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Responsabilité des collectivités publiques

Type Doctrine - Synthèse

Droit d'origine Maroc

Date de fraîcheur 25 janvier 2021

Thématique Collectivités locales

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Responsabilité des collectivités publiques

Table des matières


I. - Responsabilité pour faute de service ........................................................................................................................................ 3
A. - Définition de la faute de service .................................................................................................................................. 3
B. - Gravité de la faute ....................................................................................................................................................... 4
C. - Preuve de la faute ........................................................................................................................................................ 5
D. - Réparation de l'erreur judiciaire .................................................................................................................................. 5
II. - Responsabilité sans faute ........................................................................................................................................................ 6
A. - Dommages de travaux publics ..................................................................................................................................... 6
B. - Risque anormal de voisinage ....................................................................................................................................... 7
C. - Activités dangereuses .................................................................................................................................................. 7
D. - Refus d'exécuter les décisions de justice ..................................................................................................................... 7
E. - Responsabilité du fait de mesures générales régulières .............................................................................................. 8
F. - Calamités nationales et terrorisme .............................................................................................................................. 8
G. - Responsabilité sans faute d'origine législative ............................................................................................................ 8
III. - Réparation du préjudice ......................................................................................................................................................... 8
IV. - Exécution de la décision de condamnation .......................................................................................................................... 10
A. - Responsabilité personnelle de l'agent public ............................................................................................................ 10
B. - Détermination de la faute personnelle ...................................................................................................................... 10
V. - Rapports entre la faute de service et la faute personnelle ..................................................................................................... 11
Bibliographie ................................................................................................................................................................................ 12
Auteur .......................................................................................................................................................................................... 13

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Au sens moderne du terme c'est à 1913 que l'on doit faire remonter la date de naissance de la responsabilité administrative des
collectivités publiques marocaines et plus précisément au dahir du 12 août 1913 sur l'organisation judiciaire, dont l'article 8
disposait : « En matière administrative les juridictions françaises instituées dans notre Empire sont exclusivement compétentes pour
connaître de toutes les instances tendant à faire déclarer débitrices les administrations publiques, soit à raison de l'exécution des
marchés conclus par elles, soit à raison des travaux qu'elles ont ordonnés, soit à raison de tous actes de leur part ayant porté
préjudice à autrui ».
Toutefois interdiction leur est faite par le même article 8 d'entraver l'action des administrations publiques et à plus forte raison
d'annuler leurs décisions.
À l'indépendance les tribunaux français changent évidemment de nom mais pas de compétence et deviennent des tribunaux de
première instance ; en 1974 l'article 18, 1° du Code de procédure civile fait du tribunal de première instance le juge de droit commun
en toute matière y compris en matière administrative ; c'est donc lui qui continue à connaître des actions en responsabilité contre les
collectivités publiques sous réserve de la même interdiction qu'en 1913 ; en effet l'article 25 du Code de procédure civile marocain lui
interdit « de connaître, même accessoirement, de toute demande tendant à entraver l'action des administrations de l'État et des
autres collectivités publiques ou à faire annuler un de leurs actes ».
C'est ce système qui va perdurer pratiquement jusqu'à la création des tribunaux administratifs par la loi n° 41-90 promulguée en
1993 dont l'article 8 dispose : « Les tribunaux administratifs sont compétents pour juger en premier ressort… les actions en
réparations des dommages causés par les actes ou les activités des personnes publiques, à l'exclusion toutefois de ceux causés sur la
voie publique par un véhicule quelconque appartenant à une personne publique ».
Naturellement l'interdiction de faire obstacle à l'action des administrations qui résultait d'abord de l'article 8 du dahir relatif à
l'organisation judiciaire (1913) puis de l'article 25 du Code de procédure pénale (1974) disparaît puisque le tribunal administratif est
désormais juge de droit commun de l'Administration, juge de l'excès de pouvoir et juge du plein contentieux contractuel et quasi
délictuel.
Si la question de la compétence des juridictions avait été ainsi réglée par les textes de 1913, c'est par un autre texte que fut posé le
principe de la responsabilité des collectivités publiques, l'article 79 du dahir portant Code des obligations et des contrats (DOC)
également du 12 août 1913 ; cet article dispose : « L'État et les municipalités sont personnellement responsables des dommages
causés directement par le fonctionnement de leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents ».
En outre, le dahir portant Code des obligations et des contrats (DOC) comporte un article 80 consacré à la responsabilité personnelle
des agents publics libellé ainsi : « Les agents de l'État et des municipalités sont personnellement responsables des dommages causés
par leurs dols et par des fautes lourdes dans l'exercice de leurs fonctions. L'État et les municipalités ne peuvent être poursuivis à
raison de ces dommages qu'en cas d'insolvabilité des fonctionnaires responsables ».
Les juridictions de premier degré et la cour d'appel de Rabat sous le Protectorat, puis les tribunaux de première instance et les cours
d'appel créés pour couvrir l'ensemble du territoire après l'indépendance, ont développé une jurisprudence importante réglée pendant
le Protectorat par le recours en cassation devant la Cour de cassation française puis, à partir de 1957, par la Cour suprême chambre
administrative. Malgré des controverses sur l'interprétation de l'article 79 du dahir portant Code des obligations et contrats entre
ceux qui penchaient pour une responsabilité objective sans faute fondée sur le risque et ceux qui estimaient qu'il ne fallait retenir
qu'une responsabilité découlant d'une faute, la jurisprudence a finalement choisi de faire reposer la responsabilité des collectivités
publiques sur le principe général de la responsabilité pour faute de service, complété par la responsabilité sans faute qui fait figure
d'exception mais qui occupe une place importante parce qu'elle constitue une responsabilité fondée sur l'équité. Dans les deux cas, il
convient de retenir que la faute et le risque sont les conditions d'engagement de la responsabilité dont le fondement unique est le
principe d'égalité de tous les citoyens devant les charges publiques. La responsabilité étant engagée selon l'un ou l'autre système, le
juge doit alors procéder à la réparation du préjudice. Enfin, on examinera dans quelles conditions la responsabilité personnelle des
agents publics peut être engagée.
Toutefois, on doit souligner le fait que si la jurisprudence en matière de responsabilité est peu abondante à la différence du
contentieux de l'excès de pouvoir, il y a une grande continuité dans les solutions données aux litiges mettant en cause la
responsabilité des collectivités publiques par les juridictions depuis leur création en 1913.

I. - Responsabilité pour faute de service


1. - Faute de service -  Qu'est-ce qu'une faute de service ? C'est la question principale à laquelle il faut répondre, mais cette
réponse appelle des précisions quant à la gravité de la faute, et la preuve de celle-ci.

A. - Définition de la faute de service

2. - Définition -  On peut définir la faute de service comme le manquement aux obligations qui pèsent normalement sur le
service public ; cette faute s'analyse donc comme un fait objectif, vérifiable, sans aucune connotation subjective ou morale ; il
s'agit d'un fait qui constitue une entorse au fonctionnement normal du service public. Par commodité de langage on parle de
faute du service comme le fait le législateur de 1913 dans l'article 79 du dahir portant Code des obligations et des contrats ;
mais cela résulte de ce que souvent l'auteur de la faute n'est pas identifié et même que parfois il n'est pas identifiable ; c'est
une faute anonyme qui engage la responsabilité de la collectivité. Mais à l'inverse il peut se faire que la faute de service puisse
être rapportée à un agent déterminé. Quoi qu'il en soit, qu'elle soit anonyme ou que l’on puisse la rapporter à un agent
déterminé, la faute du service ou de service engage la responsabilité de la collectivité publique dès lors qu'elle ne constitue pas
un dol ou une faute lourde qui engage la responsabilité personnelle de son auteur.
La faute de service peut se présenter sous deux formes ; il peut s'agir d'une faute juridique ou d'une faute matérielle.

