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Thèse:

La tolérance zéro chez les jeunes permet de sauver des vies

1. La tolérance zéro pour l’alcool chez les jeunes conducteurs n’est pas une question
de politique mais une question de science et de statistique : conduire sous influence reste
l’une des causes mortelles les plus importantes dans la circulation.

Les projets du Ministre de la mobilité, François Bellot (MR), visant l’introduction de la tolérance
zéro pour l’alcool chez les conducteurs inexpérimentés provoque une véritable levée de boucliers.
La mesure est considérée comme stigmatisante et non fondée et enverrait un mauvais message.
Pourtant, il existe suffisamment de preuves pour montrer que cette règle est sensée. Qu’elle est
même nécessaire. Il est plutôt décourageant de constater qu’à chaque fois, nous devons le
prouver.
J’ai vraiment dû me retenir lorsque j’ai entendu les critiques formulées au sein de la commission
de l’Infrastructure. C’est toujours le même refrain : le Ministre stigmatise les jeunes. Et de
résumer la proposition par une seule phrase : «  Vous êtes jeune, donc vous ne connaissez pas vos
limites ». Mais de tels raisonnements ne tiennent pas la route : il ne s’agit pas d’une mesure visant
à stigmatiser les jeunes mais bien d’une mesure visant à les protéger et à protéger les autres. Il ne
s’agit pas non plus d’une mesure visant les jeunes au sens strict du mot, mais d’une mesure visant
les conducteurs sans expérience de conduite. Ce sont effectivement souvent les jeunes, mais pas
toujours.
Les chiffres ne mentent pas : en 2014, quelque 117 jeunes âgés de 18 à 24 ans sont décédés dans
un accident de la route. Par rapport au nombre de kilomètres parcourus, le nombre de morts
parmi les jeunes est deux fois plus élevé que dans les autres catégories d’âge. C’est surtout la nuit
et le week-end que de nombreux jeunes perdent la vie dans un accident de la circulation. Aussi ne
rien entreprendre à ce niveau-là en matière de sécurité routière s’apparente à une grave
négligence.

Comportements à risques
L’alcool est l’une des causes mortelles les plus importantes dans la circulation. L’alcool
augmente considérablement le risque d’accident. Et chez les jeunes conducteurs inexpérimentés,
l’alcool a un effet encore plus grand car ceux-ci réfléchissent encore trop souvent à leurs gestes et
à leurs manœuvres lorsqu’ils sont au volant. Et même s’ils sont convaincus du contraire, la
conduite n’est pas encore un automatisme chez eux. Les conducteurs expérimentés doivent moins
réfléchir et agissent plus par réflexe dans des situations à risques. L’alcool et le manque
d’expérience ne font pas bon ménage. En outre, la boisson fait que les jeunes ont plus tendance à
adopter des comportements à risques.
Un autre mythe à balayer est que «  la mesure vise le mauvais groupe cible car ce sont les
personnes âgées de plus de 40 et 50 ans qui souvent conduisent sous l’influence de l’alcool. »
Tous les conducteurs, quelle que soit la catégorie d’âge à laquelle ils appartiennent, boivent plus
ou moins de la même façon ; c’est ce qui ressort d’une mesure du comportement effectuée
l’année dernière par l’IBSR lors de contrôles de la conduite sous l’influence de l’alcool, auprès
de 10.000 conducteurs.
Nécessité d’un plafond strict
Raison de plus pour introduire rapidement cette mesure. Et de préférence aujourd’hui plutôt que
demain. A l’échelle européenne, la Belgique est l’un des seuls pays à n’avoir aucune
réglementation plus stricte pour les conducteurs inexpérimentés. Parmi les 28 pays européens,
seule une poignée d’entre eux permettent encore aux conducteurs inexpérimentés de s’en tirer
avec 0,5 pour mille. Or, il est prouvé scientifiquement que l’introduction d’un plafond plus strict
pour les conducteurs inexpérimentés permet de réduire le nombre d’accidents, raison pour
laquelle la plupart des pays ont introduit de telles mesures.
Cette mesure devrait aussi s’inscrire dans le cadre d’un changement de mentalités qui est
impératif dans notre pays. En Scandinavie, prendre le volant après avoir bu un verre d’alcool est
vite considéré comme un délit par les proches. Il est donc essentiel de recadrer les normes
sociales dans notre pays. Les conducteurs doivent prendre conscience que boire ou conduire, il
faut choisir. Et vous donneriez la permission à ces jeunes conducteurs de s’installer trois ans plus
tard au volant sous l’influence de l’alcool ? Sûrement pas. C’est pourtant ce que nous faisons
avec le groupe qui présente le plus grand risque… pour eux et pour les autres. Pourtant, ce que
l’on apprend quand on est jeune, on ne l’oublie jamais.
Pourquoi ne pas introduire dès lors la tolérance zéro pour tous ? Idéalement, la tolérance zéro
pour l’alcool pour tous les conducteurs devrait être adoptée. Mais en pratique, cette mesure n’est
hélas pas réalisable actuellement. Pour la faire respecter, il faudrait que la police dispose de plus
de ressources humaines et de moyens pour effectuer les contrôles car il y aurait effectivement
beaucoup plus d’infractions que maintenant. Sans cette possibilité d’effectuer davantage de
contrôle d’alcoolémie, l’introduction de la tolérance zéro pour tous n’a que peu de sens et
pourrait même pâtir du fait qu’il y aurait moins de gros buveurs exclus de la circulation.
La mesure proposée hier par le ministre Bellot avait déjà été annoncée lors des Etats généraux
pour la sécurité routière en décembre dernier. Il ne s’agissait pas d’une question de politique mais
d’une question scientifique et statistique. Il existe suffisamment de preuves pour dire que cette
mesure aurait un effet bénéfique. Et le nombre de décès de jeunes dans un accident de la
circulation nous oblige à agir rapidement. Si nous voulons limiter les risques, il n’y a aucune
raison de ne pas introduire cette mesure.
Situation-cause de passer à l’acte-mesures à prendre
Il faut sauver le sport
Jacques Vanhee, ancien président de la Ligue Royale Belge d’Athlétisme, ancien athlète
international.
Mis en ligne lundi 23 mai 2016, 12h21

2. Il est temps que les athlètes eux-mêmes se réveillent et se révoltent s’ils ne


veulent pas voir le sport sombrer définitivement dans une anarchie où tous les coups
sont permis en matière de dopage et de tricherie.

