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doi : https://doi.org/10.3406/insep.1992.883
https://www.persee.fr/doc/insep_1241-0691_1992_num_1_1_883
De l’entraînement de la force
à la préparation spécifique en sport
Entretiens de l’INSEP
10 janvier 1992
Jean-Pierre Egger
La planification de l’entraînement.......................................................................................................................................................................... 17
Le plan cadre................................................................................................................................................................................................................................ 17
Les contenus du plan cadre................................................................................................................................................................................................... 17
Mes expériences de planification. ...................................................................................................................................................................................... 19
Les étapes de construction de la forme sportive................................................................................................................................................. 19
Les moyens d’entraînement.......................................................................................................................................................................................... 21
Construction de l’entraînement de la force (fig. 9)............................................................................................................................................. 25
Construction de l’entraînement de la détente (fig. 10)..................................................................................................................................... 27
Construction de l’entraînement de la force spécifique (fig. 11).................................................................................................................... 28
L’entraînement de Werner Günthör....................................................................................................................................................................... 33
La programmation hebdomadaire. .................................................................................................................................................................................... 34
Le test de condition physique............................................................................................................................................................................................... 35
L’ergojump de bosco................................................................................................................................................................................................................ 37
Programme 1 : le Squat Jump (SJ). ............................................................................................................................................................................. 38
Programme 2 : le Contre-mouvement Jump (CMJ)............................................................................................................................................. 38
Programme 3 : le Drop Jump (DJ)............................................................................................................................................................................... 38
Programme 4 : le Jump 60 secondes (J.60). ........................................................................................................................................................... 38
Programme 5 : le Jump 30 secondes (J.30). ........................................................................................................................................................... 39
Programme 6 : le Jump 15 secondes (J.15). ........................................................................................................................................................... 39
Questions-réponses. ........................................................................................................................................................................................................... 47
Liste des intervenants. ...................................................................................................................................................................................................... 51
Liste des cahiers déjà parus........................................................................................................................................................................................... 52
Thierry Maudet
Directeur général de l’Institut national du sport,
de l’expertise et de la performance (INSEP)
Préface à l'édition originale (1992)
Créés au début de cette année 1992 par Jean-Paul Gaugey, chef du département de la formation de
l’INSEP, préparés, gérés et animés par Henri Hélal, dont les compétences sont connues et appréciées
bien au-delà de l’Institut, les « Entretiens de l’INSEP » s’inscrivent dans trois objectifs majeurs de notre
établissement :
exploiter la diversité des missions d’entraînement de recherche et de formation dans une synergie
d’échanges et d’enrichissement professionnel,
organiser de manière régulière et cohérente des rencontres entre des experts de haut niveau, d’une
part, et des entraîneurs, formateurs ou chercheurs d’autre part,
développer nos réflexions dans l’espace européen et, plus largement, dans la communauté des
acteurs de la culture sportive internationale.
En acceptant d’assurer la conférence inaugurale des premiers « Entretiens », Jean-Pierre Egger nous
apporte concrètement une illustration parfaite de ce projet tant par son profil personnel que par ses
remarquables compétences professionnelles :
sportif de haut niveau de renom international,
enseignant-chercheur à l’École fédérale des sports de Macolin avec qui l’INSEP entretient des
relations aussi cordiales que fructueuses.
Je saisis donc cette occasion pour lui renouveler mes sincères remerciements pour son concours, mais
également pour exprimer ma gratitude aux promoteurs de ces « Entretiens », entreprise ambitieuse et
réaliste de rénovation de nos pratiques.
Je suis également convaincu que les lecteurs de ces actes partageront la satisfaction des auditeurs et
participants de cette conférence d’un très haut niveau culturel, technique et scientifique.
Jacques Donzel
Directeur de l’INSEP
Jean-Pierre Egger est professeur à l’École fédérale des sports de Macolin en Suisse où il est plus
particulièrement chargé du secteur de la « force ». Il s’est très rapidement intéressé au problème de
l’intégration du renforcement musculaire dans l’entraînement des sportifs, particulièrement dans le
sens de la plus grande spécificité et opérationnalité des acquis. Son activité de formateur, alliée à ses
connaissances pratiques et théoriques, l’a conduit à développer des « programmes de musculation » pour
la plupart des sports, notamment en athlétisme, hockey sur glace, ski, volley-ball, basket-ball, patinage
artistique, football, etc.
En athlétisme, son parcours se révèle assez classique : il a pratiqué le basket-ball en même temps qu’il
atteignait un niveau international au lancer de poids : il a été recordman de Suisse pendant de nombreuses
années, sélectionné aux Jeux olympiques de Montréal (1976) et de Moscou (1980). Son record personnel
de 20,25 mètres le situerait encore actuellement parmi l’élite internationale ! Il était donc naturel que la
Fédération suisse d’athlétisme fasse appel à lui et lui confie la responsabilité nationale de l’entraînement
des lanceurs. C’est au cours de cette période qu’il a notamment conçu puis élaboré les « plans cadres
d’entraînement » par catégorie pour les lancers athlétiques dont il nous donne exemple dans sa conférence.
Parallèlement à ses activités de formation des entraîneurs au sein de la Fédération suisse d’athlétisme
et du Comité national du sport d’élite suisse 1, il a su mettre au service de son groupe d’athlètes ses
connaissances, ses savoir-faire et surtout ses qualités pédagogiques, que tous ceux qui l’ont côtoyé
s’accordent à trouver exceptionnelles. Il a ainsi, comme il aime à le dire, « accompagné sur le long chemin
du sport d’élite » de nombreux athlètes avec lesquels il a obtenu des résultats d’excellence : Werner
Günthör est recordman de Suisse et champion du monde à Tokyo en 1991, Klaus Bodenmüller, recordman
d’Autriche, a été champion d’Europe en salle en 1990 et vice-champion du monde en salle en 1991, Ursula
Stäheli et Nathalie Ganguillet détiennent les records de Suisse du lancer de poids, respectivement dans les
catégories senior et junior.
L’activité centrée sur le haut niveau oblige tout entraîneur à une remise en cause permanente
que l’ouverture à d’autres champs d’activité ne peut que rendre plus facile et plus efficace. Comme
beaucoup, Jean-Pierre Egger a donc été conduit à collaborer avec les « scientifiques » dont il met à
profit les connaissances technologiques dans son enseignement. Comme tous les entraîneurs, il est ainsi
constamment soucieux de maintenir dans la musculation le meilleur « équilibre spécifique et individuel »
entre les facteurs force, force-vitesse et détente, problème complexe qui nourrit depuis trente ans des
discussions méthodologiques. Chaque entraîneur a plus ou moins bien résolu ce problème, le plus souvent
grâce à son expérience ; mais il est clair que seule la mesure scientifique objective peut guider avec la
certitude maximale un entraîneur dans l’adaptation permanente et individuelle des charges additionnelles.
Jean-Pierre Egger collabore donc avec le professeur Carmelo Bosco à la mise au point d’un ergomètre
spécifique, destiné à mesurer la puissance développée par l’athlète pendant qu’il réalise ses séries
d’exercices de musculation ; ainsi, « pour une charge programmée en kilogrammes et une puissance en
watts, l’Ergopower indiquera en temps réel si l’exécution du mouvement est trop rapide ou trop lente ».
Depuis deux ans, Jean-Pierre Egger donne une dimension nouvelle à son activité, afin de mettre ses
connaissances au service du plus grand nombre. Mandaté par le Comité national du sport d’élite suisse,
il développe un service de consultation et d’aide à la planification de l’entraînement à l’intention des
entraîneurs de toutes les disciplines. C’est à l’École fédérale des sports de Macolin ainsi qu’à la station
de montagne de Loèche-les-Bains, où il a contribué à développer un centre sportif reconnu depuis peu
comme Centre de préparation olympique, que Jean-Pierre Egger assure cette activité d’ingénieur-conseil,
activité novatrice mais qui devient indispensable quand on sait la multiplicité des paramètres qu’il faut
adroitement gérer pour accéder aux podiums olympiques.
1– Le Comité national pour le sport d’élite (CNSE) a été intégré à Swiss Olympic, association nationale créée le 1er janvier 1997 (NDÉ).
Henri Hélal
IntrOduCtIOn
Avant de parler d’entraînement, de technique, de planification ou de quelque autre facteur de
performance, il me paraît primordial de centrer notre attention sur l’athlète en tant qu’individu, sur ses
aspirations et ses prédispositions à la compétition sportive. Le rôle de l’entraîneur, notre rôle, consiste
à aider un être humain à réaliser ce que l’on appelle souvent « un rêve de gosse », et à l’accompagner
sur le chemin de l’aventure avec tout ce qu’elle réserve d’exaltant mais aussi de déprimant. Nous ne
devons jamais perdre de vue qu’à côté des qualités sensori-motrices, nées du mariage harmonieux de la
coordination et de la condition physique, l’athlète est doté d’un cœur, qui est le véritable catalyseur de la
démarche, et d’une tête qui lui permettra de mieux vivre un apprentissage conscient.
Au-delà de toutes les techniques sportives fondées sur la connaissance des sciences, je reste persuadé
que l’approche du sport de haut niveau passe d’abord, et avant tout, par la façon de présenter la matière,
autrement dit l’activité, par la manière de communiquer avec l’athlète, de le sentir jour après jour, mois
après mois, année après année, sans jamais faiblir, avec, comme le dit l’expression bien connue, « une
poigne de fer dans un gant de velours ». C’est en cela que réside tout l’art d’un métier où l’on ne veut trop
souvent voir que la seule science.
Ceux qui ont accompagné une ou plusieurs fois des athlètes sur le chemin périlleux du sport de haut
niveau savent comme moi qu’il s’agit d’une lutte constante contre le déséquilibre, qu’il soit physique ou
psychique. Les exigences du sport d’élite sont actuellement formidables voire exceptionnelles. J’entends
par là qu’elles peuvent aller jusqu’à devenir effrayantes, et c’est la raison pour laquelle l’athlète qui aspire à
l’excellence doit être constamment « réajusté ». Il existe, en effet, un équilibre fondamental à rechercher ;
c’est autour de cet équilibre, que je considère comme la qualité fondamentale de coordination, peut-être
même comme le facteur central de la performance, que je souhaite développer toute mon argumentation.
ÉQuILIbre et MuSCuLAtIOn
Si l’équilibre est, avec le rythme, l’orientation, la réaction et la différenciation, une des cinq qualités
fondamentales de coordination selon Arturo hotz, je l’entendrai, dans un premier temps, comme étant
le résultat d’un travail de musculation bien construit, c’est-à-dire d’un travail qui développe efficacement
les forces agonistes et antagonistes mises en jeu et ceci, dans le but d’éviter des « dysbalances » qui
peuvent avoir des répercussions négatives aussi bien sur l’appareil locomoteur passif que sur les aptitudes
motrices ultérieures. Je bâtis cet équilibre de l’athlète par l’entraînement de la force, en respectant quatre
principes fondamentaux :
1) Développement des muscles agonistes et antagonistes.
2) Pas de renforcement musculaire sans étirement.
3) Un muscle préfatigué s’étire mieux qu’un muscle
qui n’a pas travaillé.
4) L’étirement de l’antagoniste favorise le renfor-
cement de l’agoniste.