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3. - Faute juridique -  Il s’agit de l'irrégularité d'une décision administrative que peut censurer le juge de l'excès de pouvoir et
qui peut, en tant que faute de service, entraîner la responsabilité de la collectivité ; pour cela il faut que deux conditions soient
réunies : que la décision soit une décision faisant grief ce que ne sont jamais les avis, les rappels de la règle de droit applicable
ou les mesures préparatoires de la décision ; que la décision soit illégale car une décision régulière ne peut pas entraîner la
responsabilité de la collectivité. Par ailleurs toute illégalité n'est pas de nature à engager la responsabilité ; tel est le cas d'un
vice de forme qui entache une décision que l'Administration devait prendre de toute façon en raison d'un pouvoir lié ; de
même en cas de pluralité de motifs, l'illégalité de l'un des motifs d'une décision tandis que le ou les autres motifs sont réguliers
conduit le juge à apprécier l'importance relative des différents motifs et à valider la décision si celle-ci peut reposer légalement
sur le ou les motifs légaux dès lors du moins qu'il n'apparaît pas que le motif illégal a été le motif déterminant de l'auteur de
l'acte. Le juge administratif saisi d'une action en responsabilité a le pouvoir d'apprécier la régularité de la décision dès lors que
cela est nécessaire pour déterminer la responsabilité de l'Administration et cela d’autant plus , qu’aujourd’hui , le tribunal
administratif est juge de la légalité et de la responsabilité ; mais le requérant ne doit pas oublier que l'action en indemnité
n'est pas dispensée du versement de la taxe judiciaire ni du ministère d'avocat à la différence du recours en annulation pour
excès de pouvoir. Toutefois, le tribunal administratif de Rabat a statué  sur un recours en annulation et un recours en
indemnité dans le même jugement (TA Rabat, 2 oct. 2004, N. Hassan Ouazzani Chahdi : RDAM, n° 2, 2005, p. 55).

4. - Faute matérielle -  Cette faute peut résulter des actions matérielles de l'Administration, celles qui peuvent être commises
par exemple par les nombreux services publics qui accomplissent quotidiennement des tâches matérielles : nettoiement
urbain, entretien des routes, travaux publics divers, services publics de transport, par exemple les retards renouvelés du
chemin de fer entrainant préjudice pour l’usager:Tribunal de commerce de Casablanca 14 janvier 2019;Aghrari c/ONCF,
REMALD,n°144-145, 2019,p.307 ,note M.R. et MA.B. En l’espèce l’ONCF étant un service public industriel et commercial  c’est
la compétence judiciaire  qui a été retenue. La Haute juridiction semble avoir abandonné sa jurisprudence antérieure. qui
considérait que « l’ONCF  est une personne morale  industrielle et commerciale de droit public et que par cette qualité  une
action en justice contre lui se fait principalement devant la justice administrative … vu que l’indemnité demandée se fonde sur
une activité  de service public dont a découlé une défaillance de garantir la sécurité de ses passagers » (CCA 4 janvier 2015,
Héritiers Adlani, c/ ONCF, REMALD. n°148, 2019, p. 223, note M.R. et MA.B.
Mais ces fautes matérielles peuvent aussi être le fait des services administratifs : abstention de l'autorité administrative qui a
l'obligation d’agir par exemple l’agent des douanes qui ne vérifie pas  à l’entrée de l’automobiliste étranger sur le territoire
national qu’il est bien en possession de l’attestation d’assurance internationale (CCA,28 mai 2015, héritiers Aberrhamane c
/Administration des douanes est impôts directs,(REMALD n°138-139, 2018, p. 179, note M.Rousset et M.A.Benabdallah ), le
conservateur de la propriété foncière qui ne vérifie pas la véracité des procurations qui lui sont présentées   pour justifier un
transfert de propriété (CCA. 21 juillet 2016, Agence Nationale de la Conservation Foncière et de la Cartographie c/Christophe
et consorts ,Note M.Rousset, REMALD, n°133,2017,p.239) Il s’agit dans cette décision d’une modification de la jurisprudence
traditionnelle qui faisait prévaloir la lettre du texte  qui prévoyait la responsabilité personnelle du conservateur et n’engageait
la responsabilité de l’Etat qu’en cas d’insolvabilité de celui ci.Il peut  aussi s’agir de  retard dans les prestations,
de  renseignements erronés donnés par une administration,  de la perte de dossier, des négligences,  de la non-hospitalisation
d'un détenu malade, du mauvais entretien d'un ascenseur etc.

B. - Gravité de la faute

5. - Appréciation du juge -  Qu'il s'agisse de faute juridique ou de faute matérielle la reconnaissance de l'existence de la faute
dépend de l'appréciation que fait le juge des conditions de fonctionnement du service, de sa mission, de son organisation et
des moyens dont il dispose ; il prend également en considération les circonstances dans lesquelles le service agissait au
moment de la survenance des faits qui peuvent être considérés comme une faute. On dit que le juge se livre à une appréciation
« in concreto » de la situation à laquelle devait faire face le service pour déterminer si les faits considérés pouvaient être
qualifiés de fautifs. La jurisprudence a été fixée depuis longtemps à cet égard par les juridictions.Le juge décide que « l'État ne
doit pas aux tiers la garantie de toute faute de ses agents… il est nécessaire de tenir compte dans chaque cas de multiples
circonstances de sorte que le degré de gravité que doit présenter la faute pour engager la responsabilité de l'État est variable
selon les circonstances et selon les services ».
C'est en fonction de cette méthode pragmatique que le juge distingue selon la gravité de la faute, des fautes simples et des
fautes lourdes, les premières pouvant engager la responsabilité de la plupart des services publics tandis que la faute lourde
sera exigée pour l'engagement de la responsabilité de certains services dont les obligations et la mission sont particulièrement
difficiles en elles-mêmes et (ou) en fonction des circonstances : tel est le cas des services de police pour les tâches de maintien
de l'ordre, des services de lutte contre l'incendie, des services pénitentiaires ou des services hospitaliers pour les activités
médicales et chirurgicales.
Mais le fait pour le juge de se livrer à une appréciation concrète de l'ensemble des circonstances de l'affaire aboutit parfois à
rendre inutile la référence à l'exigence d'une faute lourde ; c'est par exemple ce qui résulte de la décision de la Cour suprême
relative à la responsabilité des services de l'administration pénitentiaire. Après avoir relevé un certain nombre de faits
constitutifs d'une négligence inadmissible ayant eu pour conséquence le décès d'un détenu, la Haute juridiction se borne à
retenir l'existence « d'une faute de gestion d'un service public dont la responsabilité revient à l'État » sans jamais mentionner
l'exigence d'une faute lourde (CSA, 14 mars 2007, Agent judiciaire du Royaume c/ Amina Larbi : REMALD. n° 83, 2008, p. 153,
note M. Rousset et M.-A. Benabdallah).
Cette analyse pourrait parfaitement être appliquée à la responsabilité des services hospitaliers en cas de dommages causés par
une action médicale ou chirurgicale, le juge examinant les circonstances de la survenance du dommage pourrait tenir compte
du risque de l'intervention, des moyens utilisés, des connaissances thérapeutiques des médecins et de leur expérience

professionnelle, en bref de l'ensemble des circonstances de l'affaire pour décider s'il y a ou non une « faute de nature à engager

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professionnelle, en bref de l'ensemble des circonstances de l'affaire pour décider s'il y a ou non une « faute de nature à engager
la responsabilité des services hospitaliers » sans avoir à qualifier la faute de faute lourde. C'est ce qu'a décidé le Conseil d'État
Français le 10 avril 1992 (CE, 10 avr. 1992, V. : GAJA 1992, 12e éd., p. 760), et cette méthode d'appréciation concrète de la faute
pourrait également être étendue à toutes les activités pour lesquelles une faute lourde est exigée.
Parfois c'est le législateur qui exige la preuve d'une faute lourde pour l'engagement de la responsabilité du service ; tel est le
cas du service des douanes dont « les dommages subis n'ouvrent droit à indemnité au profit des propriétaires ou détenteurs
soupçonnés de fraude que si le dommage allégué résulte exclusivement et directement de fautes lourdes imputables soit au
fonctionnement de l'Administration, soit à un agent dans l'exercice de ses fonctions » (CDIM marocain, art. 232).