Femke Van den Driessche et son « vélo dopé »


é démasqués lors du dernier championnat du monde espoirs de cylo-cross.
Raoul Mollet, ancien président du Comité Olympique Belge, me disait fin des années 60 :
l’argent tue le sport, mais sans argent on ne fait malheureusement plus rien. Aujourd’hui, n’a-t-on
pas atteint et dépassé déjà les limites du raisonnable sportif ?
Le sport est un pur reflet de la société actuelle dont il décline toutes les outrances : salaires
mirobolants de certains sportifs, corruption généralisée des dirigeants de plusieurs Fédérations
sportives, tricherie à tous les niveaux de compétition, violence verbale et physique et enfin
dopage d’Etat accepté et même autorisé.
On croyait ce dernier freiné et certainement pas organisé systématiquement au niveau d’un pays,
qui plus est la Russie. On croyait le phénomène noyé et rejeté dans les oubliettes de la chute du
Mur de Berlin et la déchéance des ex-républiques soviétiques. Et voilà que surgit un espion venu
du froid, Grégory Rodschenkov, ex-directeur du laboratoire d’analyses aux Jeux d’Hiver de
Sotchi et maintenant installé bien au chaud en Californie. Le processus est tellement gros qu’on
peut à peine y croire : forer un (petit ?) trou dans la paroi du laboratoire officiel des Jeux pour
échanger, le soir venu, les échantillons d’urine prélevés dans la journée et les remplacer par des
échantillons propres. La poire du coureur belge Michel Pollentier à l’étape mythique de l’Alpe
d’Huez en 1978 est ainsi reléguée au rang de joyeuse blague belge.
Le Kenya et la Russie étaient déjà pointés du doigt en 2015 dans un célèbre reportage de l’ARD
(télévision allemande) pour les performances hors normes de leurs athlètes masculins et féminins
en athlétisme. Par ailleurs, 31 nouveaux cas de dopage viennent d’être mis à jour grâce aux
récentes techniques de contrôle sur les échantillons d’urine conservés depuis les Jeux de Pékin
2008. Certaines études démontreraient en outre que même pour des « repentis » la pratique
passée du dopage continuerait à propulser leurs performances vers les sommets. En clair,
l’accoutumance plus forte à l’effort resterait privilégiée longtemps après la prise de produits
dopants. Justin Gatlin, plusieurs fois condamné, et LaShawn Merritt (concurrent régulier des
Borlée) en seraient les parfaits exemples. Dopés un jour, dopés toujours.
Alors, quand le président fraîchement élu de l’AEA (Association Européenne d’Athlétisme) Sven
Arne Hansen décrète qu’il veut étudier attentivement tous les cas suspects de records même en
remontant longtemps en arrière, il faut certainement approuver son idée. La mettre en pratique,
c’est encore autre chose ! Mais à quoi servirait-il de conserver pendant 10 ans les échantillons de
divers athlètes si l’on ne peut pas punir rétroactivement et durement ces mêmes athlètes une fois
incriminés ? Ce ne serait que le juste début d’une véritable criminalisation du dopage. Avec
comme pour Lance Armstrong la possibilité d’y ajouter des pénalisations financières.
Car ce dopage endémique conduit également à toujours vouloir repousser les limites physiques
du corps humain. Qui peut prétendre aujourd’hui que le sport professionnel pratiqué à un tel
niveau est encore bon pour la santé ? La Fédération du Football Américain vient de conclure un
accord historique mais ô combien révélateur des dérives du sport de haut niveau. Pour compenser
les graves blessures encourues durant leur carrière sportive et les traumatismes liés à celles-ci,
4.500 anciens joueurs de la NFL (Ligue Nationale) recevront, s’ils vivent assez longtemps, un
montant à se partager de 765 millions de dollars. De quoi atténuer un tant soit peu pour la plupart
leur calvaire d’après- carrière sportive.
Toutes les instances internationales semblent cependant toujours en retard d’une guerre dans la
lutte contre le dopage : le CIO qui doit composer avec le monde entier, l’AMA (Agence
Mondiale Antidopage) toujours à rechercher l’adéquation de ses laboratoires aux nouveaux
produits. Le dopage pourrait d’ailleurs bientôt céder le pas à la miniaturisation. On a déjà un
moteur dans le guidon des vélos, pourquoi pas des chaussures qui sautent toutes seules ou des
bras remplacés par des bras bioniques.
Si tous courent derrière une cible sans jamais l’atteindre efficacement, je plaide pour une révolte
des athlètes eux-mêmes. Certains se sont déjà dans le passé manifestés publiquement. Je pense
par exemple à Paula Radcliffe, célèbre coureuse britannique de longues distances. Aussi pour
l’instauration d’un fair-play généralisé : pour un Thierry Henry qui va voir l’arbitre pour lui dire
que le but marqué n’est pas valable. Que les athlètes du monde entier forment des Comités
d’éthique, échangent leurs informations et bannissent eux-mêmes les suspects. En excluant à tout
jamais les coupables de dopage et de tricherie. Plutôt que de dire, ce n’est pas moi, c’est l’autre.
Que la main de Dieu de Maradona devienne ainsi la main qui punit les tricheurs.
Thèse : Il faut revoir la libération du secteur de santé.
Carte blanche: la santé, une marchandise ?
Un collectif de signataires*
Mis en ligne jeudi 7 avril 2016, 10h16

3. Le CNCD et la Plateforme Santé-Solidarité dénoncent la marchandisation des


soins de santé et lancent ce jeudi une action à Bruxelles.