Les muscles de l’articulation de la hanche (Fig. 2a) sont très importants pour la course à pied. Or,
je constate que les coureurs pratiquent très souvent des bondissements par-dessus des haies ou des
caissons, donc des bondissements dans le sens vertical. C’était particulièrement le cas de notre champion
suisse du 800 mètres, Markus Trinkler, qui faisait 80 % de sa musculation spécifique sous cette forme ;
jusqu’à nouvel avis contraire, la propulsion spécifique des coureurs est horizontale, donc particulièrement
déterminée par l’action de l’extenseur et du fléchisseur de la hanche, du genou (Fig. 2b) et du pied (Fig. 2c).
Sur ce même modèle, le dernier exemple concerne les muscles abducteurs et adducteurs (Fig. 2d) qui
servent à la stabilisation du bassin. Ils sont très importants dans des disciplines cycliques comme le ski de
fond et le patinage de vitesse, mais également dans la plupart des disciplines acycliques de type complexe
(sports artistiques, sports collectifs, sports de duel et de combat, etc.).
Équilibre et rythme
Facteur central de la coordination motrice, l’équilibre joue un rôle capital dans l’exécution efficace de
toutes les techniques sportives ; aussi distinguerai-je l’équilibre statique de l’équilibre dynamique.
Équilibre statique
Pour développer l’équilibre statique, c’est-à-dire sur place, sans déplacement ou sans élan, j’utilise
le procédé d’imitation du geste principal. Dans ma spécialité, le geste du lancer du poids sans élan en
double appui est réalisé sur un banc suédois retourné, c’est-à-dire sur une surface de dix centimètres de
largeur placée à une vingtaine de centimètres de hauteur. Pour maintenir l’équilibre dans cette situation,
la précision du geste est indispensable. Toute déviation marquée du centre de gravité, provoquée par un
mouvement perturbateur ou mal maîtrisé, est immédiatement sanctionnée par une chute. Les exigences
de précision et d’équilibre imposées par cette forme de travail développent et renforcent très efficacement
les perceptions kinesthésiques. Quant à la largeur de la surface d’évolution, elle sera déterminée en
fonction de la difficulté de la tâche.
En généralisant, on peut alors dégager les trois moments principaux de cette approche :
Choisir la phase fondamentale d’un geste technique global et en optimiser l’efficacité en imposant
une maîtrise totale de l’équilibre du mouvement. Selon les sports on peut, par exemple, faire
exécuter les différents coups de la boxe en équilibre sur un banc plus ou moins large, faire ramer
quatre rameurs d’un huit, alors que les quatre autres maintiennent leurs avirons contre le plat bord
pour accentuer le déséquilibre du bateau, etc.
Favoriser la mémorisation gestuelle par une exécution lente, correcte et précise, l’imitation de tous
les gestes sportifs nécessitant une excellente maîtrise des appuis.
Exécuter cette phase fondamentale, toujours en équilibre mais avec des exigences qui accentuent
progressivement la difficulté de la tâche en modifiant l’intensité, la charge, la vitesse d’exécution,
etc.
Équilibre dynamique
Il est intimement lié au rythme, concept qui doit être ici entendu comme étant « l’organisation du
mouvement », si l’on se réfère à la plus ancienne des définitions que l’on doit à Platon. Le rythme est la
seconde qualité de coordination qui caractérise le lancer du poids. Il s’agit donc de faire réaliser différents
mouvements, plus ou moins complexes, en respectant le rythme propre à la discipline, ainsi que l’équilibre
dynamique, pour éviter toute dispersion des forces agissant sur l’engin.
Prenons quelques exemples d’exercices simples de lancer de médecine-ball qui allient rythme et
équilibre : lancer frontal, latéral et dorsal en trois temps (Fig. 3), lancer dorsal en deux temps en utilisant
la technique du « pas changé », etc.
Les exercices peuvent devenir très complexes et donc plus stimulants quand on utilise la face la plus
large du même banc suédois, sur lequel l’athlète imite le geste du lancer du poids non plus statiquement
mais en déplacement. Il est clair que, dans ce type de situation, on développe d’une manière très efficace
les qualités d’équilibre dynamique et de rythme du mouvement. Je me souviens qu’au cours des premières
séances où j’ai proposé cette forme de travail à mes athlètes, Klaus Bodenmüller, champion d’Europe en
salle en 1990 – et qui est d’ailleurs le meilleur athlète que j’entraîne après Werner Günthör – me disait que
c’était la première fois qu’il ressentait « le mouvement dans son ensemble », c’est-à-dire qu’il ressentait
tous les muscles participant au mouvement du lancer du poids. Ce type de travail, où la prise de conscience
permanente du geste est l’exigence fondamentale, nous a permis de mieux stabiliser cet équilibre final
que je considère comme un des points fondamentaux de la formation du lanceur.
Le plan cadre
Il ne m’appartient pas aujourd’hui de vous faire un exposé théorique sur les principes de la planification
et de la périodisation de la préparation sportive ; je voudrais plutôt vous présenter mon application des
connaissances, acquises principalement par l’observation quotidienne des athlètes tant à l’entraînement
que durant les compétitions.
Il n’existe, en effet, aucun schéma valable pour tout le monde ; pour chaque individu ou chaque
équipe, il faut trouver le schéma le plus profitable. À la Fédération suisse d’athlétisme, nous nous sommes
particulièrement intéressés, mes collègues entraîneurs nationaux et moi-même, à cet important problème
de la planification de l’entraînement à long terme d’une carrière sportive, depuis les catégories cadets-
cadettes B et A jusqu’aux catégories juniors et actives (seniors). Nous avons voulu aider l’entraîneur à
mieux structurer le travail qu’il réalise avec ses athlètes tant au cours d’une année de préparation que tout
au long de cette longue période consacrée à l’entraînement de construction.
Ce fil rouge ou « plan cadre d’entraînement », comme nous l’appelons, nous permet non seulement
de suivre dans le détail les buts et les moyens d’entraînement, la charge, le volume, l’intensité et la
récupération, mais également de faire aux entraîneurs un certain nombre d’observations ponctuelles, de
leur prodiguer des conseils complémentaires et parfois de leur proposer des solutions.
Un tel travail a, rappelons-le, des objectifs à long terme ; il consiste à mettre en place la préparation
optimale à la compétition de haut niveau, à « l’explosion » au jour J, explosion qui, chez de nombreux
athlètes, ne se produit hélas pas et qui constitue pourtant le but suprême de tout entraîneur comme de
tout sportif de haut niveau.
IMPORTANCE
Ce plan cadre, présenté dans le tableau 1, met à la disposition des entraîneurs de chaque groupe
de spécialités de l’athlétisme, et en fonction des jeunes gens et jeunes filles qu’ils entraînent, à la fois
l’idée générale du travail, c’est-à-dire la stratégie d’ensemble, et les outils les plus appropriés pour mieux
structurer leur entraînement à long terme, comme à plus court terme, dans les trois périodes classiques
d’une saison sportive (préparation, compétition et transition).
Section
musculaire
Coordination
intramusculaire
Endurance de force
Condition physique générale
Force générale
de lancer
Force de saut
Période de
Vitesse préparation extensive
Période de pré-
Endurance compétition intensive
Période de
compétition explosive
Souplesse
0 10 20 30 40 50
Durée (en %)
Figure 5 – Plan cadre annuel pour les lanceurs de poids juniors et actifs (seniors) [d'après la FSA, 1988).
La structure de la dynamique des charges qui caractérise la phase extensive est le plus souvent de nature
progressive : trois semaines (microcycles) de travail progressif, suivies d’une semaine de récupération.
Prenons un exemple simple en musculation : pour chaque exercice, il s’agira de réaliser trois séries de
x répétitions la première semaine, quatre la deuxième et cinq la troisième, puis seulement deux dans
la quatrième puisque c’est une semaine de récupération. Ces pourcentages correspondent davantage
à un travail de volume qu’à un travail qualitatif dans la mesure où j’ai l’impression, en tout cas dans
mon entraînement, de me situer toujours à un niveau qualitatif optimal : en effet, je cherche à atteindre
toujours le « maximum des possibilités de charges du moment », que ce soit dans des séries de dix, de
cinq ou de trois répétitions. De même, je fais rarement lancer à 80 % ou à 70 % de la force maximale car je
m’efforce toujours d’adapter une situation pour atteindre pleinement mes objectifs.
La structure générale des macrocycles de trois semaines est de nature « dégressive ». Toutefois, il
ne s’agit que d’une tendance car ce sont en fait deux semaines de charge importante qui précédent la
semaine de récupération. Or, si j’admets que la charge de la première semaine représente 100 % des
possibilités du moment en valeur absolue, il est difficile d’admettre que la deuxième semaine atteindra
elle aussi le même pourcentage : elle représentera en réalité une charge objective moindre, environ 80 %,
dont les effets seront maximaux en termes de charge interne. Nous avons avec cet exemple une des
nombreuses applications du principe cumulatif de la charge.
Avec mes collègues entraîneurs qui travaillent dans ce domaine, je pense que ces macrocycles
« dégressifs » de trois semaines correspondent assez justement à un travail optimal de type qualitatif où
dominent l’innervation et l’explosivité. Ils seront donc placés sélectivement dans des périodes intensives
et explosives. En fonction du temps disponible et de leur durée totale, je pourrai en programmer un ou
deux (Fig. 6).
Pour une discipline de type explosif comme le lancer du poids, les capacités sportives acquises doivent
pouvoir se maintenir pendant la période de compétition, qui ne devrait pas dépasser quatre à six semaines
pour une durée de développement de la force de douze à seize semaines.
Il s’agit donc d’une pyramide de travail qui s’établit sur une période de douze à seize semaines au
maximum pour une période de compétition de quatre à six semaines. Après cette dernière, je serai
contraint, pour aborder une deuxième période de compétition, de refaire un travail foncier, c’est-à-dire de
reprendre un travail de développement des facteurs de performance, un travail de reconstruction d’une
nouvelle forme sportive. Cette organisation de la préparation sportive, que j’ai pu expérimenter durant
de nombreuses années, a sans doute largement contribué à ce que mes athlètes atteignent leur forme
maximale au jour J.
100 %
Phase
explosive
100 % 100 %
80 80
30 30
85 %
100 %
80
Phase intensive
30
85 %
100 %
80
60 Phase extensive
30
85 %
Figure 6 – Les trois phases du développement de la force (d'après J.-P. Egger).
–– pliométrie pour le réflexe d’étirement qui est, dans la plupart des disciplines, un mécanisme très
important du développement de la force et souvent méconnu ou peu entraîné dans certains sports.
RÉFLÈXE
D’ÉTIREMENT
Emmagasinement -
restitution de l’énergie Pliométrie
élastique
Coordination
intramusculaire
Synchronisation
INNERVATION + 85 %
des unités motrices
Coordination
intermusculaire
HYPERTROPHIE 10 × 10 rép.
MUSCULAIRE 70-80 %
Coordination
des mouvements
MUSCULATION
Amplitude des
MULTIFORME
mouvements
ORIENTÉE
Force explosive
École de saut et de lancer
Prenons l’exemple du développement de la force de frappe (ou fouetté) du lanceur de javelot dont le
geste se rapproche de façon assez étonnante du smash au volley-ball, du service au tennis ou du tir au
hand-ball.
Musculation générale :
–– uni-articulaire pour développer la force au niveau de l’articulation du coude et de l’épaule (avec
appareils),
–– pluri-articulaire par la réunion de ces deux exercices dans le mouvement classique du pull-over avec
un haltère.
Musculation multiforme orientée : sous la forme de lancers de médecine-balls, réalisés dans différentes
positions, selon que l’on travaille au niveau de l’épaule, du tronc ou dans des positions déjà plus
spécifiques par rapport à la discipline. C’est ainsi que se comprend, par exemple, l’intérêt de l’exercice
de « lancer en l’air » de médecine-balls pour un volleyeur qui smashe précisément en suspension,
alors que la plupart du temps on se contente de faire ce travail en appui, ce qui est une démarche bien
différente.
