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SOURICIERE

"Tout dégât collatéral sera déduit de vos primes par la Confédération."


- Ceci était un rappel du bureau de com' des Démons Hurlants -

***
Dôme Ellington, Eridania City, Août 2515

La nuit était tombée sur Eridania City et les néons se joignaient désormais aux
enseignes holographiques et à la réalité augmentée pour illuminer les rues du dôme
Ellington. Au loin, les imposantes tours corporatistes ressemblaient quant à elles à un
gigantesque patchwork lumineux qui trahissait la présence de salariés dociles en leur sein.
Et pendant que les esclaves corporatistes s’afféraient à leurs tâches, le taxi-drone dans
lequel se trouvait Akronn et le reste de l’équipe arrivait aux abords de Sumner Junction.
L’endroit était parcouru par une foule hétéroclite venue rendre visite aux dealers du Daga
ou plus simplement pour s’encanailler dans les bars et boites de nuit du district. Les
Spectres, eux, avaient rendez-vous. Le véhicule automatisé s’arrêta et Akronn pu enfin en
sortir. Tout en dépliant avec satisfaction ses long bras cybernétiques, il posa son regard
sur les néons du Magic Carpet Ride, un "singing room" daeyaméen qui n’avait rien de
particulier au premier abord.

- Allons-y, lança Melvyn en désignant l’endroit d’un signe de tête.

La foule s’écarta sur le passage des spectres, attirant sur eux bons nombre de
regards teintés de méfiance ou de respect. Ils entrèrent dans l’établissement daeyaméen
et furent conduit par un employé jusqu’à un couloir bordé de portes numérotées. Comme
tous les singing room, le Magic Carpet Ride possédait plusieurs salons privatifs insonorisés
utilisés en temps normal pour reprendre entre amis les hits musicaux du moment tout en
consommant alcool et autres nano-stimulants légaux.

- Elle vous attend, fit l’employé avant de laisser les spectres seuls devant le salon
numéro 8.

Contrairement aux autres, celui-ci était entièrement sécurisé et totalement coupé


de l’infosphère. Il s’agissait en fait de l’un des points de chute de Yuna Page sur Eridania.
Les spectres lui avaient demandé de l’aide pour localiser Vartann Adams et l’ancienne
spectre avait été ravie d’accepter le challenge. Comme à son habitude, son accueil fut
amicale et, une fois tout le monde installé, elle alluma un petit holoprojecteur puis
commença à partager le fruit de ses recherches.

- Après votre appel j’ai beaucoup réfléchie, expliqua-t-elle. Et puisqu’il semble


impossible de découvrir où Adams se terre, j’ai tenté une autre approche.

Au milieu du salon, une projection holographique montrant la liste des reliques


Atlantes volés par Adams et ses hommes au cours des deux derniers mois se matérialisa.

- D’après mes recherches, poursuivit Yuna, si l’on excepte les piles Ætheriques et
l’attaque du vaisseau où vous avez capturé Adams, tous les artefacts que les
Atlantes ont volés appartenaient à une seule et même expédition : celle des
archivistes Sanders-Hardmuth menée sur Solaris.
- Ah ? fit Melvyn en levant un sourcil interrogateur.
- Qu’est-ce qu’ils ont ramenés de leur expédition exactement ? Demanda Assaï
avec une pointe de curiosité dans la voix.
- A l’origine, les archivistes étaient partis sur Solaris pour étudier les gravures
d’un ancien temple Atlante, expliqua Yuna. Une fois sur place, ils ont découvert
une entrée secrète menant à ce qu’ils ont décrit comme une chambre funéraire.
Ce sont les reliques contenues dans cette salle qu’ils ont ramené avec eux.
- Mais qu’est-ce qu’Adams va bien pouvoir faire avec ça ?! s’interrogea Melvyn
qui ne voyait visiblement pas l’intérêt de ces vols. Et quel rapport avec les piles
Ætheriques ?
- Ca a peut-être une grande valeur religieuse pour eux, se hasarda Fx.
- Possible, fit Yuna en affichant de nouveaux objets sur l’holoprojecteur. Quoi qu’il
en soit, si mes sources sont correctes, il ne reste plus qu’une poignée de reliques
issue de cette expédition encore en circulation…

Akronn voyait où l’ancienne spectre voulait en venir et il devait admettre que l’idée
était plutôt bonne : En sachant où Adams allait frapper, il était possible de lui tendre un
piège.

