Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Champignons
les Lichens
et
de la biodiversité
à la santé
pRoTégER
L’Institut Klorane est particulièrement sensible à la protection et à la conservation des
espèces végétales menacées. À ce titre, il collabore avec le Conservatoire Botanique
National de Brest, spécialisé depuis son origine dans la sauvegarde des plantes en danger.
La réintroduction à Madère, en octobre 2010, de Normania triphylla (Lowe) Lowe, plante
endémique qui avait disparu de l’île, en est une illustration concrète. L’Institut Klorane
poursuit sa mission de sauvegarde d’espèces en danger critique d’extinction, notamment
en agissant en faveur du Calendula maritima Guss., endémique de Sicile.
C’est également en collaboration avec le Conservatoire Botanique Pierre Fabre que
l’Institut Klorane s’investit dans cette mission. Ce conservatoire est le premier établis-
sement privé français à avoir reçu l’agrément CITES (Convention sur le commerce
international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction).
Garant de la protection des espèces végétales menacées, il participe à des missions de
préservation de plantes en voie de disparition sur la surface du globe.
EXpLoRER
Pour sans cesse accroître la connaissance sur la biodiversité végétale, l’Institut
Klorane soutient les acteurs de la recherche et de la conservation en botanique en
finançant des missions sur le terrain : exploration des forêts primaires tropicales,
investigation de zones végétales menacées, création de jardins thérapeutiques…
Il apporte aussi sa contribution à la restauration et la valorisation d’herbiers, ainsi
qu’à la réalisation de thèses universitaires.
Il réalise des supports d’informations scientifiques à destination des professionnels de
santé, telles les monographies botaniques appliquées à des plantes stratégiques, constituant
progressivement une collection de référence.
L’Institut Klorane s’entoure de nouveaux partenaires botaniques :
> des jardins et conservatoires fortement impliqués dans la sauvegarde de la Biodiversité,
> l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), la première et la plus
vaste organisation mondiale de protection de l’environnement,
> l’Association Tela Botanica, réseau mondial et performant de botanistes francophones.
éDuquER
En partenariat avec des pharmaciens d’officine, des jardins et conservatoires
botaniques et des réseaux de botanistes, l’Institut Klorane fait découvrir le
patrimoine végétal aux enfants et aux étudiants. À cet effet, il s’appuie sur six
thématiques qui lui sont chères : plantes, Biodiversité et Développement durable,
alimentation, Champignons, arbres et Forêts, Fruits.
L’édition de nouveaux guides pour les scolaires entretient régulièrement l’actua-
lité : Découvre le monde des champignons, L’Univers du Sucre, Raconte-moi la
Biodiversité… pour le grand public, une large collection de brochures et posters
est également réalisée. À noter en particulier les thématiques suivantes, cautionnées
par des spécialistes dans ces domaines :
> Les champignons et les lichens, de la biodiversité à la santé
> Les plantes médicinales méditerranéennes : un patrimoine à conserver
> Les plantes et l’alimentation santé.
Fidèle aux rendez-vous annuel des mycologues amateurs ou éclairés, l’Institut Klorane
participe au Salon du Champignon de Toulouse, dans le cadre du Festival "La Novela ",
dédié à la diffusion du savoir de façon ludique. Il agit en partenariat avec le Muséum
d’Histoire Naturelle de Toulouse, les Facultés de pharmacie et des Sciences et les
associations mycologiques locales.
Enfin, le partenariat avec l’association Tela Botanica permet de proposer au grand
public des programmes de sciences participatives (observatoire des Saisons, étude
des plantes sauvages en ville, mise à disposition d’une flore interactive très complète)
pour faire découvrir la nature de proximité et faciliter un engagement citoyen pour
sa sauvegarde.
LA GRÈCE
dans la continuité des animations
botaniques, accompagne des scolaires
et des pharmaciens à la Faculté de
Pharmacie d’Athènes pour faire découvrir
l’utilité du patrimoine végétal au travers
d’ateliers d’extraction végétale et de
fabrication de savons.