C. - Preuve de la faute

6. - Exigence de la preuve -  Dans toute action en justice le demandeur est tenu de faire la preuve de son droit et donc des
faits qu'il invoque à l'appui de sa demande. Devant le juge administratif cette exigence peut être pénalisante en ce sens que la
demande est dirigée contre l'Administration c’est-à-dire une institution qui n'est pas facilement encline à communiquer les
informations dont elle dispose et à mettre à la disposition du requérant les dossiers relatifs à l'affaire qui les oppose ; cela rend
parfois la preuve de la faute difficile à rapporter même si la Cour suprême admet que le requérant dispose d'une grande liberté
pour choisir le mode de preuve qui lui convient le mieux pour établir la réalité des faits qu'il invoque. Toutefois, aujourd'hui on
peut espérer que cette difficulté pourrait s'atténuer du fait de l'article 27 de la Constitution aux termes desquels « les citoyens
ont le droit d'accéder à l'information détenue par l'administration publique, les institutions élues et les organismes investis de
missions de service public ». Le tribunal administratif de Casablanca a fait application de cette disposition constitutionnelle
dans une décision du 17 avril 2014 (TA Casablanca, 17 avr. 2014, Khair Al Janoub c/ Office national interprofessionnel des
Céréales et des Légumineuses : REMALD, n° 125, 2015, p. 251, note M. Rousset et M.-A. Benabdallah). On sait aussi que le
Médiateur créé par la loi du 17 mars 2011 et confirmé par l'article 162 de la Constitution, peut en ce domaine jouer un rôle
d'investigation dans la mesure où il a pour mission « de défendre les droits, contribuer à renforcer la primauté de la loi et à
diffuser les principes de justice et d'équité et les valeurs de moralisation et de transparence dans la gestion des
administrations, des établissements publics des collectivités locales et des organismes dotés de prérogatives de puissance
publique ».
Par ailleurs, l'intervention du juge sur la base du Code de procédure civile peut également permettre de corriger les
conséquences de l'inégalité de situation entre l'Administration et le requérant. Le Code de procédure civile donne au juge
divers moyens au cours de l'instance pour faciliter la preuve de la faute ; il peut en effet ordonner expertises, enquêtes,
transport sur les lieux, en fonction des circonstances de l'affaire et cela de sa propre initiative ou à la demande du requérant.
Enfin, le juge utilise une technique procédurale qui aboutit au renversement de la charge de la preuve ; au lieu que ce soit au
demandeur à prouver les faits à l'origine du dommage qu'il subit, c'est à l'Administration à faire la preuve qu'elle a fait tout ce
qui lui incombait pour prévenir la survenance du dommage : il s'agit d'une présomption de responsabilité à la charge de
l'Administration que celle-ci ne peut écarter qu'en démontrant qu'elle a fait son possible pour empêcher la survenance du
dommage. C'est à propos de dommages causés par des travaux publics ou par un ouvrage public que le juge a introduit cette
présomption de responsabilité qui est particulièrement appréciable parce que dans ce domaine la preuve est souvent très
difficile à rapporter par la victime. Pour que sa responsabilité soit dégagée, l'Administration doit établir qu'elle a satisfait à
l'obligation d'entretien normal de l'ouvrage public qui lui incombait ; la Cour de  Cassation décide également « qu'il est
suffisant que le service prouve qu'il a fait tout ce qu'il devait faire conformément à la loi et aux normes judiciaires » pour que
sa responsabilité ne soit pas engagée.

D. - Réparation de l'erreur judiciaire

7. - Article 122 de la Constitution -  Il s'agit d'une responsabilité d'origine constitutionnelle puisqu'aujourd'hui c'est
l'article 122 de la Constitution qui dispose « que les dommages causés par une erreur judiciaire ouvrent droit à réparation à la
charge de l'État ». Cette erreur judiciaire est donc une faute qui peut certes résulter de l'exercice de la fonction juridictionnelle
comme elle peut être le résultat d'un dysfonctionnement des services administratifs des juridictions et déborde ainsi
largement ce que vise l'article 353 du Code procédure civile relatif à l'excès de pouvoirs des juges et les prises à partie des
magistrats.
En outre elle concerne autant les juridictions ordinaires que les juridictions administratives ce que facilite l'unité de juridiction
maintenue au sommet de la hiérarchie des juridictions avec la Cour de cassation et sa chambre administrative ; c'est ce qui
résulte de l'arrêt du 12 février 2013, Agent judiciaire du Royaume c/ Chelka (REMALD, n° 109-110, 2013, p. 219, note M.
Rousset et M.-A. Benabdallah). Pour rejeter l'argument d'incompétence matérielle du tribunal administratif invoqué par
l'agent judiciaire du Royaume, la Cour de cassation saisie par la voie de l'appel, décide sur la base de l'article 8 de la loi créant
les tribunaux administratifs que ceux-ci sont compétents sans restriction pour statuer sur les demandes d'indemnité pour les
dommages causés par les actes et les activités des personnes de droit public y compris en l'espèce les dommages résultant
d'une erreur judiciaire.
On sait par ailleurs que  le juge administratif est compétent pour statuer sur la responsabilité du greffe près un tribunal de
première instance dès lors que la faute commise est constituée par une activité purement matérielle sans aucune incidence sur
l’exercice de la fonction juridictionnelle  et l’indépendance de la juridiction:TA. Rabat,3 août 2016, Abdeslam Siour , REMALD.
n°144-145 ,2019, p.301.note M.Rousset et M.A.Benbdallah.

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II. - Responsabilité sans faute


8. - L’équité -  La mise en œuvre de la responsabilité sans faute répond à un souci d'équité de la part du juge qui s'est trouvé
en face de victimes de dommages qui ne pouvaient pas obtenir réparation du préjudice subi dans des situations où la preuve de
la faute est impossible soit parce qu'elle n'existe pas ou qu'il est très difficile de la rapporter, soit parce que cette recherche
peut n'être pas opportune. Les cas où cette responsabilité est engagée par les tribunaux sont relativement nombreux mais ils
sont en quelque sorte hétéroclites de telle sorte qu'on ne peut pas les réduire à une ou deux rubriques : on procédera donc à
l'énumération des différents cas dans lesquelles elle a été retenue par la jurisprudence et parfois décidée par la loi.

A. - Dommages de travaux publics

9. - Dommages -  Cette responsabilité a été retenue depuis longtemps par les juridictions créées par le Protectorat. On sait
que l'article 8 du dahir relatif à l'organisation judiciaire leur a confié le soin de statuer notamment sur les instances en matière
administrative tendant « à faire déclarer débitrices les administrations publiques… à raison des travaux qu'elles ont
ordonnés… ».
C'est sur cette base que la jurisprudence a distingué deux sortes de dommages dont la réparation varie selon que l'un est un
dommage permanent et l'autre un dommage accidentel. Mais dans les deux cas le fondement de la responsabilité est le même c’
est-à-dire le principe d'égalité devant les charges publiques tandis que la condition d'engagement de cette responsabilité est le
risque engendré par le travail ou l'ouvrage public.

10. - Dommage permanent -  Ce dommage est constitué dès lors qu’il est la conséquence inéluctable du travail public ou de
l'existence de l'ouvrage public. Dans une décision de la cour d'appel de Rabat du 1er juillet 1953 (GTM, 1955, p. 139) la Cour
juge que « tout dommage permanent causé par un travail public à un particulier doit être supporté par la collectivité pourvu
que ce dommage soit appréciable et qu'il soit en rapport direct avec les travaux effectués ». En l'espèce il s'agissait de la
suppression d'une rue desservant la propriété du requérant. Le juge exige donc que le préjudice soit directement lié au travail
public ou à l'ouvrage public, qu'il soit appréciable en argent et qu'il touche spécialement le requérant ; c'est pourquoi dans une
autre décision il refuse l'indemnisation du requérant parce que la suppression d'une route construite sur le domaine public
n'avait pas pour but la desserte de sa propriété. En revanche, la Cour suprême indemnise un propriétaire se plaignant du
préjudice que lui cause le passage d'une ligne électrique au-dessus de sa propriété ; le fait qu'un texte ait prévu cette
indemnisation sans en prévoir les modalités, conduit le juge à décider que cette indemnisation doit être accordée dans les
mêmes conditions que pour les dommages permanents de travaux publics (C.Sup., 9 janv. 1960, Cts Mazoyer : RACS, p. 203).

11. - Dommage accidentel -  Ce dommage est la conséquence de l'opération de travail public ou du fonctionnement de


l'ouvrage public mais dans des conditions telles qu'il est possible de penser qu'il aurait pu être évité : la chute d'un arbre dans
un parc public ou sur le bord d'une route, l'absence de signalisation d'un chantier, l'effondrement d'un mur en cours de
construction, l'inondation due à l'engorgement des canalisations d'évacuation des eaux pluviales etc.
Dans ces diverses situations la jurisprudence fait une distinction entre la victime selon qu'elle est usager de l'ouvrage ou
bénéficiaire des travaux ou qu'elle est un tiers par rapport à eux.

