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Cet article a été publié dans Acta Macionica n°14, en 2004 pour le bicentenaire du
REAA en France.
INTRODUCTION
Le Rite Écossais Ancien & Accepté est il un rite « universel » ? Qu’entend-on par
universalité en parlant de la Franc-Maçonnerie ? Telles sont les questions que je me
suis un jour posées en voulant regarder d’un œil critique le rite qui m’a vu naître à la
Maçonnerie il y a des années de cela.
Pourquoi finalement se poser ces questions ? Il apparaît que les Frères pratiquant
le Rite Écossais Ancien & Accepté dans les pays francophones manifestent un très
fort attachement à leur rite. Ils revendiquent paradoxalement spécificité et
universalité.
Spécificité parce qu’ils considèrent qu’ils pratiquent un rite très codifié, précis,
héritier d’une longue tradition ésotérique et initiatique qu’on ne trouve dans aucun
autre rite et universalité parce que fort de ses spécificités ce rite s’intègre
parfaitement dans l’Ordre Maçonnique Universel. Pour reprendre l’expression de
Yves-Max Viton, Passé Grand Maître de la Grande Loge de France, nous pourrions
dire que le REAA est un soliste dans le concert de la Franc-Maçonnerie Universelle.
Pour bien comprendre ces réflexions, il nous appartient de faire un bref rappel de
l’histoire de ce Rite.
RÉSUMÉ HISTORIQUE
Le Rite Écossais Ancien & Accepté est né il y a un peu plus de deux siècles, en
1801 exactement, à Charleston en Caroline du Sud. Il comporte aujourd’hui 33
degrés allant de celui d’Apprenti à celui de Grand Inspecteur Général, le fameux
e
33 degré.
C’est grâce au traité d’Union de 1805 unissant le Rite Écossais au Grand Orient que
ce dernier le reçu en son sein. Alors que le Suprême Conseil de France était en
sommeil, cette obédience fonda en 1815 un Suprême Conseil des Rites qui eut
Germain Hacquet, ancien Grand Officier du Suprême Conseil de France comme
premier Souverain Grand Commandeur. Le Suprême Conseil de France fut réveillé
en 1821. Il continua jusqu’à ce jour à diffuser l’esprit et les initiations propres à ce
rite.
En Belgique, le Rite Écossais Ancien & Accepté est arrivé grâce à l’armée
Napoléonienne qui comptait en son sein de nombreuses Loges. C’est la
Respectable Loge « Les Amis Philanthropes » qui fut la première à utiliser ces
rituels Cette Loge du Grand Orient de Belgique, toujours en activité, pratique le Rite
Moderne. Cependant, une fois par an, elle pratique le Rite Écossais Ancien et
Accepté à l’occasion d’une tenue particulière. .
ORGANISATION DU REAA
Aujourd’hui le Rite Écossais Ancien & Accepté est très distinctement séparé en
classes :
Les Loges Bleues (ou symboliques) forment une première classe qui est
administrée par une Grande Loge. Les Loges symboliques dépendent de la Grande
Loge, tant dans leur organisation, leur administration que dans la pratique de leur
rite.
ème ième
ème ième
Les degrés allant du 4 au 33 sont placés sous la juridiction d’un Suprême
Conseil (pour les Frères venant de la Grande Loge Régulière de Belgique ou d’une
obédience reconnue par elle, c’est le Suprême Conseil Pour la Belgique qui
ième
administre le Rite pour les degrés supérieurs au 3 .). Le Suprême Conseil est
indépendant de la Grande Loge, néanmoins des accords régissent l’appartenance à
l’un et l’autre de ces corps Maçonniques constitués.
La séparation des 3 premiers degrés des autres de la hiérarchie de ce rite n’a pas
toujours été aussi nette en Europe. Pendant la période allant de 1821 à 1894, le
Suprême Conseil de France a administré l’ensemble des degrés du Rite.
Si nous nous plaçons dans l’optique de démontrer que le Rite Écossais Ancien &
Accepté est un rite universel, nous pouvons nous demander si il est cohérent qu’un
Suprême Conseil administre des degrés symboliques. La réponse est bien
évidemment négative.
D’abord parce que la Circulaire aux 2 hémisphères, écrite par Dalcho et Mitchell en
décembre 1802 sépare bien les loges symboliques du système écossais.
Négative toujours parce que nous savons que Grasse-Tilly, Mitchell et Dalcho
appartenaient à des Loges de Rite « Ancien ». Grasse-Tilly ayant également été
fondateur et Vénérable Maître de la Respectable Loge « La Candeur La
Respectable Loge La Candeur, fondée en 1796 et intégrée le 21 janvier 1798 à la
Grand Lodge of Free and Accepted Masons of Southern Carolina (la Grande Loge
des « Moderns »). » de Rite « Moderne ».
Négative enfin parce que Grasse-Tilly, dans son « thuileur Cf. la superbe réédition
de ce tuileur faite en décembre 2003 à l’initiative du Suprême Conseil pour la
:
France (souché sur la GLNF, sis avenue de Villers) » édité en 1819 fait commencer
ième
le Rite Écossais Ancien & Accepté à partir du 4 degré, conformément à la
Circulaire de 1802.
La façon dont est pratiqué le Rite Écossais Ancien & Accepté aujourd’hui nous
permet de nous poser la question de savoir si il est universel ?
Pour répondre à cette question, nous allons analyser le Rite, son histoire et sa
pratique sous trois aspects : Le premier sera de constater l’apport de ce Rite à la
Franc-Maçonnerie Française grâce à une étude de deux textes dits fondateurs.
Nous verrons ensuite comment le Rite a su se diffuser dans les principales
obédiences Françaises. Nous verrons enfin comment les rituels symboliques
Écossais ont évolué depuis 1744. Cela nous permettra de tirer quelques
conclusions et de définir des critères « universels » qui définissent l’appartenance
d’un rituel au REAA.
:
Le premier mot qui nous vient à l’esprit pour la qualifier est : Chaotique. En
Angleterre, la Grande Loge des « Ancients » s’oppose à celle des « Moderns »,
chacune essaimant, distribuant chartes et patentes. Aux États-unis la situation est
identique. La Caroline du Sud par exemple, berceau du Rite Écossais Ancien et
Accepté, compte deux Grandes Loges : La Grande Loge de Caroline du Sud,
moderne, et la Grande Loge des « Ancients York Mason », la Grande Loge «
Ancienne ». Elles ne s’apprécient pas du tout.
Si le frère visiteur est un officier d’une mère-loge, ou député près d’elle, un grand
élu de la voûte sacrée, ou subl.’. prince de Royal-Secret, il est reçu à la porte avec
cinq étoiles, les maillets battans , et on le fait passer sous la voûte d’acier; avec trois
étoiles si c’est un vénérable. . La Maçonnerie bourgeoise parisienne s’oppose
également à la Maçonnerie aristocratique provinciale.
sr-c-p09
Dalcho et Mitchell annoncent ainsi une organisation rituelle commune pour tous.
Commune, le mot est lâché. Est il trop fort ? Peut on penser que Dalcho et Mitchell
:
ont voulu créer un système de hauts grades commun à l’ensemble de la
Maçonnerie ? L’introduction ne laisse pas subsister le moindre doute puisqu’elle est
à destination de tous.
Remarquons encore que la notion de rite n’est pas précisée. Il est simplement écrit
« degrés maçonniques » sans autre indication, renforçant cette idée d’universalisme
déjà soulevée.
A la lecture de la circulaire, nous remarquons que la hiérarchie des degrés n’est pas
encore celle que nous connaissons aujourd’hui. Observons les degrés 29 à 32. Le
e e e e
29 est le Kadosch. Les 30 , 31 , 32 sont les Sublimes Princes du Royal Secret
Le degré de Sublime Prince du Royal Secret était le « nec plus ultra » du Rite dit de
Perfection de Morin. .
Il existe aujourd’hui des Suprêmes Conseils Européens qui refusent que les
membres de leur juridiction puissent appartenir à d’autres Rites. L’appartenance à
plusieurs systèmes est elle incompatible avec le Rite Écossais Ancien & Accepté ?
:
Les partisans de l’exclusivisme utilisent l’argument de la dispersion ; en appartenant
à plusieurs Rites, un Frère pourrait avoir une dispersion intellectuelle qui
l’empêcherait de se concentrer sur l’essentiel du Rite pratiqué.
La réponse est, de mon point de vue, négative. Le Rite Écossais Ancien et Accepté,
par l’esprit d’ouverture et par ce syncrétisme qu’il affiche dans la Circulaire de 1802
ne saurait restreindre une pratique Maçonnique à un seul Rite. C’est ainsi que le
Suprême Conseil pour la Belgique accepte parfaitement, pour l’épanouissement
initiatique et intellectuel des membres de sa juridiction, qu’ils appartiennent à un
autre système reconnu par la Grande Loge Régulière de Belgique.
Voici quelques extraits de l’introduction aux Grandes Constitutions de 1786 telle que
publiée dans les actes du Suprême Conseil de France en 1830.
[…]
Mais, dans la suite des temps, la composition des organes de la Maçonnerie et
l’unité de son gouvernement primitif ont subi de graves atteintes, causées par
les grands bouleversements et les révolutions qui, en changeant la face du
monde ou en soumettant à des vicissitudes continuelles, ont, à différentes
époques, soit dans l’antiquité, soit de nos jours, dispersé les anciens Maçons
sur toute la surface du globe. Cette dispersion a donné naissance à des
systèmes hétérogènes qui existent aujourd’hui sous le nom de RITES et dont
l’ensemble compose l’ORDRE.
[…]
Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir
d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du
Régime ÉCOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les
mêmes que celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui,
:
n’étant que les branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent
entr’elles que par des formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est
facile de concilier. Ces RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien,
d’Hérédom ou d’Hairdom, de l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des
Empereurs d’Orient et d’Occident, des Princes du Royal Secret ou de
Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit Primitif, le plus récent de tous.
Adoptant, en conséquence, comme base de notre réforme salutaire, le titre du
premier de ces Rites et le nombre des Degrés de la hiérarchie du dernier, nous
les DÉCLARONS maintenant et à jamais réunis en un seul ORDRE, qui,
professant le Dogme et les pures Doctrines de l’antique Franche-Maçonnerie,
embrasse tous les systèmes du Rit Écossais sous le nom de RIT ÉCOSSAIS
ANCIEN ACCEPTE.
[…]
Tous les Degrés des Rites réunis, comme il est dit ci-dessus, du premier au dix-
huitième, seront classés parmi les Degrés du Rit de Perfection dans leur ordre
respectif et d’après l’analogie et la similitude qui existent entr’eux ils formeront
les dix-huit premier Degrés du RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE ; le dix-
neuvième Degré, et le vingt-troisième Degré du Rit Primitif formeront le
vingtième Degré de l’ORDRE. Le vingtième et le vingt-troisième Degré du Rit de
Perfection, soit le seizième et le vingt-quatrième Degré du Rit Primitif formeront
le vingt-unième et le vingt-huitième Degré de l’ORDRE. LES PRINCES DU
ROYAL SECRET occuperont le trente-deuxième Degré, immédiatement au-
dessous des SOUVERAINS GRANDS INSPECTEURS GENERAUX dont le
Degré sera le trente-troisième et dernier de l’ORDRE. Le trente-unième Degré
sera celui des Souverains-Juges-Commandeurs. Les Grands Commandeurs,
Grands Élus Chevaliers Kadosch prendront le trentième Degré. Les Chefs du
Tabernacle, les Princes du Tabernacle, les Chevaliers du Serpent d’Airain, les
Princes de Merci, les Grands Commandeurs du Temple et les Grands Écossais
de Saint-André composeront respectivement le vingt-troisième, le vingt-
quatrième, le vingt-cinquième, le vingt-sixième, le vingt-septième et le vingt-
neuvième Degré.
[…]
e
Ces extraits, bien que rédigés après 1815, montrent qu’à la fin du 18 siècle il
existait un foisonnement de rites et de degrés, voire de systèmes. Tous ces degrés,
rites ou systèmes se dénommaient « écossais ».
Universel tel que préconisé dans la Circulaire de 1802, à destination des Maçons de
tous les Rites, de tous les degrés.
A la lecture des différents passages présentés ci-dessus, par le fait qu’il ait intégré
de façon syncrétique des degrés d’origines différentes, nous constatons que le Rite
Écossais Ancien et Accepté se comporte en conservatoire des Rites Écossais et
e
qu’à ce titre, les Grands Inspecteurs Généraux du 33 degré en sont les véritables
gardiens et conservateurs.
Certains diront que le Rite est linéaire, qu’il est prévu que les Frères engagés dans
son cursus doivent passer d’un degré à l’autre, ce qui est tout à fait exact et prévu
par la Circulaire Tout Maçon sera tenu de parcourir successivement chacun de ces
Degrés, avant d’arriver au plus sublime et dernier ; et à chaque Degré, il devra subir
tels délais et telles épreuves qui lui seront imposés conformément aux Instituts,
Decrets et Réglemens anciens et nouveaux de l’ORDRE, ainsi qu’à ceux du Rit de
Perfection. de 1802. Il n’existe cependant pas nécessairement de lien entre un
degré et le degré suivant. Certains degrés peuvent ainsi être vécus
indépendamment. C’est bien là que se trouve la grande subtilité du Rite. Ses
fondateurs ont considéré qu’il fallait être en possession de certains degrés pour en
comprendre d’autres, même si il n’existe pas de lien entre eux. D’ailleurs,
l’introduction des Grandes Constitutions se place dans cette optique. Elle explique
comment les degrés épars ont pris leur place dans un système universel, unique et
syncrétique.
Le Rite Écossais Ancien et Accepté dans ses textes fondateurs se défini comme un
système Maçonnique universel. Il a su fédérer différents degrés en un système
ordonné même si parfois sa cohérence globale bien que située dans le triptyque
connaissance J’attribue la Connaissance aux Loges de Perfections, la Réflexion aux
ième
Chapitres et l’Action aux degrés situés au-delà du 19 . /réflexion/action, peut
nous échapper.
C’est un rite qui se situe au-delà des clivages rituels que nous connaissons et que la
Maçonnerie a connu. Il est ouvert à tous les Frères, quels que soient leur rite
d’origine. C’est comme cela qu’il a été conçu dès son origine.
:
Si le Rite Écossais Ancien et Accepté est avant tout un système de Hauts Grades, il
existe en Europe de nombreuses loges symboliques qui le pratiquent. C’est ce que
nous allons maintenant voir.
Des loges purement spéculatives qui acceptent des nobles, des notables, des
bourgeois dans leurs assemblées et il existe encore des loges issues de loges
opératives dont certains Maçons continuent à œuvrer sur les chantiers bien réels.
Ces Loges sont principalement composées d’Irlandais et d’Écossais, Maçons
Catholiques généralement restés fidèles aux Rois Catholiques Anglais, les Stuarts,
exilés en France.
La querelle opposant les Anciens aux Modernes trouvera son issue en 1813. Un
traité d’union toujours en vigueur les scellera. Cela se concrétisera par la fusion des
2 Grandes Loges en une Grande Loge Unie d’Angleterre. Un rite sera également
créé à cette occasion : le Rite Anglais dit Émulation. Il sera utilisé par l’ensemble
des Loges du Royaume. Le Rite dit Émulation reste cependant très proche du Rite
Ancien, les Modernes ayant fait beaucoup de concessions.
ÉCOSSISME
L’Écossisme est un mouvement né dans les années 1735-1740 et dont la paternité
est attribuée à Michel André de Ramsay. En fait, il se rendit célèbre par la rédaction
et la lecture d’un discours dans lequel il affirmait que la Maçonnerie ne descendait
plus des Compagnons opératifs, des bâtisseurs de cathédrales mais de la
Chevalerie et des Croisés. Voici le passage de son discours qui concerne les
origines chevaleresques de la Franc-Maçonnerie :
La grande révolution apportée par cet extrait est la revendication que la Franc-
Maçonnerie ne descend plus seulement des Compagnons et des bâtisseurs de
cathédrales ; elle descend aussi et surtout des Croisés et des Chevaliers.
ième
Derrière le mot Chevalier, dans l’esprit du 18 siècle, se cache le mot « noble ».
ième
Un noble du 18 siècle est appelé par son titre, son quartier de noblesse. Le
Chevalier est le premier échelon de l’échelle nobiliaire. Dire que la Maçonnerie
descend de la noblesse, c’est permettre aux Frères roturiers, bourgeois et artisans,
d’accéder symboliquement à une noblesse héréditaire.
Les premiers degrés « écossais » furent inspirés par la chevalerie. Force est de
constater que de nombreux degrés s’appelaient « chevalier de… » (Chevalier de
l’Arche Royal, Chevalier d’Orient, Chevalier de l’Épée, Chevalier Kadosch,
Chevalier de la Palestine, sans oublier le Chevalier de Dieu et de son Temple, et
d’autres encore…).
Cette question est d’autant plus intéressante que le Très Illustre Frère Pierre Noël,
éminemment membre de la Loge de recherche Ars Macionica à Bruxelles écrivait
récemment sur une liste Maçonnique qu’il a fallu attendre 1738 pour que la Grande
Loge D’Écosse connaisse le degré de Maître Maçon. Or en 1736 apparaissent en
France d’autres degrés appelés « Écossais ». Nous sommes là devant une
évidence : Les Maçons Écossais ne venaient pas d’Écosse. D’Angleterre peut être,
mais certainement pas d’Écosse. Alors, pourquoi l’Écosse ?
Une Légende Maçonnique veut que Pierre d’Aumont, alors Grand Maître de la
Province d’Auvergne de l’Ordre du Temple, réunit des Templiers qui n’étaient pas
:
emprisonnés. Ils s’habillèrent en Maçons et fuirent vers l’Écosse où ils rejoignirent
d’autres Templiers. Hébergés par le Roi Robert de Bruce, ils perpétuèrent l’Ordre du
Temple. En 1314 ils aidèrent le Roi d’Écosse à remporter la bataille de Bannockburn
et gagnèrent ainsi son estime. Il fonda pour eux l’Ordre de Saint André du Chardon.
Cet Ordre se déplaça à Aberdeen, puis à Kilwinning où fut fondée vers 1599 la
première loge Maçonnique dite Écossaise (il est fait mention de l’existence de cette
loge dans la seconde édition des Statuts Shaw du 28 décembre 1599).
Une autre Légende Maçonnique veut qu’il y ait un lien entre la Franc-Maçonnerie et
la dynastie écossaise des Stuart. Voici pourquoi.
Le petit-fils de Jacques Ier d’Écosse, Jacques II, est proclamé Roi d’Angleterre,
d’Écosse et d’Irlande en 1685. Peu intelligent, autoritaire, violent, il fait preuve d’un
catholicisme intransigeant et d’une admiration sans bornes pour Louis XIV, Roi de
France.
Cette attitude choque vivement les britanniques et leur parlement. Avec l’aide du
gendre de Jacques II, Guillaume de Nassau, prince d’Orange, ils chassent leur Roi
au cours de la Glorieuse Révolution de 1688. Jacques II est obligé de trouver refuge
en France. Guillaume d’Orange et Marie, son épouse, fille de Jacques II, reçoivent
alors les couronnes d’Angleterre et d’Irlande en février 1689. Peu après, l’Écosse
suit cet exemple.
La légende veut qu’au sein des régiments de cette armée en exil il y eu des Loges
Maçonniques dont nous connaissons les noms : La Bonne Foy et La Parfaite
Égalité, et qu’elles pratiquaient le rite en usage en Écosse à ce moment là. C’est ce
rite qui aurait été importé en France par les Jacobites Nous avons vu que l’Écosse
n’a pas connu le degré de Maître avant 1738, ce qui vient confirmer l’aspect
légendaire de cette transmission. .
Je parle d’une filiation légendaire car à ma connaissance nous n’avons pas de trace
de ces loges avant le milieu du 18e siècle. Lorsque le Grand Orient de France, le 13
mars 1777, a intégré la Bonne Foy, il a été précisé que sa date de fondation était
antérieure à 1700.
Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir
d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du
Régime ECOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les
mêmes que celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui,
n’étant que les branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent
entr’elles que par des formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est
facile de concilier. Ces RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien,
d’Hérédom ou d’Hairdom, de l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des
Empereurs d’Orient et d’Occident, des Princes du Royal Secret ou de
Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit Primitif, le plus récent de tous.
Adoptant, en conséquence, comme base de notre réforme salutaire, le titre du
premier de ces Rites et le nombre des Degrés de la hiérarchie du dernier, nous
les DÉCLARONS maintenant et à jamais réunis en un seul ORDRE, qui,
professant le Dogme et les pures Doctrines de l’antique Franche-Maçonnerie,
embrasse tous les systèmes du Rit Écossais sous le nom de RIT ÉCOSSAIS
ANCIEN ACCEPTE.
Depuis 1804, le Rite Écossais Ancien & Accepté est un système en 33 degrés qui
fédère l’ensemble des systèmes dits « écossais ». Il s’inscrit dans le prolongement
historique de l’Écossisme.
Maintenant que nous avons définis certains termes, nous pouvons dresser une
:
chronologie de la transmission des grades symboliques du Rite Écossais Ancien &
Accepté.
CHRONOLOGIE DE LA TRANSMISSION
Il nous apparaît intéressant de présenter maintenant une chronologie synthétique de
la transmission du Rite Écossais Ancien & Accepté, depuis son apparition en
France en 1804 à nos jours. Cette chronologie indicative nous permettra de
constater avec quelles facilités ce Rite a su passer d’une obédience à l’autre,
s’adaptant sans cesse aux spécificités de celles-ci.
br533olrg2 br533rlrg2
Le Suprême Conseil des Isles d’Amérique avait des loges symboliques qui
travaillaient sous ses auspices depuis 1818. A l’image de ce Suprême Conseil, celui
de France intègre des Loges Symboliques. Il crée la Respectable Loge « La Grande
Commanderie » en 1821 pour administrer l’ensemble de ses Loges Symboliques.
Elle change de nom la même année et devient « La Grande Loge Centrale »,
travaillant toujours « au nom et sous les auspices du Suprême Conseil de France ».
Depuis 1976, le Suprême Conseil Pour la France est officiellement reconnu par
l’ensemble des Suprêmes Conseils du Monde, la reconnaissance du Suprême
Conseil de France lui ayant été retiré.
Le Rite Écossais Ancien et Accepté s’est facilement diffusé dans les différentes
obédiences Françaises et Européennes. Le Rite s’est diffusé de la même façon
dans les obédiences Belges depuis son introduction aux Amis Philanthropes, puis à
la Grande Loge de Belgique, enfin à la Grande Loge Régulière de Belgique,
affirmation de son universalité.
En 1804, Grasse-Tilly apporte avec lui le Rite Ancien. Il l’intègre au Rite Écossais
Ancien et Accepté sous le nom de « Guide des Maçons Écossais ». Si nous en
croyons les fac-similés reproduits dans l’excellent numéro d’Ordo Ab Chao consacré
à l’origine et à l’évolution des Rituels Ordo Ab Chao, numéro double 39-40, Origine
et Évolution des rituels des trois premiers degrés du Rite Écossais Ancien et
Accepté, deuxième semestre 1999 du REAA, il apparaît que le Guide des Maçons
Écossais ou ses variantes ont au moins été utilisés jusqu’en 1829 Cf. Rituels des
Trois Premiers Degrés selon les Anciens Cahiers, in Ordo Ab Char 39-40, pp 297 et
suivantes. , sinon jusqu’en 1843 Cf. Rituels de la Respectable Loge « Le Progrès de
l’Océanie », numéro 124 à l’Orient d’Honolulu, In Ordo Ab Chao 39-40, pp 477 et
suivantes. .
E
LES RITUELS ÉCOSSAIS DU 18 SIÈCLE
Il est une minorité de Frères intéressés par l’histoire maçonnique qui soutient que
e
les Maçons dits « Écossais » du 18 siècle étaient issus des Loges Écossaises
géographiques et que la transmission de ces loges s’est faite en France, vers la fin
e
du 17 siècle, lorsque Jacques II Stuart a rejoint Saint Germain en Laye vers 1690.
Une légende tenace dit que Jacques II serait arrivé à Saint Germain avec sa cours
et son armée Deux régiments sont concernés par la Légende : les régiments
Irlandais Walsh et Dillon qui étaient en garnison à Saint Germain en Laye aux côtés
de Jacques II Stuart. au sein de laquelle il y avait des Loges Maçonniques. L’une
d’entre elle, La Parfaite Égalité Cette loge est toujours en activité à Saint Germain
en Laye, sous les auspices de la Grande Loge de France. Ses archives ne
e
remontent pas avant le 19 siècle. Les plus vieilles ont été perdues. fut intégrée au
Grand Orient de France le 13 mars 1777. L’obédience l’intégra et prit pour sa date
de fondation le 25 mars 1688, sans autre vérification.