L’ITALIE
LA BELGIQUE
s’investit dans la sensibilisation aux
grâce à la brochure "Raconte-moi la
problèmes environnementaux avec
Biodiversité" distribuée en officine,
le projet VIVIDARIA. En 2009 / 2010 un
sensibilise les enfants aux enjeux de
concours était ouvert à toutes les écoles
la protection des espèces végétales ou
partenaires (10 000 enfants) : Vividaria,
animales de façon didactique et ludique.
plantes amies : la biodiversité qui unifie.
LE PORTUGAL
L’ESPAGNE a réintroduit avec succès une espèce
végétale menacée d’extinction à Madère,
poursuit la sensibilisation des scolaires
Normania triphylla (Lowe) Lowe, en
encadrés par des pharmaciens, avec
collaboration avec le Jardin Botanique
des activités au sein de cinq jardins
de Funchal et le Conservatoire Botanique
botaniques : découverte des sens,
National de Brest. Il continue l’opération
des fruits, de la phytochimie.
"Un arbre, un enfant" et la visite de
jardins botaniques.
PRÉFACE
La biodiversité négligée
La biodiversité du minuscule
Si parmi les nombreuses espèces vivantes présentes sur Terre, beaucoup ont été étudiées,
la majorité d’entre elles nous sont encore inconnues. La biodiversité recèle des potentialités
inexplorées, au regard desquelles les scientifiques estiment que la part des espèces connues
de l’Homme est finalement minime. C’est particulièrement le cas des petits organismes et
des micro-organismes. La plupart des espèces présentes sur la Terre ont une taille inférieure à
5 mm. Virus, bactéries, champignons, nanoplancton, micro-invertébrés… sont très mal
connus : ils forment ce que l’on est tenté d’appeler la "biodiversité négligée". Négligée
car inexplorée, inexplorée car difficilement explorable. Cette biodiversité microscopique
représente pourtant 95% de la biodiversité et joue un rôle fondamental dans l’équilibre des
écosystèmes. Il n’est pas vain d’affirmer qu’il reste tant de mondes à découvrir.
Les champignons microscopiques appartiennent à cette foule minuscule. Jusqu’au milieu
du XIXe siècle, les naturalistes les classaient dans la catégorie des mousses ou des algues.
L’amélioration des techniques d’exploration et l’avènement de microscopes performants
ont permis de mettre en évidence les interactions biologiques qui se nouent entre ces
organismes et leur environnement.
Progressivement disparaissent les obstaclesd’exploration et s’ouvrent des perspectives de
recherche sur cette biodiversité méconnue, cette biodiversité du petit monde.
La biodiversité méconnue
Si champignons et lichens sont peu connus du grand public et peu explorés par les cher-
cheurs, n’est-ce pas aussi en raison du caractère insaisissable et curieux qu’ils présentent. On
ne peut prévoir comment ni où ils se déploieront. Longtemps ils n’ont été que moisissures,
stigmates flétrissant la beauté de toutes choses. Pourtant, un esprit curieux qui se penchera
sur l’univers mycologique y découvrira des trésors méconnus. La présence de lichens sur les
roches, les toitures, les monuments est notamment un signe de qualité de l’environnement.
L’utilité des organismes fongiques pour la science et le développement humain est aussi
avérée depuis longtemps : si on connaît, dès l’Antiquité, les levures d’où naissent le pain et le
vin, la compréhension des mécanismes microbiologiques en jeu date des recherches de Pas-
teur au XIXe siècle. De même, on a exploré plus tard, grâce aux champignons, les moyens de
soigner, à l’instar de la découverte de la pénicilline. L’investigation scientifique dans la sphère
des champignons et des lichens a également permis une connaissance plus poussée du corps
humain –flore intestinale, pathologies dermatologiques, etc. –id est une connaissance accrue
de la vie. Lichens et champignons ne sont pas cerisiers roses et pommiers blancs : ils représen-
tent la biodiversité discrète, parfois disgracieuse au premier abord. Mais tout étonnants qu’ils
soient, ils portent en eux cette beauté qui les transcende : irremplaçables sur Terre, essentiels
à l’existence de l’Homme, ils constituent les prémices de nos vies.
Trop souvent ignorés au profit des espèces supérieures, lichens et champignons détiennent des
clefs d’exploration scientifique sans doute plus riches que les représentants de la biodiversité
emblématiques auxquels nous sommes plus spontanément attachés : animaux et végétaux.
