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BREST, 1802 : LES FRANCS-MAÇONS ÉCOSSAIS ET FRANÇAIS À LA

RECHERCHE DE L’UNITÉ MAÇONNIQUE

Jean-Yves Guengant

Grand Orient de France | « Chroniques d'histoire maçonnique »

2015/1 N° 75 | pages 33 à 46

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Dossier

LES HAUTS GRADES


AU XIXe SIÈCLE
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N° 75 - Année 2015 33

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Brest, 1802 :
les francs­-maçons écossais et français
à la recherche de l’unité maçonnique

par Jean-Yves Guengant

A
u tout début du xixe siècle, alors que la France se remet peu à peu
de l’épisode révolutionnaire et que la guerre semble s’éloigner, les
francs­-maçons brestois, et plus particulièrement la Loge de L’Heu-
reuse Rencontre, souhaitent rapprocher les Rites, français et écos-
sais, et les Obédiences. Détentrice d’une patente délivrée par la Grande Loge
d’Hérédom de Kilwinning, de Rouen, elle va imaginer une stratégie pour
ouvrir des Chapitres français et d’Hérédom dans chacune des deux Loges
brestoises, afin de permettre aux Frères de se réunir et d’accélérer la fusion
des rites, ou tout au moins leur fédération. Deux années avant l’acte d’union
signé entre le Grand Orient de France et les partisans du Rite Écossais Ancien
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Accepté, une solution originale se mettait en place à la pointe de Bretagne.

La tradition écossaise

La ville de Brest est un foyer ancien de la Maçonnerie. Sans doute tou-


chée par la Maçonnerie jacobite1, dès les années 1730, elle devient
le berceau de L’Heureuse Rencontre en 1745. La Loge a obte-
nu ses constitutions de la Grande Loge de Bordeaux et a participé,
tout au long du siècle, à la construction de la Maçonnerie « écossaise ».

Lorsque la Loge est réveillée, en 1761, elle se dote d’un Chapitre où, rapi-
dement, différents grades vont être expérimentés, souvent dans un désordre
étonnant et un temps de passage d’un grade à l’autre très variable. Les appel-
lations écossaises apparaissent en 1763 avec le Maître écossais parisien. Les
grades se structurent et nous pouvons découvrir l’architecture et le rythme de
progression dans le Chapitre de la Loge. On parcourt, en deux mois, les trois

1
Les Jacobites sont les partisans de Jacques II Stuart qui, définitivement vaincus, embarquent à Limerick, pour
Brest, en octobre 1691. En juillet 1645, le prétendant Charles-Édouard essaie de débarquer en Écosse. L’un des
deux bateaux affrétés pour l’expédition doit se réfugier à Brest. L’aventure marque la fin des espoirs jacobites.

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grades symboliques, puis on devient Maître secret, Maître parfait et Illustre
Maître irlandais, également en deux mois, Maître anglais, Maître élu, Maître
écossais de Paris, en trois à quatre mois, et enfin Prince de Jérusalem.

La Loge connaît une succession d’arrêts et de réveils, dus aux guerres. À par-
tir des années 70, une nouvelle strate, constituée par les Chevaliers Rose-
Croix, se met en place. Un règlement de la Loge (1797) indique qu’elle
pratique un rite en 28 degrés + un (« Tous les grades ») qui est le suivant :

1 Apprenti 9 Illustre 17 Prince de 25 Chevalier du


Jérusalem Soleil
2 Compagnon 10 Petit Architecte 18 Chevalier 26 Chevalier de
Rose-croix l’Aigle noir
3 Maître 11 Grand 19 Souverain 27 Chevalier prussien
symbolique Architecte Prince noachite
Rose-Croix
4 Maître parfait 12 Maître écossais 20 Sublime 28 Grand Philosophe
Écossais
trinitaire
5 Maître irlandais 13 Parfait 21 Souverain 29 Tous les grades
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Architecte Commandeur
du temple
6 Maître anglais 14 Parfait élu 22 Maître en
écossais parfaite
architecture
7 Élu des neuf 15 Chevalier de 23 Chevalier
l’Orient d’Occident
8 Élu des quinze 16 Commandeur 24 Chevalier
de l’Orient Kadosh

Ce rite est très proche du Rite de Perfection, tel que connu par les rituels
de Francken, datant de 17832. Les liens entre Brest et les Antilles est un
fait ancien. Sur le plan maçonnique, des relations étroites existent entre
les Loges de Saint-Domingue (l’actuel Haïti) et L’Heureuse Rencontre.
Au début de la Révolution, puis lors des révoltes dans l’île, de nombreux
habitants de Saint-Domingue séjournent à Brest. Nous retrouvons trace de
cette proximité après l’Empire : le 29 juin 1817, quatre marins de la gabare
La Zélée, en rade de Kingston (Jamaïque), sont initiés par le Souverain

2
Claude Guérillot, Le Rite de Perfection, restitution des rites traduits en anglais et copiés en 1783 par Henri Andrew
Francken, Guy Trédaniel éditeur, Paris, édition de 2007.

