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LOUIS LONG

PROFESSEUR AGRÉGÉ DE L’UNIVERSITÉ


DOCTEUR ES SCIENCES - HOMME DE LETTRES

DÉCROCHEZ
TOUS VOS EXAMENS

« Le génie n’est qu’un longue patience »


Napoléon

EDOUARD AUBANEL, ÉDITEUR, AVIGNON

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SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE _____________________________________ 3


L’ENTRAINEMENT PHYSIQUE DE L’ETUDIANT______________ 3
INTRODUCTION ___________________________________________ 4
CHAPITRE PREMIER _______________________________________ 8
La force, la santé et la capacité de travail _____________________ 8
CHAPITRE II _____________________________________________ 12
L’alimentation de l’étudiant_______________________________ 12
CHAPITRE III _____________________________________________ 25
Hygiène de l’étudiant ____________________________________ 25
DEUXIEME PARTIE ____________________________________ 50
L’ENTRAINEMENT MENTAL ______________________________ 50
CHAPITRE PREMIER ______________________________________ 51
Développement de la volonté ______________________________ 51
CHAPITRE II _____________________________________________ 68
L’ordre et la méthode ____________________________________ 68
CHAPITRE III _____________________________________________ 78
Le développement de l’attention ___________________________ 78
et de la mémoire_________________________________________ 78
CHAPITRE IV _____________________________________________ 97
Le développement _______________________________________ 97
de l’imagination créatrice :________________________________ 97
méthode pour faire éclore des idées_________________________ 97
CHAPITRE V ____________________________________________ 112
Le bon sens____________________________________________ 112
CHAPITRE VI ____________________________________________ 132
Le «trac» et la timidité __________________________________ 132
TROISIEME PARTIE___________________________________ 141
PREPARATION DIRECTE D’UN EXAMEN __________________ 141
CHAPITRE PREMIER _____________________________________ 142
Comment organiser son plan de travail ____________________ 142
CHAPITRE II ____________________________________________ 153
Préparation des différentes matières_______________________ 153
CHAPITRE III ____________________________________________ 179
Face à l’examen ________________________________________ 179

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PREMIERE PARTIE

L’ENTRAINEMENT PHYSIQUE

DE L’ÉTUDIANT

3
INTRODUCTION

Partout, des multitudes de jeunes ont à passer sous de


redoutables Fourches Caudines. A deux époques de l’année
bien connues, la société se divise en deux groupes destinés à
se faire face :
les candidats, et les examinateurs. Si, dans telles contrées,
notamment chez les Allemands et les Anglo-Saxons, les
résultats brutaux des compétitions annuelles ou bisannuelles
sont amplement amendés par les notes obtenues au cours de
l’année, et si ces tests, assez fréquents, ne sont pas toujours
d’un niveau extrêmement élevé, l’examen français est quelque
chose de dur, de solennel, d’omnipotent, de définitif.
Soit, par exemple, l’Agrégation. Y réussissez- vous ? Vous
voilà arrivé au port. Plus de compétition à craindre, mais une
situation transformée, assise, qui s’améliorera à peu près
automatiquement, par périodes bien déterminées, jusqu l’âge
de la retraite. Dans maints autres Etats, il n’en est pas ainsi.
Les positions sociales s’étagent par examens fractionnés.
Vous ne serez jamais au bout de votre rouleau. A n’importe
quel stade de votre carrière, un nouveau Concours peut vous
faire encore progresser.

Un labeur tenace n’a-t-il pas le don de vous sourire? Vous


végéterez. Par contre, le « bûcheur qui, au départ, en était au
même point que vous, fera son petit bonhomme de chemin,
vous laissant bien loin derrière lui.
On est peut-être un peu trop tenté, dans notre pays, de tenir
l’issue d’un examen pour l’arrêt de la fatalité. Aussi connaît-on

4
le cri du coeur du recalé » : « II n’y a de la veine que pour la
canaille !... »
Mais oui... un camarade peu coté a « passé ». Ce pauvre type
», bien meilleur, n’est-il pas resté sur le pavé ? Celui-ci n’est-il
pas tombé sur la seule composition qu’il eût spécialement
étudiée? Cet autre malin n’avait-il pas de petites notes dont il
a su se servir « en douce »

Nous allons tenter, au cours de cet ouvrage, de montrer que


cette conception demande à être révisée. Un candidat qui
VEUT et qui SAIT s’y prendre peut compter presque sûrement
en lever la palme de haute lutte. Car il est des principes, très
simples mais inflexibles, DONT
DEPEND IRRESISTIBLEMENT LE SUCCES.
De puissants efforts sans lendemain, feux de paille,
n’atteignent pas le but. Voués à L’ECHEC, le lièvre partant
comme un trait, le roi de l’Atlas s’agitant furieusement dans
ses rêts ! Par contre, une activité d’apparence modeste sans
panache, mais poursuivie régulièrement finalement à de
substantiels résultat. La tortue gagne la course. Le rat délivre
le lion. La grand’mère, tricotant tout l’hiver au coin du feu,
présentera un jour une paire de bas de laine bien chauds. Un
fruit hâtivement mûri a-t-il la saveur sucrée de la mignonne
fraise des bois, tardivement arrivée à maturité ?

Nous allons bien vous surprendre en vous faisant remarquer


que tous ces processus très, patients qui font éclore du
tangible et du solide, peuvent être considérés comme
éléments fondamentaux d’une branche relativement récente
des mathématiques : le CALCUL INTEGRAL. En voici le
principe, génial dans sa simplicité : UNE SOMME DE TRES
PETITS NOMBRES, DE MINUSCULES RESULTATS
EXTREMEMENT NOMBREUX N’EST PAS NEGLIGEABLE.

5
C’est par des apports de ce genre que se font la plupart des
transformations dans la nature : croissance, entre autres. Le
banquier érige sa fortune par de menus prélèvements sur les
opérations de ses clients. Celles-ci étant innombrables, il finit
par s’assurer un bénéfice substantiel. Il en est de même pour
tout commerçant qui, en dernière analyse, se trouve pratiquer
le calcul intégral, tout comme M. Jourdain faisait de la prose :
sans le savoir.
( Celui qui emploie cette méthode : travailler chaque jour
normalement, travailler régulièrement, travailler longtemps, a
des chances véritablement exceptionnelles de maîtriser un
examen, et, plus généralement, d’atteindre n’importe quel but.
Dédaigner cette peu reluisante façon de dispenser vos sueurs
pour procéder, aux approches de la redoutable compétition, à
un labeur spectaculaire et cyclopéen, fera de vous, tout au
plus, un candidat « tangent » . Pour vous et vos pareils — qui
sont légion — les épreuves seront UNE LOTERIE.

Si un examen doit être mûri lentement comme un fruit, on


peut, à un point de vue différent, l’assimiler à un championnat.
Or, comment se prépare, par exemple, un Joë Louis ou un
Randolph Turpin ? Par 1’ENTRAINEMENT, suite de pratiques
minutieuses consenties chaque jour, pendant de longues
semaines, sous la direction d’un spécialiste (manager). Cet
entraînement comprend une partie touchant à la physiologie
générale : hygiène, choix de l’alimentation; une partie
éducative, ayant pour but de développer harmonieusement
tels groupes de muscles; enfin, une organisation technique
amenant le boxeur à être « fin prêt » au moment de « la
bagarre ».
Or, que fait généralement celui qui vise un examen? Il
«potasse » couci-couça suivant l’inspiration, et, s’il se prépare
seul, aux heures où il a le temps, et si des occupations plus

6
importantes : lire le journal fumer une cigarette, aller au
cinéma ne s’y opposent pas, il ne songe nullement à
s’imposer une discipline rigoureuse au moment de faire ses
preuves, verra-t-il son frêle esquif ballotté sur une mer plus ou
moins démontée, sans espoir sérieux d’atteindre au but qui luit
au loin comme un phare.

Pour songer à un examen, il faut absolument :

¾ un entraînement PHYSIQUE, qui décuple les forces, et,


en particulier, réduit au minimum les risques de
carence physiologique au jour J;
¾ un entraînement MENTAL, pour éduquer ses facultés
et tremper son esprit de ténacité;
¾ une méthode rationnelle d’entraînement TECHNIQUE.

Cet entraînement doit durer un temps variant de quelques


mois à plusieurs années.
Tous les as des Concours ont attaqué ainsi la difficulté. Plus
généralement tous ceux qui ont « percé », depuis Victor Hugo
jusqu’à Einstein, en passant par Edison et Vanderbilt, se sont
poussés suivant le même processus. Et, au fond, la destinée
de l’homme est-elle autre chose qu’une compétition
permanente, dont le Jury, implacable entre tous, a pour nom
LA VIE?

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CHAPITRE PREMIER

La force, la santé et la capacité de travail

Pour être en mesure « d’enlever », vos examens et concours,


vous devez vous montrer capable de travailler énergiquement
et longtemps. Suivant une expression chère à notre
professeur de sciences de l’Ecole Normale, les chances de
réussite sont proportionnelles à la somme de travail fourni, à
la quantité et à la qualité des connaissances,non ingurgitées
comme dans un repas de glouton générateur d’indigestions,
mais réellement assimilées. Une robuste santé est
absolument indispensable. Vous veillerez donc de très près à
maintenir et à renforcer l’intégrité de vos organes et de leurs
fonctions, et à accroître progressivement vos forces jusqu’à la
date fatidique. Rien de possible sans cela.

*
**

Celui qui se livre à des études prolongées doit, chaque année,


réserver plusieurs semaines à un repos intellectuel ABSOLU
— et à un repos physique relatif — combiné avec une

8
alimentation particulièrement riche et digestible, dans le but de
se refaire le système nerveux, même s’il ne se sent pas
vraiment fatigué. II faut, en effet, ne pas oublier que la
sensation de fatigue n’est pas un critérium très sûr. Si,
invariablement, l’étudiant trouve pénibles les premières
séances de travail, correspondant à la période d’adaptation,
on remarque, au contraire, qu’il n’éprouve, par un dangereux
paradoxe, aucune sensation de lassitude aux époques de
surmenage intense.

Illusion périlleuse...

Comment l’usure physiologique n’existerait- t-elle pas?


Forcément, les « cellules grises » — pour employer le langage
d’Hercule Poirot — sont de plus en plus secouées par la
somme considérable de travail effectuée durant l’année
scolaire; et, de surcroît, cet état alarmant ne peut qu’être
aggravé par les chaleurs de l’été, saison des examens par
excellence. Seulement, l’organisme est surchauffé par
l’entraînement les nerfs sont sous pression ».
- Si, à ce moment, l’étudiant dort peu; si, sa main étant
allongée et les doigts rapprochés, ceux-ci sont affectés d’un
léger tremblement, et surtout si l’auriculaire s’écarte de
l’annulaire si, enfin, le sujet éprouve une secousse
douloureuse à l’audition brusque d’un bruit très fort (sirène,
trompe d’auto, explosion de mine), aucun doute n’est permis il
y a surmenage accusé et usure dangereuse. Sous peine de
désordres graves, l’élève doit modérer sur-le-champ son
activité. Une prostration morbide va s’abattre sur lui pendant
les vacances, au bout d’une semaine de repos, alors qu’il
commencera à se détendre. Il se sentira abattu, courbaturé, et
maigrira, en dépit d’une excellente nourriture. Au bout de
quelques semaines seulement et à la faveur des journées plus
fraîches de septembre, il se mettra à « récupérer ».

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Ce qui précède suffit à justifier largement la longueur des
vacances consenties aux étudiants.

*
**

On a beaucoup médit du travail intellectuel, relativement à ses


fâcheuses répercussions sur
l’état de la santé. Exagération... Ce qui, à notre humble avis,
s’avère véritablement néfaste, serait plutôt l’excès des sports
violents, en vue trop souvent — circonstance aggravante —
de la PERFORMANCE, auxquels il est devenu de bon ton de
voir s’adonner les jeunes piliers d’Université. Que telle Faculté
puisse faire état de plus de succès que telle autre en ce qui
concerne les examens de Licence, bagatelle... Mais que
l’équipe de football de ses étudiants vienne de l’emporter dans
un match régional : voilà un titre de gloire que, de nos jours,
rien ne saurait égaler!

Il y a là une source d’épuisement qui fait, hélas! monter la


courbe tracée avec autorité par le bacille de Koch. Par contre,
de nombreux savants : Hippocrate, Chevreul, Fontenelle, le
grand poète persan Saadi, ont atteint un âge fort avancé.
C’est que le travail intellectuel régulier, par la discipline à
laquelle il soumet les leviers de l’organisme et parce qu’il
préserve d’excitations malsaines, comporte des chances de
santé de tout premier ordre.

Au cours de notre passage à l’Université de Montpellier, nous


avions repéré des « numéros» paresseux et — lâchons le mot
— débauchés, que les maîtres remarquaient rarement à
l’amphi théâtre. Nous disons à dessein « remarquaient » ,
non point tant que l’apparition à éclipses de ces silhouettes
peu connues fût sensationnelle par son caractère

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exceptionnel, mais parce que, s’il arrivait à ces amateurs de
s’y aventurer, c’était, vous l’avez deviné, uniquement pour
troubler le cours. Ces garçons — on le croira sans peine — ne
se torturaient nullement les méninges à étudier...

A la rentrée de Pâques, ils se souvenaient soudain que


l’année scolaire se terminait par un redoutable... test, et se
décidaient à « démarrer ». Fouettés — et pour cause — par la
peur de l’échec, ils « y allaient » alors, durant de longues
heures de jour et même de nuit, d’un formidable coup de
boutoir. Les copains se regardaient stupéfaits au spectacle
imprévu d’un labeur si intense de la part de fumistes » qui n’y
étaient nullement entraînés; mais leur étonnement devenait
sans bornes à les voir, à cette existence d’enfer, engraisser à
vue d’oeil, et présenter, à la veille du concours, tous les signes
d’une santé florissante. C’est que le travail, entre autres effets
salutaires, avait l’avantage de stopper leur vie irrégulière, et
leur état physique en profitait.

*
**

En dosant ses efforts journaliers, à l’instar du champion


cycliste qui s’entraîne, en absorbant une nourriture
convenable, en se conformant aux règles de l’hygiène
bonifiées par de récents et retentissants perfectionnements,
en pratiquant quelques exercices très simples, l’étudiant, au
lieu de courir, de mois en mois, à un effondrement physique
précurseur d’un, rendement de plus en plus médiocre, verra
sa santé se raffermir, ses forces doubler, sa capacité de
travail tripler, et — ce qui ne gâte rien — son entrain, son
enthousiasme pour sa préparation s’accroître de décade en
décade.

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CHAPITRE II

L’alimentation de l’étudiant

Pour conserver la santé, l’accroître, et multiplier ses forces, il


faut soigner la CELLULE. Cette cellule est rénovée,
galvanisée et constamment débarrassée de ses poisons par
un liquide nourricier : le SANG. Or, le ravitaillement véhiculé
par le sang VIENT DE L’ALIMENTATION.
L’alimentation doit fournir, dans des proportions déterminées,
des substances albuminoïdes pour nourrir et réparer et des
principes carbonés pour brûler, sous l’influence de l’oxygène
Cette combustion détruit les toxines, et produit la chaleur
animale qui est une des formes de L’ENERGIE. Il faut veiller à
ce que des sels et des vitamines arrivent en quantité
suffisante. Une nourriture distribuée au petit bonheur, mal
proportionnée, insuffisante ou trop copieuse détériore ce qu’en
médecine on nomme le « terrain », et on devient vulnérable
aux attaques de ces petites bêtes que Pasteur nous a appris à
connaître.

On commence enfin à réaliser — après l’avoir


systématiquement et dédaigneusement ignoré pendant des
siècles, en dépit des avertissements d’Hippocrate, qui vécut
cent dix ans — que (toutes les maladies sont susceptibles,

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avec le temps, d’être grandement améliorées, puis gué (ries,
par une alimentation appropriée. C’est ce qu’a exprimé un
savant Esculape en ces termes
« La meilleure de toutes les drogues, c’est une bonne
alimentation. » Un autre claironnait
Quand l’estomac va, tout va; quand l’estomac ne va pas, rien
ne va. » Enfin, le héros d’Arcole ne proclamait-il pas : « Mes
soldats gagnent les batailles avec leurs jambes, et ils
marchent avec leur estomac »

*
**

D’une façon générale, la maladie résulte de violations


multiples des lois de la biologie. Du reste, ne nous leurrons
pas : les microbes sont toujours présents autour de nous, et
prêts à envahir notre organisme. Mais que peuvent-ils si notre
corps est blindé, si le TERRAIN est résistant ? Ainsi
chuchotait à son lit de mort— peut-être, tout de même, avec
une pointe d’exagération — le grand homme qui avait sauvé le
petit Jupille de la rage : « Claude Bernard avait raison le
MICROBE n’est rien; le TERRAIN est tout. »
Eléments monocellulaires nocifs et virus prolifèrent seulement
sur les êtres dont le sang est vicié, intoxiqué, affaibli. Or,
comme le dit si bien le Dr Carton, la pureté et la vigueur du
sang, des plasmas et des organes dépendent uniquement des
matériaux employés pour les constituer. Aussi importe-t-il
avant tout, pour être fort et bien portant, de suivre un régime
alimentaire RATIONNEL, de respirer un air pur, suffisamment
sec et ensoleillé, de se donner un exercice régulier et
raisonnable et d’éliminer chaque jour, par la peau, les
poumons, les reins et les voies intestinales, les déchets de la
nutrition et les toxines du corps.