4. Sur le même sujet


 Analyse : Comment privatiser la médecine pourrait gravement nuire à la santé
Les soins de santé publics coûtent plus chers ou sont moins bien gérés que les soins de santé
délivrés par des entités privées commerciales ». En période de crise économique, cette façon de
voir les choses est souvent mise en avant.
Pourtant elle ne peut résister à une analyse précise des faits. En appliquant une réduction des
dépenses publiques en santé couplée à une libéralisation progressive du secteur, de nombreux
pays européens réitèrent une recette qui a déjà prouvé son inefficacité dans les pays en
développement.
A lire sur Le Soir +Comment privatiser la médecine pourrait gravement nuire à la
santé
En 2012, sur recommandation de la Troïka, l’Espagne a accepté de couper dans son budget de
santé. De 70.506 millions d’euros en 2009, les dépenses publiques en santé sont passées à 57.632
millions d’euros en 2014. Ces coupes ont fait baisser de 10% le nombre de professionnels de la
santé et baissé leurs salaires de 5%. Par ailleurs, le système de soins de santé a aussi été réformé
en 2012 restreignant l’accès aux soins de santé aux seuls cotisants, excluant plus d’un million de
personnes de l’assistance médicale. A cela s’est greffée la volonté du gouvernement de privatiser
une série d’hôpitaux, mesure qui a eu pour effet de déclencher une « marée blanche » citoyenne
en novembre 2012 .
La plupart des pays européens évoluent vers un système de plus en plus commercial et cela sous
les effets conjugués des mesures d’austérité et de libéralisation. C’est le cas en Belgique dans le
secteur des maisons de repos. Ainsi à Bruxelles, 62% des lits des maisons de repos sont détenus
par le secteur privé commercial. La commercialisation y induit une logique de rentabilité qui met
notamment la pression sur le personnel de santé, censé travailler plus vite avec moins de moyens
et dès lors de moins en moins capable de prodiguer des soins de qualité aux personnes âgées .
L’accès aux soins de santé se retrouve ainsi mis en danger en Europe comme il l’a été, et l’est
encore, dans les pays en développement.
Suite aux crises de dette des années 80, les Institutions financières internationales, créancières des
pays en développement, ont conditionné la poursuite de leur aide à des mesures d’austérité
drastiques. En 1987, la Banque mondiale a ainsi publié pour la première fois un rapport sur le
financement de la santé dans les pays en développement. Elle préconise l’introduction des
paiements directs par le patient afin de compenser une réduction des dépenses de l’Etat, réservant
la gratuité des soins aux populations indigentes. D’autres mesures imposées de libéralisation
permirent en outre à des opérateurs privés commerciaux de venir concurrencer l’offre de soins
publique ou privée sans but lucratif. Progressivement, le personnel de santé formé s’est donc
dirigé vers ces acteurs commerciaux, plus rémunérateurs. La libéralisation du secteur de la santé
a par ailleurs fait fleurir le marché des médicaments poussant à un usage de plus en plus
irrationnel de ceux-ci.
Dès le début des années 2000, cette stratégie de la Banque mondiale a été remise en question. Des
études ont en effet indiqué que les paiements directs par les patients induisaient un accès réduit
aux soins de santé. Le report de soins de santé nécessaires pour des raisons financières a en effet
été de plus en plus fréquent. Et chaque année, 100 millions de personnes basculent dans la
pauvreté à cause de dépenses catastrophiques en santé, ce qui équivaut à 3 personnes par seconde.
Aujourd’hui, les pays en développement sont de plus en plus nombreux à opter pour des systèmes
de Couverture Santé Universelle (CSU) c’est-à-dire où tout le monde a accès à des soins de santé
de qualité sans subir de graves conséquences financières. Or, seul un financement solidaire et
mutualisé permet d’atteindre cet objectif d’universalité. Des efforts sont également à faire en
termes de renforcement des services publics et des acteurs de santé à but non lucratif, ainsi qu’en
termes de régulation des acteurs privés commerciaux. Paradoxalement, les pays industrialisés
empruntent en ce moment le chemin inverse, basant de plus en plus leur système de santé sur des
assurances privées à but lucratif et une restriction des dépenses publiques en santé. Or la
coexistence de services de soins de santé commerciaux à côté des services publics affaiblit ces
derniers et entraine inévitablement une médecine à deux vitesses.
Il est donc essentiel de rappeler à nos dirigeants belges et européens que les mécanismes de
commercialisation que sont les mesures d’austérité et les accords de commerce portent atteinte à
notre droit à la santé, que ce soit au Nord ou au Sud de la planète. Seuls des systèmes de santé
forts et solidaires peuvent offrir des soins de qualité à toutes et tous. Pour cela, nous exigeons un
financement public suffisant des systèmes de santé, une régulation forte des acteurs privés,
l’inclusion des acteurs de la société civile dans la définition et la mise en œuvre des politiques de
santé, la cohérence de nos politiques commerciales avec le droit à la santé et enfin le
renforcement des systèmes de santé des pays en développement via la solidarité internationale.
Ce jeudi 7 avril, syndicats, mutuelles, ONG, ainsi que d’autres acteurs de la santé, dénonceront la
commercialisation grandissante des soins de santé en Europe et dans le monde. Une action
organisée par le Réseau européen contre la commercialisation des soins de santé aura lieu à
Schuman à 14h. La campagne belge Protection sociale pour tous publiera quant à elle son rapport
« La santé, une marchandise ? Les dangers d’une commercialisation des soins de santé » en ligne
sur le de la campagne Protection sociale pour tous (www.protectionsociale.be).
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Burn out: l’école ne peut être seule pointée du doigt
Roger Paquay, Physicien, Directeur Honoraire IPES de Hesbaye.
Mis en ligne mercredi 16 mars 2016, 14h11

Trop de devoirs peuvent-ils mener certains élèves au burn-out ? L’opinion d’un ancien
directeur d’école qui contredit celle la psychologue Béatrice Millêtre, que nous avions
interrogée dans le cadre de notre dossier hebdomadaire consacré à l’enseignement.