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Grand Inspecteur de l’Orient de Kingston. À leur retour à Brest, ils sont
confirmés et affiliés à L’Heureuse Rencontre. Cette tradition écossaise
est le fait de L’Heureuse Rencontre. La Loge concurrente des Élus de
Sully, née en 1783 et installée trois ans plus tard, est de Rite Français,
dans ses grades symboliques et dans son Chapitre, né au début de 1787.

En 1788, L’Heureuse Rencontre adopte le Rite d’Hérédom de Kilwin-


ning pour son Chapitre, sans renoncer cependant au Rite de Perfection.
Elle pratiquera désormais les deux simultanément. Le Chapitre d’Hérédom
possède des registres jusqu’en 1817, le second Chapitre jusqu’en 1827.

Toujours à la recherche des racines maçonniques, la Loge cherche à retrou-


ver la pureté des origines de l’Ordre, qu’elle croit découvrir à Édimbourg,
capitale de l’Écosse. Si le mot Hérédom est censé rappeler une montagne
mythique d’Écosse (elle n’existe pas) et les origines lointaines de la première
franc-maçonnerie (ici le xive siècle), il faut rappeler que la légende se crée
aisément, particulièrement dans la franc-maçonnerie française et dans les
milieux proches des Jacobites, prêts à défendre la légitimité de leur préten-
dant au trône d’Angleterre, par tous les moyens, dont la légende maçon-
nique. À Kilwinning, une bourgade où fut construite une abbaye en 1140,
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aurait été fondée à cette époque la première Loge maçonnique (cependant
on situe aujourd’hui sa création en 1599 et non au xiie siècle). La Loge
de Kilwinning, en tout cas, se proclame la première Loge, ou Loge n°0.

L’Heureuse Rencontre n’est pas à sa première singularité : elle a la


particularité d’être à la fois affiliée au Grand Orient de France3 et à la
Grande Loge de Londres4, sous le numéro de Loge 184. Elle perd aus-
si souvent ses Constitutions, du fait d’un Orient où les militaires sont
majoritaires et donc très mouvants. Des mises en sommeil succes-
sives ont dispersé les archives. Elle se revendique donc de plusieurs
Grandes Loges, puis en 1773, s’affilie au Grand Orient de France.
En 1788, le Chapitre existant depuis 1774, continue de fonctionner en sui-
vant son échelle particulière de grades, et en introduisant à côté un grade de
Rose-Croix au caractère très original. Cela n’est pas du goût du Grand Orient
qui refuse de reconnaître les Chapitres d’Hérédom et qui préfère l’Atelier des
Élus de Sully, dont tous les rituels respectent les consignes de l’Obédience.

Cette inflation de hauts grades est une façon de maintenir une émulation entre
les Loges brestoises et d’occuper le terrain maçonnique face aux deux nou-

3
Constitutions du 4 mai 1774, qui remplacent celles de la Grande Loge Saint-Antoine.
4
Constitutions du 7 décembre 1773. Un registre est tenu de 1774 à 1798 et des initiations ont lieu.

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velles Loges qui battent en brèche le monopole de L’Heureuse Rencontre.
Les Élus de Sully et les Amis intimes s’adressent à partir de 1786 à des Ma-
çons originaires de milieux sociaux plus divers. Le choix d’un ordre étranger
qui plus est fortement marqué par la thématique rosicrucienne et ésotérique,
n’est pas dans l’air du temps en cette veille d’événements extraordinaires.

Alors que la Révolution éclate, la distance que la Loge met avec les ins-
tances du Grand Orient, le rappel incessant de ses origines « anglaises »,
puis l’interdiction faite, par l’Ordre d’Hérédom de Kilwinning au Chapitre de
fréquenter les autres Chapitres « français », ont isolé la Loge à un moment
où les dangers s’accumulent. La mort du Grand Maître, Philippe-Égalité, ci-
devant duc d’Orléans et intime des Brestois, puis l’arrestation des adminis-
trateurs du département, dont plusieurs membres de la Loge, et leur exécu-
tion au printemps 1794, traumatisent durablement L’Heureuse Rencontre.