Nous n’avons donc aucune preuve de l’existence d’une quelconque Loge dite «
Écossaise » en France avant 1743.
e
Mais alors, qu’appelait on une loge « écossaise » au 18 siècle ?
Il convient, je pense, de nous arrêter sur la définition du mot « écossais » tel qu’il
e
était employé au 18 siècle. En fait, nous constatons plusieurs emplois de ce terme
:
Le terme écossais pouvait signifier qu’une loge était originaire d’écosse. Ce fut
vraisemblablement un phénomène de mode. Rien ne distinguait des Loges
Françaises des Loges Écossaises si ce n’est que ces dernières s’appelaient ainsi.
Je souhaiterais vous faire part d’une piste de réflexion qui mérite de retenir notre
attention.
Les rituels de la Grande Loge Générale Écossaise sont différents des rituels qui
existaient en France à cette époque. En fait, ils affichent clairement une origine «
Ancienne ». Voici quelques éléments qui permettent de l’affirmer :
Les rituels de la Grande Loge Générale Écossaise sont plus connus sous la
désignation de « Guide des Maçons Écossais ». Il s’agit du premier ensemble
connu de rituels dits du Rite Écossais Ancien et Accepté.
Ces rituels ont été importés par les « Américains » dans les pays francophones, à
savoir par Grasse-Tilly, Delahogue, Hacquet lors de leurs retours du nouveau
continent.
En fait, tout porte à croire que les Frères Français installés aux États-unis y ont
découvert le Rite Ancien. Ce dernier Rite avait voyage d’Écosse et d’Irlande aux
USA profitant des afflux massifs d’immigrants.
e
Le Rite Ancien s’est développé aux États-unis à partir de la seconde moitié du 18
siècle. Il a été pratiqué de diverses manières jusqu’à ce qu’un Frère décide d’écrire
les rituels et de les harmoniser ; c’est l’œuvre de Thomas Webb. La diffusion et
l’harmonisation des rituels ont eu lieu à partir de 1797, alors que Grasse-Tilly et
d’autres étaient aux États-unis. Il est donc probable qu’ils eussent connu le Rite
Américain (et donc Ancien).
Lorsqu’il crée la Grande Loge Générale Écossaise de France, c’est ce rite qu’il
utilise.
Afin de bien montrer combien ce rite est différent du Rite Moderne (Français 1818,
selon le Régulateur de 1801), voici un tableau comparatif de l’ouverture des travaux
:
Rite « Ancien » (GLGE) – 1804 Rite Français Moderne (GODF) – 1818
:
Le Vbleø debout, chapeau en tête, frappe Les FFø étant réunis dans le local,
un coup de maillet et dit au 2eø DiacreDø habillés et décorés (l’habit d’un maçon en
… fø 2eø Diacre, quel est le Premier Loge est le tablier), le Vénø frappe un
devoir d’un macø coup de maillet. A ce signal, chaque Frère
prend place et s’y tient debout.Le Vénø
Rø … c’est de voir si la Lø est couverte
dit:
Le Vbleø dit :
Fø 1er Survø, êtes-vous maçon ?
Fø 1er Survø:
Dø …quel est votre devoir en cette Place
? De s’assurer si tous les FFø sont à
l’ordre.
Rø de Porter les messages du Vbleø au
fø Perø Survtø, et aux officiers Dignitaires Très Vénø:
afin que les travaux soient plus vite
exécutés. Y sont-ils ?
Dø …f ø 2eø Survtø où est votre place en Le 2e Survø dit à demi voix au 1er Survø:
Lø ?
Tous les FFø sont à l’ordre à la Colø du
Rø au Sud. Nord.
Rø Pour mieux observer le soleil à son Très Vénø, tous les FFø sont à l’ordre sur
méridien, envoyer les ouvriers à la les deux Colø
Récréation, les rappeler de la Récréation
Très Vénø:
au travail, et observer s’ils arrivent au
tems fixé. A quelle heure les Maçons ouvrent-ils
leurs travaux ?
Dø …fø Perø Survtø où est votre Place ?
1er Survø:
Rø à l’Ouest.
:
Dø …quel est votre devoir en cette place A midi.
?
Très Vénø:
Rø Comme le Soleil se couche en cette
Quelle heure est-il ?
partie pour fermer la Carrière du jour, de
même, le Perø Survtø s’y tient pour 1er Survø:
fermer la Lø payer le salaire des ouvriers
et les renvoyer satisfaits. Il est Midi.
Le Vbleø dit :
Les étapes 1 et 2 sont des constantes que l’on retrouve dans tous les rituels
Maçonniques. La première différence importante réside dans le jeu des questions
réponses et des instructions rituelles. Le Rite Moderne est simple et paraît dépouillé
à côté de l’instruction longue et verbeuse du Guide des Maçons Écossais. Dans ce
dernier rituel, 5 officiers participent activement à l’ouverture : Le Vénérable Maître,
les 2 Surveillants et les 2 Diacres. Ceux-ci remplissent une fonction importante à
l’ouverture des travaux : Ils ont pour mission de faire circuler autour de la Loge le
mot du Grade.
Autre différence importante, l’ouverture des travaux au Guide des Maçons Écossais,
rite théiste, se fait au nom de Dieu et de Saint Jean d’Écosse. Les travaux étaient
clos avec une prière explicite :
Cette prière de clôture du Rite Écossais Ancien et Accepté est inexistante au Rite
Français.
De 1815 à cette date, le Suprême Conseil de France avait cessé toute activité
maçonnique. Il s’était mis en sommeil. La plupart de ses membres avait rejoint le
Suprême Conseil des Rites fondé en 1815 par le Grand Orient de France, ce qui lui
avait permis de s’approprier le système dans son intégralité. Germain Hacquet,
ancien dignitaire du Suprême Conseil de France, Frère dit « Américain » en ce sens
qu’avec Grasse-Tilly et Delahogue il avait contribué à ramener le REAA des États-
unis, avait été élu Souverain Grand Commandeur de ce nouveau Suprême Conseil
souché sur le Grand Orient de France.
En 1821 le Suprême Conseil de France sort de son sommeil et reprend ses travaux.
Comme l’avait fait le « Suprême Conseil des Îles d’Amérique dans le Vent et sous le
Vent » (le Suprême Conseil de Grasse-Tilly), il crée et intègre des Loges bleues
dans sa juridiction.
Les rituels utilisés par les loges symboliques écossaises jusqu’en 1829 étaient
principalement le Guide des Maçons Écossais.
supcons
Dans le cadre tu travail effectué sur ses rituels, le Suprême Conseil de France tenta
ième ième
une harmonisation de la légende d’Hiram, du 3 au 14 degré. Les deux
derniers degrés de cette hiérarchie sont véritablement importants pour l’initié car
c’est à ceux-ci qu’il retrouve l’Ancien mot des Maîtres. Ainsi, la tradition du Royal
Arch si chère aux « Ancients » reste maintenue dans un contexte différent il est vrai.
e
La Légende du 3 degré, Ancienne dans le Guide, s’intégrait mal avec les degrés 9-
11 du Rite. Voici une partie de cette légende qui nous permettra de comprendre
pourquoi le Guide, dans la réorganisation du Suprême Conseil de France, a été
abandonné :
:
Les trois assassins s’étant rejoints, ils se demandèrent réciproquement la parole
de maître; mais voyant qu’ils n’avaient pu l’obtenir, et désespérés d’avoir
commis un crime sans utilité, ils ne songèrent plus qu’à en dérober la
connaissance. À cet effet, ils enlevèrent le corps d’Hiram, et le cachèrent sous
des décombres, et dans la nuit ils le portèrent hors de Jérusalem, sur une
montagne, et l’enterrèrent. Le R.’. maître Hiram ne paraissant plus aux travaux
comme à son ordinaire, Salomon fit faire les plus exactes recherches, mais
inutilement.
Lorsque les douze compagnons qui s’étaient rétractés, soupçonnèrent la vérité,
ils se réunirent, et résolurent entr’eux d’aller trouver Salomon, avec des gants
blancs, comme le témoignage de leur innocence, et l’informèrent de ce qui
s’était passé.
Salomon envoya ces douze compagnons à la recherche de leur maître Hiram,
leur ordonna, dans le cas où ils le trouveraient, de chercher sur lui la parole de
maître, et leur observant que s’ils ne pouvaient pas la retrouver, elle était
perdue, attendu qu’il n’y avait que trois personnes qui la connussent, et qu’elle
ne pouvait être donnée que par ces trois personnes réunies, dont Hiram faisait
partie. Il leur observa, en supposant qu’il fût mort, que pour l’avenir le premier
signe et le premier mot qui seraient fait et prononcé en retrouvant et en
exhumant le corps de ce R.’. Maître, seraient substitués aux anciens signe et
mot de maître.
Ces compagnons ayant la promesse de Salomon d’être récompensés par la
maîtrise, s’ils parvenaient au but de leur recherche, partirent, et se divisèrent en
quatre bandes.
Trois allèrent vers le nord, trois au sud, trois à l’ouest et trois à l’est.
Une de ces quatre bandes descendit la rivière de Joppa : un d’eux s’étant
reposé à côté d’une roche, il entendit de terribles lamentations par l’ouverture
du rocher. Prêtant l’oreille, il entendit une voix qui disait :
Oh ! Que j’eusse eu plutôt la gorge coupée, la langue arrachée jusqu’à la
racine, et que j’eusse été enterré dans les sables de la mer à la basse marée et
à une encablure de distance du rivage où la mer flue et reflue deux fois par jour,
plutôt que d’avoir été complice de la mort de notre regretté maître Hiram !
Oh! dit un autre, que mon coeur ait été arraché de mon sein, et jeté pour servir
de proie aux vautours, plutôt que d’avoir été complice de la mort d’un aussi bon
maître!
Mais, hélas! dit Jubelum : Je l’ai frappé plus fort que vous deux, puisque c’est
moi qui l’ai tué ! Que j’eusse eu mon corps séparé en deux, une partie au midi,
une autre au nord, et mes entrailles réduites en cendres et jetées aux quatre
:
vents, plutôt que d’avoir été le meurtrier de notre respectable maître Hiram !
Ce compagnon, après avoir entendu ces plaintes lamentables, appela les deux
autres compagnons; ils convinrent entr’eux d’entrer dans l’ouverture du rocher,
de se saisir des ouvriers, et de les transporter devant le roi Salomon; ce qu’ils
exécutèrent.
Ces meurtriers avouèrent à Salomon ce qui s’était passé et le crime qu’ils
avaient commis, et témoignèrent le désir de ne pas survivre à leur forfait.
En conséquence, Salomon ordonna que leur propre sentence fût exécutée,
puisqu’ils avaient désigné eux-mêmes le genre de leur mort, et ordonna qu’il fût
fait ainsi :
Jubelas eut la gorge coupée.
Jubelos eut le coeur arraché.
Jubelos eut le corps coupé en deux parties, l’une fut jetée au nord, l’autre au
midi.
Salomon ayant ainsi vengé la mort du R.’. Maître Hiram-Abif renvoya les mêmes
compagnons pour remplir leur première mission.
Ces douze compagnons partirent une seconde fois, et voyagèrent pendant cinq
jours sans rien trouver.
La légende Ancienne n’est pas compatible avec les degrés de Maître Élu des Neufs,
Maître Élu des Quinze et Sublime Chevalier Élu du Rite Écossais Ancien et
Accepté, tout au moins dans le cadre une pratique « linéaire » du Rite. Les degrés
cités sont dits de vengeance. Le candidat doit venger le Respectable Maître tombé
sous les coups des meurtriers, il doit les retrouver, ce qui faisait double emploi avec
ième
la légende du 3 degré. L’obédience a tranché : les meurtriers sont retrouvés
dans les hauts grades.
Les degrés symboliques ont été retravaillés pour aboutir à une linéarité à peu près
er e
établie du 1 au 14 degrés du Rite. Dans ce travail que le Suprême Conseil de
France mena de 1829 à 1894 Date de fondation de la Grande Loge de France que
nous connaissons aujourd’hui. . La légende d’Hiram se trouva fortement modifiée,
très inspirée il faut le dire par le Rite Français.
1er Survø
Tø Vénø:
Frère second Surveillant, je vous prie de (Nota: Il faut que les portes du Temple
faire voir si la loge est bien couverte. soient fermées, qu’il n’y ait aucun profane
dans la salle, et dans l’intérieur que des
2e Survø FFø qui soient membres de la Loge.)
Pour mieux observer le soleil à son Le Vénø frappe sur l’Autel les trois coups
1er Survø
1er Survø
Vénø Mø
1er Survø
Vénø Mø
1er Survø
Vénø Mø
1er Survø
Vénø Mø
2e Survø
Vénø Mø
1er Survø
2e Survø
1er Survø
Vénø Mø
Vénø Mø
1er Survø
2e Survø
Vénø Mø
1er Survø
:
Frappe trois coups -0-0-0
2e Survø
Vénø Mø
O–O–O
Vénø Mø
Les étapes 1 et 2 sont identiques (pour ainsi dire) entre les deux rituels présentés.
Les instructions diffèrent légèrement. Dans le REAA-GLNF, il a été ajouté une série
de questions/réponses sur les emplacements des officiers (est-ce un reliquat du
Guide des Maçons Écossais ?). Figure aussi l’allumage des colonnettes. Ce dernier
détail est important car il n’existait pas dans le Guide des Maçons Écossais ni dans
e
les rituels Français du 18 siècle.
e e
En fait, au 18 et 19 siècle, les temples étaient préparés et prêts avant l’entrée des
Frères Dans le Guide des Maçons Écossais, le Frère ayant l’office d’« Architecte du
Temple » était dévolu à cette tâche. . Les flambeaux (que nous appelons aujourd’hui
« étoiles ») étaient allumés, les trois grandes lumières, lorsqu’elles existaient,
étaient déjà disposées. Il semble normal que l’allumage des colonnettes ne figure
pas à l’ouverture des travaux au rite Français. La pratique de l’allumage des
colonnettes est apparemment un emprunt aux Rite Écossais Rectifié et par là même
à l’Ordre des Élus Coen.
Les modifications apportées aux rituels symboliques du Rite Écossais Ancien &
Accepté afin d’harmoniser les degrés 3 à 14 conjuguées à la double influence
Ancienne et Moderne des ces rituels ont créé une véritable incohérence dans la
Légende d’Hiram qu’il convient, me semble t’il, de souligner. Ambiguïté ou rupture,
la légende d’Hiram n’est plus cohérente. Je vous propose de l’étudier. Nous verrons
ensuite comment nous pourrions simplement la corriger.
Voici la légende aujourd’hui contée dans les Loges de la Grande Loge Nationale
Française et dans celles de la Grande Loge de France (les rituels de ces deux
obédiences sont pour ainsi dire identiques) :
Mes FFø ! Depuis le fatal événement qui nous a privé du Maître, le monde est
demeuré dans les ténèbres les plus épaisses ; tous les travaux sont suspendus.
Ne pourrions-nous donc rien entreprendre pour recouvrer la lumière ?
Mais, qui ne serait découragé à l’aspect d’un si funeste sort ?
Si l’homme d’une vertu si éminente a dû succomber, quel espoir aurions-nous
d’être plus heureux ?
Lui seul, d’ailleurs, possédait le secret de l’oeuvre commencée; qui oserait se
présenter pour lui succéder ?
Cependant, mes FFø, ne perdons pas courage ! Après avoir pleuré notre
Maître, cherchons ses restes que les meurtriers ont sans doute cachés, afin de
rendre à sa dépouille mortelle les honneurs qui lui sont dus. Peut-être
recueillerons-nous quelques traces de sa science; la Lumière peut reparaître
encore !
Voyagez, mes FFø, de l’Occident à l’Orient, du Septentrion au Midi, jusqu’à ce
que vous ayez découvert le lieu sacré où les indignes scélérats ont pu déposer
le corps de notre Respectable Maître !
(Les Vénérables Maîtres Expert et Maître des Cérémonies suivis de sept
VVøMMø, font par trois fois, dextrorsum, le tour de la Loge. Ils s’arrêtent
ensuite, de manière que l’Expert se trouve près de la branche d’acacia).
Cet arbre funéraire, cet acacia, annonce une sépulture. Il n’y a pas longtemps
qu’il est planté; peut-être ombrage-t-il le tombeau de notre Respectable Maître
HIRAM…
Oui ! Il est dit que la Connaissance repose à l’ombre de l’acacia ! Ce lieu désert
me porte à croire que ce pourrait être, en effet, le tombeau de notre Maître.
Mais, que vois-je ? Une équerre et un compas qui paraissent y avoir été placés
à dessein, ne me laissent plus aucun doute ! Gardons-nous donc de toucher à
cette terre jusqu’à ce que nous ayons averti le Maître !
Que trois FFø demeurent ici, tandis que nous allons rendre compte de notre
découverte.
(Trois Maîtres se placent autour du cercueil, deux à la tête, à droite et à gauche
et le troisième au pied, la face tournée vers le corps. Le Fø Expert, le Fø Maître
:
des Cérémonies et les autres Maîtres retournent à leur place).
La question que ce pose le nouveau Maître Maçon est celle-ci : Pourquoi Salomon
envoie t’il des Frères Maîtres chercher la Parole des Maîtres ? Si ils sont Maîtres,
n’en sont ils pas pourvus ?
En fait, une lecture attentive de cette partie du rituel nous montre qu’il n’est pas
précisé qui Salomon envoie à la recherche du corps. S’agit il de Compagnons ou de
Maîtres ?
Voici la légende Ancienne, telle qu’elle apparaît au Rite Anglais (dit Émulation).
Nous constatons que Salomon envoie des Compagnons chercher le corps d’Hiram.
Il y a alors 3 Maîtres uniquement : Hiram Abif, Salomon et Hiram de Tyr. La légende
précise que chacun de ces Maîtres est en possession d’une partie du mot des
Maîtres et que si l’un d’eux vient à manquer, le mot, la parole est perdue.
Cette légende justifie de degré de Royal Arch (qu’il s’agisse du degré de Sainte
Arche Royale de Jérusalem tel que pratiqué dans les obédiences Anglo-saxonnes,
e
du 13 degré du Rite Écossais Ancien et Accepté, voire du Maître Écossais de
Saint André au Rite Écossais Rectifié). C’est à ce degré que le mot des Maîtres est
retrouvé.
M:. F:., les compagnons n’eurent pas plutôt commis leur crime qu’ils en
sentirent toute l’énormité. Afin d’en dérober la trace, s’il était possible, ils
emportèrent le corps d’Hiram à quelque distance des travaux, et l’enterrèrent
dans une fosse faite à la hâte, se promettant de venir l’enterrer au premier
moment favorable et de le transporter bien loin; et pour reconnaître facilement
l’endroit, ils y plantèrent une branche d’acacia.
Les Maîtres s’aperçurent bientôt de l’absence d’Hiram.
Trois Maîtres partirent par la porte d’Orient, trois par la porte du Midi, et trois par
celle d’Occident. Ils convinrent de ne pas s’écarter les uns des autres plus loin
que la portée de la voix. Au lever du soleil, l’un d’eux aperçut une vapeur qui
s’élevait de la campagne, à quelque distance. Ce phénomène fixa son attention;
il en fit part aux autres Maîtres, et tous s’approchèrent de l’endroit d’où sortait
cette vapeur. Au premier aspect, ils virent une petite élévation, et reconnurent
que la terre avait été fraîchement remuée, ce qui confirma leur soupçon; la
branche d’acacia qui céda aux premiers efforts ne leur permit plus de douter
qu’elle ne servit d’indice pour reconnaître l’endroit : ils se mirent à fouiller, et
bientôt, ils trouvèrent le corps de notre Resp:. Maître déjà corrompu, et
:
reconnurent qu’il avait été assassiné.
Il était à craindre que les assassins n’eussent, à force de tourments, arraché à
Hiram les signes et mots de Maître : ils convinrent donc que le premier signe et
le premier mot qui leur échapperaient lors de l’exhumation, seraient, par la suite,
le signe et le mot de reconnaissance parmi les Maîtres.
Ils se revêtirent de tabliers et de gants de peau blanche, pour témoigner qu’ils
n’avaient point trempé leurs mains dans le sang innocent, et députèrent l’un
d’eux à Salomon pour l’instruire de la découverte du corps d’Hiram.
Salomon, instruit du crime affreux qui l’avait privé d’un ami et du chef des
travaux, à la perfection desquels il mettait toute son ambition, se livra à la plus
vive douleur: il déchira ses vêtements et jura qu’il tirerait une vengeance
éclatante d’un forfait aussi noir.
Il ordonna un deuil général parmi les ouvriers du Temple. Il envoya exhumer le
corps avec pompe par des Maîtres, lui fit de magnifiques funérailles et le fit
déposer dans un tombeau de trois pieds de large, sur cinq de profondeur et sept
de longueur. Il fit incruster dessus un triangle de l’or le plus pur, et fit graver au
milieu du triangle l’ancien mot de Maître, qui était un des noms hébreux du
G:.A:.D:.L’U:.; et ordonna que les mots, signe et attouchement soient changés
et qu’on y substituerait ceux dont les neuf Maîtres étaient convenus.
Au Rite Moderne, l’ancien mot des Maîtres apparaît au cours de l’exaltation gravé
dans une lame d’or triangulaire incrustée sur le couvercle du catafalque dans lequel
le candidat est allongé. Lorsque le catafalque est fermé, le nom du « défunt »
apparaît sur le catafalque : Jehova.
:
image
Figure 5 : Tableau de Loge sur lequel figure l’ancien mot des Maîtres.
En ce sens, aucun degré dit « supérieur » n’est nécessaire pour retrouver ce qui
aurait été perdu. Les Maîtres partent ainsi à la recherche d’Hiram et non du mot.
En tant que rite « universel », le Rite Écossais Ancien et Accepté a puisé dans les
origines Anciennes et Modernes des rituels. La Légende utilisée aujourd’hui
empruntant dans les deux traditions crée une ambiguïté qui n’est jamais résolue.
La légende telle qu’elle est présentée aujourd’hui est résolument moderne. Le seul
fait que Salomon envoie 9 Maîtres à la recherche d’Hiram permet de justifier cette
affirmation. La légende Ancienne aurait envoyé 12 compagnons à la recherche du «
secret » du Maître.
En fait, il est intéressant de savoir quelles sont les origines du Rite Écossais Ancien
et Accepté. Est il véritablement d’origine « Ancienne » comme son nom tendrait à
nous le laisser supposer ?
Lorsque le Rite Écossais Ancien et Accepté est créé aux États-unis, les Grandes
Loges Américaines existent depuis quelques années. Il n’est pas exceptionnel de
trouver sur un même État une Grande Loge des Ancien et une autre des Modernes.
Lorsqu’il rentre sur le vieux continent, il apporte avec lui un rite symbolique qu’il
avait également pratiqué et qui semble l’avoir séduit : Le Rite Ancien. Ce rite l’a
suffisamment intéressé au point qu’il lui consacre une partie dans la rédaction de
son « thuileur Cf. Fac-similé du « Thuileur de Grasse-Tilly » publié par le Suprême
Conseil Pour la France (rue Villers), 2003. » en 1819. Grasse-Tilly l’avait pratiqué
lorsqu’il avait fondé la Respectable Loge « La Réunion Française » sous le numéro
45 de la Grande Loge des Ancients York Masons (la Grande Loge Ancienne de
Caroline du Sud).
D’autres éléments viennent nous conforter dans le fait que les degrés du Rite
Écossais Ancien et Accepté n’ont pas spécifiquement une origine « Ancienne ».
J’ai eu la chance d’avoir une copie d’un rituel récemment publié aux États-unis. Il
s’agirait d’une reproduction du premier rituel du Maître Secret, publié en 1801. Il est
intéressant de lire une partie de l’instruction du degré qui « éclaire » l’origine du Rite
Écossais Ancien & Accepté.
Cette description nous rappelle évidemment la lame d’Or qui figure sur le catafalque
lors de la réception au Grade de Maître du Rite Moderne. Nous pouvons donc en
déduire qu’il s’agit là de la Parole dite Perdue.
Dans la pratique du Rite Écossais Ancien & Accepté en Loge symbolique, une
modification doit être effectuée afin de rendre cohérente la légende d’Hiram.
Compte tenu de la double origine des rituels, les modifications ne doivent pas
laisser de place à l’ambiguïté. Ces modifications peuvent être double :
· Les colonnes B&J (B pour les Apprentis et J pour les Compagnons). Elles sont
placées à l’ancienne. En fait, le REAA est le seul rite d’Europe « continentale » à
avoir conservé la disposition « ancienne » des colonnes.
· Le Tableau du degré est visible dans la Loge, souvent entouré des 3 colonnettes «
:
Beauté », « Force » et « Sagesse ». Les colonnettes peuvent cependant être
disposées différemment, autour de l’autel des serments par exemple.
image
LES DÉCORS
Existe t’ils des décors typiques du REAA ? En France, l’usage imposé par le
e
Suprême Conseil de France au 19 siècle veut que les Frères portent un tablier
blanc bordé de rouge et si ils le souhaitent, les Frères portent un baudrier bleu
bordé de rouge. Sur le Tablier figurent les lettres MB (tablier traditionnel) ou bien
trois rosettes rouges (tablier de style Anglais).
