TOKYO GIN

Chapitre 6 : Anastasia

Chapitre 6 : Anastasia
Par Enthalpe

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Résumé des chapitres précédents:

* Akira Minato invite son collègue chez elle pour la soirée après leur journée d'interrogatoire
auprès des femmes des scientifiques morts. Depuis longtemps amoureux l'un de l'autre, ils
finissent par se révéler leur sentiments.

* À une autre époque, Gin et Vermouth rencontrent Hiata dans un restaurant chic. Vermouth en
profite pour apprendre des manières de Hiata et enregistre la forme de son visage afin de se
confectionner un masque durant la nuit qui lui permettrait de se faire passer pour l'homme
d'affaires. En parallèle, Baileys envoie l'une de ses filles chez Hiata pour l'assassiner. Pendant
que Vermouth fait son masque et qu'Anastasia, l'escort girl, sont attelées à leur mission, Gin et
Vodka planchent sur un éventuel plan B. Il est sept heures du matin, et Anastasia n'a toujours
pas appelée.

Les rayons du soleil commençaient tout juste à filtrer dans la chambre lorsque le téléphone
sonna, fracassant le silence de la pièce endormie.

Il ouvrit les yeux le premier, mais s'aperçut que le combiné se trouvait de l'autre côté du lit. Il
songeât à secouer l'épaule droite d'Akira mais cette dernière jeta un bras hors du lit à
destination de la tablette sur laquelle reposait le bruyant objet. Sa main tâtonna un peu puis put
enfin saisir le combiné. Le fil s'étira longuement, et elle savait qu'il ne fallait pas qu'elle aille trop
loin si elle ne voulait pas risquer que la console du téléphone ne tombe par terre.

Elle n'eut que très peu de temps pour mettre de l'ordre dans sa tête avant de répondre, et tout
en approchant l'appareil de son visage, elle sentit quelqu'un se blottir contre son dos. Elle en
aurait presque oublié qu'elle n'était pas seule tant le réveil était abrupt. À ce qu'elle pouvait lire
sur le réveil, il était sept heures. Sa voix était enrouée et lente.

— Allo… Ah, Commissaire, bonjour…. Comment ça il faut qu'on vienne ? C'est notre jour de congé
aujourd'hui…. Que je passe chez lui ? … Non je ne sais pas pourquoi il ne répond pas…. Ok, je
vais le chercher et on arrive… La voiture ? Non on ne l'a pas rendue. On voulait continuer
l'enquête cet après-midi ! …Non, non, on voulait dormir ce matin ! Dormir ! …. Oui… Oui… On
arrive. On sera là d'ici une heure.

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Elle raccrocha.

— Alors, c'était qui ? demanda-t-il.

— Devine…

— Le vieux ? Pff… Quel enculé ! Il n'y a que lui pour appeler les gens à cette heure-là.

— D'ailleurs il a essayé de t'appeler, et il était énervé que tu n'aies pas décroché.

— Alors ça, ça ne risquait pas d'arriver ! ria-t-il. Qu'est-ce qu'il veut ?

— Je sais pas trop… Il nous a juste demandé de venir le voir au commissariat presto.

— Bon bah, allons-y… Par contre il faut que je passe chez moi pour prendre des affaires.

###

Gyrophares tous allumés, la voiture de police remontait la circulation à toute vitesse. L'habitacle
était beaucoup plus frais que la veille, mais il commençait déjà faire faire chaud, et la journée
s'annonçait aussi caniculaire que la veille.

— Le dossier est toujours dans le coffre ? demanda Akira.

— Oui, je l'ai remis dedans après l'avoir relu hier. J'ai vérifié si je trouvais des choses en rapport
avec le nom de Miyano dedans.

— Et alors ?

— Miahoma était un bon enquêteur ! Oui j'ai trouvé des mentions de son nom. Il est chimiste
biologiste au sein du groupe Karasuma. Il s'y est fait recruter il y a quelques mois, avec sa
femme.