Le retour des Loges

Fin 1796, les deux Loges brestoises, L’Heureuse Rencontre et Les Élus
de Sully, après avoir été fermées par le pouvoir révolutionnaire, en jan-
vier 1794, sont autorisées à se réunir à nouveau « tous les jours, entre
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cinq et huit heures du soir, à condition qu’ils ne s’occuperont point
des affaires publiques et s’abstiendront de tout esprit de Corporation.
L’administration se réservant d’ailleurs de descendre dans ledit lieu
quand elle le jugera convenable »5. Deux hommes de poids garantissent
les deux Loges et les hébergent : Jean-Paul Ollivier Guilhem, l’un des plus
gros négociants de la ville, et Jean-Nicolas Trouille6, ancien chef de la
garde nationale et actuel député à l’assemblée législative des Cinq-Cents.
Les deux Loges sont parmi les premières Loges à pouvoir fonctionner au
grand jour : la position sociale et l’implication de leurs membres au sein
de la municipalité7 et de la marine républicaine expliquent cette rapidité.

En 1799, Jean-Pierre-Olivier Guilhem accède au poste de Vénérable de


L’Heureuse Rencontre. La Loge s’est rapidement reconstruite, ayant initié
ou affilié 61 membres depuis sa réouverture8 lorsqu’il en prend la direction. Sa

5
Registre des délibérations du conseil municipal de Brest – 28 brumaire an V (18 novembre 1796), pour L’Heu-
reuse Rencontre, 4 nivôse an V (24 décembre 1796) pour Les Élus de Sully.
6
Jean-Nicolas Trouille (1750-1825). Jean-Yves Guengant, « Jean-Nicolas Trouille, Vénérable d’honneur des Élus
de Sully », Chroniques d’Histoire Maçonnique, n° 51, 2000.
7
Le maire, Pierre Gillart, le procureur de la République, François-Marie Guesnet, et Olivier Bergevin (1750-
1818), magistrat de profession, député aux Cinq-Cents, sont membres de L’Heureuse Rencontre.
8
Parmi ses nouveaux membres, citons Nicolas-Charles Désétangs, inspecteur des vivres, qui deviendra Véné-
rable des Trinosophes, à Paris, et le rédacteur de rituels connus. Le musée de la franc-maçonnerie possède son
diplôme reçu, en 1797, à L’Heureuse Rencontre.

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priorité va être de renouer, le plus vite possible, avec le Grand Orient de France,
après un silence de cinq années, pour cause d’événements révolutionnaires :

« Si pendant les temps révolutionnaires, la prudence n’a pas permis à la


R...L... de L’H...R...., à l’O... de Brest, de continuer ses relations avec
le G...O... de France, et d’entretenir avec lui une correspondance utile et
nécessaire, […] elle n’en a pas moins reconnu la suprématie du G...O...
de France, et dans ses travaux assidus, qui n’ont jamais été interrompus,
malgré les évènements politiques, elle s’est faite un devoir de suivre ses
statuts et règlements. » 9

Le 4 nivôse an x (25 décembre 1801), Guilhem transmet le tableau du


Chapitre, souché sur l’Atelier, dont il est également le Très Sage, et dé-
tenteur de «Tous les grades » (TLG). Il ne sait pas alors que commence,
pour sa Loge et son Chapitre, une relation singulière avec l’Obédience.

La première déconvenue intervient fin décembre 1801. Les Maçons espa-


gnols10, pour un grand nombre initiés à L’Heureuse Rencontre, reçoivent
l’autorisation de créer leur Loge, La Réunion espagnole, ainsi que les ri-
tuels nécessaires. L’honneur d’installer la Loge est donné à la Loge des
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Élus de Sully, ce qui froisse L’Heureuse Rencontre. Aucune nouvelle, en
provenance du Grand Orient, concernant la Loge L’Heureuse Rencontre,
sa demande de reconnaissance, son « don gratuit » à l’Obédience, ainsi
que des lettres capitulaires attendues pour relancer l’activité du Chapitre !

La procédure de reconnaissance est relancée, puis un nouveau courrier est


envoyé en avril 1802, face au silence de l’Obédience. En octobre, le Frère
Guilhem est mandaté par L’Heureuse Rencontre pour tout faire pour régler
ce problème embarrassant. Guilhem s’adresse à l’Orateur de la Chambre
des Grades du Grand Orient, à qui il va faire une présentation de L’Heu-
reuse Rencontre des plus maladroites11 : « Vous êtes le Vén... d’une loge
écossaise [La Vraie Réunion », Paris], elle est constituée dans les Hauts
Grades par le G...O... d’Édimbourg, ou par la maîtresse [loge] écossaise
de Rouen, ce G...O... et celui de France : sont-ils d’accord ; l’intimité est-
elle rétablie entre eux ? », rappelant que la Loge détient des constitutions
de la Grande Loge de Londres, du Grand Orient d’Édimbourg et du Grand
Orient de France, même si les contacts sont coupés depuis la Révolution !

9
Courrier de L’Heureuse Rencontre au GODF, le 5 messidor an IX (24 juin 1801).
10
Ce sont des militaires, stationnés sur les bateaux de la flotte espagnole, alliée de la France ; flotte bloquée en
rade de Brest par les Anglais.
11
Courrier de J.-P.-O. Guilhem au GODF, 29 germinal an X (19 avril 1802).

