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Sébastien Laffage Cosnier Média Sport et Santé 16/11/2020

Média Sport et Santé


Le mythe de la pureté du sport et sa remise en cause par le 9e art.
Approche sémio ou média historique

→Comprendre comment les dessinateurs de la 2e moitié du XXe siècle représentaient le sport et plus
particulièrement le dopage

Introduction :
Travail sur l’analyse des iconographies représentant le sport et les pratiques corporelles liées, dans les
cartes postales, les caricatures et les affiches.

1999 : J-F. Loudcher et C. Vivier → analyse de caricatures de la série « la régénération de l’Homme par la
gymnastique », d’Honoré Daumier (aussi peintre, sculpteur et graveur français) témoin de la vie sociale
et politique au XIXe s, publié dans l’ouvrage sport et santé dans l’Histoire.

2012 : C.Vivier, J-N Renaud et J-Y Guillain →étude des représentations des pratiques corporelles de
Martine publiée dans Social History. Histoire touchant une large génération de jeunes filles
francophones.

2014 : S. Laffage-Cosnier et C.Vivier → analyse d’un corpus de photographies du Dr Max Fourestier de


1950 à 1969 : Expériences scolaires menées à Vanves publié dans Santé et EPS, un prétexte des réalités.
Innovations scolaires, permet de mettre en lumière les conceptions de la santé en éducation physique
dans les années 50-60.

Au cours du XXe, les BD construisent un capital culturel chez les jeunes lecteurs, concept de Bourdieu et
Passeron. Fort vecteur d’acculturation, de sensibilisation, d’identification et d’instruction au sport.
Présence du corps, sport et santé est encore visible dans les magasines dessinés d’actualité comme
TOPO (2017).

Ces images sollicitent et questionnent l’imaginaire des jeunes.

Dans cette optique, en 2015, colloque international « Bande dessinée et Sport ».

Les stimulants physiques ne sont pas absents des séries illustrées d’antologies. Dès 1919, le comics trip
the Thumble Theatre = Popeye, succès mondial. Absorption d’épinards en boîte permet aux biceps du
héros américain de tripler de volume (temporaire) → projection des ennemis, force surhumaine.

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Etude de Mike Sutton, cette fiction a contribué et a perpétué le mythe de la forte concentration en fer
des épinards.

Les BD font partie de notre vie culturelle, il est incontournable de s’interroger sur l’image du dopage
qu’elles véhiculent. Paradoxe : auteurs intègrent le sport, le valident comme fait social majeur et les
autres qui donnent une image critique et contestent ses normes.

On va s’interroger sur les effets comiques de deux séries de BD : Astérix et les Schtroumpfs.

 Astérix : la potion magique mondialement connue, décuple les forces de celle/celui qui en boit,
fait partie intégrante du synopsis, puissance du liquide fortifiant. Force surhumaine, victoire de
deux gaulois face à des garnisons entière de Romains. Articulation entre le sport et le dopage
n’est pas absente de cette série. Astérix chez les bretons (1961), gladiateur (1966), aux jeux
olympiques (1968) : rôle positif de la potion magique dans l’issue des combats et des rencontres
sportives. Présence d’un registre éducatif, prévient des effets néfastes du dopage. Perspective
moralisatrice (courante dans les BD), permet de rire des conséquences grotesques de la trop
grande utilisation de potion magique. Registre humoristique : génère une critique du mythe
sportif mettant en avant l’utopie démocratique de l’égalité dans le sport. → message oscille
entre
-préservation de la santé et
-parodie de l’égalité des chances dans le sport. Culture commune, facéties (fictions) d’Astérix
marquent l’imaginaire collectif au point d’atteindre les discours réels sur le dopage.

 Les Schtroumpfs Olympiques (1983) autre regard sur l’athlétisme olympique des années 80.
Peyo contente les attentes fougueuses et critiques de l’impertinente jeunesse autant que celles
institutionnelles symbolisées par les censures ministérielles et parentales soucieuses de paix
sociale. Annihile l’opposition générationnelle, délivre un discours critique auréolé d‘un
message éducatif et optimiste sur le sport. Le traitement schtroumpfant de la délicate question
du dopage en athlétisme dans les années 80 est probant.

