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traité

sur la
tolérance
Voltaire
corrigés

1
Je
Découvre
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LEs
J’analyse
98
réponses
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prolonge-
ments
page

24

2
Je
Découvre

Voltaire raconté par Frédéric II 4

Retour dans le passé : le lecteur


contemporain du Traité sur la tolérance 5

Les mots ont une histoire 5

Dernières observations avant l’analyse 7

3
Voltaire raconté par Frédéric II (p. 164-165)

Le vrai/faux

1. Voltaire était extrêmement célèbre de son vivant. VRAI.


2. Voltaire s’opposait aux encyclopédistes. FAUX.
3. Voltaire résidait à Paris au moment de l’affaire Calas. FAUX.

Retour dans le passé :


le lecteur contemporain
du Traité sur la tolérance (p. 166-167)

Le vrai/faux

1. Le Traité sur la tolérance a été interdit par l’Église. VRAI.


2. Voltaire a publié le Traité sur la tolérance sous son propre nom. FAUX.
3. Au moment où Voltaire écrit, toute l’Europe est catholique. FAUX.

4
Les mots ont une histoire (p. 178-180)
EXERCICES
1.
préfixe identifié radical identifié suffixe identifié définition du mot
et son sens et son sens et son sens

athéisme a– = absence théo = Dieu -isme = suffixe qui ne reconnaît


permettant de créer aucun dieu
une idéologie, une
théorie à partir d’un
nom

calvinisme Calvin = Jean -isme : suffixe doctrine théologique


Calvin, théologien permettant de créer protestante due à
et réformateur une idéologie, une Jean Calvin
protestant théorie à partir d’un
nom

astrologie astro = étoiles, corps logie = parole, science cherchant à


célestes discours (issu du prévoir l’avenir par
grec « logos ») l’examen des astres

théologie théo = Dieu logie = parole, science des questions


discours religieuses

amnésique a– = absence mnemos = la -ique = suffixe qui a perdu la


mémoire adjectival de mémoire
propriété

2. a.
Verbe Nom

tolérer tolérance

admettre admission

convertir conversion

(se) comporter comportement

persécuter persécution

s’acharner acharnement

naître naissance

croire croyance

b. Voyons maintenant si Jésus-Christ est à l’origine de l’établissement de lois sanguinaires, de la construc-


tion des cachots de l’Inquisition, de l’institution des bourreaux des autodafés.

3. a. – Désastre, catastrophe, ruine, calamité, fléau : champ lexical de la destruction, du malheur ;


– dieux, prières, temples, miracles, saints : champ lexical de la religion ;
– égorger, éventrer, assassiner, brûler, pendre : champ lexical de la violence, du supplice ;
– étonnant, inouï, étrange, bizarre, extraordinaire : champ lexical de la surprise.

5
b.
Mots du texte Champ lexical

Fables, légendes, fadaises, contes, histoires… La fiction

Mensonge, fausse/faux, fraudes, fourbe, imposture… La fausseté

Relation, paroles, actes, dire, écrits… Le témoignage

4.
· Je ferais égorger, éventrer, poignarder dans leurs lits tous les pères et mères, parce que si on les tuait dans
les rues, cela pourrait causer un peu d’agitation.
· C’est une détestable hérésie de vouloir tirer par la violence, ceux qu’on n’a pu convaincre par les arguments,
les démonstrations et la réflexion.

5.
Connotation positive Connotation Termes les développant
négative

Tolérance X Bienveillance, empathie…

Barbares X Violence, crimes, sang…

Mœurs douces X Gentillesse, raffinement…

Sang X Massacre, horreurs…

Maîtres X Maîtrise, connaissance…

Erreurs X Fausseté, ignorance…

Honorés X Grandeur, reconnaissance…

Abrutir X Bêtise, manipulation, ignorance…

Instruits X Culture, éducation…

6
Dernières observations avant l’analyse (p. 181-183)

1. Du plaidoyer à la prière universelle

1. Le titre du premier chapitre s’apparente clairement à un texte de circonstances : le cadre est clairement
délimité et nous sommes dans le cas particulier de Calas. Au contraire, le dernier titre est très géné-
ral, aucun sujet de prière n’est mentionné et l’absence d’article renforce l’impression d’élargissement à
l’universel.
2. Voltaire cède la parole à la nature, on parle d’une prosopopée. Cela permet d’unir, à la tout fin de l’œuvre,
les intérêts particuliers de la famille Calas et les intérêts du genre humain, et de la nature.

2. Une fresque historique et géographique

1. Voltaire évoque, par exemple, la Grèce (antique), l’Empire romain, les Hébreux, la Chine, le Japon, mais
aussi l’Angleterre, l’Allemagne, la Hollande et même les États-Unis.
2. Voltaire mentionne le xviiie siècle (avec la mort de Calas en 1762), le xvie siècle (avec la Réforme et les
guerres de religion) ainsi que l’Antiquité grecque et romaine, mais également l’histoire des Hébreux
depuis ses origines (en évoquant Abraham, qui aurait existé aux alentours de 1760 avant notre ère), ou
encore les premiers siècles après J.-C., avec les débuts du christianisme. Il essaie d’embrasser le plus
d’époques possible, afin de convaincre le lecteur de l’universalité de la tolérance.

3. Un texte savant

1. Voltaire se contente de citer la Bible sans la nommer : il s’adresse à un public chrétien dont il suppose qu’il
connaît les Évangiles. Il s’agit ici d’un extrait de la Bible ayant donné lieu à des interprétations divergentes
entre le concile de Nicée et le concile de Constantinople et donc d’un passage incontournable pour toute
personne ayant étudié les Saintes Écritures : Voltaire se place ici dans un débat de spécialiste et se met
à égalité avec ceux qu’il attaque.
2. L’insertion des citations latines sans traduction ni source exacte contribue à l’aspect savant du texte.
Évidemment, les lecteurs de Voltaire lisent aisément le latin, essentiel dans la formation intellectuelle
au xviiie siècle, mais l’auteur souligne ainsi qu’il maîtrise son sujet et se nourrit de son immense culture
classique : il signale, par le latin, qu’il est ici dans la citation.
3. Le chapitre 3 comprend de nombreuses allusions historiques. On peut relever, par exemple, la référence
au massacre de protestants vaudois dans le Lubéron à Mérindol et Cabrières en 1545, le massacre de la
Saint-Barthélémy en 1572 ou encore à deux régicides : l’assassinat du roi Henri III en 1589 par le moine
Jacques Clément puis l’assassinat du roi Henri IV par Ravaillac, fanatique catholique, en 1610. Tous ces
événements ont en commun d’être directement liés aux tensions religieuses extrêmement vives d’un
xvie siècle marqué par la Réforme puis les guerres de religion.