Il appartient à la recherche actuelle de saisir les chances de puissance que représentent, pour
l’humanité, les potentialités d’existence de cette biodiversité négligée. Champignons, orga-
nismes unicellulaires, lichens, ces espèces ignorées, souvent dédaignées, présentent, nous en
sommes convaincus, de multiples intérêts. En vous informant sur ces espèces méconnues,
en vous éclairant sur les perspectives scientifiques qu’elles présentent, l’Institut Klorane fait le
choix, à travers cet ouvrage, de vous donner la clef de ce champ des possibles.
Le comité de rédaction
SOMMAIRE
07 ET SI LES CHAMPIGNONS N’EXISTAIENT PAS ?
11 DÉFINITION
13 MODES DE VIE
28 ADAPTATION À L’ENVIRONNEMENT
31 SANTÉ
34 ALIMENTATION
39 TEINTURES
41 PARFUMS
42 RECHERCHE
46 LICHENS EN RECHERCHE
46 LICHENS EN MÉDECINE
48 CONCLUSION ET PERSPECTIVES
49 LE COMITÉ DE RÉDACTION
50 LEXIQUE (* Tous les termes suivis d’un astérique sont détaillés dans le lexique)
54 BIBLIOGRAPHIE
ET SI LES CHAMPIGNONS
N’EXISTAIENT PAS ?
Fomes fomentariusamadouvier
Quelque part dans l’espace-temps, un homme passé transportait dans une petite besace deux
de la Préhistoire traverse les étendues glacées de fragments de champignons (un amadouvier,
la haute-montagne alpine. Il est blessé, épuisé. pour allumer le feu, et un polypore du bouleau,
Son voyage et sa vie vont se terminer dans cet aux propriétés médicinales), témoins des
environnement hostile, et le froid va se charger relations ancestrales entre deux mondes.
de momifier son corps, que des randonneurs De tout temps, l’Homme a côtoyé ces
retrouveront à la fin du XXe siècle, à la faveur organismes étonnants et étranges, les
d’une fonte de glacier. champignons et les lichens, apparus sur Terre
Cette découverte effectuée sur la momie bien avant lui. Il a essayé de les comprendre,
d’Ötzi* (l’aviez-vous reconnue ?) en a permis de les utiliser ; il a appris à les craindre,
bien d’autres. On a montré que cet homme du parfois à les apprivoiser.
L’oRgaNISME FoNgIquE,
uN oRgaNISME DépouRvu DE TIgES,
DE FEuILLES ET DE RaCINES
Sporophore
Mycélium
Lichen saxicole
crustacé
Lichen
corticole
crustacé
Zone
ombragée
3 humide
2 Lichen corticole
foliacé
1
Lichen terricole
fruticuleux*
Lichen terricole
gélatineux
Si l’on compte environ 18 000 espèces de lichens à travers le monde, moins de la moitié
sont des espèces macroscopiques, bien visibles à l’œil nu. La flore française est riche de
plus de 2 300 espèces mais les lichens sont souvent ignorés et méconnus.
Xanthoria elegans
Le mode de vie des champignons et des lichens leur confère un rôle fondamental dans
les écosystèmes naturels et dans les équilibres biologiques, en interagissant de façon étonnante
avec le sol, les plantes et les animaux.
Sur des supports minéraux comme les rochers où l’on trouvera surtout des lichens
encroutés (des lichens dits "crustacés"), ils apportent la première matière organique.
Ils constituent parfois un abri pour de petits êtres vivants et initient les premiers
jalons de la chaîne alimentaire. Lumière solaire pour la photosynthèse, particules
en suspension dans l’air et humidité ambiante leur suffisent pour se structurer et
synthétiser des molécules parfois très complexes.
Rhizocarpon geographicum
Xanthoria elegans
Les oiseaux utilisent fréquemment des lichens mélangés avec d’autres débris végétaux pour
fabriquer leurs nids. En contrepartie certains lichens apprécient les substrats azotés fournis
par les fientes d’oiseau. Dans les Hautes-Alpes, la présence de Xanthoria elegans a permis de
localiser les aires d’aigles royaux.