I) Chers lecteurs d’Astérix, les produits « magiques » sont nocifs pour la


santé !
Contrairement aux BD antérieures (Bibi Fricotin 1948, les Pieds Nickelés 1957) sans perspectives
moralisatrices, Astérix inaugure une montée progressive d’une dimension éducative → article dans
European Studies in Sport History 2014.

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Discours de Goscinny et d’Uderzo souligne la dangerosité et les effets indésirables de la prise de produits
illicites sur la santé, véritable leitmotiv de la lutte contre le dopage (Partick Laure, Ethique du dopage).

1e album, raison de la supériorité des Gaulois sur les Romains donnée dès le départ. Ingestion d’une dose
périodique de potion permet de réaliser ses exploits. Selon le druide et dès la quatrième planche de cet
album, la substance décuple les forces du consommateur durant une durée limitée. Mystère, recette
secrète. Effets secondaires du dopage sont aussi évoqués au début. Obélix ne peut pas boire de potion
car il était tombé dedans étant petit (gag tout au long de la série). Les effets de la potion sont
permanents chez lui, en boire encore serait dangereux. Exception dans Astérix et Cléopâtre
(circonstances exceptionnelles, que trois gouttes et pas une de plus) → on comprend qu’un surdosage
pourrait être fatal (plus tard, se transforme en granite à cause de ça).

Grande quantité ingérée étant petit responsable de sa puissance physique démesurée. Son
embonpoint, sa forte stature, presque difforme dus à une trop riche alimentation et boisson mais aussi à
la potion, qui a de fortes influences, conséquences sur le corps humain à haute dose, peut le
transformer.

Astérix Le Gaulois. Les Romains en font les frais. Mauvaise potion → fort pouvoir capillaire, barbes et
cheveux poussent.

De manière évidente : premier album, premières cases → mises en avant des risques néfastes et
incontrôlables du dopage. Trop forte concentration de la potion ou la modification de sa recette
peuvent être lourdes de conséquences sur le corps du buveur.

Discours moralisateurs entre en écho avec l’actualité sportives et les discours dénonciateurs du
moment. Sensibilisent leurs lecteurs aux risques du dopage et à ses accidents qui marquent les épreuves
sportives des années 1960.

 Patrick Laure : Histoire du dopage et des conduites dopantes : les alchimistes de la


performance, 2004. Age de déraison, usage des dérivés hormonaux, nombreux décès brutaux de
sportifs en plein effort.
 C. Brissonneau, O. Aubel, F. Ohl → 2008 Epreuve du dopage : sociologie du cyclisme
professionnel.

- 1955, usage d’amphétamines, Jean Malléjac, malaise au mont Ventoux.


- 1957, surdosage d’arsénic, Jean Claude Petit Près, mort.
- 1960, intoxication par injection d’une trop forte dose de stimulants, Danois, mort lors du
100km sur route à Rome.

E. Lê-Germain et R. Leca : article sur la période 1965-1999, publié dans la revue STAPS (revue
internationale de l’éducation physique et des sciences du sport). Les BD montrent que les produits

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dopants génèrent des changements sur le physique, et sont les références nationales des nouvelles
morphologies des sportifs dues aux corticoïdes (ex : Obélix) : joues bouffies, coureurs cyclistes
surnommés le castor, ou Obélix.

C. Brissonneau : article sport nature et dopage en France (1950-2002), ont voit apparaître de nouveaux
morphotypes de lanceurs, à travers la presse sportive, dans les années 60. Enormes, bouffies, on ne peut
plus distinguer les différents groupes musculaires → effets de rétention d’eau des stéroïdes
anabolisants. Kaarlo Kangasniemi, haltérophile finlandais, titre de champion nordique junior en 1958,
puis rupture des muscles abdominaux. Traitement à base d’anabolisants, améliore ses résultats→ titre
de champion olympique à Mexico en 1968 + records du monde grâce à l’augmentation de sa
musculature, de son poids car consommation massive de stéroïdes anabolisants.