4. Un pêle-mêle littéraire

1. Le titre des chapitres 4, 6, 7, 8, 12, 14 et 20 commence systématiquement par « si » : il s’agit systématique-
ment pour Voltaire d’interroger une affirmation. En quelque sorte, tous ces chapitres sont autant de
questions auxquelles l’auteur répond. Les chapitres initiés par « de » envisagent, quant à eux, des thèmes
sans venir infirmer ou vérifier une affirmation préalable implicite.

7
2. Les récits sont assez nombreux, en particulier à la fin de l’œuvre. On exclura, bien sûr, les paraboles
bibliques étudiées par Voltaire pour conserver les récits qu’il forge (ou reprend à d’autres philosophes).
On peut penser à la parabole des fourmis et à l’apologue des langues en Italie au chapitre 21, au récit de
la « dispute de controverse à la Chine » qui occupe tout le chapitre 19 ou même au « dialogue entre un
mourant et un homme qui se porte bien » du chapitre 16 qui fonctionnent comme de véritables fables
insérées dans le Traité.
3. Voltaire écrit : « Il est donc très vraisemblable que la lettre au P. Le Tellier a été réellement écrite. » Le
terme « vraisemblable » souligne la cohérence, la crédibilité du contenu de la lettre mais aucunement
son authenticité.

8
J’analyse

Cherchez l’intrus 10

verbe Au cœur de la phrase 11

La construction du texte 12

L’argumentation dans le Traité sur la


tolérance : la variété des ressources 14

Les intentions des auteurs :


« J’écris pour agir » 15

Quelle vision de la société dans le


Traité sur la tolérance ? 17

Résumons ! 18

es
Exercic Exercices 19

Jeu de lettres : les mots du Traité 23

9
Cherchez l’intrus (p. 186-187)

1. Le sieur David, capitoul de Toulouse.


2. Mourir par pendaison.
3. La Russie.
4. Attila.
5. Adam.
6. L’édit de tolérance.
7. Elle est le fruit de l’intolérance religieuse des Romains.
8. Louis XIII.
9. La traduction de la Bible.
10. Le Portugal.

10
Au cœur de la phrase (p. 188-190)

1. Les pronoms personnels « nous », 


« vous » et « on »

1. « On » peut d’abord être l’équivalent de « je » (« on » de modestie en quelque sorte). Dans le deuxième
extrait, « on » peut désigner « les juges » mentionnés dans le paragraphe précédent, ou bien un bour-
reau quelconque qui ne serait pas connu de l’auteur. Enfin, dans la dernière phrase, « on » peut désigner
le tribunal, mais désigne certainement un groupe plus large : peut-être le public réuni au tribunal, la
population de Paris ou encore « tout le monde ». Voltaire élargit progressivement le sens du pronom qui
montre en quelque sorte la progression de la culpabilité mais aussi le fait qu’il élargit progressivement
l’affaire Calas à l’universel : tout le monde devient ainsi le témoin de l’injustice.
2. « Nous » vient ici sans doute remplacer « je », présent au début du chapitre : Voltaire se met en retrait,
sans doute parce qu’il invite directement à l’action et que, par sa prétérition, il formule déjà un reproche.
Éventuellement, « nous » pourrait aussi désigner une communauté formée par Voltaire et le lecteur déjà
convaincu par le propos.
3. Le « vous » final est clairement adressé au lecteur et peut choquer par sa brutalité : le lecteur est congé-
dié. Néanmoins, « vous » désigne peut-être plus spécifiquement les « spectateurs d’un dieu cruel » : c’est
donc un « vous » qui exclut certains lecteurs. Mais à la page suivante, Voltaire mentionne « les hommes » :
« vous » peut aussi désigner « tous les hommes à l’exception de moi ».

2. Les types de phrase : 


exclamation et interrogation

1. On peut relever quatre interrogations directes totales. Nous sommes là face à des questions rhétoriques
qui ont pour fonction de convaincre le lecteur : les réponses évidentes aux questions montrent que la
démonstration de Voltaire ne fait aucun doute.
2. L’exclamation permet de dire la révolte, le choc que peut provoquer une telle accusation. La gradation
qui précède renforce, d’ailleurs, cet effet.
3. Il s’agit d’une phrase impérative, ou injonctive. Il s’agit moins d’un ordre que d’une incitation ou d’un
encouragement. Après avoir longuement examiné la question, Voltaire invite donc à passer à l’action et
à en finir avec « l’esprit meurtrier ». Il rappelle ainsi que le choix est possible et qu’il suffit de le faire.

3. L’expression de la condition avec « si »

1. La phrase comporte quatre conditions qui aboutissent toutes à la même conséquence. On peut noter
deux éléments dans l’expression de la conséquence. D’une part, le lien logique de cause à conséquence
n’est pas apparent (suppression du « alors »). D’autre part, la conséquence n’est pas une affirmation qui
découlerait logiquement des conditions.
2. Voltaire exprime ici l’irréel du passé ou l’irréalisable, mais la formulation est complexe à cause de la forme
interrogative de la phrase : il faut comprendre : « Si les Romains […], ALORS ils n’auraient pas laissé en
paix tous les premiers évêques ». Voltaire oblige donc son lecteur à consentir par la question, cela souligne
l’incohérence logique du raisonnement qu’il attaque.
3. Voltaire exprime ici l’irréel (du présent) et inverse la condition et la conséquence.
4. Le système conditionnel semble dépasser largement le cadre de la phrase : « ils m’arrêteraient alors » peut
tout à fait être la conséquence de « si je leur parlais à peu près ainsi ».