:
image image
Figure 7 : Figure 8 :
Tablier traditionnel du REAA Tablier de style « Anglais » du REAA
En Suisse, il n’existe pas de règle, chaque loge adoptant le tablier de son choix
(certaines loges du REAA ont un tablier vert).
A la Grande Loge Régulière de Belgique, les Frères qui pratiquent le REAA en loge
symbolique portent l’un des deux tabliers ci-dessus et parfois un baudrier bleu.
Selon le tuileur d’Abraham, les premiers tabliers du REAA étaient blancs, bordés
de bleu avec un soleil au milieu de la bavette.
La règle la plus généralement admise veut que les Frères portent un tablier bordé
de rouge. Cette règle est à priori la seule qui soit acceptable.
Ainsi, nombreux restent les Maçons qui pensent que le Rite Écossais Ancien et
Accepté possède une définition du Grand Architecte de l’Univers qui lui est propre,
se référant ainsi au texte du Convent de Lausanne (1875).
Les Apprentis peuvent assister aux tenues. Ils doivent garder le silence pendant une
période allant de 1 à 3 ans. Ils ne peuvent pas voter. Le passage au grade de
Compagnon se fait sur proposition du deuxième Surveillant, après un travail
symbolique. La proposition est soumise au vote de la Chambre du Milieu. Ils siègent
sur la colonne du Nord.
Les Compagnons assistent aux tenues. Ils peuvent prendre la parole mais n’ont pas
le droit de voter. Comme au grade précédent, leur augmentation de salaire se fait
après l’audition d’un travail symbolique, avec un vote de la Chambre du Milieu sur
proposition du Frère premier Surveillant. La durée du Compagnonnage s’étend de 1
à 3 ans. Ils siègent sur la colonne du Sud.
Les Maîtres participent aux tenues. Ils prennent la parole et votent sur les
propositions du Frère Orateur.
La prise de parole s’opère par triangulation. Les Frères qui siègent sur la colonne du
Nord demandent la parole au deuxième Surveillant. Les Frères de la colonne du
Sud demandent la parole au premier Surveillant. Les Surveillant demandent alors la
parole au Vénérable Maître pour eux ou pour les Frères de leurs colonnes ; elle leur
est généralement accordée.
Au troisième degré la prise de parole est moins codifiée ; elle varie en fait selon les
Loges.
e
Dans certaines Loges, les Vénérables Maîtres Titre des Frères au 3 degré.
demandent directement la parole au Très Vénérable Maître Titre du Vénérable
e
Maître au 3 degré. . Dans d’autres loges, la règle de triangulation est conservée.
Les autres règles sont celles en vigueur dans les différentes obédiences.
Nous avons vu que les rituels ont évolué dans l’espace avec une diffusion
progressive au sein des différentes obédiences qui se sont constituées, mais aussi
dans le temps par une lente transformation du contenu même des rituels. Nous
:
avons ainsi pu distinguer 4 types de rituels dits écossais. L’évolution de ceux du Rite
Écossais Ancien et Accepté, forts de leur double influence des Anciens et des
Modernes, n’a pas été homogène. Le remaniement des rituels a influé sur leur
contenu, créant parfois quelques ambiguïtés qu’une petite modification pourrait
assurément corriger. Nous avons constaté qu’il est délicat de dresser une liste des
spécificités symboliques de ce rite, compte tenu de ses multiples origines.
CONCLUSION
Le Rite Écossais Ancien et Accepté est il un Rite Universel ? Assurément, sous bien
des angles.
D’abord, dans ses textes fondateurs, le Rite se présente comme fédérateur des
différents systèmes écossais qui existaient. Il se présente aussi comme étant au
dessus des clivages qui animent la Franc-Maçonnerie. Il s’adresse à tous, sans
distinction de rite ni de degré. Il reconnaît la pratique de degrés annexes, non
intégrés dans la hiérarchie officielle des degrés.
Ensuite, ce rite s’est diffusé rapidement dans les différentes obédiences Françaises
(et Européennes, mais est il nécessaire de le rappeler ?), s’adaptant aux spécificités
de chacune d’entre elles.
ième
Enfin, ce rite a évolué dans le sens d’une harmonisation des degrés du 3 au
ième
14 , parfois en dépit des origines « Anciennes » de ses premiers rituels
symboliques, créant une légende d’Hiram incertaine. Nous avons constaté que cette
harmonisation a été inspirée par les rituels du Rite Français et qu’il suffirait d’une
légère et indolore modification de l’actuelle légende pour que toute ambiguïté soit
levée.
Nous avons vu combien il est difficile de trouver des éléments communs aux
différentes pratiques de ce rite. Du Guide des Maçons Écossais aux rituels dits «
Cerbu » à la GLNF, les pratiques peuvent fortement différer d’une Loge à l’autre.
Cependant, ce rite est pratiqué avec le souci d’une transmission authentique d’une
tradition héritée de la Chevalerie et des Bâtisseurs de Cathédrale.
Loin d’être une suite linéaire de degrés, fort de son universalité, le Rite Écossais
Ancien & Accepté se comporte comme une fenêtre ouverte sur la Maçonnerie et les
e
degrés pratiqués au 18 siècle et à ce titre, les dirigeants de notre Suprême Conseil
en sont les véritables conservateurs.
:
Rite alliant tradition et évolution, le Rite Écossais Ancien & Accepté est aujourd’hui
le rite le plus pratiqué en France.
ANNEXES
LA CIRCULAIRE AUX DEUX HÉMISPHÈRES (DÉC. 1802,
TRADUCTION ATTRIBUÉE À H. GRÉVEN)
UNIVERSI TERRARUM ORBIS ARCHITECTONIS GLORIA AB INGENTIS
ORDO AB CHAO
Grands Inspecteurs Généraux, sous la Voûte Céleste du Zénith situé par 32 deg. 45
Min. de L.N A nos Illustres, très Vaillants et Sublimes Princes du Royal Secret,
Chevaliers K.H, Illustres Princes et Chevaliers, Grands, Ineffables et Sublimes
Maçons, Francs Maçons Acceptés de tous les degrés, Anciens et Modernes,
répandus à la surface des deux Hémisphères. A tous ceux auxquels parviendra
cette correspondance : Santé Constance et Vigueur
Le Grand Commandeur a informé les Inspecteurs qu’ils avaient été convoqués afin
de prendre en considération l’opportunité d’adresser aux Grandes Loges
Symboliques, aux Grandes Loges Sublimes et aux Grands Conseils répandus sur
les deux Hémisphères, des Lettres circulaires expliquant l’origine et la nature des
Degrés Sublimes de la Maçonnerie et leur institution en Caroline du Sud.
Une proposition à cet effet fut alors adoptée sur-le-champ, et une commission,
composée des Illustres Frères le Dr. Frederick Dalcho, le Dr. Isaac Auld et M.
Emmanuel De La Motta, Grands Inspecteurs Généraux, fut nommée pour rédiger et
soumettre cette lettre au Conseil lors de sa prochaine tenue.
Le Docteur Priestley, dans ses lettres aux Juifs, écrit ce remarquable passage
quand il parle des miracles du Christ : « et il a été dit depuis par vos auteurs qu’il a
accompli ses miracles par quelque nom Ineffable de Dieu, qu’il avait dérobé au
Temple ». Bien que les Maçons Symboliques déclarent que leurs sociétés tirent
leurs origines des premiers âges du monde et remontent à la création, on ne leur
enseigne pourtant dans leurs degrés que des événements qui ont eu lieu à la
construction du premier Temple (sur une période infime de sept ans), 2992 ans
après la création. Ils ignorent l’histoire de leur ordre antérieurement à cette période
et les progrès considérables et importants de l’art à la fois avant et depuis cette
période.
Nombre de degrés Sublimes sont fondés sur les arts savants et dévoilent aux
Maçons une masse de connaissances de prime importance. Bien que nombre de
degrés Sublimes soient, en fait, le prolongement des degrés Bleus, il n’y a pas pour
autant ingérence entre les deux institutions. D’un bout à l’autre du continent
européen et aux Antilles, où ils sont universellement connus, ces degrés sont
reconnus et leur essor favorisé. Les Maçons Sublimes ne procèdent jamais à des
initiations aux degrés Bleus sans autorisation de droit accordée dans ce but par une
Grande Loge Symbolique ; excepté lorsqu’ils communiquent les secrets de la
présidence d’un Atelier aux postulants qui n’y ont pas encore été admis,
préalablement à leur initiation dans une Loge Sublime, mais dans ce cas les
postulants sont informés que cela ne leur confère pas le rang de Passé Maître dans
la Grande Loge.
Il est notoire qu’environ 27.000 Maçons accompagnèrent les Princes chrétiens aux
Croisades, pour reprendre la Terre Sainte aux Infidèles. Pendant leur séjour en
Palestine, ils découvrirent chez les descendants des anciens Juifs plusieurs
manuscrits Maçonniques importants qui sont venus enrichir nos Archives
d’authentiques actes, et sur lesquels sont fondés certains de nos degrés.
Une autre découverte d’importance fut faite en l’an 5553 : il s’agit d’un registre en
caractères syriaques concernant la plus haute antiquité, d’après lequel il semblerait
que le monde soit plus vieux de plusieurs milliers d’années que ne l’indique le récit
mosaïque ; c’est un avis que partagent nombre d’érudits. Seuls quelques passages
ont été traduits avant le règne de notre Illustre et très Éclairé Frère Frédéric II Roi
de Prusse, dont l’ardeur bien connue pour le métier fut la cause de grand
avancement de la société qu’il daigna présider.
D’après celles de nos archives qui sont authentiques, nous sommes informés de la
constitution des degrés Sublimes et Ineffables de la Maçonnerie en Écosse, en
France et en Prusse sitôt après les Croisades.
Mais à la suite de circonstances de nous inconnues, après l’an 4658 (18), ils
tombèrent dans l’oubli jusqu’en l’an 5744, lorsqu’un gentilhomme d’Écosse vint
visiter la France et rétablit la Loge de Perfection de Bordeaux.
En 5761, les Loges et conseils des degrés supérieurs s’étant étendus sur
l’ensemble du continent européen, Sa Majesté le Roi de Prusse, en qualité de
Grand Commandeur de l’ordre de Prince du Royal Secret, fut reconnu par la totalité
des membres du Métier comme chef des degrés Sublimes et Ineffables de la
Maçonnerie sur l’ensemble des deux Hémisphères. Son Altesse Royale Charles,
Prince Héréditaire des Suédois, des Goths et des Vandales, Duc de Sudermanie,
Héritier de Norvège, &c. &c. &c. fut et est toujours le Grand Commandeur et
:
protecteur des Maçons Sublimes de Suède ; et son Altesse Royale Louis de
Bourbon, Prince du sang, Duc de Chartres, &c. &c. &c., et le Cardinal, Prince et
Évêque de Rouen, furent à la tête de ces degrés en France.
La même année, ces Constitutions furent transmises à notre Illustre Frère Stephen
Morin qui, le 27 Août 5761, avait été nommé Inspecteur Général de toutes les
Loges, &c. &c. &c. du nouveau monde par le Grand Consistoire des Princes du
Royal Secret réuni à Paris et que présidait le délégué du Roi de Prusse, Chaillon de
Jonville, suppléant Général de l’Ordre, Très Vénérable Maître de la première Loge
de France, appelée de Saint-Antoine, Chef des degrés Éminents, Commandeur et
Sublime Prince du Royal Secret, &c. &c. &c.
Étaient également présents les Illustres Frères suivants : Le Frère Prince de Rouen,
Maître de la Grande Loge l’Entendement, et Souverain Prince de la Maçonnerie, &c.
La Corne, suppléant du Grand Maître, Très Vénérable Maître de la Loge la Trinité,
Grand Élu, Parfait Chevalier et Prince des Maçons, &c. Maximilien de St. Simon,
Premier Grand Surveillant Grand Élu, Parfait Chevalier et Prince des Maçons, &c.
Savalette de Buchelay, Grand Garde des Sceaux, Grand, Élu, Parfait Chevalier et
Prince des Maçons, &c. Ie Duc de Choiseul, Très Vénérable Maître de la Loge les
Enfants de la Gloire, Grand Élu, Parfait Maître, Chevalier et Prince des Maçons, &c.
Topin, Grand Ambassadeur de son Altesse Sérénissime Grand Élu, Parfait Maître,
Chevalier et Prince des Maçons, &c.
Le Frère Hayes nomma Inspecteur Général Délégué pour l’état de Caroline du Sud
le Frère Isaac Da Costa lequel, en l’an 5783, établit la Sublime Grande Loge de
Perfection à Charleston. Après la mort du Frère Da Costa, le Frère Joseph Myers fut
nommé Inspecteur Général Délégué pour cet état par le Frère Hayes qui avait au
préalable également nommé le Frère Colonel Solomon Bush Inspecteur Général
Délégué pour l’état de Pennsylvanie et le Frère Barend M. Spitzer au même titre
pour la Géorgie ; ces décisions furent ratifiées lors d’une réunion d’inspecteurs
quand ils furent assemblés à Philadelphie le 15 Juin 5781.
Le 1er Mai 5786, la Grande Constitution du 33e degré appelé, le Conseil Suprême
des Souverains Grands Inspecteurs Généraux fut définitivement ratifiée par Sa
Majesté le Roi de Prusse qui, en sa qualité de Grand Commandeur de l’ordre de
Prince du Royal Secret, détenait le pouvoir Maçonnique Suprême sur l’ensemble du
Métier. Dans la nouvelle Constitution, ces hauts Pouvoirs furent conférés dans
chaque Nation à un Suprême Conseil de neuf Frères qui détiennent dans leur
propre territoire toutes les prérogatives Maçonniques que Sa Majesté détenait à titre
individuel ; et ce sont les Souverains de la Maçonnerie.
Le 20 Février 5788, fut ouvert dans cette Ville le Grand Conseil des Princes de
Jérusalem auquel étaient présents le Frère J. Myers, I.G.D. pour la Caroline du Sud,
le Frère B.M. Spitzer, I.G.D. pour la Géorgie, et le Frère A. Forst, I.G.D. pour la
Virginie. Peu après l’ouverture du Conseil, une lettre fut adressée à Son Altesse
Royale le Duc d’Orléans à ce propos sollicitant l’envoi de certains actes des
archives de la société française ; dans sa réponse par l’entremise du Colonel Shee,
son Secrétaire, il promit très aimablement de les transmettre ; mais
malheureusement, les prémices de la révolution française empêchèrent cet envoi.
L’action du Frère Mitchell fut limitée jusqu’après la mort du Frère Spitzer qui survint l
année suivante. De nombreux Frères de degrés éminents étant arrivés de
l’étranger, des Consistoires de Princes du Royal Secret se tinrent de temps à autre
:
pour des initiations et pour d’autres propos.
Le 31 Mai 5801, le Suprême Conseil du 33e degré pour les États-Unis fut inauguré
avec toutes les hautes personnalités de la Maçonnerie par les Frères John Mitchell
et Frederick Dalcho, Souverains Grands Inspecteurs Généraux, et, dans le courant
de la présente année, le nombre total de Grands Inspecteurs Généraux fut
complété, conformément aux Grandes Constitutions.
2e Compagnon
4e Maître Secret
5e Maître Parfait
6e Secrétaire Intime
7e Prévôt et Juge
13e Royal-Arche
14e Perfection
15e Chevalier d’Orient, conférés par les Princes de Jérusalem, qui forment un
Conseil Souverain
24e Prince du Tabernacle, conférés par le Conseil des Grands Inspecteurs qui sont
Souverains de la Maçonnerie.
29e K H
30 31 32e Prince du Royal Secret, Prince des Maçons, conférés par le Conseil des
Grands Inspecteurs qui sont Souverains de la Maçonnerie
Charleston, Caroline du Sud, ce 10e jour du 8e Mois appelé Chisleu 55v3′ année de
VL. 5802, le 4e jour de Décembre 1802 de l’Ère chrétienne.
Signé Ab. ALEXANDER K.H – P.R.S. Souverain Grand Inspecteur Général du 33e,
Grand Inspecteur Général du 33e et Illustre Secrétaire du Saint-Empire.
GLORIA
AB INGENIIS
ET BASES FONDAMENTALES
Il est évident et incontestable que, fidèle aux importantes obligations que nous nous
sommes imposées en acceptant le protectorat de la très ancienne et très
respectable Institution connue de nos jours sous le nom de » Société de l’Art Libre
de tailler la pierre » ou » ORDRE DES ANCIENS FRANCS-MAÇONS UNIS »
nous nous sommes appliqué, comme chacun sait, à l’entourer de notre sollicitude
:
particulière.
Cependant, d’autres divisions, nées des premières, ont donné lieu à l’organisation
de nouvelles sociétés : la plupart de celles-ci n’ont rien de commun avec l’Art Libre
de la Franche-Maçonnerie, sauf le nom de quelques formules conservées par les
fondateurs, pour mieux cacher leurs desseins secrets – desseins souvent trop
exclusifs, quelquefois dangereux et presque toujours contraires aux principes et aux
sublimes doctrines de la Franche-Maçonnerie, tel que nous les avons reçus de la
tradition.
Les dissensions bien connues que ces nouvelles associations ont suscitées dans
l’ORDRE et qu’elles y ont trop longtemps fomentées, ont éveillé les soupçons et la
méfiance de presque tous les Princes dont quelques-uns l’ont même persécuté
cruellement.
Des Maçons, d’un mérite éminent, ont enfin réussi à apaiser ces dissensions et tous
ont, depuis longtemps, exprimé le désir qu’elles fussent l’objet d’une délibération
générale afin d’aviser aux moyens d’en empêcher le retour et d’assurer le maintien
de l’ORDRE, en rétablissant l’unité dans son gouvernement et dans la composition
primitive de ses organes, ainsi que son antique discipline.
Tout en partageant ce désir que nous-même avons éprouvé depuis le jour où nous
avons été complètement initié aux mystères de la Franche-Maçonnerie, nous
n’avons pu, cependant, nous dissimuler ni le nombre, ni la nature, ni la grandeur
:
réelle des obstacles que nous aurions à surmonter pour accomplir ce désir. Notre
premier soin a été de consulter les membres les plus sages et les plus éminents de
l’Ordre dans tous les pays sur les mesures les plus convenables à adopter pour
atteindre un but si utile, en respectant les idées, de chacun, sans faire violence à la
juste indépendance des Maçons et surtout à la liberté d’opinion qui est la première
et la plus sacrée de toutes les libertés et en même temps la plus prompte à prendre
ombrage.
Jusqu’à présent les devoirs qui nous étaient plus particulièrement imposés comme
Roi, les évènements nombreux et importants qui ont signalé notre règne ont
paralysé nos bonnes intentions et nous ont détourné du but que nous nous étions
proposé. C’est désormais au temps, ainsi qu’à la sagesse, à l’instruction et au zèle
des frères qui viendront après nous qu’il appartiendra d’accomplir et de
perfectionner une oeuvre si grande et si belle, si juste et si nécessaire. C’est à eux
que nous léguons cette tâche, et nous leur recommandons d’y travailler sans cesse,
mais patiemment et avec précaution.
Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir
d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du Régime
ECOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les mêmes que
celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui, n’étant que les
branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent entr’elles que par des
formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est facile de concilier. Ces
RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien, d’Hérédom ou d’Hairdom, de
l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des Empereurs d’Orient et d’Occident, des
Princes du Royal Secret ou de Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit
Primitif, le plus récent de tous.
Le premier Degré sera conféré avant le deuxième, celui-ci avant le troisième et ainsi
de suite jusqu’au Degré Sublime – le trente-troisième et dernier – qui surveillera,
dirigera et gouvernera tous les autres. Un corps ou Réunion de membres possédant
ce Degré formera un SUPREME GRAND CONSEIL, dépositaire du Dogme ; il sera
le Défenseur et le Conservateur de l’ORDRE qu’il gouvernera et administrera
conformément aux présentes et aux Constitutions ci-après décrétées.
Tous les Degrés des Rites réunis, comme il est dit ci-dessus, du premier au dix-
huitième, seront classés parmi les Degrés du Rit de Perfection dans leur ordre
respectif et d’après l’analogie et la similitude qui existent entr’eux ils formeront les
dix-huit premier Degrés du RIT ECOSSAIS ANCIEN ACCEPTE ; le dix-neuvième
Degré, et le vingt-troisième Degré du Rit Primitif formeront le vingtième Degré de
l’ORDRE. Le vingtième et le vingt-troisième Degré du Rit de Perfection, soit le
seizième et le vingt-quatrième Degré du Rit Primitif formeront le vingt-unième et le
vingt-huitième Degré de l’ORDRE. LES PRINCES DU ROYAL SECRET occuperont
le trente-deuxième Degré, immédiatement au-dessous des SOUVERAINS
GRANDS INSPECTEURS GENERAUX dont le Degré sera le trente-troisième et
dernier de l’ORDRE. Le trente-unième Degré sera celui des Souverains-Juges-
Commandeurs. Les Grands Commandeurs, Grands Elus Chevaliers Kadosch
prendront le trentième Degré. Les Chefs du Tabernacle, les Princes du Tabernacle,
les Chevaliers du Serpent d’Airain, les Princes de Merci, les Grands Commandeurs
du Temple et les Grands Écossais de Saint-André composeront respectivement le
vingt-troisième, le vingt-quatrième, le vingt-cinquième, le vingt-sixième, le vingt-
septième et le vingt-neuvième Degré.
Tous les Sublimes Degrés de ces mêmes Systèmes Écossais réunis seront, d’après
leur analogie ou leur identité, distribués dans les classes de leur Ordre qui
correspondent au régime du RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.
Mais jamais et sous quelque prétexte que ce soit, aucun de ces sublimes Degrés ne
:
pourra être assimilé au trente-troisième et très Sublime Degré de SOUVERAIN
GRAND INSPECTEUR GÉNÉRAL, PROTECTEUR ET CONSERVATEUR DE
L’ORDRE, qui est le dernier du RIT ANCIEN ACCEPTE ÉCOSSAIS et, dans aucun
cas, nul ne pourra jouir des mêmes droits, prérogatives, privilèges ou pouvoirs dont
nous investissons ces Inspecteurs.
Et, afin que la présente ordonnance soit fidèlement et à jamais observée, nous
commandons à nos Chers, Vaillants et Sublimes Chevaliers et Princes Maçons de
veiller à son exécution.
DONNE en notre Palais à Berlin, le jour des Calendes premier – de Mai, l’an de
Grâce 1786, et de notre Règne le 47e.
BIBLIOGRAPHIE
Bayard, Jean-Pierre Le symbolisme maçonnique traditionnel. (Tomes 1 &
2)Éditions EDIMAF, 1987.
Bongard, Roger Manuel Maçonnique du Rite Écossais Ancien et
Accepté.Éditions Dervy, 2002.
Grande Loge de France Rituels des Trois Degrés Symboliques, 1998.
Grande Loge Nationale Rituels du Rite Écossais Ancien et Accepté dits « Cerbu
Française », 2001
Gréven, Hubert Traduction de La Circulaire aux deux Hémisphères
Ligou, Daniel Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie.Éditions PUF, 1987-
1991.
Naudon, Paul Histoire et Rituels des Hauts Grades
Maçonniques.Éditions Dervy, 1966.
Noël, Pierre Les Grades bleus du Rite Écossais Ancien et Accepté
Genèse et développementsArticle paru dans Acta
Macionica, Numéro 12, Décembre 2002.
Suprême Conseil de Ordo Ab Chao numéro spécial (39-40), Origine et
France Évolution des Rituels des Trois Premiers Degrés du Rite
Écossais Ancien et AcceptéPremier et Deuxième
Semestres, 1999.
:
—
NOUVELLE ÉDITION :
Publiée sous les auspices du Suprême Conseil 33e pour la Juridiction Méridionale
des États-Unis de l’Amérique
Traduit du Latin par Charles Laffon de Ladebat, 33e Extrait de l’ouvrage d’Albert
Pike, Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry, New York, 1872.
Il est évident et incontestable que, fidèle aux importantes obligations que nous nous
sommes imposées en acceptant le protectorat de la très ancienne et très
respectable Institution connue de nos jours sous le nom de » Société de l’Art Libre
de tailler la pierre » ou » ORDRE DES ANCIENS FRANCS-MAÇONS UNIS »
nous nous sommes appliqué, comme chacun sait, à l’entourer de notre sollicitude
particulière.
Cependant, d’autres divisions, nées des premières, ont donné lieu à l’organisation
de nouvelles sociétés : la plupart de celles-ci n’ont rien de commun avec l’Art Libre
:
de la Franche-Maçonnerie, sauf le nom de quelques formules conservées par les
fondateurs, pour mieux cacher leurs desseins secrets – desseins souvent trop
exclusifs, quelquefois dangereux et presque toujours contraires aux principes et aux
sublimes doctrines de la Franche-Maçonnerie, tel que nous les avons reçus de la
tradition.