ADAPTATION
À L’ENVIRONNEMENT
Le bassin méditerranéen est l’une des
régions les plus riches en biodiversité*
espèces plus compétitives. En raison de
leur isolement, les îles de la Méditerranée
avec 25 000 espèces végétales, soit 10 %
ont également favorisé l’individualisation
des plantes connues, alors que sa surface
terrestre ne représente que 1,6 %. Près de de nouvelles espèces. Les espèces qui
60 % de ces espèces ne se trouvent nulle sont localisées dans un seul site ou dans
part ailleurs. Une richesse naturelle due à
D’un
la point dedes
multiplicité vuehabitats
environnemental,
: les lichensune
ontseule
unerégion
place et qui ne
à part carseceretrouvent
sont
des organismes pionniers.
40 600 km de côtes rocheuses et Autonomes d’un point de vue énergétique grâce
donc nulle part ailleurs dans le monde à leur
capacité de photosynthèse (liée
sableuses, de nombreuses chaînes de à la présence de l’algue verte ou de la cyanobactérie),
sont appelées “endémiques”. Près de
ils colonisent
montagnes, tous
des les arides,
zones supportsdeset leurs espèces sont adaptées à des milieux
régions
extrêmement variés (secs ou humides, ombragés 10 %ou des espèces desIlsgrandes
ensoleillés). n’ont pasîles de
comme
humides, des falaises, des plaines. Sur
racines et, se nourrissant de peu, ils se rencontrent la sous
Crète, la touteslales
Sicile, latitudes
Corse ou et à
Chypre
ses 5 000 îles et îlots, une flore spécifique
toutes les altitudes. Certains se trouvent dans les cours d’eau (ex. Dermatocarpon
s’est développée et certaines espèces très sont endémiques de ces îles. Les hautes
luridum) ou régulièrement recouverts par la marée (ex. Lichina pygmaea), d’autres
anciennes s’y sont maintenues jusqu’à
dans des déserts arides, parfois sur des rochesmontagnes ainsi quepar
rendues brûlantes les falaises
le soleil,sont
sur
aujourd’hui, à l’abri des perturbations,
alors qu’elles ont disparu sur le continent, des milieux particulièrement riches en
où elles ont été remplacées par des endémiques.
28 LES CHAMPIGNONS
PLANTES MÉDICINALES
ET LES LICHENS
MÉDITERRANÉENNES LES CHAMPIGNONS ET LES LICHENS 28
des laves volcaniques (exemple des stéréocaulons) mais beaucoup apprécient les
régions froides. Au prix d’une croissance très lente, ils résistent à des températures
de -40°C et il n’est pas rare de trouver des lichens dont les filaments fongiques
s’insinuent de plusieurs centimètres à l’intérieur des roches : ce sont les lichens
cryptoendolithiques.
IMPORTANCE
anciennes s’y sont maintenues jusqu’à
aujourd’hui, à l’abri des perturbations,
montagnes ainsi que les falaises sont
POUR L’HOMME
alors qu’elles ont disparu sur le continent, des milieux particulièrement riches en
où elles ont été remplacées par des endémiques.
30 LES CHAMPIGNONS
PLANTES MÉDICINALES
ET LES LICHENS
MÉDITERRANÉENNES LES CHAMPIGNONS ET LES LICHENS 30
Santé : de la médecine
traditionnelle aux
médicaments de pointe
Parce que la plupart des champignons apparaissent de manière imprévisible et
sont éphémères dans la nature, ils sont assez peu utilisés en médecine traditionnelle.
Ce n’est pourtant pas faute de contenir des molécules actives, comme le prouve la
dangerosité des champignons toxiques. Certains ont d’ailleurs été largement utilisés
autrefois, depuis l’époque romaine, comme "poisons de cour" pour éliminer des rivaux
gênants. Or, s’il est bien connu que "c’est la dose qui fait le poison", c’est aussi souvent
à partir des poisons que l’on fait des médicaments. L’ergot de seigle est un champignon
parasite des graminées céréalières qui a provoqué depuis la plus haute antiquité
des intoxications dramatiques décrites sous le nom de "mal des ardents" ou de
"feu de St-Antoine".