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Ainsi, la GUERISON de toutes les maladies ne peut se
produire et persister qu’en détectant les fautes de régime et
d’hygiène antérieures, et en modifiant radicalement ce régime
et cette hygiène.

*
**

Nous sommes tout à fait d’accord avec le Dr Carton pour la


composition moyenne d’un menu rationnel.
Le petit déjeuner du matin peut comprendre d’abord une
boisson un peu excitante et tonique : le thé par la théine, le
café par la caféine, le chocolat par la théobromine, sans lait ou
avec très peu de lait. Le lait en excès en effet, peut se
coaguler en un gros bloc, dans l’estomac, surtout s’il est avalé
d’une seule gorgée d’où constipation opiniâtre .Mettre, dans la
tasse, un tiers de lait au maximum. Chez les sujets nerveux,
l’absorber sous forme de lait concentré Sucré ( par exemple).
Dose : trois-quarts d’une cuillerée à café diluée dans l’infusion.
Ce lait-là se digère mieux que le lait frais.
On prendra des aliments d’une teneur médiocre en azote,
donc en albuminoïdes mais avant tout combustibles :pain
grillé (le charbon jouant, dans l’organisme, le rôle d’un
puissant filtre anti-microbien, antiseptique, antiputride et
absorbant des gaz, donc par là éminemment digestif); ou
encore, biscottes ou pâtisserie légère : biscuits secs ou à la
cuillère, brioche .On ajoutera du beurre , frais et naturel à
l’exclusion de la margarine; ou du miel ou du fromage ou de la
confiture —
A ce repas matinal, il faudra toujours se garder de consommer
un oeuf nature, de la viande
ou du poisson, contrairement à ce que font les naturels
d’Outre-Manche.

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En hiver, remplacez l’infusion par une soupe aux légumes ou
aux céréales (porridge ou farine
ou pâtes cuites à l’eau sucrée et au beurre presque sans lait).

*
**

Sentez-vous votre estomac embarrassé pour avoir un peu trop


mangé ? Le jeûne matinal, de temps à autre, sera excellent :
vous vous contenterez d’un grand verre d’eau NON SUCREE
Elle purifie le sang et minéralise merveilleusement. Au lieu de
vous affaiblir à cause de la privation d’aliments plus
substantiels, cette diète vous confère paradoxalement une
euphorie spéciale qui vous rend apte au travail intellectuel.

*
**

Que comprend un repas midi bien combiné?

1° Des aliments minéraux et riches en VITAMINE qu’il est utile


de s’administrer au début comme hors-d’oeuvre : quelques
feuilles de salades (mâche en hiver, romaine en été,pissenlit
aux époques d’équinoxes, cette dernière salade étant en outre
diurétique, tonique et stomachique). On y joindra des légumes
crus en très petite quantité : petits pois,radis, pommes de
terre, artichaut, carotte, chou et une cuillerée à café de blé
cuit, une pincée de sel FRAIS, un peu de beurre CRU et une
pomme de terre cuite dans le four ou sous la cendre en robe
des champs.

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2° Un plat de résistance consistant en un aliment azoté
d’origine animale : viande plutôt légère.

3° Des aliments combustibles : pain De plus, en hiver un ou


deux féculents : pommes de terre à discrétion ; semoules,
flocons de céréales, pâtes , riz.Des corps gras : beurre naturel
ou huile d’olive pour la préparation des plats ( l’huile de noix
serait excellente, si elle ne constipait un peu et ne rancissait
rapidement).

4° Un aliment diastasé : un peu de fromage fermenté, cru ou


cuit : tomme de Savoie, Saint-Nectaire, Hollande, Gruyère
ordinaire, Coulommiers, Bondon de Neufchâtel, Camembert.
Chacun de ces mets précieux aide à la synthèse alimentaire
correcte. Tant pis pour Louis XIV que l’on sevrait de fromage,
sous prétexte que ce produit était par trop vulgaire. En faire
paraître sur la table du Roi-Soleil eût constitué un crime de
lèse-majesté

5° Des aliments sucrés et vitaminés (vitamine C : fruits de


saison, plus dessert sucré : confiture, miel ou pain d’épice.

6° Des produits excitants pour stimuler l’appétit et favoriser les


sécrétions digestives : sauces légères , sel, condiments
végétaux, rissolement, vin coupé de beaucoup d’eau, thé,
café.

*
**

Le goûter sera extrêmement sobre : pain avec beurre ou


chocolat
Quant au repas du soir il comprendra :

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1° Un potage peu abondant (pour éviter la distension de la
paroi stomacale, les dilatations et dyspepsies atoniques avec
fermentations intestinales), peu chargé en légumes, épaissi
avec du vermicelle ou une pomme de terre râpée CRUE.
Jamais de bouillon de viande

2° Un plat de résistance azoté mais, ici, pas sous forme de


viande : un oeuf nature, à la coque(très digestible ou dur avec
un peu de vinaigre ou sur le plat ou sous forme d’omelette ou
du fromage fermenté.

3° Des aliments - combustibles à digestion facile : pain et un


féculent l’été, deux l’hiver :
semoules, pâtes, pommes de terre.

4° Un aliment minéralisé absolument nécessaire le soir pour


aider à la récupération nocturne des sels minéraux, fournir des
déchets susceptibles d’exciter les contractions péristaltiques
de l’intestin, et empêcher ainsi la constipation, cet ennemi
mortel de l’intellectuel et de l’étudiant : légumes verts de
saison CUITS.
5° Un aliment diastasé : fromage doux ou lait caillé

6° Des aliments sucrés et à vitamines C : fruits de saison et


dessert sucré confiture etc.).

*
**

L’étudiant qui, le plus souvent, est un jeune homme ou un


adolescent, devra faciliter sa croissance, affermir son système
osseux et nerveux. Nous ne saurions trop lui recommander,
en automne et en hiver, de demander à son médecin s’il

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l’autorise à « se mettre » à l’huile de foie de morue, ce
puissant accumulateur d’énergies, qui fait du corps une
véritable bouteille de Leyde. Dose : une cuillerée à soupe au
repas de midi et une au repas du soir. Ceux qui se figurent ne
pas supporter ce merveilleux aliment procéderont de la façon
suivante : ils dilueront l’huile dans leur premier mets et boiront
de l’eau contenant du jus de citron et un peu de bicarbonate
de soude Ainsi sera contrebalancé l’excès de vitamines A qui
pourrait donner lieu à une inflammation des muqueuses
buccale et intestinale, et prédisposer au scorbut. Du reste, il
existe en France de nombreuses autres préparations
parfaitement tolérées et efficaces : consulter le docteur de la
famille à cet égard.
En été on remplacera l’huile de foie de morue par le glycéro-
phosphate de chaux granulé ou en cachets toujours après
avis du « toubib » familial.

*
**

Voyons maintenant à serrer d’un peu plus près la façon dont


le candidat à un examen doit adapter son régime alimentaire à
ses besoins particuliers.
Des expériences physiologiques absolument concluantes ont
prouvé depuis longtemps que l’effort intellectuel accélère la
dénutrition de la cellule nerveuse, et, notamment par la suite,
la perte d’acide phosphorique par les urines et la sueur. Cette
fuite s’exagère-t-elle? Elle entraîne rapidement une diminution
très nette des facultés, qui se traduit par une fatigue
considérable sous l’action de l’étude. Elle conduit, en passant
par l’insomnie, à des troubles neurasthéniques. De plus, le
travail de l’esprit intensifie la déminéralisation, c’est-à-dire
l’élimination anormale de divers sels indispensables à
l’organisme, notamment de la chaux et de la magnésie. Cet

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appauvrissement en substances inorganiques se traduit le
plus souvent par des maux de dents ou des sueurs abondante
se produisant de préférence la nuit : il mène droit à la névrose
et à la tuberculose .Enfin, les étudiants laissent échapper une
forte proportion d’azote.

Il est donc de toute nécessité, non seulement au point de vue


strict de la santé, mais encore pour maintenir l’esprit dans un
état constant de vigueur indispensable au succès des études,
que l’intellectuel fasse choix d’une alimentation capable de
reconstituer l’organisme d’après les indications précédentes.
Compte tenu des menus types sus-mentionnés, et qui
s’appliquent à l’homme moyen, l’étudiant devra veiller à
prendre une nourriture plus azotée que carbonée. Celle-ci,
d’ailleurs, proscrira les substances lourdes : graisses, huiles,
dont la digestion, déjà laborieuse chez le travailleur manuel,
réclame avant tout un exercice très énergique. (Nous avons
vu plus haut les précautions à prendre pour assimiler l’huile de
foie de morue). Ces aliments seront remplacés par le beurre
naturel et le sucre non travaillé (sucre coloré, miel, fruits très
sucrés, à l’exclusion du sucre blanc cristallisé industriel).

*
**

En ce qui concerne les matières azotées ou protéines, la


question est assez délicate. Les viandes, qui passent pour le
type des ces aliments, sont en général d’une assimilation
plutôt ardue pour un étudiant, qui est une personne
sédentaire. Dans ces conditions, elles déposent dans l’intestin
des résidus, véritables poisons (toxines) prédisposant à
diverses affections, et, avant tout, amenant très vite l’insomnie
et l’entérite. Nous avons déjà retranché du régime moyen les

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viandes lourdes ou échauffantes : porc, gibier. Celui qui
prépare un examen étant jeune et généralement doué d’un
bon estomac, pourra se permettre d’user de la viande de
boeuf qui est extrêmement reconstituante. Une faveur
spéciale sera réservée au poisson. Outre sa parfaite
digestibilité quand il est très frais, il possède le précieux
avantage de contenir de fortes proportions de phosphore, cet
aliment vital du système nerveux.

*
**

Nous ne saurions trop insister sur ce point :


Sans astreindre l’étudiant à un régime végétarien sévère,
mettons-le en garde contre l’abus de la viande déjà exclue le
soir de tous les régimes.
Il aura, au contraire, tout intérêt à accorder quotidiennement
une place importante à alimentation azotée végétale. Pois,
lentilles, fèves et même haricots (dont les effets de
fermentation seront « contrés » par le bicarbonate de soude et
le charbon de Belloc), contiennent une plus forte proportion
d’azote que la chair et seront mieux supportés, si l’on a soin
de faire usage de ces légumineuses sous forme de farines,
c’est-à-dire sans les peaux qui sont d’une digestion presque
impossible. On insistera surtout sur les lentilles, qui
contiennent beaucoup d’acide phosphorique et une notable
quantité de fer.

Noix, amandes, noisettes et noix du Brésil sont fort


recommandables à titre de dessert. Ces fruits si savoureux se
digèrent bien, en général; sous leur apparence modeste, ils
sont très nourrissants, contenant — le croirait-on? — plus
d’azote que la viande elle-même ! Il convient toutefois de

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signaler l’effet astringent des noix : elles tendent à produire de
la constipation. Si l’on redoute cette incommodité, on leur
préférera les amandes, qui jouissent, au contraire, de
propriétés plutôt laxatives.
Soigneusement cuits, les épinards sont excellents. Outre leur
vertu dépurative et légèrement purgative, très favorable en
toute saison, et tout particulièrement au printemps et à
l’automne, ils exercent une action reconstituante par le fer
qu’ils contiennent.
Les pâtes de bonne qualité sont nourrissantes et de digestion
facile. Ces aliments — ainsi que le riz — jouissent de
propriétés astringentes qui en rendent l’usage précieux en été,
à titre de précaution contre les diarrhées.
Le pain bien cuit est recommandable, pris en quantité
modérée : deux à trois cents grammes par jour, et non une
livre et demie à deux livres, suivant l’usage blâmable des
Français avant la « drôle de guerre ». Mais si la cuisson laisse
à désirer ou s’il est absorbé en excès, il présente de graves
inconvénients. Ainsi que l’ont prouvé les travaux du Dr Ferrier,
il provoque dans le tube digestif des fermentations très actives
génératrices d’acides qui dissolvent les minéraux de
l’organisme, dont elles entraînent une ruineuse élimination.

A raison d’un à trois par jour à la coque ou incorporés à


d’autres aliments, les oeufs frais (et non congelés) sont
excellents, et d’une digestion très facile. Le blanc est une
substance albuminoïde riche en azote, et le jaune contient un
tonique puissant, la lécithine. Si, aux approches de l’examen,
vous éprouvez le besoin de galvaniser vos forces par un peu
de suralimentation, vous pouvez y recourir sans danger à
l’aide des oeufs. Augmentez alors la dose sus indiquée mais
en évitant de consommer les blancs dont l’excès produirait
dans l’intestin des toxines extrêmement actives.

21
Les fruits frais notamment les pommes et les fraises
contiennent de l’acide phosphorique. S’ils sont bien mûrs et
non acides, les prendre crus en petite quantité. Sinon, chasser
au préalable l’acidité par la cuisson qui, il est vrai, tue
malheureusement les vitamines.

Les confitures sont excellentes. Celles de rhubarbe, en


particulier, sont intéressantes par leurs propriétés laxatives.

Eviter le plus possible les conserves. Même en hiver,


cherchez légumes et fruits FRAIS. Malgré les plus savantes
manipulations, les conserves ne sont pas saines, à cause de
leur manque de vitamines. Leur abus altère rapidement le
sang, et cette altération se traduit à l’extérieur par des
éruptions et de l’urticaire.

Si l’abus du café — le soir en particulier — produit de


l’insomnie, abstraction faite de troubles possibles dans la
région du coeur, un usage modéré de cette délicieuse boisson
Stimule le système nerveux par la caféine qu’elle contient, et
facilite très sensiblement le labeur intellectuel. Honoré de
Balzac, l’auteur de « la Comédie humaine », arrivait à
travailler ses quinze heures par jour en se « dopant » à jet
continu de café. Bien entendu, il exagérait. Quoi qu’il en soit,
le café aide beaucoup à supporter les chaleurs de l’été. A
cette époque critique de l’année qui sonne le branle-bas des
examens, il est très hygiénique d’absorber, pendant et même
entre les repas, de l’eau contenant quelques traces de café.

Le chocolat est une boisson tonique, mais un peu échauffante.


Ce produit, introduit en France au XVIIe siècle par Marie-
Thérèse d’Espagne, renferme, outre le beurre de cacao qui a
une réelle valeur nutritive, une substance tonique pour les
nerfs que nous avons déjà nommée :

22
la théobromine.
Une expérience formelle a prouvé que l’alcool est tout
particulièrement nuisible à l’entraînement intellectuel (comme
le tabac, du reste, et ceci pour n’importe quel entraînement
sportif)
Si, de peur de passer pour une... femmelette, encore que le
sexe aimable ait beaucoup évolué sous ce rapport — vous ne
voulez pas vous astreindre à boire de l’eau pure, faites usage,
aux repas, de vin d’excellente qualité largement coupé. Il y a,
dans le vin ROUGE notamment, du tartre et du tanin
substances toniques de premier ordre, ainsi que des éthers et
des aldéhydes qui facilitent la digestion le sommeil. On
pourra, si l’on préfère, prendre de la bière copieusement
additionnée d’eau :cette boisson amère stimule l’appétit et
fouette l’organisme.

