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ENRICHIR SON VOCABULAIRE

ou

ÉLARGISSEZ
VOS HORIZONS
PAR LE POUVOIR
DES MOTS NOUVEAUX !
Voici un petit texte qui vous introduira au vocabulaire politique. Lisez-le, et allez ensuite
observer nos personnages politiques pour voir si les mots que vous avez découverts ici
s'appliquent à eux.

LA POLITIQUE
par
André Bougaïeff

Cher ami politicien,

Depuis que vous êtes devenu chef de votre parti, vous m'avez contacté pour que je vous
fasse connaître mon opinion sur les qualités humaines dont il faudrait faire preuve de
manière à poursuivre sereinement votre carrière politique. C'est avec un plaisir non
dissimulé que je vous réponds illico. Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour
la célérité avec laquelle vous avez accédé en un tournemain à votre poste. Il est vrai que
vous avez mis les bouchées doubles, tout en déployant avec sagacité les
stratégies idoines et en utilisant une poliorcétique savante pour assiéger vos ennemis,
comme l'auraient fait un Sun Tzu, un Clausewitz, voire un Machiavel, dans leur
connaissance fine de la polémologie, mais sans la duplicité du claudicant Talleyrand.

Vous me demandez donc mon opinion sur les qualités humaines qu'un bon politicien
doit manifester, sans faire appel à un faire-valoir. Il est évident qu'il est important d'éviter
un certain nombre d'écueils, si vous voulez être respectés de vos commettants. Le trafic
d'influence, les pots-de-vin, la captation, le dol et le népotisme sont à proscrire sur toute
la ligne, de même que la prévarication, et ses défauts voisins comme la malversation et
la forfaiture. Il faut bien peser le pour et le contre avant de se faire le champion
de l'ostracisme d'un groupe particulier. Vos commettants n'apprécient guère également
la collusion ni les manoeuvres collusoires, qui mènent de façon incoercible à
la concussion et au péculat. Certains s'adonnent sans remords à des exactions, à
des extorsions qui vont parfois jusqu'au recel. A une époque passée, dans des sociétés
qui étaient parfois des théocraties, où le religieux était prééminent, nombre d'hommes de
pouvoir ont pratiqué la simonie. Foin de gaspillage des deniers publics! L'art de bien
gouverner, c'est l'art de se gendarmer pour les bonnes causes et de mater ses
impulsions, en mettant de l'eau dans son vin.

Votre image publique repose aussi, et surtout, sur les discours que vous prononcez
devant la plèbe qui vous écoute et bée d'admiration à vos bons mots. Si vos arguties se
fondent sur une rhétorique fuligineuse aux arguments fallacieux parsemés de
termes abstrus et abscons, en d'autres mots, si votre discours est une langue de bois qui
tourne à la logomachie, il est à prévoir que vos réunions politiques se métamorphoseront
en pétaudières qui tourneront au vinaigre. Vous passerez incontinent pour un
politicien retors, véreux ou même vénal, en risquant d'être désigné à la vindicte
publique. Devenez les pourfendeurs de la gabegie! N'imposez pas votre logorrhée aux
personnes qui vous écoutent! Si vous ne suivez pas ces conseils, vous risquez de
devenir la cible de lazzis et de quolibets de la part de personnes qui
vous conspueront, et vous adresseront leurs catilinaires ou
leurs philippiques caustiques. Enfin, vous risquez de vous exposer
aux brocards des contestataires qui vous brocarderont sous les brocarts de l'Assemblée
nationale.
Il arrive que, pour ne choquer personne, un politicien se cantonne dans
un attentisme prudent, doublé d'opportunisme et de démagogie, ce qui génère
immanquablement l'immobilisme. Il faut, bien au contraire, prendre les devants et faire
l'apologie du système qui vous semble le meilleur, tout en évitant de débiter
des inepties. Nous vivons en démocratie, mais ce qui mène les gouvernements,
c'est souvent une ploutocratie ou une gérontocratie, voire une kleptocratie, quand ce
n'est pas une phallocratie, alors que ce devrait être plutôt une méritocratie, puisque nos
sociétés modernes ne vivent pas en autarcie. L'histoire récente a montré que l'agit-
prop n'agissait plus comme auparavant, du temps des régimes communistes et
du rideau de fer et du rideau de bambou. C'était aussi l'époque où
les cryptocommunistes qui vivaient du côté ouest du rideau de fer cryptographiaient leurs
messages pour les transmettre à leurs satrapes. Nous sommes à l'âge de la persuasion
douce par des rhéteurs enjôleurs aux arguties melliflues, qui montrent une propension à
nous amadouer en nous promettant monts et merveilles. Restez persuasifs sans
vous cantonner à l'à-peu-près.

Il reste enfin les qualités qu'il faudrait cultiver, après avoir dénoncé les défauts qu'il fallait
corriger. La première qualité à cultiver est de toute évidence
la probité, la rectitude morale. Sans probité, toute carrière politique à long terme vous est
fermée! Les dessous-de-table, bakchichs et autres pots-de-vin ne sont pas pour vous!
Comme vous êtes au service du peuple, il vous faudra aussi faire preuve d'abnégation et
de mansuétude, et peut-être surtout de longanimité, puisque vous ne pourrez pas tout
changer immédiatement. Il vous faudra par ailleurs combattre le misonéisme, car les
gens craignent le changement, en même temps que, paradoxalement, ils le souhaitent.
On ne pourra pas vous accuser de forfaiture ou de duplicité, car vous aurez fait preuve
de votre bonne foi. Ne croyez pas que cela soit une utopie. Vous avez besoin de ces
qualités pour gouverner.Vous aurez bien pris soin d'expliquer au bon peuple la différence
fondamentale qui existe entre un plébiscite, où l'on vote par oui ou par non, et
un référendum, pour qu'il agisse en toute connaissance de cause lors de votes
importants. Enfin, sachant toujours agir ex professo, mais non ex cathedra, après
avoir ratiociné indéfiniment sur les tenants et les aboutissants de la politique, vous
devrez terminer vos réunions non partisanes par une fête pétulante où vous pourrez
déboucher quelques mathusalem et autres salmanazar en prévision de votre victoire.

Voilà ce que j'avais à vous dire sur le sujet, cher ami politicien. J'espère que vous saurez
faire bon usage de ces recommandations dans les années qui viennent.
SYMBOLES DES RELIGIONS

MOTS SE RAPPPORTANT À LA RELIGION DANS LE TEXTE :

Abjurer, abstème, âge d'or, agnostique, allégorie, âme, anachorète, ange, apostat,
ascète, astrologie, athée, augure, auspices, blasphème, cafédomancie, casuistique,
catoptromancie, chaman, chamanisme, chérubin, chiromancie, cristallomancie, démon,
démonologie, démonisme, démonomanie, démystifier, démythifier, devin, dogme,
empyromancie, expiation, extralucide, fakir, géhenne, gnose, gnosticisme, Gnothi
seauton, grâce, hérésie, hérétique, horoscope, humanisme, illumination, incube,
irrationalité, légende, liturgie, millénariste, millénium, miracle, monothéiste, mysticisme,
mythe, mythologie, nadir, nécromancie, oniromancie, oracle, paranormal, phrénologie,
piété, polythéiste, prédiction, prémonition, présage, prodige, profane, profanation,
prophétie, pseudoscience, psychokinésie, radiesthésie, révélation, sacrilège, séraphin,
sibylle, sibyllin, sorcier, sortilège, spirite, spiritisme, stylite, succube, taromancie,
télékinésie, théocratie, théogonie, théologie, théosophie, thuriféraire, transe, vaudou,
vexillologie, voyant, zénith.

LA RELIGION
par
Marion Abboud

Ma chère amie,

J'ai cru comprendre que tu connaissais mal les termes se rapportant à la religion. Si tu
me le permets, je vais essayer de t'aider en enrichissant ton vocabulaire. Tout d'abord,
tu dois savoir qu'il existe des religions monothéistes et des religions polythéistes, celles-
ci possédant chacune leur propre théologie. Le terme mythologie, quant à lui, pourrait
remplacer celui de religions lorsque tu parles de celles qui sont polythéistes. Il te faut
cependant être plus prudente si tu veux l'employer pour les monothéistes, car ce terme
présente une connotation légèrement péjorative qui pourrait vexer certains puristes.
N'oublions pas les athées ni les profanes qui peuvent avoir abjuré ou
être agnostiques, ou même encore apostats.

Pour être une bonne pratiquante tu dois bien garder en tête que les sacrilèges, la
profanation et les blasphèmes sont à bannir de ton vocabulaire. De la même façon, tu
dois également rester abstème autant que faire se peut. Tu dois aussi faire preuve d'une
grande piété afin de t'attirer la grâce divine. En d'autres termes, il te suffirait de suivre
la casuistique sans aller jusqu'à devenir anachorète ni même stylite . Au passage, j'en
profite pour ajouter une précision ; les termes d' anachorète et de stylite ne s'utilisent que
dans la religion chrétienne, si tu veux en parler pour d'autres religions tu devrais utiliser
un autre mot : pour les musulmans tu diras fakir, pour les hindous, brahmine…
De plus, dans toutes les religions monothéistes, il existe une créature céleste censée
être un intermédiaire entre les hommes et Dieu. Cette créature porte le nom d' ange. On
la décrit dans l'angélologie. Parfois, on parle plus particulièrement de séraphin ou de
chérubin. Le démon, quant à lui, est un être qui était déjà présent dans
les religions polythéistes dès l'Antiquité. Cependant c'est dans la religion chrétienne que
les incubes et les succubes ont été inventés.