— C'est vraiment dommage que le dossier ne soit pas commenté. On a plein de choses mais on
ne sait pas ce qui est important, soupirait Akira déçue d'avoir dû réinterroger des témoins pour
rien, d'autant plus que le temps était compté : le gala a était le lendemain.

— En vrai, j'ai quand même trouvé des choses intéressantes. Ce couple travaille sur un projet de
rajeunissement biologique qui permet d'inverser le sens du temps au niveau des cellules, les
faisant rajeunir un peu comme certaines méduses… J'ai regardé les articles scientifiques qu'ils
avaient publiés avant d'être embauchés ; Miahoma les avait photocopiées.

— T'es scientifique toi maintenant ? Le coupa-t-elle.

— Non ! Mais j'ai remarqué qu'ils avaient mis au point une toute nouvelle molécule, nommée
Apotoxine.

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— Ah ! Comme dans l'article de journal ! S'exclama soudainement Minato.

— C'est ce que je me suis dit aussi, mais non. Celle qui était présentée dans l'article de journal
sur la nouvelle drogue était l'Apoxine I. Là c'est l'Apotoxine, qui est abrégée par APTX.

— Je comprends pas… Pourquoi le groupe ferait des recherches secrètes sur un produit qui
pourrait rajeunir les gens ? Ils pourraient gagner des milliards avec un truc comme ça ! S'ils
déposent le brevet, ils n'ont pas de soucis à se faire, pas besoin de buter les chercheurs qui ont
bossés dessus…

— Oui, d'autant plus qu'ils gagnent déjà des milliards avec des crèmes qui rajeunissent. Bon,
elles ne marchent pas, mais les gens en achètent quand même donc pas besoin d'inventer un
truc complexe.

— Oh dis pas ça moi j'en achète ! S'offusquait-elle. Mais bon, ça ne répond pas à ma question…

— Peut-être que ce projet de rajeunissement va… assez loin. J'veux dire, si c'est quelque chose
de vraiment révolutionnaire, peut-être qu'ils veulent le garder pour eux.

— Tu veux dire les actionnaires ?

— Oui, peut-être je sais pas. Peut-être qu'une poignée de personnes au sein du Groupe
Karasuma vise un objectif précis avec tout ça.

Il marqua une pause dans sa réflexion et du s'arrêter à un feu rouge. Il repensa à Miyano et sa
nouvelle molécule quand le feu repassa au vert :

— Tu sais, je crois que ce Miyanno, il a inventé une molécule tellement puissante avec l'APTX
que le Groupe n'avait plus besoin de sa bande de chercheurs qui travaillait sur l'APX. Ils étaient
devenus obsolètes, inutiles et dangereux.

— Tu penses que c'est pour ça qu'ils ont été assassinés ?

— Oui. Je ne vois rien d'autre. Miyanno et sa femme ont du tout reprendre à ce jour, mais
jusqu'à quand ?

— Je penses qu'on devrait le rencontrer ce couple. On en apprendra plus proposa la policière.

— T'es folle ? Tu veux te faire tuer ? Je te rappelle que Miahoma s'est fait descendre. Ils savent
que la police est après eux et ils n'ont pas peur de tirer sur un flic… Non on ne peut pas faire ça…

— On fait quoi alors ? De toutes façons l'affaire du meurtre de Miahoma est passée à la télé. Ils
vont sûrement se faire discrets maintenant.

— Je sais pas ce qu'on peut faire. Mais ne crois pas qu'ils vont lâcher l'affaire ! Le Groupe
Karasuma est un actionnaire majoritaire des journaux papiers et télévisés du pays. D'ici à la fin

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de la semaine ils auront une autre Breaking News autour de laquelle focaliser le pays et les
gens n'y penseront plus. Combien de scandales ou d'affaires qui ont occupés les écrans de télé
ont eu leur épilogue ?