Musculation spécifique : elle consiste à développer les muscles dans des conditions que l’on retrouve
en compétition, sans oublier d’intégrer le dernier mécanisme de la force, celui de la pliométrie. Les
exercices de pliométrie sont bien connus et très utilisés pour les jambes ; ils le sont pourtant beaucoup
moins pour les bras ; frapper avec une balle à lanière (ballonde) sur un mini-trampoline ou un cadre de
tchouk-ball permet d’innerver et de mettre en tension la musculature du bras lanceur avant la réponse,
c’est-à-dire précisément avant le lancer ou la frappe. Nous aurons l’occasion plus loin d’évoquer le
système du balancier pour la musculation spécifique de type pliométrique du lanceur de poids.
En utilisant ce modèle comme fil conducteur d’élaboration du programme d’entraînement de la force
de frappe chez le lanceur, le tennisman, le volleyeur ou le joueur de hand-ball, l’entraîneur obtiendra
des progressions notables. Nous avons eu l’occasion, avec mes collègues, de tester ce travail chez de
nombreux joueurs et de nombreuses équipes, et je puis affirmer que je n’ai jamais rencontré de sportif qui
n’ait pas amélioré ses résultats après deux à trois mois d’entraînement selon ce modèle.
Le régime excentrique
Il y a quelques années, m’appuyant sur des recherches scientifiques, j’ai essayé de concevoir un appareil
pour travailler les extensions de jambes et de bras, deux mouvements primordiaux dans le lancer du poids.
Sur le modèle du « power rack », comme l’appellent les Américains, j’ai fait construire, à l’image d’une
presse verticale, un appareil avec une barre coulissant sur deux montants, lesquels supportent chacun un
wagonnet (chariot) et sont munis d’un système de compression à air. Par ailleurs, un dispositif électrique
permet de déplacer sur ces montants des curseurs qui enclenchent ou déclenchent à volonté le système
de compression à air. Cet appareil permet de réaliser une flexion de jambe avec 250 kilogrammes à la
descente sur une amplitude donnée, grâce au réglage des curseurs, puis, à la fin de cette flexion, donc à un
angle choisi (demi ou quart de squat), un certain pourcentage du poids disparaît, permettant de remonter
avec une charge normale. Et c’est ainsi que j’ai découvert un travail optimal que Gilles Cometti appelle le
« 120-80 % », c’est-à-dire 120 % de la charge pendant la descente en régime de contraction excentrique
puis 80 % de la charge pendant la remontée en régime concentrique. Avec cette forme de travail, nous
pratiquons des séries de cinq à six répétitions.
Le niveau de sollicitation exige que l’athlète soit spécifiquement préparé à ce travail de musculation
excentrique, en dehors, bien entendu, de toute la préparation musculaire générale. Comment et avec
quelles charges doit-on le préparer à ce type de musculation ?
D’abord avec le poids du corps que l’athlète doit apprendre à freiner.
Ensuite avec des charges progressives (jusqu’à 90-100 % du maximum), en travaillant d’une
façon excentrique (freinage) un nombre de fois plus grand qu’il n’est possible de le faire dans le sens
concentrique. Par exemple, si, avec une charge de 90 à 95 % du maximum, je peux réaliser des séries de
deux à trois squats (descente et remontée), je réaliserai donc avec cette même charge des séries de cinq à
six descentes, des aides se chargeant alors de remonter la barre après chaque flexion.
Enfin avec des formes un peu plus brutales, comme celle du « 120-80 W ».
Ce type de musculation est un travail de grande efficacité, « magnifique » pour la préparation des
qualités de pliométrie et de réactivité et nous verrons un peu plus loin à quel moment je place cet
entraînement dans la planification.
Le régime isométrique
Pour moi, ce régime sert essentiellement à préparer le travail de type stato-dynamique qui se caractérise
par une position statique ou isométrique maintenue pendant quelques secondes après lesquelles l’athlète
« explose » sur un régime de contraction concentrique. Ce travail joue un rôle important dans l’approche
de la compétition. Il y a quelques années, nous avions eu avec les entraîneurs nationaux de longues
discussions sur la planification en période précompétitive et compétitive ; en ce qui me concernait,
j’abordais la compétition sur la base d’un travail de pliométrie. Gilles Cometti m’a dit : « Essaie une fois
de faire un travail stato-dynamique dans la phase de compétition », autrement dit dans la semaine même
du concours. Je reconnais que j’avais quelques doutes, qui ont disparu à la suite de mes observations de
terrain mais aussi après l’étude des électromyogrammes qui montraient que la montée de force était
supérieure à celle que j’imaginais auparavant. Dans les exercices de type stato-dynamique, il y a une
montée extrême de la force qui chute après quelques secondes seulement ; on profite donc de ce pic
de force pour déclencher le travail concentrique. C’est manifestement un procédé de musculation d’une
grande efficacité et qui est également très intéressant au niveau de l’isométrie.
Le régime pliométrique
Je ne m’attarderai pas sur cette forme de musculation devenue maintenant tellement classique et
répandue qu’elle est génératrice de lourdes erreurs. La tentation de tout généraliser a été très forte et,
dans de nombreuses disciplines, les accidents articulaires se sont multipliés, principalement au niveau du
genou. En effet, les sauts en contrebas à partir de caissons relativement élevés, qui constituent la forme
la plus intensive, voire la plus brutale, de la pliométrie avec charges, représentent des sollicitations trop
lourdes pour ceux qui n’y sont pas préparés ou pour ceux qui les pratiquent trop ou trop longtemps :
beaucoup d’entraîneurs ont simplifié le problème, se sont contentés d’utiliser cette forme de musculation
pendant toute la préparation et ont donc vu apparaître très rapidement les effets négatifs de leur
démarche.
Construction de l’entraînement de la force (fig. 9)
Il s’agit donc de programmer très soigneusement et très systématiquement l’étape du développement
de la force dans chacune des trois phases de la préparation.
100 %
Coordination
intramusculaire
IVE
LOS
Méthode :
dynamique
EXP
positive explosive
5 à 8 séries
de 5 à 1 répétitions
85 % FORCE MAXIMALE
E
SIV
5 à 8 séries de 5 à 1 répétitions
INT
Développement du
70 % volume musculaire
Phase de « bodybuilding»
E
SIV
isokinétique
EXT
principe de pré-fatigue
5 à 8 séries de 10 répétitions
50 %
Figure 9 – Les étapes du développement de la force dans les sports d’explosivité (d'après J.-P. Egger, 1991).
Phase extensive
C’est la phase de « body-building » ou de prise de volume musculaire sur les principes déjà évoqués
avec, toutefois, l’introduction de méthodes d’entraînement d’un meilleur rendement, à condition que
l’athlète ait déjà travaillé un certain temps sous les formes traditionnelles de séries de dix répétitions.
Nous introduisons en particulier les méthodes de pré- ou de postfatigue ; il s’agit d’un travail alterné entre
un exercice pluri-articulaire (par exemple le développé couché ou le squat), précédé ou suivi d’un travail
uni-articulaire, donc sélectif, sur un muscle important du groupe musculaire (le pectoral ou le triceps pour
le développé couché et le quadriceps pour le squat) ; de plus, ce travail peut être réalisé avec ou sans
changement de régime musculaire.
Plusieurs combinaisons sont possibles et celle qui m’a donné le plus de satisfaction est la suivante : 1 ×
10 répétitions d’un exercice intéressant un groupe musculaire, donc pluri-articulaire, puis un exercice uni-
articulaire combinant travail excentrique et travail concentrique. J’ai observé que vous disposiez, à l’INSEP,
d’appareils de marque Schnell dont le bras qui supporte les poids se prête à merveille à ce type de travail
puisque l’entraîneur ou le partenaire peut appuyer plus ou moins fortement sur le levier dans la phase
excentrique du mouvement pour augmenter l’activité musculaire dans ce sens. Ce type de musculation
est particulièrement efficace.
Il y a quelques années, j’ai pratiqué la préfatigue traditionnelle, c’est-à-dire une série de dix répétitions
d’un mouvement sélectif, suivie d’une série de dix répétitions du mouvement global et j’ai constaté peu
d’effets sur le plan technique, particulièrement sur le dynamisme dans le lancer. L’année suivante, j’ai
apporté une modification apparemment minime : j’ai placé le travail sélectif en postfatigue et j’y ai ajouté
le travail excentrique. J’ai alors constaté une évolution notable de la longueur des jets à l’entraînement,
pratiquement un mètre de plus sur la moyenne des distances réalisées auparavant… ce qui est beaucoup.
Je pense pouvoir dire que ce travail est valable non seulement pour le développement de la section du
muscle mais aussi pour une meilleure préparation à un travail d’innervation, autrement dit de simulation
ou d’activation nerveuse.
Phase intensive
Cinq répétitions correspondent assez bien à cette « barrière », qui en fait n’en est pas une, entre
l’augmentation du volume musculaire et le développement des qualités d’excitabilité.
Je pratique la musculation de cette manière-là, en supprimant pratiquement tous les exercices uni-
articulaires qui ne sont absolument pas spécifiques de ma discipline. Je conserve uniquement des exercices
à caractère force-vitesse, plus complexes sur le plan de la coordination, et une forme de travail que vous
connaissez bien, que ce soit par votre pratique ou par la littérature : le « super Pletnev », qui se compose
d’un ensemble de séries avec alternance des régimes musculaires de contraction. Ainsi, pour un exercice
classique comme le développé couché, on travaillera par exemple de la manière suivante :
5 à 6 répétitions à 90 % en excentrique, pauses de 5 minutes,
5 à 6 répétitions à 60 % en pliométrie par exécution rapide, pauses de 5 minutes,
isométrie totale avec 70 %, pauses de 5 minutes,
2 × 6 répétitions à 50 % en concentrique.
C’est un travail très intéressant que j’ai pu tester avec Werner Günthör, mais uniquement au niveau des
bras puisqu’il avait subi une opération au niveau du dos ; en trois semaines, il a atteint une performance
proche des 200 kilogrammes au développé couché sans travail de bodybuilding préalable. Il s’agit donc
d’un procédé de musculation que je conseille vivement dans cette phase intermédiaire qui précède
directement le travail de l’innervation pure.
Phase explosive
Dans cette étape de précompétition, j’utilise des charges d’environ 90 % du maximum, qui doivent
être déplacées d’une façon explosive et qui permettent d’atteindre le meilleur rendement en termes
de puissance (force-vitesse). Je privilégie de plus l’alternance non pas des régimes musculaires mais des
charges ; je pratique essentiellement les combinaisons suivantes : charges maximales (90 %) + charges
répétées (50 à 70 %) et charges maximales (90 %) + charges dynamiques (poids du corps ou charges
légères) :
squats à 90 % + bondissements,
arrachés à 90 % + lancers du poids en arrière par-dessus la tête.
Cette alternance de charges lourdes et légères dans des mouvements très ressemblants à la spécialité
occupe une place très importante dans la phase de compétition pour lier en permanence force et
coordination. Je puis vous dire qu’aujourd’hui le travail de force (arraché, épaulé) ne se pratique presque
plus d’une façon isolée. Cela suppose, bien entendu, des installations un peu particulières que nous avons
la chance de posséder, comme vous d’ailleurs dans le magnifique stade d’athlétisme Joseph Maigrot.