Les dissensions bien connues que ces nouvelles associations ont suscitées dans
l’ORDRE et qu’elles y ont trop longtemps fomentées, ont éveillé les soupçons et la
méfiance de presque tous les Princes dont quelques-uns l’ont même persécuté
cruellement.
Des Maçons, d’un mérite éminent, ont enfin réussi à apaiser ces dissensions et tous
ont, depuis longtemps, exprimé le désir qu’elles fussent l’objet d’une délibération
générale afin d’aviser aux moyens d’en empêcher le retour et d’assurer le maintien
de l’ORDRE, en rétablissant l’unité dans son gouvernement et dans la composition
primitive de ses organes, ainsi que son antique discipline.
Tout en partageant ce désir que nous-même avons éprouvé depuis le jour où nous
avons été complètement initié aux mystères de la Franche-Maçonnerie, nous
n’avons pu, cependant, nous dissimuler ni le nombre, ni la nature, ni la grandeur
réelle des obstacles que nous aurions à surmonter pour accomplir ce désir. Notre
premier soin a été de consulter les membres les plus sages et les plus éminents de
l’Ordre dans tous les pays sur les mesures les plus convenables à adopter pour
atteindre un but si utile, en respectant les idées, de chacun, sans faire violence à la
juste indépendance des Maçons et surtout à la liberté d’opinion qui est la première
et la plus sacrée de toutes les libertés et en même temps la plus prompte à prendre
ombrage.
Jusqu’à présent les devoirs qui nous étaient plus particulièrement imposés comme
Roi, les évènements nombreux et importants qui ont signalé notre règne ont
paralysé nos bonnes intentions et nous ont détourné du but que nous nous étions
proposé. C’est désormais au temps, ainsi qu’à la sagesse, à l’instruction et au zèle
des frères qui viendront après nous qu’il appartiendra d’accomplir et de
perfectionner une oeuvre si grande et si belle, si juste et si nécessaire. C’est à eux
que nous léguons cette tâche, et nous leur recommandons d’y travailler sans cesse,
mais patiemment et avec précaution.
Ces raisons et d’autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir
d’assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du Régime
ECOSSAIS dont les doctrines sont, de l’aveu de tous, à peu près les mêmes que
celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui, n’étant que les
branches principales d’un seul et même arbre, ne diffèrent entr’elles que par des
formules, maintenant connues de plusieurs, et qu’il est facile de concilier. Ces
RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien, d’Hérédom ou d’Hairdom, de
l’Orient de Kilwinning, de Saint-André, des Empereurs d’Orient et d’Occident, des
Princes du Royal Secret ou de Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit
Primitif, le plus récent de tous.
Le premier Degré sera conféré avant le deuxième, celui-ci avant le troisième et ainsi
de suite jusqu’au Degré Sublime – le trente-troisième et dernier – qui surveillera,
dirigera et gouvernera tous les autres. Un corps ou Réunion de membres possédant
ce Degré formera un SUPREME GRAND CONSEIL, dépositaire du Dogme ; il sera
le Défenseur et le Conservateur de l’ORDRE qu’il gouvernera et administrera
conformément aux présentes et aux Constitutions ci-après décrétées.
Tous les Degrés des Rites réunis, comme il est dit ci-dessus, du premier au dix-
huitième, seront classés parmi les Degrés du Rit de Perfection dans leur ordre
respectif et d’après l’analogie et la similitude qui existent entr’eux ils formeront les
:
dix-huit premier Degrés du RIT ECOSSAIS ANCIEN ACCEPTE ; le dix-neuvième
Degré, et le vingt-troisième Degré du Rit Primitif formeront le vingtième Degré de
l’ORDRE. Le vingtième et le vingt-troisième Degré du Rit de Perfection, soit le
seizième et le vingt-quatrième Degré du Rit Primitif formeront le vingt-unième et le
vingt-huitième Degré de l’ORDRE. LES PRINCES DU ROYAL SECRET occuperont
le trente-deuxième Degré, immédiatement au-dessous des SOUVERAINS
GRANDS INSPECTEURS GENERAUX dont le Degré sera le trente-troisième et
dernier de l’ORDRE. Le trente-unième Degré sera celui des Souverains-Juges-
Commandeurs. Les Grands Commandeurs, Grands Elus Chevaliers Kadosch
prendront le trentième Degré. Les Chefs du Tabernacle, les Princes du Tabernacle,
les Chevaliers du Serpent d’Airain, les Princes de Merci, les Grands Commandeurs
du Temple et les Grands Écossais de Saint-André composeront respectivement le
vingt-troisième, le vingt-quatrième, le vingt-cinquième, le vingt-sixième, le vingt-
septième et le vingt-neuvième Degré.
Tous les Sublimes Degrés de ces mêmes Systèmes Écossais réunis seront, d’après
leur analogie ou leur identité, distribués dans les classes de leur Ordre qui
correspondent au régime du RIT ÉCOSSAIS ANCIEN ACCEPTE.
Mais jamais et sous quelque prétexte que ce soit, aucun de ces sublimes Degrés ne
pourra être assimilé au trente-troisième et très Sublime Degré de SOUVERAIN
GRAND INSPECTEUR GÉNÉRAL, PROTECTEUR ET CONSERVATEUR DE
L’ORDRE, qui est le dernier du RIT ANCIEN ACCEPTE ÉCOSSAIS et, dans aucun
cas, nul ne pourra jouir des mêmes droits, prérogatives, privilèges ou pouvoirs dont
nous investissons ces Inspecteurs.
Et, afin que la présente ordonnance soit fidèlement et à jamais observée, nous
commandons à nos Chers, Vaillants et Sublimes Chevaliers et Princes Maçons de
veiller à son exécution.
DONNE en notre Palais à Berlin, le jour des Calendes premier – de Mai, l’an de
Grâce 1786, et de notre Règne le 47e.
ARTICLE I
ARTICLE II
ARTICLE III
§ I. DANS les lieux ci-dessus désignés, les deux Frères qui, les premiers, auront été
élevés à ce grade, seront de droit, les deux premiers Officiers du SUPREME
CONSEIL, savoir : le très Puissant Monarque Grand Commandeur, et le très Illustre
Lieutenant Grand Commandeur.
§ II. Si le premier de ces Officiers vient à mourir, s’il abdique, ou s’il s’absente, pour
ne plus revenir, il sera remplacé par le second Officier qui choisira son successeur
parmi les autres Grands Inspecteurs.
§ III. Si le second Officier abdique, s’il meurt ou s’il s’éloigne pour toujours, le
premier Officier lui donnera pour successeur un autre Frère du même grade.
§ IV. Le très Puissant Monarque nommera également l’Illustre Ministre d’Etat du
Saint Empire, l’Illustre Grand Maître des Cérémonies et l’Illustre Capitaine des
Gardes ; et il désignera, de la même manière, des Frères pour remplir les autres
emplois vacants ou qui pourront le devenir.
ARTICLE IV
Tout Maçon qui, possédant les qualités et les capacités requises, sera élevé à ce
Grade Sublime, paiera préalablement, entre les mains du très Illustre Trésorier du
Saint Empire, une contribution de dix Frédérics d’Or ou de dix Louis d’Or, monnaie
ancienne, ou l’équivalent en argent du pays.
Lorsqu’un Frère sera initié au trentième, au trente-unième ou au trente-deuxième
Degré, on exigera de lui une somme de pareille valeur et même titre, pour chaque
grade.
Le SUPREME CONSEIL surveillera l’administration de ces fonds et en disposera
dans l’intérêt de l’ORDRE.
:
ARTICLE V
ARTICLE VI
Le Suprême Conseil n’exerce pas toujours directement son autorité sur les Degrés
au-dessous du dix-septième ou Chevalier d’Orient, d’Occident. D’après les
circonstances et les localités, il peut la déléguer même tacitement ; mais son droit
est imprescriptible, et toutes les Loges et tous les Conseils de Parfaits Maçons, de
quelque degré que ce soit, sont, par les présentes, requis de reconnaître, dans ceux
qui sont revêtus du trente-troisième Degré, l’autorité des Souverains Grands
Inspecteurs Généraux de l’Ordre, de respecter leurs prérogatives, de leur rendre les
honneurs qui leur sont dus, de leur obéir, et enfin, de déférer avec confiance à
toutes les demandes qu’ils pourraient formuler pour le bien de l’ORDRE, en vertu de
ses lois, des présentes Grandes constitutions et de l’autorité dévolue à ces
Inspecteurs, que cette autorité soit générale ou spéciale, ou même temporaire et
personnelle.
ARTICLE VII
TOUT CONSEIL et tout Maçon d’un grade au-dessus du seizième, ont le droit d’en
appeler au SUPREME CONSEIL des Souverains Grands Inspecteurs Généraux, qui
pourra leur permettre de se présenter devant lui et de se faire entendre en
personne.
Quand il s’agira d’une affaire d’honneur entre des Maçons, de quelque grade qu’ils
:
soient, la cause sera portée directement devant le SUPREME CONSEIL qui
décidera en première et dernière instance.
ARTICLE VIII
ARTICLE IX
ARTICLE X
Aucun Député-Inspecteur-Général, soit qu’il ait été déjà admis et pourvu d’une
patente, soit qu’en vertu des présentes Constitutions il soit ultérieurement admis, ne
pourra de son autorité privée, conférer à qui que ce soit le Degré de Chevalier-
Kadosch ou tout autre degré supérieur, ni en donner des patentes.
ARTICLE XI
ARTICLE XII
Lorsqu’il plaira au très Saint et Grand Architecte de l’Univers d’appeler à LUI son
Auguste Majesté le Roi, très Puissant Souverain Grand Protecteur, Commandeur et
Véritable Conservateur de l’ORDRE, etc., et., etc., chaque SUPREME CONSEIL de
Souverains Grands Inspecteurs Généraux, déjà régulièrement constitué et reconnu,
ou qui serait ultérieurement constitué et reconnu en vertu des présents Statuts,
sera, de plein droit, légitimement investi de toute l’autorité Maçonnique dont son
:
Auguste Majesté est actuellement revêtue. Chaque SUPREME CONSEIL exercera
cette autorité lorsqu’il sera nécessaire et en quelque lieu que ce soit, dans toute
l’étendue du pays soumis à sa juridiction ; et si, pour cause d’illégalité, il y a lieu de
protester, soit qu’il s’agisse des Patentes ou des pouvoirs accordés aux Députés
Inspecteurs Généraux, ou de tout autre sujet, on en fera un rapport qui sera adressé
à tous les SUPREMES CONSEILS des deux hémisphères.
ARTICLE XIII
ARTICLE XIV
Dans toute cérémonie maçonnique des Sublimes Degrés et dans toute procession
solennelle de Maçons possédant ces degrés, le SUPREME CONSEIL marchera le
premier, et les deux premiers Officiers se placeront après tous les autres membres
et seront immédiatement précédés du grand Etendard et du Glaive de l’ORDRE.
ARTICLE XV
ARTICLE XVII
LA MAJORITE des voix est nécessaire pour légaliser les actes des Souverains
Grands Inspecteurs Généraux, dans les lieux où il existe un SUPREME CONSEIL
du trente-troisième Degré, légalement constitué et reconnu. En conséquence, dans
un pays, ou territoire sous la dépendance d’un SUPREME CONSEIL, aucun de ces
Inspecteurs ne pourra exercer individuellement son autorité, à moins d’en avoir
obtenu l’autorisation dudit SUPREME CONSEIL, et dans le cas où l’Inspecteur
appartiendrait.
ARTICLE XVIII
Toutes les sommes reçues pour faire face aux dépenses, c’est-à-dire le prix des
Réceptions, – et qui se perçoivent à titre de frais d’initiation aux Degrés au-dessus
du seizième jusques et y compris le trente-troisième, seront versées dans le Trésor
du Saint-Empire, à la diligence des Présidents et Trésoriers des Conseils et des
:
Loges Sublimes de ces Degrés, ainsi que des Souverains Grands Inspecteurs
Généraux, de leurs Députés, de l’Illustre Secrétaire et de l’Illustre Trésorier du Saint
Empire.
Le SUPREME CONSEIL réglera et surveillera l’administration et l’emploi de ces
sommes : il s’en fera rendre, chaque année, un compte exact et fidèle, et il aura
soin d’en faire part aux ateliers de sa dépendance.
APPENDICE
aux
STATUTS FONDAMENTAUX ET GRANDES CONSTITUTIONS
DU SUPREME CONSEIL DU TRENTE-TROISIEME DEGRÉ
ARTICLE I
L’ÉTENDARD de l’ORDRE est argent blanc. frangée d’or, portant au centre un aigle
noir à deux têtes, les ailes déployées ; les becs et les cuisses sont en or : il tient
dans une serre la garde d’or, et dans l’autre la lame d’acier d’un glaive antique,
placé horizontalement de droite à gauche. A ce glaive est suspendue la devise
Latine, en lettres d’or, » DEUS MEUMQUE JUS « . L’aigle est couronné d’un
Triangle d’or : il tient une banderole de pourpre frangée d’or et parsemée d’étoiles
:
d’or.
ARTICLE II
ARTICLE III
LE GRAND SCEAU DE L’ORDRE est un Ecu d’argent sur lequel est un Aigle à
deux têtes, semblable à celui de l’Etendard, mais portant de plus le diadème d’or de
Prusse ; au-dessus du diadème est un Triangle radieux, au centre duquel est le
chiffre 33. Toutefois, on peut se contenter de mettre au-dessus de l’Aigle, soit la
couronne, soit le triangle seulement.
Au bas du Bouclier, au-dessous des ailes et des serres de l’Aigle, il y a trente-trois
:
Etoiles disposées en demi-cercle ; tout autour est l’inscription suivante :
SUPREME CONSEIL DU TRENTE-TROISIEME DEGRE POUR ……………………..
APPROUVE,
L.S. Signé, FREDERIC.
Le premier Suprême Conseil du 33° degré fut fondé le 31 mai 1801 à Charleston,
Caroline du Sud, par John Mitchell (1741-1816) et Frederick Dalcho (1770-1836). Le
4 décembre 1802, cette institution rédigea une « circulaire aux deux hémisphères »
qui évoque l’existence d’une « Grande Constitution » (au singulier) signée par
Frédéric II, roi de Prusse, et, plus loin, rapporte que, dans le courant de l’année, le «
nombre d’Inspecteurs Généraux fut complété, en conformité avec les Grandes
Constitutions » (au pluriel).
« Quelles sont … dans leur contenu et dans leur texte, ces Grandes Constitutions ?
On ne peut, hélas ! répondre clairement à cette question précise ». Ainsi s’exprimait
Naudon en 1978 Histoire, Rituels et Tuileur des hauts Grades maçonniques. Le Rite
Ecossais Ancien et Accepté. 3° édition entièrement refondue et augmentée. Page
148. , en ajoutant : « la première publication n (’en) sera faite qu’en 1832 dans le
Recueil des Actes du Suprême Conseil de France » . L’affirmation est
surprenante… et inexacte car plusieurs versions manuscrites antérieures au Recueil
nous sont parvenues, toutes très semblables sinon identiques. En effet, chaque
Grand Inspecteur général recevait une copie manuscrite des Grandes Constitutions
mais il devait s’engager par écrit à ne jamais les communiquer à un maçon de grade
inférieur sans l’autorisation du Suprême Conseil Arturo de Hoyos, « The early years
of the Grand Consistory of Louisiana (1811-1815)- A rejoinder » Heredom, 2001,
vol. 9 : 80. . Le respect de cette interdiction, inattendu dans le milieu maçonnique,
explique qu’il fallut attendre 31 ans pour que soit enfin publié le texte intégral des
Grandes Constitutions.
L’antériorité du manuscrit Dalcho paraît peu contestable. J’y vois, au moins, trois
raisons
La « légalisation » du document Delahogue précise que le texte en est « traduit de
l’anglais ». La comparaison des deux textes montre que c’est bien le texte du
Dalcho qui fut traduit.
Le titre « Rit Ecossais Ancien et Accepté » ne fut pas, à l’origine, utilisé par le
Suprême Conseil de Charleston (il apparaît pour la première fois dans l’Acte
d’Union du Grand Orient de France et du Suprême Conseil de France, daté du 5
décembre 1804). Il ne se trouve que dans le document Delahogue.
Le document Dalcho parle des « princes du Royal Secret » au pluriel (8° et 11°
articles) or dans la « circulaire », les 30°, 31° et 32° grades sont tous intitulés «
Prince du Royal secret, Princes des Maçons ». La titulature actuelle fut adoptée par
le Suprême Conseil de France, peut être dès sa création (automne 1804).
Delahogue emploie le singulier, non le pluriel, ce qui suggère que sa version est
déjà adaptée à une situation nouvelle.
2° 2nd
Le 33° Grade appellé Souverain Gd Insp. The 33rd degree called Sovereign Grand
Gl, ou Supreme Conseil du 33° grade est Inspector general, or Supreme Council of
formé et organisé comme suit. the 33 rd is formed and organized in the
:
L’inspecteur auquel ce Grades est donné following manner, viz . The Inspector to
le premier est par ces présentes autorisé whom the degree is first given, is hereby
a le donner a un autre frère qui soit authorized and empowered to give it to
duement digne par son caractere et ses another brother, who is duly qualified,
grades et a recevoir de lui son obligation both by character and degrees, and to
,ces deux ensemble le donnent de la receive from him his obligation. These
même maniere a un 3° ensuite ils two give it in like manner to a 3rd when
admettent les autres par leur suffrage they admit the rest by voting viva voce,
donné de vive voix en Commencant par beginning with the youngest Inspector.
le plus jeune Inspecteur, un seul peut One Nay, excludes an Applicant for ever
Exclure pour Jamais un aspirant, si les – if the reasons which are given are
raisons produites, sont jugées deemed sufficient
suffisantes.
3° 3rd
Les deux premiers qui recoivent ce The two first who receive the degree in
grade, dans tour pays que ce soit seront any country, shall be the two presiding
les deux officiers président, en cas de officers. In case of death, resignation or
mort, resignation ou absence du Païs, absence from the country (not to return)
(pour ny pas revenir) du Premier officier, of the first officers, the second takes his
le second prendra sa place et nommera place and appoints (nominates) an
un Inspecteur pour succeder a la sienne Inspector to succeed in his own office. If
propre. Si le second officier venoit a the 2nf officer should die, resign or leave
mourir, resignoit L’emploi du mot « the country, the 1st officer appoints
résigner »ne doit pas surprendre. Il (nominates) another to succeed him The
signifie aussi « démissionner ». Ce n’est Most Puissant Sovereign appoints in like
donc pas un ’faux ami’. , ou quittoit le manner, the Illustrious Treasurer and
païs pour toujours le 1er officier en Secretary General of the Holy Empire,
nommera un autre pour le succeder. Le the Illustrious Grand Master of
Très Puist Souverain nommera de la ceremonies and the Illustrious Captain of
même maniere l’Illustre Trésaurier, le the Life Guards, and fills up all vacancies
Secretaire general du St Empire, l’Illustre as they may happen.
Gd Me des Ceremonies et l’Illustre Capte
de ses gardes et remplit toutes les
vavances qui peuvent survenir.
4° 4th
Chaque Insp. qui sera initié dans ce Every Inspector who is initiated into this
Sublime Grade payera d’avance entre les High degree shall previously thereto pay
mains de l’Illustre trésorier Gle du St into the hands of the Illustrious Treasurer
Empire la somme de Dix Louis de 24 General of the Holy Empire the sum of
:
Tournois Delahogue remplace les « Ten Guineas – the like fee shall be
guinées » du texte anglais par des « demanded from those who receive the
Louis d’or de 24 tournois ». Notaire sous degree of K.H. and prince of the Royal
l’ancien régime, il connaissait les Secret, which sums shall be for the use of
monnaies utilisées à l’époque. Les citer the Supreme Council/
ici donnait au texte un vernis
d’ancienneté. , la meme somme sera
euigé a ceux qui recevront le grade de
K.H. ou Prince de Royal Secret, la quelle
somme, sera pour l’usage du Conseil
Suprême
5° 5th
Chauqe Supreme Conseil doit etre Each Supreme Council is to be
compose de neuf Inspecteurs Generaux composed of nine Inspectors General ; at
donc cinq des quels, au moins, doivent least five of whom, must profess the
professer la religion chretienne Trois des Christian religion. 3 of whom, if the Most
membres, si le tres Puis Souv ou l’Illustre Puissant Sovereign or Illustrious
inspecteur sont présents, peuvent Inspector, are present, form a Council
proceder aux affaires de l’ordre et former and can proceed to business. There shall
le Conseil complet. Il n’y aura qu’un be but one Council of this degree, in each
Conseil de ce Grade dans chaque nation Nation or Kingdom in Europe – two in the
ou royaume en Europe, deux dans les United States of America, as remote from
Etats unis de l’amerique aussi eloignés each other as possible – One in the
que possible l’un de l’autre, un dans les British West Indies and one in the French
Isles anglaises de l’amerique, et un West India Islands.
pareillement dans celles françaises.
6° 6th
Le pouvoir du Suprême Conseil The power of the Supreme Council does
n’interfere dans aucuns grades not interfere with any degree below the
audessous du 17ème ou chev d’orient et 17th or Knights of the East and West. But
d’occident mais chaque Conseil et loge every Council and Lodge of Perfect
de parfaits maçons, sont ici requis de les Masons are hereby required and
reconnoitre en qualité d’Inspecteurs directed, to acknowledge them in quality
Généraux et de les recevoir avec tous les of Inspectors General, and to receive
honneurs qui leur sont dus. them with the high honours to which they
are entitled.
7° 7th
Tout Conseil ou Individu au dessus du Gd Any Council or Individual above the
:
Conseil des Princes de Jérusalem, Grand Council of Princes of Jerusalem,
peuvent porter leur appel au Suprême can appeal to the Supreme Council, in
Conseil et dans ce cas peuvent which case, they can be heard in the
comparaitre et être entendus en Council in person.
personne dans le Suprême Conseil.
8° 8th
Le grand Consistoire du Royal secret, The Grand Consistory of Princes of the
elira un president, choisi dans son sein, Royal secret shall elect a President from
mais aucuns de ses actes ne seront among themselves- but none of their
valides, qu’après avoir eté sanctionnés proceedings shall be valid, until they have
par les supremes Conseils du 33° Grade, received the Sanction & approbation of
qui, après le décès de sa majesté le Roy the Supreme Council of the 33rd who
de Prusse, sont souverains de la (after the decease of his Majesty the King
maçonnerie. of Prussia) are Sovereign of Masonry.
9° 9th
Aucun depute Inspecteur, ne peut faire The Deputy Inspector can use his patent,
usage de ses pouvoirs dans un Païs ou in any Country, where a Supreme Council
sera etabli un Conseil Suprême of Inspectors General is established –
d’Inspecteurs Generaux, a moins qu’il unless it shall be signed by the Grand
soit approuvé dudit Conseil. Council.
10° 10th
Aucun Deputé Inspecteur cy devant No deputy Inspector heretofore
recus ou qui peuvent l’etre par la suite en appointed, or who may hereafter be
vertu de cette Constitution n’aura le appointed, by virtue of this Constitution
pouvoir d’accorder des certificats ny de shall have power to grant patents nor to
donner les grades de K.H. ou des grades give the degree of H.H. or the higher
au dessus. degrees.
11° 11th
Le Grade de K.H. et celui de Prince de The degree of K.H. and the Degrees of
Royal secret ne sera jamais donné qu’en Prince of the Royal Secret are never to
présence de trois Souverains Grands be given but in the presence of 3
Inspecteurs Généraux. Sovereign Grand Inspectors general
12° 12th
Le Supreme Conseil exercera tous les The Supreme Council shall exercise all
souverains pouvoirs maconniques, dont the Sovereign Masonic power of which
Son Auguste majesté frederic 2°. Roy de his August Majesty Frederick the 2nd
Prusse étoit revetu – lorsquil sera King of Prussia is Le mot « was » (était)
convenable de protester contre les est biffé et remplacé par « is » (est). now
:
patentes de Deputes Inspecteurs comme possessed. – in recalling the patent of
Illegales, information en sera envoyé à Deputy Inspectors for improper, illegal
tous les Conseils Supremes du monde. unmasonic conduct. In which case ,
information shall be sent to all the
Supreme Councils of the world.