A un 1e niveau de lecture on peut rire des conséquences de la boisson magique. 2e niveau, éducation,
prévention et sensibilisation des jeunes lecteurs aux effets dangereux pour la santé de tout produit
dopant : risques sanitaires liés à des produits illicites

II) L’égalité des chances dans le sport : une utopie selon Goscinny et
Uderzo.
Opposé du discours éducatif en lien avec la préservation de la santé → utilisation du registre
parodique, critique du mythe sportif de l’égalité des chances, dérision d’un fondement du sport lié à de
nombreuses règles et au principe de loyauté et de fair-play.

1964 : Astérix Gladiateur. Question de l’égalité des chances. Astérix boit sa gourde de potion, César
commande à ses hommes de combattre sans leurs armes. Astérix proteste : « la lutte ne sera pas égale,
s’ils ne sont pas armés ». Ambiance parodique : massacre collectif des Romains. Rompt avec le simulacre
égalitaire de l’affrontement physique→ mise en scène d’une lutte déséquilibrée, par la culture de
l’adjuvant comme instrument du dépassement de soi dans le sport contemporain (I. Queval,
S’accomplir ou se dépasser, essai sur le sport contemporain).

Après le carnage, César remarque que le peuple aime les combats déséquilibrés, forces inéquitables. La
potion sert aussi à diminuer les facteurs susceptibles d’entraver la performance, cette BD montre ces
deux effets recherchés dans le dopage comme le souligne P. Laure dans Histoire du Dopage, les
alchimistes de la performance.

1966 : Astérix chez les Bretons. Histoire du tonneau de potion, soldat embarquent tous les tonneaux et
les goûtent tous pour tenter de trouver le bon. Critique de l’alcoolisme, éducation, message
moralisateur sur les risques de l’effet de l’abus d’alcool. Echo du tournois des 5 nations au rugby.

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Joueur le plus malingre récupère la calebasse. Enorme brute saute sur sa tête, et l’enfonce dans le sol,
Ipipourax sort sur une civière, démoli. Un soigneur lui administre de la potion magique, il recouvre ses
capacités et ses forces sont décuplées, il marque tous les essais de son équipe.

Toutes ses victoires écrasantes des Gaulois ou ces rétablissements spectaculaires des athlètes se
déroule dans un contexte historique important.

→Lutte contre le doping initiée au début des années 1960 (cf P. Laure) les instances sportives
admettent le fait que les rencontres sportives deviennent profondément déloyales.

Dopage et société P.Laure, diverses organisations internationales s’engagent pour tenter d’enrayer le
fléaut de la tricherie chimique.

- 1960, JO de Rome, congrès international de psycho-ergo-pharmacologie présente une


motion pour encourager la lutte contre le dopage.
- 1962, Florence, deux tables rondes sur cette thématique organisées par la fédération
internationale de médecine du sport.
- 1963, colloque européen d’Uriage les Bains, présidé par Maurice Herzog placé sous le
patronage du Haut-Commissariat à la Jeunesse et au Sports. Définition du doping et
proposition de création d’une instance internationale chargée de lutter et de prévenir le
dopage.
- 1966, parution de l‘album Astérix chez les Bretons. S’inscrit dans la lignée de ces réflexions
internationales.

1968 : Astérix aux Jeux Olympiques consacre le mieux les représentations du dopage dans le sport.