- OK. Mais comment savoir quelle sera leur prochaine cible ? demanda Melvyn qui
avait selon toute vraisemblance suivi le même raisonnement que le cyborg.
- Et bien, la plupart appartiennent au musée d’histoire San-Clara sur Yarenn,
expliqua Yuna. Mais toutes leurs reliques venant de Solaris ont été envoyé dans
la nation Daeyaméenne le mois dernier, suite au rachat du musée par Yatsuzaka.
Il ne reste donc plus qu’un seul artefact ici, dans la Confédération d’ambrosia.
- Il est aussi dans un musée ? demanda Fx tout excité par cette avalanche
d’information.
- Pas exactement, répondit Yuna. Il fait partit de la collection privée de Lorenzo
Lamar, un riche homme d’affaire Yarennite.

L’ancienne spectre afficha alors diverses informations sur l’homme en question avec
le projecteur holographique avant de reprendre la parole :

- J’ai pas mal étudié les habitudes et le mode opératoire d’Adams et je pense
qu’ils agiront d’ici deux à trois semaines. D’ici là, voilà ce que je suggère…

***
Résidence de Lorenzo Lamar, Yarenn, deux semaines plus tard

Accoudé au rebord d’une luxueuse terrasse nichée à flanc de falaise, Melvyn


contemplait le soleil ambrosien projeter ses derniers rayons sur l’océan qui lui faisait face.
Plus haut, les deux lunes yarennites étaient encore discrètes, signe que la soirée ne faisait
que commencer. Le capitaine du Predator se redressa et inspira un grand coup. Les
premiers invités de Lorenzo Lamar commençaient à arriver et il était temps qu’il rejoigne
la salle principale. En effet, la villa du magnat de la finance accueillait ce soir-là une grande
réception et, d’après Yuna, il y avait de grandes chances pour qu’Adams en profite pour
tenter quelque chose.

- Tout se passe bien ? Demanda Melvyn à l’un des hommes de Lamar qui gardait
l’entrée de la terrasse.
- Oui monsieur ! répondit se dernier pratiquement au garde à vous. Rien à
signaler pour le moment.

Bien que réticent au départ, Lamar avait finalement décidé de confier la sécurité de
la soirée à Melvyn et son équipe, l’homme d’affaire jugeant qu’il pourrait ainsi s’enorgueillir
auprès de ses invités d’avoir sous ses ordres les spectres ayant arrêté l’infâme Vartann
Adams. Le capitaine du Predator, lui, en profita pour aller taper dans les petits fours du
buffet l’air de rien.
La résidence était grande et si les salons inférieurs, qui avaient été creusé dans la
falaise, commençaient à se remplir de petits groupes d’invités, la salle principale était
quant à elle encore pratiquement vide. Melvyn enfourna un hors-d’œuvre puis, la bouche
pleine, demanda à Akronn de lui faire un rapport via le canal de com’ sécurisé que Fx avait
mis en place.

- Merde Mel, grogna le cyborg en comprenant que son ami était en train de se
goinfrer de petits fours. Sois sérieux un peu… Je te rappel que si on sait à quoi
ressemble Adams, on a aucune idée de l’identité de ses complices…
- Ouais, ouais, répondit évasivement le capitaine du Predator. C’est bon, il y a
personne ici pour l’instant… Dis-moi plutôt comment ça se passe de ton côté.
- R.A.S. mais ouvre quand même l’œil, hein. Cette baraque est un vrai moulin…
- Je sais, fit Melvyn en retrouvant un peu de son sérieux.

Akronn se trouvait au niveau du parking et tentait plus globalement de superviser


l’arrivé des invités… ce qui n’était pas simple. En effet, les exigences de Lamar pour ne pas
importuner ses convives avec des contrôles excessifs rendaient le travail de la sécurité
extrêmement difficile. Mais Melvyn faisait confiance au cyborg pour gérer au mieux la
situation et son attention se tournait maintenant vers Assaï. La daeyaméenne était, pour
son plus grand plaisir, chargée de surveiller les salons annexes et les terrasses inférieurs
menant aux parties privatives de la villa.