D'après la démonologie, ces êtres existaient déjà à l'époque de la civilisation


mésopotamienne et de la Grèce antique, mais ils étaient connus sous d'autres noms.
Pour ce qui est du démonisme et de la démonomanie ce sont des croyances qui n'ont
plus vraiment cours de nos jours. Ensuite, il faut que tu connaisses le mythe de
la Sibylle censée être extralucide ou même devineresse , qui lors d' illuminations et
parfois d' états de transe a pu avoir
nombreux présages et prémonitions ou prédictions et révélations qu'elle transmettait de
façon sibylline au reste de la population. Tu as probablement déjà entendu parler de
la Sibylle de Cumes qui apparaît dans beaucoup de légendes . La plus connue
des sibylles reste néanmoins la Pythie, oracle de Delphes dans le temple d'Apollon. Elle
tire d'ailleurs son nom de ce dernier, surnommé Pythius après avoir tué le python
gardien du temple.

A cette époque, les gouvernements étaient pour la plupart des théocraties et les
croyances s'appuyaient sur des dogmes. Ainsi tout le monde assistait aux liturgies et
l' hérésie était lourdement condamnée. En cas de mauvaises récoltes, il n'était pas rare
d'avoir recours à des expiations ou même parfois des sacrifices humains afin de calmer
les dieux. En effet, si jamais un ascète , une sibylle ou toute autre personne recevait
une prophétie , ou avait fait appel à l' astrologie, ou encore à des auspices ou
des augures, dans lesquels il était annoncé quelque malheur, le roi pouvait avoir recours
à des mesures draconiennes dans le seul but de sauver son âme de
la géhenne. La légende montée autour de la Sibylle a cependant
été démythifiée et démystifiée aussi par la même occasion. En effet, nous savons
maintenant qu'elle entrait simplement en transe à cause des nombreuses vapeurs qui
l'entouraient dans le temple.
Certains mots comme gnose ou gnosticisme réfèrent au phénomène religieux en
général. Tu remarqueras que ces mots reposent sur le même radical grec « gnosis =
connaissance » que le célèbre « Gnothi seauton » de Socrate, le mot-clé de
tout l'humanisme.
Par contre, pour ce qui est de mots comme chiromancie, ou même théosophie, je te
dirais qu'ils font plus partie du domaine du spiritisme que de celui de la religion. Tout
comme la taromancie, la cafédomancie, l' empyromancie, la catoptromancie et
la cristallomancie, pour n'en citer que quelques-uns.
La radiesthésie est, quant à elle, plus connue car elle a servi à chercher à retrouver des
personnes disparues, grâce à des voyants qui prétendaient pouvoir les localiser grâce
leur faculté paranormale. La psychokinésie est aussi très connue, avec la célèbre image
de la torsion de la cuillère. On ne parle cependant de télékinésie que lors d'une lévitation
d'objet. Il n'existe aucune preuve scientifique de ces phénomènes parapsychologiques. Il
serait alors juste de penser que ces derniers tiennent davantage du prodige ou
du miracle.
Jadis, ces phénomènes auraient probablement été pris pour des sortilèges et les
personnes qui auraient présenté une telle capacité auraient probablement été accusées
d'être des sorciers et auraient alors certainement risqué de brûler sur un bûcher. Pour ce
qui est de l' horoscope, cette pseudoscience se base surtout sur l'observation du ciel et
des astres par rapport à certain point de la sphère comme le zénith et le nadir, par
exemple.

Pour continuer dans le thème de l' irrationalité, je vais te raconter une petite anecdote
sur Léonard de Vinci. Ce dernier est réputé pour ses talents de peintre et d'inventeur. Il a
aussi permis de faire des progrès en anatomie et donc en médecine en pratiquant des
dissections sur des corps humain. Or, cet acte était sévèrement condamné par l'Église et
donc par Dieu puisque à cette époque le peuple croyait fortement au mysticisme entre le
clergé et Dieu. C'est pourquoi, il a été accusé de nécromancie.
Avant de connaitre la médecine, les gens malades avaient alors souvent recours aux
guérisseurs. Les chamans par exemple, étaient réputés pour avoir des facultés
surnaturelles comme la télékinésie, dont je viens de te parler d'ailleurs.
Le chamanisme ne se retrouve que dans les cultures amérindiennes. Ceux qui le
pratiquent sont censés être des intermédiaires entre la nature et les hommes, on pourrait
alors le comparer au vaudou retrouvé en Louisiane ou dans les îles des Caraïbes entre
autres ; ou même à l'animisme en Afrique. Dans les rites vaudous, les drapeaux sont un
élément-clé. Ces derniers sont habituellement tissés à la main, ornés de paillettes
colorées et de perles représentant des personnages et des symboles. Si tu veux en
savoir plus sur la vexillologie vaudou, il y a une exposition sur les drapeaux au Salon
d'Art de Bruxelles

Pour compléter tes connaissances dans la religion, je vais te raconter une autre histoire,
cette fois-ci sur Joseph, fils de Jacob, le personnage de la Bible. Je suppose que tu en
as déjà entendu parler, mais peut-être ne sais-tu pas qu'il pratiquait l' oniromancie. En
effet, cet art divinatoire est très ancien puisqu'il se pratiquait déjà dans l'Égypte
ancienne. Ainsi Joseph a pu déchiffrer les rêves du Pharaon.
Enfin, puisque tu aimes tant les maths, sais-tu d'où vient l'expression : « Avoir la bosse
des maths ? ». Tout simplement de la théorie selon laquelle la forme du crâne révèlerait
le caractère de la personne, théorie appelée phrénologie. Selon cette théorie le fait d'être
doué pour les mathématiques serait donc un don naturel qui tiendrait simplement à la
morphologie du crâne. Mais ne deviens pas spirite pour autant, cette histoire a été
démentie. Donc, sans vouloir être thuriféraire à ton égard, je dirais malgré tout que ton
talent pour les mathématiques vient réellement de ton dur labeur.

Un dernier mythe avant de te laisser mûrir tout ça. Peut-être te demandes-tu pourquoi
la Faucheuse, allégorie de la mort, est représentée avec une faux. Il y aurait deux
origines possibles à cette allégorie: soit l'origine italienne de cette image inventée au
Moyen Âge et reprise dans la Renaissance (on associe le symbole de la faux à l'image
du cultivateur traditionnel qui fauche les blés avec sa faux, comme la mort qui emporte
les êtres humains sans discrimation), soit la représentation mythologique grecque, qui
remonterait au mythe des Titans grecs. Cronos, le dieu des dieux de l'Olympe, est exilé
sur Terre après avoir voulu dévorer ses enfants pour échapper à une malédiction. Tu
pourras trouver plus de détails sur ce sujet dans la théogonie.
Cronos fonda alors une communauté agricole appelée l' Âge d'or. La faux symbolise
dans cette période idéale la culture de la terre, et donc les saisons qui passent et qui
rythment la vie jusqu'au moment de la mort. Par extension, l' Âge d'or symbolise
maintenant une période heureuse sans souffrance. Par conséquent, cela est parfois
associé au millenium puisque pour les millénaristes l'âge d'or devrait durer mille ans.

En espérant t'avoir aidée à y voir plus clair sur le sujet.

Ton amie.
Texte qui porte sur les expressions et citations latines trouvées dans les pages roses du
dictionnaire Larousse ainsi que dans les listes de Wikipedia, et sur les proverbes
français