12. - Victime usager du service ou bénéficiaire des travaux à l'origine du dommage -  Cette distinction repose sur l'idée
que si la victime tire un avantage du travail ou de l'ouvrage en tant qu'usager de l'ouvrage ou que bénéficiaire des travaux, il
doit comme tout usager des services publics, prouver l'existence d'une faute de service pour obtenir réparation du préjudice
subi. Toutefois afin d'atténuer les difficultés de la preuve de cette faute, le juge établit une présomption de faute à la charge
des responsables qui doivent prouver que l'ouvrage a fait l'objet d'un entretien normal et que l'opération de travail public a
respecté les normes exigibles en pareille circonstance. Le défaut d'entretien normal constituera la faute de service de nature à
engager la responsabilité de la collectivité publique. Mais dans cette appréciation du défaut d'entretien normal le juge peut
tenir compte des circonstances particulières soit pour limiter la responsabilité du service, soit au contraire pour l'aggraver. Ce
sera le cas des perturbations atmosphériques selon leur intensité, leur caractère prévisible ou non ; la Cour suprême a pu
décider ainsi que les agents des travaux publics connaissant l'état d'un chemin tertiaire et l'effet que les pluies torrentielles
dans le Sud pouvaient avoir sur son état, auraient dû prendre les précautions nécessaires pour que la circulation des véhicules
qu'ils autorisaient puisse se faire sans danger pour les usagers en quelque point du parcours que ce soit et notamment au
passage litigieux.

13. - La victime est un tiers par rapport au service ou aux travaux à l'origine du dommage -  Le tiers victime est dans
une situation plus favorable car le juge décide qu'on « ne saurait admettre sans violer le principe d'égalité des charges pour les
administrés qu'un travail public destiné à satisfaire aux besoins de la collectivité constitue un élément de préjudice pour
certains » ; et c'est pourquoi il indemnise la victime de son préjudice dans le cadre de la responsabilité sans faute ; dans la
ligne de cette décision de la (CA Rabat, 7 nov. 1940, Ville rabat c/ Écho du Maroc), la Cour suprême indemnise le requérant
dont l'atelier a été inondé du fait de l'obstruction d'un oued conséquence d'une opération de travail public (CA Tanger, 16 juill.
1959, Ville Tanger c/ Martin) ; même solution pour le propriétaire d'une maison qui s'effondre à la suite de travaux d'adduction
d'eau effectués par une régie communale (CA Rabat, 25 janv. 1987, Héritiers Toumit c/ RADEE de Rabat).

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B. - Risque anormal de voisinage

14. - Peu de décisions -  Il y a très peu de décisions relatives à ce cas ; la première décision est très connue car elle concerne la
pratique du coup de canon tiré autrefois aux Oudaïas pour indiquer l'heure de la rupture du jeûne et qui avait pour effet de
briser les vitres des habitations voisines ; la cour d'appel indemnise les victimes sans indiquer le motif qui, la recherche d'une
faute pouvant paraître inopportune, ne pouvait de toute évidence être que le risque anormal que faisait courir au voisinage le
recours à ce procédé. Plus intéressante est la décision d'indemniser les propriétaires de terrains agricoles ravagés par les
sangliers à une époque où, du fait de la guerre, la chasse étant interdite pour des raisons de sécurité, les propriétaires ne
pouvaient organiser des battues (CA Rabat, 29 déc. 1943 : RACAR 1944, p. 337) ; quelques années plus tard, la chasse étant de
nouveau autorisée, l'indemnisation est refusée au motif que le risque de voisinage ne dépassait pas le niveau normal
d'inconvénient que devaient supporter les voisins des forêts domaniales.

C. - Activités dangereuses

15. - Illustration -  La jurisprudence disponible illustre ce cas à propos de l'utilisation d'armes à feu par les forces de police et
dans le cas de traitements médicaux et chirurgicaux. C'est le risque que créent de telles activités qui permet d'engager la
responsabilité sans faute de la collectivité. Dans une affaire relative à l'utilisation d'armes à feu par les forces de police, le juge
a été amené à distinguer entre le destinataire de l'opération de police et le tiers. Le délinquant victime de tirs de la part des
policiers lancés à sa poursuite, devra faire la preuve d'une faute imputable aux personnels de police ; en revanche le tiers
bénéficiera d'une présomption de responsabilité des forces de sécurité fondée sur l'idée que le recours aux armes à feu crée un
risque pour le tiers à l'opération dont il ne doit pas supporter les conséquences. La victime peut aussi être indemnisée si le juge
décide en outre que les gendarmes disposaient de moyens permettant de s'emparer du délinquant sans avoir à utiliser les
armes à feu. Appliquée la première fois par la cour d'appel de Rabat en 1951, cette solution a été retenue par la Cour suprême
en 1960 et par le tribunal en 1961 et confirmée par la Cour suprême dans la décision du 23 novembre 1964, Agent judiciaire du
Trésor c/ Abdesslam Doukkali (RACAM 1966, p. 457).
S'agissant des traitements médicaux ou chirurgicaux le juge distingue entre les activités de prestation de soins et les activités
médicales et chirurgicales. Dans le premier cas il suffira de prouver l'existence d'une faute simple pour engager la
responsabilité de l'hôpital tandis que dans le second ce sera en principe une faute lourde sauf si le juge décide que l'application
du traitement ou le recours à l'opération faisait courir à la victime un risque dont elle ne doit pas supporter les conséquences.
C'est ce que décide la Cour suprême dans une affaire jugée le 26 nov. 1979, Zouind Hamou (JCS 1981, n° 28, p. 3). La Haute
juridiction indemnise la victime atteinte de cécité à la suite d'une vaccination en période d'épidémie parce que la vaccination
réalisée sans faute dans une école publique l'avait été dans l'intérêt général de la santé publique. C'est une position identique
qu'adopte la Cour de cassation dans une décision du 11 avril 2013, Agent judiciaire du Royaume c/Benmezouara ; les troubles,
et donc le préjudice, éprouvés par la victime à la suite d'une vaccination obligatoire entraînent une indemnisation qui « se
fonde sur la solidarité des membres de la société pour supporter les risques sociaux abstraction faite de l'existence de toute
faute… » (REMALD, n° 122-123, 2015, p. 213, note M. Rousset et M.-A. Benabdallah).
Le tribunal administratif de Casablanca a indemnisé la victime d'un accident survenu au collaborateur d'une activité culturelle
traditionnelle en participant à une fantasia organisée par une commune. Le tribunal relève que la fantasia, compte tenu de
l'évolution des chevaux et du maniement des fusils, crée un risque pour les participants et les spectateurs ; la commune est
condamnée à indemniser la victime bien qu'aucune faute n'ait été établie à sa charge, sur la base du risque créé. Toutefois, le
tribunal n'a pas examiné la question soulevée en défense par la commune portant sur le point de savoir si la victime  qui
participait à cette fantasia n'avait pas commis une faute dans le maniement ou l'entretien de son fusil ; cette question n'était
pas sans importance car si le juge avait retenu la faute de la victime, celle-ci aurait constitué une cause d'exonération partielle
ou totale de responsabilité de la commune (TA Casablanca, 2 déc. 2010, Hamsi : REMALD, n° 105-106, 2012, p. 279, note M.
Rousset et M.-A.Benbdallah)

D. - Refus d'exécuter les décisions de justice

16. - Article 126 de la Constitution -  L'article 126 de la Constitution dispose que les jugements définitifs s'imposent à tous.
« Les autorités publiques… sont tenues de prêter leur assistance à l'exécution des jugements ». Le respect de l'autorité de la
chose jugée « au nom du Roi et en vertu de la loi », est évidemment au fondement de l'État de droit. C'est ce que la Cour
suprême avait reconnu dans un arrêt Guerra du 9 juillet 1959, en décidant que le refus d'exécuter une décision revêtue de
l'autorité de la chose jugée pouvait servir de base à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Administration si ce refus
était motivé par des circonstances tout à fait exceptionnelles et on pourrait ajouter, à la lumière de la jurisprudence du Conseil
d'État français, par un motif d'intérêt général. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas que cette décision ait été suivie d'illustration
positive jusqu'à aujourd'hui.
Cependant, la cour d'appel de Casablanca aurait pu utiliser ce précédent pour indemniser le directeur d'une école coranique
qui se plaignait de l'ouverture d'une école concurrente dans le même quartier. Il obtient gain de cause devant le tribunal de
Casablanca qui ordonne la fermeture de cette deuxième école ; en revanche il se heurte au refus de l'Administration de faire
exécuter cette décision ; il intente alors une action en indemnité fondée sur le préjudice que lui cause le refus d'exécuter la
décision de justice devant le même tribunal qui condamne l'Administration à lui verser l'indemnité demandée ; mais en appel
la cour d'appel infirme le jugement du tribunal ; après avoir rappelé le principe de la responsabilité de la puissance publique
« au cas où l'Administration refuse de prêter main-forte à l'exécution d'une décision de justice », elle ajoute que ce principe ne
s'applique pas lorsque « le refus est légitime s'il est basé sur des raisons légales » ; et en l'espèce la cour juge que « nul ne peut

se permettre d'obtenir l'aide pour fermer une école coranique… et cela même sur la base d'une décision judiciaire ». Dans cette

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se permettre d'obtenir l'aide pour fermer une école coranique… et cela même sur la base d'une décision judiciaire ». Dans cette
affaire les juges de la cour d'appel n'ont manifestement pas compris l'intérêt de la responsabilité sans faute qui permettait
précisément dans une situation de ce type d'indemniser le préjudice reconnu par le tribunal sans mettre en cause « le refus
légitime » de l'Administration (CA Casablanca, 10 avr. 1973, Bouchaïb c/ Premier min.). Ces juges n'avaient sûrement pas lu le
commentaire de la décision Dame Vve Aboud que le Premier président Bahanini avait présenté lors de l'ouverture solennelle
de rentrée de la Cour suprême le 7 octobre 1968, qui préconisait le remplacement de la responsabilité pour faute par la
responsabilité sans faute qui disait-il, « correspond mieux aux principes supérieurs de justice et d'équité prônés par le Saint
Coran ».