38 Chroniques d’histoire maçonnique

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Le Chapitre écossais et le Chapitre français

Lassé sans doute d’attendre les réponses du Grand Orient, Guilhem écrit
le 27 floréal an X (17 mai 1802) au Frère Mathéus, Vénérable de la Loge
L’Ardente Amitié, de Rouen, et surtout Grand Maître du Rite d’Hérédom
de Kilwinning12 pour la France, ce qui l’amena à organiser un Grand Cha-
pitre d’Hérédom. Le Grand Orient de France refusa alors l’installation de ce
Chapitre étranger (1786) et radia ensuite la Loge de Rouen.

Le Chapitre de L’Heureuse Rencontre reconnaît, en effet, la souveraineté


de la Grande Loge métropolitaine de Rouen, depuis 1788, ce qui explique
que le seul Chapitre reconnu à Brest par le Grand Orient soit celui des Élus
de Sully13, depuis la fixation des Grades dans le Rite Français (1785)14.

Jean-Pierre-Olivier Guilhem15 est l’aîné des enfants de Jean, un négociant


en vin de la région de Libourne, qui s’est installé à Brest, y a fait fortune en
fournissant la marine royale. Son fils apprend le métier de négociant dans
les maisons de commerce de Rouen : il est initié par la Loge La Fidélité. De
retour à Brest, où il est élevé au grade de Maître, en avril 1785, il est alors
« négociant et changeur du roi »16. Par ses relations à Rouen, il connaît sans
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doute le Régime d’Hérédom de Kilwinning et participe à l’installation du 9e
Chapitre en France de cet « Ordre Royal d’Écosse » dont la prospérité sur
le sol français fut brève, pour cause de Révolution et de remise en ordre des
hauts grades, par le Grand Orient de France.

Au milieu de l’année 1802, la Loge commence à renouer des correspondances


avec d’autres Orients. L’évolution politique la pousse à sortir de sa prudence.
Guilhem explique le silence de sa Loge, par les risques encourus sous la
période révolutionnaire, risques réels qui virent les Loges fermées et leurs
responsables arrêtés. En juillet 1802, il affirme au Vénérable de la Loge-
mère écossaise de Marseille, que ce n’est « qu’à partir du moment où un
nouvel ordre des choses a lui pour le bonheur de l’humanité, qu’un grand

12
Dictionnaire de la franc-maçonnerie, sous la direction de D. Ligou, Presses Universitaires de France, Paris, 2006
(2e édition).
13
Lettres capitulaires du 2 février 1787, archives départementales du Finistère. L’Heureuse Rencontre a également
des lettres capitulaires, mais antérieures à la réforme du Rite Français.
14
Pierre Mollier, Le Régulateur du maçon, 1785/1801, À l’Orient, Paris, 2004.
15
Jean-Pierre-Olivier Guilhem, 1765-1830, trésorier-receveur de la ville de Brest, il fut un des soutiens des fédé-
ralistes à Brest. Armateur, négociant et banquier, il devient sous l’Empire, président de la Chambre de commerce.
Le 17 mai 1815, il est élu député du Finistère, à la Chambre des Cent-Jours. Il est à nouveau élu en 1818 mais
est battu en 1824. En 1827, il est élu dans la première circonscription du Maine-et-Loire (Angers) et réélu le 12
juillet 1830. Il est l’un des chefs de file de l’opposition libérale à Brest, pendant la Restauration.
16
Contrôle général des FF. reçus ou affiliés aux trois Grades symboliques de la respectable loge L’Heureuse Rencontre de
Brest, depuis l’année 1761 ou 5761 jusqu’à celle (1820), archives de l’évêché de Quimper (AEQ).

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guerrier armé du bouclier de la sagesse et de la philosophie a pris les
rênes du gouvernement que nous avons cru devoir renouer nos liaisons
maçonniques et nous livrer à une correspondance que nous n’avions
abandonnée qu’avec peine. »17 Il apparaît que la connaissance des autres
Orients reste limité et que la coupure révolutionnaire a été très forte. Ainsi,
les Brestois ne semblent être informés d’un Régime rectifié, pratiqué par
l’une des Loges marseillaises, qu’en cette année 1802, ne sachant pas si
c’est une variante du Rite Écossais ou une évolution de ce dernier, dont ils
n’auraient pas été informés !18

Le 12 septembre 1802, les commissaires nommés par le Grand Orient


installent enfin le Chapitre français de la Loge. Le Très Sage du Chapitre de
L’Heureuse Rencontre s’empresse de préciser que désormais « il suivra les
deux rites », mais il écrit également, le même jour, au Frère Mathéus, pour
l’interroger sur son silence. Le Chapitre brestois estime ne pas avoir démérité,
pour s’être replié sur lui-même sur ordre du Grand Maître provincial de l’Ordre
d’Hérédom, et avoir arrêté toute correspondance, étant dans un danger
extrême pendant les temps révolutionnaires. Interdire l’accès du Chapitre
aux autres Maçons, à un moment où tous risquaient l’emprisonnement ou
pire, se prévaloir d’une Obédience étrangère, en pleine guerre, sont autant
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d’éléments qui ont pu affaiblir durablement L’Heureuse Rencontre.

