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La Revue de médecine interne 36 (2015) 865–867

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Des lésions du visage


Facial cutaneous lesions
L. Elmachbouh a,∗ , F. Hali a , F. Marnissi b , H. Benchikhi a , S. Chiheb a
a
Service de dermatologie vénéréologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
b
Service d’anatomopathologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc

i n f o a r t i c l e

Historique de l’article :
Disponible sur Internet le 19 mai 2015

Mots clés :
Amylose cutanée
Chaînes légères
Myélome multiple
Thalidomide

Keywords:
Cutaneous amyloidosis
Light chains
Myeloma
Thalidomid

1. L’histoire

Un homme, âgé de 62 ans, sans antécédents pathologiques parti-


culiers avait depuis 2 ans un érythème palpébral bilatéral avec des
lésions purpuriques diffuses au niveau du corps. Il rapportait un
épisode d’hémoptysie et de rectorragie de faible abondance avec
des paresthésies des extrémités. L’examen clinique retrouvait un
purpura périorbitaire bilatéral symétrique avec des lésions purpu-
riques non infiltrées punctiformes du visage (Fig. 1) et des lésions
pétéchiales et ecchymotiques au niveau du tronc (Fig. 2), des plis
inguinaux et du scrotum associés à une fragilité cutanée en regard
des lésions purpuriques. L’examen des muqueuses retrouvait des
macules ecchymotiques au niveau de la muqueuse jugale et des
lésions pseudocondylomateuses en périanal. L’examen des ongles
Fig. 1. Purpura périorbitaire avec des lésions purpuriques punctiformes du visage.
retrouvait des ongles striés, une onycholyse latérale et des hémor-
ragies sous-unguéales filiformes. Le reste de l’examen clinique était
sans particularité.

2. Le diagnostic
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : loubnadr@hotmail.com (L. Elmachbouh). Une amylose AL.

http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2015.04.005
0248-8663/© 2015 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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une infiltration médullaire faible, en moyenne de 7 % [3,4], mais