CAVE CANEM! OU LES AVENTURES D'UN ONYCHOPHAGE CYNOPHOBE

par
Sarah Désaulniers

Le facteur n'en pouvait plus. Il se rongeait les ongles constamment, car il ne pouvait
surmonter sa crainte des chiens. Il en avait assez de son travail qui l'obligeait à prendre
garde aux chiens, sa bête noire, qui s'amusaient à lui mordre les chevilles avec
leurs canines pointues. Il se sentait mal dans sa peau, et ne savait plus à quel saint se
vouer : ' La psychologie des chiens, j'y perds mon latin!'répétait-il ad nauseam, quoiqu'il
se consolait quand même en pensant canis sine dentibus vehementius latrat, mais tout
de même…. Les affiches Cave canem le terrorisaient. Il avait beau se répéter : 'De
l'audace, encore de l'audace, et toujours de l'audace! ', qu'il n'avait qu'à se fier ad
litteram à ce qu'il lisait sur les panneaux et demeurer sur ses gardes, le pauvre facteur
n'arrivait pas à être rassuré. Au fil de ses journées de travail, durant la canicule, il
cherchait à trouver, delenda Carthago, un moyen d'échapper à la gent canine et à
la chienlit qu'elle créait dans son travail. Comme il était quand même fort astucieux, il
imagina mille et une solutions à ses mésaventures rocambolesques.
Un jour, il se dit finis coronat opus en catimini affublé de son déguisement de caniche,
qu'il croyait être le nec plus ultra des déguisements, il tomba sur un os, car son épouse
le prit flagrante delicto. Elle lui lança : 'Chéri! Veux-tu bien cesser de faire le Jacques! Où
crois-tu aller accoutré de la sorte? Tu crois sincèrement que les chiens tomberont dans
le panneau ? Tu les sous-estimes, mon pauvre. Pourquoi n'essayes-tu pas de t'en faire
plutôt des amis? ' Le facteur retourna dans la maison pour ôter son costume, nolens
volens, en grommelant. La suggestion de sa femme lui trottait malgré tout dans la tête. Il
se disait, qu'après tout, l'idée, aussi folle qu'elle semblait, ne pouvait pas être si
mauvaise. Le facteur pensait credo quia absurdum.
Le lendemain, il faisait un temps de chien, mais il partit malgré tout pour le travail avec
des biscuits dans la poche, empli de l'espoir d'amadouer ses
ennemis quadrupèdes. Malheureusement, malesuada fames,. dans la rue où il n'y avait
pas un chat, un labrador gourmand, attiré par le parfum alléchant des gâteries, assaillit
joyeusement le facteur, le renversa, et chercha dans le sac de poste ce qui dégageait le
délicieux parfum. Le pauvre homme épouvanté se releva aussi rapidement qu'il le put et
s'enfuit en prenant ses jambes à son cou, abandonnant derrière lui labrador, biscuits et
sac de poste.
De retour au centre de tri, pour échapper à la moquerie de ses collègues, le facteur
exagéra grandement l'histoire, amplifiant à la fois la taille et la rudesse de son assaillant.
Il osa même ajouter : 'Je vous le jure ab imo pectore, mes amis, horresco referens'. Ce
chien devait bien mesurer 1m30 et peser 105 kilos! Je n'ai rien pu faire pour me
défendre! C'est horribile dictu! ', ajouta-t-il.
Comme on sait que omnis homo mendax, les employés de la poste adhérèrent sans
broncher à cette version abracadabrante des déboires de leur collègue, étant eux
aussi eusdem farinae, ayant eux aussi à l'occasion exagéré certaines de leurs
aventures. Ils ne firent pas tout un plat du récit de leur ami et le laissèrent gonfler de fois
en fois les détails de son attaque. Ils se rendirent donc complices de son
mensonge, abyssus abyssum invocat. Les semaines passaient et le facteur n'avait
toujours ni guéri sa peur des chiens, ni établi quelque lien avec eux.
Il commençait à se résigner: 'Dura lex, sed lex!, annonça-t-il. J'ai choisi mon métier et je
dois en assumer tous les désagréments'. Sa femme n'en pouvait plus de le voir se
morfondre en pensant aux chiens. Elle décida donc ab irato de prendre les choses en
main et de trouver la solution aux problèmes de son époux, dont elle lisait l'esprit aperto
libro. Convaincue qu'il y avait un moyen de concilier livraison du courrier et chiens, elle
gardait constamment à l'esprit qu'impossible n'est pas français.
Elle s'écria soudain : 'Eurêka!'Voilà le commencement de la fin des jours de terreur de
mon mari! Je dois remonter ab ovo de sa peur et trouver un moyen d'y remédier!',
estimant que se non è vero, è bene trovato. Loin d'avoir une araignée au plafond, la
femme du facteur étant rusée comme un renard, se mit à questionner son époux sur ses
relations antérieures avec le monde canin. D'abord réticent à se confier, le facteur finit
par raconter qu'il avait été, enfant, agressé par un énorme berger allemand. La
bête, Deo gratias, plutôt que de le mordre, s'était mise en devoir de lui lécher
frénétiquement le visage.
L'expérience l'avait malgré tout traumatisé et cela avait, post hoc, ergo propter
hoc, suscité chez lui une crainte morbide des chiens ad vitam aeternam. Même quand
son ami architecte lui expliquait ce qu'était un simple chien-assis, ou faisait allusion
au chiendent le facteur en avait des sueurs froides à cause du mot 'chien' qui revenait
toujours dans ces mots.
La femme du facteur pensait tenir la façon idéale de débarrasser son mari de
sa cynophobie et de son onychophagie tout à la fois : elle allait lui procurer un chien
identique à celui de son enfance, celui qui était à la source de son traumatisme. Elle était
convaincue qu'en apprivoisant la bête, son facteur de mari guérirait incontinent. Elle se
rendit donc illico presto chez un éleveur de chiens et fit l'acquisition du plus charmant
des chiots qu'elle pût trouver. Elle était persuadée que sa tendre moitié ne pourrait
résister aux mignardises, d'un être aussi mignon.

Sur le chemin du retour, elle pensa : 'Alea jacta est! On verra bien si mon astuce
fonctionne. Après tout, il faut savoir prendre des risques dans la vie, primum vivere,
deinde philosophari.'Le soir venu, elle fit les présentations de son homme à la bête.
Après un premier affolement, le facteur fut bien forcé d'admettre que le chiot lui plaisait
infiniment. Il se mit à bêtifier en l'appelant par toutes sortes de
noms hypocoristiques comme 'mon Toutou, mon Loulou, mon gentil Boubou, mon petit
Scrogneugneu', etc.
Il se mit alors à fomenter un plan qui le sauverait de ses attaques canines quotidiennes
en pensant lui aussi audaces fortuna juvat: Il entraînerait son chien avec lui dans ses
journées de travail. Celui-ci distrairait ses amis canins tandis que lui pourrait distribuer
tranquillement son courrier! Il tenait enfin la solution de ses problèmes! A cane non
magno saepe tenetur aper! Perdu dans ses réflexions et ses perspectives d'avenir, il en
oublia presque de remercier sa femme pour ce cadeau à quatre pattes. Désireuse de
célébrer l'occasion, l'épouse du facteur déclara ' Nunc est bibendum!'. Le facteur, lui,
s'exclama : 'Tu duca, tu signore et tu maestro!'pour lui témoigner sa joie de l'avoir aidé à
trouver une solution.
En fait, le facteur ne pensait qu'à une chose : se coucher au plus vite afin que le jour se
lève bientôt sur une nouvelle journée de travail où il n'aurait plus à craindre aucun chien
grâce à son nouvel acolyte, son nouveau meilleur ami. Enfin, il pourrait se dire : 'carpe
diem! Grâce à ma femme, j'ai retrouvé mens sana in corpore sano, et je ne suis plus un
onychophage cynophobe, après avoir affronté tous ces cave canem! '
Ce texte sur la mythologie est d'une simplicité trompeuse. De nombreux mots du texte
trouvent leur origine dans la mythologie grecque. Cliquez, pour voir…

MYTHOLOGIE ET VOCABULAIRE COURANT

par
Sarah Désaulniers

Pauvre touriste, Narcisse était perdu dans le dédale des rues de Paris. Pris
de panique médusé par le son des sirènes et des klaxons, Narcisse ne savait plus où
donner de la tête. Il avait beau consulter son atlas il n'arrivait pas à trouver les
fameux Champs-Élysées. De Saint-Germain-des-Prés à l'avenue de l'Opéra, Narcisse
ne s'y retrouvait pas. Non seulement devait-il déployer une force herculéenne pour
retenir la laisse de son chien, Cerbère, il faisait des efforts titanesques pour réprimer la
faim qui le tenaillait. Il décida donc de s'arrêter pour casser la croûte. Que choisir devant
l'abondance de cafés et de bistrots? Le cabaret western L'Amazone, le chic
restaurant Pactole ou la boîte de nuit Pandore? Il opta finalement pour une terrasse d'où
il entendit que l'on y jouait la musique de son groupe favori, Styx.
Installé confortablement, il commanda un tartare de saumon, accompagné
d'un nectar de pêche et d'un bol de céréales de son. Devant cette étrange commande, le
serveur demeura bouche bée et pensa, « encore un voyageur aux propos sibyllins!
», tout en contemplant son client qui se versait de l'atropine. Le serveur revint de
nombreuses minutes plus tard avec le plat de son client et lui dit, de sa voix de stentor: «
Monsieur est servi! » Narcisse, furieux d'avoir patienté cria son mécontentement. Hurlant
qu'il n'avait jamais été si mal servi, sa voix se répercuta en écho sur le toit de la terrasse,
tandis qu'il s'en allait sans payer et sans manger.
Narcisse décida sur-le-champ de rentrer à son hôtel, désireux plus que jamais de
retrouver son épouse, Jacinthe, que tous considéraient comme une
véritable mégère, mais que lui aimait tendrement et considérait comme un
véritable phénix. Tant de colère et de recherches l'avaient épuisé, Narcisse tomba
donc dans les bras de Morphée sitôt arrivé dans sa chambre, en se disant, le ventre
creux, qu'il ferait mieux, la prochaine fois, de manger avant de se sauver du restaurant.
Lisez ce texte, qui contient des mots de la langue française dont la racine est
italienne.

ITALIEN ET VOCABULAIRE COURANT

par
Sarah Désaulniers

Malgré sa mésaventure parisienne, Narcisse n'avait pas perdu le goût de voyager. Il


monta donc à bord d'un train zinzolin en direction de Rome. Durant le trajet, il admira
les vallons de la province française, tout en sirotant un café et en dégustant
un biscuit. Narcisse se détendit les muscles et tenta d'oublier la nausée, effet néfaste du
mal des transports qui le submergeait, tout en prêtant une oreille distraite à la
musique piano qui provenait de l'ordinateur de son voisin et en lisant
la rubrique culturelle de la gazette de la compagnie de train.
Enfin arrivé dans la capitale italienne, Narcisse fut assailli par la canicule. Narcisse
avait si chaud qu'il avait du mal à se concentrer et à admirer les belladones et
les chélidoines qui parsemaient les alentours des ruines du palais de l'empereur
Auguste. Il s'imaginait toutefois les bacchanales qui avaient dû y avoir lieu jadis et
combien toute la cour avait probablement bamboché à l'endroit même où il se tenait. Se
dirigeant tranquillement vers la place Saint- Pierre, Narcisse fut accosté par
un mariol taquin qui tenta de lui vendre un bijou pour son épouse. Doutant de
l'authenticité des carats, de l'or qu'on lui offrait, et comprenant très peu la
langue vernaculaire parlée par le jeune homme à peine majeur, Narcisse refusa. Malgré
les objections de sa femme qui aurait bien aimé le collier, Narcisse, têtu comme une
mule, continua sa route. Quand il passa finalement les portes de la basilique Saint-
Pierre, Narcisse fut galvanisé par l'atmosphère qui y régnait. Les bustes des papes du
passé, la décoration baroque des lieux, tout l'épatait. L'autel, vedette de la basilique, lui
coupa le souffle. Captivé, il fut soudain interrompu dans sa rêverie par les trompettes de
la parade.
Narcisse et sa tendre moitié se précipitèrent à l'extérieur pour ne rien rater
du panégyrique du Saint Père. À la fin du discours, Narcisse lâcha la main de son
épouse pour ovationner le pape. Quand il voulut reprendre la main de Jacinthe, Narcisse
découvrit à l'endroit où elle se tenait à peine quelques minutes auparavant une feuille sur
laquelle on pouvait lire : « Si vous souhaitez revoir votre femme, rendez-vous devant
Buckingham Palace, à Londres, dans 24 heures! Signé Les Sbires du duc. » Narcisse,
dévasté, s'empressa de se rendre à la gare et de sauter dans le premier train vers
Londres, pour retrouver sa précieuse épouse, tout en se disant que son périple
européen devenait peu à peu un véritable fiasco.
Ce texte contient des mots de la Bible et de la langue anglaise.