Abraracourcix : « Avec la potion magique, nous sommes sûrs de remporter la palme. C’est comme ça
que je comprends le sport, pas d’incertitude. » Organisation des sélections, tous ont droit à une louche
de potion magique, permet l’égalité des chances entre eux et avec Obélix. Sélection très difficile. Tous les
coureurs sont au même niveau. Critique des sportifs contemporains qui seraient tous dopés
(nombreuses procédures administratives pour freiner l’utilisation de plus en plus massive des produits
illicites). Romains désespérés, inhibés par la participation des Gaulois drogués à la potion. A Athènes :
font tout pour se procurer le tonneau de boisson et tombent dans le piège des Gaulois qui eux
respectent le règlement officiel et s’interdisent d’en boire. Ils sont disqualifiés !

Désirs irrésistibles des Gaulois et des Romains d’avoir accès à la potion révèle une croyance bien ancrée
dans la société. On ne peut être performant ou en bonne santé sans faire appel à une assistance
artificielle ou à un produit miracle.

I. Queval, philosophe des Sports, S’accomplir ou se dépasser, essai sur le sport contemporain, 2004 : Le
dopage dans le sport apparaît comme un auxiliaire de la performance nécessaire et comme un moyen
psychologique de palier des fragilités.

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La BD illustre justement cela. I. Queval crée un concept y faisant référence : Le complexe d’Astérix, 2001.
Ce qui pousse les Hommes ou les athlètes à utiliser des compléments alimentaires ou à transgresser les
lois sportives est le complexe d’Astérix.

Ici encore, comme pour les cyclistes dopés identifiés à Obélix un transfert se produit entre le geste
historique d’Astérix qui prend sa potion magique pour se fortifier et la création d’une expression
française accolée au monde de la compétition sportive de haut niveau.

Pour Goscinny et Uderzo, la lutte contre le dopage contribue à augmenter les inégalités entre les
concurrents.

P. Laure, éthique du dopage, 2002, paradoxalement les conduites dopantes paraissent favorables à la
personne comme à la société puisqu’elles sont susceptibles d’accroître la performance comme la
productivité et elles offrent des chances d’égal accès à la réussite. Gavés de potion magiques et
possédant la même force (Gaulois aux sélections et Romains durant la course aux JO) → égalité, ne
peuvent se départager.

III) Les effets schtroumpfants du dopage


Interrogation sur les effets comiques mobilisés sur les BD olympiques et sur la critique généralisée du
phénomène sportif et sur l’olympisme qui s’avère concordante avec la vision des jeunes générations
des pratiques compétitives.

 1983 : les Schtroumpfs Olympiques → 260 000 albums/ans, 2 millions en France entre 2003 et
2011, 30 millions dans le monde, traduits en 25 langues sans oublier les lecteurs de Spirou.
Réussi à satisfaire 2 registres générationnels opposés : les attentes critiques et fougueuses de
l’impertinente jeunesse ainsi que les demandes institutionnelles symbolisées par la censure
parentale et ministérielle soucieuse de paix sociale. Annihile l’opposition générationnelle, délivre
un discours critique auréolé d‘un message éducatif et optimiste sur le sport. Le traitement
schtroumpfant de la délicate question du dopage en athlétisme dans les années 80 est probant.

Publié dans la revue European Studies in Sport History, analyse approfondie montre qu’après les
thèmes de réglementation et arbitrage (23,9% des cases sportives), réglementation et
entraînement (23%) il y a la tricherie (11,5%). Dopage : cœur de l’intrigue → cruciale question du
dopage.

« Schtroumpf chétif ne parvient pas à progresser malgré ses efforts, compassion du lecteur.
Veille des Olympiades croise le grand schtroumpf qui lui demande « Tu as confiance en moi ? »
suggère une réponse positive « mais bien sûr ». → Résume tout à fait la situation du dopage des
sportifs suivant aveuglément les indications et les médications d’un pseudo soigneur, d’un médecin
ou même d’un policier. G-S lui donne donc une mixture violette dont il doit s’enduire le nez avant les
épreuves. Il part donc ragaillardi. »

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Le dopage d’Etat, via la Stasi (police secrète de la république démocratique allemande RDA), rationnel
et systématique application de cette vignette. L’athlète s’en remet totalement à l’institution médicale ou
à tout autre institution intéressée à son succès.