Si à l’époque les malheureux étaient considérés comme possédés par le Démon,
à cause de brûlures et de gangrènes qui nécrosaient leurs membres ou des hallucinations
qui les habitaient, certains bénéficient aujourd’hui des bienfaits de ces molécules :
une fois isolés, parfois modifiés par la chimie et administrés à la dose voulue, les
alcaloïdes* issus de l’ergot sont des médicaments vasodilatateurs, antiparkinsoniens,
antihémorragiques, antimigraineux. Le célèbre LSD* est l’un de ces dérivés, dont les effets
si marqués et dangereux le font classer comme une drogue puissante, d’usage illicite.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul champignon provoquant des effets psychotropes, et l’on
pourra citer notamment les psilocybes, des panéoles ou bien encore certaines amanites
comme l’amanite tue-mouches qui, de pratiques chamaniques, sont passés aujourd’hui à
des usages dits "récréatifs", ce qui n’est pas sans poser des problèmes de santé publique.
Dans les pays asiatiques les champignons jouissent d’une tradition médicinale
bien plus forte qu’en Occident. Certains sont même des TCM (Traditional Chinese
Medicines) réputés et un commerce de plus en plus important se développe autour
de ces champignons, cultivables (reishi, shii-take…) ou récoltés dans des conditions
parfois très particulières (Cordyceps sinensis est un champignon parasite d’une chenille,
dont seuls quelques centimètres émergent dans les vastes étendues des hauts plateaux
himalayens). Les résultats de certaines études sont parfois discutables quant à leur valeur
scientifique mais des effets sur le système immunitaire, généralement attribuables à des
polysaccharides* de haut poids moléculaire, peuvent être retenus. Certains bénéficient
d’un statut de médicament dans quelques pays asiatiques et sont notamment utilisés en
complément de thérapeutique anticancéreuse.
Tricholoma auratum (ou frondosae) - Tricholome doré (ou tricholome des chevaliers)
Penicillium roquefortii - Hyphes colorées à l’éosine, spores vertes (penicillium signifie petit pinceau)
Les lichens sont peu digestes et leur amertume marquée peut être atténuée par des
ébullitions répétées avec élimination des premiers bouillons. Aussi les Inuits et autres
peuples de l’Alaska consommaient des lichens (de type Cladonia essentiellement) qui
étaient extraits de la panse de caribous tués à la chasse. Un restaurant québécois a
d’ailleurs proposé dans son menu une entrée à base de "mousse de caribou" :
"la mousse de caribou de Nunavik sur crostinis grillés" et un célèbre chef danois a aussi
créé un plat à base de lichens (Cladonias étuvés et croustillants) aromatisés avec une
poudre de champignons.
Du menthol parfois, mais sa consommation est déconseillé aux jeunes enfants. Sinon,
de divers polyols, ou "sucres alcoolisés", dont les cristaux engendrent une sensation
de froid lorsqu’ils fondent en bouche, comme le xylitol, le mannitol, le sorbitol… ou
l’érythritol, ce dernier découvert il y a 140 ans dans les mêmes lichens à orseille
(Roccella fucoides, Roccella fuciformis) ! Également présent dans certains fruits mais
en concentration bien plus faible, l’érythritol est un édulcorant de pouvoir sucrant
immédiat mais fugace, un peu moindre que celui du sucre de cuisine (saccharose).
Il est très peu digéré, aussi bien par les bactéries de la plaque dentaire - il ne favorise
pas les caries –que par les bactéries de l’intestin : il provoque moins de fermentations
et son effet laxatif est moindre que celui du sorbitol ou d’autres polyols. De ce fait,
il fait partie des édulcorants "zéro calories", et il est parfois utilisé dans les régimes
"sans sucre". Sous le code E968, il est utilisé par l’industrie agroalimentaire comme
exhausteur de goût, ou plus récemment dans les "édulcorants de table" à base de
Stévia (Stevia rebaudiana Bertoni, Asteracée sud-américaine) proposés sous la forme
de "sucre en morceaux". Sa production industrielle est obtenue par fermentation de
farine de blé ou de maïs par diverses levures (encore des champignons !), et donne des
cristaux peu sensibles à l’humidité.