FORTUNE LONDONIENNE

par
Sarah Désaulniers

Narcisse ne pouvait le croire : sa femme, sa précieuse Jacinthe lui avait été enlevée! Il
s'empressa donc de se rendre à l'endroit du rendez-vous fixé par les ravisseurs :
Buckingham Palace, Londres. Une fois sur place, Narcisse découvrit un moïse portant
son nom inscrit dessus. À l'intérieur, il y découvrit une note lui demandant de se
présenter au 14, Kensington Avenue. Un peu perdu, mais décidé à revoir sa femme,
Narcisse s'engouffra dans le tube en direction du second lieu de rencontre, après avoir
demandé son chemin à un bon samaritain qui avait gentiment accepté de l'aider.
Narcisse était terrorisé : il craignait d'arriver trop tard et de se retrouver face
au macchabée lynché de son épouse. Il ne connaissait ni d'Ève ni
d'Adam faction terroriste italienne portée sur le rapt de touristes nord-américains. Il fit
donc le trajet en enchaînant les jérémiades. La masure devant laquelle il se trouvait ne
lui disait rien qui vaille. Il osa néanmoins jeter un regard par l'oeilleton, pour y découvrir
un capharnaüm indicible, un vrai tohu-bohu! Hésitant entre prendre les jambes à son
cou ou tenter de pénétrer à l'intérieur, il entendit soudain une
voix caverneuse le sommant d'entrer, ce qu'il fit subito presto..
Il suivit la voix à travers la pièce, tout en tentant d'éviter de bousculer les objets vieux
comme Hérode jonchant le sol. La voix lui indiqua un coffre qu'il devrait ouvrir, et du
contenu duquel il devait se vêtir. Avec étonnement, il y distingua un smoking qu'il crut
reconnaître comme étant le sien. Alors qu'il enfilait son habit, il avait bien du mal à
s'expliquer la présence de ses vêtements dans un tel établissement. La voix lui signifia
par la suite de franchir la porte pour se rendre dans une pièce contiguë. En s'exécutant,
Narcisse entendit soudain un flot de voix lui crier un retentissant « Joyeux anniversaire!
».
Narcisse se trouvait maintenant dans une pièce somptueusement décorée, au milieu de
laquelle trônait un balthazar, accompagné d'un salmanazar, d'un mathusalem, et
d'un jéroboam. Parmi tous ses amis les plus chers et les membres de sa famille,
Narcisse eut la joie et la surprise de retrouver son épouse, indemne, habillée telle
une vamp. Vêtue d'une redingote de soie rouge. Jacinthe s'approcha, enlaça Narcisse,
et lui expliqua : 'Chéri, je tenais tant à te surprendre pour ton anniversaire, et depuis le
temps que nous sommes ensemble, il devient de plus en plus difficile d'innover… J'ai
donc inventé toute cette histoire d'enlèvement pour te faire venir ici et te joindre à la fête!
Tu ne te doutais de rien, n'est-ce pas? '
Tandis que sa femme continuait de sourire, fière de son coup, Narcisse, mi-figue, mi-
raisin, ne savait plus que penser. Rassuré que tout ne fut qu'un canular, mais encore
troublé d'avoir flirté avec le danger, Narcisse décida enfin de profiter de
l'agape, véritable manne Après le repas, Narcisse et Jacinthe s'engagèrent dans une
longue succession de contredanses, lui, se disant qu'il avait, malgré sa tendance aux
plaisanteries douteuses, bien de la chance d'avoir une épouse comme elle; et elle, se
promettant de lui réserver encore plusieurs bouleversements. Elle ne lui avait d'ailleurs
pas encore expliqué la signification du choix d'un moïse pour y déposer ses
indications…Narcisse ne serait donc pas au bout de ses surprises pour son
anniversaire…
Voici un texte plus général, qui est censé faire disparaître tout découragement devant
l'apprentissage du vocabulaire enrichi…Souhaitons qu'il saura susciter l'intérêt pour
l'acquisition du vocabulaire.

HARO SUR LE FRANÇAIS!

par
André Barette

Tout comme le temps, qui est de marbre et éternel, le français fait partie intégrante de
nos vies. Son apprentissage s'avère inéluctable voire même essentiel. En effet, esquiver
la cacographie est l'antépénultième des priorités tant recherchées en ce bas
monde, derrière la santé et l'amour. Bien sûr, il sied de convoiter la maîtrise d'une
certaine poésie donjuanesque afin de pouvoir séduire la gent féminine (ou masculine…),
mais consentir delenda Carthago à un perfectionnement utopique et sans failles de
la langue de Molière relève de la chimère.
Prenez garde de ne pas laisser pousser, par mégarde de cloques sur l'apex de vos
doigts en égrenant avec balourdise vos chapelets de grammaire ânonnés devant
les inexorables exhortations de toutes ces badernes cacochymes qui vous remplissent
la calebasse de règles et d'exceptions. Tous ces sourcilleux rhéteurs et
grammairiens, ergoteurs et égrotants, qui soliloquent en se perdant souvent dans
des arguties loufoques et soporifiques. Ils iront même jusqu'à se perdre
en conjectures et sophismes pour vous aider à corriger une lilliputienne peccadille de
langage que vous auriez commise dans un de vos textes.
Aujourd'hui, le glas du stoïcisme a sonné. Prenez la poudre d'escampette de tous
ces augustes lycanthropes qui adorent se gargariser de mots endimanchés, laissez
tomber la chemise, vos défets et vos plumes et revêtez hardes et croquenots puis allez
vous baguenauder dans les prés et pâturages de la langue française libérée
des censeurs.
Votre existence ne se résumera pas à un vulgaire vaudeville si vous préférez
plutôt folâtrer follement dans les herbes hautes d'une prairie fleurie plutôt que d'user
votre postérieur dans une salle de classe. Vous ne serez pas considéré comme un tire-
au-flanc, certains diraient en langue vulgaire un 'tire-au-cul', si vous chérissez les
moments où vous humez amoureusement la quintessence de notre végétation.
Nos alpages regorgent d'une myriade de fleurs, qui peuvent être la source d'élixirs qui
peuvent servir d'exutoires médicinaux. Au milieu de ce paradis terrestre, à la fois près de
nous et loin de tout, on croirait entendre non pas un tintamarre cacophonique, mais
le tintement angélique de la lyre lénifiante d'Apollon. venant caresser au gré du vent
les belles-de-jour, les belles-de-nuit, les cheveux-de-la-vierge, les ne m'oubliez pas, les
reines-des-prés et les perce-neige environnants.
Vous, élèves qui rêvez d'évasion, sachez quand décrocher de vos obligations
qui attisent en vous une certaine ire. Par contre, dites-vous bien que sans avoir usé les
chaises des classes où des érudits suent sang et eau à vous enseigner autant
les rudiments que les raffinements de notre belle langue, il m'aurait vraisemblablement
été impossible de peindre un portrait aussi idyllique que celui-là. Afin d'embellir et de
colorer vos vies, apprenez à aimer notre belle langue de chez nous. Mais, si vous croyez
que l'apprentissage du vocabulaire enrichi est futile et inutile, au même titre que nos
vêtements ne servent qu'à nous vêtir, alors revêtez d'ores et déjà une toge grège et sans
vie et préparez-vous à vivre dans la ternissure ad vitam aeternam. En d'autres mots, si
vous ne faites pas des efforts pour enrichir votre vocabulaire, votre monde linguistique
risque de demeurer tout le temps triste et terne.
Le vocabulaire du dialogue, les insultes d'autrefois, et le champ lexical du bandit.
BIEN MAL ACQUIS NE PROFITE JAMAIS!
Par Sarah Désaulniers