- Produits anabolisants (hormones mâles effets impressionnant sur la musculature des


femmes athlètes) permettent aux Allemandes de l’Est de gagner 9 titres olympiques sur 14
en athlé, 4/5 en aviron, en natation. Total de 40 médailles d’or pour la RDA en 1976, 47 en
1980 et 37 en 1988 (cf article de 1999 de B. Olivier sur le dopage dans Science et Vie).

Peyo y fait référence, symbolise le médecin de la RDA avec le Grand Schtroumpf entouré de fioles et
récipients mystérieux. Réussit en une planche à dresser la situation qui conduit un athlète à franchir la
mince barrière qui sépare le soin du dopage. Tous les moyens sont bons pour transformer le rapport de
force dans les stades. Raison légitimée par la faiblesse du concurrent. « shhhhhhh » du G-S → les
athlètes ne doivent pas révéler cette prescription, silence qui entoure ces pratiques.

L’exemple Est Allemand des années 70-80 : les athlètes, nageurs et entraîneurs signalent cette dérive,
mais ni le CIO ni les fédérations des Sports concernées ne réagissent. Secrets se brisent peu à peu lors
du passage à l’Ouest de la sprinteuse Est-Allemande Renate Neufeld en 1977.

Même si schtroumpf chétif s’administre son traitement en cachette, peut on penser que la tromperie ne
sera pas découverte tôt ou tard ?

Chute du mur de Berlin en 1989 puis l’ouverture des archives de la Stasi, dévoilent la vérité. Cynisme
d’un système sportif au service de la guerre froide et des raisons d’Etat. Effet des stéroïdes :
allongement des jambes, menstruations épisodiques, duvet au-dessus de la lèvre, durcissement
douloureux des muscles, raucité de la voix accrue.

Equivalent : Ben Johnson, changements morphologiques outranciers et musculature hypertrophiée,


pulvérise le record du monde du 100m à Séoul 1988. Carrière fulgurante entre 1980 et 1989 de
l’américaine Florence Griffith Joyner (10s49 au 100m et 21s34 au 200m) au JO de 1988.

Contrôles anti-dopage déjoués par la prise de produits masquants, effets secondaires visibles par le
grand publique. Peyo le montre aussi avec le nez rouge du petit gnome. Ce nez est un attribut
clownesque laisse entendre que son jeune lectorat n’est pas dupe, le schtroumpf chétif est bien dopé.
Montre aussi l’effet addictif que cela peut avoir (cf nez rouge de l’alcoolisme que connaissent aussi les
enfants) car le sujet semble aviné, on pourrait faire le lien entre la prise de produit dopants et l’alcool si
on pousse encore la satire, la tricherie se voit comme un nez au milieu de la figure. L’alerte nasale
prévient aussi des dangers de l’alcoolisme et la toxicomanie.

Il gagne dans toutes les discipline, sauf au marathon où cela se corse.

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IV) Heureusement la fin est schtroumpfement éducative !

Novelle ère éducative avec Astérix et le journal pilote publiant des planches de Goscinny et Uderzo. La
tricherie omniprésente et dominante dans les BD olympiques d’avant Astérix : Bibi Fricotin avec 20,7%
des cases concernées en 1948, Les Pieds Nickelés avec 28,4% en 1957 et Bibi Fricotin de 1964 avec 20% ;
s’estompe petit à petit : Astérix 8,4% en 1968, Les Schtroumpfs 11,5% en 1983.

A partir de la fin des années 1960 les discours éducatifs s’imposent dans les illustrés à destination de la
jeunesse. Influencé par le contexte favorable des 30 glorieuses, évolution de la politique éditoriale des
revues illustrées au cours des années 60 a modifié le sens des messages délivrés à la jeunesse.

Transmission des valeurs dites éducatives du sport : suivre les règles, travailler dur pour réussir →
exigence de la société libérale.