— Aucun. C'est vrai qu'on ne sait jamais comment tout cela se termine plus tard… Mais comment
tu sais que le Groupe est actionnaire majoritaire des médias ?

— Je viens de me souvenir des dernières pages du petit carnet de Miahoma. La dernière piste
qu'il suivait était une piste financière apparemment. Il s'est fait une fiche sur les filiales du
groupe, les pays d'implantation, les actions, tout ça.

— Il faudra que tu me le passe ce carnet, j'ai pas eu beaucoup l'occasion de mettre les mains
dessus…

Il plongea sa main dans sa poche de chemise et lui tendit le carnet. Akira Minato fit défiler les
pages sur son pouce et ouvrit le carnet dans les dernières pages.

—Ah tiens tiens tiens… S'exclama-t-elle.

— Quoi ?

— C'est vrai qu'il y a des notes concernant les actions détenues par le groupe… Mais… aucunes
concernant les propres actions de l'entreprise.

— Attends, tu veux dire qu'ils ne sont pas en bourse ? Eux ?

###

Violeta Sofija se rendait au rendez-vous que lui avait confié Baileys. Le taxi la déposa devant la
tour d'habitation de son client. Elle réajusta son manteau de fourrure car l'air était passablement
froid cette nuit-là. Il avait neigé la veille, après tout.

Ce rendez-vous pour elle était très spécial. Non pas que la prestation qu'elle allait devoir
dispenser était particulièrement nouvelle pour elle, c'était plus la conclusion de la soirée qui
l'inquiétait.

Violeta Sofitja, Anastasia pour ses clients, avait vingt-et-un an et venait de Lituanie. Elle faisait
un mètre soixante-douze, était blonde avec une petite poitrine mais sa silhouette fine et élancée
l'avait rendue passablement populaire au sein de la plateforme à laquelle elle appartenait.

Elle avait quitté son pays deux ans auparavant quand on lui proposa une offre qui lui promettrait
de gagner suffisamment d'argent pour se payer ce qu'elle voudrait. Avec beaucoup
d'appréhension, elle avait accepté, et s'était retrouvée avec un groupe de filles d'Europe de l'est
et d'Asie orientale à Tokyo, dans une ville et une culture très différente de sa patrie natale.

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Très vite elle comprit qu'elle n'était pas engagée dans une agence d'Escort comme les autres.
Le profil de ses clients était très élitiste. Ils étaient PDG, membres de gouvernements,
personnalités de la télé ou du cinéma. Plus tard, ses contacts qui l'avaient repérée lui avaient
expliqué qu'ils l'avaient choisie car elle parlait très bien Anglais, mais qu'en plus elle avait un
bon niveau intellectuel, chose apparemment nécessaire pour prétendre à ce genre de clientèle.

Les hommes en noirs, comme elle les appelait, ne lui avait pas menti, et elle gardait entre
quatre-vingt et cent pour cent du prix du ticket, ce qui était assez exceptionnel. Evidemment, il y
avait une contrepartie à cela : elle devait toujours faire un compte-rendu à l'homme en noir qui
était son contact et tout lui raconter. Parfois il lui donnait une clé USB qu'elle devait brancher
dans l'ordinateur, la tablette ou le portable de son client pendant qu'il prenait une douche,
dormait, ou avait les yeux bandés afin d'en extraire des données ou insérer une backdoor qui
pouvait par la suite servir à une écoute ou un siphonage permanent et discret des données.

Parfois même, certains clients réguliers faisaient appel à ses services pour un simple rendez-
vous galant au restaurant ou une journée de balade. Finalement, elle se disait qu'avec l'argent
qu'elle gagnait pour le temps qu'elle devait donner était une bonne affaire. Aller à l'usine et
travailler huit, neuf, dix heures d'affilée, six jours par semaines, sans voir le soleil, pour un
salaire de misère était pour elle une privation de soi et de sa propre vie plus forte que de devoir
sortir avec des VIP quatre à cinq fois par semaine. Elle n'était peut-être pas celle qui se faisait
le plus baiser dans l'histoire pensait-elle.