— Ne soit donc pas si pleutre, Joe! Cesse de nous faire languir et accepte de te joindre
à nous!, houspilla Willy, affichant un air impavide sur son visage de gredin jean-
foutre. Puisque je te dis que je ne badine pas : une vraie aubaine cette affaire, je te le
garantis! Nous sommes des fripons, après tout, n'est-ce pas?
— Humm… Je ne sais pas, tes élucubrations fallacieuses ne me convainquent guère. Je
ne sais pas si je dois te donner mon assentiment, je demeure persuadé que tu ne
racontes que des coquecigrues. Où est-il ton fameux trésor, dans le pays de
cocagne? rétorqua Joe, béjaune à la mine chafouine ayant une tête à l'escarpolette.
— Cesse de geindre! Tout ça c'est de l'esbroufe! Comme tu n'es pas pusillanime, tu
nous accompagnes, et nous partons carte au trésor en main, à la recherche du coffre
caché à côté d'un grand seau, répliqua Jack, un olibrius, malotru, froid comme un
aspic, ne laissant aucune place à la discussion.
Les trois gandins partirent donc en quête du trésor, cherchant avec cupidité le grand
seau. Toute cette aventure avait débuté quand Willy, fidèle à son habitude, faisait
godaille à la taverne du coin. Il y avait alors rencontré un freluquet qui prétendait être un
grand explorateur. Entre deux bocks, le jeune homme aux yeux de plus en
plus hagards avait confié qu'il enterrait sa vie de garçon le soir même. Il ajouta qu'il ferait
n'importe quoi en échange d'un épithalame:
— Ma fiancée désire que nous écrivions nous-mêmes nos vœux. Cependant, je suis un
auteur médiocre : je n'arrive même pas à différencier une épigramme d'un
poème holorime!
D'un air narquois, Willy proposa au gringalet d'accomplir sa besogne,
moyennant rétribution. C'est à ce moment que le futur marié désespéré offrit de lui
donner une carte au trésor, proposition que le fieffé coquin ne put refuser.
Le fourbe polisson composa alors sur-le-champ un madrigal, que l'aventurier intoxiqué
ne prit même pas la peine de lire avant de remettre la carte à celui qui, croyait-il, venait
d'être le garant du succès de ses épousailles. Hilare et fier de sa facétie, Willy s'était
alors empressé de joindre ses comparses pour se lancer sans plus tarder à la recherche
de ce qui ne pouvait être qu'un fabuleux butin, et non pas un vulgaire fifrelin.
— Il semble que nous devions nous rendre aux abords de l'ancienne mine de charbon
pour trouver ce fameux coffre au trésor ', affirma Jack, le butor, après un
examen méticuleux des indications de la carte.
— Nous y verrons probablement le seau dont il est question là-bas ', renchérit Joe. Aux
abords de l'entrée de la mine, les bélîtres montèrent à bord d'une draisine pour explorer
l'antre de la houillère.
Les heures passaient, mais les scélérats ne trouvaient rien. Aucune trace du seau.
— Je n'en peux plus de chercher en vain! ', s'exclama Willy, sans apercevoir l'immense
trou qui béait devant lui.
Le gueux fit alors une chute de plusieurs mètres.
— Ça va en bas? , s'enquit Joe.
— Oui, mais je devrai faire un grand saut pour sortir de là!
— En ce qui me concerne, je viens de sentir quelque chose de gros en relief sur une
roche. Comme s'il s'agissait d'une estampille, ou d'un sceau…
— Quand vous aurez fini de parler de saut et de sceau, on pourra peut-être
recommencer à chercher le seau! proféra Jack.
— Que nous sommes sots! Nous sommes au bon endroit, à côté du grand saut et du
grand sceau! Sortez-moi de la brèche et creusons sans plus tarder!
Willy, Jack et Joe excavèrent fébrilement, quand ils heurtèrent enfin quelque chose. Ils
dénichèrent une petite boîte, qu'ils ouvrirent avec empressement. À l'intérieur ne se
trouvait qu'un parchemin sur lequel ils lurent :
Beaucoup de bruit pour rien!
Pour vous point de bien.
La chasse au trésor ne mène pas plus loin.
Bonne chance pour sortir d'ici et retrouver votre chemin!
Signé L'explorateur Taquin.
Les trois pendards réalisèrent qu'ils s'étaient fait avoir, qu'il n'y avait aucun trésor, mais
surtout, qu'ils ne devraient jamais plus faire confiance à un individu en état d'ébriété!
Le thème de ce texte est l'œil, la vue, le regard.
DANS L'ŒIL DU TIGRE
par Louise Blais

En feuilletant le journal du quartier, j'aperçois la publicité du cinéma Teck annonçant la


projection du film « Dans l'œil du tigre », prévu pour 20 heures. Je regarde ma montre, il
est 19 h 30. Parfait! Je termine mon plat de lentilles à la mexicaine, repère mon sac à
dos, le saisis puis quitte mon logis. Je croise le concierge, qui
me dévisage. Ses besicles encadrent parfaitement ses yeux méfiants. Il lève la main
gauche, replace ses besicles et me fait un signe de la main. Je ne peux que contempler
son œil-de-chat. qui brille sur son annulaire. Quel drôle de personnage, comme il
aimerait avoir des yeux tout autour de la tête! Le matin il observe les départs des
locataires derrière l'œil de sa porte. Il a tellement les yeux pochés que je le soupçonne
même de ne pas fermer l'œil de la nuit pour épier les allées et venues de chacun. Je le
salue tout en lorgnant mon nouveau voisin qui entre à l'instant. Une espèce de m'as-tu-
vu qui porterait très bien le binocle que j'ai vu dans une braderie. J'enfourche ma
bicyclette pour me rendre au cinéma, car mon œil-de-perdrix me fait souffrir lorsque je
marche. Je pourrais y aller les yeux fermés, mais je dois garder l'œil ouvert, car la
circulation est dense dans le boulevard Braille. Je suis toujours fascinée par la beauté
de l'œil-de-bœuf qui orne la façade du bâtiment de la rue Bellevue qui abrite
la cinémathèque. La caissière aux yeux bridés me remet mon billet. Le portier me salue
avec ce regard franc qui le caractérise si bien. L'odeur du maïs sucré me guide. J'avance
vers cette pièce aveugle où je pourrai m'en procurer. J'observe ce magnifique
décor en trompe-l'œil, on dirait presque que certaines célébrités viennent se procurer de
quoi grignoter. Le client qui me précède ne semble pas avoir froid aux yeux. Il échange
quelques propos avec la caissière, puis s'emporte dans une colère aveugle. C'est alors
qu'il se retourne vers moi, son œil de verre à la main. Il n'en fallait pas plus pour que
je tourne de l'œil. Je reprends conscience, j'ouvre les yeux. Le regard flou, Je crois
dénombrer une dizaine de personnes. Aucun regard compatissant à mon endroit, il n'y a
que des regards indolents. Je fixe du regard le mur, l'horloge indique 20 h 05. Hélas, ce
n'était pas du tout l'œil du tigre auquel je m'attendais!
Vous trouverez ici un texte portant sur les couleurs, les vêtements et le mobilier.
L'excellent site des couleurs Chroma vous donne tous les renseignements dont vous
auriez besoin pour enrichir votre vocabulaire sur ce thème.

LE FOURRE-TOUT
par Louise Blais

La pluie tambourine sur le toit. Musette ronronne bien blottie dans le creux
du voltaire azurin capitonné de la chambre à coucher. Elle ouvre l'œil et localise ce bruit
inaccoutumé. Quel fouillis! C'est à brûle-pourpoint et ex abrupto que ce
matin, Charlotte a décidé de renouveler sa garde-robe. Le grand tri dans les vêtements
est commencé. Elle conserve les indémodables, se débarrasse des
vêtements défraîchis et désuets, puis met dans un fourre-tout les tenues convenables
qui ne lui conviennent plus et qu'elle portera à la friperie. Elle a choisi le fourre-tout plutôt
que son vieux baise-en-ville qui était trop exigu. Le sac, confectionné à partir des vieux
rideaux de chintz éburné de sa grand-mère, augmente de volume. Elle y glisse une jolie
robe dont les falbalas balais sont froissés, un loden rubigineux et un chemisier aile-de-
corbeau Ce qu'elle ne choisit pas, elle le jette sur une antique ottomane bise qui embellit
sa chambre. Elle se débarrasse ainsi de divers oripeaux Il y a ainsi un rase-
pet de déjeuner de soleil délavé qui avait refoulé au lavage,
une saharienne orpiment, un sarouel noir d'ivoire, une canadienne à la
doublure lanugineuse, un boléro coquille d'oeuf, une houppelande démodée, un
antique frac à queue-de-pie et enfin un saut-de-lit incarnat. Elle cache également
un bibi tomenteux orné de suivez-moi-jeune-homme dans un tiroir de son bonheur-du-
jour en marqueterie. Elle ajoute de vieux souvenirs de voyage, telle une mantille de
dentelle de Bruges, un sari de pou-de-soie fleuri et une djellaba faite de
la toison des ovins Elle y dépose aussi un chemisier de mousseline de soie cuisse de
nymphe aux nuances diaprées. Pauvre fourre-tout! Les fils de ses coutures se tendent.
Va-t-il se découdre? Charlotte insiste, elle complète avec quelques fanfreluches et un
mouchoir ventre-de-biche en batiste garnie de guipure sinople. Incroyable! Le fourre-tout
résiste. Charlotte fignole un chignon, enfile un cardigan isabelle et chausse
ses babouches cinabre. La voilà qui déambule dans le stationnement, attifée de la sorte.
Elle charge le fourre-tout par le hayon de son véhicule utilitaire sport. Un couple passe.
Elle entend des bribes de leur conversation. L'homme jette son bonnet par-dessus les
moulins et étreint sa conjointe avec effusion Charlotte examine cet homme sous toutes
les coutures. Il lui rappelle quelqu'un. Ah! C'est le tanneur de chez Breitschwanz

