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Littérature en classe de FLE – Groupes Inde 2022

frederique.cosnier-laffage@univ-fcomte.fr

LA DIDACTIQUE DE LA RELATION : PASSER PAR LA VOIX DES LES TEXTES

1. Le racontage : un passage de voix, un passage de vie.


F. Cosnier-Laffage, Extrait de mémoire de M2, « Poésie en Français Langue Maternelle et Seconde : pour
une didactique de la relation. »

« Ainsi, à partir de l’article « Der Erzähler », Serge Martin suggère que le racontage est « l’infini
commencement de l’écoute qui fait voir, de la voix qui fait agrandir le monde », ou encore « un art de vivre
caractérisé par l’écoute ensommeillée ou le don de prêter l’oreille »1. C’est une notion qui lie intimement
celui qui raconte à celui qui écoute, par ce qui est raconté qui devient expérience partagée, activité vécue en
commun et non texte achevé. Des liens s’activent sans cesse, dans une réalité vivante et physique, et non une
abstraction lointaine : « Ce que le narrateur raconte, il le tient de l’expérience, de la sienne propre ou d’une
expérience communiquée. Et à son tour il en fait l’expérience de ceux qui écoutent son histoire »2 ; celle-ci
« s’installe dans la mémoire de l’auditeur » et « s’assimile parfaitement à sa propre expérience », ce qui fait
qu’il « aimera, un jour, la raconter à son tour »3. N’est-ce pas ce que l’on aimerait transmettre à nos élèves ?
A savoir que lire un texte n’est pas décrypter (selon l’idée tenace en didactique de la littérature que le sens
serait voilé, et donc à dévoiler), assimiler un ensemble de savoirs préconçus et fermés, mais s’engager dans
une rencontre, qui ne peut avoir lieu que si les élèves s’engagent, comme sujets actifs. Il s’agit, plutôt que ou
en même temps que d’enseigner à lire ce qu’un texte dit, d’enseigner ce qu’un texte fait, à savoir un « passage
de voix » qui n’est ni plus ni moins qu’un « passage de vie »4.

Dès lors, il s’agirait

de rester à l’écoute de toutes les modalités de passages et d’échanges dans et par les
œuvres : encouragements les plus vifs à les réaliser, les montrer, les mémoriser, et
suggestions d’ouvertures qui jamais ne peuvent s’enfermer dans des généralités mais
toujours doivent s’exprimer dans des formulations vivantes, proches des œuvres lues,
manipulées dans et par l’écoute réitérée.5
En effet,

ce qui compte c’est de faire vivre les œuvres en privilégiant leur activité, leur force qui est
à même de nous faire sujet d’un faire et non d’un répéter ou d’un reproduire, sujet d’une
émancipation et non d’une soumission. Plutôt que de chercher à reconnaître le thème d’un

1
Marie-Claire Martin et Serge Martin, Quelle littérature pour la jeunesse ?, Paris, Klincksieck, « 50 questions », p.57-59.
2
Walter Benjamin, « Le narrateur. Réflexions à propos de l’œuvre de Nicolas Leskov (1936) », dans Walter Benjamin, Ecrits
français. Introduction et notices de Jean-Maurice Monnoyer, Paris, Gallimard, Folio essais, 1991. p.270.
3
Ibid., p.274.
4
Serge Martin, Poétique de la voix, en littérature de jeunesse, Le racontage de la maternelle à l’université, Paris, L’Harmattan,
2014, p.45.
5
Ibid., p.110.

1
Littérature en classe de FLE – Groupes Inde 2022
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"ça parle de" et le propos d’un "ça dit", plutôt que chercher à répéter les procédés d’un
"comment c’est dit" et les critères d’un classement correspondant à une telle ou telle
tradition, les reformulations des œuvres ont pour ambition de faire écouter, faire voir ce
que l’œuvre nous fait et d’en poursuivre l’activité. Plus qu’un produit (culturel, de
mémoire, idéel ou formel), une œuvre est un processus qui ne s’arrête à quelques limites
qu’on lui aurait fixées : pas plus ouverte que fermée, elle est infinie si elle est œuvre, c’est-
à-dire en activité »6.

> QUESTION : quel est le lien entre « racontage » et « expérience » ? En quoi est-ce important pour nos
pratiques de classe ?

2. Application didactique : lier les activités du Dire-Lire-Ecrire en faisant « œuvre


avec les œuvres ».
Voir texte de Serge Martin « Faire œuvre avec les œuvres »

3. BIBLIOGRAPHIE
• BENJAMIN, Walter, « Le narrateur. Réflexions à propos de l’œuvre de Nicolas
Leskov (1936) », dans Walter Benjamin, Ecrits français. Introduction et notices de
Jean-Maurice Monnoyer, Paris, Gallimard, Folio essais, 1991.
• MARTIN, Serge, Poétique de la voix en littérature de jeunesse, Le racontage de la
maternelle à l’université, Paris, L’Harmattan, 2014.
• MESCHONNIC, Henri, Critique du rythme, Anthropologie historique du langage,
Paris, Verdier, 1982.
• MESCHONNIC, Henri, entretien 2 novembre 2007, « Des voix dans la poésie »,
réalisé par Mélanie Bourlet et Chantal Gishoma.
• Un numéro de la revue Le Français aujourd’hui : « Voix, oralité de l’écriture », Paris,
Armand Colin, 2005.
• Un numéro de la revue Résonance générale, Essais pour la poétique : « Penser le
langage, penser l’enseignement avec Henri Meschonnic », Mont-de-Laval, L’Atelier
du Grand Tétras, 2010.
SITES
• « Voix et relation »: http://ver.hypotheses.org/
Notamment: billet de F. Cosnier-Laffage, « Autour de la notion d’oralité chez Meschonnic » :
http://ver.hypotheses.org/1415

• Le carnet « Littécol », notamment le billet de Serge Martin, « enseigner la


littérature à l’école : ni expliquer, ni simplifier, faire œuvre »:
http://littecol.hypotheses.org/98

6
Ibid., p.113-114.

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