Enfin, il peut être utile, surtout pendant le dernier trimestre, de


faire usage de comprimés de sels calciques autorisés par le
docteur, si on les supporte bien. Ces aliments
supplémentaires, au contraire, accroissent-ils la sueur ? C’est
qu’ils ne sont pas complètement assimilés; l’organisme se
débarrasse par la peau de la portion non absorbable, et c’est
une fatigue de plus en un bien mauvais moment... En ce cas,
diminuer la dose jusqu’à disparition complète de la
transpiration.
*
**
Si nous avons insisté sur la partie alimentaire de
l’entraînement de l’intellectuel, c’est qu’elle présente une
importance CAPITALE et cependant, naguère encore,
combien insoupçonnée Importance telle, que nombre
d’illustres « hommes de l’art » comptent exclusivement sur les
puissants effets d’une nourriture rationnelle pour la guérison
des maladies chroniques (exemple frappant du traitement de

23
la tuberculose dans les sanatoria). Importance que l’on saisira,
si l’on songe que tout résultat intellectuel n’est qu’une forme
d’énergie transformée, et que c’est de la nutrition seule que
dépend la somme d’ENERGIE se trouvant en nous (sous
forme d’énergie calorifique TRANSFORMEE EN ENERGIE
ELECTRIQUE comme on vient de le découvrir); si l’on
réfléchit que les cellules du corps sont en incessant
renouvellement (sauf les cellules nerveuses QUI NE SE
RENOUVELLENT JAMAIS : aussi faut-il en prendre soin
comme de la prunelle de ses yeux...), et qu’il dépend du...
ravitaillement individuel de remplacer toute cellule déficiente
par une plus forte puisque la substance même des cellules ne
peut provenir d’une autre source. Importance enfin qui
apparaîtra d’une éclatante évidence si l’on aperçoit, planant
sereinement bien au-dessus des raisonnements précédents,
l’éternelle et majestueuse loi de la CONSERVATION DE
L’ENERGIE!

24
CHAPITRE III

Hygiène de l’étudiant

Liberté... Egalité... Fraternité... Trois mots sublimes de la


Déclaration des Droits de l’Homme... Au fait, le principe
d’EGALITE est-il une loi de nature ? Qui oserait le soutenir ?
Tel enfant naît vigoureux, doté d’organes sains et forts; cet
autre vient au monde débile et le restera probablement jusqu’à
son dernier soupir. C’est que l’hérédité joue un rôle
prépondérant dans la robusticité initiale de l’être vivant.
Les astrologues proclament que le fait de voir le jour à telle ou
telle époque de l’année, à telle ou telle heure de la journée, a
aussi sa petite influence. Longtemps, les pontifes ont fait des
gorges chaudes de ces affirmations, taxées de superstitions
dues à l’ignorance et à la bêtise. Mais on a beau dire : il y a
rarement fumée sans feu. Se risquera-t-on, de nos jours, à
nier « mordicus » toute action émanée des régions éthérées,
alors que l’on commence à se douter des effets des rayons
cosmiques sur l’évolution du nouveau-né?

Quoi qu’il en ‘soit, les Spartiates sacrifiaient impitoyablement


les déficients, les « mauvais sujets » . On les jetait à l’Eurotas,
et tout était dit. C’était peut-être aller un peu vite. En effet, par
l’observation stricte et persévérant des règles de l’hygiène, un
individu peut agir sur sa constitution. Tel hercule, qu’une
confiance illimitée en sa résistance, en son invulnérabilité rend
follement imprudent, décédera prématurément, alors qu’une

25
bacillose, astreignant sa victime à prendre de grandes
précautions, sera peut-être pour elle un brevet de longue vie...

*
**

Qui ne connaît sur le bout du doigt les règles de l’hygiène,


ânonnées dès la plus tendre enfance sur les bancs de l’école
? En les mettant en pratique à la lettre, on s’assurerait les plus
grandes chances de narguer la Camarde jusqu’aux approches
de la centaine. Or, chose stupéfiante, personne, en réalité, n’a
cure de se plier à l’observation de ses préceptes.
Le paysan, répète-t-on comme un leitmotiv, est extrêmement
robuste. La vie à la campagne ? Garantie de force, de santé,
de longévité... Hum... Du moins jusqu’à ces dernières années,
avant que la machine ne fût venue seconder le muscle, le
travail était dur, surtout dans les terrains rocailleux. Exposé à
toutes intempéries, on était sur la brèche jusqu’à dix-huit
heures par jour durant la « belle » saison ! Comment songer à
la semaine de quarante heures quand les récoltes sont là,
réclamant des soins de tous les instants, et doivent être
rentrées en un clin d’oeil si un orage pointe à l’horizon !

En fait, ce métier était des plus meurtriers. C’est par sélection


naturelle que quelques-uns sont restés : debout LES FORTS !
Et les autres ? Ils peuplent les cimetières.
Aujourd’hui, certes, les instruments agricoles viennent vous
épauler. Cependant, que de fermiers se contentent encore
d’une alimentation distribuée à la diable, sans aucun principe
scientifique; emportent au marché leurs poulets et leurs lapins,
gardant pour eux un mauvais lard sans maigre, bien qu’ils le
décorent pompeusement du nom de « viande » ; vendant
leurs oeufs frais et en achetant de vieux pour les consommer ;

26
expédiant au loin leurs barriques d’excellent vin et buvant une
« piquette » mal faite, acide et nuisible à la santé !Combien
négligent d’aérer leur chambre, de chauffer décemment leur
maison, et contractent une grippe « carabinée » qui les cloue
au lit pour un mois chaque hiver

Dans les villes, n’est-ce pas encore pire ? Entassés dans des
taudis, on fume, on se réfugie au café pour y commander des
boissons alcooliques, si l’on ne va pas chercher des
distractions dans les lieux pires.

Quel est le but de l’hygiène ? Se préserver des maladies, et


tout particulièrement des affections contagieuses. Soins de
propreté, choix des vêtements, disposition de l’habitation, etc.,
sont de son ressort.
Il faut tout d’abord avouer que, pour des rai sons de snobisme
masquant des intérêts commerciaux plus ou moins
recommandables, bien des choses entrant dans la catégorie
de « ce qui se fait » ne brillent pas particulièrement par leur
valeur hygiénique
— Voyez-vous souvent, dans le rayon de la cordonnerie, des
chaussures s’élargissant par l’avant, pour épouser exactement
la forme des pieds ? Allons donc ! ce serait anti-esthétique...
Aussi, presque tous les souliers.., bottines.., sandales... etc.,
s’inspirant de la mode chinoise, se terminent-ils en pointe, au
grand dam des orteils, qui, comprimés, torturés, écrasés, se
déforment, se couvrent de cors et d’ampoules, et des dessous
de pieds où s’épanouissent d’inextirpables durillons.
Et que dire de cette mode des souliers bas, éclose vers la fin
de la « der des der » pour s’imposer partout depuis la « drôle
de guerre ? On se fatigue plus vite à pied et à bicyclette, la
cheville n’étant plus soutenue, ni, du reste, plus protégée en
hiver contre les morsures du froid.

27
- Commerçant, rencontrez-vous le «bonhomme » avec qui
vous avez à traiter ? Avisez-vous donc de ne pas le suivre au
bar pour discuter devant deux « fines » ou deux « demis »
bien tassés : vous êtes sûr de rater une occasion qui ne se
renouvellera pas.
- Etes-vous facteur rural? Essayez de faire fi du petit verre qui,
au cours de vos tournées, vous est offert dans mainte maison.
Vous offenserez de braves gens et passerez pour un goujat.
Choisissez : vous confectionner un solide ulcère d’estomac,
ou voir, au jour de l’an, vos étrennes vous passer sous le nez.
—Vous n’êtes, il est vrai, ni commerçant ni facteur. VOUS
ETES ETUDIANT. Cela ne change rien. Ah ! vous ne vous
laissez pas en traîner à « vadrouiller » avec les copains? Ah !
vous préférez étudier au lieu de renchérir sur leurs fredaines ?
Ah ! après dîner, vous décidez
de dormir vos neuf heures et de récupérer normalement des
forces dont vous avez besoin,
au lieu d’errer de dancing en boîte de nuit ? Vous n’êtes, aux
yeux de ces messieurs, qu’un ours doublé d’un crétin !

*
**
L’étudiant se doit de ne pas négliger certaines précautions .Le
labeur intellectuel astreint à une existence non exempte de
dangers, à un âge où il faut circuler. En particulier, il tend à
produire une atonie génératrice de graves désordres
stomacaux et intestinaux Aussi faut-il veiller tout
particulièrement à manger lentement, à mâcher
consciencieusement les aliments et à faire durer au moins
trois quarts d’heures chacun des deux principaux repas. Rien
de funeste comme cette déplorable habitude qui s’est
introduite dans les pensionnats de bâcler déjeuner et dîner en
une vingtaine de minutes. L’excuse provenant des exigences

28
d’un emploi du temps surchargé est illusoire :on étudie moins
bien moins vite, et on assimile très mal les connaissances,
pendant une digestion laborieuse.

Une avalanche d’aliments ingurgités à la hâte et tombant dans


l’estomac après une mastication et une insalivation
insuffisantes, impose à cet organe un labeur extrêmement
pénible. A vrai dire, les élèves ont, à peu près partout,
parfaitement le temps de jouer tranquillement des mandibules,
mais ils sont impatients de retourner s’amuser, la durée de la
récréation était sévèrement mesurée. Si, après un repas ainsi
précipité, ils se livrent par surcroît à un sport violent, ils
peuvent être certains que leur digestion va se trouver presque
complètement entravée.

Napoléon, ce génial intellectuel, ce géant du travail qui


consacrait à l’élaboration de ses vastes plans quinze heures
par jour, s’accordait à peine le temps de se sustenter. Il
regrettait les dix minutes qu’il passait à table : du temps perdu
à son sens... Il exigeait que tous les plats fussent apportés à
la fois, avant qu’il ne se présentât.

Puis, une fois assis, il allongeait fébrilement la main, et le mets


le plus rapproché avait d’abord ses faveurs. Il n’était pas rare
de le voir commencer par le dessert et terminer par le potage.
Cette négligence — désespoir de son Esculape Corvisart lui
valut un ulcère à l’estomac qui devait, en dépit de sa belle
constitution, le terrasser à l’age de cinquante-deux ans.

*
**

Evitez tout travail intellectuel immédiatement après le repas;


abstenez-vous même de tout exercice physique un peu actif.

29
Les animaux, dont le merveilleux instinct est le plus fin
hygiéniste, se couchent dès qu’ils ont mangé. Attendez au
moins une heure avant de vous livrer un labeur intense de la
pensée.

*
**
Il est salutaire, au cours de la journée, de faire de fréquentes
promenades sans fatigue, en pleine campagne de préférence.
Au cours de l’étude, on se lèvera fréquemment de sa table de
travail pour allonger ses membres engourdis. Quelques
mouvements de gymnastique très correctement exécutés, et
dont chacun sera séparé du suivant par QUATRE
SECONDES pour faciliter la circulation dans les muscles
intéressés: CECI EST TRES IMPORTANT — seront
excellents pour rectifier les positions vicieuses précautions fort
simples, dont la pratique, croyons-nous, évitera bien des
malaises. Il est vrai que les choses limpides, souvent si utiles,
sont trop fréquemment celles qu’on dédaigne de faire. Il ne
sera donc pas superflu, pour se décider à consacrer quelques
minutes par jour à ces exercices, de prendre la peine de
réfléchir, à leur importance et de se convaincre fermement
que ce n’est pas là du temps niaisement gaspillé.
Durant des heures d’un labeur assidu, on demeure écrasé sur
un bouquin. Qui ne comprendrait que la poitrine, l’estomac,
l’intestin, le foie, se trouvent comprimés et se congestionnent?
La circulation se ralentit dans ces organes, et les fonctions
perdent de leur activité. La désassimilation est gênée, les
déchets sont expulsés avec moins d’énergie, les boyaux
perdent de leur élasticité. Si, par suite, se produit une
constipation tenace, - ce qui est trop fréquent — l’organisme
s’intoxique peu à peu. On marche vers la dyspepsie, la
gastrite, l’entérite, les affections hépatiques; les poumons eux-

30
mêmes risquent d’être atteints, surtout si l’on n’a pas soin
d’aérer amplement son studio.

*
**

Vous sentez-vous fatigué? Reposez-vous AUSSITOT. Est-ce


après une besogne d’une heure? Allongez-vous sur un lit, une
chaise-longue, un fauteuil. Au besoin, restez immobile sur
votre chaise, les yeux clos, en vous décontractant le plus
possible et en vous efforçant de ne penser à RIEN. Cinq
minutes suffiront pour vous regonfler à bloc. Après plusieurs
heures d’un travail ininterrompu, un quart d’heure d’un tel
repos vous revigore totalement.

N’ayez pas honte de vous détendre. Le repos, conséquence


d’un labeur, n’a rien de commun avec la paresse. Il doit être
considéré comme SACRE. Etant habituellement assidu au
travail, éprouvez-vous une répugnance très nette à l’action ?
Ne vous attelez pas de vive force à la tâche. La volonté d’agir
non accompagnée d’un certain PLAISIR, d’une sorte d’allant,
d’euphorie, non seulement ne conduit pas à de solides
résultats, mais risque de compromettre la santé. Demandez-
vous si cette sensation de recul devant le papier blanc.., à
noircir n’est pas un avertissement salutaire qu’il serait périlleux
de mépriser...

*
**

Car la nature ne nous prend jamais en traître : ELLE


AVERTIT. Aussi convient-il d’accorder la plus grande attention

31
aux divers désagréments qu’elle vous ménage non pour la
maudire, mais pour essayer, en pythonisses — disons, pour
être à la page, en apprentis-sorciers
— de pénétrer ce que présagent ces augures : bobos destinés
à vous protéger contre des maux plus grands qui pointent à
l’horizon.

Ainsi, les maux de dents sont la cloche d’alarme qui, en nous


décidant à visiter le dentiste, nous permet de conserver ces
petits os précieux par plombage, ou, au pire, de les faire
remplacer. Nous sommes, d’autre part, informés par là qu’il se
produit en nous une inquiétante déminéralisation et invités à
renforcer notre alimentation en sels de chaux, à l’alcaliniser, et
à modérer notre effort.

En hiver, après quelques minutes de travail intellectuel dans la


position assise, sentez- vous des bouffées de chaleur ? Vos
pieds se refroidissent-ils ? Votre circulation laisse à désirer et
il sera prudent de vous soumettre à l’examen d’un spécialiste
du coeur.

Avez-vous une pesanteur dans la région supérieure de


l’abdomen, du côté droit? Attention à votre foie ou à votre
appendice...
Eprouvez-vous des fourmillements dans les membres ? dans
les doigts ? Souffrez-vous de torticolis ? de diarrhées
fréquentes ? Gare à vos reins...
Et que de migraines terreur de 1’étudiant— installées depuis
des mois, parfois des années céderaient comme par magie, si
— au lieu supprimer stupidement, pour un temps, l’effet par un
analgésique, sans se préoccuper de cause — on se décidait
sans ambages à aller consulter un spécialiste de l’estomac ou
de la vue! Certaines de ces céphalgies sont dues à un
fonctionnement défectueux du tube digestif, d’autres à une

32
anomalie de l’oeil :myopie par exemple, ou différence de
puissance entre les deux organes visuels. Se rend-on compte
de la fatigue accumulée par un intellectuel, pour des yeux
anormaux, et, par suite, pour un nerf très important de la tête,
du fait de lectures presque ininterrompues du matin au soir?
Nous avons eu le plaisir de voir disparaître des migraines
anciennes de DIX ANS, chez une demi-douzaine de
personnes qui, à la suite d’une simple remarque de notre part,
s’étaient rendues chez l’oculiste.
Profitons de l’occasion pour noter que des yeux MEME TRES
NORMAUX se fatiguent considérablement chez l’étudiant.
Cette fatigue locale contribue POUR UNE GRANDE PART à
la fatigue générale causée par l’étude. CE POINT CAPITAL
ETAIT PASSE JUSQU’ICI A PEU PRES INAPERÇU. Aussi
n’hésitons-nous pas à recommander au candidat à UN
EXAMEN de faire entrer définitivement les soins de l’oeil dans
sa toilette QUOTIDIENNE. Matin et soir, et après chaque
séance d’étude de plusieurs heures, massez-vous quelques
minutes le tour des paupières, et prenez un bain local (eau
tiède dans une oeillère) pendant une cinquantaine de
secondes pour chaque oeil.

• Si tout le monde doit absolument dormir cette règle est


encore plus impérieuse chez l’homme d’étude.
Se doute-t-on que l’insomnie est due à quelque maladie?
Consulter son « toubib », faire analyser ses urines et son
sang, et passer à la radio.
Dormez la fenêtre ouverte, votre chambre ayant, au préalable,
été aérée à fond au cours de la journée, et la poussière
enlevée très minutieusement par un aspirateur électrique.
Vous fermerez la croisée seulement pendant les gros froids, si
vous prévoyez que la température doive s’abaisser au-
dessous de + 7 degrés centigrades dans votre chambre.