100 %
Formes d’entraîne-
IVE
ment spécifiques
LOS
stato-dynamique
EXP
Pliométrie pure
85 %
Isométrique-
E
pliométrique
SIV
EN
INT
Excentrique-
pliométrique
70 %
E
pliométrie à
EN
faible intensité
EXT
50 %
Figure 10 – Les étapes du développement de la détente dans les sports d’explosivité (d'après J.-P. Egger, 1991).
Phase extensive
Nous pratiquons un travail préventif, je dirai même prophylactique, en effectuant les divers exercices
de bondissements pieds nus, sur des tapis relativement mous qui nécessitent par conséquent un meilleur
équilibre et qui favorisent le renforcement de la musculature du pied (laquelle est le plus souvent mal
développée en raison d’équipements insuffisants). Ce travail proprioceptif nous a permis d’éliminer
presque complètement les blessures ou les affections de type inflammatoire, comme les périostites par
exemple.
Pendant cette phase extensive, tout le travail de détente est réalisé au moyen de séries de dix sauts
environ et sous de multiples formes (appuis simples, appuis doubles, bondissements verticaux, horizontaux,
latéraux et, bien sûr, bondissements en arrière pour le lancer du poids). De cette manière, nous pouvons
aborder relativement rapidement un travail plus efficace et plus spécifique, sur sol dur et en chaussures.
Phase intensive
Dans cette seconde phase, l’alternance des régimes musculaires, et plus particulièrement des régimes
excentriques et isométriques, constitue une très bonne préparation à la pliométrie pure et au travail
stato-dynamique qui précédera la compétition, et ce, aussi bien pour le travail de musculation que pour
celui de la détente.
Phase explosive
Elle est caractérisée par la pliométrie pure combinée aux procédés stato-dynamiques qui ménagent
quelque peu la fibre musculaire dans les périodes de compétition. Voici quelques enchaînements que les
entraîneurs utilisent maintenant assez couramment :
3 montées sur banc sur chaque pied + 4 sauts en contrebas (en pieds) avec remontée sur banc,
3 montées sur la pointe des pieds avec charge + 4 sauts de haie en pieds + 3 montées sur la pointe
des pieds avec charge + foulées bondissantes sur haies rapprochées (skipping),
4 descentes sur chaque jambe + 4 sauts de haie + 4 sauts en contrebas avec amortissement + 4 sauts
en contrebas avec rebond,
4 descentes avec charge de 90 % + 6 sauts de haies + 6 descentes avec 90 % + 6 sauts en contrebas
avec rebond,
4 descentes en excentrique à la presse inclinée + 4 sauts de haies + 2 descentes en excentrique à la
presse + 6 foulées bondissantes sur haies rapprochées (skipping),
assis dos au mur (wallseat) avec une charge sur les cuisses + 4 sauts de haies + 1 squat en isométrie
avec charge + 4 sauts en contrebas,
4 demi-squats avec charge + 6 sauts de haies + 2 demi-squats avec charge + 4 sauts en contrebas.
Phase extensive
Dans la musculation préconisée dans cette phase, les muscles fonctionnent plutôt par recrutement des
fibres. Je procéderai donc de la même manière au plan technique mais je travaillerai plus tranquillement ;
en Suisse, on dit : « plus gentiment ». Cela me donne la possibilité d’affiner le mouvement, de travailler
la coordination gestuelle en équilibre, de renforcer les bases et de mettre l’accent sur les corrections
techniques, ce qui sera indispensable pour progresser ultérieurement.
100 %
E
SIV
60 % d’engins de compétition
LO
≈ 30 jets par
EXP
d’entraînement
SIV
EN
INT
70 %
d’entraînement
EN
Nous utilisons des poids plus légers dans la mesure où l’athlète n’est pas encore suffisamment fort ; ce
serait en effet une erreur magistrale que de lui faire lancer un poids de sept ou huit kilogrammes alors qu’il
ne possède pas les bases musculaires pour propulser correctement un tel poids. L’engin allégé lui permet
de se mouvoir et de se coordonner d’une façon tout à fait spontanée et normale.
Phase intensive
Lorsque l’athlète est beaucoup plus fort et beaucoup plus tonique, j’utilise, dans la même séance, des
poids plus lourds, puis des poids légèrement plus légers, et bien entendu les poids de compétition. Comme
ces trois engins sont lancés alternativement, cela signifie en fait que ma séance comporte un tiers de
lancers avec un poids plus lourd, un tiers avec un poids plus léger et un tiers avec un poids de compétition.
Dans les sports qui nécessitent une charge pour le travail de la détente, je suggère d’utiliser des
surcharges ne dépassant pas 10 à 15 % de la charge à soulever, qu’il s’agisse du corps ou d’un engin. Au-
delà de ces 10 à 15 %, nous observons très rapidement des problèmes au plan de la gestuelle ; il ne s’agit
plus en effet d’un travail spécifique mais au contraire d’un travail qui devient extrêmement perturbateur
car il ne respecte plus la structure interne du geste.
Phase explosive
Dans cette phase, nous lançons évidemment de préférence le poids de compétition mais aussi un poids
plus léger pour améliorer les qualités de vitesse.
Pour le bras lanceur, nous utilisons la pliométrie au moyen d’un pendule de cinq mètres de hauteur
muni d’une boule de douze kilos pour les hommes et de sept kilos pour les femmes. Ce type d’appareil
ne permet pas de réaliser un travail parfaitement spécifique (puisque le lancer requiert plutôt un travail
stato-dynamique) ; par contre, il développe merveilleusement les qualités réactives. Et dans la mesure
où cet engin n’est pas parfaitement guidé sur l’axe mais est susceptible de se déplacer latéralement, on
imagine facilement la difficulté qu’il y a à réceptionner le poids bien aligné dans l’axe : il faut d’abord le
lancer bien droit et développer un niveau extraordinaire de coordination, de perception et de savoir-faire
pour éviter de prendre l’engin en plein visage au retour.
Des difficultés techniques ne m’avaient pas permis de faire construire cet engin sur une structure rigide
comme je l’avais conçu et cela s’est avéré positif car ce que je croyais être un défaut améliore terriblement
la coordination et il s’agit bien, dans toute la mesure du possible, de développer la coordination
parallèlement à la force.
Pour les jambes, il devient presque indispensable de choisir des appareils de musculation qui
permettent un travail alternatif entre la jambe droite et la jambe gauche comme cela se passe dans la
plupart des sports afin qu’un travail de coordination se fasse parallèlement au développement de la force.
Les effets en sont optimisés : des études réalisées aux États-Unis ont montré qu’il y avait des gains de force
supérieurs de 5 à 10 % lorsque l’on entraîne alternativement chaque jambe par rapport à un entraînement
simultané des deux jambes.
Pour l’entraînement de l’impulsion, nous travaillons d’une façon encore plus spécifique par rapport
au geste. Chaque spécialité sportive a son impulsion propre et il s’agit de trouver des exercices qui
permettent de renforcer ou de développer plus efficacement cette impulsion. L’exemple de l’épaulé-jeté
pratiqué par le lanceur est très significatif de cette tendance à la spécificité. Très schématiquement, trois
phases caractérisent le lancer du poids : un déplacement vers l’arrière qui nécessite une forte et longue
poussée de la jambe d’appui, une réception en double appui de type pliométrique, puis une propulsion
par l’extension de tout le corps. Classiquement, on admet que l’épaulé-jeté de l’haltérophile correspond
assez bien à cet enchaînement, surtout en comparant les deux types d’impulsion. Pourtant, en analysant
plus finement, on se rend compte que cette correspondance n’est pas tout à fait juste dans la mesure
où l’haltérophile marque un temps d’arrêt relativement long entre l’épaulé et le jeté. Pour adapter
spécifiquement au lancer de poids cet excellent exercice, il faut éliminer ce temps d’arrêt et enchaîner
un mouvement que j’appellerai « épaulé jeté direct » (Fig. 12). Ce fut au début un exercice très difficile
à réaliser pour Werner qui a finalement réussi des barres de 170-180 kilogrammes à l’épaulé-jeté direct,
alors que son record n’était pas beaucoup plus élevé lorsqu’il le pratiquait classiquement en deux phases.
C’est à mon sens ce type de réflexion que nous devons mener lorsque nous choisissons un exercice de
musculation pure, de bondissement ou de lancer : il faudra toujours s’efforcer de l’adapter au mouvement
spécifique de la discipline.
Forme, mais aussi direction de l’impulsion-propulsion. S’il s’agit d’une propulsion verticale, je
développerai la musculature qui permettra à l’athlète de « monter plus haut » : extenseurs du genou et du
pied suivi d’un travail pluri-articulaire (squats complets, demi-squats ou montées sur banc) ainsi que des
bondissements verticaux (haies, caissons).
Pour la propulsion horizontale, on ajoutera un travail des extenseurs et des fléchisseurs de la hanche,
suivi de bondissements horizontaux en double appui ou en foulées bondissantes.
Il en sera de même pour le travail d’impulsion latérale pour lequel on utilise presque exclusivement
les bondissements latéraux. Ainsi, tous les sports collectifs se caractérisent par un très grand nombre
de changements de direction qui sollicitent maximalement les muscles à un régime excentrique lors
de la phase de freinage ou d’amortissement ; or, la plupart des joueurs ne sont pas préparés à cette
sollicitation, tout simplement parce qu’à l’entraînement, dans leur travail spécifique, ils ne vont jamais
jusqu’aux limites de sollicitation de cette musculature. Les entraîneurs ne se sont pas posé la question
de savoir comment ils pourraient optimiser le travail musculaire, par exemple en réalisant des sauts en
contrebas pour solliciter le régime excentrique ou en enchaînant bondissements (pliométrie), équilibre
en demi-flexion et bondissements (stato-dynamique). Au lieu de cela, ils enchaînent des sauts, souvent
sans rythme, de part et d’autre d’un banc, ou d’un cerceau dans un autre, ce qui est, il faut en convenir,
très réducteur par rapport à l’extraordinaire diversité des impulsions latérales que l’on rencontre dans les
situations sportives.
La figure 13 propose une modélisation de l’entraînement de la force tel que je le pratique avec le
groupe d’athlètes que j’entraîne.
100 %
50 %
Figure 13 – Modélisation de l’entraînement de la force (lancer du poids) [d'après J.-P. Egger, 1991].
Ces quelques réflexions concernant la construction de l’entraînement trouvent leur application dans le
plan de préparation de Werner Günthör aux championnats d’Europe de Stuttgart en 1986 (Fig. 14). C’est à
cette occasion qu’il réalisa sa meilleure performance de l’année ; c’était également la première fois qu’un
lanceur dépassait la ligne des 22 mètres dans une grande compétition officielle.
Dresden GP 21,36 : 2e
GGB Meeting : 21,80 m
d’entraînement de
Lanzarote
Camp
d’entraînement
de Tirrenia
er
Camp
Repos
actif
novembre décembre janvier février mars avril mai juin juillet août septembre octobre
Étape de
transition
1re phase Étape Période de
re e
1 période de préparation de 2 période de préparation Période de compétition
compét. trans. transition
Prolongement de la phase
extensive de deux semaines
Vous pouvez voir que le schéma est simple et qu’il correspond bien à mon propos. Par rapport aux
planifications des années précédentes, il comporte toutefois une modification peu visible mais qui s’est
avérée très importante voire décisive. En effet, Werner réalisait toujours sa meilleure performance de
l’année en juin alors que les grandes compétitions se déroulent généralement en août ou septembre.