Certains meubles marquetés du XVIIIe siècle, entre autres des œuvres de prestige conçues
pour la reine Marie-Antoinette par les plus renommés ébénistes du moment, présentent
des placages d’une teinte bleu-vert chatoyante, très particulière. Cette couleur, que l’on
observe parfois dans des forêts humides, sur branches mortes tombées au sol, est due au
mycélium du champignon Chlorociboria aeruginascens, qui colore dans la masse le bois
dont il se nourrit. Pour son utilisation en marqueterie, le futur bois de placage est exposé
à l’attaque du champignon puis, dès que la teinte souhaitée est obtenue et avant qu’il
ne soit trop dégradé, il est étuvé : afin de tuer le champignon. Par ce procédé, la couleur
donnée au bois est résistante à la lumière, mais l’intensité et l’uniformité de la teinte
sont difficiles à maîtriser. C’est pourquoi, à partir de la fin du XIXe siècle, cette technique
a été remplacée par une teinture au sulfate de fer, fixé par de l’acide picrique.
Les champignons ont des odeurs, et chacun perçoit l’odeur fongique qui correspond
à celle d’une petite molécule volatile, le 1-octène-3 –ol. Les nuances spécifiques
présentes chez certaines espèces sont une aide précieuse pour la reconnaissance des
espèces par les mycologues. L’odeur cadavérique du satyre puant (Phallus impudicus)
permet de repérer l’espèce à plusieurs mètres à la ronde. Ce n’est certes pas un
champignon que l’on a envie d’utiliser pour un parfum, et l’on préférera envisager
l’odeur de Pelargonium du cortinaire pailleté, celle de noix de coco de Lactarius
glyciosmus ou bien encore l’odeur anisée du clitocybe odorant. Cependant les
champignons contiennent essentiellement de l’eau et ne produisent pas de grandes
quantités de composés odorants proches de molécules volatiles qui constituent les
huiles essentielles. Pour des raisons de viabilité économique, on préfèrera utiliser des
lichens dans l’industrie des parfums et cosmétiques. Des lichens fruticuleux ramassés
sur les écorces d’arbre, notamment dans
le massif central ou en Europe centrale
comme Evernia prunastri ("mousse
de chêne") et Pseudevernia furfuracea
("mousse d’arbre") apportent une note
de fond boisée ou marine (parfums
chypre ou fougère). On les retrouvera
souvent dans la composition de parfums
prestigieux ou en tant que composants
principaux des pots-pourris. Certaines
molécules contenues dans les lichens
peuvent être très allergisantes mais les
industriels prennent généralement en
compte cette donnée et respectent les
teneurs limite de plus en plus rigoureuses Evernia prunastri (mousse de chêne)
et Parmelia sur branche de Prunus
qui sont imposées.
après hydrolyse des polysaccharides qui sont en quantité importante dans les lichens
(jusqu’à 70% de la biomasse extractible) et fermentation, on peut produire du
bioéthanol. Des expériences très récentes montrent la bonne faisabilité de la chose par
voie biotechnologique mais il faut tenir compte du caractère épuisable de la matière
première. Cet écueil a conduit à l’abandon de la production de carburant de substitution
qui avait été mis au point à partir de lichens en Russie pendant la seconde guerre
mondiale.
42 LES PLANTES
CHAMPIGNONS
MÉDICINALES
ET LES LICHENS
MÉDITERRANÉENNES LES CHAMPIGNONS ET LES LICHENS 42
Mycologie
et recherche médicale
En se basant sur l’observation des immunostimulantes chez Lentinula
usages traditionnels des champignons edodes (le Shii-take) fait espérer, pour
par diverses civilisations, des équipes de ce champignon, un débouché dans
chercheurs s’investissent actuellement le domaine de la recherche contre
dans une recherche pharmacologique le SIDA. Mais les champignons,
active. En couplant cette logique avec d’un point de vue médical, n’ont
une bonne connaissance taxinomique pas que des effets bénéfiques.
et phylogénétique, on peut optimiser Leurs implications dans le domaine
cette recherche ; c’est par exemple de la pathologie sont également
ce qui est pratiqué par un groupe de nombreuses. Citons, entre autres, de
recherche en chimie thérapeutique nombreuses dermatoses atteignant
de Lille (Nord). Mais l’exploration des peau et phanères (intertrigo*, teignes*,
pistes ne fait que commencer etc.), les candidoses* (muguet du
et concerne surtout, pour le moment, nourrisson par exemple), mais surtout
les anticancéreux. des endomycoses*, pulmonaires ou
En Asie par exemple, de nombreux viscérales, beaucoup plus graves en
polypores sont utilisés par les général, parfois même mortelles.