33
Orientez votre lit dans la direction nord-sud (tête au nord,
pieds au midi). Sans qu’on ait pu encore déterminer très
exactement le rôle du magnétisme terrestre sur l’organisme,
on admet que se placer suivant les grands courants du globe
(dans le SENS indiqué ci-dessus, et NON dans le sens
INVERSE) favorise le repos. On l’a d’ailleurs constaté
expérimentalement.
• Pour une raison analogue, celui qui travaille debout ou assis
a intérêt, pour l’économie de ses forces, à se fixer le dos au
nord, face au sud. Lit-il ? Il s’arrangera, en outre, de façon que
la lumière lui arrive obliquement du côté gauche.
•Le soir, mangez légèrement restez, comme on dit sur votre
appétit. Vous aurez pris un peu de charbon de Belloc pour
désinfecter le tube digestif, puis un verre d’eau pure qui
rincera vos viscères — nettoyage en petit des écuries
d’Augias — tout en décongestionnant le foie et les reins.
• Faites quelques exercices de gymnastique, notamment des
mouvements de jambes. Vous pouvez, par exemple, pratiquer
la flexion et l’extension des membres inférieurs neuf fois
consécutives, ces mouvements étant exécutés lentement et
avec la plus grande perfection. Vous faciliterez ainsi la
circulation, ferez avorter tout signe congestif et expédierez le
sang vers la périphérie.
• Frictionnez-vous énergiquement la tête, la face et le cou
avec une serviette un peu rude non
mouillée, surtout si vous avez beaucoup peiné
intellectuellement, pour dégager la partie supérieure du corps.
Ce résultat sera renforcé si fous faites ensuite NEUF fois,
dans les deux sens et très lentement, chacun des trois
mouvements suivants
1° Faire basculer la tête de droite à gauche et de gauche à
droite autour d’un axe horizontal dirigé d’avant en arrière
(prendre, en quelque sorte, des airs penchés perfectionnés).

34
2° Faire tourner la tête de gauche à droite et de droite à
gauche autour de l’axe vertical du corps (comme si l’on
cherchait à... dévisser sa tête).
3° Faire mouvoir le chef de haut en bas et de bas en haut,
autour d’un axe horizontal parallèle à la ligne des épaules
(salutations à l’orientale, ou, si l’on veut, signes énergiques
d’approbation).
• Effectuez ensuite des soins de bouche (gargarismes,
lavages de dents) et prenez dans le nez une pommade
légèrement antiseptique (vaseline goménolée, par exemple).
Une fois au lit, faites plusieurs mouvements consécutif
d’expiration FORCEE, en visant à chasser absolument toute
trace d’air des recoins les plus exigus des alvéoles
pulmonaires (figurez- vous, par exemple, que vous cherchez à
tirer d’un cornet à pistons une série de sons suraigus, ou que
vous voulez emplir, en soufflant, un ballon d’une capacité
illimitée) ; puis exécutez quelques inspirations INTENSIVES.
Mieux vaut séparer les premiers mouvements des seconds :
vous réussirez ainsi les uns et les autres avec une plus
grande perfection et une fatigue sensiblement moindre.
Cette technique offre le précieux avantage de renforcer
instantanément — et pour toute la durée de la nuit — le
rythme de la respiration, qui tend à plonger dans le sommeil
en ce qu’il constitue un véritable bercement. De plus, elle
accroît la capacité respiratoire et la masse d’air pure utilisée
pendant la nuit, ce qui est encore favorable au sommeil.
On peut se faire ensuite une vingtaine de suggestions en
répétant : « JE SUIS SUR que je vais m’endormir. »(Voir la
deuxième partie, chapitre premier).

*
**

35
Ces procédés peuvent ne pas donner tout leur effet les
premières fois. A chaque nouvelle application, leur réussite
s’affirmera avec plus d’autorité.
Dans les cas rebelles, on peut, durant une dizaine de minutes,
se masser les épaules (ce qui n’est pas aisé), la poitrine et la
région abdominale, puis placer une main à plat sur l’estomac
ou sur le foie — comme le faisait probablement Napoléon —
et l’y laisser. Elle se comporte comme une source de douce
chaleur et accélère la digestion, ce qui porte au sommeil.
En même temps, vous compterez jusqu’à MILLE de la façon
suivante : UN (et vous fermez les yeux) ; DEUX (vous les
ouvrez) ; TROIS (vous les fermez); QUATRE (vous les
ouvrez), et ainsi de suite, alternativement. La fatigue des
paupières et le rythme de l’opération joueront le rôle d’un
puissant agent hypnotique, du reste absolument inoffensif.

Vous éveillez-vous, pendant la nuit, en hiver? Recommencez


les exercices précédents. Est-ce en été ? N’hésitez pas à
vous lever pour vous faire une ablution à la serviette mouillée.
Recouchez- vous, puis revenez aux procédés sus-indiqués.
Si cela devient nécessaire, prenez, avant de vous coucher, un
bain de pieds chaud puis une infusion aromatique : tilleul,
camomille, ou un véritable somnifère (coquelicot). Rien de
plus simple, d’ailleurs, que de demander au pharmacien un
petit flacon de potion narcotique. Mieux vaut prendre une fiole
exigu : vous pourrez ainsi vous réserver de changer de
soporifique, ce qui évite l’accoutumance.

*
**

L’idéal est d’avoir une chambre exposée au sud-est. D’autre


part, se coucher sur le dos serait parfait, si ce n’était

36
l’inconvénient du ronflement qui se produit souvent dans cette
position. Cette posture est la seule qui ne comprime aucun
organe. Dormir du côté gauche ? Mauvais:
on gène le coeur. Tenter de reposer franchement du côté droit
n’est guère meilleur : on s’appuie sur le foie. On s’étendra sur
les deux épaules, très légèrement à droite.

*
**
• S’il faut absolument se reposer, il est, par contre,
indispensable à l’étudiant de pallier les inconvénients d’une
existence trop sédentaire par un exercice suffisant.
Il sera utile de faire le matin, au saut du lit, un quart d’heure de
gymnastique, et, si l’on peut, un ou deux mouvements après
chaque heure de travail. De temps à autre, levez-vous de
votre table, redressez bien la tête et faites quelques pas dans
votre studio. Cette activité intermittente rétablit fort à propos
une circulation qui tend à s’engourdir, dégage les organes
comprimés et permet d’éviter les hémorroïdes.
Une bonne promenade à pied — appelez-la séance de «
footing » si vous tenez absolument à rester dans la ligne d’un
certain snobisme sera très salutaire. Sauf contre-indication
médicale, un peu de cyclisme, à allure modérée et en faisant
les montées à pied, sera un excellent délassement. Ne
négligez jamais d’aérer votre salle de travail pendant cinq
minutes toutes les heures.
La méthode de gymnastique naturelle, enseignée par le
commandant Hébert (qui a souvent
remplacé, et plus encore complété la gymnastique suédoise
moins variée et plus fastidieuse), susceptible de s’adapter à
toutes les constitutions et ne poussant pas à la perfide
PERFORMANCE, à la compétition génératrice de surmenage,
mérite d’être connue et employée par les intellectuels
soucieux de maintenir et de renforcer leur santé.

37
Autant un exercice pondéré est utile, autant un sport violent
nuit à l’entraînement de l’intellectuel. Tout effort physique
exige une dépense supplémentaire d’énergie. Celle-ci,
nécessairement distraite de celle consacrée à la tâche
principale, aura à être amplement récupérée par une
amélioration du sommeil et des fonctions de nutrition.

Aussi cette consommation parasite de forces doit- elle être


très strictement limitée.
Si vous vous, lancez inconsidérément dans un exercice brutal
et prolongé, vous dissiperez une énorme quantité de calories
et d’influx nerveux, d’autant plus sensible que, par manque
d’en traînement, vous serez très vite exténué. Le danger est
flagrant s’il s’agit d’un sport collectif, où l’émulation dissimule
traîtreusement la fatigue, à moins que, par amour-propre, par
souci de paraître, aux yeux de la galerie, plus « costaud » que
tel camarade, elle n’en fasse litière, purement et simplement.
Le système nerveux, exaspéré, se tendra, donnant l’illusion
que l’on est toujours frais et dispos. Mais après, quelle
réaction !quelle courbature! quel anéantissement !

*
**

Nous ne saurions trop mettre en garde l’étudiant contre


l’ABUS du jeu de football. De même que la boxe, c’est un
exercice plutôt brutal, excellent sans doute pour des soldats,
pour des adultes rompus aux occupations physiques, ou pour
des jeunes gens d’une robusticité très au-dessus de la
moyenne. Par contre, il ne convient guère, en général, à des
adolescents dont l‘organisme est encore délicat, peu résistant,
à plus forte raison quand ceux-ci sont en plein effort

38
intellectuel. Non seulement l’usage démesuré de ce jeu
contrarie sérieusement les études, mais il conduit à la
bacillose les sujets non spécialement taillés pour les exploits
athlétiques.
Etant élève de l’Ecole Normale, j’eus la fâcheuse inspiration,
durant ma préparation au Brevet Supérieur, d’entrer dans une
équipe de football. J’y fus d’abord un « avant » médiocre. Il est
vrai que par la suite, — et sans me vanter,
— je fis merveille dans le rôle de demi ‘. Je m’arrangeais
toujours pour faire venir à moi le ballon avec mes pieds. Mais l
n’est pas la question. Le fait est que, chaque jour, après
déjeuner, de midi et quart à une heure, — on se hâtait
sottement d’expédier le déjeuner en un quart d’heure pour
pouvoir jouer un peu plus longtemps avant la classe — nous
nous lancions à corps perdu dans une partie extrêmement
disputée où des mêlées endiablées le disputaient à
d’acrobatiques dribblings. Pendant tout le reste de la journée,
je me sentais déprimé, courbaturé, moulu, les jambes lourdes,
et fort mal disposé pour l’étude.

*
**

L’intellectuel se gardera de tout effort de la pensée après le


repas du soir; tout au plus se bornera-t-il à un léger travail
plutôt mécanique (copie, mise en ordre), ou, mieux, à une
promenade. Il sera bien inspiré en se couchant de bonne
heure, quitte, à se lever de grand matin.
Le travail matinal est très efficace. Il dormira de huit heures et
demie à neuf heures.
Des bains fréquents et des douches écossaises réveilleront la
vigueur de son esprit et lui pro cureront un sommeil salutaire.

39
*
**
.
Il est un point CAPITAL que l’étudiant doit viser avant tout :
acquérir une excellente RES PIRATION Il multipliera ainsi ses
chances de santé. Il accroîtra ses forces par le supplément
d’oxygène qui brûlera mieux ses toxines. Par cette combustion
même, il augmentera sa chaleur animale, DONC SON
ENERGIE. Il galvanisera toutes ses facultés. C’est ce que
savent fort bien les fakirs hindous, — que nous vîmes à
l’oeuvre lors de notre séjour de cinq années dans le Proche-
Orient — et tous ceux qui se sont spécialisés dans la
concentration de
la pensée tels les moines du mont Athos, en Grèce.

La respiration, qui s’accomplit par les poumons, et aussi par la


peau, — ce qu’on oublie trop souvent — est une fonction
d’une exceptionnelle importance. En oxydant les poisons
organiques et en les expulsant par la sueur, elle dépure.
Respirer normalement, et pratiquer l’hygiène de la peau par
des soins de propreté, des bains, des ébats en piscine, est
déjà bien. Galvaniser l’appareil respiratoire par l’HYPER-
RESPIRATION et les bains de LUMIERE et de SOLEIL, et
fouetter par là les deux groupes de glandes endocrines
essentielles la glande thyroïde et les glandes surrénales,
décuple la vitalité et confère un véritable rajeunissement.

*
**

40
L’hyper-respiration, particulièrement précieuse chez les
sédentaires et les constipés donc chez l’immense majorité des
étudiants, consiste en une notable AMPLIFICATION des
mouvements respiratoires. On sentira tout de suite l’effet
d’une telle exagération, si l’on songe que la capacité moyenne
des poumons d’un adulte est d’environ trois litres, alors qu’une
inspiration normale n’amène qu’un demi-litre d’air dans la
cage thoracique !
Maintes fois recommandés par des hygiénistes, les exercices
respiratoires ont été souvent tentés, mais cela n’a jamais
pris... Pourquoi ?
Eh... mon Dieu! c’est bien simple. Quoi de plus ridicule que de
respirer artificiellement ? L’allure n’y est pas : de quoi a-t-on
l’air ? On se fait l’effet d’un pendu qui va trépasser, d’un
soufflet de forge troué, d’un asthmatique qui suffoque, d’une
carpe qui vient de sortir de son élément. Et l’on a l’impression
de perdre son temps. De surcroît, ces mouvements sont
indiqués comme tout à fait accessoires, se greffant à la diable
sur des exercices de bras. On se résigne donc à les esquisser
comme des actes de gymnastique. A ce titre, on ne tarde pas
à les trouver puérils, et d’un fastidieux ! Enfin, quoi de plus
éreintant que de faire suivre immédiatement une inspiration
très poussée d’une expiration désespérément longue

Nous conseillons de SEPARER les expirations forcées des


inspirations amplifiées. Ainsi, chacun de ces mouvements
sera fait avec plus de profondeur, plus de fini, plus de brio, et
l’effet obtenu s’en ressentira. Il est d’ailleurs inutile d’y
consacrer un temps spécial, à distraire de quelque occupation
importante.

On effectuera ces exercices à chaque sortie, dans la rue, sur


la route ou en plein champ, en continuant à marcher au
ralenti, à raison de trois expirations forcées suivies de trois

41
inspirations très amples. A la fin de la journée, on se trouvera
avoir effectué, presque sans s’en être aperçu, une soixantaine
de mouvements respiratoires extrêmement efficaces.
Ressentez- vous, au bout de quelques jours, un peu de
fatigue dans les poumons ? Cessez pendant une semaine,
quitte à recommencer ensuite prudemment, et, au début, avec
moins d’intensité.

Vous ne tarderez pas à vous sentir plus alerte, plus léger, plus
jeune, plus vigoureux. Vous aurez envie de chanter, et serez
stupéfait d’en tendre sortir de votre gorge des sons puissants,
prolongés, que vous ne vous seriez jamais cru capable
d’émettre avec cette intensité et cette virtuosité. Vous allez
vous sentir des ailes, éprouver LA JOIE DE VIVRE. Votre
appétit augmentera. Sans manger davantage, votre poids va
s’accroître, faisant mentir le proverbe : « On ne vit pas de l’air
du temps... »

C’est qu’en effet vous avez ainsi trouvé le moyen de doubler...


de tripler la masse d’oxygène qui vient imprégner vos
poumons, d’où digestion plus active, assimilation plus parfaite,
combustion plus complète des résidus. En outre, cette hyper-
respiration stimule les fonctions du foie (la sécrétion biliaire en
particulier), celles de l’intestin et des reins. De plus, elle anime
la glande thyroïde, et ceci présente une importance
exceptionnelle comme nous le verrons au chapitre VI de la
deuxième partie.

*
**

• Les bains de soleil et de lumière activent les glandes


surrénales, et, par suite, exercent une

42
action tonique, en particulier, sur le COEUR. Aussi ne
saurions-nous trop vous recommander, dès la sortie de l’hiver
et dès que la température de la chambre à coucher ou du
cabinet de toilette (à chauffer, s’il le faut, avec un poêle à
pétrole, qui donne à peu près instantanément la température
voulue), approche de 15°, de faire vos ablutions et votre
gymnastique dans le plus simple appareil. Habitez-vous la
campagne .Travaillez ou promenez-vous en manches de
chemise, de façon à profiter le plus possible des bienfaits du
soleil. Encore ne soufflons-nous mot des plages où ces cures
de lumière et de soleil sont si pratiques.

Toutefois, nous ne saurions prendre la responsabilité de


conseiller l’exposition de la peau nue aux ardeurs de Phébus,
surtout au voisinage de la canicule. A cet égard, nous
laisserons la parole à votre médecin. Il a été reconnu que de
nombreuses soi-disant « cures » de soleil, faites
imprudemment, — et moins par souci de santé que pour
sacrifier au dieu Snob en vue d’un brunissement de peau à la
mode — ont réveillé ou même fait éclore des lésions
pulmonaires.
Les rayons solaires traversent les vêtements, mais plus ou
moins suivant la couleur de ceux-ci. Portez des habits clairs,
presque blancs, surtout si vous avez le coeur un peu fragile.
S’habiller en noir équivaut, toutes proportions gardées, à
habiter une cave...

*
**

II est certaines incommodités ou affections particulièrement


fâcheuses chez l’étudiant.

43
Nous ne citerons que pour mémoire la « grande faucheuse » :
la tuberculose (puisqu’il faut l’appeler par son nom) qui fait
tant de ravages dans l ‘université. N’insistons pas: la société
commence à s’organiser pour dépister la terrible maladie, et
se colleter avec elle. Les étudiants ont leurs sanatoria. Notons
seulement que beaucoup d’entre eux prennent le mal en
négligeant de s’aérer, ou en respirant les poussières de leur
machine à écrire, poussières aussi meurtrières, quoique
invisibles, que les avions porteurs de bombe H. Ici, les
explosifs atomiques sont les bacilles de Koch !