À la friperie, elle croise un jeune homme de taille moyenne qui porte la mouche et qui
semble avoir de l'étoffe pour être mannequin. Le costume passe-velours qu'il a
revêtu étrique sa taille. Au comptoir, elle vide le fourre-tout de son contenu. Ouf! Il
reprend enfin sa forme initiale. Charlotte l'agrippe, salue le vendeur et sort en portant le
sac en bandoulière Le fourre-tout s'allonge. Devant la devanture de la librairie, son
regard est attiré par la jaquette de maroquin grené, couleur queue-de-
vache, d'un incunable tabellaire. Elle entre, papillonne dans la boutique, aperçoit
quelques rossignols à la livrée défraîchie et s'arrête devant le rayon des nouveautés. Elle
hésite, mais finalement elle choisit un ouvrage qui a suscité son intérêt, « La redingote
de sapin ». Charlotte se place à la traîne des clients qui attendent à la caisse. Elle
avance pièce à pièce, dépose le volume sur le comptoir. Le libraire, un
homme cauteleux, lui demande de vider son fourre-tout. Il la soupçonne de vol à
l'étalage. Elle est offusquée. Le fourre-tout atterrit sur le comptoir. Le libraire le manipule
et le secoue. Il ne trouve rien. Il demande à examiner aussi le contenu de son
ridicule réticule. Charlotte, vexée, lui lance « L'habit ne fait pas le moine! » et quitte le
magasin illico, dans une colère blanche. Le vendeur, nolens volens, est bien obligé
d'accepter son départ. De retour à la maison, elle lance le fourre-tout sur
le crapaud napoléon carminé qui orne sa chambre à coucher. La pauvre Musette,
effrayée, bondit sur la courtepointe en damier bigarré du lit à baldaquin, maintenant
dégagé de tous les vêtements.
Voici les mots intéressants que vous pourrez lire dans le texte qui suit : Misonéiste,
exhortation, tartufferie, spoliateur, encroûtement, acrasie, fallacieux, prosaïque,
belliciste, perfide, concussion, coup de Jarnac, belliqueux, fourbe, propitiatoire,
multinationale, euphorie, mimétisme, conformisme, prophylactique, félonie, scélératesse,
dressé pour consommer, flagorner, parjure, exponentiel, insurrectionnel, ploutocratie,
pathologique, écosystème, plénitude, pérennité, mutiné , insurgé, déprédation, subversif,
apostasie, monétaire.

NE SOYONS PAS DES MISONÉISTES!


Exhortation pour le changement
par Jean-François Veilleux

Citoyens ! N'êtes-vous pas repus de leurs mensonges et de leurs tartufferies? Il est


temps de déterrer la hache de guerre contre ces spoliateurs, ces ennemis de la liberté
absolue de la race humaine, ces seigneurs de l'encroûtement de notre volonté
collective!

Leur acrasie s'incruste dans leurs discours fallacieux et prosaïques ainsi que toutes ces
manœuvres inhumaines, bellicistes et perfides auxquelles nous assistons, telles que
d'innombrables concussions dans le système économique spéculatif et quelques coups
de Jarnac en défaveur des pays pauvres et affamés.

Saviez-vous qu'en 2008, les dépenses militaires mondiales ont battu un record avec un
total de 1464 milliards de dollars, où bien entendu, les États-Unis d'Amérique à
l'humeur belliqueuses ' s'adjugeaient de loin la plus forte part du total ' soulignait l'Institut
international de recherche pour la paix de Stockholm? Considérant que nos pitoyables
gouvernements ne font rien pour proclamer véritablement une paix universelle par leurs
guerres fourbes et propitiatoires…

Considérant que le revenu total des 500 personnes les plus riches de notre planète
équivaut au revenu total des 416 millions de personnes les plus pauvres… Considérant
qu'en 1989, les entreprises multinationales contrôlaient 70% du commerce international
et 80% de toutes les terres agricoles… Considérant que la production de nourriture est
adéquate, mais que l'humanité est victime d'une mauvaise distribution dont la planète
souffre – on détruit même des surplus…Considérant l'insatiabilité des consommateurs
et l'euphorie collective certains jours de l'année (Pâques, Noël, Halloween, fête des
pères, fête des mères, etc.) ce qui entraîne la perte des vraies valeurs, tous obnubilés et
agenouillés devant le Dieu Argent…Considérant que la société des loisirs est un mythe
et que nos sociétés d'esclaves salariés sont dissoutes dans le mimétisme et
le conformisme social et le confort dans l'indifférence… Nous proposons la recherche
d'un remède prophylactique pour dénoncer toutes ces félonies et ces scélératesses qui
nuisent à l'avenir d'une communauté mondiale unie et libre, dans le respect mutuel des
identités nationales.

La société de consommation et du chacun pour soi anesthésie notre conscience.


Chaque individu devient satisfait des conditions que la société lui impose ; nous
sommes dressés pour consommer. Les gens sont isolés, enfermés, repliés, prisonniers.
On dévalorise la simplicité. flagornant dans l'indécence lorsque ceux qui nous dirigent
fabriquent là où ça coûte le moins cher et qu'ils vendent là où ça rapporte le plus! Ils
trébuchent sur leur parjure alors que ' la multiplication des unités de consommation et
leur diversification 'exponentielle polluent notre unique planète. En plus de faire éclater
les communautés et les réseaux de solidarité - favorisant l'anonymat et l'individualisme,
ceux qui nous gouvernent créent aussi la servitude comme un piège au doux
parfum. Refusez la passivité! Le temps est venu pour une riposte insurrectionnelle.

Reconnaissons l'importance de reconstruire la société sur d'autres fondements que


l'exploitation salariale, la force, l'injustice, le profit, l'individualisme forcené et la
militarisation absurde! Après ' l'âge du gaspillage ' comme l'écrivait Serge Mongeau, l'ère
du partage et de la suffisance à sonné. Un plafond salarial s'impose aux chefs
d'entreprises. Non aux privilèges liés à la richesse, et non à la ploutocratie! Halte à toute
cette consommation pathologique! Nous devons faire attention au piège de l'abondance,
du superflu ou de l'inutilité. Il faut (ré)apprendre à se satisfaire autrement que par la
consommation, mais bien par l'échange de biens, de services, d'informations, de
connaissances tout en préservant l'équilibre et la paix. Il faut définir et rétablir les trois
critères d'un bon travail : être utile à la société, contribuer à l'épanouissement individuel
et s'intégrer harmonieusement à l'écosystème.

Il faut désormais donner priorité aux personnes sur les choses en y incluant les valeurs
de simplicité, de modération et de solidarité (de partage), sans oublier de favoriser un
usage strictement utile des objets et des biens. L'important est de s'épanouir, de trouver
la plénitude et de ne jamais oublier que posséder n'équivaut pas nécessairement au
bonheur! Il y a trop de produits inutiles, éphémères et toxiques. Comme l'écrivait Ivan
Illich : il faut déployer notre ' austérité joyeuse ', c'est-à-dire cette simplicité volontaire qui
assurera la pérennité de notre espèce et des ressources naturelles car oui, la terre EST
épuisable.

Compagnons mutinés, insurgés, notre combat historique ne fait que commencer. Si la


définition de ' destin ' réside bien dans cette affirmation : ' ce qui doit être dit et ce qui doit
être fait ', alors, faisons que notre destinée commence, pour que s'achève enfin ce règne
de l'exploitation, du gaspillage et de la déprédation environnementale. Il faut oublier
l'idée que nous sommes seuls à déterminer notre salut, à choisir la vie que nous
voulons, l'existence que nous méritons. Tout cela devrait se faire, bien entendu, dans un
esprit de communauté. Devenons ces personnes subversives dont l'humanité à tant
besoin. Nous sommes condamnés à avancer mais il faut agir sans peur! La vie est trop
importante, essentielle et supérieure pour être dominée par ce goût pour la surdose
d'autosatisfaction, qu'il faut rejeter avec joie et dédain.

Le temps est venu pour l'apostasie formelle de notre soumission au


système monétaire capitaliste, là où ' le moyen est devenu la fin '. Une révolte contre
le conformisme répressif de la société moderne et la médiocrité intellectuelle s'impose.
Favorisons l'entraide et faisons de l'éducation une priorité nationale! Ensemble, nous
vaincrons! Ne soyons pas des misonéistes!
1

LES MÉTIERS DE MES ANCÊTRES


par Gilles Grondin

L'action du présent texte se situant à l'époque féodale, l'auteur s'est efforcé d'utiliser des
mots qui sont apparus durant le Moyen Âge. Vous y retrouverez, en plus des définitions
des mots rares, l'historique de plusieurs mots usuels. N'hésitez pas à vous attarder
même sur les mots que vous connaissez. Votre curiosité pourrait être récompensée...

À ma muse, Danielle, qui m'a tiré de ma muse.

Par une pénible journée d'hiver, alors que la froidure m'avait contraint à me terrer à
l'intérieur de mon nid protecteur, je m'efforçais de meubler mes heures
de façon profitable. Furetant à la recherche de mes origines, je ne pus
m'empêcher d'ébaucher un large sourire lorsque je découvris que j'étais loin d'être le
premier représentant de mon lignage à avoir pataugé dans la gadoue. Pierre, un de mes
ancêtres, avait en effet occupé la fonction très convoitée de maître gadouard. Au Moyen
Âge, ce poste suscitait l'envie car moult privilèges y étaient rattachés. Le maître
gadouard se voyait octroyer une vaste parcelle, à l'extérieur de l'enceinte du bourg il va
sans dire, sur laquelle il avait l'usufruit sans redevance aucune. De plus, le fruit de ses
collectes lui appartenait en propre et quiconque se hasardait à lui en dérober ne fût-
ce qu'une infime part encourait un châtiment exemplaire. Le chanci obtenu par
la métamorphose de cette matière rancie permettait à ses
fils étaliers d'offrir, tant aux manants qu'aux bourgeois, les plus beaux légumes de toute
la banlieue en plus du fruit de la chenevière la plus productive qui fût.