11
La construction du texte (p. 191-193)

1. Une chronique de l’affaire Calas 


(chapitres 1, 2, puis 25)

1. Le sieur David est David de Beaudrigues, « capitoul de Toulouse ». En tant que capitoul, il sera présent
sur place le soir de la découverte du corps : il est à la tête d’une instruction qui est, selon Voltaire, menée
entièrement à charge. M. de Beaumont, lui, fait partie des avocats qui tentent de prendre la défense de
Jean Calas. Il rédige un mémoire dont Voltaire dira dans sa correspondance qu’il l’a ému aux larmes. Il
contribue grandement, aux côté de Voltaire, à la réhabilitation de Jean Calas et à la reconnaissance de
l’innocence de la famille.
2. Ces chapitres sont principalement rédigés au passé simple qui est un temps de récit : Voltaire raconte
les étapes les unes à la suite des autres, comme le permet le passé simple.
3. Voltaire parle du « meurtre de Calas » : le terme désigne un crime et est le premier mot du Traité. Voltaire
inverse dès le lancement la culpabilité : Calas n’est pas, aux yeux de Voltaire, l’assassin, mais la victime
d’un pouvoir abusif assassin.

2. Voltaire historien
La tolérance dans l’Histoire 
(chapitres 3 à 9)

1. Voltaire cite la Hollande, l’Angleterre et l’Irlande.


2. Voltaire s’appuie sur la mort de Socrate pour prouver la tolérance des Grecs alors même que le philosophe
a été condamné pour avoir répandu des idées jugées immorales.

3. Voltaire exégète
La tolérance dans la Bible 
(chapitres 10 à 14)

1. Le chapitre s’ouvre par une définition (empreinte d’une fausse modalisation de Voltaire « je crois » alors
qu’il énonce une évidence) du droit divin (« les préceptes que Dieu a donnés lui-même ») et s’achève par
« L’Écriture nous apprend que non seulement Dieu tolérait tous les peuples mais qu’il en avait un soin
paternel : et nous osons être intolérants ! ». Ce bouclage souligne la contradiction entre l’intolérance
humaine et la volonté divine qui doit seule présider. L’intolérant est donc coupable d’impiété dès lors
qu’il prétend fonder sur le droit divin une conduite contraire aux Écritures.
2. Voltaire cite, par exemple, la parabole du figuier et celle du père de famille. Il en propose ensuite une
interprétation qui se conclut toujours par une question du type « quel rapport, dites-moi, avec la
persécution ? »

4. Formes libres :
Exemples de tolérance et d’intolérance 
(chapitre 15 à 19)

1. Voltaire convoque d’abord le centon, ou tout simplement la compilation, qui n’est pas un genre propre-
ment argumentatif. Il exploite ensuite le genre du dialogue philosophique, puis celui de la lettre qui,

12
bien que parodique est un genre argumentatif, compose un bref essai ou un article, et achève enfin par
un apologue.
2. Les cinq propositions évoquées font référence à l’Augustinus de Jansénius (fondateur du Jansénisme) ; le
jésuite de la lettre envisage la question du jansénisme ; enfin, les jansénistes sont encore évoqués dans
les exemples de justifications de l’intolérance. À chaque fois, les jésuites apparaissent aussi. Cela fait
écho aux persécutions des jansénistes au début du xviiie siècle et aux querelles toujours vives jusque
dans les années 1750.

5. Vers une tolérance universelle 


(chapitres 20 à 24)

1. Voltaire évoque « le genre humain » comme au deuxième chapitre.


2. L’expression : « De la Californie jusqu’à Siam » montre la dimension universelle de la prière : Voltaire
embrasse ici le monde entier d’ouest en est.

13
L’argumentation dans le Traité sur la tolérance :
la variété des ressources (p. 194-196)

1. L’argumentation directe

1. La phrase : « Le droit de l’intolérance est donc absurde et barbare » exprime la thèse de Voltaire. La thèse
est ici classiquement exprimée au présent de vérité générale.
2. Voltaire affirme que le temps n’est plus à l’intolérance : selon lui, les persécutions religieuses qui nuisent
à l’État ont lassé les populations. Il s’appuie sur deux métaphores : la métaphore filée de la maladie (la
controverse nuit à la santé de l’État, assez classiquement présenté comme un corps), et la métaphore
biblique du fils prodigue.

2. Une argumentation appuyée sur les exemples

La profusion d’exemples est telle que les réponses sont très variées. Citons parmi les exemples récurrents ou
particulièrement développés le massacre de la Saint-Barthélémy, les régicides d’Henri III et d’Henri IV, les
guerres de religion du xvie siècle. Pour les exemples bibliques, ils sont essentiellement empruntés à l’Ancien
Testament (le Nouveau Testament est plutôt le support d’une exégèse qu’un recueil d’exemples, mais l’ana-
lyse des paraboles pourrait fournir une réponse satisfaisante puisqu’elles sont, dans une certaine mesure,
traitées comme des exemples). On peut citer l’épisode du Veau d’Or, mais on peut noter que, plus largement,
toute la réflexion sur la tolérance chez les Juifs s’appuie sur la Bible.

3. L’influence du discours judiciaire

1. « Peut-être un tableau raccourci et fidèle de tant de calamités ouvrira les yeux de quelques personnes
peu instruites, et touchera des cœurs bien faits. »
2. Voltaire évoque l’ouvrage de l’abbé de Malvaux qui vient en fait résumer les formes de l’intolérance dans
la société du xviiie siècle tandis que le début du chapitre 25 reprend les éléments de l’affaire Calas.

4. Les ressources de l’argumentation indirecte

1. On peut relever l’utilisation du passé simple, temps du récit, ou encore la mise en place du cadre spatio-
temporel. Plus largement, on peut identifier les différentes étapes d’un récit.
2. On peut relever en particulier les déterminants indéfinis qui insistent sur l’idée que le citoyen peut être
« n’importe quel » citoyen. On peut aussi relever les termes très génériques : « un citoyen », « une ville de
province », « un homme en bonne santé ».

14
Les intentions de l’auteur :
« J’écris pour agir » (p. 197-199)

1. Un lecteur pris à témoin

1. Ces adresses sont extrêmement nombreuses, on peut relever à titre d’exemple les fréquents impératifs de
deuxième personne du type « Remarquez que » (chapitre 9) ou « Observez encore » (chapitre 1) mais aussi
les impératifs de la première personne du pluriel qui impliquent l’auditoire et l’orateur dans une même
communauté. On peut encore relever les apostrophes du chapitre 24 : « Ô vous arbitres des nations » et 22 :
« Ô sectateurs d’un Dieu clément » relayée par l’adresse explicite « ce n’est plus à vous que je m’adresse ».
Les nombreuses interrogations rhétoriques pourraient tout à fait entrer ici puisqu’elles supposent un
lecteur ou un public.
2. « Mais quoi ! sera-t-il permis […] ? Il le faut bien » : l’exclamation et la première phrase formulent la réaction
supposée du public tandis que la seconde phrase est la réponse à la question. Voltaire fait lui-même les
« deux voix » d’un dialogue fictif. Le début du deuxième paragraphe suit cette même logique. On le voit
à l’expression : « vous répondez que ». Dans « non, assurément, monsieur le cardinal », Voltaire va même
jusqu’à identifier son destinataire.
3. Voltaire parle de l’« éloquence ». On peut s’étonner qu’il nie la nécessité de l’éloquence pour son sujet,
mais c’est bien sûr ironique. Voltaire déploie toutes ses capacités d’éloquence pour persuader son lecteur,
mais il souligne en même temps l’évidence de sa cause.