*
**

Incommodité trop fréquente et souvent préjudiciable à l’oral


des examens : une mauvaise odeur. Elle peut avoir plusieurs
causes. Vient-elle de la sueur des pieds ou des aisselles ?
User de bains saltratés. Le plus souvent, la bouche ou le nez
en sont les responsables. Voir, en ce cas, si l’on n’a pas de
dent cariée. La cause peut encore être une sinusite ou une
digestion défectueuse .S’attaquer à la cause. De toute façon
,pallier, en attendant mieux, toute odeur buccale suspecte par
de fréquents gargarismes d’eau tiède contenant du
bicarbonate de soude (qui neutralisera les acides putrides) et
du charbon médical en poudre l’un des plus efficaces
désodorisants connus.

* .
**
Plus que quiconque peut-être, l’étudiant est sujet à des
indispositions sérieuses dues au froid

44
dont certaines peuvent devenir chroniques. Il devra donc
s’entraîner à faire front au général Hiver, en aérant bien sa
chambre et en dormant la fenêtre ouverte ou entr’ouverte, —
sans être au passage d’un courant d’air — tant que la
température le permet. Chaque matin, il prendra son tub ou
son ablution à la serviette mouillée à l’eau FROIDE, et se
frictionnera avec un gant de crin un peu rude, ou une brosse
londonienne à manche .De temps à autre, il saupoudrera de
saltrate Rodell le linge humide avec lequel il se frotte:
l’oxygène ainsi dégagé débouchera ses pores dix fois mieux
que le savon.

Prend-il aisément des coryzas ? Tousse-t-il facilement


pendant la mauvaise saison ?Croit-il avoir contracté une
sinusite ? Est-il sujet à la dyspnée à des attaques d’asthme?
Qu’il essaie donc une cure d’un médicament anglais très
renommé, le MENDACO. N’en prendre que la moitié de la
dose indiquée, et boire, chaque jour, entre les repas, six
grands verres d’eau pour éliminer la plupart des toxines par
voie rénale. Ce médicament présente un inconvénient : il tend
à constiper. Pendant son usage, manger de la confiture de
rhubarbe, des pruneaux et de la salade de pissenlit. Si cela ne
suffit pas, consulter, bien entendu, un spécialiste.

*
**

L’abus des jeux violents en plein air (boxe, football) amenant


fréquemment de la transpiration , nombre d’étudiants se
plaignent de rhumatismes. Il faut alors s’occuper de son foie et
boire matin et soir un grand verre d’eau. Y joindre un
traitement, non au CORTISONE, produit récemment porté aux
nues par la grande presse en réalité, remède de cheval, très

45
mal connu, qui a souvent produit des accidents par fois
MORTELS, mais au DOLCIN. Ce produit, qui a déjà fait ses
preuves et n’irrite aucun organe, est très efficace dans des
cas invétérés et même désespérés, ce qui ne veut pas dire
dans TOUS les cas. En tout état de cause, le DOLCIN est
toujours inoffensif. Boire encore, pendant la cure, six grands
verres d’eau chaque jour.

*
**

Boxe, football, lutte gréco-romaine avec ses prises


redoutables, judo, catch et ses coups trop souvent..,
hétérodoxes, donnent le jour à de nombreuses HERNIES
chez les étudiants. Evidemment, ils peuvent se faire opérer; et
même, s’ils sont sous les drapeaux, on les allonge sur le
billard sans leur demander leur avis ! A coup sûr, mieux vaut
jouer à la statue sous le scalpel à la fleur de l’âge qu’à quatre-
vingts ans.

Mais enfin, si vous êtes en train de « potasser » un examen,


cela peut s’appeler une tuile... Allez vous sacrifier peut-être un
an en vous laissant immobiliser pendant un mois ou deux, à la
suite d’une... .intervention ? Mieux vaut prendre la tangente,
du moins momentanément, sauf, bien entendu, en cas de
hernie étranglée. On recherchera une bonne ceinture.
S’adresser à la maison britannique : BEASLEY’S LIMITED,
Beasley House, à Boscombe, BOURNEMOUTH (Hampshire),
qui, du reste, a des agences partout en Grande-Bretagne et
des succursales dans diverses capitales. Ses ceintures,que
nous avons portées nous-même, sont peut-être, à l’heure
actuelle, les meilleures qui existent. Très douces, ne se
déplaçant jamais, et, par suite, ne donnant pas lieu à des

46
écorchures ou à des infections, formées d’une double lanière
en caoutchouc, elles se signalent par leur pelote, qui se gonfle
avec une petite pompe comme un pneu de bicyclette.

De multiples hernies, au début, surtout chez les jeunes, se


sont complètement, radicalement,
presque miraculeusement guéries sans opération, par le port
de ce bandage. Du reste, avec cette ceinture, on peut se
remettre à des occupations musculaires (jardinage, cyclisme,
etc.), que la hernie soit curable ou non. L’élasticité du
caoutchouc s’usant rapidement, il est sage d’en changer
chaque année. Toutefois, si on soigne bien sa ceinture, elle
peut durer dix-huit mois, et jusqu’à deux ans.

*
**

Maints étudiants, en hiver, et parfois dès le début de


l’automne, ont des... engelures Combien gênantes pour
l’étude, ces démangeaisons extrêmement désagréables qui
vous portent particulièrement sur les nerfs ! Sans compter la
difficulté d’écrire, si elles s’égarent sur la main droite, ce qui
arrive presque toujours... Il faut à tout prix éloigner ce petit
fléau.

Une engelure est un véritable GEL de la peau. La cause


immédiate semble être un trouble circulatoire. On en a fait
longtemps une manifestation d’anémie. On les attribue plutôt
aujourd’hui à une carence de vitamines D. Leur remède est
encore inconnu et ferait un splendide sujet de Thèse...

47
Pour les prévenir, on usera de l’huile de foie de morue, en
corrigeant son trop considérable apport de vitamines A par du
jus de citron ou d’orange, auquel on ajoutera un peu de
bicarbonate de soude. Plus efficace peut-être est, soit le
STEROGYL 15 français, soit l’OSTOCALCIUM britannique, en
comprimés, qui vaut encore mieux. On se lavera fréquemment
pieds et mains è l’eau saltratée, et l’on aura soin de les
essuyer bien complètement : problème ardu en hiver, à ne pas
sous-estimer. Matin et soir, on massera vigoureusement les
ARTICULATIONS des membres supérieurs et inférieurs. On
veillera à ce que les bas soient très secs et BIEN AERES.
Pour faciliter la réalisation de cette double condition, on
changera de chaussettes chaque fois qu’on sort, et en
rentrant. On se frottera les mains avec de l’huile d’olive, — ou,
à défaut, avec de la vaseline pure — et on ne sortira jamais
sans gants.

*
**

L’étudiant digne de ce nom, vrai « rond-de-cuir », est une


proie toute désignée pour les insupportables hémorroïdes
avec leurs démangeaisons dans une zone qui n’a pas
l’habitude de nommer. Le moyen le plus simple de les prévenir
est d’éviter la constipation, et de veiller à une propreté locale
ABSOLUE. Dès qu’on n terminé une selle, se laver l’anus
avec un petit bout de coton hydrophile trempé dans l’eau,
s’essuyer avec du papier hygiénique, puis frotter l’extrémité du
rectum avec le doigt enduit d’un peu d’huile d’olive. Sécher
alors suffisamment pour que ce corps gras ne tache pas le
linge ultérieurement. Une à deux fois par semaine, prendre un
bain de siège. On pourra aussi faire un usage interne et
externe d’extraits de marrons.

48
*
**

Nous ne saurions clore cet important chapitre sans signaler à


l’étudiant une pratique très simple, mais à laquelle — tel l’oeuf
de Colomb — PERSONNE NE SONGEAIT. Cependant, cette
pratique, qui ne fait pas perdre une minute, ne coûte pas un
centime, a pour résultat de doubler la robusticité, de tripler les
forces, de quadrupler la capacité de travail intellectuel, et, en
définitive, de DECUPLER les CHANCES DE SUCCES A
TOUS LES EXAMENS. C’est le massage, TRES LENT et
TRES VIGOUREUX de TOUTES LES ARTICULATIONS du
corps auquel nous avons déjà fait allusion.

D’une circulation parfaite dépend l’harmonie des fonctions. Or,


il est des parties déterminées où la circulation est TRES
GENEE : ce sont LES ARTICULATIONS. Rétablissez cette
circulation dans ces zones : le sang est lancé plus aisément
dans les régions les plus reculées, le coeur, par surcroît se
trouve soulagé. On aura soin de masser plus soigneusement
encore le COU (pour que le sang irrigue la tête et le cerveau
sans difficulté), ainsi que le secteur du NŒUD VITAL.
Ces exercices se feront au lit : avant de s’en dormir, et, le
matin, au réveil. Chacun d’eux prend une quinzaine de
minutes. –

49
DEUXIEME PARTIE

L’ENTRAINEMENT MENTAL

50
CHAPITRE PREMIER

Développement de la volonté

Penchez-vous sur les biographies de tous ceux qui ont réussi


dans la vie, qui ont « percé » : vous verrez que tous, sans
exception, étaient doués d’une forte personnalité, d’une ferme
volonté. Donc, vous ferez à peu près CE QUE VOUS
VOUDREZ, et, en particulier, VOUS
REUSSIREZ A VOS EXAMENS, si vous développez votre
« moi » , si vous devenez capable de prendre d’énergiques
décisions, d’accroître votre intelligence, de régler votre
imagination.

Les facultés — de même que les aptitudes physiques— sont,


il est vrai, distribuées au gré d’une nature fantasque. Des
esprits chagrins ont pu voir là le symbole de l’inégalité, de
l’iniquité.
Mais, il est prouvé, heureusement, que nos dispositions
naturelles, si embryonnaires soient-elles,sont susceptibles de
se développer, de s’améliorer considérablement par une
gymnastique méthodique et persévérante. Vous ne devez rien
négliger pour atteindre à ce résultat CAPITAL.

Enseignant les mathématiques au collège de ChâtellerauIt,


nous remarquâmes, au début d’une année scolaire, un nouvel
élève déjà âgé qui, à la suite d’on ne sait quelles vicissitudes,

51
était venu échouer dans notre classe d’Elémentaires. Il avait
plusieurs fois affronté en vain les épreuves de la deuxième
partie du Baccalauréat. Nous eûmes une peine inouïe à
obtenir de lui des réponses autres que des monosyllabes.
Tout de même, à force de le cuisiner, nous finîmes par voir
clair, et fûmes surpris de la somme de connaissances qu’il
possédait réellement: elles étaient en lui, mais n’en sortaient
jamais.
Lui posait-on une question? Il avait immédiatement
l’impression qu’il savait. L’ensemble de la réponse se
présentait à son esprit, et il se bornait, en une sténographie
orale, à la résumer en un quart de phrase, comme à regret.
Les devoirs étaient compris; mais la rédaction en était très
abrégée, et la tenue matérielle absolument négligée.
« D’après votre culture, lui fîmes-nous observer, vous devez
réussir. Vous ne manquez que de confiance en vous. Devant
l’examinateur, pensez avec netteté à l’explication à fournir,
puis donnez-la résolument, complètement, d’une voix forte,
assurée, en articulant bien les syllabes, en exprimant
clairement votre pensée, en parlant le plus que vous pourrez,
en prenant physiquement le plus de peine possible. Dans vos
copies, exprimez vos idées A FOND, faites des
démonstrations parachevées. Que votre écriture soit lisible,
bien formée; exécutez soigneusement, à la règle et au
compas, des figures géométriques de grandes dimensions,
avec des lettres absolument calligraphiées, et bien en vue. Si
vous suivez scrupuleusement ces directives, nous vous
garantissons le succès. » Nous fûmes assez heureux pour lui
inspirer confiance. II observa docilement nos conseils, et, à la
fin du troisième trimestre, se vit conférer le grade de bachelier.

*
**

52
Etes-vous décidé à entreprendre le développement de votre
personnalité, en vue de REUSSIR A TOUS VOS EXAMENS ?
Alors astreignez-vous à accomplir avec un soin méticuleux les
actes même les plus ordinaires de l’existence.

Soyez toujours propre, bien mis. Votre dignité va s’en


accroître. Disposez tout avec le plus grand soin dans votre
studio.
Venez-vous de décider une chose? Si insignifiante soit-elle,
passez immédiatement à l’acte correspondant, sans arrière-
pensée, sans regret. Accomplissez -1e vite et bien. Gardez-
vous des mouvements physiques que réclame cette
exécution.
Effectuez-en, au contraire, sans restriction, la partie purement
concrète. Ai-je besoin d’un livre se trouvant à un mètre
cinquante de ma main? Au lieu d’allonger désespérément le
bras d’un geste languissant et en bâillant à me décrocher la
mâchoire, je me lèverai carrément, et irai prendre l’objet là où
il est.

Une idée se forme-t-elle dans votre cerveau? Si elle est futile,


chassez cette importune illico. Présente-t-elle de l’intérêt?
Accordez-lui toute votre attention. Ne la laissez pas se mêler à
des bribes d’autres concepts plus ou moins brumeux pouvant
traîner dans votre encéphale.

Donnez-lui la plus grande netteté possible; évertuez-vous à la


présenter sous une forme matérielle.
A première vue, ces moyens semblent puérils. En réalité, ils
constituent une gymnastique quotidienne féconde.
L’expérience prouve que cet entraînement à la précision, à la
netteté, dans les actes les plus usuels et dans la conception
des idées, développe la personnalité d’une façon surprenante.
On arrive très penser plus aisément et avec plus d’intensité;

53
1a volonté augmente, et, chose curieuse, il en est de même
de l’intelligence On pige plus vite, les idées éclosent en plus
grand nombre, l’imagination s’enrichit et la mémoire s’accroît à
un degré insoupçonné.
Un essai d’une huitaine de jours suffit à donner des résultats
parfaitement tangibles.

Indépendamment de la conscience psychologique de l’individu


, existe ce que, dans « La Poupée sanglante » , Gaston
Leroux appelait le « gouffre intérieur ». On désigne ceci, en
général, par « subconscience » ou « inconscience ».

C’est une sorte de conscience très vague, qu’à l’état normal


nous ignorons profondément, mais dont l’importance
primordiale est mise en relief, d’une manière éclatante, dans
des cas pathologiques troublants relevant de l’étude de
l’hypnotisme et du somnambulisme, où elle apparaît sous la
forme des phénomènes du dédoublement de la personnalité.
Le cadre de cet ouvrage essentiellement pratique ne saurait
nous permettre de nous appesantir sur ces faits. Mais il est
une catégorie d’actes, très fréquents, parfaitement équilibrés,
qui dépendent exclusivement cette seconde conscience les
actes HABITUELS.

**

La subconscience joue un rôle considérable dans la vie


physique. Elle exerce une influence non seulement sur l’état
du système mais sur le fonctionnement des organes
.Etroitement liée à votre santé et au développement de vos
facultés mentales, elle va être d’une importance VITALE
relativement A VOS EXAMENS.

54
Or, cette subconscience est très impressionnable. Si nous
voulons fortement une chose, elle agit énergiquement sur
1’organisme pour l’adapter à l’accomplissement de notre
volonté Croyons-nous que nous sommes, ou allons être
malade? Elle enlève aux cellules leur faculté de résistance.
Ceci explique le redoutable danger des épidémies que de cas,
consécutifs à la peur d’être atteint, ne se déclareraient pas si
le sujet était persuadé qu’il est invulnérable ! Pourquoi les
médecins soignant des maladies contagieuses résistent-ils si
bien? Est-ce seulement à cause des soins dont ils
s’entourent? Ce n’est pas sûr : les précautions les plus
minutieuses sont trop souvent impuissantes à empêcher
l’invasion, déclarée ou larvée, de notre corps par l’ennemi
subtil, microbe ou virus filtrant. Ne serait-ce pas aussi, peut-
être, parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne contracteront, pas
le mal ?
Quelles conséquences allez-vous tirer de là, candidats? Que,
pour REUSSIR, il faut d’abord
CROIRE que vous réussirez.

*
**

La volonté, l’imagination, la foi, l’émotion exercent sur le


subconscient une indéniable influence qu’il va être précieux
d’utiliser pour votre éducation, à l’aide des méthodes d’AUTO
SUGGESTION, extrêmement efficaces en ce qui concerne le
développement de votre personnalité.