E. - Responsabilité du fait de mesures générales régulières

17. - Principe -  Une seule décision reconnaît le principe de cette responsabilité dès lors que le préjudice subi est important et
spécial au requérant ; si la mesure régulière est prise dans l'intérêt de la collectivité il est en effet anormal que seules quelques
personnes, voire une seule personne, en subissent les conséquences dommageables ; encore faut-il que le préjudice soit d'une
certaine gravité et qu'il soit spécial au requérant (C.S.A. 21 déc. 1961, Magro c/ Ville Casablanca : R. 225). Le requérant
réclamait une indemnité pour le préjudice que lui causait le retrait de licence de taxi sur la base d'une réglementation relative
à la délivrance des licences d'exploitation des voitures de place. La Cour constate cependant que dans le cas des licences de
taxi, celles-ci ayant un caractère essentiellement précaire et révocable, le préjudice subi « n'a pas le caractère de gravité et de
spécialité nécessaire pour que la responsabilité de la collectivité puisse être considérée comme engagée, même en l'absence de
faute, à la suite d'une mesure d'ordre général ».

F. - Calamités nationales et terrorisme

18. - Article 40 de la Constitution -  L'article 40 de la Constitution comme ses devancières affirme « que tous (les citoyennes
et les citoyens) supportent solidairement et proportionnellement à leurs moyens les charges… résultant des calamités et des
catastrophes naturelles ». On peut penser que c'est en s'inspirant de ce principe de solidarité nationale que la Cour suprême a
décidé d'indemniser les victimes de l'attentat commis par des terroristes à l'Hôtel Atlas Asni à Marrakech en octobre 1984.
Refusant de suivre le tribunal administratif de Rabat qui avait jugé que les services de sécurité avaient commis une faute en ne
décelant pas l'entrée par le port de Tanger des armes qui avaient servi à l'attentat, la Chambre administrative de la Cour
suprême infirme le jugement mais accorde une indemnité sur la base de la solidarité nationale. Il est vraisemblable que la cour
a estimé inopportune la recherche d'une faute des services de sécurité, faute au demeurant difficile à prouver et qu'il était plus
favorable aux victimes de réclamer l'indemnisation sur la base de la solidarité nationale dans le cadre de la responsabilité sans
faute (C.S.A. 14 déc. 2005, Agent judiciaire c/ Couibas Garcia : REMALD, n° 68, 2006, p. 129, M. Rousset et M.-A. Benabdallah).
Les attentats qui ont suivi à Casablanca et à Marrakech montrent en tous cas que la solution retenue par la Haute juridiction
est pour les victimes une solution favorable et équitable.
Mais le législateur vient d'instituer un régime de couverture des conséquences catastrophiques d'événements d'origine
naturelle ou humaine  ce qui comprend le terrorisme ; cette loi devrait désormais permettre aux victimes d'obtenir une
indemnisation à la condition de démontrer que les événements à l'origine de leur préjudice entrent bien dans les cas envisagés
par le législateur et naturellement la réalité et l'importance de ce préjudice (L. n° 110-14, 25 août 2016 : BORM 2016, p. 1527).
La loi crée une commission de suivi de ce genre d'événements, un comité d'expertise et un fonds de solidarité pour en assurer
l'indemnisation, une commission de règlement des différends. Un décret du 30 septembre 2019  a créé au profit  de ce
Fonds    une taxe parafiscale   dénommée    « Taxe de solidarité  contre les événements catastrophiques » (BORM 2019 ,p.2069).
Par ailleurs, elle modifie le Code des assurances en rendant obligatoire l'assurance contre les risques d'événements
catastrophiques.

G. - Responsabilité sans faute d'origine législative

19. - Système particulier -  Les dahirs du 26 octobre 1942 et du 19 septembre 1977 ont mis en place un système particulier de
responsabilité pour les dommages subis par les enfants des écoles, les enfants accueillis dans les colonies de vacances
organisées par le ministère de l'Éducation nationale, les étudiants et enfants des colonies de vacances dépendant de
l'enseignement secondaire et supérieur. Cette indemnisation forfaitaire fondée sur la responsabilité sans faute peut se cumuler
avec une responsabilité pour faute de service fondée sur l'article 79 du dahir portant Code des obligations et des contrats ;
mais dans ce cas en vertu de l'article 85 l'action doit être dirigée contre l'État dont la responsabilité se substitue à celle des
membres du personnel éducatif quitte à ce que, s'il y a faute personnelle de la part de ces derniers, l'État se retourne contre
leurs auteurs.
Il existe enfin un texte relatif aux pensions d'invalidité issu du dahir de 1927 dont le bénéfice a été étendu aux collaborateurs
bénévoles du service public par le dahir du 31 mars 1961. En réalité, le montant souvent dérisoire de l'indemnité forfaitaire a
conduit la Cour suprême dans la décision Dame Vve Aboubou 8 juillet 1968, à admettre une action complémentaire fondée sur
l'article 79 du dahir portant Code des obligations et des contrats afin de permettre la réparation intégrale du préjudice. Cette
solution a été confirmée par la Cour suprême  Cour de Cassation dans sa décision du 25 février 1975, État c/ El Mrini (RJPEM
1979, p. 243).
Rappelons aussi la loin° 110-40  du 25 août 2016 qui a institué un fonds de solidarité pour assurer la réparation des
conséquences d'événements catastrophiques trouvant leur source dans « l'action d'intensité anormale d'un agent naturel ou de
l'action violente de l'homme » c’est à dire  principalement le terrorisme .

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III. - Réparation du préjudice


20. - Conditions nécessaires -  L'action en indemnité doit satisfaire à un certain nombre de conditions pour être engagée
utilement ; s'il n'est pas nécessaire de la faire précéder d'un recours administratif auprès de l'Administration en cause afin
d'obtenir une décision préalable, celui-ci est souhaitable dans la mesure où il peut permettre à la victime d'obtenir satisfaction
sans avoir à saisir la juridiction.
Si l'action est dirigée contre une collectivité territoriale elle doit être précédée d'un mémoire exposant la requête et ses motifs
adressé au Wali ou au gouverneur ; s'agissant des préfectures et des provinces l'auteur de l'action doit également informer le
président du conseil de la province ou de la préfecture ; si le Wali ou le gouverneur n'a pas répondu dans le délai de 30 jours,
ou si le demandeur n'est pas satisfait de la réponse, il peut alors saisir le ministre de l'Intérieur de sa réclamation ou saisir
directement la juridiction compétente. Par ailleurs l'agent judiciaire des collectivités territoriales désigné par arrêté du
ministre de l'Intérieur, doit être appelé en cause dès lors que l'action tend à faire déclarer débitrice une collectivité territoriale
et cela sous peine d'irrecevabilité de la requête.
Contre l'État, un office ou un établissement public dans des matières étrangères au domaine et à l'impôt, elle doit être dirigée
contre le chef du Gouvernement et accompagnée de la mise en cause de l'agent judiciaire du Royaume. L'action n'est pas
enfermée dans des délais mais en revanche le versement de l'indemnité peut se heurter à la déchéance quadriennale des dettes
de l'État.
Pour obtenir la condamnation au versement de l'indemnité la victime doit démontrer l'imputabilité du préjudice à la
collectivité publique ; cela implique d'abord qu'il établisse le lien de causalité directe entre l'action de la collectivité et le
dommage ce qui est le cas le plus fréquent ; mais il peut se faire qu'il y ait plusieurs faits à l'origine du dommage, des faits
imputables à une pluralité d'auteurs ; le juge doit alors rechercher lequel de ces faits a eu une importance déterminante sur la
survenance du dommage afin de déterminer la responsabilité éventuelle de la collectivité publique. Le problème peut d'autant
plus se poser aujourd'hui que fréquemment plusieurs collectivités sont engagées par voie de convention dans des opérations
d'intérêt commun.
Par ailleurs, il peut se faire qu'une même autorité administrative puisse agir en différentes qualités comme conséquence de ce
que l'on appelle le dédoublement fonctionnel ; le cas le plus fréquent jusqu'en 2011 était celui du Wali ou du gouverneur,
représentant de l'État, qui agissait en tant qu'exécutif des délibérations des assemblées provinciales et préfectorales et
régionales. Aujourd'hui dans les communes Méchouar et dans la commune urbaine de Rabat le Wali ou le représentant de
l'État exerce en vertu de la charte communale un certain nombre de compétences dont on peut penser qu'elles le sont dans
l'intérêt de la commune ; de même le représentant de l'État peut utiliser un pouvoir de substitution du président du conseil
communal en cas de carence de ce dernier dans l'exercice de certaines attributions et après constatation par le tribunal
administratif de l'état d'abstention du président ; on peut alors se poser la question de savoir si les actes du représentant de
l'État ne sont pas pris dans l'intérêt de la commune et en cas de préjudice, si ce n'est pas celle-ci qui doit en assumer la
responsabilité.
Mais ce lien de causalité directe peut aussi être rompu par la survenance d'un événement de force majeure, ou bien par le fait
d'un tiers, ou enfin par la faute de la victime.