2. La polyphonie au service de l’argumentation

1. Voltaire cite les principaux théologiens de l’Église catholique et, en particulier, plusieurs Pères de l’Église.
Ce choix ne peut que renforcer son discours. Il s’attaque ici au sujet délicat des martyrs chrétiens : en
cédant la parole aux autorités morales de l’Église, il rend son discours intouchable. Il écrit justement au
sujet d’Eusèbe de Césarée que « son témoignage ne peut être récusé ».
2. Le chapitre 15 repose sur la juxtaposition de 21 citations empruntées à des auteurs de diverses époques
et de divers courants.
3. Le chapitre 28 repose sur un dialogue tout aussi parodique. On pourrait aussi relever des amorces de
dialogue, par exemple à la fin du chapitre 10.

3. « Un tableau raccourci et fidèle de tant de calamités »

1. Le tableau est éminemment pathétique : la construction de la phrase démultiplie les malheurs qui l’ac-
cablent avec une succession de segments courts qui sont autant de coups portés (chaque virgule cor-
respond à un nouveau malheur). La multiplication des participes passés souligne son statut de victime
passive : « arrosée », « privée », « dépouillée ». La précision : « presque arrosée du sang de son mari » confine à
l’hyperbole tout en ajoutant une dimension visuelle horrifique. La gradation : « elle ne pouvait se soutenir,
elle s’éteignait » souligne aussi un malheur hyperbolique souligné par l’expression elle-même hyperbo-
lique qu’est : « mourante dans l’excès de son malheur ».
2. « L’Irlande peuplée et enrichie ne verra plus ses citoyens catholiques sacrifier à Dieu pendant deux mois
ses citoyens protestants, les enterrer vivants, suspendre les mères à des gibets, attacher les filles au cou
de leurs mères, et les voir expirer ensemble ; ouvrir le ventre des femmes enceintes, en tirer les enfants à
demi formés, et les donner à manger aux porcs et aux chiens ; mettre un poignard dans la main de leurs
prisonniers garrottés, et conduire leurs bras dans le sein de leurs femmes, de leurs pères, de leurs mères,

15
de leurs filles, s’imaginant en faire mutuellement des parricides, et les damner tous en les exterminant
tous. » Cette phrase repose sur un très fort effet d’accumulation.
3. Les nombres mentionnés sont : « cent autres seigneurs ; « cinq cent mille francs par an » ; « vingt-cinq
millions » ; « deux cent cinquante millions d’aujourd’hui » ; « ils demandèrent l’exécution de dix-neuf per-
sonnes » ; « ils en firent égorger six mille » ; « ils réduisirent trente bourgs en cendres » ; « le supplice de
mille hérétiques ». Cette accumulation de nombres produit un sentiment d’excès, notamment lorsqu’ils
apparaissent dans une gradation. Le sentiment de surenchère dit l’étendue des crimes.

4. L’ironie et la parodie contre l’intolérance

1. La numérotation des paragraphes souligne le caractère officiel, de même que l’exhibition des liens
logiques (« non seulement… mais », « par conséquent », « attendu que », etc.) vient souligner l’extrême
structuration du discours. Mais l’exagération très visible dans les chiffres donnés tend vers la parodie. Il
en est de même pour le balancement entre « l’édification publique » et la « beauté du spectacle ». D’autres
éléments fortement ironiques, tels que l’euphémisme : « ces petites difficultés » soulignent la dimension
parodique. Le néologisme « antilemme » est quant à lui parodique de la langue des théologiens.
2. La modestie de l’auteur portée par les modalisations (« ce que j’ignore », « il me semble »), associée au
terme religieux « prophète » porte une forte charge ironique. De même, l’antithèse, soulignée par le polyp-
tote : « se sont soulevés / se soulèveront », qui rend la phrase suivante illogique, renforce l’ironie.
3. Voltaire parodie la langue des controverses théologiques en employant des termes très spécialisés,
en grec (« omousion », « hypostase », « logos »), qu’il présente comme incompréhensibles. De même, le
caractère absurde de la phrase : « nous allons commencer par vous égorger », après la menace du bûcher,
dénonce de manière parodique la violence des décisions nées de l’intolérance religieuse ; elles sont
absurdes par leur violence et leur manque de fondement.

16
Quelle vision de la société
dans le Traité sur la tolérance ? (p. 200-202)

1. L’absurdité de « l’infâme »

1. On peut citer les miracles des saints reposant sur une prédisposition contenue dans leur nom (comme
la guérison d’une maladie des articulations par saint Genou ou d’une maladie des yeux par sainte Claire)
ou le culte des reliques évoqué avec la relique du « saint nombril ».
2. Voltaire retourne la réflexion sur les martyrs contre l’ensemble des chrétiens : « Je le dis avec horreur,
mais avec vérité : c’est nous, chrétiens, c’est nous qui avons été persécuteurs, bourreaux, assassins ! Et de
qui ? de nos frères. C’est nous qui avons détruit cent villes, le crucifix ou la Bible à la main, et qui n’avons
cessé de répandre le sang et d’allumer des bûchers, depuis le règne de Constantin jusqu’aux fureurs des
cannibales qui habitaient les Cévennes. »
3. « Tous ces faux miracles par lesquels vous ébranlez la foi qu’on doit aux véritables, toutes ces légendes
absurdes que vous ajoutez aux vérités de l’Évangile, éteignent la religion dans les cœurs ». Cette phrase
montre bien l’opposition de Voltaire aux croyances fantaisistes.