En octobre 1802, après un long silence, la Grande Loge d’Hérédom répond


enfin au Chapitre brestois. Cela fait l’effet d’une « douche écossaise » ! En
effet, après un silence de plus de dix ans, la Grande Loge d’Hérédom se
demande s’il y a compatibilité entre le fait de tenir un Chapitre d’Hérédom
et un Chapitre français du Grand Orient !19 C’est alors qu’après discussion,
le Chapitre brestois décide de répondre en formulant une solution originale,
qui puisse résoudre cette contradiction.

Le centre de l’union

« Maçons libres, partisans zélés de la vérité, ennemis implacables du


mensonge », c’est par ces termes que les Maçons brestois donnent leur
solution pour rendre à la Maçonnerie stabilité et unité : opérer la réunion
des deux Grands Chapitres, du Grand Orient et d’Hérédom de Kilwinning !

17
Le Vénérable de la Loge-mère écossaise de Marseille cherche à savoir si L’Heureuse Rencontre a pu nouer des
contacts avec la franc-maçonnerie écossaise et anglaise. Ce qui n’est pas le cas.
18
Courrier au Vénérable de la Loge-mère écossaise de Marseille, 17 messidor an X (6 juillet 1802).
19
Courrier du Chapitre de L’Heureuse Rencontre à la Loge-mère écossaise de Rouen, 27 vendémiaire an XI (19
octobre 1802).

40 Chroniques d’histoire maçonnique

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1. Par l’affirmation conjointe des Chapitres des deux Loges brestoises
d’y parvenir ;
2. Le Chapitre des Élus de Sully demandera des constitutions auprès
de la Grande Loge d’Édimbourg ;
3. Le Chapitre de L’Heureuse Rencontre, ayant déjà sollicité des
lettres capitulaires auprès du Grand Orient.

Une stratégie commune est donc mise en place, consistant à croiser les
Chapitres et invitant les deux instances à se réunifier, dans le but de parvenir
à un « rit uniforme et unique »20, refusant l’isolement et la confrontation
d’Obédiences différentes ! Guilhem appuie son raisonnement sur le fait
qu’au même moment Bonaparte unifie les Français : il y aurait danger à
montrer les Maçons comme schismatiques et risque de voir l’État se mêler
d’affaires maçonniques pour réduire ces fractures, ce qu’il fera deux ans plus
tard ! Les deux Chapitres demandent expressément aux Frères Mathéus et
Roëttiers de Montaleau de se concerter pour accélérer ce mouvement qui
doit rendre à la Maçonnerie l’éclat et le respect qui lui sont dus.

Le 20 octobre, le Chapitre des Élus de Sully, s’adressant au Grand Chapitre


du GODF développe l’argumentaire suivant :
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« Le lien qui devrait unir tous les maçons en général est rompu dans une
infinité d’endroits dès l’instant qu’ils quittent les travaux symboliques
pour passer à ceux des Grades Supérieurs. Des FF... qui se sont donné
le baiser de paix dans les premiers, se frappent réciproquement
d’anathèmes dans les seconds. Unis dans la loge par amitié, ils sont
désunis en chapitre par le schisme existant entre les deux chapitres de
France et d’Édimbourg…
Fidèle à ses engagements envers le Souv... Ch... d’Édimbourg, le ch... de
L’H... R... ne pouvait nous admettre à ses travaux.»

Les difficultés rencontrées vont au-delà de ce manque de fraternité : dans


un port comme Brest, la situation ainsi créée est préjudiciable aux relations
entre Maçons, voire aux affaires. Le Chapitre de L’Heureuse Rencontre ne
pouvant recevoir des Maçons français, officiers ou marchands pratiquant le
Rite Français ; de même, les Élus de Sully ne peuvent recevoir des Maçons
étrangers. Pour être « réunis au point central de la maçonnerie », et craignant
la désapprobation des deux Grands Chapitres, ils appellent à l’union de
tous les Maçons, répandus sur la surface du Globe, par un lien indissoluble.
Le 30 novembre 1802, L’Heureuse Rencontre précise à la « Grande Loge