21. - Force majeure -  La force majeure est une cause d'exonération dans la mesure où l'événement est imprévisible, étranger
à la volonté de l'Administration et caractérisé par son effet irrésistible, comme peuvent l'être par exemple les événements
climatiques de grande ampleur : pluies torrentielles, glissements de terrain etc. comme le constatait la cour d'appel de Rabat
dans une décision de 1947 à propos « de pluies extraordinaires (qui) ont eu des effets irrésistibles caractérisant la force
majeure ». Du fait de leur importance ,  tels événements entreraient sans doute dans les prévisions de la loi instituant un
régime de couverture des conséquences d'événements catastrophiques dus à « l'action d'intensité anormale d'un agent naturel
ou de l'action violente de l'homme » qui a institué un fonds de solidarité pour en assurer la réparation (L. n° 110-14, 25 août
2016).Ce sera à la jurisprudence d’en décider.

22. - Fait d'un tiers -  Il s'agit de l'action d'un tiers qui peut avoir concouru avec l'action de l'Administration à la réalisation du
dommage. Depuis la création des tribunaux administratifs, à la différence de ce qui existait du temps de l'unité de juridiction,
il faut engager deux actions l'une devant le juge administratif pour la mise en jeu de la responsabilité de la personne publique
et l'autre devant le juge judiciaire pour celle de la personne privée avec le risque évidemment d'une contrariété de décisions
entre les deux juridictions. Ce ne sera qu'au stade de la cassation que la Cour de cassation pourra départager la position des
deux juridictions administrative et judiciaire… ce qui démontre une fois encore l'intérêt qu'il y a à conserver l'unité de
juridiction au sommet de la hiérarchie des tribunaux.

23. - Faute ou fait de la victime -  La faute ou le fait de la victime a les mêmes conséquences que le fait du tiers ;
l'exonération de la responsabilité publique sera totale sauf s'il apparaît au juge que la faute de la victime a coexisté avec le fait
de la collectivité publique dans la réalisation du dommage ; dans ce cas la responsabilité de la collectivité publique sera
atténuée dans des proportions que le juge devra évaluer.
Le fait du tiers comme la faute de la victime peuvent également coexister avec la responsabilité sans faute ; le juge devra se
livrer à une analyse identique tendant à faire apparaître le rôle exact qu'ils ont pu jouer dans la réalisation du dommage afin de
déterminer l'existence et (ou) l'importance de la responsabilité de la personne publique.

24. - Préjudice indemnisable -  Ce préjudice doit présenter un certain nombre de caractères concernant son étendue, sa
gravité, sa permanence ou au contraire son caractère évolutif ; le dommage doit être certain ce qui n'exclut pas qu'il puisse
être futur ; mais il ne peut pas être seulement éventuel (TA Marrakech, 14 mars 2001, Sâadia Tahane : REMALD, n° 42, p. 75,

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être futur ; mais il ne peut pas être seulement éventuel (TA Marrakech, 14 mars 2001, Sâadia Tahane : REMALD, n° 42, p. 75,
note M. Rousset et M.-A. Benabdalah à propos de l'appréciation du préjudice lié à la perte d'une chance dans le contentieux
des concours et des examens) ; pour répondre à toutes ces questions le juge pourra recourir à l'expertise de la même façon qu'il
lui faudra parfois recourir à l'expertise pour faire apparaître le lien de causalité entre l'action administrative et le dommage.
Le préjudice doit être spécial à la victime et anormal c’est-à-dire qu'il doit dépasser par son importance les simples
inconvénients de la vie en société ; ces deux caractéristiques sont particulièrement importantes pour l'indemnisation dans le
cadre de la responsabilité sans faute.
Le plus souvent le préjudice est matériel mais il peut aussi s'agir d'un préjudice moral tel celui qui est subi par un parti
politique du fait de l'interdiction illégale d'une réunion publique ou par un agent public illégalement sanctionné.
Enfin la jurisprudence des tribunaux marocains indemnise la douleur morale qui résulte de la perte d'un proche parent ;
l'indemnité doit couvrir non seulement le préjudice matériel mais aussi la douleur morale occasionnée par cette disparition.

25. - Indemnité -  L’indemnité doit couvrir la totalité du préjudice ce qui condamne les systèmes de réparation forfaitaire car
depuis la décision Dame Vve Abboud et le commentaire du Premier président Bahnini, il est admis que la réparation doit être
intégrale : « La réparation du préjudice moral comme celle du préjudice matériel doit être intégrale et non pas symbolique » a
jugé la Cour suprême dans une décision (C. cass. marocain, 10 juill. 1986, Mehdi Zaïdi c/ Agoumi et Batut : JCS. n° 40, p. 204)
et cela concerne évidemment la douleur morale.
L'indemnité est désormais calculée au jour du jugement ; elle est versée en capital à moins que le juge ne fixe une rente ce qui
sera le cas pour un dommage évolutif ou pour la réparation du préjudice subi par un enfant mineur.

IV. - Exécution de la décision de condamnation


26. - Principe -  L’administration a l’obligation de  verser le montant de la condamnation au bénéficiaire du jugement  la
condamnant; mais il se produit parfois (souvent !) que  l’administration s’y refuse. La victime peut elle alors recourir aux
moyens que le code de procédure civile met à sa disposition , notamment la saisie des biens meubles ou immeubles de la
personne publique condamnée? Le respect de l’autorité de la chose jugée ,principe essentiel de l’Etat de droit  que cette
mesure permet de faire respecter ,se heurte cependant à un autre principe tout aussi respectable,  celui de la continuité des
services publics qui pourrait être  compromis si cette saisie conduisait à la paralysie des services dont la personne publique
condamnée a la charge. Il est donc nécéssaire de concilier ces deux principes; c’est de qu’ont tenté de faire les tribunaux qui
ont ordonné la saisie arrêt des fonds appartenant à des établissements publics dans la mesure où cette saisie  n’entravait  pas
le bon fonctionnement  du service public (Voir par exemple Président du TA de Rabat , Ordon n°182  du 24  Septembre 1997,El
Ansri  c//ORMVA du Loukos , REMALD, n°23, 1998, p. 171, note M’Hamed Antari).
Mais le vote de l’article 9 de la loi de finances pour 2020 interdit le recours à ce procédé en instaurant l’insaisissabilité  des
biens de l’Etat et des collectivités territoriales. Malgré cette interdiction le président du tribunal administratif de Meknès a
ordonné la saisie des sommes nécessaires l’exécution d’une décision de condamnation de l’Académie régionale  de l’éducation
et de la formation de la région Draâ Tafilalet en relevant que la loi votée ne visait que l’Etat et les collectivités territoriales et
leurs groupements et ne concernait pas les établissements publics , catégorie à laquelle appartenait l’Académie régionale.(TA
Meknès, 22 janvier 2020, REMALD, n°150-151, 2020,p. 301, note M.R. et MA.B— CSA 7 novembre 2002,ONCF c/A.L.et
Consorts, REMALD, n°69, 2006,p.73.) Toutefois le problème général reste en suspens malgré les assurances données en
décembre 2019 par le ministre de l’économie des finances et de la réforme de l’administration qui s’est engagé à faire en sorte
que  des mesures soient prises afin d’obliger les administrations à payer le montants des condamnations  objets de jugements
définitifs dans un délai de quatre ans , mesure qui serait notamment intégrée dans le décret sur la commande publique.