- Assaï ? appela simplement le capitaine du Predator.


- Tout le monde me regarde de travers mais sinon ça va… râla la daeyaméenne
pour toute réponse.

L’image d’Assaï en robe de soirée avec son holster de cuisse apparent et ses
tatouages Ætheriques parfaitement visibles se fraya alors un chemin dans l’esprit de
Melvyn. Le capitaine du Predator n’avait aucun mal à imaginer la tête des convives qui
allaient croiser la jeune femme tout au long de la soirée... Ni à deviner le regard noir qu’elle
leur lancerait en retour...

- Tu m’étonnes, lâcha-il tandis qu’un sourire bête lui montait aux lèvres.

Essayant néanmoins de rester concentré, Melvyn demanda ensuite rapidement à Fx


de faire à son tour un point sur la situation.

***

De son côté, le cycker surveillait la fête en étant tranquillement installé dans le


salon du Predator. Le vaisseau des spectres était posé un peu à l’écart de la villa, de l’autre
côté du petit bois qui entourait le domaine de Lorenzo Lamar. "A l’abri des regards", comme
le souhaitait l’homme d’affaires. Cela ne dérangeait pas Fx car de là, il pouvait toujours
prendre le contrôle de n’importe quelle caméra situé dans la villa ou sur l’un des nombreux
drones survolant le périmètre. A sa demande, Azylis avait étendu ses programmes dans
chacun de ces petits appareils, ce qui lui permettait d’optimiser leur couverture tout en
bénéficiant des programmes de reconnaissance facial et biométrique amélioré de l’IR.

Durant l’heure qui suivit, Fx avait capté bon nombre de conversations croustillantes
et il trouva son bonheur en s’imaginant être un agent secret espionnant les invités à la
recherche d’une taupe, ce qui n’était, il s’en rendait bien compte, pas si éloigné que ça de
la réalité…
Au bout de deux heures, le cycker commençait fermement à s’ennuyer. Il tenta bien
de compter le nombre de petits fours que Melvyn avait discrètement subtilisé durant la
soirée ou de deviner qui pouvait bien être le mystérieux agent de sécurité qui s’était
retrouvé au centre des discussions romantiques des serveuses de la villa mais rien n’y
faisait. A un moment, il s’amusa même avec un drone insectoïde à embêter un grand
moustachu qui s’était montré terriblement malpoli avec les serveuses. Sans succès : cette
réception était de plus en plus ennuyante.

Le cycker allait entamer un nouveau tour de caméra quand il crut apercevoir


quelque chose bouger à l’orée du bois. Fx se leva, et observa longuement la lisière depuis
la baie vitré du Predator mais il ne vit rien de particulier. Le jeune cycker retourna s’assoir,
soudainement conscient de son relatif isolement. Il tenta alors de se rassurer en
demandant à Azylis de lui faire un rapport sur le Predator et fut satisfait du manque
d’activité détecté à bord. C’est à ce moment que quelque chose sauta sur ses genoux, le
faisant sursauter de surprise. Mais le jeune homme se calma rapidement en constatant
qu’il ne s’agissait que d’Orion. Le félin se laissa caresser en ronronnant jusqu’à ce que Fx
ne réalise que si la porte des quartiers de l’équipage était fermée, comme l’avait indiqué
le rapport d’Azylis, alors le chat n’aurait pas dû pouvoir se trouver là.

- Azylis, appela nerveusement le cycker. Fais un scan complet de ton intégrité s’il
te plait.
- Je détecte une altération mineure de ma programmation, fit la voix suave de
l’Intelligence Restreinte avant de reprendre sur un ton plus pressant : Attention,
invasion de mes sous-systèmes en cours.
- Oh la vache ! lâcha Fx en ouvrant immédiatement une multitude de fenêtre
virtuelle devant lui. Melvyn ! Je me fais pirater ! Je vais tenter de…

Le cycker laissa sa phrase en suspens. Une inconnue venait d’entrer dans le salon
du Predator et lui faisait maintenant face. La femme avait des cheveux presque blancs
ramené en une longue queue de cheval. Elle fixa le cycker de ses yeux rouges et les
tatouages Ætheriques zébrant son visage se gorgèrent peu à peu d’éclairs bleutés.