La SUGGESTION est une IDEE imposée avec force à un ou


plusieurs sujets par une personne douée d’une ferme volonté.
Cette idée, par l’emprise qu’elle exerce sur le subconscient
des gens influencés, provoque des actes et même des
phénomènes physiologiques ordonnés par l’opérateur.

55
Un sujet suggestionné boit, avec toutes les marques d’une
exquise délectation, un verre à liqueur d’huile de ricin qu’il
prend pour du madère.
On vient de vous placer un vésicatoire sur le bras , suggère-t-
on à un autre. Immédiatement, l’endroit désigné rougit
violemment. Le subconscient a été impressionné et a
commandé à l’organisme de se comporter comme si le révulsif
avait été réellement appliqué.
Il serait tout à fait erroné de croire qu’une suggestion ne
puisse être efficace que pendant le
sommeil hypnotique, dans l’état d’ « hypnose », comme on dit
en langage médical. Chaque fois que nous cherchons à
persuader quelqu’un, nous visons à lui imposer des
suggestions, d’une manière plus ou moins consciente. C’est
par suggestion que le maître agit sur ses élèves, l’orateur ou
le prédicateur sur les foules.

Or, voici une chose tout à fait merveilleuse dans ce champ :


nous pouvons nous faire A
NOUS-MEME des suggestions ! Celles-ci, dans ce cas,
prennent le nom d’AUTOSUGGESTIONS.

Celui qui, après réflexion, s’est fixé un but, et, chaque jour, se
dit avec force : « Je VEUX réussir et je réussirai », se fait des
autosuggestions. II développe en lui une force croissante, une
résistance de plus en plus marquée aux obstacles
susceptibles de se dresser sous ses pas.
Toutefois, il existe au point de vue des résultats, une
différence considérable entre une autosuggestion « grosso
modo » telle que la précédente et une autosuggestion
effectuée suivant une technique consommée. Celle-ci,
s’imprimant dans le cerveau d’une façon presque ineffaçable,

56
va vous permettre d’accroître en un temps éclair toutes vos
facultés et de corriger de graves défauts.
Aussi n’hésitons-nous pas à recommander l’autosuggestion
sous cette forme, que nous appellerons la forme A. S’abstenir
de l’emploi de cette méthode (du reste absolument
inoffensive), ainsi que les formes B et C, que nous verrons un
peu plus loin) serait, croyons-nous, se priver sciemment d’un
précieux moyen de perfectionnement et d’un merveilleux
auxiliaire DANS LA PREPARATION D’UN CONCOURS.

Voulez-vous vous faire une autosuggestion efficace sous la


forme A? Isolez-vous, dans une pièce à moitié obscure de
préférence. Placez- vous d’abord dans un état passif ,
réalisant par là, comme on dit, la « détente des nerfs » qui,
déjà, présente l’avantage de reposer très vite le sujet. Une
brève promenade au grand air, sans fatigue, l’aura facilitée.
Asseyez-vous sur une chaise, bien adossé, puis laissez-vous
aller de tout votre poids, comme si vous faisiez le mort, en ne
pensant à rien. Dès que vous sentez de la lourdeur dans les
muscles, soulevez le bras
gauche avec la main droite, à titre de vérification. Puis lâchez-
le brusquement. Retombe-t-il inerte ? Le résultat est atteint.
Sinon, recommencez.
Ce point obtenu, réalisez le vide dans votre esprit en fermant
les yeux et en obturant, au besoin, les oreilles avec de l’ouate
humectée, pour ne pas être distrait par les perceptions
extérieures. Demeurez quelques minutes immobile, le cerveau
vide vous écartez ainsi toute idée parasite, qui gênerait celle
que vous voulez implanter d’une façon toute-puissante dans le
champ de votre conscience. De plus, vous accordez par là à
votre esprit un repos complet indispensable avant la fatigue
nerveuse qui va accompagner la suggestion. Cette opération
pré liminaire est extrêmement importante; en dépit des
apparences, elle est DIFFICILE. Ce n’est qu’après un certain

57
entraînement qu’on peut réussir à se libérer de toute idée
préalable.

Alors, vous introduisez avec force 1’IDEE faisant l’objet de


l’autosuggestion Cette idée doit être UNIQUE, CLAIRE,
NETTE. Exemple : « Je ne veux plus être timide! , Il faut
vouloir fermement ce que l’on se suggère, et s’efforcer de
croire qu’on réussira. Ce dernier point triple l’efficacité de
l’opération. Vous prononcerez haute voix, à plusieurs reprises
la phrase correspondante, en vous écoutant parler, de façon à
profiter, pour l’effet à obtenir, des éléments MOTEUR et
AUDITIF.
Après une volition énergique, demeurez quelques secondes
dans un repos mental absolu. Puis recommencez une dizaine
de fois. Vous terminerez en maintenant pendant cinq minutes
le champ de votre conscience absolument vide.

*
**

Une telle séance d’autosuggestion exécutée matin et soir


durant une dizaine de jours produit des résultats déjà
palpables. En quelques mois, vous atténuerez, puis guérirez
un défaut, même purement physique (tic de la face par
exemple) ou développerez une faculté (mémoire, etc.) à un
degré absolument remarquable.

Indépendamment des effets surprenants de cette méthode sur


les diverses facultés, toute autosuggestion de forme A, quel
qu’en soit l’objet, contribue d’une façon prodigieuse au
développement de la VOLONTE, si nécessaire, en particulier,
A LA PREPARATION D’UN EXAMEN.

58
*
**

Il est une loi psychologique très importante, déduite de


l’expérience : TOUT SUCCES RENFORCE LA VOLONTE;
TOUT ECHEC L’AMOINDRIT.
Tel étudiant, qui vient d’obtenir son Diplôme de Licencié, se
lance immédiatement, plein d’ardeur, à la poursuite de ce but
pourtant ardu qu’est l’Agrégation, n’ayant cure de la fatigue
très réelle que vient de lui causer la conquête de ses
certificats enlevés de haute lutte. Cet autre, découragé par
des échecs répétés, n’aura jamais assez de cran pour tenter
de décrocher plus modestement le Bac.

*
**

« A vaincre sans péril, pontifiait Don Gormas dans le Cid de


Corneille, on triomphe sans gloire. » Vraiment? Vaut-il pas
mieux gagner sa bataille sans « panache » que, pot de terre,
se heurter à un pot de fer et se briser? «Ce n’est pas le
succès qui importe mais l’effort , nasillera quelque pédagogue
impénitent. Il vous la baille belle, candidates et candidats !
Est-il seulement logique avec lui-même ? N’a-t-il pas, le bon
apôtre, fait effort lui-même et REUSSI à de nombreux et
difficiles examens? Laissant aux fervents du paradoxe le loisir
de remâcher cette formule comme du chewing-gum, suivons
plutôt la tactique de la vieille Albion : « NE PAS PRENDRE DE
RISQUES. »
Oui, Mesdemoiselles et Messieurs, vous devez vous arranger
pour REUSSIR PARTOUT A TOUT PRIX. Déduisons
immédiatement de là un moyen très simple de se forger, peu à
peu, une volonté d’airain se créer de petits buts artificiels, de

59
menus Marengo à remporter. Faites d’une pierre deux coups
en dirigeant votre choix de manière que ces victoires soient
directement utiles. Avez-vous horreur des douches, qui
cependant raffermissent votre santé en facilitant votre travail
intellectuel ? Obligez-vous à en prendre de temps à autre.
L’étude de l’anglais vous.., rase? Consacrez-y un quart
d’heure de plus chaque jour!

*
**

Nous ne saurions trop le répéter : concentrez- vous,


entraînez-vous à tout subordonner à une idée fixe, autour de
laquelle s’orientera votre activité, comme une étoile dirige le
système d’astres, planètes et satellites, qui gravitent autour
d’elle. Qui sait concentrer sa pensée a en lui l’étoffe d’un
surhomme : tels furent Leibnitz, Newton, Napoléon. L’élève
qui a acquis ce pouvoir magique apprend très vite, comprend
tout, et conduit tambour battant des études ardues, pierre
d’achoppement des « brouillons ».

*
**

Les maîtres, ceux notamment qui s’occupent d’enseignement


par correspondance, ne doivent pas proposer à leurs disciples
des sujets trop...méchants. Sinon, qu’arrive-t-il ? Ces jeunes
gens, travaillant fréquemment dans des conditions très
difficiles, risquent de ne pas savoir accomplir la tâche qui leur
incombe, et se découragent.
Si, au contraire, ils se sentent capables de se tirer
honorablement des devoirs qui leur sont envoyés, ils prennent
peu à peu de la confiance en eux-mêmes, et du goût pour
l’étude.

60
Une excellente manière, pour l’élève, d’utiliser avec fruit les
réflexions qui précèdent, consiste à faire spontanément, sur
ses ouvrages, des exercices, en s’imposant de traiter d’abord
les plus faciles, au lieu de les laisser dédaigneusement de
côté.

Nous insisterons là-dessus dans la troisième partie de ce livre.


Le professeur qui a soin de doser très minutieusement les
questions fait faire à ses disciples de très grands progrès.

Quant à l’élève, le fait pour lui de commencer par des


applications simples, concrètes, qu’il sait bien exécuter, de ne
pas passer à une question plus complexe tant que la
précédente n’a pas été exécutée à la PERFECTION, de
graduer soigneusement son travail, est tout le secret de
1’ENTRAINEMENT. Grâce à l’entraînement, les « as » ont «
enlevé » les concours les plus ardus; Gene Tunney, «
l’homme aux mains fragiles » , a réalisé ce prodige de mettre
knock-out le champion du monde des poids lourds; Joë Louis
est devenu, pour un temps record, la plus formidable machine
à frapper qui ait jamais existé.

*
**

Nous allons maintenant exposer une seconde méthode


d’autosuggestion : la forme B. Cette méthode, formée pendant
vingt ans par Emile COUE, a conduit son auteur à des succès
retentissants.
Son avantage sur la précédente saute aux yeux n’exigeant
aucun effort volontaire, elle économise une force nerveuse
considérable.
Elle est aussi basée sur le fait qu’il y a DEUX êtres en nous :
l’être conscient, et le subconscient.

61
Le premier a souvent des trous dans sa mécanique à
souvenirs. Au contraire, le subconscient est doué d’une
mémoire PRODIGIEUSE, qui enregistre automatiquement,
sans que nous nous en rendions compte, les moindres actes
de notre vie. Que de fois ne vous est-il arrivé, le soir, de
chercher en vain un nom dans votre tête, puis de le trouver
spontanément — croyez- vous... — le lendemain, au saut du
lit! Votre subconscient a TRAVAILLE pendant que vous
DORMIEZ.
D’autre part, le subconscient présente cette curieuse
particularité d’être extrêmement crédule, d’accepter comme
parole d’évangile tout ce qu’on lui dit. Or, cet étrange gobeur a
la haute main sur le fonctionnement de notre corps, par
l’intermédiaire du système nerveux. Et, comme nous l’avons
déjà insinué plus haut, il se produit ce fait incroyable : si le
subconscient se figure que tel organe fonctionne bien, il
fonctionne bien; s’il s’imagine que nous ressentons une
impression déterminée, cette impression est ressentie.

Le subconscient est donc, en quelque sorte, le dictateur des


fonctions du corps, et aussi de nos actes. C’est lui que nous
appelons parfois « l’imagination ».

D’après Coué, nous sommes menés par notre imagination :


toute sa doctrine repose sur cet axiome. (Nous verrons plus
loin que nous sommes menés par autre chose encore, et, en
faisant jouer ce dernier moteur, en poussant ce dernier
bouton, nous serons conduits à une troisième forme
d’autosuggestion : la forme C., plus puissante même que celle
de Coué.)
En attendant, constatons qu’à l’aide d’une forte volonté, nous
pouvons obtenir d’incroyables résultats. Par exemple, étant
aux trois-quarts malade, nous réussissons parfois, en serrant
les dents, è nous imposer de continuer notre labeur habituel; à

62
veiller sur une personne chère, même ayant nous-même 40
degrés de fièvre... Eh bien! notre imagination surclasse notre
volonté. Dans tous les cas où ces deux puissances se
trouvent en conflit, C’EST L’IMAGINATION QUI L’EMPORTE !
Placez dans une vaste cour une planche de trente mètres de
long sur vingt centimètres de large. Etes-vous capable de
réussir à parcourir ces trois cents décimètres sur cette
planche ?
— Cette question ! allez-vous laisser tomber en haussant les
épaules. — Bon. Placez maintenant la planche sur les toits de
deux maisons se faisant face, de chaque côté d’une rue, donc
à vingt- cinq mètres au-dessus du sol. Nous vous défions
d’avancer seulement d’UN METRE. Et si, par malheur, vous
vous hasardiez à le faire, vous seriez INFAILLIBLEMENT
PRECIPITE DANS L’ESPACE, MALGRE TOUTE VOTRE
VOLONTE !
Pourquoi cela ? Les positions relatives de l’ais et de vous-
même ont-elles changé. En aucune façon. Dans les deux cas,
elles sont rigoureusement identiques. Sur les gouttières, la
largeur de votre route en bois n’a pas diminué d’un micron, et
votre pied ne s’est nullement élargi. Mais, dans ce dernier cas,
l’IMAGINATION est intervenue. Vous voyez flamboyer devant
vos yeux un effroyable danger. Au moindre faux pas, pensez-
vous, je me brise le crâne sur le pavé !
Dans votre esprit se forme, avec une instantanéité et une
intensité inouïes, l’IMAGE de votre pauvre carcasse perdant
l’équilibre et s’abîmant dans le vide...
C’est le phénomène du VERTIGE. L’IMAGE de votre chute
S’IMPOSE A VOUS. Et, automatiquement, cette image
DEVIENT ACTE.

*
**

63
Coué recommande de se faire matin et soir des suggestions à
haute voix, au nombre d’une vingtaine en s’écoutant parler,
mais sans effort de volition. On essaiera de croire que la
suggestion va être efficace. Ce tout petit effort qui consiste en
un acte de foi améliore la suggestion, mais n’est pas
indispensable.
A quelqu’un qui n’a pas de but nettement circonscrit, tout en
souhaitant se perfectionner en tout, Coué demande de répéter
la phrase suivante, demeurée fameuse : « De jour en jour, à
tous, points de vue, je vais de mieux en mieux. » Le candidat
à un examen y ajoutera : « DE
JOUR EN JOUR, LA PREPARATIONDE DE MON EXAMEN
S’AMELIORE. »

Je pioche une redoutable compétition. Il fait chaud. J’ai peu


dormi. Je suis fatigué. Je travaille mal. Je tends toute ma
volonté. Je serre les poings... Aucun résultat.
Devant moi passe le film que j’ai admiré la veille... Puis, au
bout d’une demi-heure, on sonne. Ah ! ah ! c’est le courrier !
Allons, bon.., voici une lettre d’affaires il faut y répondre sur-le-
champ. En attendant, jetons un petit coup d’oeil sur le
journal... Me voilà empoigné par les événements annoncés ce
matin à la radio : une soucoupe volante descendue par trois
aviateurs américains ! La découverte d’un mont plus élevé que
1’Everest ! Hitler, vivant, rencontré à Aubervilliers !
Et cet excellent feuilleton que je suis religieusement... Tiens !
les Moscovites capables d’envoyer, avant dix mois, tout un
laboratoire dans l’espace sous forme d’un satellite
Mais mes yeux sont tombés en arrêt.., mes narines
frémissent.., mes lèvres se crispent... Blécourt un camarade
de promotion — ne vient-il pas d’être reçu, avec le numéro
UN, à l’examen que je suis précisément en train de préparer
pour l’an prochain! C’est à n’y pas croire... Je me représente

64
cette.., gourde autre fois bien moins « forte » que moi,
nommée à un poste d’élite.., gagnant un argent fou...
Je suis jaloux... je me sens furieux... Je bondis sur ma chaise,
et, les sourcils froncés, la tête dans les mains, enfonce le nez
dans mon bouquin. Me voilà, potassant d’arrache-pied, et les
résultats sont excellents...
Ici, la volonté s’est avérée impuissante. L’imagination est
intervenue efficacement, certes, mais pas seule. Elle a été
accompagnée d’ETATS AFFECTIFS, D’EMOTIONS
SOUDAINES ET VIOLENTES.

*
**

Ainsi, la VOLONTE ne suffit pas à conduire les hommes, et


ceux qu’elle mène, si elle agit seule, elle les mène sans joie.
Ah ! c’est qu’il faut compter sur la folle du logis , et, plus
encore, sur les états affectifs, sur l’extraordinaire puissance de
la fée sensibilité, sur l’émotion, la joie, les passions : envie,
colère, et parfois rancune, esprit de vengeance... On pourrait
même noter que l’élément « surprise » joue un rôle
merveilleux pour déclencher certaines résolutions, certains
actes. Il se produit là l’un de ces mystérieux phénomènes de «
choc » qui, jusque dans le domaine de la physiologie, ont
produit des miracles.