Même s'il y avait déjà belle lurette que Carolus Magnus avait eu cette idée folle, un
jour, d'instaurer l'école, au XVe siècle la masse de la populace était
toujours analphabète. Ce n'était pas le cas de Jean, descendant direct de Pierre.
Fait inusité pour un plébéien, il savait lire, écrire, et surtout, il savait bien compter,
comme tous ses frères et soeurs d'ailleurs. Ce trésor leur venait de
leur aïeule paternelle, seule survivante du saccage et du pillage de
la chaumière pitoyable de sa famille. Ses parents avaient en effet vu sourdre un bon
matin une bande de brigands qui avaient occis toute la maison, oubliant le bébé
qui reposait dans son ber. Un moine mendiant, qui passait par là deux jours plus tard,
avait perçu des pleurs dans les déblais. Il avait recueilli la miraculée, étonné que les
loups ne l'aient point dévorée, et l'avait menée à la matricule la plus rapprochée. Ne
pouvant s'occuper d'un nourrisson, les marguilliers avaient de ce
pas remis la fillette au couvent avant d'aller prendre une fillette pour se remettre de leurs
émotions. Les nonnes, ébahies qu'elle ait pu échapper à un trépas assuré, l'avaient
élevée et instruite. Les moniales en avaient fait une véritable érudite. Consciente du
trésor inestimable qu'elle possédait, l'ancêtre s'était fait un devoir de le léguer à
sa progéniture, sachant bien qu'il s'agissait là de la seule fortune dont aucun maître ne
puisse vous dessaisir.

3
Jean était regardé comme loup blanc par les perceveurs qui n'avaient pas manqué
de faire mention à leur maître de ce fachier qui versait à chaque occasion
son champart sans maugréer, avec célérité et grande précision. Nul
besoin d'admonition avec ce vassal hors du commun si différent de
ses rudes et hargneux congénères qui vociféraient et grommelaient souvent des injures
menant parfois même à leur saisissement. Tous lui reconnaissaient
une droiture exemplaire. Jamais il n'avait tenté la moindre bèflerie ni la moindre félonie. Il
ne s'était jamais livré à aucune forfaiture. Ses paiements n'accusaient jamais le moindre
retard et toujours il exigeait quittance. Il lisait attentivement le précieux écrit, ne manquait
jamais de dénoter et de faire corriger la moindre erreur s'il s'en trouvait une, puis
le posait soigneusement dans l'un des nombreux dossiers qui se trouvaient à l'intérieur
de son humble demeure, se disant chaque fois que cette situation misérable ne
pouvait perdurer. Véritable engingneur, il possédait quelques curieux engins de
sa conception pour alléger son labeur. Il avait même créé à l'âge de 15 ans, un age qui
avait retourné le travail des laboureurs.

Un jour qu'il cherchait un homme de confiance, le seigneur manda Jean au château.


Quittant son logis de bon matin, ce dernier s'y présenta dès le lendemain matin,
nullement impressionné par les deux mâtins allongés près du trône de son hôte qui le
fit seoir à sa table afin, dit-il, de lui faire une proposition qui, à son avis, lui seyait bien.
Jean n'était point babillard contrairement à
la légion des badauds. Son insigne sapience lui fit reconnaître d'emblée la bonne affaire
lors d'une discussion sans cautèle ni billevesées et il ne barguigna point avant d'accepter
de bailler la charge qui lui était offerte. Il aimait les situations claires et
avait exposé droitement à son seigneur, sans paraboles ni palabres, qu'il entendait
traiter tous les vassaux avec la même probité que celle qu'il lui avait toujours démontrée.
Et c'était exactement ce qu'espérait ouïr le maître. Il sut dès lors que les ouï-
dire concernant Jean étaient véridiques et qu'il avait fait le bon choix car bien qu'il ne
fut point né gentil, Jean n'en était mie moins droit.

Jean devenait donc le responsable du pressoir banal tout neuf, une charge peu banale! Il
n'était désormais plus soumis à la banalité mais devenait l'un des responsables de son
application. De plus, le cellérier du monastère voisin allait lui enseigner tous les secrets
de la conversion du moût en vin et Jean serait aussi le bouteiller de la bastide. Il faisait
un bon de géant dans la hiérarchie de son époque. Il ferait maintenant partie de
la valetaille du château où le garde-vin jouissait du même prestige que le meunier. Il
aurait toujours à user d'intelligence et d'habileté car il devrait tout aussi
bien souder le muid qu'actionner le vit du pressoir. Il n'était point valétudinaire, ni
égrotant, et non plus cacochyme, et le travail ne lui faisait pas peur. Il était surtout
heureux de s'affranchir de son contrat de facherie qui, depuis toujours, ne lui avait laissé
qu'une maigre pitance, comme à tous ses voisins, même s'il n'avait jamais ployé sous
le faix. Malgré les apparences, son seigneur était juste et bon. Il s'efforçait de bien traiter
tous ses serfs. Fait rarissime, ceux-ci étaient même autorisés à chasser pour se nourrir
les cerfs qui pullulaient dans la forêt et dévastaient les maigres récoltes. Seule la cruelle
pauvreté de son domaine, véritable garrigue, constitué principalement de
terres emblavées bordées d'allées de
vignes empêchait qu'il appliquât le complant pratiqué sur des terres plus fertiles.

Jean prisait se gausser et voulu derechef inquiéter sa tendre et naïve Alexandra que
cette convocation soudaine avait mise en émoi. Rentrant à la brune, il se composa un
visage déconfit pour franchir l'huis de sa pauvrette demeure. Il ne put
cependant contenir son égaiement très longtemps et annonça vitement aux siens la
nouvelle qui les ébaudit tous. Le lendemain, son Alexandra, ne lui tenant
aucune rigueur de l'affolement qu'il lui avait causé la veille, lui offrit même un
petit déduit matutinal quasi peccamineux tant elle était heureuse. La nouvelle se
répandit incontinent dans la banlieue. Jean n'eut aucun mal à faire fi des brocards des
quelques envieux qui prétendaient à qui mieux mieux que la tâche lui messeyait. Toute
leur malignité était largement compensée par les appuis de la majorité des fâchers qui
venaient le congratuler et voyaient en lui un protecteur qui saurait les traiter
avec sollicitude afin de les inciter à se prendre en main pour améliorer leur situation.
1

Nous avons inséré dans le texte qui suit les faux-amis qui figurent dans la liste ci-
dessous. Pour savoir s'ils sont employés dans le bon ou le mauvais sens, vous n'avez
qu'à cliquer sur les faux-amis en question. Notez que ce texte ne concerne que les mots
anglais dont l'homologue français ne rend pas le sens et qu'il arrive parfois que deux
mots apparentés soient équivalents de traductions dans certains contextes et de faux-
amis dans d'autres contextes.

FAUX-AMIS QUE VOUS TROUVEREZ DANS LE TEXTE:

Accointances - Acquaintance, Actuellement - Actually, Argument - Argument, Audience -


Audience, Casserole - Casserole, Compréhensif - Comprehensive, Couple - Couple,
Délai - Delay, Député - Deputy, Donneur - Donor, Fameux - Famous, Formel - Formal,
Infâme - Infamous, (Se) Joindre - To join, Langage - Language, Local - Local,
Proprement - Properly, Raisin - Raisin, Relation - Relation, Scène - Scene.

LE DÎNER DE FAUX-AMIS

par
Amélie Rochette

La semaine dernière se tenait le dîner-bénéfice annuel de l'Association des jeunes


entrepreneurs de Saint-Arnac. Comme chaque année, cette soirée formelle était
présidée par l'infâme entrepreneur Monsieur Jean Sansregret. Bien que Monsieur
Sansregret figure parmi les plus illustres hommes d'affaires de la région et qu'il soit le
plus important donneur de l'Association des jeunes entrepreneurs, il ne semble pas faire
l'unanimité chez les locaux. Malgré ses efforts incessants pour faire bonne figure et son
implication dans un nombre compréhensif de projets communautaires, une couple de
rumeurs croustillantes circulent toujours à son sujet.
En effet, on a souvent reproché à ce dernier de faire appel à ses accointances pour
décrocher des contrats et de ne pas être très compréhensif envers ses employés qu'il
obligerait parfois à travailler dans des conditions infâmes. Actuellement, si la grande
majorité des citoyens de Saint-Arnac tolèrent les activités douteuses de Monsieurs
Sansregret, c'est que ses dons généreux assurent la survie de l'Association des jeunes
entrepreneurs.
Effectivement, l'économie de la région est actuellement plutôt précaire et très peu
d'options en matière de financement s'offrent à l'association. Ainsi, les citoyens de Saint-
Arnac ne s'attendaient à rien de moins de ce fameux dîner-bénéfice qu'une soirée où
tout serait mis en place pour leur mettre de la poudre aux yeux et dorer l'image du
notable donateur. Fidèle à ses habitudes, Monsieur Sansregret se présenta sans
s'excuser de son délai et s'en alla vers sa table, mine de rien, se joindre à
ses accointances du club de golf.
Plusieurs personnes influentes et fameuses partageaient aussi la table de Monsieur
Sansregret. Monsieur Yvan Descloux, son bras droit et député, était assis à sa gauche,
et à sa droite se trouvaient ses relations les plus importantes : son frère Paul et sa
femme Justine. Comme il avait l'intention de se joindre à son parti, Monsieur Sansregret
avait également pris soin d'inviter le Député provincial Monsieur Dubois. Bref, tous ceux
qui prenaient place autour de cette table étaient liés de près ou de loin à la scène de la
construction. Les convives finalement arrivés, on procéda au service du repas.
Au menu en entrée : une délicate portion de poisson salé accompagné d'une chermoula
de Sfax à laquelle le chef avait négligé d'ajouter des raisins. Comme il s'agissait d'un
dîner-bénéfice, personne n'osa souligner que la recette n'était pas proprement réalisée.
Sans faire de cas de cette bévue, on passa au plat de résistance. À peine Monsieur
Sansregret avait-il entamé sa casserole qu'il reçut une casserole à la tête. D'un air
décontenancé, le pauvre jeta un regard dans l'audience pour constater que l'auteur du
geste disgracieux se dirigeait droit vers lui.
Il s'en suivit un argument à bâtons rompus si animé et si incompréhensible qu'il fut
impossible de déterminer de façon certaine si les deux adversaires parlaient bien
le langage français. Certes, les blasphèmes retentissants rappelaient un langage de
ruelle. Quelle scène grotesque! Après un certain temps, il devint clair que la victime
entretenait une relation d'affaires avec son agresseur. Malgré les arguments solides de
cette dernière pour prouver la véritable identité du donateur adoré, les citoyens
l'escortèrent hors du local par crainte de voir leur pourvoyeur s'envoler. Comme quoi
toute vérité n'est pas toujours bonne à dire!
Nous avons inséré dans le texte qui suit les faux-amis qui figurent dans la liste ci-
dessous. Pour savoir s'ils sont employés dans le bon ou le mauvais sens, vous n'avez
qu'à cliquer sur les faux-amis en question. Notez que ce texte ne concerne que les mots
anglais dont l'homologue français ne rend pas le sens et qu'il arrive parfois que deux
mots apparentés soient équivalents de traduction dans certains contextes et de faux-
amis dans d'autres contextes.

