesure d'imposer au marché des règles de fonctionnement qui servent
en priorité ses intérêts.

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- La discrimination par 1es prix se définit comme la capacité pour une entreprise
de vendre un même produit" a des "prix différents. Les différences de prix n'ayant aucun
rapport, avec des différences éventuelles de coûts de production ou de vente. La théorie de'
la discrimination (Pigou; 1928) est fondée sur l'idée que chaque acheteur potentiel d'un
produit est prêt à payer un prix donné. Au lieu de faire payer à chacun le même prix. Le
vendeur va essayer de faire payer à chaque acheteur le prix maximum que celui-ci est
disposé à mettre. La discrimination totale (un prix par acheteur) est à peu près impossible à
mettre en œuvre et les producteurs recherchent davantage des pratiques de 2e ou 3e degré : il
s'agit de segmenter la clientèle en plusieurs groupes de prix différents (première classe,
classe affaire, touriste, tarifs spéciaux) ou encore de différencier un même produit en
plusieurs marques ou conditionnements différents de façon à pouvoir pratiquer plusieurs prix.

Nous avons la une autre conception de la différenciation du produit qui apparait


comme un moyen de discrimination.

2. Le pouvoir vertical résulte de l'avantage comparatif dont dispose une firme


verticalement intégrée par rapport à ses concurrents qui ne le sont pas. Cette proposition
n’est pas générale ; l'intégration verticale n'entraine pas automatiquement l'apparition d'un
avantage comparatif.

L'intérêt économique de l'intégration verticale dépend en réalité de plusieurs


facteurs : caractéristiques technologiques du processus de production (il serait absurde
de laisser refroidir des lingots d'acier avant de les transformer en tôle), efficacité des
marchés que l'on peut essayer d'appréhender en comparant les coûts de production et les
coûts de transaction externes et internes.

Dans le cas où l'intégration verticale confère un avantage comparatif, la firme


verticalement intégrée se trouve en concurrence avec des firmes non intégrées sur certains
marchés: biens finals ou biens intermédiaires. Elle peut alors mettre en œuvre une stratégie
de prix ou de production visant à gêner ses concurrents: discrimination, squeeze (prendre
l’avantage en parvenant à bénéficier d’une supériorité quelconque, presser, serrer) des prix,
restriction de l'offre externe. D'un autre côté, les firmes non intégrées qui sont soumises à ce
pouvoir peuvent dans certains cas le mettre en échec en brandissant la menace de s'intégrer
(en aval ou en amont selon les circonstances).

3. Le pouvoir congloméral : Un conglomérat est une entreprise dont l'extrême


diversification l'amène à fabriquer des produits entre lesquels n'existe aucun lien technique;
aucune économie d'échelle, aucune économie d'envergure.

Assez fréquente aux Etats-Unis dans les années 60, cette structure résultait de
l’application assez mécanique des modèles de gestion de portefeuille. Un certain pouvoir de
marché pouvait lui être associé : « une firme possède un pouvoir congloméral lorsque ses
opérations sont tellement diversifiées que sa survie ne dépend d’aucun marché particulier,
d’aucun produit particulier, d’aucune région particulière. Sa taille et sa diversification lui
permettent de discipliner ou de détruire des concurrents étroitement spécialisés » (Adams,
1965). Ce type de pratique rejoint les théories de la prédation qui discutent la logique et les

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limites, de ce type de comportement (Edwards, 1955 ; Scherer, 1980 ; Kreps et Wilson, 1982 ;
Milgrom et Roberts, 1982).

La croissance externe (fusion-acquisition) s’oppose à la croissance interne (construction


de nouvelles installations). dans le premier cas la capacité de production demeure inchangée
mais l'acquisition qui peut être horizontale, verticale ou conglomérale peut avoir pour effet
d'augmenter le pouvoir de marché de l’acquéreur. La croissance externe tend ainsi à devenir
un mode d’obtention du pouvoir de marché. Dans le second cas la capacité de production est
accrue.

Le développement rapide des mouvements de fusions et acquisitions parait entrainer une


accélération de la concentration et du pouvoir de marché au niveau international.

Par ailleurs, la croissance de cet important marché du « capital d’occasion » conduit à


une remise en cause de la thèse du contrôle managérial. Une firme dans une telle position se
trouve en effet très fragilisée par rapport aux convoitises des acheteurs potentiels ; les
entreprises cherchent ainsi à se protéger par la constitution d’un noyau dur d’actionnaires de
contrôle. La propriété reprend ses droits ; la théorie des droits de propriété revient à la mode
(Demsetz et Lehn, 1985).

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