A son origine, en 1958, les Schtroumpfs sont soumis aux recommandations de la commission de
censure et à la loi de 1949. Spirou (1 édition en Belgique) sa diffusion en France → volonté générale
protéger l’enfance de toute immoralité et des déviances, crainte de l’invasion des Comics américains :
latente et récurrente.

Considérations qui conditionnent grandement la morale des histoires de Peyo.

1980 : contrôle de la commission de censure et le poids de la loi de 1949 se sont estompés la dimension
moralisatrice change peu.

T. Crépin : Haro sur le Gangster : la moralisation de la presse enfantine (1934-1949) 2001

→ Concurrence des Comics Américains et des journaux illustrés moins sérieux. Il faut s’imposer avec
des productions responsables, ne pas s’écarter des recommandations de la commission de censure.
Sinon perte pour les auteurs, rédacteurs et éditeurs car ce sont les parents avec un certain pouvoir
d’achat, modelés par la commission qui achètent leurs ouvrages à leur progéniture.

Schtroumpfs publiés dans Spirou→ beaucoup plus humoristique que son concurrent Tintin. Les
Olympiques y sont publiés en 1980. Références à l’actualité sont plus ténues. Les valeurs Olympiques
sont de moins en moins bafouées ou sinon : chute partielle pour rappeler à la jeunesse que tout écart à
la morale : la tricherie, la violence, le chauvinisme… est inutile et ne paye pas à long terme.

Peyo réussi le pari de contenter tout le monde. Il blague même sur le sport pour satisfaire le jeune
lectorat (obliger pour lui plaire : amuser et faire rire).

Fin de l’histoire c’est ce qu’il fait. Chétif fatigué, pose ses fesses sur des orties, propulsé en avant, gagne
héroïquement la dernière compétition des jeux. → Drôlerie, modère l’importance de la victoire, critique
des facteurs aléatoires du sport, sans radicalité.

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Peyo se moque un peu des athlètes et de leurs exploits mais ne remet jamais en cause les vertus de ce
grand phénomène social et médiatique de la 2e moitié du XXe s. Parents contents car ce n’est pas une
histoire immorale.

Leçon : on ne peut pas accepter une récompense si on a triché.

Au moment de recevoir la médaille d’or, il se confesse et explique qu’il a utilisé un produit que lui avait
donné le G-S. Tout le monde se tourne vers G-S. Celui-ci explique qu’il lui a donné un pot de gelée de
groseille, le lecteur était convaincu que G-S avait dopé Chétif !

A resituer dans le contexte historique :

1980 : boycott des JO de Moscou

1983 : Olympiade Schtroumpf

1984 : boycott des JO de Los Angeles

On s’interroge sur l’existence d’une critique saillante de l’athlétisme, des sports de compétition et de
l’olympisme à partir des situations burlesques imaginées par Peyo.

Grandes Sagas des stars mondiales : Steve Owen et Sebastian Unco → JO Moscou 1980

Carl Lewis, Edwin Moses, Ben Johnson, Florence Griffith Joyner → 1984 et 1988 Séoul

Illuminent les lecteurs (exploits de plus en plus impressionnants) mais aussi grandes polémiques.

JO de Séoul 1988 → ceux du scandale. 24e olympiades donnent raison à la critique humoristique de Peyo
en 1983. Dopage, Stanasolol, disqualification du vainqueur du 100m (Ben Jonhson), de judokas, des
pentathlètes, des haltérophiles, disqualifications à répétition des athlètes, Canadiens, Australiens,
Bulgares, Hongrois, Espagnol ou autres…

V) Conclusion
La BD a tendance à critiquer le mythe sportif de l’égalité des chances et les excès du sport parmi
lesquels le dopage est un phénomène déterminant.

Perspective éducative→ Astérix insiste sur la dangerosité de certaines substances dopantes s’inscrivant
dans un processus de prévention et d’hygiène publique. Condamnation du dopage + questionnement
sur les conditions de la victoire : « la prise de produits dopants est-elle réellement de nature à rompre
l’égalité sportive en augmenter les chances de victoire ? ».