Nous avons mené une réflexion qui nous a conduits à attaquer différemment les compétitions du mois de
juin : nous avons prolongé de deux semaines la deuxième phase de développement extensif (il s’agit, sur
la figure, des deux semaines qui précédent le camp d’entraînement de Tirrenia). La série de performances
que l’athlète a réalisée lors de ces compétitions du mois de juin a été impressionnante et tout le monde
attendait naturellement un jet à plus de 22 mètres dès cette période. Ce ne fut pas le cas car, quand on
prend une telle mesure – à savoir, prolonger de deux semaines un entraînement foncier –, c’est dans le
but de retarder l’apparition de la forme sportive : les 22 mètres ont certes été dépassés deux fois, mais
la première lors des championnats d’Europe, à la fin du mois d’août, et la seconde à la fin du mois de
septembre, au cours d’une compétition interclubs sans grande importance (finale du CSI) et dans des
conditions climatiques peu favorables (froid, brouillard). L’analyse faite a posteriori semble m’indiquer
que si j’avais « relâché » un peu plus à cette période, il aurait peut-être eu plus de « jus » et aurait pu
réaliser une meilleure performance… Mais comment en être sûr ?
La programmation hebdomadaire
L’organisation des contenus des microcycles doit traduire en termes opérationnels la stratégie générale
d’entraînement. Le schéma est simple (Fig. 15) : le microcycle hebdomadaire est composé de neuf à dix
unités d’entraînement (UE) au cours desquelles nous travaillons, dans l’ordre, force, technique, puissance
(force-vitesse) et vitesse-coordination.
Évaluation
Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
de la charge
Très grande
Technique
Puissance
Puissance
Vitesse coordination
Vitesse coordination
Grande
Repos
Force
Moyenne
Technique
Technique
Force
Faible
Unité
1-2 2 1 2 2 1
d’entraînement
Lundi / 1 UE
Force : exercices traditionnels en insistant énormément sur le renforcement du tronc et sur les gainages.
Mardi / 2 UE
Le matin, entre 10 heures et midi, le travail technique, le travail mental, le travail de vitesse. C’est dans
cette partie de la journée que Werner est le plus productif.
L’après-midi, musculation à caractère force-vitesse en utilisant des exercices plus complexes au niveau
de la coordination (arraché, jeté nuque, épaulé jeté direct).
Mercredi / 1 UE
Vitesse et coordination : bondissements, sprint, haies, ainsi que des « lancers tous azimuts » avec des
ballons ou des poids, puis récupération, massage, sauna, etc.
Unité
1-2 2 1 2 2 1
d’entraînement
La même organisation est reprise pour la seconde partie de la semaine (vendredi, samedi et dimanche)
avec toutefois une séance supplémentaire, le dimanche matin, consacrée à l’endurance aérobie. Cette
modification a pour effet d’augmenter la charge de travail et de constituer un enchaînement de cinq
unités d’entraînement (effet de sommation). Ce bloc vendredi-samedi est tout à fait comparable, en
termes d’organisation des contenus, au bloc jeudi-vendredi de la semaine d’entraînement au lancer, telle
que je l’ai programmée. Bien que l’on note un léger décalage, la construction – ou tout au moins l’idée de
cette construction – ressemble étrangement à celle qui est la mienne pour une discipline d’explosivité.
doit éviter de les multiplier. À ce propos, le recueil permanent des indices de travail (charges soulevées,
chronos, distances de lancer, etc.) me permet un contrôle permanent car, je vous l’ai dit au début, je vais
au bout à chaque entraînement ; ainsi, quand au cours d’une séance de travail l’athlète réalise des séries
de cinq répétitions avec 5 à 10 kilogrammes de plus que le poids habituel, je n’ai pas besoin de le tester
pour savoir qu’il progresse. J’utilise donc les séances de tests à la fin de chaque phase de travail et de
chaque période pour évaluer avec objectivité les effets réels de l’entraînement sur les qualités entraînées
et sur certaines disciplines en terme de performance. À cet effet, nous avons créé, avec mon collègue
entraîneur de décathlon, un test de condition physique composé de cinq épreuves :
30 mètres sprint, départ en starting-block, chronométrage électrique,
5 bonds enchaînés en double appui (appuis simultanés),
Épaulé d’une barre à disques,
Lancer en arrière du poids de compétition,
Lancer par-dessus la tête et vers l’avant (touche de football) d’un médecine-ball : deux kilogrammes
pour les femmes, trois kilogrammes pour les hommes.
Pour mesurer la force, nous avons choisi l’épaulé parce qu’il ne favorise aucun lanceur en particulier et
qu’il traduit un certain niveau de coordination, contrairement au squat et au développé couché.
Une table de cotation pour ces cinq épreuves a été conçue et réalisée par mon collègue Hansruedi
Kunz de l’université de Zurich (tableau 2, voir plus loin). Elle est en corrélation avec la table de cotation
IAAF du décathlon : ainsi, un athlète qui totalise 700 points dans ce test de condition physique devrait être
capable, sur la base des qualités mesurées, de réaliser 7 000 points au décathlon.
Nous pratiquons ce test depuis 1983 et les résultats de Werner Günthör, rassemblés dans la figure 17,
me permettent de faire un certain nombre d’observations :
La performance au lancer du poids a progressé de plus de 13 %, soit plus de 2 mètres, ce qui est
considérable à ce niveau.
La force joue un rôle prédominant dans la discipline : c’est l’épaulé qui marque la plus grande
progression et nous constaterions certainement la même évolution pour le squat, le développé couché
ou le jeté nuque.
Le lancer du poids en arrière est l’épreuve où l’on observe la plus grande progression après l’épaulé.
La progression aux cinq bonds ne paraît pas aussi importante que le laisserait supposer la quantité
de travail de détente effectué. Notons que réaliser plus de 19 mètres dans cette épreuve est déjà
exceptionnel pour un athlète dont le poids oscille entre 120 et 130 kilogrammes. Il faut voir dans cette
progression relativement moyenne les effets d’un excellent entraînement antérieur réalisé en cadet-
junior et fondé davantage sur la détente et la coordination que sur la force. Nous ne redirons jamais
assez combien il est important de respecter la formation sportive du jeune et combien l’entraînement
de la force est plus bénéfique quand il est réalisé sur une capacité de détente préalablement développée
en liaison avec la coordination.
La performance spécifique s’améliore de 13 % alors que le total de points acquis aux cinq épreuves
s’améliore de 24,4 %, soit près du double. Cela montre l’importance du travail de la condition physique
dans la performance au lancer du poids.
Les tests les plus importants sont ceux qui présentent le plus de corrélations avec la performance
au poids, comme l’épaulé ou le lancer du poids en arrière, mais aussi des exercices qui ne font pas
partie du test, comme le jeté nuque ou l’épaulé-jeté direct, qui se situeraient au niveau de l’épaulé,
alors que le squat et le développé couché se situeraient légèrement en dessous, en raison de leur
qualité de coordination moins développée. Il faut, le plus souvent possible, choisir des tests à caractère
coordinatif : pour le lancer du poids, un lancer, avec élan ou sur un rythme donné, aura un degré de
corrélation plus grand qu’un lancer sans élan.
Les premiers ennuis de dos de Werner datent de 1988, juste avant le test, ce qui explique ses résultats
moins bons à l’épaulé mais également aux cinq sauts et au lancer du médecine-ball en avant. Depuis
lors, nous n’avons plus travaillé à des valeurs maximales dans ce type de mouvement qui sollicite
énormément le dos.
Les deux champions de Suisse homme et femme seniors que j’entraîne, ainsi que les deux champions
juniors de l’époque, présentent les mêmes caractéristiques d’évolution de leurs résultats (tableau 3,
voir plus loin). La progression de Werner n’est donc pas une progression exceptionnelle et je pense
qu’il ne dépassera plus ces performances en raison de l’accident dont il a été victime et de l’opération
du dos qui a suivi : ce sont, par contre, les prédispositions de Werner qui sont exceptionnelles… Voilà
la différence !
Épaulé
Gains Gains
+ 41,8 %
en % en %
+ 40 + 40
24,77
22,17
24,01
21,30
21,80
Total des
points
+ 24, 4 %
+ 30 + 30
4230
4760
4790
5005
5215
5255
Lancer du 5 bonds
poids Vitesse 30 m + 15,5 %
+ 13, 7 % +6% Lancer du méd .
ball de 3 kg
16,50 m
+ 13, 3 %
20,01 m
17,40
17,55
18,58
19,07
18,57
+ 20 + 20
3'’ 81 manuel
20,80
21,55
22,22
22,47
22,75
23,30
25,13
24,35
26,10
26,90
25,75
4'’ 25
4'’ 26
4'’ 24
4'’ 49
4'’ 20
+ 10 + 10
100 100
83
84
85
86
87
88
83
84
85
86
87
88
83
84
85
86
87
88
83
84
85
86
87
88
83
84
85
86
87
88
83
84
85
86
87
88
83
84
85
86
87
88
Figure 17 – Évolutions de la performance au lancer du poids et au test de condition physique de Werner Günthör de 1983 à 1988.
L’ergojump de bosco
Le professeur Carmelo Bosco, avec lequel je collabore pour la mise au point et le développement
d’appareils spécifiques, a réalisé un instrument de mesure composé d’un tapis électronique qui sert de
plate-forme de contact et d’un micro-ordinateur de poche qui permet de mesurer la hauteur d’élévation
du sujet et de calculer la puissance développée. C. Bosco a mis au point six programmes de tests très
intéressants pour le suivi de l’entraînement.
En m’appuyant sur tous les tests que nous avons réalisés dans différentes disciplines, je peux dire
qu’un athlète bien entraîné a un indice d’élasticité d’environ 15 % ; pour mes athlètes, cet indice se situe
entre 10 et 20 % ; en dessous, c’est insuffisant. Si vous pratiquez ce type de tests vous constaterez qu’un
travail de force tend à privilégier la performance au Squat Jump tandis qu’un travail de bondissements
privilégie celle au contre-mouvement jump. Ainsi, une patineuse artistique que je commence à entraîner
et qui est vice-championne de Suisse n’a jusqu’à présent amélioré ses qualités de détente qu’au niveau
« élastique » car je n’ai pas encore introduit le travail de force avec charges additionnelles. Nous le ferons
progressivement l’année prochaine et nous verrons alors ces paramètres se modifier.
Il est également à noter que, sur la base des résultats obtenus au SJ et au CMJ, l’ordinateur indiquera,
selon une formule mise au point par Bosco, le pourcentage de fibres rapides du sujet.
Sur la base de ces trois tests maintenant devenus classiques, Bosco en propose trois autres pour
les sports où les qualités de puissance musculaire doivent s’exprimer dans une certaine durée. Le sujet
enchaîne le plus grand nombre possible de sauts pendant 60, 30 et 15 secondes, en respectant une tonne
d’exécution normalisée qui se caractérise par une flexion de jambe de 90 degrés, les mains posées sur les
hanches et sans déplacement antéropostérieur (Fig. 18).
Figure 18.
Nous avons réalisé un travail intéressant avec Markus Trinkler dont le record est de 1’45’’24 aux 800
mètres. Il a effectué le test du J.60 à trois mois et demi d’intervalle (24 décembre 1990 et 16 mars 1991).
Nous avons calculé la puissance en watts par kilogramme de poids de corps et la hauteur d’élévation du
centre de gravité. Les résultats sont représentés dans la figure 19. Ce qui m’a surpris, et qui vous surprend
sans doute aussi, c’est la « cassure » de la courbe entre 30 et 45 secondes, cassure qui montre que cet
athlète, au moment du premier test et avant entraînement, était mal préparé sur le plan de la résistance.