13° 13th
Le Suprême Conseil du 33° grade est The Supreme Council of the 33rd is
authorise « authorise », coquille authorized to depute a brother who is well
directement inspirée du texte anglais « qualified & the Sov. Gr. Com. may during
authorized ». a députer un F. et membre ….. authorize under his ……a brother
du S. Conseil pour etablir un Conseil du who is well qualified to establish a
Dr. Le manuscrit porte un D majuscule Council of the said Degree, in any
avec la lettre r en apposition. La version Country, in which it is directed to be
imprimée dans le Recueil publié par established by this Constitution who shall
Sétier (1832) dit plus simplement « dudit conduct himself as in the 2nd Article.
grade ». Grade dans quelque païs They also have power to grant patents to
designés dans la présente Constitution, a Deputy Inspectors General, who must
la charge de se conduire conformement have received the degree of K.H. to
au 2° article, ces Deputés auront aussi le establish lodges and Councils of the
pouvoir d’accorder des patentes aux Superior degrees, up to the Knight of the
députés Inspecteurs Generaux qui Sun inclusive, in a Country where there is
doivent avoir reçus le grade de K.H. pour no such Sublime Lodge or Council
Etablir des Loges et Conseils de Grades already established. The manuscript of
Superieurs au dessus du Ch. du Soleil, this Degree shall not be given to any
dans un Pays où il ny aura pas de Loges Inspector but the two first officers of the
Sublimes ou Conseils deja Etablis. Le Council, or to a brother going to a distant
Manuscrit du Grade ne sera donné a Country to establish the degree.
aucun autre Inspecteur qu’aux deux
premiers officiers du Conseil ou a un f qui
va dans un païs Eloigne pour Etablir ce
Grade.
14° 14th
Dans toutes les processions des Grades In all Processions of the Sublime
Sublimes le Suprême Conseil marchera Degrees, the Supreme Council shall walk
le dernier, et les 2 premiers officiers last, and the last of them, shall be the two
seront les derniers, le Gd Porteur senior Officers, – the Grand Standard
d’Etendard de l’ordre les précédera bearer, appointed for the occasion,
Immédiatement. dressed in uniform, with the Standard of
the Order, immediately preceding them.
:
15° 15th
Les assemblées du Conseil seront The meetings of the Council shall be
tenues chaque 3° nouvelle Lune, mais Ils held, every third moon. – but they shall
s’assembleront plus souvent si la meet oftener if occasion requires for the
nécessité le requiert, pour expedier les dispatch of business .There are two
affaires, Il y a 2 fetes dans l’année, l’une, festivals in the Year. One on the first of
le 1er 8bre lorsque nos Possessions October, when, our property was
furent sequestrees & données aux Ch. de sequestered and given to the Knights of
Malte et l’autre le 27 decembre, fete Malta, and the other on the 27th
ordinaire de la maçonnerie. December, the common Masonic festival.
16° 16th
Chaque Inspecteur General du 33° Grade Every Inspector General of the 33rd shall
sera muni de lettres de créance, have letters of credence agreably to the
conformement a la forme exprimee dans form expressed in the Degree, for which
ce Grade, pour laquelle il payera au he shall pay to the Secretary General
Secretaire General un Louis pour sa One Guinea for his trouble in affixing the
peine d »’apposition des Sceaux et un Seals – and one Guinea to the Council
Louis au Conseil pour subvenir aux for defraying the expense of the plate (
Depenses. Le Gd Sceau du Suprême ?). The Grand Seal of the Supreme
Conseil, est un Grand aigle noir a 2 têtes, Council , is a Large Black Eagle with 2
les becs d’or, les ailes deployées et heads in the attitude of flying, with a
tenant dans ses serres une Epée nue. naked sword in its claws – in a scroll
Sur un Ruban Deployé au dessous ces underneath, these words « Deus
mots – Deus Meumque Jus, et au dessus Meumque Jus » . Over his head in a semi
de l’aigle ces mots Supreme Conseil 33° circle these words « Supreme Council
Grade. 33rd »
17° 17th
Un Inspecteur General ne possede aucun No Inspector General possesses any
pouvoir individuel dans un pais ou est individual power in a Country where a
Etabli un Conseil Suprême, puisque la Supreme Council is established, as a
majorité des Voix est nécessaire pour Majority of their Votes is necessary to
rendre ses procedés legaux, Excepté en give legality to their proceedings. Except
vertu de patentes accordées by Virtue of a patent granted for special
spécialement par me Conseil. purposes by the Council ; except the Sov.
Grand Com. as is provided by in Art. 13.
18° 18th
Les sommes Provenant des Initiations All monies arising from initiations into the
dans les Conseils au dessus des Princes Council above the Princes of Jerusalem,
:
de Jerusalem seront remises dans les shall go to the funds of the Supreme
fonds du Supreme Conseil Council
Finis
Tiré des Archives du Grand Conseil Sublime du 33° Degré séant à l’Orient de
Charleston Caroline du Sud des Etats unis de L’amérique Septentrionale et Traduit
de l’anglais par moi soussigné premier fondateur des Conseils, Chapitres, Colleges,
grands Conseils et Consistoire du 32° degré sénats aux Orients de Charleston
Caroline du Sud des Etats unis de L’amerique et de la Nouvelle Orléans Delahogue
séjourna à la Nouvelle-Orléans de 1803 à fin 1804. Il y fut vénérable de la loge La
Charité mais il n’y a aucune preuve qu ’il y établit des organismes de hauts-grades (
in « Eleven gentlemen of Charleston », R.B.Harris, 1859, p.42.) Capitale de la
Louisiane et certifié conforme aux originaux J.B.M. Delahogue K.H. P.R.S. Ex Souv.
des dits Consistoire, Chapitres, Cvoleges et Grands Conseils et Lieutenant Souv.
Grand Commandeur du 33° Degré Dans les Isles et Dominations francaises de
l’amerique.
Finis
En 1804, les hauts-grades du REAA furent (ré)introduits en France par des FFø
revenant des Etats-Unis où le 1er Suprême Conseil des Grands-Inspecteurs-
Généraux avait été créé, peu de temps auparavant, en Caroline du Sud. Cet
organisme n’avait pas prévu de grades bleus spécifiques et ne connaissait que les
rituels typiquement anglo-saxons, codifiés par Thomas Smith Webb et régis par les
Grandes Loges locales.
De retour à Paris, les ex-émigrés trouvèrent une situation confuse, marquée par les
luttes intestines qui opposaient le Grand-Orient de France et les loges dites «
Ecossaises » parce qu’elles pratiquaient des hauts-grades non reconnus par celui-
ci. Le soutien inconditionnel des « Ecossais » permit aux nouveaux arrivés d’établir
une Grande Loge centrale Ecossaise et un Suprême Conseil indépendants du
GODF. Allant plus loin que leurs inspirateurs américains, ils ne se contentèrent pas
:
de conférer les hauts-grades du Rite mais rédigèrent également des cahiers des
grades bleus, qu’ils présentèrent comme seuls authentiques car « anciens ». Ainsi
naquirent les premières versions des grades bleus, dits de REAA, qui furent
pratiqués dans les loges rebelles au GODF. Très naturellement, les rédacteurs
pillèrent leurs prédécesseurs et accouchèrent de rituels syncrétiques, mêlant
éléments de la maçonnerie française classique, de celle dite de « Rite Ecossais » et
surtout d’apports anglo-saxons de style « ancien ». Le REAA bleu d’origine fut donc
un conglomérat difficilement jouable d’influences diverses et parfois contradictoires.
Le ralliement ultérieur de ces loges au GODF ne changea rien à l’affaire jusqu’à la
fin du premier Empire.
Les rituels actuels, dit de REAA, se ressentent de ces emprunts successifs qui, le
point est essentiel, ne doivent rien aux hauts-grades du même Rite et diffèrent
considérablement de leur mouture d’origine. Ce constat soulève deux questions
difficiles :
Existe-t-il une spécificité, voire une cohérence, qui lie les grades bleus et les hauts-
grades de même nom ?
INTRODUCTION
Le Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA) est le Rite maçonnique le plus pratiqué
dans le monde. Qu’on l’appelle « Ancient and Accepted Rite » dans les Iles
:
Britanniques ou « Scottish Rite » aux Etats-Unis, il est d’abord un système de 30
hauts-grades, dont la plupart ne sont, le plus souvent, conférés que par
communication. Or si on parle rarement des grades bleus de ce Rite, inconnus dans
les pays de langue anglaise, ils sont pratiqués en Europe continentale (France,
Belgique, Italie, Suisse…) et en Amérique latine. Ce qui n’empêche les bons
auteurs, Lantoine, Clément, Naudon, Palou, de rester étrangement muets sur le
sujet.
Mais ces travaux ne traitent guère des grades bleus du Rite. Leur contenu n’est que
rarement évoqué et le curieux, soucieux de savoir en quoi ces degrés du REAA
diffèrent (ou différaient) significativement des autres rituels, serait en bien en peine
de trouver une réponse à ses interrogations.
La genèse de ces hauts-grades sort de mon propos. Qu’il suffise de rappeler que
les grades actuellement intégrés à l’échelle du Rite furent élaborés en France entre
1740 et 1760 et dans les possession françaises d’Amérique, Saint-Domingue
surtout, au cours de la décennie suivante. Au début du XIX° siècle, ils furent
organisés, à Charleston, en un système de 33 grades dont les deux derniers
seulement étaient inconnus en France. Le premier « Suprême Conseil des Très
Puissants Souverains Grands Inspecteurs Généraux du 33ème degré» fut constitué
le 31 mai 1801. Initialement composé de deux membres seulement, John Mitchell
John Mitchell (1741-1816), d’origine irlandaise, joua un rôle important dans la guerre
d’indépendance. , Grand Commandeur, et Frederick Dalcho Frederick Dalcho
(1770-1836). Il succéda à John Mitchell à son décès, le 25 janvier 1816. Il
démissionna de ses fonctions le 7 novembre 1823. Médecin puis diacre (en 1816) et
:
prêtre (en 1818) de l’Eglise Episcopalienne (anglicane). , Lieutenant Grand
Commandeur, il fut porté, dans le courant de l’année suivante, au nombre de neuf
membres prévu par les Grandes Constitutions dites de 1786. Dans une circulaire,
datée du 4 décembre 1802, adressée « aux puissances maçonniques des deux
hémisphères », cet organisme nouveau affirma connaître cinquante-deux degrés (et
non trente-trois !) mais il s’empressa d’ajouter qu’il laissait les grades bleus aux
Grandes Loges « Bien que nombre de degrés Sublimes soient, en fait, le
prolongement des degrés Bleus, il n’y a pas pour autant ingérence entre les deux
institutions… Les Maçons Sublimes ne procèdent jamais à des initiations aux
degrés Bleus sans autorisation de droit accordée dans ce but par une Grande Loge
». Circulaire « aux deux hémisphères », 4 décembre 1802, rédigée par Fredrick
Dalcho, Isaac Auld et Emmanuel de La Motta, signée par John Mitchell, Souverain
Grand Inspecteur Général du 33e degré et Grand Commandeur des Etats-Unis
d’Amérique, et Abraham Alexander, Secrétaire du Saint-Empire. . Il n’y avait donc
pas, à l’époque, de grades bleus spécifiques au REAA, pas plus qu’il n’en existe
aujourd’hui aux Etats-Unis ou dans les Iles Britanniques.
Après la mort du comte de Clermont (16 juin 1771), cinquième Grand Maître de la
« Grande Loge de Paris, ditte de France », un schisme divisa la franc-maçonnerie
française.
Le Grand-Orient de France avait été fondé en 1773 par une assemblée de députés
des loges de Paris et des provinces réunis en « Grande Loge Nationale » sous la
direction énergique du duc de Montmorency-Luxembourg. Après l’adoption, le 26
juin de cette année-là, de nouveaux statuts qui prévoyaient, entre autres,
l’amovibilité des maîtres de loge, le duc de Chartres Il devint, à la mort de son père,
duc d’Orléans avant de passer à la postérité sous le nom de Philippe-Egalité. ,
cousin du Roi, fut installé le 22 octobre. Mais la Grande Loge Nationale n’avait pu
rallier à ses vues tous les maîtres de loges parisiens dont certains étaient, on peut
les comprendre, très attachés à l’inamovibilité de leur fonction, privilège que voulait
supprimer la jeune obédience. Les rebelles se constituèrent donc en « Très
Respectable Grande Loge de France », ou plutôt affirmèrent continuer la Grande
Loge, laquelle souvent se qualifia de « Grand-Orient de Clermont », voire « seul
grand et unique Grand-Orient de France » « Grand Livre d’architecture de la Très
respectable Grande Loge de France. 9 février 5789 au 5 juin 5798 ». Les éditions
du Prieuré, 1996 (en collaboration avec le musée de la Grande Loge de France). .
Le 10 septembre 1773, elle annonça la liste de ses Grands Officiers, ne
reconnaissant pour Grand Maître que le défunt comte de Clermont et pour
administrateur-général le duc de Montmorency-Luxembourg, lequel ne put que
protester contre l’abus fait de son nom.
Schisme donc, lequel dura jusqu’en 1799, sans cependant que diffèrent les rituels et
les grades pratiqués. Cette maçonnerie-là était bien « française », c’est à dire
« moderne », dans la droite ligne de l’héritage britannique quoique accommodée à
l’imagination latine, et ce depuis les premières divulgations parisiennes. Prenons
garde d’y voir l’équivalent du schisme anglais, anciens contre modernes, qui faisait
:
rage de l’autre côté de la Manche, moins encore de cette fracture toujours béante
qui sépare aujourd’hui maçonneries « libérale » et, si l’on veut, « dogmatique ». La
différence était surtout sociologique : la Grande Loge était parisienne, roturière et
bourgeoise, le Grand-Orient national, aristocratique et de bon ton, dans ses cercles
dirigeants tout au moins.
Les deux obédiences firent preuve d’un grand libéralisme en matière de rituels,
qu’ils fussent pratiqués dans les loges bleues ou les chapitres. Le Grand-Orient
passa un traité d’alliance avec les directoires du Rite Ecossais Rectifié en 1776, leur
laissant le contrôle de leurs loges Voir: Louis Charrière (1938), p. 10. , et, en 1781,
avec la loge parisienne de Saint-Jean d’Ecosse du Contrat Social, Mère-Loge pour
la France du Rite Ecossais Philosophique, à qui il laissa faculté d’affilier à ses
hauts-grades les loges qui le désireraient.
Un autre point non moins important est l’uniformité depuis longtemps désirée,
dans la manière de procéder à l’initiation. Animé de ces principes, le GøOø de
France, s’est enfin occupé de la rédaction d’un protocole d’initiation aux trois
premiers grades, ou grades symboliques. Il a cru devoir ramener la maçonnerie
à ces usages anciens que quelque novateurs ont essaÿé d’altérer, et d’établir
ces premières et importantes initiations dans leur authentique et respectable
pureté. Les loges de sa correspondance doivent donc s’y conformer de point en
point… In Ligou, 1991 : 2-3. Phrase identiques dans l’avant-propos du «
Régulateur… » de 1801, p. 4.
Le Grand-Orient, soit en son Grand Chapitre soit par ses traités d’alliance avec les
directoires Ecossais Rectifiés et la loge-mère du Contrat Social, se voulait donc le
dépositaire et le gardien de tous les grades « Ecossais » pratiqués à Paris et en
province. Le cinquième Ordre devait se réunir le premier mardi de chaque mois
mais on ne sait s’il le fit jamais. Certains le croient et pensent qu’il travaillait au
grade de chevalier du soleil Pierre Mollier, communication personnelle. .
La révolution passa par-là, qui donna aux frères d’autres préoccupations que de
maçonner à l’unisson. Après la tourmente terroriste, le Grand-Orient reprit ses
travaux en 1796 sous l’impulsion d’Alexandre-Louis Roëttiers de Montaleau (1748-
1808) qui refusa la succession du duc d’Orléans, lequel avait renié l’ordre dès
février 1793 et fut guillotiné le 3 novembre de la même année. Devenu « Grand
Vénérable », Roëttiers eut à coeur, non seulement la résurrection du Grand-Orient,
mais aussi la réunion des deux grands corps maçonniques d’avant la révolution. Il y
réussit par le concordat d’union, signé par des commissaires des deux obédiences
le 21 mai 1799, puis sanctionné par le Grand-Orient le 23 mai et par la Grande Loge
dans une assemblée extraordinaire le 9 juin In Pierre Chevallier, 1974, p. 380. . La
réunion des deux GG?.OO? de France fut consommée dans l’allégresse le 22 juin
1799 Gout, 1985, op.cit. p. 15. .
De 1800 à 1802, il fit paraître le « Miroir de la Vérité, dédié à tous les Maçons », en
quatre volumes dont le contenu est énuméré dans la bibliographie de Fesch P.
Fesch, Bibliographie de la Franc-Maçonnerie et des société secrètes, 1910, édité
par G.Deny, 1976. . Le 3ème volume contient la plupart de ses écrits sur
l’écossisme : Première circulaire à tous les Maçø Ecossø en France – Circulaire de
la Rø Lø de la Parfaite Union La Parfaite Union de Douai fut constituée par le GODF
le 12 août 1779, pour prendre rang au 3 décembre 1777. Elle fut affiliée par le Souv.
Chapitre de la Mère Loge du Rite Ecossais Philosophique le 3 mars 1784 (A. Le
Bihan, «Loges et chapitres de la Grande Loge et du Grand-Orient de France. Loges
de province ».1990 : 78). , Oø de Douay et sa profession de foi sur l’Ecossø– Motifs
du traité d’union entre le Gø Oø de France et les directoires français – Réflexions
sur l’existence du soi-disant Gø Chapø Général de France…
Abraham ne mâchait pas ses mots : sa condamnation du Rite Français était sans
appel. Dans sa « Circulaire aux Maçons Ecossais » (juin 1802), il écrivait
notamment :
La diatribe mérite qu’on s’y arrête. En effet, que dit-elle sinon que les hauts-grades
du GODF n’étaient pas ceux pratiqués dans les pays étrangers, contrairement aux
:
hauts-grades « Ecossais » Notons qu’Abraham ne parle pas des grades bleus. . Or,
les degrés additionnels anglo-saxons, Royal Arch, Mark ou Knight Templar pour ne
parler que d’eux, répandus en Angleterre et aux Etats-Unis, n’étaient pas les hauts-
grades « Ecossais » de France !
La question se pose, légitime : qu’étaient ces loges « Ecossaises » sinon des loges
conférant des hauts-grades ? Connaissaient-elles une forme particulière de grades
bleus, c’est à dire une méthode spécifique d’amener les impétrants à la maîtrise qui
les différencie des loges classiques du temps ? Certes, dans les pays de langue
anglaise cohabitaient, plutôt mal, deux traditions, celle de la Grande Loge de 1717,
dite des « Modernes », et celle de la Grande Loge « selon les anciennes
constitutions », fondée en 1751 à Londres par des maçons irlandais. Si on peut, par
analogie, parler à leur sujet de « Rite ancien » et de « Rite moderne », ce serait une
faute d’extrapoler cette situation au continent. « Ecossais » et « ancien » n’étaient
pas synonymes, pas plus d’ailleurs que « Français » et « moderne » ! Cela dit,
l’influence « ancienne » était inexistante en France et tous les rituels continentaux
du XVIII° siècle, qu’ils se disent « Ecossais » ou non, se rattachaient peu ou prou à
la tradition « moderne », sans cependant la copier servilement.
En 1760, une autre divulgation, les «Three Distinct Knocks… », révéla la teneur des
rituels «anciens dont les différences essentielles Les particularités décrites ici furent
adoptées par la Grand Loge Unie d’Angleterre après la fusion des deux Grandes
Loges rivales, en 1813. C’est ce qui explique que toutes se retrouvent aujourd’hui
dans ce qu’il est convenu d’appeler, à tort, le « Rite Emulation ». avec le Rite
moderne méritent d’être soulignées :
Elle l’avait pris dès 1788 et repris lors de son réveil…. Les principaux officiers du
GO y étaient accueillis avec tous les honneurs consacrés par l’usage, et jamais ils
n’ont témoigné la moindre peine de voir le Vivat de leurs remercîments couvert par
le Houzay Ecossais. La Rø Lø, persuadée que l’humeur ou le caprice de quelques
officiers du Gø Oø ne peut changer la nature et l’essence des choses ; que
l’Ecossisme est le seul Rit qui ait conservé dans toute leur pureté les principes et les
Statuts qui nous ont été transmis de la Montagne Sainte qui est indubitablement le
berceau de notre Ordre ; que les autres Rits n’en sont que des déviations plus ou
moins éloignées… a pris le parti qui lui convenoit, et qu’elle a dû prendre, celui de
se procurer le droit incontestable de rester Lø Ecossaise » (Gout, 1985 : 31) Cette
réplique valut à la Réunion des Etrangers d’être radiée par le GODF, le 10 juin 1803
(Kloss, 1744 : entrée 4481). .
Mais cela ne nous apprend pas en quoi cette maçonnerie «Ecossaise» différait de
celle du Grand-Orient. Il ne suffit pas de fulminer une anathème. Encore faut-il qu’il
repose sur des faits précis. Force est de constater que nous restons sur notre faim
car aucun des protagonistes de l’époque n’apporte d’éléments substantiels au
débat. Constater que le Houzay remplaçait dans les loges Ecossaises le Vivat
français peut paraître insuffisant et l’évocation de la montagne (imaginaire)
d’Hérédom, «berceau indubitable de l’Ordre», ne peut raisonnablement être
considéré comme un véritable casus belli. En-dehors de toutes considérations
proprement rituelles, les différences essentielles résidaient dans le refus d’utiliser
:
les rituels rédigés par le GODF et dans les prérogatives accordées aux détenteurs
des hauts-grades Ecossais. L’usage ne datait pas d’hier et les «Règlements
généraux» établis en 1743 «pour servir de règle à toutes les loges du royaume»
évoquaient déjà, pour les réfuter d’ailleurs, les prétentions et prérogatives des
Maîtres Ecossais. L’usage s’en était cependant largement répandu. Ce qui permit à
Gout d’écrire :
Une loge Ecossaise, c’était en effet une loge bleue restée fidèle aux rituels des
degrés symboliques antérieurs à l’instauration du Rite Français, une loge au sein de
laquelle les Frères revêtus des hauts-grades recevaient des honneurs particuliers ;
et qui, en général, croyaient observer les usages de l’ancienne maçonnerie
d’Ecosse E. Gout, 1985 : 32. Cette affirmation permet de qualifier d’ « écossais » les
rituels de toute loge pratiquant des hauts-grades. Ainsi certains qualifient-ils
d’écossais les rituels (1763) de la Vraie et Parfaite Harmonie de Mons dédiés au
marquis de Gages, conclusion pour le moins arbitraire. .
D’origine avignonnaise, voire marseillaise, apparu vers 1774, ce Rite était celui de la
loge parisienne de Saint Jean du Contrat Social créée en 1770 et travaillant selon
les rituels d’Avignon depuis 1776 R. Désaguliers, 1983, 54-55 : 94-95. . Elle avait,
en 1781, négocié avec le GODF un concordat qui lui accordait le droit de créer des
ateliers supérieurs de son Rite en France et des loges bleues à l’étranger P.
Chevallier, 1974, I : 185-194. . Bien que la loge soit tombée en sommeil durant la
:
révolution, son Rite s’était maintenu dans quelques loges de France et notamment
dans la Parfaite Union de Douai qui le pratiquait depuis 1784.
Leur lecture montre que ces rituels ne différaient guère de ceux en usage dans les
loges françaises du temps. Les « instructions » d’Avignon et du Régulateur ne
diffèrent que par la présentation et l’ordre des questions-réponses (voir annexe n° 1)
V
Au milieu du Temple et sur le pavé, séra tracé avec de la craïe, le tableau connu
de tout Maçon. Il y aura trois grands chandelliers portant chacun un flambeau :
placés, l’un au coin du tableau, entre l’Orient et le midi ; les deux autres à
l’Occident, l’un entre le midi & l’Oüest, l’autre entre l’Oüest & le Nord. R.
Désaguliers, 1983, 54-55 : 96. Reproduits dans les « Règlements Généraux de
la maçonnerie Ecossaise », imprimés à Paris par l’imprimerie de Nozou, rue de
Cléry, n°9, 1812. (Exemplaire conservé au musée de l’armée, Bruxelles).
Or cette disposition, SE-SO-NO, qui nous paraît familière puisque c’est celle du Rite
Moderne Belge, n’était pas celle des premières loges françaises. Les « tableaux »
illustrant les premières divulgations Catéchisme des Francs-maçons, 1744, fig 2 et 3
; L’Ordre des Francs-Maçons trahi et le Secret des Mopses révélé, 1745 ; La
désolation des entrepreneurs modernes, 1745 ; le Maçon démasqué, 1745, pour ne
citer qu’eux. et les gravures célèbres de Lebas montrent invariablement les
chandeliers aux angles NE-SE-SO. Dans la confession de John Coustos aux
inquisiteurs portugais, en 1743, nous lisons que le vénérable maître, siégeant à
l’Est, était flanqué de deux bougies tandis qu’une troisième brillait à l’Ouest auprès
de deux surveillants S.Vatcher, (1968) : 9-67. , disposition confirmée par les
divulgations françaises, à condition de bien les lire :
Dans les Loges regulieres & bien achalandées, ces Chandeliers hauts comme des
Chandeliers d’Autel, sont communement de forme triangulaire Les illustrations du «
Régulateur » montrent des chandeliers de forme triangulaire. & decorés des
attributs de la Maçonnerie. Les quatre points Cardinaux marqués sur le Dessein
:
reglent la place des trois Cierges, du Grand Maître Nous dirions le Vénérable
Maître. & des deux surveillants. On met une de ces lumieres à l’Orient, l’autre au
Midi, & la troisieme à l’Occident. Le Grand-Maître se place à l’Orient, entre la
lumiere d’Orient & celle du Midi Nouveau catéchisme des Francs-Maçons…,
M.CCCC.XL depuis la déluge, p.43. Ecrit anonyme sans doute de Louis Travenol.