2. Un siècle de raison : Voltaire, philosophe des Lumières

1. La multiplication des exclamations souligne le « choc » de l’auteur, la reprise du présentatif montre bien
l’émotion, tandis que la gradation souligne la force de la raison. Voltaire associe bien son époque à un
âge de diffusion de la raison. Mais on voit plus loin dans le chapitre qu’il existe, selon lui, un fossé entre
Paris et la province : si la raison l’emporte à Paris, ce n’est pas toujours le cas en province.
2. Voltaire mentionne les théories de la physique de Newton, l’inoculation ainsi que les avancées méca-
niques dans le domaine agronome. Ces trois domaines de connaissance, chers aux Lumières (et en par-
ticulier à Voltaire qui revient régulièrement sur ces points), figurent en bonne place dans l’Encyclopédie et
ont suscité d’importants débats : ils sont représentatifs du bien que le progrès de l’esprit humain peut
apporter aux hommes.
3. « Si les maîtres d’erreurs, je dis les grands maîtres, si longtemps payés et honorés pour abrutir l’espèce
humaine, ordonnaient aujourd’hui de croire que le grain doit pourrir pour germer ; que la terre est immo-
bile sur ses fondements, qu’elle ne tourne point autour du soleil ; que les marées ne sont pas un effet
naturel de la gravitation, que l’arc-en-ciel n’est pas formé par la réfraction et la réflexion des rayons de
la lumière, etc., et s’ils se fondaient sur des passages mal entendus de la Sainte Écriture pour appuyer
leurs ordonnances, comment seraient-ils regardés par tous les hommes instruits ? »

17
Résumons ! (p. 203)
Convaincu de l’innocence de Jean Calas, le philosophe décide de prendre fait et cause pour lui. Il ne s’agit
pas de sauver Calas, déjà condamné, mais d’obtenir un acquittement et des réparations pour sa famille et,
surtout, de dénoncer, par tous les moyens possibles le scandale de l’intolérance religieuse. Le Traité sur la
tolérance s’ouvre et s’achève sur un compte rendu de l’affaire et du procès, mais c’est surtout une réflexion
universelle que nous propose l’auteur. Après un retour sur les années sombres des guerres de religion qui
ont déchiré la France au xvie siècle, Voltaire fait une plongée dans les civilisations antiques. Il s’agit pour
lui de montrer que, face aux calamités engendrées par le fanatisme, les Grecs et les Romains ont fourni des
modèles de tolérance, n’en déplaise aux historiens qui évoquent le martyre des premiers chrétiens. Le Traité
s’oriente ensuite vers une analyse biblique approfondie : tandis que les juifs, pourtant si barbares aux yeux
de Voltaire, ont eux-mêmes su faire preuve de tolérance, le corpus biblique n’invite nulle part à la violence si
on en fait une lecture raisonnable. Or là est bien tout le problème : la superstition empêche le secours de la
raison et le christianisme l’exploite. Sous les airs d’une exégèse savante, le texte fournit en fait une attaque
virulente contre le christianisme, qui culmine dans les quelques chapitres plus fantaisistes. La lettre d’un
jésuite, bien que parodique, souligne la corruption et le fanatisme d’un ordre religieux qui ne tardera pas
à être interdit. La « relation d’une dispute de controverse » fait apparaître, elle, l’absurdité des désaccords
entre les différents courants chrétiens. Face à la violence et aux incohérences, Voltaire en appelle donc à
une tolérance universelle dans sa « prière à Dieu » avant que sa voix ne soit relayée par celle de la nature.

18
Exercices (p. 204-208)
QUESTIONNEMENT AU FIL DU TEXTE :
LA CHRONIQUE DE L’AFFAIRE CALAS
(chapitres 1, 25 et « Article nouvellement ajouté »)

1. L’affaire Calas se déroule essentiellement à Toulouse, où réside la famille Calas et où ils sont jugés. Le
second procès, en revanche, aura lieu à Paris.
2.
Rôle Statut

Jean Calas Condamné à mort après avoir Père


subi la roue

Mme Calas Témoin, accusée de complicité Mère

Les filles Calas Absentes au moment de la mort Filles de l’accusé et sœurs de


Marc-Antoine

Pierre Calas Témoin, accusé de complicité Fils de Jean, frère de


Marc-Antoine

Gaubert Lavaysse Témoin, accusé de complicité Ami de la famille

La servante catholique Témoin Nourrice des enfants Calas,


résidant chez les Calas

3. Voltaire évoque les « pénitents blancs ». Il les présente comme affublés d’un « long capuce, avec un masque
de drap percé de deux trous ».
4. Voltaire insiste sur les commémorations festives du massacre de 1562 et sur les superstitions immédia-
tement attachées au « nouveau saint », Marc-Antoine Calas. Les verbes tels qu’« on imagina » sont éga-
lement importants. On peut relever la phrase essentielle : « en province, le fanatisme l’emporte presque
toujours sur la raison ».
5. Il insiste sur la rumeur : « Quelque fanatique de la populace s’écria […]. Ce cri, répété, fut unanime en un
moment […] toute la ville fut persuadée que c’est un point de religion chez les protestants… » Le passé
simple souligne ici la rapidité avec laquelle se répand la rumeur. Il mentionne par ailleurs les « esprits
émus » qui montrent bien le fort impact sur la population. De la même manière, il insiste sur la compas-
sion de la population parisienne

LECTURE À LA LOUPE :
Le plaidoyer de Voltaire (chapitre 1 de « Il semble que,
quand il s’agit d’un parricide » à « le conjura de pardonner à ses juges »)
1. Voltaire emploie tour à tour les expressions « père » (ou « père de famille », trois occurrences) et « vieillard »
(trois occurrences). Ces expressions insistent sur la faiblesse de Calas et sur son statut paternel : cela vise
à produire un effet fortement pathétique.
2. Le deuxième paragraphe repose sur des effets d’anaphore très visibles, en particulier avec le mot « com-
ment ». L’effet oratoire est visible et met l’accent sur l’incohérence du procès en interrogeant la possibilité
même du crime.
3. On peut dénombrer cinq questions (éventuellement une sixième à la fin du second paragraphe malgré
l’omission du point d’interrogation) qui semblent adressées au lecteur : Voltaire l’implique ainsi dans le
texte. Néanmoins plusieurs de ces questions sont purement rhétoriques. Il souligne ainsi l’évidence des
critiques formulées.