20
Idem.

N° 75 - Année 2015 41

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du Grand et Sublime Ordre d’Hérédom de Kilwinning en France, Orient
de Rouen » son intention de ne pas utiliser les lettres capitulaires accordées
par le GODF, le reconnaissant pour les grades symboliques, et se réservant
l’usage de la constitution, accordée par elle, pour les hauts grades, en 1788.
Dans le même courrier, elle souhaite connaître la liste des Chapitres dépen-
dants de l’Ordre, étant sollicitée en permanence par divers Ateliers « écossais »,
dont la Loge-mère écossaise de Marseille, dont elle doute de l’appartenance
à l’Ordre. Cette volonté farouche de maintenir ses liens avec le Rite d’Héré-
dom de Kilwinning est expliquée dans l’échange avec le GODF, en décembre
1802 : il s’agit pour le Chapitre brestois de conserver « dans toute leur
pureté, les premiers principes maçonniques »21, sans vouloir développer ce
Rite au-delà de son Chapitre, tout en reconnaissant la suprématie du GODF.

Coup de théâtre, en mars 1803 ! Alors que la Grande Loge d’Hérédom


de Kilwinning ne répond pas aux courriers de L’Heureuse Rencontre,
elle s’est empressée de répondre à celui des Élus de Sully, ce qui blesse
profondément la première qui se sent abandonnée. Au même moment, le
Grand Orient met en garde les Loges sur l’irrégularité de certaines Loges
écossaises, dont la Réunion des Étrangers, à Paris.
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Si les discussions n’aboutissent pas entre les Grands Chapitres, L’Heureuse
Rencontre se dit prête à renvoyer au GODF ses lettres capitulaires, et suivra
le Rite d’Édimbourg, qui n’a pas « reçu les changements et variations qu’il
a plu au G...O... de France de faire à celui qu’il a adopté, si cela était en
son pouvoir ! »22. En juillet, Les Élus de Sully reçoivent enfin confirmation
de leur constitution en Chapitre d’Hérédom, au moment, hélas, où les
relations avec le Royaume-Uni s’interrompent du fait de la reprise de la
guerre à la mi-mai 1803.

« Au nom de la Sainte et indivisible Trinité, dans un lieu saint où


règnent la foi, l’espérance et la charité »

C’est par ces termes que Guilhem commence ses courriers. Formule qui
reprend les mots de la patente délivrée à la Grande Loge d’Hérédom. C’est
par cette phrase que les membres des Élus de Sully sont reçus au Chapitre
de L’Heureuse Rencontre, le 26 septembre 1803, en attendant la création
de leur Chapitre. Guilhem, qui pratique trois rites, le Rite Français pour
les grades d’Apprenti, Compagnon et Maître, le Rite de Perfection et le
Rite d’Hérédom pour les hauts grades, ne sait pas comment établir des

21
Courrier du 17 frimaire an IX (8 décembre 1802), « au Grand Orient de France, en sa chambre symbolique ».
22
Courrier à La Fidèle Union, Morlaix, 14 floréal an XI (4 mai 1803).

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équivalences avec les Ordres de Sagesse du Rite Français des Élus de Sully.
Heureusement pour lui, le Rite d’Hérédom ne se compose que de trois
degrés23 !

Quinze Frères, au quatrième Ordre de Sagesse au Rite Français sont reçus


au troisième et dernier degré d’Hérédom, le Chevalier Rose-Croix, et deux,
(issus des trois premiers Ordres de Sagesse) au premier et au deuxième, ce
qui laisse penser que ces deux degrés sont les deux phases d’un même grade.
Chacun reçoit un nom : le Vénérable de l’Atelier des Élus de Sully, Neveu,
reçoit celui d’Amélioration, Trouille, celui de Science. Le 6 mai 1804, le
Chapitre d’Hérédom de Kilwinning des Élus de Sully est enfin installé par
J.-P.O. Guilhem. Il porte le n°11 (sur les 24 Chapitres qui ont existé en
France). L’Heureuse Rencontre, portant le n°9, et ayant été installé en
1788, nous pouvons voir que l’essentiel des Chapitres sont créés après
1804. Cela est dû, sans nul doute, à l’autorisation de pouvoir désormais
pratiquer ce rite au sein du GODF et aussi que le nouveau Grand Maître
provincial est Cambacérès, Grand Maître adjoint du GODF.

Les relations n’arrivent cependant pas à s’installer de façon simple avec


Rouen, le député choisi par L’Heureuse Rencontre ne donnant aucune
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nouvelle. Le temps écoulé entre les correspondances, le temps également des
prises de décision, montrent l’extrême complexité des réseaux maçonniques
et les méfiances qui se sont installées depuis l’époque révolutionnaire. Si
l’ouverture de deux Chapitres, français et écossais, pour chacune des Loges
brestoises est effectif, le grand dessein d’obliger les deux grands Chapitres à
discuter et à s’unir ne semble pas aboutir.