Fesch le date de 1740, ce qui est impossible (lire 1749). Les mots soulignés par moi
démontrent que la lumière d’Orient est au NE, celle du Midi au SE. La légende
accopagnant le tableau du 3° grade confirme cette interprétation. .
Les loges du GODF avaient conservé cette disposition comme le montrent les
illustrations du « Régulateur du Maçon » (1801) : la loge d’apprenti y est éclairée
par trois bougies portées par trois grands chandeliers triangulaires placé aux angles
N.E., S.E. et S.O. Il s’agit là d’un autre exemple de la fidélité du « Rite Français »
aux traditions de la Grande Loge anglaise dite des Modernes puisque cette
disposition était celle des « nouvelles loges selon les instructions de Désaguliers »
In «Dialogue between Simon and Philip », D.Knoop, G.P. Jones, D.Hamer, 1943,
rééd. 1963 : 181. , selon un texte fondamental anglais du début du siècle précédent.
Les loges françaises suivaient ainsi la coutume de la maçonnerie dite plus tard «
moderne », celle de la Grande Loge de 1717.
La signification de ces lumières était donnée par Prichard qui, dans son « Masonry
dissected » de 1730, écrivait :
Les rituels français avaient fait un pas de plus en les dénommant « Grandes
Lumières »
La colonne des apprentis porte les lettres J-F pour Jakin et Force ; la colonne des
compagnons les lettres B-B pour Boaz et Beauté.
VI
Toute assemblée de Maçons séra appellée Loge et séra présidée par un frere
qu’on nommera Vénérable, et par deux autres freres qu’on appellera
Surveillants qui représentent les Trois Lumieres ou les Trois Colonnes de la
Loge, laquelle aura encore pour Officiers un Orateur, un Secrétaire, un trésorier,
un garde des Timbres et Sceaux, deux Maîtres des Cérémonies, un Maître
:
Ordonnateur des Banquets et deux Infirmiers et Aumoniers In Désaguliers, 1983
: 96.. L’auteur ajoute que ces articles se retrouvent inchangés dans les «
Règlements Généraux de la Mère Loge Ecossaise du Contrat Social », datés de
1780, ainsi que dans les « Règlements Généraux de la Maçonnerie Ecossaise »
imprimés par la mère Loge Ecossaise de Saint Alexandre d’Ecosse en 1805.
ces Règlements furent réédités par l’imprimerie de Nouzou, à Paris, en 1812.
(souligné par moi).
Alors que les colonnes et les lumières constituent deux ternaires distincts dans la
loge Française, ils sont ici fondus en un ensemble unique réunissant les trois
officiers principaux, les chandeliers et les supports de la loge, ensemble illustré par
la disposition nouvelle des chandeliers d’angle. Tout naturellement, les colonnes J et
B en perdront leur fonction de support de la loge.
Concluons rapidement :
le Vénérable Maître et les deux Surveillants sont à la fois lumières (les grands
chandeliers) et colonnes (Sagesse-Force-Beauté, supports de la loge),
les trois grands chandeliers, par un glissement sémantique bien compréhensible,
:
deviennent donc aussi les trois piliers-supports de la loge,
les deux colonnes J et B perdent leur signification originelle pour n’être plus que
les colonnes des apprentis et des compagnons,
le ternaire traditionnel, Soleil-Lune-Vénérable Maître, est maintenu mais son
association aux chandeliers a disparu.
logeecossaise
La seule différence significative est la fusion, au Rite Ecossais, des colonnes et des
lumières, fusion induite par leur déplacement aux mêmes angles que les colonnes.
:
Rien dans tout cela ne justifie la condamnation d’Abraham. La maçonnerie «
Ecossaise » différait peut être de la maçonnerie française classique, mais pas d’une
façon aussi radicale que le prétendait le chantre de l’écossisme. Toutes deux
relevaient de l’influence du « Rite Moderne » introduit en France avec l’Ordre
maçonnique mais adapté aux sensibilités locales. Le point de rupture ne se trouvait
pas dans les rituels des grades bleus mais bien dans le désir de conférer, comme
par le passé, les hauts-grades dans les loges et le refus de l’autorité « dogmatique »
du Grand-Orient. Il n’est pas exagéré, me semble-t-il, d’avancer que la résistance
des loges Ecossaises fut provoquée par la volonté centralisatrice du GODF et non
par l’abandon d’une certaine tradition initiatique imaginaire.
En avril 1803, l’Angleterre exigea, pour dix ans, la cession de l’île de Malte qu’elle
aurait du évacuer aux termes de la paix d’Amiens, et l’évacuation par la France de
la Suisse et de la Hollande. L’ultimatum fut rejeté par le gouvernement français et la
guerre recommença. Elle devait durer onze ans, jusqu’à la chute de Napoléon.
Dès son arrivée à Paris, de Grasse entra en rapport avec la loge Saint-Alexandre
d’Ecosse, héritière du Contrat Social, qui venait de reprendre ses travaux le 22 août
sous la présidence de Louvain de Pescheloche Il devait mourir à Austerlitz. en
relevant le titre deMère-Loge Ecossaise pour les hauts grades du Rite Ecossais
d’Avignon (dit Philosophique) Elle remplaçait la mère-loge de Grasse-Tilly, « Saint-
Jean du Contrat Social », disparue avec la révolution. Ce jour-là, Louvain de
:
Pecheloche s’en prit au GODF : « Nous sommes toujours les mêmes mais le GO a
changé : ces travaux auxquels il a si souvent applaudi, il ne veut plus les
reconnaître réguliers pour la fausse acceptation qu’il donne au mot Ecossais. Il
rejette de son sein les LL. Ecoø quoiqu’il continue à correspondre avec les GGø
OOø étrangers d’où émanent nos constitutions primitives » in Gout, 1985 : 32. . Les
événements qui suivirent sont résumés, de façon un tant soit peu lapidaire mais
exacte en tous points, par une déclaration de Grasse-Tilly, consignée dans le Livre
d’or du S.C. (d’Amérique) Il s’agit du SC « des Isles d’Amérique », fondé, on l’a vu,
à Charleston en 1802 et réveillé a Paris en 1810 par son Lieutenant Grand
Commandeur, Delahogue (de Grasse était, une fois de plus, prisonnier des Anglais).
(18 août 1818) :
En 1804, lors de notre arrivée en France, les Loges Ecossaises étaient frappées
d’anathème par le GøOø Nous communiquâmes, à Paris, les hauts grades de
l’Ecossisme à plusieurs Maçons aussi zélés que recommandables ; nous
établîmes un suprême Conseil du 33e degré pour la France. Ce Conseil, réuni à
celui du 33e degré pour l’Amérique, fit, le 5 décembre 1804 avec le GrøOrø, un
concordat qui parut si avantageux à la Maçonnerie, que ce dernier fit frapper
des médailles pour perpétuer le souvenir de son existence In Extrait du livre d’or
du Suprême Conseil. 18 août 1818 : 1-2. Cité par Gout, 1985, p.17. .
. Six de ces promus étaient, outre de Grasse lui-même, membres du Rite Ecossais
philosophique : Louvain de Pescheloche (vénérable fondateur de Saint-Alexandre),
La Tour d’Auvergne (vénérable en chaire), de Haupt (orateur), Thory (1er
surveillant), l’abbé d’Alès (trésorier) et Valence (Président du Souverain Chapitre
Métropolitain).
Pour A.Doré, ces dates sont une supercherie. Aucun atelier maçonnique, de
quelque niveau que ce soit, n’existe sans un acte constitutif, signé par ses
fondateurs et dûment archivé dans l’institution dont elle dépend. Or ce Suprême
Conseil n’a laissé aucune trace de sa fondation ! « Il n’y aura pas, écrit Doré, de
Suprême Conseil de France avant le 19 janvier 1811, et encore disparaîtra-t-il en
1814 avec l’Empire pour ne réapparaître que le 6 juin 1821 » A. Doré, 1991, p. 149.
. Gout n’est pas de cet avis. S’il reconnaît implicitement que l’acte constitutif du
Suprême Conseil manque (ne fût-ce qu’en ne le citant pas), il s’appuie sur un
discours du baron de Haupt, orateur de Saint-Alexandre, qui, le 23 janvier 1805,
évoquait, sans la dater la création du Suprême Conseil :
Subtilement, Gout argue de l’article 5 des grandes Constitutions qui stipule que
lorsque
trois (des neuf membres d’un SC), si le très puissant souverain (grand
commandeur) ou l’illustre inspecteur (lieutenant grand commandeur) sont
présents, peuvent procéder aux affaires de l’ordre et former le conseil complet
:
pour estimer que le Suprême Conseil fut de facto constitué dès que le quota
minimum de trois Grands Inspecteurs Généraux fut atteint, c’est à dire le 10 octobre
1804, date de la réception de Vidal qui, avec de Grasse lui-même et Le Tricheux,
vint compléter ce nombre Ibid. p.23 .
creascdf
Le document adopté ce jour-là débute par un « acte d’union », espèce d’énoncé des
motifs.
:
union1
Le mot « Traité » n’apparaît que dans l’énoncé des motifs, pas dans le corps du
texte.
Le titre « Ecossais » n’est cité qu’une fois, à l’article 5 des Dispositions Générales
(« les respectables frères Lacépède, Hacquet, Godefroy de la Tour d’Auvergne,
De Trogoff, Thory, Bailhache etc, …, membres de l’ancien rit écossais ancien et
accepté C’est la première fois qu’apparaît l’expression « Rit écossais ancien
accepté ». , sont proclamés affiliés libres de toutes les loges et de tous les
chapitres de France ») or la reconnaissance de ce statut était une revendication
essentielle.
:
Le pouvoir des 33° se limitait à la seule administration des deux derniers grades,
32° et 33°, les autres dépendant du Grand Chapitre général, émanation du
Grand-Orient.
Seule la prérogative inattendue de destitution éventuelle des Grands Officiers
semblait reconnaître au « Sublime Conseil » une autorité disciplinaire que rien, il
faut le dire, ne justifiait.
Ces articles ne laissaient aux 33e de Grasse-Tilly qu’une bien maigre portion. Il
contenait en germe les causes du conflit qui amena, dès l’année suivante, la remise
en cause du traité d’union. En attendant, de Grasse usa de ses pouvoirs pour
admettre, le 29 décembre, au 33e degré deux des trois Commissaires du Gø Oø qui
avaient participé à la rédaction du projet de traité, Roëttiers de Montaleau et Challan
Pour une cause inconnue, le troisième commissaire, Bacon de la Chevalerie, ne fut
pas admis au nombre des élus. , tandis que leurs collaborateurs immédiats étaient
reçus aux 30e et 31e degrés. Enfin les Rose-Croix du Rite Français, membres du
Rite lors de l’union, étaient collectivement « élevés » au dix-huitième degré du Rite
Ancien Accepté. La formule du serment prêté pour l’occasion prévoyait de
« respecter les décrets du Suprême Conseil » E. Gout 1985, p. 28. .
Les mois qui suivirent virent des événements singuliers que nul n’a jamais pu
débrouiller avec certitude. Nous n’en retiendrons que les faits qui en relation avec
notre propos.
Le 16 septembre, les mêmes décidaient que les deux Rites étaient séparés et qu’ils
travailleraient séparément chacun suivant son dogme.
Le Suprême Conseil, usant de la puissance dont il était investi par les grandes
constitutions de 1786, au lieu de remettre en activité la Grande Loge Ecossø,
conformément à la délibération des quatre-vingt-un Princø Maçø du six (sic) du
même mois, organisa, dans la même séance du 24 septembre, un Grand
Consistoire du trente-deuxième degré ; il proclama les membres appelés à le
composer, et procéda de suite à leur installation.
Il arrêta en outre qu’il organiserait dans les villes principales, aussitôt que les
circonstances l’exigeraient, des Conseils particuliers du trente-deuxième degré,
et des Tribunaux du trente-unième … On ne s’occupa point, dans cette séance,
de l’initiation aux dix-huit premiers degrés Souligné par moi. , ni de la
concession des chartes capitulaires propres à ces degrés. Le mode de cette
concession consentie par le Concordat, continua tacitement de subsister, sauf à
s’en occuper lorsque la dignité du Rit, le maintien de la puissance suprême dont
il a été investi par les constitutions de 1786, et le respect dû aux lois et statuts
généraux de chaque Rit, commanderaient de ne plus laisser concéder ces
degrés parties intégrantes du Rit ancien, par un Rit auquel ils sont totalement
étrangers ; et, à cet égard, le GøOø ne peut représenter aucun traité entre lui et
le Rit ancien, postérieur à l’arrêté de ses commissaires du 16 septembre 1805,
et à ses nouveaux statuts et règlements du 17 novembre 1806 dont il sera ci-
après parlé Cité par Pyron (1817 : 41) qui est loin d’être un témoin impartial !. .
En province ou à l’étranger :
¨ 8 loges travaillant aux deux Rites : Amiens (la Parfaite Sincérité, 13 décembre
1784), Amsterdam (Sainte Marie Louise d’Autriche, 25 octobre 1810 ; Saint
Napoléon, 5 août 1810), Gènes (Saint Napoléon (2 décembre 1805), Le Havre
(L’Aménité, 15 mai 1775), Le Saint-Esprit, près de Bayonne (la Parfaite Réunion, 12
mars 1806), Lille (la Fidélité, 21 mai 1805), Limoges (les Amis Réunis, 30 janvier 30
janvier 1805)
tripleunite
Cette loge, quoique fondée en 1801, appartenait à la Grande Loge Générale qui
n’eut, nous l’avons vu, qu’une vie éphémère, d’octobre à décembre 1804, avant de
se fondre dans le Grand-Orient de France, tandis que la Triple Unité passait sous
l’obédience de ce dernier. Point essentiel : elle avait, en 1805, pour vénérable le Fø
Fondeviolles, « propriétaire à Saint-Domingue », qui fut l’un des premiers reçus au
33° degré par Grasse-Tilly. Ce rituel dut être copié durant cette courte période qui
vit, entre autres événements remarquables, le sacre de Napoléon (2 décembre
1804) et le traité d’union du Grand-Orient et de la Grande Loge Générale Ecossaise
du Rit Ancien (5 décembre 1804).
:
La lecture du texte permet d’être plus précis encore. La consécration du néophyte
se fait « sous les auspices de la Grande (Loge) métropole d’Hérodom sous le
Régime Ecossais réuni au Gø Oø de France ». Comme la Grande Loge Ecossaise
s’unit au GODF le 5 décembre 1804 et disparut définitivement le 8 janvier 1805
Pyron, 1817 : 28 lorsqu’elle déposa ses archive et sceaux entre les mains du GODF,
on peut raisonnablement avancer que la copie fut achevée au plus tard en
décembre 1804 Le rituel lui-même pourrait être plus ancien puisque la loge fut
fondée en 1801. .
Elle est nettement plus élaborée que l’ouverture au Rite Français, de 1786 ou de
1801. On y retrouve à la fois, quoique avec quelques variantes dans les termes, les
dialogues habituels aux loges françaises (en italique dans le texte) mais aussi des
emprunts textuels à la divulgation anglaise de 1760, les «Three Distinct Knocks… »,
y compris une erreur flagrante du texte anglais reprise telle quelle dans la version
française (en gras dans le texte) ! Or on sait que cette divulgation n’est autre que le
rituel en usage dans les loges anglaises d’inspiration irlandaise travaillant sous
l’autorité de la Grande Loge Grande Loge fondée en 1751. des « Antients ».
er
:
er
Answer . To see that his Lodge is tyl’d. – F :.:. 1 S :.:. Quel est le premier
devoir d’un Surveillant en loge ?
Mas. Pray do your Duty
– C’est de voir si la loge est couverte.
N.B. The junior Deacon goes and gives
Three knocks at the Door; and if there is Le V :.:. M :.:. dit – Faites-vous en assurer
nobody nigh, the Tyler without answereth mon F :.:.
with Three Knocks: The junior Deacon er
Le F :.:. 1 S :.:. donne l’ordre au F:.:.
tells the Master, and says : ème
2 S :.:. qui le transmet au F :.:.
Worshipful, the Lodge is tyl’d. Couvreur, lequel après avoir regardé à
l’extérieur du temple referme la porte &
Mas. to jun. Dea. The junior Deacon’s ème
dit au F :.:. 2 S :.:. qui le transmet au
place in the Lodge ? er
F :.:. 1 S :.:. que le temple est à
Deacon : At the Back of the senior couvert. Celuy -ci dit au V :.:. M :.:. : Le
Warden, or at his Right-hand if he permits temple est couvert.
him. ème
– F :.:. 2 S :.:. quel est le second
Mas. Your Business ? devoir d’un F :.:. S :.:. en loge ?
Deacon’s Ans. To carry Messages from – C’est de voir si nous sommes tous
Sen. Deacon’s Ans. At the Back of the S :.:., celui ci rend compte & puis le F :.:.
er
Master, or at his Right-hand if he permits 1 S :.:. dit au V :.:. M :.:.
him.
– Nous sommes tous maçons & à l’ordre.
Mas. Your Business there ?
ème
– F :. 2 Diacre, quelle est votre place
Sen.Deacon’s Ans. To carry all Messages
en loge ?
from the Master to the senior Warden.
er
– A la droite du F :. 1 S :. s’il veut le
Mas. The junior Warden’s place in the
permettre.
Lodge ?
– Pourquoy mon F :. ?
Deacon’s Ans. In the South.
ème
– Pour porter les ordres du F :. 2 S :.
Mas. to the jun. Warden. Your Business
& veiller à ce que les FF :. se tiennent
there ?
decemment sur les colonnes.
er
:
er
Sen. Warden’s Ans. The better to observe – Ou se tient le F :. 1 Diacre ?
the Sun, at high meridian to call the Men
– Derrière ou à la droite du V :. M :. s’il
from Work to refreshment, and to see that
veut bien le luy permettre.
they come on in due Time, that the
Master may have Pleasure and profit er
– Pourquoy F :. 1 Diacre occupés vous
thereby. cette place ?
– Au Sud V :. M :.
Sen. Warden’s Answer. As the Sun sets
in the West to close the Day, so the ème
Puis s’adressant au F :. 2 S :. Cette
Senior stands in the West to close the erreur est corrigée dans le « Guide… ». ,
Lodge, paying the Hirelings their Wages il luy dit
and dismissing them from their labour.
er
– F :. 1 S :. pourquoy occupez-vous
Mas. The Master’s Place in the Lodge ? cette place ?
Sen. Warden’s Ans. In the East. – Pour mieux observer le soleil à son
méridien, envoyer les ouvriers du travail à
Mas. His Business there ?
la récréation, les rappeller du travail afin
Sen. Warden’s Ans. As the Sun rises in que le V :. M :. en retire honneur & gloire.
the East to open the Day, so the Master er
– Ou se tient le F :. 1 S :. ?
stands in the East to open his Lodge to
set his Men to Work… – A l’Ouest V :. M :. ?
Le V :. M :. en se découvrant dit
– A moy mes FF :.
Notons que la Bible n’est nulle part citée dans cette ouverture, pas plus que dans le
texte anglais d’ailleurs. Cependant, en dernière page du cahier, elle est nommément
citée :
La réception d’apprenti
En dépit de cet ajout étranger, la cérémonie est très proche du Rite Ecossais
d’Avignon et de celui, français, du Régulateur, le seul qui prévoie la consécration
par l’épée. Le Rite « ancien accepté » de la Triple Unité conserve l’essentiel de la
maçonnerie continentale, le rôle du Frère Terrible qui conduit le candidat dans ses
voyages En Angleterre, ce rôle était dévolu au second diacre. , le don de la lumière
dans le cercle des épées alors que le candidat est debout à l’ouest de la loge, les
longs développements verbeux, notamment les discours sur le vice et la vertu…
Mais il en accentue le côté théâtral par l’introduction d’épisodes dramatiques
inconnus outre-Manche : la projection du candidat dans la « cuve », la lumière en
deux temps avec l’épisode grand-guignolesque du cadavre du parjure Dans le rituel
du Rite Ecossais rectifié adopté à Lyon en 1778, la lumière était déjà donnée en
deux temps, mais sans « cadavre ». –
3.1.4. L’INSTRUCTION.
Elle surprend car elle décrit une cérémonie de réception très différente de celle qu’a
effectivement subie le néophyte. Tous les éléments typiquement continentaux en
sont absents. Rien là qui doive surprendre puisque cette instruction n’est autre que
la traduction littérale des « Trois Coups Distincts » (annexe n°2). Le rédacteur s’est
contenté de copier le texte anglais, sans se rendre compte des incohérences qu’elle
introduisait dans le produit final.
Celui-ci, en tout cas, adopta les particularités des « Antients », comme l’avait fait la
Triple Unité, lorsqu’en 1807, il publia « L’Art du Parfait Thuileur » Le manuscrit en
est conservé au Fonds Kloss. (catalogue n° XXVII-407). Il porte la date du 8ème
jour du mois de nizan 5567 (16 avril 1807). … « essentiellement destiné pour les
atteliers qui suivent ou qui suivront le Rit Ecosais ancien accepté ». Les signes,
mots et attouchements sont typiquement britanniques,(donc « Anciens ») et non
ceux du Rite Ecossais philosophique. Au grade d’apprenti, le signe se fait en portant
la m. d. en équerre, horizontalement à la hauteur de la g. ; le mot sacré est B. ; la
batterie trois fois trois coups égaux. Au grade de compagnon, le signe se fait en
portant la m. d. sur le s. g. avec le p. levé tandis que la m. g. est levée à la hauteur
de l’o., p. vers l’avant ; le mot de passe est S et le mot sacré J. Au grade de maître,
le signe d’ordre est de porter la m. étendue, le p. touchant le v., la p. en bas, et de
retirer horizontalement la m. comme si on se fendait le v. Rappelons que le signe
pénal « au ventre » n’existe pas dans la maçonnerie de style français qui ne connaît
pas de pénalité propre au grade de maître. en disant « O Lord My God ». En
chambre du milieu, il y a un signe particulier qui est de lever les deux m. en l’air, la
p. en avant, les yeux vers le ciel, et de les porter ensuite vers la terre en descendant
:
les deux m. ensemble sur le t., en disant ensemble « O Lord, My God » (signe
toujours utilisé par l’actuel « Rite » Emulation). Le mot sacré est Mohabn et le mot
de passe T.. La marche de l’apprenti se fait en trois pas en partant du pied gauche.
Remarquons qu’à cette époque, le tablier de maître était blanc doublé et bordé de
bleu (et non de rouge), portant un soleil sur la bavette. Un cordon bleu moiré,
portant le bijou (équerre, compas et règle) complétait le décor.
Le candidat, toujours conduit par le maître des cérémonies, fait ensuite cinq
voyages qui représentent les années d’apprentissage que doit accomplir tout
:
apprenti. Il est muni d’instruments, (maillet et ciseau au premier voyage, compas et
règle au deuxième, règle et pince au troisième, levier au quatrième) lors des quatre
premiers voyages mais il a les mains vides pour le dernier qui signifie qu’il doit
employer cette cinquième année à l’étude de la théorie.
Le rédacteur, se rendant sans doute compte de l’incohérence, tenta d’en corriger les
éléments les plus évidents.
Dans TDK, le candidat effectue deux tours de la loge et rencontre les mêmes «
oppositions » que lors de l’initiation. Or, selon le rituel du SCPLB, il effectue les
cinq voyages prévus par le Régulateur. Le rédacteur omit donc très logiquement
les questions 11, 12 et 13.
Le rituel ignore l’attouchement de passe, d’où l’omission de la question 20.
Point capital : le compagnon anglais reçoit son salaire dans la chambre du milieu,
tandis que son homologue continental le reçoit à la colonne de son grade, comme
l’enseignaient toutes les divulgations françaises des années 1740. Le rédacteur
aligna donc les questions 23 et 24 selon la tradition continentale, non sans
respecter la répartition « ancienne » des secrets. C’est à la colonne J et non à la
colonne B que le compagnon est récompensé de son labeur.
L’ouverture suit le modèle anglais et les diacres y ont la même fonction que
précédemment (transmettre le mot du grade, du vénérable au deuxième surveillant).