Mais cette fois-là était différente. Le véritable revers de la médaille était peut-être arrivé.
Pourtant il l'avait bien préparée. Ses talons étaient amovibles et renfermaient une lame de
rasoir. Elle ne savait pas si elle aurait le cran, mais son contact lui avait promis un marché qui
ne se refusait pas. Aucune fille jusque là n'avait eu à commettre d'homicide ou d'acte de
sabotage, mais la situation au sein de l'Organisation avait exigé qu'une d'entre elle doive aller
ôter la vie de cet homme et elle fut celle désignée pour cette tâche.

La nouvelle l'avait effrayée mais l'annonce de la récompense lui avait fais remettre sa peur en
question. Au bout de quelques instants, elle refusa, mais l'homme qui lui donnait ses missions
lui fit comprendre qu'elle n'avait pas le loisir de refuser. L'obligation la poussait à accepter et la
récompense à ne pas renoncer.

Elle lui avait dit qu'elle avait peur qu'ils la laissent porter le crime seule, et qu'elle se ferait
arrêter. Il dut la rassurer et lui explique ce qu'il attendait d'elle.

Sa mission était de saisir le moment opportun pour trancher la gorge de son client, Mr Hiata,
avec la lame de rasoir qu'elle avait dans son talon. Il lui avait expliqué que c'était une méthode
violente mais qu'elle serait extensivement fouillée lors de son arrivée et que l'aiguille de ses
talons hauts étaient le seul endroit envisageable où il était possible de placer une arme
blanche. Elle devrait ensuite appeler avec le téléphone du salon pour demander à la sécurité de
partir et d'éteindre les caméras sur un ordre de Hiata préenregistré dans son portable par
synthèse vocale. Il lui suffirait ensuite de laisser entrer une équipe qui viendrait la récupérer et
faire le ménage.

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Il était vingt-deux heures trente deux et elle franchissait les portes de la tour illuminée dans la
nuit. Le hall était éclairé par une lumière tamisée, mais à part un employé de nuit, il n'y avait
personne et l'endroit était calme. Seuls résonnait le bruit de ses talons sur le sol qui l'amenaient
vers l'ascenseur en verre. Elle aussi, comme Gin et Vodka, contempla la ville qui semblait
s'agenouiller devant ses pieds au fur et à mesure qu'elle s'élevait dans le ciel. Comme des
millions de lucioles multicolores, les lumières au bord des routes et dans les immeubles
dessinaient un spectacle saisissant, s'étendant à perte de vue.

Sa rêverie fut interrompue lorsque la clochette de la cabine retentis. Elle se retourna sur des
portes qui s'ouvrait, sortie un pied, puis l'autre et les portes se refermèrent. Elle fit quelques pas
et se retrouva devant le panneau à écran tactile qui servait de sonnette. Une bouffée de chaleur
lui traversa soudainement le thorax et son abdomen se contracta, comme un spasme. Ce n'était
pas le moment de vomir, et elle trouva la force intérieure pour se calmer. Néanmoins, ses
jambes étaient en coton et il lui semblait difficile de se maintenir debout. Elle appréhendait son
geste, irréparable, irrémédiable, et passible de peine de mort par pendaison.

Elle jeta un coup d'œil à ses pieds, souffla un bon coup, puis d'une main fébrile, appuya sur la
sonnette. Les secondes d'attente furent interminables, sa respiration était bloquée. Elle tortilla
une mèche de ses cheveux blonds, une habitude qu'elle avait quand elle était mal à l'aise.

L'attente pris fin quand la porte s'entrouvrit. Son client lui fit signe d'entrer. Elle passa un pied,
puis l'autre et la porte se referma sur elle.

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