Nous allons tirer de cette observation des conclusions


pratiques non sans intérêt.
D’abord, pour accomplir plus sûrement une résolution, il va
être utile de la rendre attrayante en se représentant d’une
façon détaillée et concrète les avantages de la victoire, en se
persuadant qu’elle est tout à fait à notre portée, qu’elle ne
saurait nous échapper. Il est même « astucieux » de faire
« donner » l’amour-propre.

65
S’agit-il, pour moi, de préparer un concours? Je vois
nettement, par la pensée, la situation magnifique qui suivra le
succès : émoluments supérieurs, possibilité d’améliorer le
bien-être de ma famille, de pouvoir disposer d’un logement
mieux aéré, plus spacieux et plus élégant, d’aller de temps en
temps applaudir quelque vedette, agrément de me sentir
beaucoup plus considéré.
A l’instar de Perrette avant l’accident, j’imagine la joie de mon
père, de tous mes parents et amis, la pointe de jalousie, dont
la perspective n’est pas sans saveur, de mon entourage, et,
en particulier des bons copains, des charmants collègues,
sans compter la satisfaction d’avoir triomphé d’une grosse
difficulté. J’évoque le souvenir de camarades qui ont remporté
des succès analogues, pour me convaincre que le but n’a rien
d’inaccessible, et que je suis capable de l’atteindre.
De peur de faiblir, je vais même jusqu’à annoncer à de
nombreuses relations que je pioche CET EXAMEN, de façon
à engager en quelque sorte mon honneur. Me voilà
maintenant obligé de réussir, pour m’éviter la profonde
humiliation, la HONTE d’avouer un échec. Me voilà, à plus
forte raison, forcé de ne pas lâcher prise avant de m’être au
moins présenté, sous peine de passer partout pour un
« dégonflé » ...
…Et tout cela m’aide puissamment.

*
**

En se basant sur l’exemple cité plus haut, on peut prévoir,


comme nous l’avons déjà noté, une troisième forme
d’autosuggestion (la forme C), dans laquelle, tout comme
dans la forme Coué, la volonté n’a absolument rien à voir, ce
qui supprime l’effort. Mais, ici, à la forme B s’ajoute un

66
élément AFFECTIF. La force de la suggestion sera due à
l’imagination jointe à une manifestation de SENSIBILITE.
Ainsi, au lieu de marmotter : JE VEUX réussir à apprendre
l’anglais » (forme A), ou JE SUIS SUR de réussir à apprendre
l’anglais (forme B), je m’écrierai (du moins in petto...), avec
fougue, avec élan, avec enthousiasme, en évoquant devant
mes yeux l’image de Shakespeare, de Milton ou de Kipling
s’identifiant avec moi : « Je suis sûr de réussir à apprendre
l’anglais, CAR C’EST UNE ETUDE PASSIONNANTE! ! »
(forme C).

*
**

Cette dernière méthode (forme C de l’AUTO SUGGESTION)


est toute récente, mais elle a donné lieu à une
experimentation extrêmement DEJA CONCLUANTE. Elle
dame le pion précisé à la méthode Coué pure et simple. (Les
deux, comme on vient de le voir, s’amalgament tout
naturellement, en se renforçant). Très correctement employée,
elle est douée d’une puissance presque irrésistible.

67
CHAPITRE II

L’ordre et la méthode

L’ordre est une qualité précieuse entre toutes, qu’on doit


tendre à acquérir et à accroître continuellement. Son
importance saute tellement aux yeux, qu’elle est chaudement
recommandée dès l’école primaire, où, dans tous les
exercices, tous les mouvements, l’exemple est donné d’une
parfaite coordination.
Hélas !Au fur et à mesure que le jeune homme avance en âge
et en savoir, il croit qu’il y va de son honneur, de son prestige,
de sa dignité et de, son indépendance de secouer ses lisières.
Bien entendu, en particulier, il a une fâcheuse tendance, en
général, — l’exception confirme la règle — à laisser « tomber
» ces mesquines questions d’ordre, comme si le fait d’être
plus instruit le dispensait de ce qu’il traite, du haut de sa
grandeur, d’habitude subalterne, de pli de petit enfant. Aussi
l’entendez-vous murmurer, en tordant la lèvre : « L’ordre est la
qualité de ceux qui n’en ont pas... »

La jeune fille — hâtons-nous de le reconnaître, — reste


volontiers plus disciplinée sous ce rapport.

*
**

68
Il n’est pas malaisé de démontrer que, sans un réglage
minutieux, rien n’irait plus dans la nature. Sans une mise au
point parfaite dans les évolutions célestes, planètes, étoiles,
galaxies ne finiraient-elles pas par se jeter les unes sur les
autres ? Ce serait le chaos. Quand le chahut règne dans une
classe, le professeur est « coulé » , et l’on sait ce que cela
veut dire.
Supposons un instant qu’il n’y ait pas une organisation stricte,
une discipline sévère dans une équipe de football. Admettons
que le joueur, — même bon ayant son plan propre, — ou pas
de plan du tout, mais en revanche de la fatuité à revendre
s’avise d’agir sur le mode individuel au lieu de jouer un jeu
d’équipe la partie est perdue d’avance pour le team.
Le commerçant qui négligerait de surveiller quotidiennement
ses comptes ferait des affaires désastreuses. Il en arriverait
vite à ne plus connaître à tout instant du mois, de la semaine,
de la journée, le montant des sommes dont il peut disposer,
s’engagerait à l’aveuglette, et cour rait à la ruine.
Nous savons tous qu’un champion doit s’entraîner. Sa
propagande fait assez de bruit pour cela. Il traîne avec lui tout
un état-major manager, soigneur, masseur, orthopédiste,
médecin, etc. Cela implique une vie minutée avec un art
consommé.
Dans sa maison, la femme brouillonne se lèvera avant le jour
(à supposer qu’elle ne soit pas paresseuse), se couchera à
minuit, et clamera à tous les échos qu’elle n’arrive pas à venir
è bout de sa tâche quotidienne. Vingt fois entre le lever et le
coucher du soleil, elle perdra cinq minutes à la recherche de
tel ou tel objet aiguille, beurre...
Il en est tout autrement de celle qui a une place pour chaque
chose et met chaque chose à sa place. Les yeux clos, elle n’a
qu’à avancer la main, et la voilà servie...

69
*
**

Les écoles sur place sont, en général, merveilleusement


organisées emploi du temps très détaillé pour la semaine et
pour chaque heure du jour. On doit arriver en classe à l’heure
militaire, afin que rien ne dérange le cours. On imagine le
bouleversement que causerait un va- et-vient d’élèves s’ «
amenant » toutes les dix minutes, individuellement ou par
groupes, comme au « permanent », ou chacun entre quand il
lui plaît. Tant pis s’il exaspère ceux qui sont assis derrière, en
cherchant, dans l’obscurité, une place avec toute sa famille...

On se fait difficilement une idée de l’ordre qui s’impose pour


tenir une Ecole par correspondance de plusieurs centaines
d’élèves. Il faut d’abord établir un dossier pour chacun d’eux,
puis ranger tous ces dossiers par ordre alpha bétique.

Tout ce qui concerne un « inscrit » se trouve dans une


chemise en carton à fermeture parfaite: ressort, bouton ou
rondelle en caoutchouc. Sur la chemise, une étiquette portant
nom, prénoms, adresse du correspondant; mode
d’enseignement (nombre mensuel de devoirs), matières à
enseigner, durée de la souscription et somme envoyée. A
l’intérieur, trois sous-chemises en papier vert fort; l’une avec
l’étiquette : Correspondance, où sont conservées les lettres du
disciple ou de ses répondants, et les dup1icata des réponses;
une seconde, sous la rubrique : Matériel, renferme les doubles
des énoncés de devoirs d mois avec leurs directives; le «
curriculum vitae » du sujet et son bulletin de souscription; puis,
suivant le cas, une feuille d’observations générales pour la
disposition et la présentation des copies; et, enfin, le double
du plan de travail suggéré pour chaque mois. La trois
chemisette: Agenda et finance, porteuse des reçus, se signale
surtout par son AGENDA : carnet-sac à malices où s’insèrent

70
tous les rapports de l’Elève et de l’Administration, journal
étalant chaque fait dans un ordre chronologique parfait, notant
les indications relatives aux tâches données, avec références
à tels ou tels documents. Il contient encore des appréciations
sur le niveau de l’étudiant, ses aptitudes, ses points forts ou
faibles, ses projets d’avenir, etc. Bref, un véritable fichier
confidentiel de Deuxième Bureau...

Il va de soi qu’une Ecole par Correspondance digne de ce


nom est munie d’une bibliothèque spéciale abondamment
garnie de livres scolaires infiniment variés, rangés suivant la
matière, et suivant le niveau de l’enseignement.

*
**

Nous avons déjà noté que si le jeune homme suit les


directives d’un Etablissement « surplace », il doit se soumettre
à un dispositif d’ordre extrêmement rigoureux.Prépare-t-il UN
EXAMEN, par ses propres moyens ? Il procédera dès le début
de l’année scolaire à une répartition très judicieuse de son
travail, mois par mois, semaine par semaine, jour par jour,
heure par heure. Il aura aussi à prévoir des séances de
détente, pour être sûr de pouvoir se présenter à l’examen frais
et dispos. Travaille-t-il en marge l’une occupation régulière lui,
assurant le bifteck quotidien ? I Il devra ménager ses forces
durant son service, afin qu’il lui reste une provision suffisante
d’énergie pour son « boulot » personnel.

Dès le saut du lit, l’étudiant doit avoir ce slogan à la bouche :


« De l’ordre... encore de l’ordre... toujours de l’ordre! » Dans
sa chambre, tout sera soigneusement rangé, à commencer,
bien entendu, par ses livres. Ainsi, s’il en veut un à brûle-
pourpoint, il ne lui arrivera pas de gaspiller une demi-heure à

71
s’énerver pour le dénicher, ni de le croire égaré. Il le trouvera
d’emblée.
Prendre l’habitude d’avoir de l’ordre dans le moindre de ses
actes est une discipline qui influera sensiblement, à la longue,
sur la vigueur des facultés, et en particulier — ce qui nous
intéresse ici au premier chef — sur les aptitudes
intellectuelles. Avant tout, on aura de l’ordre sur soi, même si
l’on n’est pas naturellement coquet : vêtements boutonnés,
cheveux bien peignés, chaussures et couvre-chef — si,
comme Maurice Chevalier, on en a un — d’une propreté
impeccable, cravate tombant tout à fait d’aplomb, ce qui n’est
pas toujours aisé les, dames sont heureuses de pouvoir
éluder ce problème ! Garder tout le jour dans une position
irréprochable son noeud, sa régate ou sa La Vallière est déjà
un signe révélateur de l’homme ordonné...
Apercevez-vous une tache à votre veste? Vite, la brosse, avec
trois gouttes de benzine... Faites- vous un accroc à votre
pantalon? Sachez le réparer, et, tambour battant, allez-y de
votre petit ourlet. Détectez-vous un bouton branlant?
Recousez-le, sans attendre qu’il se détache inopinément,
peut-être en société, ce qui, suivant la place qu’il occupe, peut
être catastrophique. Et surtout, en hiver, quand vous êtes
enrhumé, n’oubliez pas votre mouchoir!

*
**

Nous ne répéterons jamais assez ce leitmotiv:


AYEZ UNE PLACE POUR CHAQUE CHOSE ET METTEZ
CHAQUE CHOSE A SA PLACE.
Tenez-vous à la main un petit objet? Ne le posez pas
accidentellement n’importe où, et, sur tout, ne soyez pas dans
la lune au moment PRECIS où vous le LACHEZ. Sinon,
lorsque, un instant plus ,tard, vous aurez besoin de le

72
récupérer, tout se passera comme s’il avait pris la poudre
d’escampette. Vous serez incapable de le retrouver, victime
d’une curieuse mais implacable loi de la mémoire sur laquelle
nous nous appesantirons davantage au prochain chapitre
souvenir d’un fait est proportionnelle à son ancienneté: on
oublie d’autant PLUS VITE un événement qu’il est PLUS
RECENT.

Vous manquez d’ordre : vous voilà puni par où vous avez


péché. Maintenant; il est trop tard. Diviseriez-vous le plancher
de votre studio en mille rectangles comme le fit le rival du
détective Dupin dans l’un des contes les plus charmants
d’Edgar Poë : La Lettre volée; inspecteriez-vous ensuite
chacun d’eux avec l’acuité d’un Sherlock Holmes — le héros
de Conan Doyle — il demeurera IN VISIBLE.
Vous serez contraint d’en acheter un autre. Bien entendu, dès
que vous l’aurez remplacé, l’ancien vous crèvera les yeux,
expert à vous narguer... Ou vous l’aviez posé sur le bord de
votre table que, les yeux clos, vous avez ébranlée en
éternuant très fort ce qui l’a fait tomber —; ou il gisait
traîtreusement dans un coin, masqué par une pénombre
complice, ou sur une étoffe qui, se trouvant être de la même
couleur que votre bibelot, le dérobait à vos regards fouilleurs,
par un mimétisme diabolique...

Donc, pendant que vous le posez, tenez-le bien à l’oeil.., et


prononcez un nom connu : cela vous aidera à le retrouver.
Ces petites choses-là ont plus d’importance qu’on ne croit. Si
vous n’y prenez garde, vous allez vous trouver « coincé»
même à l’examen. Au cours d’une composition, vous
assisterez à la volatilisation de votre gomme ou de votre stylo,
que vous aviez entre les doigts un instant auparavant!

73
*
**

Avoir de l’ordre, cela signifie, pour le candidat, non seulement


paraître à l’examen avec tout le matériel nécessaire, vêtu
décemment, mais encore bien préparé, en bonne santé, donc
ayant travaillé toute l’année suivant un emploi du temps
rigoureux en songeant, chaque jour, à accumuler un peu plus
d’énergie. Etre ordonné, c’est avoir, durant trois trimestres,
donné à vos devoirs la forme impeccable qu’ils devront avoir
au jour J. C’est, dans la salle des épreuves, quand, fatal
comme le Destin, passe le surveillant pour recueillir, et, au
besoin, arracher les copies, ne pas vous trouver dans le cas
de n’avoir pas encore recopié votre brouillon.
C’est ne jamais ajouter fébrilement, affolé, à la dernière
minute, une idée, un résultat qui vient de traverser
météoriquement votre cerveau, sans avoir eu le temps de le
ruminer. C’est ne pas avoir omis de remplir au début l’en-tête
de votre feuille, ce qui vous obligerait à le faire
précipitamment, au lieu de relire très soigneusement votre
rédaction.

*
**

A l’examen, produisez toujours vos réponses écrites — et à


plus forte raison celles qui sont essentielles, — de façon très
visible, en les isolant, et au besoin en les soulignant. Chaque
minute que vous épargnerez ainsi à votre correcteur vous
sera, à votre insu, payée en bienveillance.
C’est peut-être dans les sciences qu’est le plus visible le
besoin d’ordre. Que seraient les mathématiques, si tout ne
s’enchaînait, dès le début, comme les pièces d’une montre?
Celui qui a montré le plus brillamment l’utilité d’une
ordonnance parfaite dans toute recherche, et, en particulier,

74
dans la manipulation éclairée des chiffres et des lettres, est
René Descartes, l’auteur du Discours de la Méthode, que
nous vous demandons instamment de lire, de relire et de
méditer constamment, comme un livre de chevet.

Abordez-vous un problème? Parcourez-le très attentivement,


copiez-en l’énoncé, soulignez les mots importants. Rendez-
vous compte de l’unité de la question. Voyez comment tout
s’engrène, et, avant tout, quelle est la PREMIERE difficulté à
surmonter.
Puis, lorsque vous tenez une clé de résolution de l’exercice,
ne vous croyez pas obligé, A l’EXAMEN, d’en rechercher
d’autres. VOUS N’AVEZ PAS LE TEMPS. Si, toutefois,
plusieurs méthodes vous apparaissent à la fois, — soit que
vous ayez « la bosse », soit que vous vous trouviez avoir déjà
traité quelque chose d’analogue, N’EN DONNEZ QU’UNE,
mais à fond celle qui vous paraît la plus rapide, la plus simple
et la plus élégante, tout en étant absolument rigoureuse.