- Qui… Qui êtes-vous ?!

Sans un mot l’inconnue fondit sur Fx sans lui laisser la moindre chance.

***

- Qui… Qui êtes-vous ?!

En entendant cette phrase dans son comlink, Akronn sut que cela ne pouvait rien
augurer de bon. Le temps qu’il se redresse, Melvyn avait déjà commencé à prendre les
choses en main.

- Putain ! Jura le capitaine à toute vitesse. Akronn avec moi jusqu’au Predator.
Assaï, t’es la plus éloignée, on te laisse gérer la sécurité. C’est probablement
une diversion alors ouvre l’œil. Nous on s’occupe de Fx.

Akronn sentit dans le bref silence de la Daeyaméenne que celle-ci aurait voulu
protester. Mais l’urgence de la situation n’était pas propice à ce genre de discussion et
Akronn savait qu’Assaï en était consciente.

- Shikta ! Lâcha-t-elle finalement en guise d’approbation. Faites gaffe à vous et


les laissez pas faire du mal à Fx, OK ?
Akronn retrouva Melvyn à l’extérieur de la villa et tous deux se mirent à courir en
direction du Predator en coupant à travers bois. Même ainsi, il leur faudrait bien cinq
bonnes minutes pour atteindre le vaisseau. Il pouvait se passer beaucoup trop de chose
durant ce laps de temps au goût du cyborg. Et si la faible luminosité et le terrain accidenté
ne gênaient absolument pas la progression de son châssis cybernétique, Melvyn, lui,
accusait le coup en plus de fatiguer…

- Fais chier, jura-t-il entre deux respirations saccadées. J’aurais dû envoyer Assaï,
elle aurait été plus rapide que moi… Encore que, avec sa robe…
- Garde ton souffle, lui suggéra Akronn. On approche.

Après quelques minutes de course, les deux spectres arrivaient en effet à la lisière
du bois. La silhouette sombre du Predator cachait désormais la lueur blafarde des lunes
jumelles tandis que les deux hommes approchaient avec prudence. La rampe d’accès à la
soute était béante, Azylis ne répondait pas et aucune lumière ne parvenait de l’intérieur
du vaisseau. Pris d’une mauvaise intuition, Akronn changea de mode de vision pour
analyser les émissions d’énergie électromagnétiques. Rien… Il ne détecta aucune trace
d’activité notable. C’était comme si le Predator n’était plus qu’une immense carcasse vide.
Armes aux poings, Melvyn et Akronn pénétrèrent dans le monstre de métal. Ils sécurisèrent
rapidement la soute puis montèrent sur le pont principal. Là, un miaulement se fit entendre
mais ce n’était qu’Orion…

- Oh non… fit plaintivement Melvyn.

A quelques mètres du félin, au milieu d’une importante flaque de sang, gisait le


corps de Fx.

***

En entendant Akronn dire que Fx n’était pas mort et qu’il avait encore une chance
de s’en sortir, Assaï fut un peu soulagée. Mais la colère prenait maintenant le pas sur le
reste de ses émotions et la psionics redoubla de vigilance car il s’agissait visiblement d’une
diversion ou d’une façon de rendre la sécurité aveugle. En effet, elle ne pouvait désormais
plus faire confiance aux images qu’elle recevait des drones. Elle se déplaçait donc
nerveusement de salon en salon le regard constamment en mouvement. Quelques invités
continuaient de la dévisager de loin, l’air indigné, mais elle s’en souciait encore moins qu’en
début de soirée.

- Madame ? Appela l’un des agents de sécurité d’une voix tendue.


- Quoi ? répondit Assaï dans sa com’ avec appréhension.
- L’équipe surveillant l’accès aux appartements privés à votre niveau ne répond
plus, déclara l’agent de sécurité.
- Shikta ! Jura la daeyaméenne en se mettant en mouvement. Je m’en occupe...
De votre côté prenez les gars qui surveillent l’intérieur de la villa avec vous et
bloquez toutes les sorties. Personne ne doit pouvoir sortir, c’est compris ?
- Bien madame !