environ 40 % des patients ont plus de 10 % de plasmocytes sur
le myélogramme. L’évolution vers un myélome symptomatique
est rare [5]. L’hémopathie sous-jacente peut également être une
maladie de Waldenström ou un lymphome non hodgkinien B.
L’isotype de l’immunoglobuline monoclonale étant alors souvent
une IgM [5]. Cliniquement, l’amylose AL se manifeste par des
ecchymoses et des lésions purpuriques siégeant aux niveaux des
paupières, visage, cou, aisselles et de la racine des cuisses. La
localisation périorbitaire est pathognomonique. Elles sont le plus
souvent secondaires à l’infiltration de la paroi des vaisseaux
dermiques par des dépôts de substances amyloïdes [1,6,7]. Des
nodules ou des papules jaunâtres peuvent parfois s’observer et
confluer pour prendre un aspect pseudosclérodermiforme. Les
lésions bulleuses cutanées sont extrêmement rares [1,6,7]. Une
alopécie diffuse ou localisée liée à une infiltration du cuir che-
velu peut être présente [1]. L’atteinte unguéale est rarement
observée dans l’amylose systémique [1,2,6]. Elle peut précéder
de plusieurs années les autres signes dermatologiques et être
confondue avec une onychomycose ou un lichen [1]. On peut
retrouver des atrophies unguéales, une fragilité unguéale, des
hémorragies filiformes sous-unguéales, des striations longitudi-
nales, une onycholyse, une anonychie partielle ou complète ou
encore des paronychies chroniques [1]. L’atteinte muqueuse inté-
resse la langue avec la macroglossie [1]. À l’exception du cerveau,
Fig. 2. Purpura pétéchial et ecchymotique au niveau du tronc. tous les organes peuvent être atteints au cours de l’amylose AL
systémique et les atteintes cardiaque et rénale conditionnent le
pronostic [6]. Dans les amyloses, l’atteinte du système nerveux
3. Les commentaires périphérique et du système neurovégétatif est présente chez envi-
ron 20 % des patients [5]. Elle se manifeste le plus souvent par une
L’amylose à chaîne légère (AL) est une complication rare et polyneuropathie sensitive avec des paresthésies à prédominance
grave des dyscrasies plasmocytaires [1]. Elle peut être en rap- distale parfois très douloureuses ; l’atteinte du système nerveux
port avec une prolifération plasmocytaire occulte ou associée à autonome est parfois sévère avec une hypotension orthostatique et
un myélome multiple [1,2]. Les signes cutanés sont retrouvés une gastroparésie. Les neuropathies motrices sont exceptionnelles
dans 20 à 30 % des amyloses AL [2,3]. La biopsie cutanée d’une [6]. Le diagnostic de l’amylose est histologique par la biopsie d’un
lésion purpurique objectivait des dépôts éosinophiles hyalins en organe accessible (peau, glande salivaire, rectum) avec la mise en
intradermique prenant une couleur rouge brique après colora- évidence de dépôt éosinophile hyalin prenant une couleur rouge
tion rouge Congo avec une biréfringence en lumière polarisée. brique après coloration de rouge Congo (biréfringence caractéris-
Ces éléments histologiques étaient en faveur d’une amylose cuta- tique en lumière polarisée). L’étude immunohistochimique sur un
née. Biologiquement, on retrouvait une hypogammaglobulinémie fragment congelé permet d’isoler la protéine précurseur en utili-
à l’électrophorèse des protéines avec une diminution du taux d’IgA, sant des anticorps anti-chaînes légères kappa et lambda marqués
M, G et des chaînes légères kappa avec élévation des chaînes légères par un fluorochrome [8]. Le traitement de l’amylose AL asso-
lambda à l’immuno-électrophorèse des protéines. La protéinurie cié au myélome est celui du myélome [9]. De récentes avancées
était à 7,49 g/24 h avec une protéinurie de Bence-Jones positive. Les thérapeutiques ont permis de transformer le pronostic de la mala-
radiographies du squelette étaient normales excepté la radiogra- die. Le thalidomide, le bortézomib et le lénalidomide pourraient
phie du crâne qui montrait une image lacunaire à l’emporte-pièce permettre d’augmenter la survie des patients [9]. De nouveaux trai-
au niveau de l’os pariétal. Le myélogramme retrouvait 39 % de tements, agissant directement sur les dépôts d’amylose, devraient
plasmocytes dystrophiques et des hématies en rouleaux. Le bilan permettre une meilleure prise en charge de l’ensemble des amy-
d’extension de l’amylose (hépatique, cardiaque, thyroïdien, rénal loses [8]. Le pronostic de l’amylose systémique AL dépend de
et surrénalien) était négatif. Seul l’électromyogramme retrouvait la présence d’une atteinte viscérale notamment cardiaque et
un syndrome du canal carpien bilatéral. L’ensemble de ces élé- rénale [8,9], et non la prolifération plasmocytaire sous-jacente qui
ments cliniques, biologiques, histologiques et radiologiques avait conditionne le pronostic, même si un taux de plasmocytes médul-
permis de retenir le diagnostic d’un myélome multiple avec une laires supérieur à 10 % semble associé à une moins bonne survie
amylose cutanée à chaîne légère lambda. Le patient était traité par [10].
4 cycles de chimiothérapie selon le protocole CDT (cyclophospha-
mide, thalidomide, dexaméthasone) avec un traitement antalgique Déclaration d’intérêts
du syndrome canalaire. Les lésions cutanées étaient stables et la
protéinurie de 24 h de contrôle à 0,24 g/24 h avec un recul de Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-
8 mois. tion avec cet article.
L’amylose systémique regroupe un ensemble d’affections
hétérogènes dont la caractéristique commune est le dépôt extracel- Références
lulaire d’une substance amyloïde caractérisée par des protéines
fibrillaires insolubles dans les tissus et les organes [1]. L’amylose [1] Modiani P. Amyloses cutanées. Ann Dermatol Venereol 2005;132:62–70.
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