La psychologue Béatrice Millêtre reçoit, dit-elle, régulièrement des enfants entre 10 et 15 ans
souffrant d’épuisement nerveux qu’elle qualifie de « Burn-out ». Elle accuse la pression qui serait
mise sur les enfants par l’école, ses évaluations constantes et une lourde charge de travail due aux
devoirs à domicile.
Marre de ces accusations constantes contre l’école qui serait responsable de tous les maux !
1. Tout d’abord pour rappeler que le travail à domicile après l’école est indispensable pour, par
un travail personnel, fixer les connaissances acquises et aussi permettre de mettre le doigt sur ce
qui n’a pas été compris de manière à ce qu’il soit réexpliqué.
2. L’effort individuel de l’élève fait partie du processus normal d’acquisition de connaissances et
de compétences maîtrisées. Les devoirs doivent évidemment être conçus pour permettre ces
acquisitions et fixations dans la mémoire de longue durée, processus indispensable si on veut
progresser. Ces devoirs comprennent entre autres la nécessité d’un travail personnel
indispensable de compréhension et de mémorisation longue durée. Ce travail de mémorisation
postérieur à la compréhension doit permettre à l’élève de suivre efficacement les cours suivants et
aussi de pouvoir expliquer avec ses propres mots la matière assimilée. Il ne s’agit en aucun cas
d’apprendre par cœur mais de savoir isoler les choses importantes du bla-bla. Anonner comme un
perroquet n’est pas maîtriser un sujet. Seuls doivent être mémorisés par cœur les poèmes et dans
les cours de sciences et mathématique les définitions et formules (dont il faut connaître
l’utilisation pour pouvoir les appliquer).
3. Le mot effort semble gêner. Pourtant, il n’y a pas maîtrise des connaissances sans effort, cela
est vrai aussi bien pour les matières intellectuelles que pour les sports.

Une vie trop irrégulière


Ce ne sont pas ces devoirs qui provoquent le burn-out. Il faut constater que la plupart des ados
n’ont pas une vie régulière : couchers trop tardifs par exemple. Combien de fois en tant que
professeur n’ai-je pas eu le lundi matin et même d’autres jours des élèves assoupis et incapables
d’assimiler une matière quelconque parce qu’ils vont se coucher à des heures indues. Une bonne
nuit de sommeil est indispensable pour pouvoir profiter d’un enseignement. Un travail régulier et
continu est aussi indispensable. Cela n’empêche pas d’avoir des loisirs et autre occupations.
Il faut apprendre à s’organiser et ne pas se disperser, la concentration est un facteur de rapidité
dans le travail.
Pour mémoire dans les années 60, les étudiants du secondaire avaient selon les orientations 36 à
40 périodes de cours par semaine et au minimum deux heures de devoirs et leçons à domicile.
Actuellement, ils ont de 28 à 32 périodes.
La fatigue nerveuse, l’épuisement ne vient pas de l’école mais d’une vie qui ne respecte plus les
rythmes naturels et les heures de repos indispensables. Sans compter une multitude d’activités
sportives ou autres parfois imposées par les parents. Mais alors, quand l’enfant peut-il trouver le
temps de souffler, de jouer, de rêver de se laisser vivre ?
Dans un autre article, « pression éducative », Madame Ariane Baye de l’ULg dit qu’une
surcharge de travail conduit à des inégalités entre élèves et à un manque de motivation. Elle
ajoute que les élèves ne comprennent plus le sens de l’école, pensant qu’elle n’est là que pour
évaluer et juger en permanence.
Quelle triste opinion elle se fait de l’enseignement, où les professeurs n’ont qu’un but : amener le
maximum d’élèves à l’autonomie et au sens des responsabilités. Les anciens grecs disaient
« Connais-toi toi-même ». Le travail à domicile leur permet justement de s’autoévaluer, ce qui est
le stade à acquérir pour l’autonomie. Quant aux inégalités elle oublie que tous les individus ne
sont pas identiques et n’ont pas les mêmes potentialités : c’est la nature qui est injuste.
Cessez de toujours tout mettre sur le dos de l’école et des enseignants. Les rythmes de la société
hors école, les désordres familiaux, les familles décomposées ou recomposées, tout cela contribue
bien plus que l’école aux situations de dépression des adolescents.
Le droit à une enfance
Marie-Eve Lapy-Tries, maman de trois enfants
Mis en ligne jeudi 10 mars 2016, 13h29
5. La mission de l’école est d’instruire les enfants, pas de les garder pendant que les
parents travaillent ou d’organiser des activités extra-scolaires. L’épanouissement,
l’éducation, l’apprentissage de la vie, s’acquièrent aussi par du temps paisible passé en
famille.