Par contre, leur rôle s’arrête là et ils n’apparaissent plus dans la cérémonie de
réception. Celle-ci est particulièrement dramatique, bien dans la ligne française :
Lors d’une réception, le dernier maître reçu se place dans le cercueil. Il est
couvert d’un linceul blanc jusqu’à la taille, le tablier relevé, le visage couvert
d’un linge blanc teinté de sang.
Le candidat est sans souliers, les bras et les seins nus, sans métaux. Une petite
équerre est attachée à son bras droit, un corde est attachée à sa ceinture. Il
porte un tablier de compagnon.
:
La mise en scène est théâtrale, sinon mélodramatique : soupçonné du meurtre car il
déclare, à tort, posséder le mot de passe, le candidat est malmené par le vénérable
qui le saisit au collet et ne le lâche que lorsqu’il est convaincu de son innocence. La
découverte du cadavre, accompagnée de commentaires menaçants, est suivie par
un seul voyage, effectué sous la conduite du maître des cérémonies et du frère
terrible qui tient le candidat par la corde. Conduit à l’occident, celui-ci gagne l’orient
« en marchant sur le premier degré de l’angle droit du carré long, en formant une
équerre sur le deuxième degré par deux pas, et sur le troisième par un seul », puis il
prononce son obligation agenouillé sur les deux genoux, les deux pointes du
compas sur chaque sein et la main sur la bible, comme dans le TDK :
Jusque là, la légende suit fidèlement le récit « ancien », tel qu’il est rapporté dans
TDK, y compris l’avertissement de Salomon aux douze compagnons : s’il ne
pouvaient trouver la parole de maître, « elle était perdue, attendu quelle ne pouvait
être donnée que par trois personnes réunies, dont Hiram faisait partie ». Dans ce
cas, le premier signe et le premier mot qui seraient fait et prononcé en retrouvant et
en exhumant le corps d’Hiram seraient substitués aux anciens signe et mot de
maître.
L’instruction qui suit n’est, une fois de plus, que la traduction littérale de TDK. Elle
est donnée en annexe. Pour aider la démonstration, sont présentées la version
originale de TDK, celle du manuscrit de Bruxelles, celle du Guide des Maçons
Ecossais et une autre version datée de 1812, conservée à la bibliothèque du Grand-
Orient des Pays-Bas (fonds Kloss, cote 123 C 45 – 56 H 45), « Lois
:
constitutionnelles, Statuts & Reglemens généraux du Rit Ecossais ou ancien
accepté ».
Son principal intérêt est son introduction qui le pose en rival du Régulateur, affirmant
ainsi la différence essentielle qui sépare Rite français et Rite écossais ancien (et)
accepté :
Quoiqu’en disent les détracteurs de la Maçonnerie Ecossaise, il n’en est pas moins
constant que les loges de ce rit sont généralement répandues dans tous les états de
l’Europe et de l’Amérique, et que le rit d’Hérédon obtient une préférence marquée
sur le rit moderne… Des correspondances sont établies, dans toutes les langues,
pour que toutes les loges, quelques contrées qu’elles habitent, puissent se procurer
ces cahiers ; et des mesures sont prises pour que les exemplaires ne soient confiés,
pour le débit, qu’à des Maçons qui se soient acquis le plus haut degré d’estime et
de considération afin que ce Guide des Maçons Ecossais n’éprouve une publicité
aussi scandaleuse que celle qu’on donne journellement aux cahiers du rit Français,
sous le titre de Régulateur du Maçon.
Si, marqués par une double influence, française et britannique, ces rituels peuvent à
juste titre s’intituler de Rite « ancien », ils diffèrent singulièrement des Rites «
Ecossais », philosophique ou rectifié, qui fleurissaient en France au XVIII° siècle.
Or, puisqu’ils se nomment bel et bien de « Rite Ecossais ancien et Accepté » et
qu’ils furent adoptés par les maçons « Ecossais », il est légitime de concevoir qu’ils
le méritaient d’une façon ou d’une autre et, partant, de rechercher une troisième
influence.
Le « Thuileur des trente-trois degrés de l’Ecossisme du Rit Ancien, dit Accepté » fut
publié par de L’Aulnaye (Delaunay) en 1813 et réédité en 1821 sous un nouveau
titre, « Thuileur des trente-trois degrés de l’Ecossisme, ou Manuel maçonnique des
divers rites pratiqués en France … Nouvelle édition, corr. et augmentée ». Il décrit
brièvement la loge d’apprenti « du Rit Ancien » :
Tentures Rouges
Trois lumières, une à l’Est, deux à l’Ouest Souligné par moi.
A l’entrée de la Loge, c’est-à-dire à l’Ouest, sont les deux colonnes, J à droite,
et B à gauche.
Titres.
Il y a un Vénérable, placé à l’Orient ; deux Surveillans, l’un à l’Ouest, l’autre au
:
Sud.
Les autres officiers d’une loge ordinaire et complète sont l’Orateur, le Secrétaire,
le Trésorier, deux Experts, le Garde-des-Sceaux, l’Hospitalier, le Maître des
Cérémonies. Viennent ensuite un Maître des Banquets, un Porte-Etendard, un
Porte-Epée, deux Diacres, l’Architecte et le Garde de Temple. En tout dix-huit.
Les décors sont un tablier blanc, bavette relevée pour l’apprenti et rabattue pour le
compagnon ; un tablier doublé et bordé de rouge pour le maître, avec, au milieu, les
lettres M.B. en rouge et un cordon bleu moiré, en écharpe, de droite à gauche.
Les secrets sont ceux du Rite ancien, les noms des colonnes B.. et J… aux 1er et
2ème grades, le mot ancien au 3ème grade, les mots de passe Sc… et Tub … aux
2ème et 3ème grades.
Quelques uns prétendent que cette réforme n’est pas due à Frédéric II. On n’a
pas l’intention d’entrer ici dans la discussion d’un fait que le Suprême Conseil de
France considère comme constant, ni exprimer une opinion particulière ; ce
n’est qu’une façon de désigner l’écossisme actuel par une chose convenue au
moins entre un grand nombre.
« Convenue » est, dans le contexte le mot juste ! Ceci n’enlève rien à l’intérêt du
texte.
Suit la liste des officiers, identique à celle de Delaunay, soit dix-huit officiers dont les
diacres.
:
Remarquons les éléments constants de la maçonnerie française : les deux colonnes
de bronze à l’ouest, le dais surmontant le trône, l’orateur. Rien de cela ne se trouve
dans les loges britanniques « anciennes ». C’est bien d’une loge française qu’il
s’agit, qui ne diffère de celle du Régulateur que par la couleur des tentures et la
position des surveillants. Si l’emplacement des trois chandeliers (des « lumières »)
est omise par Vuillaume, les indications de Delaunay nous les montre aux angles
NO, SO et SE.
La disposition des lumières d’angle est celle du Rite Ecossais pré-révolutionnaire.
Par contre, les surveillants sont disposés selon la mode « ancienne » et la situation
des colonnes correspond à la distribution des mots des deux premiers grades.
Au grade de maître, Vuillaume décrit les neuf lumières « groupées par trois », à
l’est, au sud et à l’ouest. L’habillement est un tablier doublé et bordé de rouge avec,
au milieu, peintes ou brodées en rouge les lettres M.B. Le cordon est bleu moiré,
avec au bas une rosette rouge à laquelle est attaché le bijou.
Comme de juste, les « secrets » à chaque grades sont ceux du Rite ancien.
Si c’était dans ce décor que se déroulaient les cérémonies prévues par les rituels
d’origine du REAA, la conclusion s’impose : un rituel d’inspiration hybride, alliant le
goût français du spectacle à la simplicité britannique, exécuté dans un décor
relevant d’une triple influence. Tel était en définitive le REAA aux grades
symboliques.
Français et moderne : c’est le cas du Rite Français et du Rite Suédois Je l’ai vu. .
Ecossais et moderne : c’est le cas du Rite Ecossais Rectifié, du Rite Ecossais
Philosophique et du Rite Moderne belge .
Ecossais et ancien : c’est le cas du REAA, dans toutes ses versions successives.
Il n’y a pas de Rite Français et ancien Si ce n’est la construction très récente de
René Guilly, intitulée « Rite Français rétabli » (devenu plus tard « Rite Français
Traditionnel ») et pratiquée, en Belgique par certaines loges de la Grande Loge
féminine. .
:
4. LES AUTEURS DES RITUELS BLEUS DU REAA.
Qui a rédigé ces rituels ? La question ne peut avoir de réponse assurée. Nous ne
savons pas et ne saurons peut-être jamais qui en furent les rédacteurs. Ceci
n’interdit empêcher d’avancer quelques hypothèses, basées sur quelques prémices
simples :
Ne peuvent répondre à ces critères que des maçons ayant vécu à l’étranger et
soucieux de se démarquer du Grand-Orient. Or tel était le cas de ces « Américains
» qui voulurent introduire à Paris un système en 33 degrés qu’ils présentaient
comme une forme maçonnique plus « universelle » que le Rite Français en 7 grades
que pratiquait le Grand-Orient depuis 1786. Pour arriver à leurs fins, Ils se devaient
d’offrir des rituels nouveaux pour les trois premiers grades. Or ceux-ci n’existaient
pas puisque le premier Suprême Conseil du monde, celui de Charleston, avait
précisé qu’il laissait aux Grandes Loges la communication des trois degrés de base.
Il fallait donc les inventer pour la cause. C’est ce que firent les rédacteurs en puisant
indifféremment dans les rituels existants.
Très habilement, ils intitulèrent « ancien » Ils ne firent d’ailleurs que traduire la
titulature américaine : Grand Lodge of Ancient and Accepted Freemasons. le produit
de leur compilation, comme l’avait fait avant eux Laurence Dermott, Grand
Secrétaire de la Grande Loge anglo-irlandaise de 1751, et, comme lui, ils
qualifièrent leurs rivaux de « modernes ». Dans les deux cas, la fascination
qu’exerce toute affirmation d’ancienneté suffit à donner à leur produit un aura
d’authenticité Fascination dont nous avons aujourd’hui encore de nombreux
exemples. . Mais ils eurent garde d’omettre la revendication « Ecossaise », laquelle
eut toujours sur les maçons Français un invincible pouvoir d’attraction depuis les
affirmations du chevalier Ramsay et l’apparition des premiers hauts-grades.
Peut-on être plus précis ? Le rituel de la Triple Unité est daté de 1804, ce qui
:
signifie qu’il fut soit rédigé soit copié cette année-là. Le copiste, qu’il soit ou non
l’auteur du rituel, devait appartenir à cette loge ou, à défaut, à une loge qui
partageait les mêmes préoccupations. Comme rien ne permet d’affirmer que le rituel
original fût écrit en 1804, l’enquête peut théoriquement remonter jusqu’à la date de
parution de TDK mais les circonstances historiques suggèrent que sa rédaction est
postérieure au retour des « Américains » dans leur mère-patrie.
Considérant les critères énoncés plus haut, trois noms viennent immédiatement à
l’esprit : Grasse-Tilly, Hacquet et Fondeviolles.
Grasse-Tilly était membre du Contrat Social avant son départ pour les îles. Durant
son séjour à Charleston, il fréquenta les ateliers des deux Grandes Loges locales
dont l’une était de Rite Ancien Il en fut même grand officier. . De retour à Paris en
juillet 1804, il s’employa, avec l’appui de sa loge-mère, à fonder la Grande Loge
générale Ecossaise qu’il présida en l’absence de Grand Maître. Il fut le fondateur du
Suprême Conseil de France dont il devint le premier Grand Commandeur et il traita
de puissance à puissance avec les officiers du Grand-Orient. Le traité d’Union lui
assura des fonctions importantes, tant au sein du GODF qu’au sein du Grand
Chapitre Général. Son rôle fut cependant de courte durée puisqu’il démissionna de
sa fonction de Grand Commandeur le 10 juin 1806 et s’en alla aux armées pour ne
revenir à Paris qu’en 1814. Il ne manquait ni d’audace ni d’ambition, mais avait-il les
qualités requises pour rédiger de nouveaux rituels ? On peut en douter. Rien dans
sa carrière ne le prédisposait à une vocation littéraire. Il ne fut après tout qu’un
militaire sans trop d’envergure (il ne dépassa pas le grade de chef d’escadron) et un
noble sans ressources qui souvent vécut d’expédients et se vit reprocher d’utiliser la
maçonnerie à des fins personnelles et intéressées. Tout cela n’empêche rien,
certes, mais n’en fait pas le plus susceptible d’un travail ingrat et sans beaucoup
d’éclat.
Les raisons de cette démission sont importantes car elles permettent de jeter un oeil
neuf sur les activités du Suprême Conseil de France, de 1805 à 1812.
En septembre 1805, nous l’avons vu, le Grand Consistoire des 33° et 32° avait
dénoncé le traité d’union et décidé que le Suprême Conseil aurait une existence
indépendante du GODF. Il maintint cependant les dispositions essentielles du
concordat, laissant au GO le soin de conférer les grades jusqu’au 18° et de
superviser les chapitres. Ces décisions furent suivies par l’élection de Cambacérès,
déjà Grand Maître adjoint du GO depuis le 13 décembre 1805, aux fonctions de
Grand Commandeur (1er juillet 1806), laissées vacantes par la démission de
Grasse-Tilly (10 juin 1806), et par son installation solennelle (13 août 1806). Le
premier acte du Suprême Conseil fut hautement significatif : il renonça à organiser
des ateliers de tous grades et décréta que les degrés supérieurs au 18° ne seraient
à l’avenir conférés qu’en son sein (décret du 27 novembre 1806 Livre d’or du
Suprême Conseil. ) :
Celui-ci en prit ombrage et, constatant, lors de sa tenue du 15 décembre 1808, que
de nombreux frères se décoraient de cordons et bijoux de degrés non reconnus par
lui et que les hauts-grades étaient conférés avec une facilité suspecte, il décréta
quels étaient les degrés Ne pouvaient être conférés que les, 27°, 29°, 31°, 32° et
33° degrés du Rite. qui pouvaient être conférés et ajouta que seuls étaient licites les
:
cahiers du REAA revêtus de son sceau et de la signature du secrétaire du Saint-
Empire, Pyron. Le décret ne suffit pas à remettre de l’ordre dans la maison puisque,
le 19 janvier 1811, le Suprême Conseil rappela avec force que les hauts grades
dépendaient de lui seul : «{Jusqu’au 18° degré, l’autorité réside dans le Grand-
Orient de France, de même il faut que, pour les degrés supérieurs, il y ait un centre
unique, et ce centre ne peut être que le Suprême Conseil}». Dans la foulée, il revint
sur sa décision de 1806 et décida qu’à l’avenir il organiserait des ateliers de grades
intermédiaires dans les villes de province, seule décision susceptible d’enrayer le
trafic de grades.
Pyron Pyron 1817 : 61-64. confirme que de nombreux chapitres s’étaient constitués
de leur seule autorité en Grands Chapitres (du 29°), Collèges (du 30°), Tribunaux
(du 31°) et Conseils Particuliers (du 32°). Il cite quatre chapitres de Paris, dont le
dernier, conduit par Abraham, 32°, avait créé un Tribunal à Neufchâteau (Vosges) et
reçu quelques maçons d’Angers au 31°, lesquels avaient organisé un Grand
Chapitre du 29° et un Tribunal du 31° dans cette ville.
Ces événements sont importants car ils démontrent que l’autorité du Suprême
Conseil était bien loin d’être assurée et que son activité même se limitait à ces
quelques tenues dont son livre d’or nous a laissé la trace. En-dehors de son
enceinte, chacun faisait à peu près ce qu’il voulait. D’autre part, ils confirment que
les 33° qui le composaient ne s’occupaient d’aucun degré inférieur au 19°, a fortiori
des trois premiers grades même si, on l’a vu, le nombre de loges bleues du GODF
travaillant au REAA était loin d’être négligeable. On peut légitimement en conclure
qu’ils ne furent, en tant qu’institution, pour rien dans la genèse des grades
symboliques de « leur » Rite.
Pour en revenir à Fondeviolles, cette affaire montre qu’il ne se sentit jamais lié par
les décisions du Suprême Conseil dont il était membre depuis sa fondation. Son
terrain était bien plus la Triple Unité dont il était le vénérable fondateur. Peut-on
imaginer qu’il ne participa point Je ne dis pas qu’il en fut l’auteur ! la rédaction du
rituel du 1er degré que nous avons retrouvé, émanant d’une loge dont il était le
vénérable fondateur ? Ce l’est d’autant moins qu’un rituel (de REAA) des trois
premiers grades, conservé au fonds Kloss, porte la mention « Geschreven door Br.
Fondeviolles Ecrit par le Fr Fondeviolles. ».
Reste Abraham. Certes, rien ne permet d’affirmer qu’il sut l’anglais ni qu’il séjourna
hors de France, mais il fut très actif durant la période qui nous occupe et son intérêt
pour le Rite ancien et les innovations ramenées d’Amérique ne se démentit jamais.
Il accueillit Hacquet, lors de son arrivée en France, et de leur collaboration naquit le
« Phénix » le 14 juin 1804. Nous avons vu qu’il publia, dès 1807, un « Art du Parfait
Thuileur » qui adoptait les caractéristiques du Rite ancien. Il n’en resta pas là : un «
Unique et Parfait Thuileur pour les 33 grades de la Maçonnerie écossaise », paru en
1812, lui fut également attribué, à tort ou à raison. Il fonda, en sa qualité de 32°, un
Grand Chapitre du 29° et un Tribunal du 31° degré à Neufchâteau, ateliers que le
Suprême Conseil déclara irréguliers les 2 décembre 1811 et 6 avril 1812. Le 8 avril
1812, une commission constituée de Hacquet, Challan et Chasset, déposa un
rapport devant le Suprême Conseil qui concluait qu’Abraham avait indûment conféré
des grades et délivré des cahiers de rituels aux Frères du Père de Famille d’Angers.
Ce chapitre avait bien été constitué par le GODF mais celui-ci avait pour règle de ne
donner que les grades qu’il était autorisé à conférer, c’est à dire jusqu’au 18°, et les
:
grades supérieurs donnés par Abraham l’avait été de façon illégitime. Le Suprême
Conseil déclara irrégulier ces ateliers (décret du 8 avril 1812) et Pyron d’ajouter que
les diplômes concédés par eux étaient nuls et de nul effet et qu’Abraham fut rayé du
tableau des membres du 32° degré. La même année, le 7 août, le Souverain
Chapitre Métropolitain du Rite Ecossais Philosophique, présidé par le général baron
Rouyer, mettait en garde contre un ouvrage, « Les Règlemens généraux de la
Maçonnerie Ecossaise », publié à Paris et distribué par un M. Piat qui reconnut
qu’ils les avaient reçu d’Abraham. Or celui-ci avait été employé en 1805 par le
Chapitre « pour des travaux d’écriture » et il en avait profité pour dérober un
exemplaire de ces Règlements. Enfin, le 14 septembre, le Suprême Conseil
ordonna l’envoi d’une circulaire à tous les ateliers du Rite pour les prémunir contre
le trafic des hauts-grades et cahiers de la maçonnerie, et notamment contre
Abraham qui se présentait à beaucoup de loges comme revêtu des plus hauts-
degrés du REAA, du REP et du Rite d’Hérédom de Kilwinning.
Qu’en conclure sinon qu’Abraham joua un rôle mal connu mais conséquent dans la
diffusion des grades Ecossais, en dehors de tout contrôle du Suprême Conseil dont
l’influence exacte durant la période impériale reste à écrire.
Il est cependant peu probable qu’ils aient participé à la rédaction des grades bleus :
Delahogue était encore en Amérique en 1804 Il était, cette année-là, vénérable de
la loge la Charité n° 93 à la Nouvelle-Orléans avant de recevoir, le 29 juillet une
patente, délivrée par le Suprême Conseil de Charleston, de Souverain Grand
Inspecteur Général du 33° degré et lieutenant Grand Commandeur des Indes
occidentales françaises » (in « History of the Supreme Council, 33°. Antient
Accepted Scottish Rite of Freemasonry. Northern Masonic Jurisdiction of thee
United States of America», S.H.Baynard, 1937 : 65.) , la plupart de ses partisans, à
l’exception d’Antoine, n’avaient jamais mis les pieds outre mer et leur Suprême
Conseil ne constitua aucune loge bleue avant la Restauration.
Ce Suprême Conseil prit sous sa direction des loges bleues, ce que n’avait jamais
fait le Suprême Conseil de France. Il n’avait en 1815 qu’une seule loge La Rose
Etoilée que vint rejoindre, l’année suivante, La Rose du Parfait Silence. Le 24
octobre 1818, le Suprême Conseil d’Amérique, présidé par le comte Decazes, élu
Grand Commandeur cinq jours après la démission (10 septembre ) de Grasse-Tilly,
consacra la loge Les Propagateurs de la Tolérance, « mère-loge du Rite Ecossais »,
loge aristocratique comprenant tous les 33° en activité et présidée par le général
baron Louis Joseph César de Fernig (1774-1847), initié en 1804 dans la loge Les
Amis Philanthropes à Bruxelles.
:
Il fallut attendre 1821 pour que les survivants (entre autres Valence, Muraire,
Lacépède, Fréteau de Pény) du Suprême Conseil de France décident le réveil de
leur institution et acceptent sa fusion avec le Suprême Conseil d’Amérique Les
querelles intestines consécutives à la scission du Suprême Conseil d’Amérique en
deux organismes rivaux mais homonymes, dits de Pompéi et du Prado, n’entrent
pas dans notre propos. Nous ne parlons ici que de « Pompéi ». , fusion qui fut
consacrée le 24 juin, le comte de Valence devenant Grand Commandeur, le comte
de Ségur lieutenant Grand-Commandeur, le comte Muraire et Fernig secrétaires. Le
même jour, fut installée la loge de la Grande Commanderie, organisme qui était
censé régir tous les grades jusqu’au 29ème degré. En juillet de l’année suivante, la
Grande Commanderie devint la Grande Loge Centrale, portant le n° 1 sur le tableau
de l’obédience tandis que Les Propagateurs de la Tolérance devenait le n° 2.
Que devint le rituel hybride concocté par les tenants du REAA ? Puisque le Guide
fut publié vers cette époque, il est vraisemblable qu’il fut utilisé, en tout et en partie.
Nous ignorons quel rituel était utilisé par les Propagateurs de la Tolérance. Les
procès-verbaux de cette loge, conservés à bibliothèque royale de Bruxelles, font
état de plusieurs initiations, entre 1818 et 1819, mais ne mentionnent des
cérémonies que les « épreuves ». Tout au plus peut-on dire que cette loge
connaissait les diacres. Le prince d’Arenberg était premier Grand Diacre et le comte
de Castellane deuxième Grand Diacre tandis que les FF Gaborrio et Rascol étaient
diacres titulaires.
Le Guide fut-il ensuite pratiqué par les loges dépendants du Suprême Conseil de
France après sa réorganisation en 1821 ? La réponse ne peut qu’être nuancée. Tel
quel, il était impraticable, ne fût-ce que par l’incohérence des cérémonies
proprement dites et des instructions de chaque grade. Deux solutions étaient
possibles : soit adapter les cérémonies aux prescriptions des instructions, ce qui
revenait à faire de « l’Emulation », avant la lettre, soit réécrire les instructions et,
pourquoi pas, ajouter à l’ensemble des innovations supplémentaires, aussi loin de
l’exemple britannique que du « Régulateur » français. C’est, semble-t-il, la deuxième
option qui fut choisie.
Le troisième degré subit une mutation radicale : la légende d’Hiram devient allégorie
solaire, mutation que nous développons plus loin.
Les officiers de la loge sont ceux prévus pas le « Guide » : le vénérable maître,
deux surveillants, un gardien, deux diacres, un secrétaire, un orateur, un maître des
cérémonies, un couvreur, un expert et un aumônier. La disposition de la loge est
conforme aux prescriptions de Vuillaume et de Delaunay, mais les chandeliers sont
placés « L’une à Est, vers le Sud. Deux à l’Ouest, l’une vers le Sud et l’autre vers le
Nord », selon la pure tradition Ecossaise. Au-dessus du trône se trouve un delta ou
triangle portant le tétragramme en hébreu.
L’ouverture suit fidèlement les indications du « Guide » ou, si l’on préfère, du rituel
de la Triple Unité. Seule manque la circulation du mot du grade, du vénérable au
second surveillant par l’intermédiaire des diacres. Les circonstances de l’initiation
suivent le même schéma, y compris la prière et la question de la croyance en Dieu,
avec cependant quelques modifications non négligeables :
C’est le premier diacre qui introduit le candidat puis le conduit lors de ses voyages
:
(il est alors dénommé F. Terrible).
Le candidat est purifié par l’air lors du premier voyage, par l’eau au deuxième et
par le feu au troisième. De même les bruits divers, les cliquetis d’armes, le silence
enfin accompagnent les trois voyages, comme c’est l’usage aujourd’hui dans les
loges belges de Rite « moderne ».