L’acte d’union de 1804 : le GODF reconnaît les différents rites

À la fin de l’année 1804, l’introduction d’un nouveau rite écossais, sous


l’égide de la Loge Saint-Napoléon et de son Vénérable, Alexandre de
Grasse-Tilly (1765-1845) qui rapporte de Saint-Domingue la patente de
ce qui va devenir le Rite Écossais Ancien Accepté, voit la création d’un
Suprême Conseil de France, qui se donne pour objet de réunifier les branches
écossaises de la Maçonnerie française. Le Grand Orient doit enfin discuter et
aboutir à un acte d’union, reconnaissant tous les rites. La Loge L’Ardente

23
L’Ordre Royal d’Écosse, contrairement à son nom, est originaire de Londres, avant de se développer en Écosse
(mais dans une Loge anglaise) Il se compose de trois degrés. La légende dit qu’il fut fondé par le roi écossais
Robert Bruce. Il y a deux titres, le Maçon de Hérodom (1er et 2e degrés), et le Chevalier Rose-Croix (3e degré). Le
terme de degré est explicitement utilisé par Guilhem, bien que la correspondance de la Loge emploie les deux
mots, degrés et grades.

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Amitié, sur laquelle était souchée la Grande Loge d’Hérédom de Kilwinning,
est réintégrée.

Le Chapitre de L’Heureuse Rencontre a réussi à créer un second Chapitre


d’Hérédom à Brest. Il développe aussi ses liens avec d’autres Chapitres
« écossais », au-delà de Rouen. Parmi ceux-ci, nous pouvons relever le nom
de La Parfaite Union, (n° 12) à l’Orient de Douai, que le Chapitre félicite
pour son entrée au sein de l’Ordre d’Hérédom, en août 1804. Mais aussi,
L’Amitié et Fraternité, de Dunkerque (n°13) ou Saint-Napoléon, à Paris,
qui est la première Loge à communiquer aux Brestois l’annonce de l’acte
d’Union et Concordat qui lie désormais les « français » et les « écossais ». Il
en est de même de Loges marseillaises (Mère-Loge Écossaise, Triple Union)
ou de Loges parisiennes (Saint-Alexandre d’Écosse, Le Temple des Muses,
Triple Vérité Écossaise).

L’Heureuse Rencontre peut enfin se réjouir de la reconnaissance et de


l’existence des différents rites au sein du GODF24, tout en s’étonnant de
la lenteur avec laquelle le GODF diffuse la nouvelle aux Loges de son
Obédience ! Pourtant elle ne tire pas profit de ses efforts d’unité. Les Élus de
Sully se sont renforcés à son détriment, notamment dans le milieu maritime,
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qui s’est démocratisé. En 1810, elle se met en sommeil, pour reprendre ses
travaux deux ans plus tard. La période de la Restauration sera celle de la fin
de la Loge, qui va se fondre dans celle des Élus de Sully, en 1827. Mais
l’esprit écossais n’est pas mort.

La persistance de l’idéal écossais

Le 3 juillet 1824, le Grand Orient de France accepte que la Loge, travaillant


au Rite Français, puisse cumuler les deux rites, français et RÉAA, sous son
titre distinctif, et reprendre ses travaux au Rite Écossais :
« Au nom du Grand Orient de France, nous les commissaires chargés de
ses pouvoirs, instituant à perpétuité à l’orient de Brest au rite écossais
ancien et accepté une loge sous le titre distinctif des Élus de Sully. Après
quoi il proclame : la loge des Élus de Sully au rite écossais est instituée.
Cette annonce est faite alternativement par trois fois et répétée de même
par les frères, suivie des applaudissements ordinaires et au son d’une
musique harmonieuse. Et le 18 août 1824 : Le Vénérable donne lecture
de la constitution de la R... L... portant cumulation du Rite français et
Écossais ancien et accepté. À l’issue de cette lecture il est procédé à un
triple houzé pour remercier le G...O... de la faveur qu’il nous a faite.

24
Courrier au GODF, le 19 avril 1805.

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La Loge a donc deux rites, pratiqués au niveau des trois grades symboliques,
mais a gardé également ses deux Chapitres. Ainsi en 1845, l’Annuaire
annuel de la Société d’émulation de Brest informe ses lecteurs que la
société maçonnique Les Élus de Sully, fondée en 1783, tient ses tenues
symboliques les deuxième et quatrième mercredis, et ses Chapitres les
premier et troisième mercredis. « Le chapitre d’Hérédom de Kilwinning
sur convocation spéciale de l’Athersata »25.

La même année, un conflit éclate entre la Loge et le Grand Orient. La Loge


revendique l’indépendance de l’aréopage brestois qui vient de naître (août
1844) et recherche son affiliation à la Grande Loge d’Édimbourg, seule à ses
yeux à détenir les patentes du Rite de Kilwinning, rite jugé le plus proche des
origines de la Maçonnerie symbolique. Le conflit traîne jusqu’à l’exclusion
de l’Atelier, en 1855, qui rejoint alors le Suprême Conseil de France, sous
le nom des Amis de Sully.