Maman de trois jeunes enfants, j’ai appris comme tout le monde dans la presse que des
associations de parents, dont la Ligue des familles, réclamaient de porter le temps d’école jusqu’à
17h, voire 19h.
Je ne me sens pas du tout représentée par ces associations de parents et souhaiterais faire entendre
la voix des autres parents, ceux pour qui une relation personnelle avec leur enfant est importante.
Nous connaissons tous, nous les parents, la difficulté de concilier notre vie professionnelle avec
notre vie de famille. En tant que travailleurs, il est évidemment plus facile de ne pas avoir de
contraintes horaires ou d’enfants qui sortent à 15h30 de l’école. C’est effectivement compliqué à
gérer. Mais il existe bien d’autres solutions bien moins contraignantes pour ce faire et résoudre
les problèmes pointés par les associations de parents.
Les associations de parents pointent le fait que les devoirs seraient faits à l’école. Tout d’abord,
rappelons qu’il existe des écoles qui ne donnent pas de devoirs aux enfants. La surenchère de
travail scolaire est souvent réclamée par certains parents, mais n’est pas un gage de qualité de
l’école.
Ensuite, s’il existe des budgets pour allonger le temps scolaire, pourquoi ne pas proposer, après
l’école, une étude surveillée facultative, mais gratuite ?
Les associations de parents pointent la lutte contre les inégalités. Je ne vois pas comment
l’allongement du temps scolaire répondrait à ce problème. Par contre, s’il existe des budgets pour
allonger le temps scolaire, pourquoi ne pas plutôt financer une école qui serait réellement
gratuite, l’intégration de certains types d’enseignement spécialisé dans la filière classique ainsi
que des remédiations intégrées directement au temps de classe, comme cela se fait en Finlande ?
Les associations de parents pointent l’accès aux activités parascolaires, qui pourraient se donner
sur le temps de midi. Tout d’abord, les activités extrascolaires ont ceci de particulier qu’elles se
font en dehors de l’école avec une infrastructure adaptée : terrain de foot, salle de danse, salle de
musique…
Ensuite, le décret ATL visait déjà un accompagnement de qualité du temps extra-scolaire : nous
avons déjà un outil. Pourquoi ne pas l’utiliser ? De plus, quid de la liberté de l’enfant de choisir
ce qui lui plaît le plus, ou de ne pas faire du tout d’activités s’il préfère lire dans son coin ? Enfin,
s’il existe un budget pour allonger le temps scolaire, pourquoi ne pas le consacrer à une garderie
de qualité, et des parascolaires facultatifs mais gratuits pour les enfants dont les parents
choisissent de les laisser à l’école ou sont dans l’obligation de le faire ?
Bref, si je serais la première à soutenir une revendication de garderie gratuite, de parascolaires
gratuits, d’étude surveillée et personnalisée ou de prévention « à la source » de l’échec scolaire,
je refuse l’allongement du temps scolaire pour les raisons suivantes :
– Les parents sont par priorité responsables de l’éducation de leurs enfants. Pour cela, il faut leur
laisser exercer cette responsabilité. Pour certains parents, cela passe par le choix d’une relation de
qualité qui ne s’établit pas en une demi-heure au moment du rush bain-souper-dodo. Eduquer,
cela prend du temps.
– Adapter les enfants au travail des parents, ce serait encore dire qu’il n’y a pas d’alternative au
capitalisme marchand. L’enfant n’a pas à s’adapter à l’entreprise. L’enfant a droit à sa vie
d’enfant. Pourquoi ces parents qui disent ne pas avoir le choix ne réclament-ils pas plutôt une
réduction du temps de travail pour passer plus de temps en famille mais préfèrent-ils réclamer
qu’on garde leur enfant plus longtemps en classe ? C’est symptomatique de notre temps !
– L’école est faite pour instruire les enfants, pas pour les garder quand les parents travaillent.
C’est une insulte au travail des instituteurs de leur imposer d’énormes journées au détriment des
préparations, donc de la qualité des cours qu’ils donnent. Etre attentif au bien-être au travail de
nos enseignants, c’est aussi bon pour nos enfants !
– Certains enfants supportent mal la collectivité ou sont harcelés à l’école. Plusieurs suicides
d’enfant ont d’ailleurs été rapportés ces derniers temps dans la presse. Pour ces enfants-là,
l’allongement du temps scolaire, c’est l’enfer qui se prolonge. D’ailleurs, s’il existe des budgets
pour allonger le temps scolaire, pourquoi ne pas réduire le nombre d’élèves par classe et prévenir
le harcèlement ?
– Je ne cache pas ma crainte d’un certain embrigadement. L’école, aussi bonne soit-elle, ne
donne qu’un point de vue sur le monde. Il est important que mes enfants puissent voir d’autres
sortes de gens que ceux qu’ils fréquentent à l’école, à commencer par côtoyer d’autres adultes et
des personnes âgées. Nous ne sommes pas, nous parents, toujours d’accord avec ce qui se passe à
l’école et transmettons d’autres valeurs quand nous sommes avec nos enfants. Par exemple, j’ai
lu avec effroi hier que la ministre de l’Enseignement propose une camisole de force pour les
enfants difficiles. Pour moi qui suis strictement non-violente, cela s’apparente à de la
maltraitance. J’ai heureusement confiance dans le fait que l’école de mes enfants ne pratiquera
pas cela, mais en allongeant le temps scolaire, nous aurons encore moins de prise sur ces choses
qui contreviennent gravement à nos valeurs. L’allongement du temps en collectivité est d’ailleurs
souvent observé dans les pays dictatoriaux.
– Pour finir, ce n’est pas très à la mode de dire qu’on aime passer du temps avec ses enfants et
qu’on n’a pas très envie de s’en débarrasser. Ça fait mère ou papa poule et les psys n’aiment pas.
Pourtant, c’est mon expérience et celle d’une multitude d’autres parents. Je pense que ce temps
paisible passé ensemble est aussi important pour leur éducation que l’instruction en classe.
En conclusion, s’il existe des budgets pour allonger le temps scolaire, je vois beaucoup d’autres
utilisations plus judicieuses pour cet argent. Je demande donc que tous les parents soient
entendus, même ceux qui sont contents des horaires de cours actuels et donc, crient moins fort
que les autres.
Violences faites aux femmes : au-delà des mots, de l’action. Et vite!
Kattrin Jadin, députée Fédérale (MR)
Mis en ligne mercredi 9 mars 2016, 15h03
Journée des droits des femmes