Les Atlantes étaient donc déjà là… Et à son niveau en plus. Assaï était furieuse de
les avoir laissé passer. La daeyaméenne sortie en coup de vent sur l’une des terrasses
inférieures, scandalisant au passage un peu plus les invités qui s’y étaient installé pour
profiter tranquillement de l’air marin. De là, elle longea un long corridor désert puis se
retrouva devant l’entrée d’un petit salon bordé d’une grande baie vitrée. L’un des panneaux
avait été brisé et les corps de deux agents de sécurité étaient étendus au sol,
vraisemblablement mort.
La daeyaméenne sortit immédiatement son Aruka Viper de son holster puis activa
ses tatouages ainsi que sa neuropuce de contrôle. La psionic commença alors à ressentir
les flux d’énergie qui circulaient en elle puis elle ferma les yeux pour se synchroniser. Peu
à peu, sa conscience se mit à capter l’écho Ætheriques des formes de vie alentours.
Derrière elle, elle sentait les terrasses de la villa grouiller d’activité mais ce qui intéressait
la psionic se trouvait devant, plus bas. Elle se concentra sur cette zone, cherchant des
échos isolés là où il n’aurait pas dû y en avoir. Et elle trouva : deux personnes se
déplaçaient actuellement près de la salle d’exposition privé de Lorenzo Lamar.

Tout en s’engageant prudemment dans les appartements, Assaï contacta la sécurité


ainsi que Melvyn et Akronn pour les informer de la situation.

- Attend-moi ! lança immédiatement le capitaine du Predator dans son comlink.


J’arrive !
- On a pas le temps Mel, rétorqua Assaï. Je veux pas les laisser filer. Et puis mieux
vaut que tu restes avec Fx.
- Akronn s’occupe de lui, répondit Melvyn. Moi je suis inutile ici.
- Tu vas mettre trois heures à arriver, répliqua Assaï. De toute façon je suis
quasiment devant la salle d’exposition.
- Fais chier ! jura Melvyn d’une voix haletante. Fais gaffe à toi, OK ?
- Ouais, ouais.

Assaï continua sa progression dans l’obscurité des appartements vide jusqu’à


atteindre la fameuse salle où se trouvait exhibé l’artefact provenant de l’expédition
Sanders-Hardmuth ainsi que d’autres reliques issues de Solaris. Les intrus n’avaient pas
pris la peine de refermer la porte et Assaï en profita pour se glisser discrètement derrière
un grand présentoir situé à l’intérieur. Devant elle, Vartann Adams venait d’ouvrir une
vitrine pour y retirer une sorte de dague sacrificielle finement décoré. Un peu plus loin,
une montagne de muscle, probablement d’origine eurasienne, faisait calmement le tour de
la pièce, un pistolet cinétique lourd à la main. Ce n’était qu’une question de temps avant
qu’Assaï ne se fasse repérer, aussi décida-t-elle de prendre les devants.

- Jetez vos armes, ordonna-t-elle en mettant en joue les deux Atlantes.


- Jeune Narsha… répondit tranquillement le psionic sans montrer la moindre
surprise.
- Jetez vos armes, réitéra Assaï.

L’eurasien lança un coup d’œil à Adams qui acquiesça. L’homme lâcha


nonchalamment son arme entre deux rangées de présentoirs puis fit un pas de côté pour
s’écarter d’Adams, testant ainsi la daeyaméenne tout en obligeant cette dernière à couvrir
un angle plus large avec son Aruka Viper.

- Bouge encore et je te fais sauter la tête, déclara froidement Assaï.

L’homme s’immobilisa calmement, estimant que la menace était réelle et sérieuse.


La daeyaméenne fixa alors Adams droit dans les yeux et tenta de cacher le trouble qui
s’empara subitement d’elle.