A. - Responsabilité personnelle de l'agent public

27. - Principe -  Elle est fondée sur l'article 80 du dahir portant Code des obligations et des contrats qui laisse à la charge de
leurs auteurs les conséquences des dommages causés par leurs dols et par des fautes lourdes dans l'exercice de leurs fonctions.
La collectivité publique ne peut être mise en cause qu'en cas d'insolvabilité des agents responsables.
Mais cette responsabilité législative est aussi fondée sur un principe qui relève de la déontologie de la fonction publique qui
veut que dans l'exercice de ses fonctions l'agent public respecte les exigences juridiques, techniques et morales d'un métier qui
le met au service de la collectivité, ce qui est aujourd'hui officialisé par l'article 155 de la Constitution : « Les agents des
services publics exercent leurs fonctions selon les principes de respect de la loi, de neutralité, de transparence, de probité et
d'intérêt général ». L'agent ne sera considéré comme agent public au regard de sa responsabilité que s'il n'a pas commis de
faute personnelle, d'où l'importance qu'il y a à définir ce que peut être cette faute personnelle. La jurisprudence disponible à
cet égard n'est pas très abondante ce qui peut donner à penser soit que les agents publics sont généralement respectueux des
règles qui régissent leur profession, soit que les mécanismes de mise en cause de cette responsabilité ne font pas l'objet d'une
utilisation fréquente.
Il faut donc procéder dans un premier temps à la détermination de la faute personnelle, afin d'examiner dans un deuxième
temps les rapports qui peuvent s'établir entre la responsabilité personnelle de l'agent et celle de la collectivité publique.

B. - Détermination de la faute personnelle

30. - Article 80 du DOC -  Il résulte tout d'abord de la lettre de l'article 80 du dahir portant Code des obligations et des
contrats que toute action dommageable commise en dehors de l'exercice des fonctions constitue en principe une faute
personnelle car elle est dépourvue de tout lien avec la fonction sous réserve du fait que cette faute a pu être commise avec des

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personnelle car elle est dépourvue de tout lien avec la fonction sous réserve du fait que cette faute a pu être commise avec des
moyens soustraits au service par l’agent mis en cause.
Un deuxième type de faute personnelle est constitué par le dol
Il s'agit d'une action commise dans le service mais guidée par l'intention de nuire ce qui peut être le cas par exemple dans ici
dans certaines manifestations de détournement de pouvoir lorsque l'agent utilise son pouvoir par hostilité au destinataire de
la décision. Dans le domaine des actes matériels les violences, les tortures infligées à un prévenu entrent incontestablement
dans la catégorie des actions dolosives proscrites par l'article 22 de la Constitution. Et de telles actions sont incontestablement
constitutives de fautes lourdes.

31. - Faute lourde dans l'exercice des fonctions -  La faute lourde dans l'exercice des fonctions constitue la troisième
manifestation possible de la faute personnelle ; indépendamment des brutalités que l'on vient d'évoquer, et qui constituent
manifestement une faute personnelle, la faute lourde étant commise dans l'exercice des fonctions est une faute
professionnelle qui doit donc être distinguée de la faute de service, distinction qui peut s'avérer délicate. La distinction sera
relativement aisée s'il s'agit d'une voie de fait c’est-à-dire d'une action accomplie sans droit et qui porte atteinte à une liberté
ou au droit de propriété par exemple la confiscation d'un permis de conduire en dehors des cas prévus par la loi n° 94-95 ; on
peut estimer dans ce cas que l'agent a commis une erreur dont la gravité est suffisante pour que l'on puisse y voir une faute
personnelle ce qui n'exclut cependant pas que l'on puisse mettre en cause la responsabilité de la personne publique en dehors
du cadre protecteur de l'article 25 du Code de procédure civile. Cela montre en tous cas que le juge devra analyser la faute en
fonction de la qualification de son auteur, de sa place dans la hiérarchie du service auquel il appartient, de la difficulté des
tâches qu'il doit accomplir, du cadre juridique de son action et des circonstances dans lesquelles il est intervenu.
La difficulté de cette analyse explique sans doute le fait que la jurisprudence ne soit pas abondante ; le juge préfère sans doute
voir dans les cas qui lui sont soumis des fautes de service plutôt que des fautes personnelles de façon à faciliter l'indemnisation
de la victime : l'agent de police qui ne vérifie pas que son arme de service est au cran d'arrêt et qui tue un délinquant se rend
coupable d'une faute de service ; de même un inspecteur de l'agriculture qui ne s'assure pas de la nature du produit qu'il
répand sur des arbres fruitiers et détruit ainsi la récolte ne commet qu'une faute de service ; et cependant dans ces deux cas la
faute professionnelle est particulièrement grave.
La distinction présente aujourd'hui une importance qu'elle n'avait pas à l'époque de l'unité de juridiction ; en effet à cette
époque le même juge pouvait statuer sur les deux actions l'une contre la collectivité publique et l'autre contre l'agent à titre
personnel ; l'erreur de qualification de la victime pouvait être réparée par le juge ; mais aujourd'hui depuis la création des
tribunaux administratifs, le juge administratif n'est en principe compétent que pour juger les actions dirigées contre les
personnes publiques. En cas d'erreur il conviendra de saisir la Cour de cassation qui devra rétablir l'ordre normal des
compétences en déterminant si la faute est une faute personnelle ou une faute de service. Et l'on voit alors apparaître le
problème des rapports entre les deux responsabilités.

V. - Rapports entre la faute de service et la faute personnelle


32. - Principe -  Le législateur de 1913 a établi une responsabilité exclusive entre les deux responsabilités, l'existence de la
faute de service conduisant à la responsabilité de la collectivité publique et inversement la faute personnelle débouchant sur la
responsabilité personnelle de l'agent, l'insolvabilité de ce dernier ne permettant que la substitution de la collectivité publique
à l'agent insolvable pour le versement de l'indemnité.
Mais à la lumière de la jurisprudence française du Conseil d’État, on s'est demandé si l'on ne pourrait pas introduire dans le
droit marocain de la responsabilité le cumul de fautes et, mieux encore, le cumul de responsabilités.
En tout état de cause rien n'interdit bien au contraire à l'Administration de mettre en cause la responsabilité de l'agent pour
obtenir réparation des dommages qu'il a pu lui causer.

33. - Cumul de fautes -  Celui-ci est tout à fait possible matériellement car le dommage peut parfaitement être le résultat de
deux fautes, une faute de service et une faute personnelle, qui ont concouru à la réalisation du dommage ; et la lecture de
l'article 80 du dahir portant Code des obligations et des contrats qui ne l'exclut pas, montre qu'elle est également possible
juridiquement. Cette hypothèse n'a pas à ce jour été confirmée par la jurisprudence mais il est clair que si elle devait se
rencontrer le juge pourrait adopter la solution retenue en France par le Conseil d'État dans l'arrêt  de principe du 3 février
1911, Anguet (GAJA, 18e éd., 2011, n° 22). Toutefois dans ce cas la victime devrait intenter deux actions l'une devant le juge
administratif et l'autre devant le juge ordinaire avec le risque déjà signalé, d'une contrariété de décision qui dans cette
hypothèse, concerne le partage de responsabilité entre les auteurs des deux fautes. Celui-ci ne pourrait être réglé que par la
Cour de cassation.