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Dans le contexte des années 1960, l’album Astérix aux JO ne montre-t-il pas au contraire que la lutte
contre le dopage est déjà obsolète ? L’arrivée collective des Romains sur la ligne d’arrivée est à ce sujet
significative. Si tout le monde se drogue, à quoi sert-il de tenter de gagner une course au cours de
laquelle tous les concurrents arriveront exactement ensemble ?

→La généralisation du dopage produit paradoxalement un rétablissement de l’égalité des chances


parmi les concurrents.

Argument essentiel dans la lutte contre le dopage.

Les aventures d’Astérix facilitent une forme d’association sociale entre la production de performances
exceptionnelles et la prise de produits dopants.

Article du Monde « Sport et forme » espagnol, 2011. Yannick Noa ancien tennisman Français,
s’interroge sur les performances des sportifs espagnols, sur leur domination.

Champion d’Europe en 2008

Champions du monde en 2010

Vainqueurs de la ligue des champions en 2011 en foot, avec Barcelone.

Champion d’Europe en Basket 2011, bronze en Handball championnats du monde en 2011. Vainqueurs
des Tours de France de 2006 à 2010 avec Oscar Perrero, Carlos Sastre et Albert Contador. Raphael Nadal
remporte 6 fois Rolland Garos entre 2005 et 2011.

Pour Y. Noa « le sport aujourd’hui c’est un peu comme Astérix aux JO, si tu n’as pas la potion magique
c’est difficile de gagner. »

On a l’impression que les Espagnols sont tombés dans la marmite.

Il tente de briser le silence : « Arrêtons l’hypocrisie, il faut bien sûr respecter la présomption
d’innocence mais plus personne n’est dupe. La meilleure attitude à adopter est d’accepter le dopage et
tout le monde aura la potion magique. » → Presse espagnol s’est insurgée.

A. Stoll : montre à quel point les modèles typologiques familiers des BD favorisent l’association entre
les exploits sportifs et la suspicion d’utilisation de produits illicites. En tous les cas ce mécanisme
fonctionne à meveille chez Y. Noa.

Pour les Schtroumpfs Olympiques, rien de grave car la morale est sauve.

Olympisme, parents comblés par le dénouement.

Les enfants sont divertis et ont ri des sportifs. L’honnêteté triomphe cependant.

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L’éthique sportive et olympique est respectée → les parents sont donc heureux d’offrir ces ouvrages à
leur progéniture avec un message limpide éducatif et moralisateur.

Contrairement aux athlètes des années radiés des années 1980, Chétif s’est dénoncé de lui-même et n’a
pas attendu une commission antidopage pour le faire, le mensonge lui était insupportable. Il nous faut
signaler la grande subtilité de l’intrigue, réussit à jouer la carte du consensus générationnel.

→ Placebo (attentes subversives de la jeunesse et contrôle parental, critique le sport et ses dérives).

Idée ingénieuse de Peyo car période marquée par la Guerre froide et par deux chocs pétroliers. +++
Inventif.

Slogan de V. Giscard d’Estaing « en France on a pas de pétrole mais on a des idées »

Effet Placebo de Chétif, rappel le slogan d’un soda « il a la couleur de la dope mais ce n’est pas de la
dope ».

Faut-il croire en la conduite dopante soutenue et suscitée par G-S ? Si le placébo est (P.Laure, Dopage et
Société, 2000) « une substance inerte qui prend l’aspect d’un médicament et qui produit les mêmes
effets que celui-ci ». Cette définition laisse entendre que son pouvoir n’est pas négligeable.

La gelée de groseille n’est pas un produit dopant mais elle en a les effets. Travaux de Prokrop débutés en
1957 et poursuivis dans les années 60-70. Conclusion en 1975 : prise d’un placébo peut améliorer le
rendement musculaire, accroître la résistance, diminuer la fréquence cardiaque, faciliter la
récupération après un test d’effort comme le souligne P.Laure.

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