19
4. L’anaphore « Il était évident » souligne le caractère incontestable de l’innocence de Calas mais la rupture
marquée par le point-virgule et soulignée par le « cependant » marque l’absence de logique. Par ailleurs,
on peut ici reconstituer un raisonnement par syllogisme : le père seul ne peut pas avoir tué son fils sans
avoir quitté les autres, or ils ne se sont pas quittés et ne sont pas tous coupables, donc ils sont tous
innocents ou tous coupables. La dernière proposition vient donc invalider la logique. Pourtant, seul le
père est condamné.
5. Voltaire passe progressivement du doute (l’affirmation est modalisée) à l’assertion pleine : sa révolte
grandit à mesure qu’il s’approche du verdict.
6. Les connecteurs logiques sont : « parce que », « mais », « car », « cependant ». Voltaire construit rigoureu-
sement son argumentation en amenant d’abord son idée générale puis les arguments et les contre-ar-
guments avant d’en venir aux conséquences.
7. On peut relever les articles indéfinis « un citoyen » et « un cas pareil ». L’utilisation du pronom « on » et de
la première personne du pluriel confèrent aussi une portée générale au propos (« nos lois »), de même
que le complément « tous les jours ». Calas apparaît comme l’illustration d’un problème plus large.

QUESTIONNEMENT AU FIL DU TEXTE :


VOLTAIRE HISTORIEN (CHAPITRES 3 À 9)

1.
Lieux évoqués Époque Thème

Chapitre 3 Europe : Italie et France Fin du xve – Guerres de religion


principalement début du xviie siècle

Chapitre 4 Allemagne, Angleterre, Vague : Bienfaits de la


Hollande, France, xvie – xviie siècle tolérance où elle
Irlande, puis « Inde, existe
Perse, Tartarie », puis
Chine, Japon, puis
Pennsylvanie

Chapitre 5 Allemagne et Plutôt contemporaine Traités en faveur de


Angleterre, en la tolérance, opposés
opposition avec la à la querelle de la
France bulle Unigenitus

Chapitre 6 Portugal, Espagne, Contemporaine Contestation du


Goa : terres droit « divin » de
d’inquisition l’intolérance

Chapitre 7 Grèce antique Antiquité Tolérance des Grecs


en matière de
religion

Chapitre 8 Empire romain Antiquité Tolérance des


romains

Chapitre 9 Empire romain Ier siècle Le martyre des


premiers chrétiens
n’est pas imputable à
l’intolérance

2. Voltaire écrit « qu’on verrait de nouvelles batailles de Jarnac, de Moncontour, de Coutras, de Dreux, de
Saint-Denis, etc. » : il fait ici allusion à de grandes batailles des guerres de religion qu’il se contente de

20
nommer. Le « etc. » final exhibe la dimension allusive : il s’agit moins de faire une histoire complète que
de rappeler l’accumulation des batailles.
3. Les opposants à la tolérance évoquent le fanatisme passé des protestants ainsi que le risque de ven-
geance. Voltaire répond tout d’abord par une feinte retenue « j’oserais prendre la liberté… », avant de
multiplier les affirmations de bon sens : l’interrogation indirecte est là une affirmation forte de la vacuité
de l’argument. Aux paragraphes 1 et 2, on constate l’excès de termes logiques tandis que les évidences se
multiplient : « la cruauté » n’a pas les mêmes conséquences que la « douceur », « certaines circonstances »
sont nécessairement différentes « d’autres ». Il multiplie par ailleurs les exemples, quitte à tomber dans
l’excès « autant de folie qu’à purger Marseille parce que ses habitants ont eu la peste en 1720 ».
4. Voltaire réclame l’égalité des droits civils, en particulier en ce qui concerne le mariage et la succession
mais aussi en ce qui concerne le commerce. Il avait d’ailleurs déjà associé l’humeur « mélancolique » de
Marc-Antoine Calas à son impossibilité de fournir un certificat de catholicité nécessaire pour exercer la
profession qu’il ambitionnait.
5. Voltaire convoque l’exemple de « l’excommunication des sauterelles ». La coordination incongrue qui
suit (« L’usage est passé ; on laisse en paix Aristote, les sorciers et les sauterelles. ») souligne avec force
l’absurdité du rapprochement et l’incongruité des pratiques passées.
6. Voltaire commence par multiplier les références aux cultes étrangers pour prouver la tolérance des
Romains (par exemple : « on ne troubla jamais ni Juif, ni Syrien, ni Égyptien, ni bardes, ni druides, ni
philosophe »). Il examine ensuite méthodiquement le cas de différents martyrs en cherchant des causes
autres : saint Laurent a refusé de donner l’argent des chrétiens au préfet de Rome, saint Polyeucte a pro-
fané un temple. Il évoque, par ailleurs, les conciles qui ont eu lieu sous l’Empire romain. Il met en doute
la cruauté des martyres en utilisant l’irréel du passé « il y eut des persécutions ; mais si elles avaient été
aussi violentes qu’on le prétend, il est vraisemblable que Tertullien […] ne serait pas mort dans son lit ».
Enfin, il multiplie les récits sujets à caution afin de mettre en doute les sources rapportant les martyres
tout en citant des témoignages des Pères de l’Église eux-mêmes atténuant la gravité des martyres.

LECTURE À LA LOUPE :
L’accusation : « C’est nous, chrétiens, qui avons été persécuteurs »
(chapitre 10 de « Je le dis avec horreur, mais avec vérité » à « Voudrions-nous être persécuteurs ? »)
1. « C’est nous qui » : l’insistance sur le « nous » souligne la culpabilité et personne ne peut s’extraire.
2. Les termes sont de plus en plus forts : on parle de gradation. Cela permet de renforcer progressivement
l’accusation. Nous seulement la parasynonymie imprime le crime mais la gradation empêche toute forme
de nuance qui permettrait au lecteur d’atténuer son crime. N’oublions pas que Voltaire ouvre son texte
par l’évocation du « meurtre » de Calas.
3. Les victimes de l’intolérance sont manifestement les protestants : Voltaire évoque non seulement des
régions où sont regroupés des protestants mais aussi « le patois » (les protestants étaient favorables à
la traduction de la Bible et au culte en langue vernaculaire) ainsi que l’eucharistie (pour les protestants,
le pain et le vin de la messe ne signifient pas la présence réelle du Christ, tandis que les catholiques
défendent la transsubstantiation). Cela est par ailleurs rendu explicite par les « cannibales des Cévennes »
et la mention des pays protestants dans le paragraphe suivant. Pourtant Voltaire choisit une périphrase
« des pauvres gens du Poitou… » qui insiste sur une forme de compassion : il s’agit en fait d’insister sur
leur innocence et, en quelque sorte, de sortir le débat du domaine religieux pour le placer sur le terrain
de l’humanité.
4. Ce sont les phrases interrogatives qui dominent dans l’avant-dernier paragraphe. Bien que rhétoriques,
ces questions permettent à Voltaire d’interpeler le lecteur.
5. Cette phrase est construite sur un rythme binaire (en deux temps) parfaitement équilibré (7 syllabes /
7 syllabes) de part et d’autre des deux points. On constate la variation grammaticale du verbe (polyp-
tote) du passé au futur. L’effet de parallélisme est fort. Il s’agit évidemment d’une invitation à l’action
mais aussi d’un reproche : la France est en retard. On voit d’ailleurs que le « futur » intervient à plusieurs
reprises ; il est donc temps d’avancer, de progresser.