6. La lutte contre les violences faites aux femmes ne constitue toujours pas une
priorité de l’Etat belge, pas plus que le combat pour l’égalité des sexes dans le monde du
travail, ni le sort des femmes violentées dans le cadre des conflits armés.
Je suis une femme de 35 ans. Née en 1980, les combats pour les droits des femmes, j’en ai
naturellement recueilli les fruits et… par instants même, avec une certaine nonchalance.
Aujourd’hui, désormais, la gratitude que j’éprouve envers celles qui se sont battues pour ma
liberté, pour ma considération en tant que femme, l’admiration que j’ai pour celles qui ont permis
cet épanouissement professionnel et privé, est infinie. Pourtant, force est de constater que ces
droits ne sont toujours pas acquis.

Une violence encore trop sourde


Les crises multiples qui secouent la planète me poussent à rester non seulement vigilante, mais à
porter à mon tour le flambeau pour les femmes qui souffrent, où qu’elles soient. Que ce soit dans
l’exercice de leur droit au travail, dans l’enceinte familiale, au sein de leur communauté
religieuse voire parfois même dans certains cercles philanthropiques. Cette souffrance est
plurielle et sourde. Rien qu’en Belgique, Les plaintes pour violence conjugale se chiffrent au
nombre de 18.328 sur ces quatre dernières années et ce n’est probablement que la pointe visible
de l’iceberg. Qu’elle soit physique ou morale, la violence faite aux femmes, au quotidien, n’est
que trop rarement mise en lumière. Son combat, malheureusement, ne constitue toujours pas une
priorité suffisante de l’Etat belge, peu importe le niveau de pouvoir. Il faut le dire et le dénoncer.
Notre pays vient pourtant de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe, dite Convention
d’Istanbul. Considérée déjà comme un modèle du genre, elle pourrait contribuer à garantir un
cadre juridique international clair pour condamner plus fermement les violences faites aux
femmes. Il est évidemment louable de vouloir donner une aspiration universelle à cette
convention, mais encore faut-il qu’elle puisse engendrer de meilleurs outils juridiques au sein
même des états signataires. Ce n’est pas encore le cas.
La violence sexuelle dans le mariage, par exemple, n’est toujours pas considérée comme une
infraction pénale dans tous les pays d’Europe. Elle est même parfois encore vue comme une
pratique culturelle ou une tradition. Pire, elle peut même être considérée comme une circonstance
atténuante dans certains cas, comme les crimes d’honneur ou les mutilations génitales.

Une meilleure représentation


Députée fédérale depuis 2007, j’ai constaté en Belgique comme à l’étranger, qu’il était plus
difficile pour une femme de percer dans le monde politique et dans la haute fonction publique.
Nous nous devons de forcer les portes de cet ostracisme vis-à-vis des femmes qui, à qualités
égales ou supérieures, ne parviennent pas à conquérir des postes à responsabilité. Les habitudes
demeurent tenaces. Il faut briser ce plafond de verre et oser imposer, pendant un laps de temps
déterminé, des quotas. Bien sûr je préférerais une évolution naturelle, mais notre patience a
dépassé ses limites, il faut passer par des voies plus contraignantes. Voies qui ont déjà démontré
leur efficacité, en France notamment.
Sur 150 députés à la Chambre, nous ne sommes que 57 femmes à y siéger alors que nous
représentons 50,8 % de la population. A l’échelle mondiale, la moyenne tombe même sous la
barre des 20 % de présence dans les enceintes législatives (chiffres de 2011).
L’effort doit également se porter au sein du monde entrepreneurial. Selon une récente étude
pourtant, les mentalités évoluent, lentement. La représentation des femmes au sein des conseils
d’administration des entreprises a en effet doublé en 6 ans. De 8,2 % en 2008 elle est passée à
12,7 % en 2012 et à 16,6 % en 2014.
Devons-nous pour autant nous en satisfaire ? Poser la question c’est déjà y répondre.
Enfin, il serait réducteur de résumer notre démarche à une simple posture intellectuelle ou
philosophique. Devant ces inégalités, il faut s’engager, se battre, agir.

Un symbole : les femmes de réconfort


Le sort des femmes Yézidies m’a profondément blessée. Alors que 70 ans après, le Premier
ministre japonais vient seulement de s’excuser – du bout des lèvres – auprès des dernières
survivantes chinoises et sud-coréennes forcées de servir de femmes de réconfort durant la
Seconde Guerre mondiale, je m’insurge que des femmes irakiennes subissent aujourd’hui le
même sort et soient les esclaves sexuelles de Daesh.
L’Histoire ne peut mentionner ces exactions comme de simples dommages collatéraux, présents
dans tout conflit. Pour ne pas que cela devienne le cas, j’organiserai un colloque le 19 mai
prochain, dans l’enceinte du Parlement Fédéral, sur la question des femmes Yézidies. Si le but
premier sera de rappeler à tous le destin de ces femmes qui risquent leur vie pour leur liberté et
leur considération, nous en appellerons également à des mesures concrètes en profitant de la
venue de Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères.
Le sujet est trop grave, la situation trop urgente. Il faut dépasser les effets d’annonce et proposer
des pistes d’actions immédiates.
outenir l’agriculture. Oui, mais… laquelle?
Patrick Dupriez, ingénieur agronome et coprésident d’Ecolo et Philippe Baret, professeur
de génétique et d’agroécologie à l’Université de Louvain 
Mis en ligne jeudi 10 septembre 2015, 11h24

7. Il est temps de redonner un souffle à notre agriculture. Une carte blanche de


Patrick Dupriez, coprésident d’Ecolo et Philippe Baret (UCL)

8. Sur le même sujet


 Le 11h02: «La colère des agriculteurs risque de ne pas être entendue»
Le prix des produits agricoles est fixé par une mécanique qui, comme pour le pétrole, laisse jouer
les lois du marché. Ainsi, même si 90 % des produits laitiers sont vendus sur le marché national,
ce sont les prix les plus bas sur les marchés mondiaux qui sont appliqués.
Au niveau européen, la tendance est de favoriser une alimentation bon marché et standardisée,
commercialisée majoritairement par de grands groupes de transformation et de distribution. Au
niveau mondial, les prix sont décroissants sur le long terme avec des soubresauts. Tout cela ayant
comme conséquence une concurrence féroce qui amplifie la course au prix le plus bas pour le
producteur.