médecines traditionnelles contre de Là encore, la recherche se consacre
multiples pathologies, dont le cancer. à lutter efficacement contre ces
Alexandre Soljenitsyne, dans son pathologies, qui reprennent une
roman "Le Pavillon des cancéreux" importance nouvelle dans le cadre des
évoque même un polypore (Inonotus patients immunodéprimés.
obliquus), dont on fabrique, en Europe
de l’Est, un médicament traditionnel
appelé "Chaga". Le grand potentiel
pharmacologique des champignons
inspire donc la recherche, sur des
pistes thérapeutiques nombreuses et
variées : antibiothérapie, cancérologie,
parasitologie, cardiologie, dermatologie,
endocrinologie, diabétologie, gastro-
entérologie, gynécologie, hématologie,
neuropsychiatrie, pneumologie,
oto-rhino-laryngologie, traumatologie,
urologie, vénérologie... Plus récemment,
la découverte de propriétés
Phellinus linteus est un champignon qui offre l’aspect d’un sabot brun foncé
poussant à l’état sauvage sur les troncs de mûrier. Utilisé en infusion dans la
médecine traditionnelle au Japon et en Chine, ce champignon au goût amer est
réputé fortifier le corps et prolonger la vie. Des études de la faculté de médecine
de Harvard (Harvard Medical School) laissent à penser qu’il présente aussi de
multiples intérêts pour la recherche médicale.
Selon des expériences in vitro ou sur des animaux de laboratoire, Phellinus
linteus contient des polysaccharides (sucres complexes) dont les propriétés
pourraient se révéler majeures en cancérologie : en contribuant à bloquer
l’adhésion cellulaire des cellules cancéreuses, ils provoquent leur apoptose* et
diminuent ainsi le risque de métastases. Un article de la Harvard Medical School
qualifie Phellinus linteus d’agent anti-cancer prometteur, mais stipule que des
recherches plus approfondies sont nécessaires pour comprendre les mécanismes
de son activité anti-cancer. En diabétologie, les recherches ont montré que
des traitements à base de Phellinus linteus abaisse la glycémie et permet
une meilleure cicatrisation chez les rats diabétiques. En rhumatologie, des
expériences sur les souris ont mis en évidence une amélioration des problèmes
arthritiques, probablement due à la stimulation des lymphocytes inhibiteurs
contenus dans le tube digestif (plaques de Peyer). Enfin, ce champignon
présenterait des vertus
antioxydantes et
anti-inflammatoires
(grâce à la phellisine A
et à l’hispidine
qu’il contient).
Aussi, les molécules produites par les lichens font l’objet d’un intérêt croissant de la
part des chercheurs. Chez les lichens, on retrouvera ces molécules cristallisées à la
surface des filaments du champignon et certaines participeront à la couleur du thalle.
Plus d’un millier de substances ont à ce jour été extraites de lichens et la plupart
sont tout à fait originales. Des qualités physicochimiques particulières peuvent être
valorisées par exemple comme filtres UV, complexant de métaux, outils pour la
chimie fine… Les biologistes sont aussi très intéressés par ces molécules naturelles
qui ont souvent des activités pharmacologiques marquées. Des molécules comme
l’acide usnique (que l’on trouve par exemple dans les lichens de type Usnées) ont
même été utilisées comme antibiotique dans des spécialités à application locale.
Bien d’autres propriétés ont été décrites pour cette substance mais c’est dans ce
domaine que se focalisent certaines études car la molécule est active sur des germes
résistants aux traitements classiques (comme le staphylocoque doré). Si certaines
de ces molécules sont retrouvées dans de nombreuses espèces, elles ne sont pas
toujours faciles à obtenir à l’état pur et seul un très petit nombre d’entre elles a
été évalué sur un nombre, lui aussi très limité, de tests. Il y a deux alternatives à
l’extraction qui sont la synthèse et la production par voie biotechnologique. Des
cultures in vitro bien que difficiles sont possibles, notamment à partir du champignon
séparé de son partenaire et des productions par fermentation avec des manipulations
génétiques sont actuellement à l’étude. On prend aussi conscience en ce moment
de l’intérêt des micro-organismes qui vivent en association avec ces lichens et qui
cultivés, produisent des composés de grand potentiel thérapeutique (antibiotiques,
anticancéreux…).