Le travail de développement de la force dont j’avais la responsabilité a été construit sur les bases
exposées plus haut :
–– phase extensive : travail d’endurance aérobie pour la course et travail de bodybuilding en musculation,
–– phase intensive : travail d’innervation avec des charges relativement lourdes, accompagné d’un
travail d’endurance musculaire spécifique sur la base de son temps de course (soit environ 2 minutes)
et sous des formes classiques de circuit ou de parcours alternant des exercices de musculation
(bondissements, abdominaux, steps…) avec des fractions de course légères.
À la fin de la période de préparation hivernale, Markus a réalisé une excellente série de tests :
–– augmentation de la puissance moyenne de 10 watts par kilogramme de poids de corps, ce qui est
énorme,
–– augmentation de la hauteur moyenne d’élévation de près de 4 centimètres,
–– très importante évolution de la puissance développée marquée par la modification nette de cette
fameuse cassure entre 30 et 45 secondes.
40 Puissance moyenne
avant entr. 24,38 W
39 après entr. 34,83 W
38
37 Hauteur moyenne
36 d’élévation
avant entr. 30,30 cm
35 après entr. 34,11 cm
34
33
32 Après entraînement
31 16 mars 1991
30
29
28
27
26
25
24
Avant entraînement
23
24 décembre 1990
22
21
20
15 30 45 60 s
Figure 19 – Évolution des performances de Markus Trinkler,
recordman de Suisse du 800 m, au test de 60 secondes sur l’ergojump de Bosco (d'après J.-P. Egger).
À l’évidence, ces tests d’ergojump de Bosco permettent de cerner les effets réels de telle ou telle
méthode d’entraînement de la force sur les différentes qualités et les différents paramètres. Ils permettent
aussi de programmer les formes de travail qui auront le meilleur rendement pour chaque athlète. C’est
un outil très précieux pour conduire efficacement le processus d’entraînement et je vous le conseille
vivement.
Bosco développe actuellement d’autres appareils parmi lesquels l’« Ergo Power » qui attire toute mon
attention. Il permettra à l’entraîneur de choisir non seulement la charge mais aussi la puissance avec laquelle
l’athlète devra travailler. Pour une charge programmée en kilogrammes et une puissance programmée en
watts, l’« Ergo Power » indiquera si l’exécution du mouvement est trop rapide ou trop lente. L’entraîneur
pourra ainsi toujours travailler ce qu’il avait vraiment prévu de travailler à l’entraînement et ce d’une
façon véritablement guidée.
Voilà, j’ai essayé de vous faire partager quelques-unes de mes expériences et de vous faire part des
réflexions qu’elles ont suscitées tout au long de ces nombreuses années qui, je dois vous le dire, m’ont
apporté beaucoup de plaisir et de satisfactions. J’aimerais terminer simplement sur une image, un peu
symbolique certes, celle d’un entraîneur qui, par son expérience, par un certain savoir, illumine le parcours
sportif d’un athlète qui doit et qui devra dans les prochaines années transmettre à son tour ce précieux
flambeau à d’autres athlètes.
Je vous remercie de votre attention.
Tableau 1 – Plan-cadre d’entraînement. Poids juniors hommes et femmes, actifs et actives (seniors).
période intensive ––sauts verticaux (sur une poids du 100 à 150 élevée moyennes ––sur tapis ou sur le sol, par-
jambe sur banc suédois) corps + sauts cours de sauts à construire
––sauts de course éventuel- avec différentes formes de
lement un sauts
––sauts d’escaliers (pieds gilet lesté
joints)
––sauts de caisson (pieds
joints)
période explosive ––sauts de haies poids du 50 à 100 très élevée moyennes – ––sur tapis airex ou sur le sol,
––sauts de caisson corps sauts longues ces exercices peuvent être
réalisés chronométrés
––5 sauts enchaînés
entraînement
complémentaire
vitesse
période extensive ––pas d’entraînement de vi- 5 x 4-6 moyenne courtes ––sous le terme de vitesse, il
tesse, tout au plus quelques haies - faut comprendre seulement
courses de haies (coordina- varier les la vitesse de course (sprint
tion générale) distances et haies)
période intensive ––sprint sur la piste ou courses 6 x 50-70 m élevée moyennes ––un bon échauffement suivi
de haies 6 x 4-5 moyenne à de quelques courses de
haies élevée coordination est très im-
portant !
période explosive ––sprint sur la piste ou courses 6 x 20-40 m élevée moyennes ––départs dans les starting-
de haies 5 x 3-4 blocks
haies élevée à
très élevée
endurance ––footing 10-20 mn légère à ––influence positive sur le
aérobie moyenne système circulatoire, les
capacités de récupération et
––à l’occasion : vélo, natation, 1 h par en relation avec la prophy-
semaine légère à laxie des blessures
ski de fond, jeux moyenne
––le lanceur devrait effectuer
un léger entraînement de
course après chaque entraî-
nement de force
souplesse ––stretching 15-20 mn légère à ––le stretching et la gym-
articulaire ––gymnastique spécifique par entraî- moyenne nastique spécifique d’élan
et musculaire d’élan nement devraient compléter chaque
entraînement
Tableau 2 – Table de cotation des épreuves du test de condition physique pour les lancers athlétiques.
Épaulé d’une barre Cinq bonds enchaînés en Course de vitesse Lancer en arrière du Lancer en avant du
Points
à disque (kg) double appui (m) 30 m (s) poids (m) medicine- ball (m)
200 0 10,39 5’’17 2,59 0
205 0 10,44 5’’16 2,70 0
210 0 10,49 5’’15 2,82 0,10
215 0 10,55 5’’14 2,93 0,17
220 0 10,60 5’’13 3,05 0,34
225 1 10,65 5’’12 3,16 0,51
230 2 10,71 5’’11 3,28 0,67
235 3 10,76 5’’10 3,39 0,84
240 4 10,81 5’’09 3,51 1,01
245 5 10,87 5’’08 3,62 1,17
250 6 10,92 5’’07 3,74 1,34
255 7 10,97 5’’06 3,85 1,50
260 8 11,02 5’’05 3,97 1,67
265 9 11,08 5’’05 4,08 1,84
270 10 11,13 5’’04 4,20 2,00
275 11 11,18 5’’03 4,31 2,17
280 12 11,24 5’’02 4,43 2,34
285 13 11,29 5’‘01 4,54 2,50
290 14 11,34 5’’00 4,65 2,67
295 15 11,39 4’’99 4,77 2,84
300 16 11,45 4’’98 4,88 3,00
305 17 11,50 4’’97 5,00 3,17
310 18 11,55 4’’96 5,11 3,33
315 19 11,61 4’’95 5,23 3,50
320 20 11,66 4’’94 5,34 3,67
325 21 11,71 4’’93 5,46 3,83
330 22 11,76 4’’92 5,57 4,00
335 23 11,82 4’’91 5,69 4,17
340 24 11,87 4’’9 5,80 4,33
345 25 11,92 4’’89 5,92 4,50
350 26 11,98 4’’88 6,03 4,67
355 27 12,03 4’’87 6,15 4,83
360 25 12,06 4’’86 6,26 5,00
365 29 12,13 4’’85 6,38 5,16
370 30 12,19 4’’84 6,49 5,33
375 31 12,24 4’’83 6,61 5,50
380 32 12,29 4’’82 6,72 5,66
385 33 12,35 4’’81 6,84 5,83
390 34 12,40 4’’8 6,95 6,00
395 36 12,45 4’’79 7,07 6,16
400 37 12,51 4’’78 7,18 6,33
415 38 12,56 4’’77 7,30 6,50
410 39 12,61 4’’76 7,41 6,66
415 40 12,66 4’’75 7,53 6,83
420 41 12,72 4’’74 7,64 6,99
425 42 12,77 4’’73 7,76 7,16
430 43 12,82 4’’72 7,87 7,33
435 44 12,88 4’’71 7,99 7,49
440 45 12,93 4’’70 8,10 7,66
445 46 12,98 4’’69 8,22 7,83
450 47 13,03 4’’68 8,33 7,99
Épaulé d’une barre Cinq bonds enchaînés en Course de vitesse Lancer en arrière du Lancer en avant du
Points
à disque (kg) double appui (m) 30 m (s) poids (m) medicine- ball (m)
455 48 13,09 4’’67 8,45 8,16
460 49 13,14 4’’66 8,56 8,33
465 50 13,19 4’’65 8,68 8,49
470 51 13,25 4’’64 8,79 8,66
475 52 13,30 4’’63 8,91 8,82
480 53 13,35 4’’62 9,02 8,99
485 54 13,40 4’’61 9,14 9,16
490 55 13,46 4’’60 9,25 9,32
495 56 13,51 4’’59 9,37 9,49
500 57 13,56 4’’58 9,48 9,66
505 58 13,62 4’’57 9,60 9,82
510 59 13,67 4’’56 9,71 9,99
515 60 13,72 4’’55 9,83 10,16
520 61 13,78 4’’55 9,94 10,20
525 62 13,83 4’’54 10,06 10,49
530 63 13,88 4’’53 10,17 10,65
535 64 13,93 4’’52 10,29 10,82
540 65 13,99 4’’51 10,40 10,99
545 66 14,04 4’’50 10,52 11,15
550 67 14,09 4’’49 10,63 11,32
555 68 14,15 4’’48 10,75 11,49
560 69 14,20 4’’47 10,86 11,65
565 71 14,25 4’’46 10,98 11,82
570 72 14,30 4’’45 11,09 11,99
575 73 14,36 4’’44 11,21 12,15
580 74 14,41 4’’43 11,32 12,32
585 75 14,46 4’’42 11,44 12,48
590 76 14,52 4’’41 11,55 12,65
595 77 14,57 4’’40 11,67 12,82
600 78 14,62 4’’39 11,78 12,98
605 79 14,67 4’’38 11,90 13,15
610 80 14,73 4’’37 12,01 13,32
615 81 14,78 4’’36 12,13 13,48
620 82 14,83 4’’35 12,24 13,65
625 83 14,89 4’’34 12,36 13,82
630 84 14,94 4’’33 12,47 13,98
635 85 14,99 4’’32 12,59 14,15
640 86 15,04 4’’31 12,70 14,31
645 87 15,10 4’’30 12,82 14,46
650 88 15,15 4’’29 12,93 14,65
655 89 15,20 4’’28 13,05 14,91
660 90 15,26 4’’27 13,16 14,98
665 91 15,31 4’’26 13,28 15,15
670 92 15,36 4’’25 13,39 15,31
675 93 15,42 4’’24 13,51 15,48
680 94 15,47 4’’ 23 13,62 15,65
655 95 15,52 4’’22 13,74 15,81
690 96 15,57 4’’21 13,85 15,98
695 97 15,63 4’’20 13,97 16,14
700 98 15,68 4’’19 14,08 16,31
705 99 15,73 4’’18 14,20 16,48
710 100 15,79 4’’17 14,31 16,64
715 101 15,84 4’’16 14,43 16,81
Épaulé d’une barre Cinq bonds enchaînés en Course de vitesse Lancer en arrière du Lancer en avant du
Points
à disque (kg) double appui (m) 30 m (s) poids (m) medicine- ball (m)
720 102 15,89 4’’15 14,54 16,98
725 103 15,94 4’’14 14,66 17,14
730 104 16,00 4’’13 14,77 17,31
735 106 16,05 4’’12 14,89 17,48
740 107 16,10 4’’11 15,00 17,64
745 108 16,16 4’’10 15,12 17,81
750 109 16,21 4’’09 15,23 17,97
755 110 16,26 4’’08 15,35 18,14
760 I11 16,31 4’’07 15,46 18,31
765 112 16,37 4’’06 15,58 18,47
770 113 16,42 4’’06 15,69 18,64
775 114 16,47 4’’05 15,81 18,81
780 115 16,53 4’’04 15,92 18,97
785 116 16,58 4’’03 16,04 19,14
790 117 16,63 4’’02 16,15 19,31
795 118 16,69 4’’01 16,27 19,47
800 119 16,74 4’’00 16,38 19,64
805 120 16,79 3’’99 16,50 19,80
810 121 16,84 3’’98 16,61 19,97
815 122 16,90 3’’97 16,73 20,14
820 123 16,95 3’’96 16,84 20,30
825 124 17,00 3’’95 16,96 20,47
830 125 17,06 3’’94 17,07 20,64
835 126 17,11 3’’93 17,19 20,80
840 127 17,16 3’’92 17,31 20,97
845 128 17,21 3’’91 17,42 21,14
850 129 17,27 3’’90 17,53 21,30
855 130 17,32 3’’59 17,65 21,47
860 131 17,37 3’’85 17,76 21,63
865 132 17,43 3’’87 17,88 21,80
870 133 17,45 3’’56 17,99 21,97
875 134 17,53 3’’85 18,11 22,13
880 135 17,58 3’’54 18,22 22,30
885 136 17,64 3’’83 18,34 22,47
890 137 17,69 3’’82 18,45 22,63
895 138 17,74 3’’81 18,57 22,80
900 140 17,80 3’’80 18,68 22,97
905 141 17,86 3’’79 18,80 23,13
910 142 17,90 3’’78 18,91 23,30