34. - Cumul de responsabilités -  L'admission de ce cumul est plus problématique sur le plan juridique car il s'agit de savoir si
un même fait pouvant être analysé à la fois comme une faute de service et comme une faute personnelle pourrait donner lieu à
la mise en jeu de la responsabilité de la personne publique. Le cas s'est produit en France où il a donné lieu à un autre arrêt de
principe Époux Lemonnier, 26 juillet 1918 (GAJA,18° ed.,n° 32). Le maire d'une commune organise une attraction de tir sans
prendre les précautions suffisantes en matière de sécurité ce qui provoque un accident dont la victime recherche d'abord la
réparation devant le juge judiciaire puis devant le juge administratif ; le juge judiciaire reconnaît la faute personnelle du
maire, mais le Conseil d'État juge que cette faute personnelle dénote un mauvais fonctionnement du service public ; il accepte
donc de condamner la commune. Naturellement ce cumul de responsabilités n'entraîne pas cumul d'indemnités. Cette
solution a par la suite été étendue à des cas où le dommage est le résultat d'une faute personnelle commise en dehors du

service mais avec des moyens soustraits au service par l'auteur de la faute personnelle. L'avantage de cette formule réside dans

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service mais avec des moyens soustraits au service par l'auteur de la faute personnelle. L'avantage de cette formule réside dans
le fait qu'en poursuivant la collectivité la victime a l'assurance d'être indemnisée, la collectivité publique pouvant alors se
retourner contre son agent pour récupérer le montant de l'indemnité versée.
Au Maroc, l'article 80 du dahir portant Code des obligations et des contrats semble interdire un tel cumul car s'il y a faute
personnelle la collectivité publique ne peut être poursuivie qu'en cas d'insolvabilité de l'auteur de la faute personnelle ; elle
n'est pas responsable mais seulement substituée à l'auteur de la faute personnelle pour le versement de l'indemnité.
Cependant avec la dualité de juridictions la victime doit intenter son action devant le juge compétent ce qui implique de sa
part une bonne qualification de la faute et donc le risque d'erreur. Le cumul de responsabilité permettrait d'échapper à cet
inconvénient ; mais cela suppose une modification législative de l'article 80 qui ne semble pas à l'ordre du jour d'autant que les
illustrations jurisprudentielles de la responsabilité personnelle des agents publics sont rarissimes ; il est par ailleurs peu
vraisemblable que la Cour de cassation prenne une position contraire à la lettre de ce texte malgré les invitations cumulées de
l'ancien Premier président de la Cour suprême et celle de feu le Roi Hassan II à l'intention des magistrats à pratiquer une
interprétation constructive des textes anciens afin de les adapter aux exigences de la société d'aujourd'hui.
Responsabilité de l'agent public vis-à-vis de l'Administration
Cette situation purement hypothétique aujourd'hui mérite cependant qu'on s'y arrête d'autant plus que la Constitution
consacre un long développement à la bonne gouvernance et aux principes qui doivent présider au bon fonctionnement des
services publics et aux obligations qui en découlent pour leurs agents. Il s'agit en effet d'éviter que ne s'instaure dans
l'Administration un sentiment d'impunité qui ne manquerait pas de se manifester si les fautes lourdes des agents causant de
graves préjudices au service n'entraînaient aucune conséquence pour leurs auteurs en dehors évidemment des poursuites
disciplinaires. Actuellement seuls les comptables publics et les ordonnateurs peuvent voir leur responsabilité engagée devant
la Cour des comptes en vertu de la loi n° 12-69 ( BORM.1969,p.564).
L’Administration pourra récupérer le montant du préjudice sur la base d'un état exécutoire ce qu'elle peut faire également
pour récupérer le montant de l'indemnité qu'elle a versée à la victime d'une faute personnelle commise par l'agent insolvable.

Bibliographie
M.-A. Benabdallah, Contribution à la doctrine du droit administratif : REMALD, tome I n° 77, et tome II n°78, 2008
A. Harsi, La responsabilité administrative en droit marocain : Thèse de droit public, Faculté de droit de Fès, 1993
J. Prat, La responsabilité de la puissance publique au Maroc : Rabat, 1963
M. El Aaraj ,  Responsabilité de l’Etat et des collectivités territoriales dans la pratique de la justice administrative au Maroc,
REMALD, Coll.Manuels et travaux universitaires, n°108,2015
M. Rousset, M.-A. Benabdallah, Contentieux administratif marocain : REMALD, Coll.Manuels et travaux universitaires n° 118,
4e éd. 2018
-Articles
A. Harsi, La responsabilité administrative, in « Indépendance nationale et système juridique au Maroc » : PUG et éd. La Porte,
Rabat, 2000, p. 201
M. Rousset, Consécration et évolution de la voie de fait dans le contentieux administratif marocain : RJP 1997, n° 1, p. 12 -
Interprétation et progrès du droit : Mélanges en hommage à M. J. Essaïd : CMEJ, t. 1, Rabat, 2005, p. 265. De la responsabilité
sans faute à la solidarité nationale, présentation de la loi n° 110-40 du 25 août 2016 instituant. la réparation des conséquences
des événements catastrophiques, REMALD n°131,2016,p.9. La réparation  du préjudice subi du fait de l’assassinat de deux
touristes  danoises par des  terroristes djihadistes dans la région du Haut Atlas à  Imlil en décembre 2018, pourra être
recherchée sur ce fondement dans la mesure ou les auteurs de ces crimes seront incapables d’assumer cette réparation.(le
procès est en cours devant la Cour antiterroriste du tribunal de première instance de Salé(mai 2019).
M. Rousset, M.-A. Benabdallah, La réparation du préjudice pour perte d'une chance dans le contentieux des concours et
examens : REMALD, n° 42, p. 75
M.Rousset et MA.Benabdallah:La saisie des biens des collectivités  et organismes publics pour inexécution des décisions de
justice. REMALD, n°69,2006,p.73.
M.Rousset et MA. Benabdallah: La saisissabilité des biens et fonds dés établissements publics,TA de Meknès, 22janvier 2020,
GATP, c/ Académie régionale de l’éducation et de la formation  de la région Draâ Tafilalet, REMALD, n°150-151,2020,p.301.

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Auteur
Michel ROUSSET
Professeur
Faculté de droit de Grenoble

Principaux domaines d'expertise

Conseiller de Sa Majesté le Roi Hassan II aux côtés du Doyen Vede-Privatisations


Révisions constitutionnelles
Création des tribunaux administratifs
Problèmes du Sahara
Conseiller du ministre de l'Intérieur pour les problèmes d'administration Territoriale
Consultant pour KPMG (audit des collectivités locales au Maroc)
Consultant pour le Bureau Veritas (codification des textes formant le Code de l'aviation civile au Maroc)
Consultant pour BCEOM Plan de déplacement urbain de Casablanca, Appui Budgétaire de l'U.E. au programme de
résorption de l'habitat insalubre, Villes Sans Bidonville.
Collaborateur du cabinet d'avocats "UGGC" Paris : Interventions aux colloques organisés au Maroc par l'Union
Internationale des Avocats et les Barreaux du Maroc.

Expérience professionnelle

Professeur honoraire depuis 2007


Professeur émérite à la Faculté de droit de l'Université des Sciences Sociales de Grenoble (1996-2006)
Professeur à la Faculté de droit de Grenoble (1972-1996)
Président de l'Université des Sciences Sociales de Grenoble (1979-1987)
Doyen de la Faculté de droit de Grenoble (1975-1979)
Directeur des études de l'Ecole Nationale d'Administration de Rabat (1968-1972)
Professeur agrégé à la Faculté de droit de Rabat, Université Mohammed V (1962-1966)
Agrégé de droit public et de science politique (1962)
Service national, Sous-lieutenant, Médaillé commémorative de la guerre d'Algérie (1961-1962)
Assistant puis chargé de cours à La Faculté de droit de Grenoble (1956-1960)
Docteur en droit à l'université de Grenoble (1959)
Diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble (1955)
Nombreuses missions d'enseignement dans diverses institutions universitaires et de formation administrative :
Universités de Rabat Casablanca, Fès, Tanger, Marrakech, Mohammedia, Oujda, Benghazi (1972-2008)

Bibliographie

Edification d'un Etat moderne: le Maroc de Hassan II, A. Michel, 1986.


Révision de la Constitution marocaine : Imprimerie Royale, Rabat 1992.
Trente années de vie constitutionnelle au Maroc : LGDJ. Paris 1993.
La Constitution Marocaine de 2011: Analyses et commentaires LGDJ, Paris 2012.
L'idée de puissance publique en droit administratif : Dalloz, 1960.
Le Royaume du Maroc : Berger-Levrault, 1978.
L'action internationale des collectivités locales, "Systèmes" : LGDJ. 1998.
Droit administratif: L'action administrative (tome 1)
Le contentieux administratif : T. 2, 2ème éd., PUG 2004 (en collaboration avec Olivier Rousset).
Institutions administratives marocaines : Publisud, Paris 1990, (en arabe 1993).
Contentieux administratif marocain : 3° éd. Ed. REMALD, 2014(1ère éd. En arabe, 1992).
Le service public au Maroc : 2° éd. Ed. La Porte, Rabat, 2002
Droit administratif marocain: 6°ed, Ed. La Porte, Rabat, 2003(3°ed. en arabe1988).

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Hommage à HASSAN II: Regard sur la modernisation de l'Etat ,2°ed. PUG ,2004.
La démocratie locale au Maroc : Confluences, Rabat, 2004.
Actualité du droit administratif au Maroc : 2004-2009, en collab. Avec M. A. Benabdalah, éd. La Porte, Rabat 2010.
Une vie marocaine 1963-2013 : éd. La Porte, Rabat 2014.

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