- Repose la dague et mets les mains sur la tête, fit-elle d’une voix maitrisée.
- Ah, jeune Narsha… Je t’attends depuis tellement longtemps… déclara le psionic
en reposant lentement l’artefact dans sa vitrine, comme s’il cherchait à gagner
du temps. Nous avons un avenir commun, je le sens… Et je pense que tu le sens
également…
Malgré elle, Assaï demeurait intriguée par le psionic. Ce n’était pas seulement son
regard ou sa façon de parler mais tout son être dégageait une telle sensation de puissance,
d’assurance mais aussi de souffrance qu’elle ne pouvait y être insensible. Bien sûr, la
daeyaméenne savait que c’était l’effet des pulsations Ætheriques émises par le pisionic...
Tout le monde émettait ce type de pulsation et tout le monde se faisait dans une certaine
mesure influencer par celles-ci. Après tout, cela faisait partie de ce qu’on appelle
l’empathie... Mais habituellement cela restait subtil, inconscient. Tandis qu’avec Adams...
Dans son cas l’intensité de ses pulsations était si forte qu’elles en devenaient presque
perceptibles. Son score de Kyle devait vraiment être impressionnant… Pour autant, Assaï
ne pouvait nier qu’au-delà de ça, Adams exerçait sur elle une certaine fascination.

- Pourquoi… commença-t-elle sans finir sa phrase, troublée.


- Certaines choses doivent être faites, répondit calmement Adams comme s’il
lisait dans les pensées. Pour le bien de tous. Et même s’il faut commettre des
horreurs pour cela, à la fin tout cela est justifié, crois-moi. Je sens que tu es
assez forte pour comprendre, pour endurer cela, jeune Narsha. Rejoins-moi et
nous te feront une place au panthéon.

Sans même qu’Assaï s’en soit rendu compte, le psionic s’était approché d’elle. Elle
ne percevait aucune menace dans son attitude mais ses paroles raisonnaient tellement fort
en elle que s’en était dérangeant. C’est alors que son rêve lui revint en mémoire. Elle se
revoyait soudainement à ses côtés, le suivant pour rencontrer le donneur d’ordre…

- N’approche pas ! cria-t-elle en reculant d’un pas. Jamais ! Jamais je ne te


suivrais.
- Ton manque actuel de foi me consterne, lui répondit Adams tout en
s’immobilisant. Mais nous savons tous les deux que nous nous reverrons bientôt
sur Kyoghaï…

Prise d’une mauvaise intuition, Assaï donna l’ordre à sa jonction synaptique


auxiliaire de s’activer. La daeyaméenne sentit l’implant biocybernétique entrer en action
et le temps sembla soudainement s’étirer. Mais pas suffisamment. Profitant de la discussion
d’Assaï avec Adams, l’eurasien s’était saisit d’un pendentif accroché à son cou. Assaï n’y
avait pas prêté attention jusque-là mais, maintenant qu’elle le voyait brandit dans sa
direction, elle ne pouvait plus l’ignorer. Ce pendentif, elle le connaissait : il appartenait à
son père. C’était un artefact très puissant, trop puissant, que son père avait mis en sécurité
à la suite d’un accident durant ses recherches lorsqu’elle était petite. Assaï s’en souvenait
parfaitement car l’objet avait détruit une partie de sa maison et avait failli tuer son père.
C’est elle qui l’avait retrouvé en état de choc, serrant l’artefact dans ses mains. Et
aujourd’hui l’objet se retrouvait là, devant elle… Comment était-ce possible ?

Indifférent aux interrogations de la daeyaméenne, l’Eurasien activa l’artefact et une


boule d’énergie noire se forma à quelques mètres d’Assaï. Celle-ci écarquilla les yeux et
tenta précipitamment de faire feu en direction de l’eurasien lorsque la boule s’effondra sur
elle-même. L’explosion quantique qui suivit projeta la jeune femme plusieurs mètres en
arrière au beau milieu d’une pluie de verre brisé. La daeyaméenne heurta un mur et
s’effondra par terre, complètement sonnée.

Assaï n’était pas la seule à avoir été soufflé par l’explosion quantique : tous étaient
à terre. Heureusement que l’eurasien ne maitrisait pas l’objet car une bonne partie de la
collection de Lorenzo Lamar venait de partir en fumée…

- Shikta, grogna Assaï en se relevant douloureusement.