La lumière est donnée en un temps, suivant l’exemple du « Régulateur », sans
l’épisode du cadavre du parjure.
L’obligation est prise devant l’autel, le candidat à genoux, la main droite sur l’épée
nue, l’équerre et le livre des statuts de l’ordre (et non plus la bible), la main gauche
tenant le compas ouvert à 60°, une pointe sur le coeur, l’autre dirigée vers le bas. Le
vénérable renvoie ensuite le candidat à l’ouest, entre les colonnes, où la lumière lui
est donnée dans le cercle des épées. Suit la consécration, à l’est, par trois coups
sur l’épée placée sur la tête de l’impétrant. La formule utilisée diffère quelque peu
dans les deux rituels publiés :
L’instruction est d’un intérêt fondamental car elle démontre que l’influence «
ancienne », si prégnante dans le « Guide », fut considérablement atténuée. Les
:
questions-réponses ont été réécrites, pour les aligner sur la cérémonie mais aussi
pour les adapter au goût du discours moralisateur si caractéristique de l’époque. La
description de la réception est conforme aux péripéties vécues par le néophyte et
les voyages décrits comme le passage du chaos à l’ordre et à la paix. La description
de la loge apporte quelques précisions inédites :
Où travaillez-vous ?
Dans une loge.
Comment se nomme votre loge ?
Elle a pour nom générique la loge saint Jean ;
Que veut dire cette dénomination ?
Comme St Jean que les Anciens nommaient Janus semble garder les portes du
ciel et les ouvrir à l’astre radieux du jour la route céleste que parcourt le soleil
Phrase curieuse dont manquent sans doute un ou plusieurs mots. La traduction
anglaise est tout aussi incorrecte. , fut nommé le temple ou l’empire de Janus ;
de même aussi la loge où travaillent les maç Pour parvenir à la connaissance
de la Vérité qui est la vraie lumière, a été nommée la loge St Jean parce qu’elle
est l’image de l’Univers
Comment est construite votre loge ?
C’est un carré long, sa longueur s’étend de l’Est à l’Ouest, dont la largeur est du
Nord au Sud, la hauteur de la terre au cieux, et la profondeur de la surface de la
terre au centre.
Comment est couverte votre loge?
Par une voûte de couleur d’azur parsemé d’étoiles sans nombre, et où circulent
le soleil et la lune, et d’innombrables globes qui se soutienne par leurs
attractions pondérées.
Quels sont les soutiens de cette voûte ?
Douze belles colonnes.
La loge n’a-t-elle pas d’autres appuis ?
Elle est encore fondée sur trois piliers.
Quels sont-ils ?
Sagesse, Force, Beauté. Trois des principaux attributs de la Puissance
Suprême.
Comment sont représentés dans la loge ces trois attributs de la puissance Sup?
Par trois grandes lumières
Comment sont placées ces trois grandes lum?
Une à l’Est, une à l’Ouest et la 3° au Sud. Ordo ab Chao, 1999 : 544-545.
:
Remarquons aussi que les Grandes Lumières ne sont pas constituées par
l’ensemble bible-équerre-compas, selon l’usage « ancien », mais par les trois
chandeliers d’angle, sans cependant qu’elles ne renvoient au ternaire « moderne »,
soleil-lune-maître de la loge.
Dieu soit loué ! Le Maître est retrouvé, et il paraît aussi radieux que jamais.
(Après avoir conduit le néophyte à l’orient, il ajoute) Célébrons, mes Frères, par
des acclamations de joie cet heureux jour qui ramène sur notre atelier attristé
depuis si longtemps la lumière qui en paraissait bannie pour toujours ; notre
Maître a revu le jour, il renaît dans la personne de notre Frère… Ibid. 1999 :
631-632.
Au 1er grade, la purification par l’eau s’ajoute à celle par le feu, ce qui ne manque
pas de logique, d’autant que le Rite Français les connaissait depuis 1786 Notons
que le rituel d’apprenti du Rite de Misraïm, daté de 1839, prévoit les épreuves da la
terre (cabinet de réflexions), de l’eau (1er voyage), du feu (2ème voyage) et de l’air
(3ème voyage). C’est à ma connaissance la première mention explicite des quatre
éléments. Ce rituel mêle éléments du Guide (notamment les secrets « anciens ») et
du Régulateur. Les diacres y sont nommés « lévites » (manuscrit 1207 de la
bibliothèque de Toulouse, réédité dans Serge Caillet, 1994 : 35-75). .
Les enseignements distillés au candidat lors de ses cinq voyages au 2ème grade
méritent qu’on s’y arrête. Les cinq sens et les sept arts libéraux ne posent guère
problème : ils étaient déjà expliqués dans l’instruction d’apprenti de TDK comme
dans celle du Guide et leur insertion dans la cérémonie de réception du compagnon
n’était finalement qu’une modification scénique. Par contre, l’apparition des cinq
ordres d’architecture et des deux globes était une innovation réelle dont l’inspiration
doit être trouvée aux Etats-Unis. Elle se trouve en effet dans un ouvrage célèbre
outre atlantique, le « Freemason’s Monitor or Illustrations of Masonry » de Thomas
Smith Webb (1771-1819), ouvrage, publié pour la première fois en 1797, plusieurs
fois réédité du vivant de l’auteur comme après son décès, qui exerça une influence
considérable sur la mise en forme des cérémonies pratiquées aux Etats-Unis et
valut à Webb le titre de « père du Rite Américain » Erronément appelé, aujourd’hui,
« Rite d’York » en France. Rappelons que cette expression, aux USA, désigne un
ensemble de grades additionnels au trois grades symboliques, du Mark Master au
Knight Templar en passant par le Royal Arch et les degrés « cryptiques ». .
:
Or, dans l’ouvrage de Webb, les « Remarques sur le second discours » contiennent
une « exhortation à l’initiation au second degré » Webb, 1797 : 61-84. , en deux
sections. La première présente une dissertation sur les cinq ordres d’architecture
des Anciens et sur les cinq sens ( par eux, l’homme peut découvrir la nature et la
bonté divine). La seconde illustre et explique les sept arts libéraux et la doctrine des
sphères, terrestre et céleste, dont la contemplation doit inspirer la révérence pour la
divinité, tous éléments qui se retrouvent dans tous les rituels américains actuels, au
deuxième degré, en des termes souvent identiques à ceux de Webb. C’est là,
croyons-nous, qu’il faut chercher l’inspiration des réviseurs du rituel de compagnon
du REAA.
Mais Webb lui-même n’inventait rien. En effet, on sait qu’il suivit fidèlement l’oeuvre
d’un de ces prédécesseurs, l’écossais (mais londonien d’adoption) William Preston
(1742-1818), dont les « Illustrations of Masonry » parurent en 1772, avant de
nombreuses éditions ultérieures. C’est dans cet ouvrage que se trouve le texte que
copia littéralement Webb. Il s’y intitule de même « Remarques sur le deuxième
discours » et contient l’explication des cinq ordres d’architecture, des cinq sens, des
sept arts libéraux et des globes Preston, 13° édition, 1821 : 47-67. Dans de
nombreuses loges anglaise actuelles, les piliers supportant les « petites lumières »
sont respectivement d’ordre ionique (pour le vénérable maître), dorique (pour le 1er
surveillant) et corinthien (pour le 2ème surveillant). Quant aux globes, ils surmontent
les colonnettes placées sur le plateau des deux surveillants. .
C’est notre Maît ! s’écrièrent-ils ; c’est notre Maît ! » L’un d’eux voulut essayer
de le soulever : mais son trouble fut si grand, qu’il s’écria que la chair quittait les
os !…Et leur consternation fut extrême ! Cependant le Maît les entendait ; il
n’était pas mort, il avait dormi seulement Souligné par moi. ;le repos avait guéri
ses blessures, et se levant doucement à l’aide d’un Maç Fidèle, il leur dit : «
cessez de pleurer ; ne craignez point. Vous m’avez cherché, vous m’avez
trouvé. Me voilà ! ». Et son visage devint radieux comme le soleil. Des Etangs,
1825 : 99-100.
La lecture nouvelle de la légende d’Hiram lui enlevait son caractère d’origine. Son
assimilation à un phénomène naturel transformait le mythe en une allégorie naïve. Il
n’en est pas moins curieux de constater que cette mutation, proposée par un maçon
du Rite Français, fut immédiatement adoptée par les tenants du REAA.
Sous le rapport astronomique, Hiram est l’emblème du soleil. Le mot Hiram marque
l’élévation, et de là est venu celui de pyramide, en y ajoutant l’article oriental p.
Hiram-Abi signifie père élevé; Adonhiram présente à peu-près le même sens, Adon,
d’où l’on a fait Adonai, signifiant Seigneur. Comme la reconnaissance pour
l’heureuse influence de l’astre vivifiant est la base générale des cultes anciens et
modernes, soit directement, soit indirectement sous des formes symboliques, l’Arch
? du T? est le représentant du soleil, et pour ceux qui remontent jusqu’à son auteur,
de Dieu lui-même, de Jéhovah, nom que l’on donnait au Grand-Etre, et au soleil, qui
en est l’image sensible. La mort d’Hiram est donc comme celle d’Osiris, d’Iacchus,
d’Hercule, de Mithra, et de bien d’autres, le symbole de la marche apparente du
soleil, qui s’abaissant vers l’hémisphère austral, est dit figurément vaincu, pars suite
de la même allégorie, comme le génie du mal. Mais il revient vers notre hémisphère
: alors il est vainqueur, il est censé ressusciter. Aussi, dans les trav? de M?, le
représentant d’Hiram se relève glorieux, et ces trav?, qui avaient commencé d’une
manière lugubre finissent par un appareil d’éclat, et par des acclamations de
triomphe et de joie. « Cours … », 1841 : 189-190.
Maintien des formes (disposition des colonnes, mots…) mais abandon partiel du
fond du Rite
ancien (Grandes Lumières, perte de l’ancien mot du maître, règle de trois …).
Alignement sur le Rite Français (épreuves par les éléments).
Emprunts aux rituels américains (les développements du 2ème degré).
Déisme diffus et lecture naturaliste du mythe d’Hiram (allégorie solaire).
:
5.4. LES RITUELS DE LA GRANDE LOGE DE FRANCE DE 1896.
L’histoire du Suprême Conseil de France, au cours du XIX° siècle, fut loin d’être
paisible. Depuis qu’en 1821 il avait pris sous son obédience des loges bleues, il
rencontrait l’opposition des maçons de base qui n’acceptaient pas la tutelle
hiérarchique très lourde d’un organisme formé de membres cooptés à vie et
nécessairement réactionnaires, par leur position sociale comme par leur âge. Cette
opposition se manifesta à plusieurs reprises, par la création de l’éphémère Grande
Loge Nationale en 1848, par celle du Comité Central du Rite Ecossais réformé en
1868, par celle enfin de la Grande Loge Symbolique Ecossaise (GLSE) en 1879.
Dans tous les cas, le rejet des hauts grades et des structures oligarchiques fit
l’unanimité. L’exigence démocratique se traduisit par l’apparition du slogan « le
maçon libre dans la loge libre », imaginé au sein de la GLSE et destiné à faire
recette.
Cette évolution alla de pair avec la tentation positiviste qui déborda largement le
seul Grand-Orient. Les Maçons Ecossais attaquèrent aussi le Grand Architecte et
proposèrent à la Grande Loge Centrale en 1868 sa suppression, ce qui fut accepté
le 29 novembre 1869 par 26 voix contre 6. Le Suprême Conseil empêcha cette
exécution mais la fronde continua. Le Grand Commandeur, Adolphe Crémieux crut
trouver un accommodement en produisant fin 1873 un décret qui se voulait
conciliant :
Le Suprême Conseil
Considérant que comme témoignage de la communauté des sentiments qui
unissent tous les maçons, il convient d’affirmer la devise maçonnique : Liberté,
Egalité, Fraternité ;
Considérant en outre qu’il est de l’intérêt du rite de ramener l’intitulé des
planches à une formule uniforme :
Décrète
Toutes les pl Maç devront à partir de la date du présent décret, porter l’en-tête
suivant
A.L.G.D.G.A.D.L’U.
Au nom et sous les auspices du Suprême Conseil pour la France et ses
dépendances
Le nom de l’At et son numéro
Liberté, Egalité, Fraternité.
:
Si elles avaient fonctionné sur un mode démocratique, les loges Ecossaises
auraient supprimé l’évocation du GADLU dès 1869, décision que ne prit jamais le
GODF qui se contenta de la déclarer facultative le 26 octobre 1878 Le convent de
septembre 1877 supprima de l’article 1er des Constitutions du GODF l’obligation de
la croyance en Dieu et l’immortalité de l’âme. Le GADLU ne fut pas évoqué. . Le
Suprême Conseil ne put s’y résoudre et, au contraire, adopta la résolution du
convent des Suprêmes Conseils, tenu à Lausanne en septembre 1875, qui
prévoyait :
:
Rituels GLDF 1904
Le candidat est dépouillé de ses métaux et préparé (sans habit, le pied gauche en
pantoufle, les yeux bandés) par l’expert et son testament remis au maître des
cérémonies. Suivent la présentation du candidat à la porte, l’interrogatoire d’identité
et l’introduction sur la pointe de l’épée de l’expert.
A peine admis, le candidat est interrogé sur la liberté, la morale, la vertu, le vice en
des termes qui ne diffèrent guère de ceux du « Guide ». Il lui est ensuite demandé
un premier serment sur la coupe des libations. Les trois voyages sont conduits par
l’expert et rythmés par les trois « obstacles » classiques depuis le TDK. Le
deuxième est suivi par la purification par l’eau, le troisième par les flammes, le tout
ponctué par des discours sentencieux du vénérable. Viennent alors l’épreuve de la
saignée et celle de la bienfaisance, puis la montée à l’orient par les trois pas
d’apprenti. L’obligation est prise debout, la main droite sur les Statuts généraux de
l’Ordre, la main gauche supportant le compas. Elle comprend les mots « en
présence du GADLU » et la pénalité traditionnelle. Ramené entre les colonnes, le
néophyte reçoit la lumière, en un temps, dans le cercle des épées. Il est ensuite «
créé, reçu et constitué apprenti maçon, 1er degré du REAA « Au nom du Suprême
Conseil » dans SC, « Au nom de la Grande Loge de France » dans GL. » par trois
coups de maillet sur l’épée placée sur sa tête. Les secrets sont très normalement
ceux du Rite ancien.
Cette prière mise à part, ne subsistent du Rite ancien que l’entrée sur la pointe de
l’épée, les obstacles rencontrés au cours des voyages et les secrets du grade, le
tout noyé dans un déluge verbal dont le Guide déjà avait donné l’exemple.
Les observations préliminaires prévoient quatre cartouches portant les noms des
cinq sens, des quatre ordres d’architectures, des arts libéraux et des philosophes
(Solon, Socrate, Lycurgue, Pythagore et, dans SC seulement, INRI). Au milieu de la
loge, vers l’est, se trouvent deux sphères, placées sur « l’autel du travail » et, à l’est,
une étoile Flamboyante ayant au centre la lettre G.
Après l’ouverture, le candidat est introduit et interrogé par l’expert sur quelques
questions de l’instruction d’apprenti. Après avoir écouté un discours du vénérable lui
apprenant qu’au grade précédent on lui a ouvert a porte des sciences et fait de lui
:
un homme nouveau, il effectue cinq voyages sous la conduite de l’expert. Comme
c’était le cas au progrès de l’Océanie, il découvre successivement les cinq sens, les
quatre ordres d’architecture et les sept arts libéraux, commentés avec plus ou moins
de bonheur par le vénérable Ces commentaires sont nettement plus courts dans
GL. . Au quatrième voyage, il rencontre les philosophes cités plus haut. Les mots
INRI, omis dans GL, sont commentés de la sorte dans SC :
INRI. Ces quatre lettres ne sont point un nom, mais l’inscription mise sur la croix
du Christ, et d’après la légende chrétienne, elles signifieraient « Jesus
Nazarenus Rex Judeorum ». Jésus est adoré comme un Dieu par les chrétiens,
il doit être respecté comme un sage par les philosophes. Sa doctrine,
essentiellement humanitaire, pourrait se résumer en ces mots : « Aimez-vous
les uns les autres ». Il fut crucifié pour sa morale et ses enseignements, qui
depuis ont rempli le monde.
Sois glorifié ! ô travail, sois béni par les enfants de la veuve pour tes présents
du passé, et sois béni pour tes bienfaits de l’avenir.
(levant la main) Gloire au travail.
Tous les FF présents lèvent la main et répètent :
Gloire au travail.
On voit briller à l’est une étoile dont les cinq points figurent les sens ; elle se
nomme l’Etoile flamboyante.
Cette Etoile Symb ne contient-elle aucun autre emblème ?
On voit au milieu la lettre G, qui signifie Géométrie, l’une des sciences les plus
élevées qu’ait produites le génie de l’homme. C’est pourquoi je vois encore
dans cette lettre le symb par excellence de l’intelligence humaine.
:
La suite est classique : le candidat est étendu sur le cercueil et couvert du drap noir
avant d’être relevé par le très respectable et les deux surveillants, relèvement qui
est plutôt une résurrection comme l’attestent les premiers mots que prononce le très
respectable :
Célébrons, mes FF, par des acclamations de joie, cet heureux jour qui ramène
sur notre At attristé depuis si longtemps la lumière que nous croyions à jamais
perdue. Notre Maître a revu le jour, il renaît dans la personne du F N…
Retour de la lumière, sinon du soleil, tel est donc le fin mot du mythe d’Hiram.
L’instruction va plus loin encore et ajoute à l’ordalie de l’architecte une inattendue
réminiscence chrétienne :
Et le récit se termine, dans le rituel, par une conclusion bien dans l’air du temps : «
Salomon était obligé de reconnaître une force nouvelle à côté de laquelle
jusqu’alors il était passé sans même la soupçonner. Cette puissance, c’était le
PEUPLE ».
L’autel est dit « autel des serments ». Le plateau du vénérable, situé au pied des
marches d’Orient, supporte les Constitutions d’Anderson de 1723 et la Constitution
de la GLDF, ouverte, sur laquelle sont placés une équerre et un compas. Au mur
d’Orient se trouve le delta portant, en lettres hébraïques, le tétragramme.
que les Obligations seront prêtées sur l’Equerre et le Compas et un livre de la Loi
Sacrée, ce dernier étant considéré sans aucun caractère religieux particulier,
comme symbole de la plus haute spiritualité dont s’inspire le Maçon qui s’engage à
oeuvrer éternellement à dégager l’Ordre du chaos J.Corneloup . Universalisme et
Franc-maçonnerie. Hier et aujourd’hui. 1964 : 94. .
Les « trois Grandes Lumières » furent donc replacées sur l’autel des serments,
tandis que la patente de constitution était exposée devant le plateau du vénérable,
l’œil symbolique remplaçant le tétragramme dans le delta. Lors de l’allumage des
chandeliers, il fut spécifié qu’il s’agissait des « petites lumières » et c’est un ancien
vénérable qui devait ouvrir la bible, sous l’équerre formé par la canne et l’épée du
maître des cérémonies et de l’expert, comme il le fait en Angleterre sous les cannes
des diacres « Deacons », erronément traduit par « experts » dans la version
française du Rite Emulation en usage à la GLNF. . Après plus d’un siècle, le REAA
retournait à la tradition « ancienne » de la maçonnerie britannique.
En 1965, le REAA fut apporté à la GLNF, qui ne connaissait jusque là que le « Rite
Emulation » et le Rite Ecossais Rectifié, par des transfuges de la GLDF, dans des
circonstances dramatiques qui ont fait couler beaucoup d’encre mais sortent de
notre propos. Très naturellement, les rituels n’en furent guère affectés, le gros du
travail étant déjà réalisé.
Le rituel conserve quelques unes des particularités « romantiques » que nous avons
décrites. Ainsi le symbolisme solaire n’a pas entièrement disparu et le thème de la
:
résurrection est toujours bien présent. Lorsqu’il découvre le cadavre, le vénérable
dit :
On croirait qu’il respire encore. Son noble visage, respecté par la mort, exprime
le calme de la conscience et la paix de l’âme, tant l’empreinte de la vertu était
profondément gravée sur ses traits.
…Le Tombeau d’Hiram renferme toutes les traditions perdues. Mais Hiram
ressuscitera…
Comment, dans nos mystères, s’opère la résurrection d’Hiram ?
Par le concours de trois MM Maç éclairés et fidèles…
Quelle peut donc être la signification (de la fin d’Hiram) ?
Envisagé comme Rite Solaire, le drame d’Hiram peut se référer à la marche
apparente du soleil : les trois meurtriers seraient alors les trois derniers mois de
l’année, pendant lesquels le Soleil descend dans les Signes Inférieurs et semble
fuir à jamais notre hémisphère. Cependant, après le Solstice d’Hiver, on le voit
se relever et bientôt il reparaît dans tout son éclat. De manière analogue, nous
voyons notre R M Hiram sortir de son tombeau et revenir à une vie nouvelle.
Rien dans la cérémonie ne rappelle la perte de l’ancien mot du Maître. Par contre
l’instruction réintroduit le thème essentiel de la perte et du choix d’un mot substitué :
L’autre rituel utilisé à la GLNF est appelé « 1802 ». Il diffère peu du « Cerbu ».
Comme lui, il comporte les épreuves par les éléments au 1er grade, « le juge
suprême » et la conduite compagnonnique au 2ème grade. Les cinq sens, les
ordres d’architecture et les arts libéraux sont présentés, mais sans commentaire
cette fois, lors des voyages du compagnon. Les globes ont disparu mais le Travail,
présenté comme une mission, voire une religion, est toujours bien présent au
dernier voyage.
Comme dans le « Cerbu », la loge de maître est divisée en deux compartiments par
un voile noir et elle n’est éclairée que par une seule lumière Rappelons qu’aux rites
hérités du xviii° siècle (Français, écossais philosophique et écossais rectifié), la loge
est éclairée par neuf lumières, allusion aux neuf maîtres envoyés à la recherche
d’Hiram. portée par la colonnette ionique du vénérable. Le récit du drame, au cours
:
de la cérémonie, reste bien dans l’optique naturaliste précédemment décrite (ce qui
suffit à rendre anachronique la date « 1802 » indûment attribuée à ce rituel). Nulle
mention n’y est faite de la perte du mot du maître. Quant à l’instruction, elle reprend
l’explication allégorique d’Hiram, image du soleil, avant de poursuivre par les
dialogues extraits du rituel Emulation et cités plus haut qui explicitent le thème de la
perte du mot.
7. REMARQUES FINALES.
Les grades bleus du REAA ne constituent pas un ensemble monolithique et
immuable. Apparus dans un contexte maçonnico-politique précis, la période
napoléonienne, ils subirent des changements successifs jusqu’à rendre
méconnaissable leur version d’origine. Loin de témoigner d’une tradition « de temps
immémorial », ils furent sans cesse remaniés et adaptés au goût du temps, ce qui
explique qu’aujourd’hui s’en réclament des loges qui utilisent des rituels très
différents, diversité qu’explique l’histoire interne, si souvent négligée, des rituels
eux-mêmes.
Ces deux dernières lectures sont, sous les apparences, toujours visibles dans les
versions actuelles du grade de maître selon le REAA, leurs rédacteurs n’ayant,
semble-t-il, pas perçu leur caractère antinomique.
La version du Guide, pour faire court, s’articule assez bien avec les grades
d’achèvement, très mal avec les grades de vengeance devenus redondants, mieux
avec les grades centrés sur la découverte du mot perdu. L’adoption des
particularités du Rite ancien (disposition des colonnes d’orient, déplacement des
surveillants, répartition des secrets) n’apporte ni n’enlève quoi que ce soit à
l’économie du système, bien qu’ils ne correspondent pas aux prescrits des hauts-
grades. Ceux-ci, ne l’oublions pas, furent imaginés par des maçons de tradition et
de formation « Française » qui ignoraient tout du Rite Ancien d’Angleterre. Rien
d’étonnant donc si les hauts-grades paraissent souvent plus « modernes » qu’ «
anciens » . Ainsi les surveillants lorsqu’il y en a deux Notamment aux 14ème,
18ème, 30ème et 32ème degrés, qui sont les plus importants du système. , sont
toujours disposés à l’occident, selon l’usage « moderne », les mots de passe sont
communiqués durant la cérémonie et non avant, les colonnes sont placées suivant
la règle moderne…
Qu’en conclure sinon qu’il a manqué au Rite un Willermoz pour établir une
cohérence sans faille aux étapes successives de l’ensemble. Dans l’état actuel,
aucune des variantes des grades symboliques du REAA ne justifie l’affirmation que
les 33 degrés du REAA constitue un ensemble unique et obligé. Est-il hérétique de
penser que les grades bleus de tout Rite prépare également à l’enseignement des
hauts-grades du Rite Ecossais Ancien et Accepté ?
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