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: Roger Milla
Roger Milla, en 1994, après son but face à la Russie, a 42 ans passes, faisant ainsi
de lui le footballeur le plus âge à marquer lors d'une phase finale d'un Mondial.
La scène a marqué les esprits et s'est incrusté dans la mémoire collective. C'est celle
d'une danse caractéristique que Coca-Cola utilisera 20 ans après dans un de ses
spots phares de publicité. Nous sommes le 23 juin 1990. Il est un peu plus de 19
heures au mythique stade San Paolo de Naples. Devant 50 000 personnes, alors que
son équipe dispute un suffoquant 8e de finale de Coupe du monde, le numéro 9 du
Cameroun pique le ballon des pieds du gardien de but René Higuita et marque. Il
vient de foudroyer la Colombie durant la prolongation et de rentrer définitivement
dans la légende et dans les cœurs. Ce but consacre un doublé pour lui et propulse
les Lions indomptables en 8e de finale. Un grand instant de gloire, une performance
égalée mais encore jamais surpassée par une autre formation africaine.
Symbole national
La vie laisse rarement place au hasard. Roger Milla est né le 20 mai 1952, jour de la
fête nationale au Cameroun. De confession protestante, il a toujours mis un point
d'honneur à servir la cause de son pays, entretenant le paradoxe entre un statut de
superstar parfois capricieuse et une simplicité retrouvée lorsqu'il s'agissait de servir la
cause nationale. Du temps où il était encore joueur, il entretenait déjà des rapports de
proximité avec Paul Biya, le président camerounais au pouvoir depuis 1982. Dans un
pays où les liens entre sport et politique ont toujours été étroits, l'intervention du chef
de l'état a plusieurs fois eu son importance. Dans les choix des sélectionneurs, mais
aussi des dirigeants et même des joueurs. Le président a pesé de tout son poids sur
le retour de Milla à l'aube du Mondial 90, le sortant alors d'une paisible retraite coulée
à la Réunion dans un petit club de Division d'Honneur. Même s'il est difficile de savoir
lequel des deux a fait le premier pas vers l'autre, ou encore si Biya n'a tout
simplement pas cédé à la vindicte populaire qui lui demandait de rappeler le vieux
Lion.
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Moins de deux ans auparavant, 120 000 personnes s'étaient massées dans le stade
omnisports de Yaoundé pour fêter son jubilé, sorte d'adieu au football. Un match
durant lequel Milla avait démontré qu'il pouvait encore largement tenir la route. Cela a
servi de terreau à l'idée d'un come-back. "Sportivement c'était une inconnue, concède
Olivier Schwob sans totalement écarter l'hypothèse d'une décision politique. Durant la
préparation, il n'arrivait pas en terrain conquis et il a dû montrer encore plus que les
autres qu'il avait sa place dans les 22."
Un discours tranché
En dehors du rectangle vert Roger Milla a rarement gardé sa langue dans sa poche,
transpirant parfois l'égocentrisme qui habite tous les grands attaquants. Une
tendance qui s'est confirmée une fois son retrait des terrains définitif, en 1994. "Si le
football camerounais se porte mal aujourd'hui, les gens comme Joseph Antoine Bell
sont responsables, il bavarde partout", a-t-il par exemple estimé au sujet de son ex-
coéquipier en sélection. "Plusieurs fois je l'ai appelé. Je lui ai demandé qu'il vienne
pour qu'on se mette ensemble pour sauver le football camerounais qui se meurt. Il a
refusé et préfère crier partout dans les médias". L'ancien portier de l'OM n'est pas le
seul à avoir essuyé les attaques du vieux Lion. Désigné comme son héritier, Samuel
Eto'o vit lui-aussi une relation ambigüe avec Milla, à l'image de la fraternelle rivalité
qu'ils ont toujours entretenue.
"Pour l'instant, Samuel Eto'o a beaucoup apporté à Barcelone et à l'Inter Milan mais
jamais rien à l'équipe du Cameroun. Il n'a pas encore répondu aux attentes. C'est
aussi une question de discipline : il a un peu malmené les autres joueurs, on n'avait
jamais vu ça en équipe nationale. Le Cameroun attend qu'il réagisse", avait dénoncé
Milla quelques semaines avant le Mondial 2010. "Les gens doivent plus me respecter
et surtout fermer leur gueule. C'est toujours avant les compétitions que les gens
aigris se réveillent. Milla a fait quoi ? Il n'a pas gagné la Coupe du monde, ils ont joué
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un quart de finale (en 1990, NDLR). Et avec quelle équipe ! Ils avaient l'une des
meilleures sélections avec de grands joueurs dans chaque compartiment. Ce n'est
pas parce qu'ils ont connu la gloire à 40 ans, qu'ils peuvent parler", avait répliqué non
sans une certaine amertume l'ancien joueur de l'Inter Milan, piqué au vif.
Des échanges qui sont loin de résumer à eux seuls les rapports entre deux hommes
souvent mis en opposition. "Pour moi, Roger est une légende, le meilleur footballeur
africain de tous les temps", a pourtant paraphé en conclusion de l'élogieuse préface
de la biographie de celui qu'il décrit comme son idole.
"Dites à Finke de rebrousser chemin sinon nous allons le tabasser" (R. Milla)
Son avis, il l'avait clairement exprimé quelques mois auparavant avant même que
Finke ne soit nommé. "Dites à cet entraîneur qui s'apprête à débarquer au Cameroun
de rebrousser chemin, sinon nous allons le tabasser avant de le refouler chez lui.
Nous ne pouvons pas accepter ces ennemis du pays", avait lancé Milla dans une
interview au quotidien local Le Messager. Des propos sous forme de tir à longue
portée.
Ultra interventionniste
"Il dérape souvent. Cette fois-ci, il est allé encore plus loin, et c'est navrant", avait
alors réagi Pierre Lechantre, ancien sélectionneur français du Cameroun (1999-2001)
dans Jeune Afrique : "On peut se demander s'il n'est pas un peu xénophobe ou
raciste. Mais son intérêt à lui, c'est que la sélection n'obtienne pas de résultat, qu'il
prenne la présidence de la fédération afin de nommer un coach qui sera sous son
influence". Moins acerbe, Olivier Schwob admet que Milla "assume peut-être trop de
fronts à la fois. Mais il rassemblera toujours, même à plus de 60 ans".
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Suffisant pour occuper à la fois une stature politique et sportive ? Chacun se fera son
idée. En attendant qu'un autre joueur du continent vienne le supplanter dans les
mémoires, Roger Milla continue d'arpenter le monde avec toujours la même
reconnaissance. Celle d'un joueur devenu ambassadeur, à qui l'on pardonnerait
presque tous ses excès tant il nous a fait rêver.
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