21
6. Voltaire concède l’existence (possible) des martyres. « Accordons que » est un verbe à l’impératif, tandis
que « quand » (qu’il faut ici comprendre comme « même si ») est une conjonction de subordination.
7. Voltaire répète l’adjectif « même ».
8.
– §1 : le cri d’aveu ;
– §2 : la reconnaissance des crimes en cours ;
– §3 : la comparaison avec les pays d’Europe ;
– §4 : une injonction à progresser ;
– §5 : le refus de la vengeance et le contre-modèle.

QUESTIONNEMENT AU FIL DU TEXTE


De l’histoire universelle à la tolérance universelle (chapitres 10 à 24)
1. Voltaire souligne la contradiction entre l’extrême barbarie des Juifs (celle qu’il leur prête) et leur grande
tolérance religieuse : cela lui sert d’amorces aux critiques contre les chrétiens. Si même les peuples
anciens et barbares ont su faire preuve de tolérance, c’est qu’il est possible d’avoir « des mœurs douces
quand on a des lois de sang ».
2. Voltaire attaque ici l’hypocrisie religieuse : le barbare veut obtenir la conversion du mourant non par foi
ou par fidélité à Dieu mais pour obtenir une bonne place.
3. La superstition dérive bien de la religion mais elle en est une version excessive, et appauvrie sur le plan
de la spiritualité ; elle consiste notamment à chercher des causes surnaturelles aux faits réels. Elle est la
variante « irrationnelle » de la religion.
4. La religion doit servir à faire le bonheur des hommes.
5. Voltaire évoque un ouvrage prônant l’intolérance (il vante notamment les bienfaits de la révocation de
l’édit de Nantes). Cette « critique littéraire », qui est surtout un pamphlet, placée en fin d’ouvrage, rap-
pelle à quel point la tolérance est loin d’être acquise malgré les élans religieux optimistes de la « prière à
Dieu ».

LECTURE À LA LOUPE
« Prière à Dieu » (chapitre 23)
1. La phrase « Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, de tous les temps » repose à la fois sur une grada-
tion et sur une anaphore qui soulignent la grandeur de Dieu. Par ailleurs, la répétition de la formule « à
toi » met en évidence l’importance du destinataire et d’autant plus que le pronom est systématiquement
d’une expansion (soit sous la forme d’une relative : (« toi qui… » / « toi dont les décrets… », soit sous la
forme d’une apposition).
2. L’homme est imparfait pour Voltaire, comme le montrent ces expressions : « faibles créatures », « nos
débiles corps », « nos langages insuffisants », « nos lois imparfaites ».
3. Le texte est très nettement dominé par le subjonctif et l’impératif. Le subjonctif a clairement une valeur
optative, particulièrement visible dans les phrases exclamatives. L’impératif formule directement la
demande. Dans les deux cas, cela confirme le ton de prière, voire de supplique.
4. Neuf subordonnées dépendent du verbe « Fais » : cela montre l’importance de la demande. Dieu est ici
présenté comme tout-puissant et Voltaire semble s’en remettre à son pouvoir.
5. Voltaire a recours à une série de périphrases qui sont unies par paires selon une logique d’écho ou d’an-
tithèse (« une toile blanche » répond ou s’oppose à « un manteau de laine noire » ; « une ancienne langue »
à « un jargon plus nouveau » – un chiasme soulignant, de plus, la mise en parallèle). Cela permet de neu-
traliser les différences en les réduisant à des différences superficielles.
6. Voltaire en appelle ici à la paix et à la fraternité, contre la haine : « frères », « paix », « bonté » s’opposent
ainsi à « haïr », « égorger », « calamités » et « persécution ».

22
Jeu de lettres : les mots du Traité (p. 209-210)

23
prolonge-
ments

Groupement de textes : « La tolérance


religieuse au siècle des Lumières » 25

Histoire des arts 26

24
Groupement de textes : « La tolérance religieuse
au siècle des Lumières » (p. 226-232)

Lettre sur la tolérance (1686)


John Locke (1632-1704)

1. Locke oppose la pratique religieuse ostentatoire qui serait une « vaine pompe extérieure » et la religion
« intérieure », c’est-à-dire la foi qui conduit à la charité et à la vertu.
2. Les trois termes peuvent être : « ceux qui persécutent, qui tourmentent, qui tuent » : l’énumération
construite en gradation souligne ici la volonté de montrer les excès de la violence. À la charité s’oppose
l’accumulation des actions violentes.
3. Selon Locke, l’intolérance religieuse ne se justifie pas par une dévotion à Dieu mais par la volonté d’asseoir
un pouvoir humain sur d’autres.

Lettres persanes, « Lettre XLVI » (1721)


Montesquieu (1689-1755)

1. On peut relever la mention du destinataire et du destinateur ainsi que la date et le lieu de rédaction,
caractéristiques du genre de la lettre. Par ailleurs, on voit que le système de datation choisi correspond
au calendrier persan, ce qui ajoute un effet d’étrangeté.
2. Montesquieu présente le devoir d’humanité et de charité comme le premier des devoirs religieux : il nous
est imposé par Dieu qui est amour donc si Dieu aime les hommes nous avons le devoir de nous aimer les
uns les autres. De la même manière, les lois étant garantes de la vie en société (qui permet le bonheur
de chacun), nous devons les respecter. Cela éclaire donc le premier paragraphe : disputer sur la religion
c’est ne pas respecter l’autre donc ne pas suivre le premier des devoirs qui nous est imposé.
3. « L’un, l’autre, l’autre » puis « l’un, l’autre, l’autre » et enfin « un brachmane » : cet anonymat des person-
nages permet d’insister sur le caractère anecdotique et presque anodin des épisodes. Il ne s’agit pas
tellement de réfléchir à cette anecdote mais de distraire le lecteur.
4. On peut relever le caractère particulièrement anodin de l’épisode : « il m’arriva de manger un lapin » (ou
encore « me trancher un petit bout de chair ») qui contraste fortement avec le caractère hyperbolique
de certaines expressions : « me firent trembler », « grièvement offensé », « une action abominable », par
exemple.
5. On peut relever deux formules de modalisation « je ne sais si je me trompe » et « je crois que » qui appa-
raissent comme des précautions oratoires avant la dernière phrase qui reprend le contenu du deuxième
paragraphe, exprimé au présent de vérité générale, ce qui souligne bien qu’il s’agit de la thèse.