Quatre victimes
Ce choix politique d’une agriculture bon marché à tout prix hérité de l’après-Seconde Guerre
mondiale a fait quatre victimes.
L’agriculture familiale d’abord, progressivement détruite par une logique de spécialisation, de
mécanisation et de standardisation favorisant des exploitations de plus en plus grandes. Ces 30
dernières années, la Belgique a perdu 43 fermes chaque semaine, et 60 % de sa main-d’œuvre
agricole.
Les équilibres écologiques et climatiques ensuite, sur lesquels l’agriculture conventionnelle a un
impact significatif : pesticides, fertilisation, érosion… Tous ces dégâts environnementaux ne sont
pas pris en compte dans le prix final des produits. Le modèle agricole industriel est favorisé par
une sorte de droit de polluer gratuitement.
La troisième victime de la course au prix bas est la santé du consommateur mise à mal par des
produits reconnus par tous comme de faible qualité, trop gras et trop sucrés, parsemés d’additifs
divers.
Et finalement, l’idée même d’un modèle différent de gestion de nos systèmes alimentaires, de nos
paysages et de notre développement rural est sacrifiée à une course sans espoir à la compétitivité.

Trois trajectoires possibles


Le principal, sinon le seul, avantage que pourrait faire valoir l’agriculture européenne sur le
marché mondial est sa différence. Alors pourquoi accepter les règles d’une mondialisation qui
fait de nous des perdants au prix d’une perte de qualité de vie et de valeurs ?
Trois trajectoires sont actuellement possibles pour les agriculteurs :
– La fuite en avant, basée sur la poursuite et l’optimisation du modèle actuel par l’agrandissement
et l’industrialisation. Les quantités produites augmentent, les marges sont toujours plus faibles.
La seule solution devient l’exportation sur un marché mondial où la concurrence est énorme.
C’est la solution privilégiée par les syndicats agricoles dominants et par les agriculteurs qui s’en
sortent le mieux dans ce marché faussé.
– La seconde option est celle d’une agriculture familiale plus autonome en énergie et productrice
de ses propres aliments pour bétail. Produire du lait à partir de la consommation d’herbe des
prairies pâturées (et non en utilisant des aliments venant d’outre-Atlantique) rapporte par
exemple en moyenne 15 % de moins en revenu mais coûte 76 % de moins en énergie. C’est donc
une solution qui a un avenir.
– La troisième voie est celle de la différenciation et de la relocalisation. Son modèle de référence
est l’agriculture biologique. Le choix est alors celui de la qualité des produits, de la cohérence
environnementale dans les choix d’alimentation (refus des OGM, valorisation des fourrages
produits sur l’exploitation) et de gestion des sols. Il implique aussi des filières économiques plus
courtes maintenant la valeur ajoutée de la production par une relation directe avec le
consommateur.
Chacune de ces trajectoires a ses arguments, ses champions et surtout sa logique. Ces différents
modèles sont à des instants différents de leur développement et c’est peu dire qu’ils n’ont pas
rencontré le même soutien politique, en termes de financement, de publicité et de recherche au
cours des soixante dernières années. A titre d’exemple, le soutien aux biotechnologies dans le
cadre des programmes de recherche européen en agriculture ont quadruplé sur dix ans alors qu’ils
stagnent pour l’agriculture biologique.
Pour sortir de la crise, un changement profond de trajectoire est donc nécessaire. Les options les
plus pertinentes pour demain sont déjà à l’œuvre aujourd’hui dans la diversité du monde agricole.
Il est cependant temps de rétablir un équilibre dans les options que nous soutenons. Augmenter
les prix, subsidier la production, n’aura pour conséquence qu’une poursuite du déséquilibre en
faveur du modèle productiviste qui se révèle être une impasse. Impasse sociale, économique,
environnementale, culturelle et même démocratique si l’on considère que la souveraineté
alimentaire n’est pas compatible avec l’accaparement de l’ensemble de notre système alimentaire
par quelques firmes multinationales.
Une agriculture européenne originale et durable qui pourrait servir de modèle pour d’autres
agricultures du monde suppose des choix radicaux de réallocation des moyens pour développer le
potentiel des trajectoires qui n’ont pas été soutenues jusqu’ici autour de l’agriculture familiale,
paysanne et agroécologique. La crise qui amène les agriculteurs à Bruxelles ne peut se résoudre
en faisant un peu plus de la même chose – investir pour produire plus à bas prix – mais en osant
un vrai changement de modèle.
IDÉES
Quel avenir pour les terres agricoles de Québec?
29 juin 2016 | Vincent Galarneau - Conseiller agriculture et environnement
pour Vivre en Ville |Québec
Photo: Renaud Philippe Le DevoirLes terres agricoles des Sœurs de la Charité ont été vendues au
Groupe Dallaire. Elles auraient pu devenir le cœur nourricier de la ville.
L'actualité des dernières semaines confirme que l’agglomération de Québec
prévoit urbaniser des centaines d’hectares de terres agricoles d’ici deux ans.
C’est inscrit dans son projet de Schéma d’aménagement qui faisait
récemment l’objet de consultations publiques. Le bloc de terres visé,
l’équivalent de 900 terrains de soccer, est principalement situé dans
l’arrondissement de Beauport. L’urbanisation est-elle le seul avenir possible
pour ces terres ?
 