Mais la jeune femme n’avait pas été la plus rapide et l’eurasien sauta sur elle prêt
à en découdre. Les deux adversaires tombèrent à la renverse et une lutte inégale s’engagea.
Assaï encaissa plusieurs mauvais coups en serrant les dents avant de parvenir à se dégager.
La jeune femme se redressa à l’aide d’une acrobatie et fit face à l’eurasien qui chargea à
nouveau. Elle tenta d’arrêter les coups de son adversaire mais sa robe la gênait dans ses
mouvements et l’eurasien était beaucoup trop puissant pour elle. La daeyaméenne céda
ainsi du terrain sous les assauts répétés et recula jusqu’à trébucher sur les restes d’un
présentoir. Sans lui laisser le moindre répit, l’eurasien se jeta sur la jeune femme toujours
au sol pour tenter de l’étrangler. Prise au piège, Assaï essaya de se débattre mais rien n’y
faisait. Elle ferma alors les yeux et activa en urgence l’interface psi contenu dans son gant-
artefact. Une fois celle-ci initialisé, elle positionna sa main sur le torse de l’eurasien et
actionna mentalement la fonction télékinésique du gant. L’homme fut violement repoussé
ena rrière et Assaï en profita pour se ruer aussi vite qu’elle put sur l’Aruka Viper qui avait
glissé un peu plus loin. Au moment où l’eurasien arrivait à nouveau au contact de la
daeyaméenne, le canon du pistolet cinétique lourd se tourna vers lui et cracha trois balles
qui déchirèrent la poitrine de l’homme et le stoppèrent net dans son élan.

Pouvant enfin reprendre son souffle, Assaï se redressa en étouffant un début de


gémissement entre ses dents. Un genou toujours au sol, elle avait gardé le canon de son
arme pointé vers l’eurasien qui, de son côté, demeurait irrémédiablement immobile. La
daeyaméenne regarda autours d’elle mais, bien entendu, il n’y avait plus aucune trace
d’Adams. Elle alerta la sécurité puis s’approcha de l’eurasien en boitant. Elle se pencha au-
dessus de lui et récupéra le pendentif qu’il avait utilisé un peu plus tôt. Il n’y avait aucun
doute, c’était bien le même que celui ayant appartenu à son père…

Assaï entendit alors une soudaine activité dans son comlink : Adams venait de forcer
le passage avec une navette volé et, quelques secondes plus tard, c’était Melvyn qu’elle
entendait râler dans le canal audio parce que « ce con avait en plus failli le renverser »…

***
Salon du Predator, une heure plus tard

- Alors ? demanda Melvyn qui attendait avec Assaï dans le salon du Predator.
- Il a perdu beaucoup de sang mais il va s’en sortir, fit Akronn. Et puis son corps
réagit bien aux nanites, il va vite être sur pied.

Melvyn laissa échapper un long soupir de soulagement avant d’observer Assaï. La


jeune femme portait toujours sa robe noire malgré le fait que celle-ci soit désormais
déchirée à divers endroits. Assaï elle-même était couverte d’écorchures mais la
daeyaméenne n’avait pas voulu se changer tant que Fx restait entre la vie et la mort. Et
puis… Melvyn avait eu l’impression que la jeune femme ne voulait pas rester seule. Elle lui
avait racontée pour Adams et pour l’artefact de son père et le capitaine du Predator n’aimait
pas ça, il y avait quelque chose de louche dans cette histoire. Quoi qu’il en soit, l’annonce
d’Akronn venait visiblement de retirer un poids énorme des épaules d’Assaï car celle-ci
sembla enfin se relâcher un peu.

- Et maintenant ? demanda Akronn. On fait quoi ?


- Kyoghaï… répondit Assaï. On va sur Kyoghaï.
- Je suis d’accord, fit Melvyn. Il y a de grandes chances pour qu’Adams se rende
dans la Nation daeyaméenne pour récupérer les artefacts qui lui manque…
- OK, approuva Akronn. Mais faut pas oublier qu’on n’a aucune accréditation de
spectre là-bas…
- T’inquiète c’est cool, fit Melvyn. On va gérer.
- De toute façon, déclara Assaï, il faut que j’aille là-bas si je veux obtenir une
dérogation pour parler à mon père…

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