915 143 17,95 3’’77 19,03 23,46
920 144 18,01 3’’76 19,14 23,63
925 145 18,06 3’’75 19,26 23,80
930 146 18,11 3’’74 19,37 23,96
935 147 18,17 3’’73 19,49 24,13
940 148 18,22 3’’72 19,60 24,30
945 149 18,27 3’’71 19,72 24,46
950 150 18,33 3’’70 19,83 24,63
955 151 18,38 3’’69 19,95 24,80
960 152 18,43 3’’65 20,06 24,96
965 153 18,48 3’’67 20,18 25,13
970 154 18,54 3’’66 20,29 25,29
975 155 18,59 3’’65 20,41 25,46
980 156 18,64 3’’64 20,52 25,63
Épaulé d’une barre Cinq bonds enchaînés en Course de vitesse Lancer en arrière du Lancer en avant du
Points
à disque (kg) double appui (m) 30 m (s) poids (m) medicine- ball (m)
985 157 18,70 3’’63 20,64 25,79
990 158 18,75 3’’62 20,75 25,96
995 159 18,80 3’’61 20,87 26,13
1 000 160 18,85 3’’60 20,98 26,29
1 005 161 18,91 3’’59 21,10 26,46
1 010 162 18,96 3’’58 21,21 26,63
1 015 163 19,01 3’’57 21,33 26,79
1 020 164 19,07 3’’56 21,44 26,96
1 025 165 19,12 3’’56 21,56 27,12
1 030 166 19,17 3’’55 21,67 27,29
1 035 167 19,22 3’’54 21,79 27,46
1 040 I68 19,28 3’’53 21,90 27,62
1 045 169 19,33 3’’52 22,02 27,79
1 050 170 19,38 3’’51 22,13 27,96
1 055 171 19,44 3’’50 22,25 28,12
1 060 172 19,49 3’’49 22,36 28,29
1 065 173 19,54 3’’48 22,48 28,46
1 070 175 19,59 3’’47 22,59 28,62
1 075 176 19,65 3’’46 22,71 28,79
1 080 177 19,70 3’’45 22,82 28,95
1 085 178 19,75 3’’44 22,94 29,12
1 090 179 19,81 3’’43 23,05 29,29
1 095 180 19,86 3’’42 23,17 29,45
1 100 181 19,91 3’’41 23,28 29,62
Tableau 3 – Évolutions des performances au lancer du poids et au test de condition physique de quatre athlètes de niveaux différents.
Jean-Robert Filliard (Laboratoire de mesures de l’INSEP) : Pouvez-vous nous proposer des épreuves
d’évaluation qui vous servent à quantifier ou à apprécier les différentes qualités d’équilibre ?
Jean-Pierre Egger : Je n’ai pas d’argument scientifique à faire valoir, c’est plutôt une question
d’observation. J’ai en effet demandé à tous mes lanceurs de poids et de disque d’exécuter une flexion des
jambes en portant une barre d’haltérophilie à bout de bras au-dessus de la tête. Certains étaient incapables
de réaliser cet exercice sans tomber ; ce manque de contrôle de l’équilibre doit être interprété comme
une lacune initiale qui se répercutait tout aussi négativement sur le plan du comportement technique
de ces athlètes. En orientant leur entraînement vers le développement de l’équilibre dynamique, ils ont
progressé assez rapidement. Pour moi, l’équilibre est au centre du problème posé par une utilisation
rationnelle des forces : chez un athlète bien équilibré, toutes les forces mises en jeu auront une action
dans la bonne direction et le moindre déséquilibre se traduira, dans une discipline comme le lancer du
poids, par une perte d’efficacité certaine de l’ensemble des forces disponibles. Ce principe fondamental,
autour duquel je bâtis mes stratégies d’entraînement, comme je l’ai exposé précédemment, ne repose pas
sur des expérimentations scientifiques mais sur l’observation et la pratique.
Jean-Robert Filliard : Avez-vous l’expérience de l’ergojump de Bosco avec des jeunes enfants dont le
poids est léger ? Notre expérience lors d’une évaluation avec des jeunes basketteurs a posé beaucoup de
problèmes au niveau des contacteurs...
Jean-Pierre Egger : Je partage totalement votre observation. Les barres de contact sont relativement
espacées ; chez les athlètes qui ont de petits pieds ou chez les enfants, le tout début de l’appui peut
se faire entre deux contacteurs qui ne sont alors touchés que lors de la pose complète du pied, donc
avec un certain retard : dans ce cas, les résultats sont évidemment faussés. Bosco m’a conseillé de plier
le tapis en deux, ce qui a pour effet de réduire de moitié l’espace entre deux contacteurs. J’ajouterai
que l’on rencontre des problèmes de fiabilité des mesures dans les sauts quand ils sont réalisés avec un
léger déplacement horizontal. Il est important que l’athlète saute véritablement dans l’axe pour avoir une
mesure fiable.
Willy Balestro (Fédération française de basket-ball, préparateur physique de l’équipe nationale) :
Dans tous les sports collectifs, particulièrement en basket-ball, les entraîneurs sont confrontés au problème
de la planification : deux mois de préparation pour huit mois de championnat national avec, pour les
clubs majeurs, deux matchs par semaine auxquels s’ajoutent, pour les meilleurs joueurs, les compétitions
internationales. Avez-vous été confronté à ce genre de problème et quelles sont vos solutions ?
Jean-Pierre Egger : Oui, j’ai été confronté à ce problème de la planification dans les sports collectifs et
la réponse dépend du niveau auquel on évolue. S’il s’agit de jeunes basketteurs en période de formation
sportive, avec des objectifs à long terme, je ne m’occuperais pas trop des résultats immédiats, ni de la
recherche d’une efficacité « le jour J ». Je développerais les qualités nécessaires en les intégrant dans le
programme spécifique sans craindre par exemple qu’un travail de volume musculaire nuise momentanément
à la performance en basket. S’il s’agit d’une équipe première qui dispute le championnat national, je pense
qu’elle pourra se contenter de travailler sur deux blocs en ce qui concerne l’entraînement de la force :
le bloc de formation de base visant le développement d’une certaine masse musculaire ; des
expériences montrent qu’on peut augmenter facilement sa masse maigre d’un à deux kilogrammes
en un mois sans utilisation d’un quelconque produit hormonal ;
le bloc de développement des qualités musculaires d’innervation, propre à la discipline, qui se
prolongera pendant la période de compétition. Il s’agit alors de placer judicieusement les exercices
par rapport aux matchs et aux entraînements collectifs, qu’ils soient techniques ou tactiques.
Par exemple, dans la période de compétition, je placerais volontiers une phase d’entraînement
d’innervation-coordination la veille d’un match plutôt que l’avant-veille.
même entraînement, car il est indispensable de changer le type de stimulation de l’organisme toutes les
trois ou quatre semaines pour maintenir l’efficacité du processus d’entraînement ; il s’agit de varier au
maximum en utilisant toutes les possibilités de travail et toutes leurs combinaisons ; je vous en ai proposé
certaines et il y en a beaucoup d’autres… J’ai eu cette très grande chance de jouer au basket-ball à un
bon niveau parallèlement à l’athlétisme ; je connais très bien ce sport que j’aime beaucoup et je ne puis
m’empêcher de penser que si j’ai été capable de varier durant dix ans l’entraînement d’un lanceur de
poids, les entraîneurs de basket-ball, et plus généralement les entraîneurs de sports collectifs, ne devraient
pas avoir de peine à faire mieux encore. Ils disposent de larges possibilités pour varier l’entraînement en
fonction de la condition physique, en fonction de la détente générale ou spécifique et doivent pouvoir ainsi
proposer au fil de l’année des combinaisons d’exercices et de méthodes qui entretiennent et renouvellent
en permanence la stimulation de l’organisme.
Chantalle Thépaut-Mathieu (Laboratoire de biomécanique de l’INSEP) : Faites-vous une différence
entre meilleur recrutement des unités motrices (UM) et synchronisation des unités motrices ? Et en quoi
une synchronisation des unités motrices apporterait-elle un bénéfice au niveau de la force ?
Jean-Pierre Egger : Je distingue le travail de « synchronisation » des unités motrices, qui nécessite des
charges maximales à submaximales, du travail de recrutement, qui se fait généralement avec des charges
moins lourdes. Selon que la spécialité sportive est acyclique et de type explosif ou cyclique à régime de
charge optimale (comme le cyclisme, l’aviron ou le canoë-kayak), on caractérisera le travail comme étant
de type « synchronisation des UM » ou de type « recrutement des UM ». Ce que je sais, c’est que pour
ma spécialité qui est de type explosif, le travail de « synchronisation » qui utilise des charges maximales
est indispensable. La question se pose de savoir si le travail réalisé avec des charges légères et à très
grande vitesse d’exécution peut être rangé dans cette catégorie de « coordination intramusculaire » et de
synchronisation des UM. Jacques Duchateau, de l’université libre de Bruxelles, pense que cela est possible
mais on n’en est pas tout à fait certain. Le problème, je le répète, c’est de faire une bonne analyse des
régimes de contraction spécifiques à la discipline et d’orienter sa préparation vers cette spécificité en
sachant utiliser toutes les ressources de l’entraînement musculaire. Ainsi, dans les sports d’endurance, les
entraîneurs ont longtemps été sceptiques sur l’utilité de développer la force maximale. Ce n’est plus tout
à fait le cas aujourd’hui et je crois que tous les sports ont intérêt à développer la force maximale, ainsi qu’à
utiliser tous les régimes de contraction, excentriques, concentriques, pliométriques, isométriques, même
si l’un d’entre eux n’est pas spécifique de l’activité. L’important, c’est aussi de varier en permanence
pour déclencher ou relancer un processus d’amélioration. Il est clair que lorsqu’on modifie le travail,
au terme de trois ou quatre microcycles, on perturbe l’organisme et cela peut avoir des répercussions
négatives pendant un certain temps. À ce propos, il m’est arrivé de rencontrer chez certains athlètes des
dérèglements sur le plan technique au moment du passage d’une étape à l’autre. Ce phénomène s’est
produit le plus souvent lors du passage de la phase intensive à la phase explosive, c’est-à-dire pendant
l’étape précompétitive. Face à l’insécurité que peut provoquer ce type de dérèglement parfois mal vécu
par l’athlète, j’ai été contraint de diminuer quelque peu les charges additionnelles et j’ai dû proposer un
travail de type « recrutement des UM » pour permettre à l’athlète de retrouver rapidement ses sensations
sur le plan gestuel.