Depuis des siècles, nous urbanisons les terres qui jadis nourrissaient. C’est
plus facile ainsi : les terres agricoles sont défrichées, nivelées, souvent
drainées, et elles coûtent généralement moins cher que les terrains au
centre-ville. Ensuite, c’est « business as usual » : des tuyaux, de l’asphalte,
des poteaux, des maisons, etc. Après tout, il faut bien saisir sa part de la
demande résidentielle, non ? Eh bien non, justement, avec les connaissances
et les enjeux actuels, on ne peut plus se permettre de faire les choses
comme avant. L’étalement urbain doit être la dernière option. Nous pouvons
croître sans nous étaler. Prioriser la consolidation des milieux existants, en
particulier ceux situés à proximité des transports en commun, tout en
renforçant la vocation nourricière du territoire.
 
Les terres vraiment cultivables sont rares au Québec. Environ 2 % du
territoire. À titre de comparaison, en France, c’est plus de 50 % du territoire
qui est cultivé. Et pour cause, il faut bien se nourrir, et la bouffe ne pousse
pas dans l’épicerie. Cette dernière serait d’ailleurs vide en quelques jours en
cas de crise majeure. Or, la population mondiale est de plus en plus
nombreuse et, malheureusement, les terres fertiles, elles, continuent d’être
avalées par une urbanisation débridée partout sur la planète. Rien pour
atténuer l’effet des changements climatiques ou améliorer la sécurité
alimentaire.
 
Terres des Soeurs de la Charité
 
Une terre agricole n’est pas une réserve pour l’urbanisation, c’est un
patrimoine culturel et naturel qui nous rend de nombreux services
économiques, écologiques et sociaux, surtout lorsqu’elle est cultivée selon
des méthodes agroécologiques et qu’elle est ancrée dans les besoins d’une
collectivité. Tout comme il convient de protéger les sources d’eau potable,
nous avons la responsabilité de protéger nos sources d’alimentation de
proximité.
 
Pour simplifier les choses un peu, prenons uniquement le cas des terres des
Soeurs de la Charité de Québec, récemment acquises par le Groupe Dallaire
par l’entremise de la fondation Terres d’espérance. Le site constitue un
espace ouvert agricole de plus de 200 hectares jouant un rôle important
dans l’organisation spatiale et le paysage de la Ville de Québec. Il offre une
vue panoramique exceptionnelle sur le fleuve Saint-Laurent, la rive sud et
l’île d’Orléans. Il s’agit d’une des plus anciennes concessions de la Nouvelle-
France. Le sol y est de très bonne qualité (classes 2 et 3) et propice à
l’agriculture maraîchère. Mais que peut-on faire pour mettre en valeur ces
terres? me direz-vous.
 
Rares sont les grandes villes qui ont la chance, en 2016, d’avoir en leur sein
de vastes terres agricoles d’une grande qualité. Face à cette incroyable
occasion, il faut voir plus loin que de nouveaux lotissements résidentiels. Il
faut imaginer collectivement une vision rassembleuse pour que cet espace
ouvert devienne un immense parc agricole et récréatif, accessible à tous, qui
fera rêver les villes du monde dans 100 ans et plus encore.
 
Ferme urbaine
 
À vocation d’abord nourricière, cet espace ouvert au public pourrait
comprendre un incubateur d’entreprises agriurbaines, une ferme maraîchère
bio-intensive et un verger diversifié destinés à nourrir des milliers de familles
et à approvisionner les banques alimentaires, des parcelles de culture en
location pour les citoyens désirant cultiver eux-mêmes leurs aliments, des
prairies mellifères pour enrichir le paysage et créer des habitats pour les
pollinisateurs, des sentiers pédestres et cyclables pour permettre à la
population de bénéficier pleinement de cet espace tout en faisant de l’activité
physique, des espaces pour accueillir des foires artistiques, gourmandes ou
agricoles, des activités de recherche et d’enseignement, des camps de jour,
des classes nature et j’en passe !
 
Vous croyez que tout cela est utopique ? Loin de là. Des projets similaires
existent au Québec et ailleurs. Prenez par exemple la Ferme Heritage Miner à
Granby, la Ferme Moore soutenue par la Ville de Gatineau, la Ferme Solidar
des Soeurs du Bon Conseil à Saguenay, l’Éco-territoire en devenir à
Longueuil ou encore l’Intervale à Burlington au Vermont. Tous ces projets
renforcent à leur manière les liens entre les mangeurs et les agriculteurs,
entre le développement urbain et l’agriculture de proximité. Aucun de ces
projets, toutefois, ne dispose d’un potentiel aussi important que les terres
des Soeurs de la Charité de Québec. Allons-nous saisir cette occasion ?
 
Un projet d’aménagement participatif
 
Nombreux sont les citoyens qui aiment leur ville et qui souhaitent aussi la
rendre plus attrayante, plus durable et plus résiliente. Nous sommes en droit
d’espérer participer à définir l’avenir de cet immense domaine dont la
mission fondamentale est de nourrir la population. Pourquoi ne pas en faire
un vaste projet d’aménagement participatif ? Oui, un tel projet exigera
plusieurs années de travail et un montage financier créatif. Ce que ça
rapportera, en termes de services écologiques, d’éducation, d’occasions
d’entrepreneuriat, de qualité de vie et d’attractivité pour notre cité est
toutefois inestimable. Sur la base d’une volonté politique clairement
exprimée, la mobilisation citoyenne et l’expertise suivront pour faire de ce
projet un grand succès collectif. Et les enfants de nos enfants nous
remercieront d’avoir su conserver un grand coeur vert et nourricier dans
notre capitale.

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