Ce sont donc des organismes représentatifs du grand potentiel amené par la
biodiversité et qui méritent une attention plus approfondie.
aLCaLoÏDES BIoREMéDIaTIoN
petites molécules azotées technologie destinée à
souvent douées d’activités résoudre un problème
pharmacologiques marquées environnemental d’origine
(la morphine, la quinine sont anthropique (pollution,
deux alcaloïdes produits par contamination, effluents
des plantes). toxiques, etc.) en utilisant les
aNaMoRpHE capacités physico-chimiques
terme désignant la phase et biologiques (complexation,
de reproduction asexuée de adsorbtion, biodégradation,
certains champignons au etc.) que présentent certains
développement complexe, organismes.
présentant par ailleurs une BIoTECHNoLogIES
phase téléomorphe* de techniques utilisant le vivant
reproduction sexuée. (micro-organismes, cellules
apopToSE végétales ou animales) ou des
processus, également parties de ce vivant (enzymes,
appelé "mort cellulaire gènes…) pour produire des
programmée", par lequel molécules (médicaments
des cellules déclenchent leur ou autres) généralement
auto-destruction en réponse à dans le cadre ou l’optique
un signal physiologique. d’une production industrielle
(antibiotiques produits par
auToTRopHE fermentation, transformation
se dit d’un organisme vivant du sucre en alcool…)
capable de se développer de
manière autonome, à partir CaNDIDoSE
d’une source d’énergie et infection fongique causée
des seuls éléments minéraux par des levures du genre
(dont l’eau) dont il dispose Candida. Ces levures sont
dans son milieu de vie. Les naturellement présentes
végétaux sont autotrophes dans l’intestin humain.
pour le carbone sous forme Normalement tolérées par
de dioxyde de carbone qu’ils un organisme sain, elles se
puisent dans l’atmosphère révèlent pathogènes chez
lors de la photosynthèse, avec un sujet affaibli, causant des
la lumière comme source infections se manifestant
d’énergie. Mais ils ne le sont surtout au niveau des
pas pour d’autres sources muqueuses et de la peau.
de carbone, ni pour l’azote
atmosphérique.
J. aSTa, J.p. gavERIauX, J.M. SuSSEY, C. vaN HaLuWYN, p.a. MoREau, 2005. Spécial LICHENS. Bulletin
Mycologique et Botanique Dauphiné-Savoie. n° 178, 95 p.
J. BOUSTIE, M. gRUBE, 2005. Lichens, a promising source of bioactive secondary metabolites. Plant Genetic
Resources n°3. p.273-287.
J.p. DE vERA ET AL., 2010. Survival potential and photosynthetic activity of lichens under Mars-like conditions :
a laboratory study. Astrobiology n°10, 215–227.
v. MENON, R. DIVATE, M. RAO, 2011. Bioethanol production from renewable polymer lichenan using lichenase
from an alkalothermophilic Thermomonospora sp. and thermotolerant yeast. Fuel Processing Technology n° 92.
p.401–406.
L. MUGGIA ET AL., 2009. Lichens as treasure chests of natural products. Sim News. p. 85-97.
B. SCHMIDT, communiqué du Centre de coordination pour la protection des amphibiens et des reptiles de Suisse,
18 octobre 2007.
C. vAN HALUWYN ET M. LERON, 1993. Guide des lichens. Paris : Lechevalier. 344 p.
T. ZHU, S-H. KIM, C-Y. CHEN, 2008. A Medicinal Mushroom : Phellinus Linteus. Current Medicinal Chemistry,
volume 15, n°13, p.1330-1335.
édité par l’Institut Klorane, Fondation d’entreprise pour la protection et la valorisation du patrimoine végétal
Direction de la
Florence Guillaume
publication
Cet ouvrage est propriété de l’Institut Klorane et ne peut être vendu. Tous droits d’adaptation,
de traduction, de reproduction par tous procédées réservés pour tous pays.
Dépôt légal : octobre 2011.
486193