Chantalle Thépaut-Mathieu : J’ai beaucoup de mal à définir le concept de synchronisation des unités
motrices. C’est un concept que l’on utilise beaucoup pour donner une interprétation d’un phénomène
mais je n’ai jamais vu quelqu’un définir exactement ce qu’est ce phénomène physiologique que serait la
synchronisation des unités motrices. Et en quoi se différencie-t-il du recrutement ?
Jean-Pierre Egger : Je vais prendre un exemple simple : si je vous demande de chanter j’obtiendrai un
son d’autant plus fort que vous serez nombreux à chanter en même temps. Je passerai donc d’une situation
de recrutement progressif des voix (10, 20, 30…) à leur recrutement maximal qui constitue finalement la
synchronisation d’un maximum de voix. En terme de musculation, plus la charge est lourde, plus je fais
appel à une synchronisation des unités motrices pour pouvoir produire des forces.
Chantalle Thépaut-Mathieu : Donc, pour vous, synchronisation des unités motrices veut dire
recrutement maximal ?
Jean-Pierre Egger : Oui, pour moi c’est cela.
Chantalle Thépaut-Mathieu : Ce n’est pas toujours le cas : Zatsiorsky en 1966 fut le premier à avoir
évoqué une transformation de type qualitatif des modalités d’activation musculaire. D’après lui, ce
phénomène se manifesterait par « un EMG qui aurait un caractère sinusoïdal presque correct ». Cette
affirmation n’a pas fait l’objet en son temps de démonstration expérimentale classique mais ce concept
a été repris depuis. Ainsi, Milner-Brown, Stein et Lee, en 1975, décèlent sous stimulation électrique
une tendance des potentiels d’action à se regrouper, d’où une certaine « synchronisation » constatée.
Toutefois, il faut le reconnaître, cette observation a été menée dans des conditions d’excitation musculaire
artificielle. Il est encore difficile de pouvoir établir une correspondance entre ce qui aurait été observé
sous contraction volontaire par Zatsiorsky et ce qui a été remarqué ultérieurement par Milner-Brown et
ses collaborateurs. L’existence même d’un bénéfice mécanique pour le muscle dans la synchronisation
des UM n’apparaît d’ailleurs pas évidente. Par contre, il s’avère que l’entraînement de force aboutit à un
changement de type quantitatif des modalités d’activation, qui se traduit par une augmentation du signal
EMG. De nombreux résultats expérimentaux le confirment. Ceci signifie qu’un plus grand nombre d’UM
participe à l’effort, qui atteint donc par ce fait un niveau plus important. Mais cela n’implique pas que
ces UM soient, toutes au même instant, engagées dans la même phase des processus de dépolarisation-
repolarisation. L’emploi du terme « synchronisation » entretient, me semble-t-il, cette ambiguïté.
Claude Rival (Athlète, spécialiste de décathlon) : Vous nous avez parlé de la nécessité de varier les
formes de renforcement musculaire : l’électrostimulation peut-elle faire partie des procédés utilisables ?
Jean-Pierre Egger : J’ai utilisé l’électrostimulation une seule fois. C’était avec Werner Günthör, pendant
la convalescence qui a suivi son opération du dos. Nous avons fait ce travail au niveau des mollets, des
cuisses et du dos, avec des résultats très intéressants. C’est Gilles Cometti qui m’a guidé dans ce travail en
me donnant les programmes correspondant au développement de la section du muscle et à la coordination
intramusculaire. Sur le plan du développement musculaire, nous avons obtenu des résultats qui ont permis
une reprise, par la suite, très rapide du travail classique avec haltères. Bien que cela ait été positif, je dois
vous dire que je n’arrive pas, et c’est probablement une question de mentalité, à m’imaginer en salle de
musculation avec des athlètes munis d’électrodes et attendant passivement la stimulation. Par contre, je
le répète, c’est tout à fait souhaitable dans le cadre d’un travail de rééducation. La seconde raison à cette
forte réticence que je manifeste vis-à-vis de l’électrostimulation, c’est qu’il s’agit de l’anti-coordination ;
certes il y a coordination intramusculaire dans le sens où l’entendait précédemment Chantalle Thépaut-
Mathieu mais il n’y a aucune coordination intramusculaire, ce qui pour moi est inconcevable. D’où ma
réticence.
Jacques Quièvre (Unité de renforcement musculaire de l’INSEP) : Vous avez distingué plusieurs types
de musculation généralisée, multiforme orientée et spécifique. Pouvez-vous nous dire comment ces trois
types de musculation se succèdent dans le temps ?
Jean-Pierre Egger : La musculation générale trouve son application principale dans la phase extensive,
la musculation multiforme orientée dans la phase intensive et la musculation spécifique dans la phase
explosive. Il y a donc une progression dans la pyramide, même si je procède très souvent à des formes
complexes où se mêlent en permanence ces trois orientations.
Michèle Rousselet (Conseillère d’animation sportive, DDJS de Seine-Saint-Denis) : Vous avez parlé
d’étirement et je voudrais savoir quelle place vous faites au stretching.
Jean-Pierre Egger : Dans la phase extensive, où nous alternons le travail agoniste et antagoniste,
l’étirement et le renforcement, le stretching est pleinement intégré dans l’entraînement de musculation.
Dans les phases suivantes, nous pratiquons le stretching en fin de séance de musculation, au même titre
qu’un léger footing. Ces mesures devraient constituer l’hygiène musculaire quotidienne de tout sportif.
Mustapha Aakik (Étudiant) : Quelle différence faites-vous entre stretching et étirement ?
Jean-Pierre Egger : En simplifiant, on distingue des étirements actifs et des étirements passifs ; en
principe, nous pratiquons des étirements passifs sous forme de stretching en utilisant principalement la
méthode Anderson : un muscle subit un étirement pendant 20 à 30 secondes au maximum. La deuxième
méthode, certainement plus efficace, consiste à préfatiguer le muscle à étirer au moyen d’une contraction
isométrique qui précède son étirement. Je pratique cette méthode dans le développement musculaire
que je vous ai proposé pour la phase extensive, à cette différence que la préfatigue est réalisée de façon
dynamique.
Claude Rival : Votre athlète est champion du monde du lancer de poids ; je voudrais savoir quelle est
sa ration alimentaire quotidienne en calories, pour ces séances d’entraînement.
Jean-Pierre Egger : Je viens de terminer une étude avec un physiologiste de la nutrition sur toute la
ration alimentaire de Werner au cours d’un séjour dans un hôtel de la station où je travaille. Elle est de 5 700
calories en moyenne pour une période où l’entraînement n’était pas très important. Je vous répondrai donc
près de 6 000 calories par jour. Nous avons constaté chez Werner, et c’était très intéressant, une inversion
des valeurs en pourcentage des sucres rapides et des sucres lents, due sans doute à une alimentation
trop riche en sucres rapides qui lui permet de fournir des efforts intenses pendant 45 minutes au-delà
desquelles le travail n’est plus aussi performant. Nous essayons actuellement de modifier autant qu’il
est possible son alimentation et surtout la répartition de celle-ci dans la journée. L’erreur traditionnelle
des sportifs est de consommer trop peu de calories le matin par rapport aux autres repas, et surtout d’en
consommer trop le soir, ce qui n’est guère profitable pour l’entraînement. J’ai eu la chance de rencontrer
un scientifique qui travaille dans la recherche sur le cancer et qui me conseille judicieusement dans ce
domaine encore peu développé en Suisse.
Bruno Ragaru (UFR-Staps Nancy) : Le travail excentrique provoque de profondes désadaptations ;
j’aimerais savoir de quelle façon vous adaptez vos exigences techniques durant cette période.
Jean-Pierre Egger : Si le travail excentrique est bien construit, de façon systématique, si vous ne
passez pas directement d’un travail concentrique pur à un travail excentrique maximal, vous aurez peu de
problèmes par la suite. Je place donc ce travail excentrique :
dans la phase extensive pour les exercices uni-articulaires, afin de préparer les muscles, spécialement
le quadriceps et le triceps, au travail qui sera dominant dans la phase suivante ; il y a déjà un effet de
mémorisation ;
dans la phase intensive pour les exercices pluri-articulaires, en variant les charges et les types
de contraction musculaire ; à part les quelques dérèglements que j’ai évoqués dans une réponse
précédente, je n’ai eu que des expériences positives en intégrant ce travail excentrique dans ma
programmation de l’entraînement de la force.
L’auteur :
Jean-Pierre Egger
Formation
Instituteur, diplômé du canton de Neuchâtel
Diplôme fédéral de gymnastique et d’éducation physique de l’université de Lausanne
Entraîneur national I + II Swiss Olympic et OFSPO Macolin
Carrière professionnelle
Jean-Pierre Egger a enseigné pendant neuf ans comme professeur d’éducation physique à Neuchâtel (école primaire,
secondaire et université), avant de travailler pendant vingt et un ans pour l’Office fédéral du sport (OFSPO) à Macolin dans les
fonctions de responsable de l’athlétisme et de la formation des entraîneurs Swiss Olympic.
Ancien sportif de haut niveau et participant aux Jeux olympiques, il a exercé diverses activités extraprofessionnelles, comme
celle d’entraîneur national au sein de la Fédération suisse d’athlétisme, de coach de Werner Günthör (triple champion du
monde de lancer du poids) et, plus tard, de préparateur physique et mental de l’équipe d’Alinghi (vainqueur de la coupe de
l’America 2003 à Auckland) et de nombreux sportifs et d’équipes suisses de haut niveau détenteurs de titres et de médailles
de champions d’Europe, de champions du monde et de JO. Il compte plus de quarante ans d’expériences professionnelles en
tant que pédagogue, formateur, coach, entraîneur et conseiller. Au cours de ces dernières années et aujourd’hui encore, il est
conseiller pour le sport de haut niveau en Suisse et bien au-delà ; il tient des exposés et dirige des séminaires dans différentes
universités nationales et internationales ainsi que dans différentes entreprises dans les domaines de la motivation, de la
croissance/développement, du management de l’énergie, du coaching, du développement de l’esprit d’équipe, ainsi que de la
préparation physique orientée sur la santé et les performances.
Mérites sportifs
En 1985, il est nommé « entraîneur de l’année » par l’Association des entraîneurs d’élite de Swiss Olympic, mérite qu’un
entraîneur ne peut obtenir qu’une seule fois dans sa carrière.
En 2007, il obtient la distinction du Comité international olympique (CIO) récompensant son engagement pour le sport et la
promotion de l’Olympisme.
Mustapha Aakik
Étudiant
Willy Balestro
Fédération française de basket-ball, préparateur physique de l’équipe nationale
Jean-Robert Filliard
Laboratoire de mesures de l’INSEP
Bruno Ragaru
UFR-Staps Nancy
Claude Rival
Athlète, spécialiste de décathlon
Michèle Rousselet
Conseillère d’animation sportive, DDJS de Seine-Saint-Denis
Jacques Quièvre
Unité de renforcement musculaire de l’INSEP
Chantalle Thépaut-Mathieu
Laboratoire de biomécanique de l’INSEP