Encyclopédie, « Fanatisme »
Alexandre Deleyre (1726-1796)

1. Le présentatif « c’est », le recours au présent atemporel ou encore la présentation de l’article nous


montrent bien qu’il s’agit d’une définition de dictionnaire. Néanmoins on peut noter les connotations
très négatives des adjectifs « ridicules » ou encore « cruelle ». De plus, le balancement « non seulement » /
« mais encore » met en lumière la logique de gradation qui peut supposer la présence du regard évaluatif.
2. Le procédé le plus flagrant est la très longue phrase qui se déploie sur tout le paragraphe. On peut relever
aussi les nombreux balancements, ou encore les hyperboles qui ouvrent le paragraphe.
3. « Voyez-les tous […] répandre la frayeur et l’illusion. »
4. Deleyre associe le fanatisme à une instrumentalisation de la religion au profit de la violence.

25
Histoire des arts (p. 233-236)

Exécution des criminels condamnés


par l’Inquisition au Portugal (1760)

1. La toile est organisée en demi-cercle autour du bûcher : on distingue la foule, une zone vide puis le bûcher
qui attire tous les regards, notamment parce qu’il est encadré par la ligne courbe plus claire et par la mer.
2. La foule apparaît très compacte et est plutôt bigarrée. Au contraire le bûcher est visuellement isolé et
ne comprend que deux couleurs fortement contrastées, l’orange du feu et le noir. Le bûcher prend ainsi
une dimension inquiétante, d’autant plus qu’il est proportionnellement beaucoup plus grand : il occupe
à lui seul presque le même espace que la foule.
3. La configuration en demi-cercle peut évoquer un amphithéâtre tandis que la foule est ici véritablement
au spectacle puisque tous les regards sont tournés vers le bûcher. Les personnages autour du bûcher,
qui ont certainement pour fonction d’alimenter le feu, peuvent, par leurs gestes amples, évoquer des
mouvements chorégraphiques ou théâtraux.

Une lecture chez Mme Geoffrin en 1755, 


Lekain lit L’Orphelin de la Chine de Voltaire (1812)
Anicet-Charles-Gabriel Lemonnier (1743-1824)

1. Les convives sont disposés autour du pupitre d’où Lekain fait la lecture. Cette disposition confère une
dimension solennelle à la scène. Néanmoins, on peut voir que les convives semblent discuter entre eux :
les regards ne sont pas tous orientés vers le pupitre, le personnage au premier plan à gauche est tourné
vers l’arrière, comme pour parler à son voisin. Il y a donc une certaine décontraction dans cette scène
sérieuse.
2. En 1755, Voltaire est en exil. Il ne reviendra à Paris qu’en 1778. Ses textes, néanmoins, circulent dans les
salons.
3. La présence du buste de Voltaire à l’arrière-plan mais au centre souligne son statut de figure tutélaire.
Par ailleurs, cela peut rappeler sa dimension centrale et fédératrice parmi les philosophes des Lumières.
C’est d’ailleurs un de ses textes qui est lu.

Les Adieux de Calas à sa famille (vers 1765)


Daniel Nicolas Chodowiecki (1726-1801)

1. On distingue nettement trois groupes de personnages. Au fond à droite, les personnages debout qui
entrent représentent les autorités, et on distingue le prêtre qui vient certainement recueillir la dernière
confession de Jean Calas. Au centre, les deux jeunes filles agenouillées avec la tête posée sont certaine-
ment les filles de Jean Calas, tandis qu’on distingue sa femme et Jean Calas lui-même. Enfin, sur la gauche,
on reconnaît le fils de Jean Calas et la vieille servante.
2. Les groupes du centre et de la gauche sont fortement marqués par la douleur : ils adoptent des postures
codifiées de la douleur (visage renversé vers l’arrière pour la femme, agenouillement et visages caché
pour les filles) ou expriment leur difficulté à se soutenir (la vieille est assise à l’écart et le jeune homme
semble soutenir le personnage du fond.
3. On a ici une image tout à fait pathétique qui correspond parfaitement à l’évocation des Calas au chapitre
premier.
4. Cette légende insiste sur la piété de Jean Calas : en s’en remettant à Dieu et non à la justice des hommes,

26
il peut évoquer une figure christique. Par ailleurs, le rapprochement avec Athalie souligne la dimension
tragique de l’affaire Calas dans laquelle un innocent succombe face aux préjugés et à la pression popu-
laire. Enfin, on pourra noter qu’Athalie elle-même est, chez Racine, victime du fanatisme de Joas. La
légende souligne ainsi le statut de Jean Calas.

La famille Calas implorant Voltaire, xviiie siècle


Anonyme

1. Assis en bas à droite du tableau, on peut voir Voltaire, en face duquel se tiennent cinq membres de la
famille Calas. Au premier plan, sa femme et à sa gauche son fils Pierre ou Donat, encadrés de deux jeunes
enfants. Au second plan voit une jeune fille en larmes, sans doute l’une des filles de Calas. La présence des
enfants (ainsi que celle de la mère et de la fille) n’est pas cohérente avec la visite de Pierre et Donat, qui
sont de jeunes adultes au moment du drame. Représenter des enfants permet de renforcer le caractère
pathétique de la scène.
2. Les gestes des personnages justifient le titre : sa femme est dans une attitude de supplication, son fils
semble au cœur d’une explication argumentée, au vu de la position de ses mains.
3. Tout comme saint Louis, Voltaire est assis sous un arbre, et des personnes lui font face. Cela présente
le philosophe de manière flatteuse : en justicier et en figure d’autorité, quasiment en égal du roi. Cette
représentation est très cohérente avec son implication dans l’affaire Calas, puisque saint Louis est repré-
senté rendant la justice sous l’arbre, et que la famille de Calas vient trouver Voltaire précisément parce
qu’elle a soif de justice.

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