Le Chapitre reconnaît l’autorité également de la Grande Loge d’Édimbourg,


dont elle ne recevra jamais de réponse, malgré ses demandes successives.
En 1867, un nouvel aréopage se met en place, et à son tour recherche la
reconnaissance de la Grande Loge d’Édimbourg. Il assiste à l’inauguration
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du Temple brestois en 1868 et se réunit régulièrement. Après une dernière
tentative en 1873, l’aréopage décide de demander son affiliation au Suprême
Conseil. C’est la fin du Rite de Kilwinning à Brest.

Remerciements à tous ceux qui ont œuvré à empêcher la disparition et la


dispersion des archives brestoises.

Sources

Les sources sur la franc-maçonnerie brestoise sont essentiellement constituées par


deux fonds :
- Le fonds maçonnique des archives départementales du Finistère (Quimper), série J.
- Le fonds des Élus de Sully, aux archives municipales de Brest, série S.
Ces deux fonds ont la même origine : les archives de la Loge des Amis de Sully, qui
furent dispersées lors du second conflit mondial. Ils couvrent une période qui va de
1761 à 1992 et sont constitués de registres des tenues de Loges et des Chapitres.

Aux archives départementales, voir notamment :


40 J 1 Registre de Prince et autres grades maçonniques, Chevalier de l’Orient,
Prince de Jérusalem et Chevalier du Soleil (1755-1798)

25
Annuaire de la Société d’Émulation de Brest, 1845, p. 195. (Gallica) l’Athersata est le dirigeant du Chapitre.

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40 J 10 : registre des capitulaires Hérédom de Kilwinning, 1789-1807
40 J 11 : registre des capitulaires Hérédom de Kilwinning, 1807-1817
40 J 12 : registre capitulaire de Maître Parfait à Puissant Écossais, 1797-1827
40 J 15 : registre capitulaire Rose-croix, 1799-1802.

Un autre fonds, inexploité, se trouve curieusement aux archives de l’Évêché, à


Quimper. Son histoire vaudra sans doute d’être un jour contée ! Ce fonds possède
des documents précieux, parmi lesquels deux registres consignant, le premier, les
réunions du Chapitre de L’Heureuse Rencontre dans les années 1760 et 1770
(88 pages), le second, la correspondance de la Loge, principalement entre 1797 et
1805 (120 pages). Ils constituent le matériau essentiel de cet article. Un troisième
registre est le Registre matricule des membres de la loge en 1818, avec le rappel
de l’ensemble des initiations et affiliations depuis 1761. Un règlement intérieur, écrit
entre 1797 et 1801, et des rituels aux trois premiers grades (Rite Français), des
diplômes maçonniques, un annuaire des Loges (1782) et diverses pièces, complètent
ce fonds qui appartenait, sans doute, à François de Kerimel, Vénérable de l’Atelier
en 1820. Les lettres capitulaires accordées par le Grand Orient sont l’une des pièces
importantes du fonds. Des objets (essentiellement des décors et bijoux) ont rejoint
les archives municipales de Brest.

Ouvrages
Alain Bauer, Roger Dachez, Les Rites maçonniques anglo-saxons, PUF, Paris,
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2011.
Jacques Brengues, Les Francs-maçons dans la ville : Saint-Brieuc, 1760-1990,
Soreda, Rennes, 1995.
Jean-Yves Guengant, Brest et la franc-maçonnerie, Armeline, Brest, 2008.
Claude Guérillot, Le Rite de Perfection, Guy Trédaniel, Paris, édition de 2007.
Irène Mainguy, Symbolique des Grades de Perfection et des Ordres de Sagesse /
De la symbolique des chapitres en franc-maçonnerie, Dervy, Paris, 2003 & 2005.
Pierre Mollier, Le Régulateur du maçon, 1785/1801, À l’Orient, Paris, 2004.
Pierre Noël, Guide des maçons écossais, À l’Orient, Paris, 2006.

Dictionnaires :
Dictionnaire de la franc-maçonnerie, sous la direction de D. Ligou, Presses
Universitaires de France, Paris, 2006 (2e édition)
Dictionnaire du Grand Orient de France au xviiie siècle, par D. Kerjan et Alain Le
Bihan, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2012.

Sitographies :
Base de données des députés français depuis 1789 : Assemblé nationale, http://
www.assemblee-nationale.fr/sycomore/index.asp : Bergevin, Guilhem, Trouille.
Gallica, site de la Bibliothèque nationale de France, http://gallica.bnf.fr/
Google livres, http://books.google.fr/

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