FAUX-AMIS QUE VOUS TROUVEREZ DANS LE TEXTE

Aide - Aid, Appointements - Appointment, Balance - Balance, Charge - Charge, Choc -


Shock, Concerner - To concern, Cure - Cure, Découvrir - To discover, Défense -
Defence, Désagrément - Disagreement, Drogue - Drug, (S') intoxiquer - To intoxicate,
invalide - Invalid, Issue - Issue, Misérable - Miserable, Pratique - Practice, Ressusciter -
To resuscitate, Sensible - Sensible, Stage - Stage, Terrible - Terrible.

LE GRAND MALADE

par
Amélie Rochette

Par une magnifique journée de printemps, un climat des plus détendus régnait à la
Clinique médicale du Docteur Bohbot. Les employés se livraient à leurs occupations
régulières sans le moindre soupçon du grand désagrément qu'ils étaient tous sur le point
de subir. Monsieur Jules Malo-Talon, grand hypocondriaque, s'apprêtait à leur rendre
visite… Telle une tempête soudaine, le pauvre homme à l'air souffreteux et terrible fit son
entrée de façon tonitruante et prit d'assaut les lieux. De toute évidence, il se trouvait en
état de choc. Illico, il se précipita à la réception et déballa son sac à bride abattue à
Madame Frigo, la secrétaire.
« S'il vous plaît, je n'ai pas d' appointement, mais laissez-moi consulter le médecin. Sans
soins, je deviendrai invalide et perdrai mon emploi. Je suis si concerné par mon état de
santé qu'en échange de votre aide, je vous paierai une charge additionnelle, mieux
encore je doublerai vos appointements hebdomaires s'il le faut! », supplia-t-il avec
instance.
Malheureusement pour Monsieur Malo-Talon, Madame Frigo n'était qu'en stage à la
clinique et n'aimait pas beaucoup enfreindre les règles. C'est pourquoi elle hésita à
exaucer sa demande, elle n'accordait de passe-droits que très rarement. «Allons-donc,
soyez sensible et allez prendre un siège pendant je tente de remédier à cette issue. Il
n'est pas nécessaire d'être en désagrément, vous savez. Et puis, vraisemblablement si
vous vous êtes rendu jusqu'ici sans vous effondrer, c'est que vous n'avez toujours pas
atteint le stage critique du mal qui vous afflige…», lui répondit-elle d'un ton sec.
« Quelle injustice! », s'écria-t-il. « Vos arguments sont invalides! N'êtes-vous donc pas le
moindrement sensible à ma cause? Ne remarquez-vous donc pas que mon gros orteil a
la taille d'une balle de golf? Cette terrible douleur ne cesse d'augmenter! Comment
pouvez-vous me condamner ainsi à endurer une telle souffrance et à vivre dans des
conditions si misérables! Argh!!!! ». Sur ces mots, le grand malade, bien que contrarié,
s'en alla s'asseoir. Il opta pour une place près de l'issue de secours, juste au cas où il
sentirait le besoin de respirer un peu d'air frais.
Pas plus de quinze minutes ne s'écoulèrent avant que le Docteur Bohbot n'appelle son
nom. Il ne serait pas faux de croire que la rapidité du service était étrangement
proportionnelle au niveau d'agacement des employés de la clinique. « Bonjour docteur,
vous m'excuserez auprès des personnes concernées pour les ennuis que j'ai pu
occasionner dans la salle d'attente, mais il me semble que la mystérieuse maladie avec
laquelle je suis aux prises fait de moi un homme déprimé et misérable. Je ne suis plus
moi-même… », expliqua Monsieur Malo-Talon.
« Allons, allons, je ne doute pas qu'il existe une cure pour votre mal. La pratique de la
médecine n'a que très peu de secret pour moi vous savez…Laissez-moi d'abord vous
examiner.», répondit Docteur Bohbot. Le médecin procéda avant tout à l'examen de
routine, il écouta le cœur de son patient, vérifia sa pression artérielle et l'invita à marcher
en ligne droite pour vérifier s'il arrivait à maintenir sa balance. Enfin, il le soumit à
quelques tests additionnels pour s'assurer qu'il n'était pas intoxiqué, qu'il n'avait pas
consommé d'alcool ou de drogue.
Puisque Monsieur Malo-Talon se disait terrassé par la douleur qu'il ressentait au gros
orteil, le Docteur Bohbot le pria ensuite d'enlever ses bas et de découvrir ses pieds.
C'est alors que le médecin découvrit que son doigt de pied était à peine enflé. Monsieur
Malo-Talon explosa : « Dites-moi docteur, quelle est l'origine de cette difformité? Est-ce
parce que j'aurais botté le ballon trop violemment lors ma pratique de soccer? Ou
encore, serait-ce parce le mois dernier je me suis intoxiqué en mangeant de mauvaises
huîtres? Ou encore, serait-ce dû au choc électrique dont j'ai été victime l'an passé?
J'ai pratiquement perdu conscience, il a presque fallu me ressusciter par la suite vous
savez. Aurais-je porté une charge trop lourde lors de mon déménagement? Ou encore
est-ce à cause de la balance que je me suis échappée sur le pied en pesant le poisson
au boulot? Pourtant, mes souliers de travail sont censés assurer une défense contre les
coups… Aïe! Aïe! Aïe! Que vais-je devenir docteur? Serais-je contraint d'utiliser
une aide à la marche pour le restant de mes jours? Dites, vous n'auriez pas sous la main
une drogue contre l'enflure? Aidez-moi, je suis sans défense devant la mort qui me
guette? ».
Docteur Bohbot s'empressa donc de répondre : « Non! Non! Non! Rien de tout cela
n'aurait pu provoquer cette enflure. Il s'agit tout simplement d'une piqûre d'insecte,
difficile de déterminer lequel. Prenez cette pommade et appliquez-la au besoin.
Toutefois, en ce qui a trait à votre peur irraisonnée de la maladie, je ne peux rien sinon
que de vous conseiller de tenter de relaxer un peu. Ça vous aidera à maintenir tant la
santé physique que la mentale! ». Ainsi, Monsieur Malo-Talon, rassuré et satisfait de la
tournure des événements, décida de retourner chez lui.
Comme il souffrait toujours un peu, il opta pour l'autobus. Malheureusement, il semble
que les malheurs ne cessent de s'abattre sur lui… La première marche de l'entrée du
bus, apparemment mal maintenu, n'était pas très stable. En tentant de monter à bord,
Monsieur Malo-Talon perdu pied et le faux-pas qui s'en suivit lui occasionna une entorse.
« Vite, vite, monsieur le chauffeur, il faut m'emmener chez le Docteur Bohbot! »
L'APPEL DE LA MER
par
Mélanie Viau

Je marchais face au vent du nord.


J'aime bien la mer. La mer emporte tout.
J'aimerais bien être emportée un jour. Loin, très loin...
Le monde est si plein de touts à être emportés.

Un jour, j'ai décidé d'arrêter de marcher.

Je me suis arrêtée au versant d'un rêve vert.


La mer ici était l'anachorète
des êtres béotiens des plaines avoisinantes.
Je ne pouvais qu'en abhorrer le son.
Comment aimer le son sans faire preuve de laxisme
déconcertant
lorsque la mélopée du silence règne en autocratie
sur cette mer gargantuesque.
Je ne pouvais qu'abaisser le front avec componction
dans l'espoir que ma présence ne trouble pas le souffle tranquille
de l'eau
qui haussait ses courants au rythme de mes pas dilatoires.
Je ne pouvais plus espérer la méritocratie
pour ce penchant tranquille.
Je ne pouvais que croire au relatif tremblement de nos têtes
pour espérer
que mes jours n'étaient pas le fruit d'une périclitation immanente.
Mais le vent me manqua.
L'air me manqua.
Sur les seuils d'une mer sybilline.
Je sentis mes poumons cesser de se sustenter
à même le monde sous mes pieds.
Fini les rodomontades, les calembredaines et les billevisées
dans ma bouche de béni-oui-oui.
L'absence d'air me fit le même effet que l'abondance de rêves,
elle me coupa en deux.
J'avais eu raison de subodorer de mauvaises affaires
avec cette mer cabalistique.
Je m'effondrai dans le sol dur de la plage,
comme on tombe à genoux au jour glorieux d'armistice
et je rendis mes armes, et mes pas, aux souffle marin.

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