En exposer plusieurs votre puissance de persuasion, en vertu


de l’adage : « Qui veut trop prouver ne prouve rien. » Bien
entendu, vous renforcerez votre position en signalant, sous
forme de remarques, les autres procédés en réserve dans
votre manche (nous n’entendons pas par là qu’il faille cacher
dans la manche de votre veston une documentation interdite),
en notant très succinctement pourquoi vous leur avez préféré
le premier. Cela produira une excellente impression, et fera
bien augurer de votre érudition et de votre jugement.

*
**

En géométrie, vous ferez des figures de dimensions


suffisantes, sur papier quadrillé spécial, de préférence, avec

75
des lettres calligraphiées, en mettant bien en relief les
POINTS, et surtout les points de CONTACT d’une droite
tangente à une courbe, ou de deux courbes. Veillez à ce
chaque dessin ne comporte pas trop de lignes.
Faites très attention à ce qu’on demande de prouver. Vous
avez le droit de démontrer une propriété plus générale que
celle faisant l’objet du problème; vous n’avez pas celui de
vous en tenir à établir une proposition plus particulière.

S’agit-il, par exemple, de trouver une propriété du triangle


QUELCONQUE? Gardez-vous de représenter un triangle
présentant quelque particularité isocèle (encore moins
équilatéral), ou rectangle. Autrement, le résultat que vous
découvririez sur ce schéma ne serait probablement pas exact
dans le cas général. Du moins, pour l’établir rigoureusement,
— à supposer qu’il soit vrai — la méthode employée pour un
triangle particulier ne serait-elle pas suffisante.
D’autre part, ne jamais oublier les RECIPROQUES.

En algèbre, écrire les équations sur des lignes ISOLEES,


ressortant parfaitement, avec des caractères très lisibles, en
les numérotant par lettres ou chiffres entre parenthèses.
Exemples:
(E) ou (3).

76
*
**

Vous aurez produit un brouillon soigné, bien lisible, sans


ratures : ainsi pourrez-vous le recopier très vite, et, s’il y a lieu,
retrouver une erreur en un temps record. Sinon, vous errerez
dans le noir. Vous ne comprendrez plus rien. Vous affolerez. Il
vous faudra recommencer tous vos calculs : gaspillage de
temps, de peine, perte de la confiance en soi. Ce point, sur
lequel nous insistons, est d’une IMPORTANCE CAPITALE.
Puis vous rédigerez impeccablement, sans une tache, avec
des lettres bien lisibles.

Eviter d’écrire en lignes sinueuses. Si le papier qui vous est


assigné n’est pas réglé, ayez soin de vous être muni d’un
transparent. N’oubliez jamais, à la fin, la VERIFICATION.
Quant aux autres branches du savoir, on s’aperçoit vite qu’il y
faut tout autant d’ordre que dans les sciences exactes.

77
CHAPITRE III

Le développement de l’attention

et de la mémoire

Pour faire des études sérieuses et REUSSIR A SES


EXAMENS, il est indispensable, comme nous l’avons déjà
insinué au chapitre premier de cette seconde partie, de
pouvoir concentrer toute son attention pendant un temps
suffisant SUR UNE IDEE. Il est également nécessaire d’avoir
une BONNE MEMOIRE. Du reste, améliorer sa mémoire, il
faut commencer par savoir être attentif. Nous allons donc vous
indiquer comment développer votre faculté d’attention, ainsi
que votre mémoire.

*
**

Si l’esprit de l’homme est incapable d’embrasser deux objets


absolument en même temps, .il peut déplacer son attention
avec une extrême rapidité. Ne cite-t-on pas dans l’Histoire tels
hommes d’Etat, Jules César, Napoléon, dictant plusieurs
lettres à la fois ? Que d’illustres joueurs d’échecs disputent
avec bonheur maintes parties simultanées, certains sans voir
les pièces! Sans aller si loin, on peut remarquer que le
chauffeur au volant, le pilote au manche à balai , ont à
déplacer très vite l’objet de leur attention.

78
Nous connaissons deux formes d’attention : l’attention
SPONTANEE et l’attention VOLON
TAIRE. Celle-ci est pénible, parfois douloureuse, exigeant une
grande consommation d’énergie.
Aussi est-il en général préférable de viser à exciter, à
développer l’attention spontanée.
De même que la mémoire, l’attention spontanée peut être
fixée principalement de deux façons : par I’INTENSITE de
l’image, et par la REPETITION des images. Je retiendrai le
parfum d’une fleur, si ce parfum est violent, après l’avoir
respiré une seule fois; dans le cas contraire, j’y réussirai en le
humant à plusieurs reprises.

L’intensité peut-elle vraiment suppléer à la durée .On pourrait


être tenté de le croire. Une femme, a dit Ribot, voit en un clin
d’oeil la toilette d’une « rivale. » On a trouvé, d’autre part, des
gens tués - d’un coup .de revolver, les yeux grands ouverts
d’épouvante, portant sur leur rétine LA PHOTOGRAPHIE DE
L’ASSASSIN.
Il semblerait donc qu’une lumière intense donne un cliché net
au même titre qu’une longue pose. Cependant, il est
incontestable qu’une photo est d’autant plus détaillée qu’on a
posé plus longtemps. Les meilleurs clichés de la voûte
céleste, ceux dont la lecture attentive conduit à des
découvertes d’astres nouveaux, ne sont-ils pas des clichés à
pose fort longue? N’est-ce pas l’un de ces clichés qui, sur les
données de l’astronome Lowell, permit à Clyde Tombaugh, le
21 janvier 1930, à son observatoire de l’Arizona, de détecter
pour la première fois la planète Pluton?

*
**

79
Nous pouvons donc affirmer que la répétition est, en définitive,
nettement plus efficace que l’intensité de l’impression, et offre
l’avantage inexprimable d’exiger un effort beaucoup plus
faible. Cependant, il est utile de s’exercer à accroître l’intensité
d’impression.

Cette intensité sera portée à son maximum s’il s’y mêle des
états affectifs, tant il est vrai que l’homme ici-bas, est
manœuvré comme un robot , ainsi que nous l’avons fait
ressortir lors de l’étude de l’autosuggestion sous la forme C,
par des mobiles relevant de la sensibilité : plaisir, ambition,
peur... Il faut donc s’ingénier à faire surgir ou à amplifier des
états affectifs pour augmenter la force de l’impression. Il
convient également de voir CONCRET dans le grand détail, le
plus possible.

L’étude d’une partie de mon programme me parait-elle ardue?


J’essaierai d’en faire ressortir l’intérêt à mes propres yeux. Si
je la reconnais indispensable, je vais me la représenter
comme la pierre angulaire de l’examen qui doit me doter
d’UNE SUPERBE SITUATION. Je puis aussi prendre
l’initiative d’en extraire un sujet de conférence, de la faire
entrer dans la composition d’un ouvrage. Telle est l’idée
directrice des compositions, des concours, et, en général, de
la plupart des compétitions : par une impressionnante
publicité, on est averti, ici, qu’après l’accomplissement d’une
tâche ardue, se trouvent, pour les meilleurs, de substantielles
récompenses.

*
**

Chaque individu a un sens privilégié. Le VISUEL se


souviendra surtout de ce qu’il a vu ; l’AUDITIF, de ce qu’il a

80
entendu; le MOTEUR se gravera dans l’esprit les syllabes qu’il
a prononcées; le TACTILE n’oubliera pas les caractères
extérieurs des objets qu’il a touchés. Nous avons raison
d’utiliser surtout le sens qui prédomine en nous. Ce n’est, du
reste, pas sans intention que nous disons « surtout » , et non
exclusivement . A vrai dire, le moteur, par exemple, qui se
flatte de retenir une page, ne fera pas mal, tout en la lisant à
haute voix, de s’écouter, afin, de profiter aussi, quoique plus
accessoirement, du sens auditif.

Un texte s’imprimera mieux dans le cerveau si on le lit à haute


voix en s’écoutant parler, puis si l’on a pris soin de l’écrire,
dans le but de superposer le souvenir graphique au moteur et
au souvenir auditif. Il se fixera aisément encore s’il est
accompagné de gravures suggestives.

Voici quelques exercices, s’inspirant de la méthode


d’Atkinston propres à développer l’attention visuelle.

1° Se placer devant un objet simple, bien le regarder, fermer


ensuite les yeux et tenter de s’en représenter tous les détails.
Rouvrir les yeux. et faire l’inventaire de ce qui a été omis.
Recommencer jusqu’à résultat parfait. Prendre ensuite
d’autres objets de plus en plus compliqués :dé, chaise,
appareil téléphonique.

2° Après, remplacer l’image mentale par le dessin, en


commençant par des objets simples. Le dessin a l’avantage
d’ajouter un résultat plus CONCRET et du MOUVEMENT,
éléments précieux de réussite. S’exercer à voir les différentes
parties d’un objet les unes après les autres, chacune bien à
fond.

81
3° Un peu plus tard, chercher à pénétrer d’un seul coup le plus
de détails possible d’un ensemble. Entrer dans une cuisine,
plonger un regard à l’intérieur, sortir, et établir le décompte de
tout ce qui a été omis. Faire ainsi plusieurs expériences
consécutives.
Procéder de même dans la rue. Fixer son attention sur la
vitrine des magasins en commençant par les objets les plus
simples et, parmi ceux-ci, choisir ceux qui nous intéressent
naturellement. Le soir, se remémorer tout ce qu’on a vu dans
la journée. Les premiers jours, on ne se souvient à peu près
de rien. Un entraînement de quelques semaines suscite des
progrès considérables.
Inutile d’appuyer sur l’intérêt de ces exercices notamment
pour les personnes qui se destinent, soit à la carrière de
détective, soit à toute autre profession exigeant des enquêtes
(inspecteurs etc.).

*
**

On peut aussi éduquer rapidement la perception auditive.


Cinquante pour cent des cas de surdité ne sont-ils pas dus à
l’inattention? Les auditifs sont naturellement plus attentifs que
les visuels dans cet ordre d’idées. Hors les cas où un
enseignement se prête à des expériences visuelles d’un
puissant intérêt (manipulations de physique, de chimie) ou à
des projections cinématographiques — en attendant la
télévision à l’école —, le professeur touche son auditoire
beaucoup plus par la voix que par les gestes.

Certains orateurs ne fanatisent-ils pas les foules par l’autorité


de leur verbe? Si vous améliorez votre perception auditive,
vous profiterez dix fois mieux du cours de votre maître.
Etudiez-vous l’anglais avec des disques? Cela vous rendra

82
bien plus de services si vous avez acquis une grande
puissance d’attention auditive, tant pour le vocabulaire que
pour la prononciation, toujours si difficile à saisir.
Nous ne saurions trop appuyer sur ce point: chaque fois qu’on
façonne la faculté auditive, on est sûr de cu1tiver efficacement
l’attention.
Qui ne connaît l’ouïe surprenante des Indiens, dont l’oreille,
collée au sol, détecte des bruits extrêmement légers et
lointains ? Celle des aveugles, susceptibles, d’après le son de
leur voix, de reconnaître, comme par radar, qu’ils passent
devant un objet, et de discerner si cet objet est immobile ou
non ? Pour perfectionner le sens de l’ouïe, vous allez vous
exercer à capter les sons les plus minimes. La nuit, vous
analyserez les bruits se produisant dans les appartements
contigus au vôtre. Dans la rue, vous vous évertuerez à
pénétrer le sens des propos échangés par les passants.

Ne vous découragez pas si, au début, la « folle du logis »


engendre des quiproquos. Vous entendrez des mots bizarres,
certains semblant vous concerner, presque toujours de façon
malveillante... Vous croirez être traité de « mouchard » parce
que vous venez derrière quelqu’un qui, tournant la tête à
droite et à gauche, s’exclame en constatant qu’il a perdu son «
mouchoir » vous vous croirez renseigné sur le « père de
Roux » quand on dira : « le perdreau », ou sur le « personnel
enseignant » par un chasseur contant son tir sur un becfigue,
lequel « perd son aile en saignant »; distinguerez le mot
« confiture » alors qu’il s’agit de « café turc », ou la phrase :
La vie est un tissu de douleur parsemé de quelques fils de joie
», au lieu de : l’habit est d’un tissu de couleur parsemé de
quelques fils de soie », sans que le brave tailleur sur qui vous
venez de braquer vos pavillons auditifs se doute que vous
saluez en lui un profond philosophe...

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Ingéniez-vous à déceler les différences de timbre dans les
voix, à analyser les mouvements de tel individu. Le rythme
d’un pas, mieux que le bruit, suffit parfois à caractériser une
personne. Exercez-vous, le soir, à vous rappeler tout ce qu’on
vous a dit dans la journée.
Vous arriverez vite, par une pratique régulière et progressive
des exercices décrits ci-dessus, à accroître votre faculté
d’ATTENTION d’une façon insoupçonnée.

*
**

A-t-on assez déblatéré contre la MEMOIRE, depuis que, par


un soi-disant esprit d’humanité et de... civilisation, on s’efforce
de donner de plus en plus de confort aux enfants, et d’essayer
de les instruire avec de moins en moins de peine pour ceux-ci
! Qui sait si bientôt on ne leur mettra pas des cailles toutes
rôties dans la bouche? Nous ne sommes pas sûr du tout qu’il
soit de bonne politique, en matière de culture intellectuelle, de
viser à supprimer l’EFFORT, qui a sa fécondité : mais ceci,
comme dirait Kipling, est une autre histoire...
De toute façon, la mémoire est trop calomniée. Elle mérite
d’être réhabilitée. En fait, elle s’avère d’une extraordinaire
utilité dans toutes les branches de la connaissance, et SI
VOUS VOULEZ REUSSIR A TOUS VOS EXAMENS, vous
ferez bien de NE PAS LA SOUS- ESTIMER.

*
**

Quels faits retient-on le mieux? Contrairement à la croyance


générale, ce sont LES PLUS ANCIENS. Un quelconque
événement s’oublie d’autant plus vite QU’IL EST PLUS
RECENT.

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Nous avons connu un vieux soldat du Second Empire qui avait
fait la campagne d’Italie. Il nous contait avec force détails la
bataille de Solferino. Il revoyait tout : la date, 24 juin 1859; la
marche ascendante et interminable sous un soleil de plomb; la
soif dévorante des soldats, les encouragements des officiers ;
les puits enfin aperçus vers lesquels on se ruait; la déception
en constatant que l’ennemi les avait empoisonnés en y jetant
ses cadavres; l’arrivée de l’Empereur Napoléon III, avec sa
barbiche fichée dans une face pâle et souffreteuse; le
canonnier démolissant, à son deuxième coup, le clocher de
Solferino où perchait la batterie autrichienne la plus
meurtrière; l’assaut irrésistible suivant immédiatement cet
exploit; la VICTOIRE! le monarque arrachant la croix de la
Légion d’Honneur de sa poitrine pour l’épingler sur la tunique
de l’artilleur...
Oui, le vieux grognard se souvenait de tout cela; mais il
oubliait qu’il nous l’avait déjà conté la veille !

*
**

Un puissant facteur qui contribue à vous rafraîchir la mémoire


est l’INTERET, ou, d’une façon plus précise, l’ATTENTION
que l’on a apportée à l’observation d’un fait, l’intérêt étant lui-
même, comme on l’a noté plus haut, générateur d’une
attention soutenue et efficace.

*
**

Etant professeur au Lycée Decour, nous stationnâmes un jour


dans la loge du concierge pour attendre un collègue. En
parcourant des yeux la pièce, nous dénichâmes, dans le fond,
un escalier tournant qui conduisait au premier étage. Nous ne
l’avions jamais aperçu auparavant. Cependant, depuis DIX

85
ANS, nous entrions quatre fois par jour dans la loge pour y
prendre notre courrier.

*
**

Un maître fait circuler une pièce de monnaie entre les mains


de ses trente-deux élèves. L’ayant retirée, il leur distribue 32
carrés de papier. « Chacun de vous, dit-il, va inscrire sur sa
feuille le renseignement suivant :
« La petite tache que porte la pièce est-elle d côté pile, ou du
côté face? »
Résultats : Pile, 21; face, 10. Un seul « zèbre », le dernier de
la classe, osait proférer cette incongruité il n’avait vu de tache
nulle part. C’était lui pourtant qui avait raison.
La quasi-unanimité des gars, dès l’affirmation du professeur
dont le verbe était pour eux parole d’Evangile, Master dixit—
avaient, sous l’empire d’une véritable suggestion, réellement
CRU QU’ILS VENAIENT DE VOIR LA TACHE. Maints d’entre
eux, frappés plus particulièrement par le côté face, — occupé
par une silhouette ayant accaparé leur attention — se
rappelaient nettement n’avoir rien distingué d’anormal par là :
donc la tache était du côté pile. Quant au mauvais élève, il
avait pris l’habitude, durant la leçon dont il se souciait comme
un poisson d’une pomme, d’OBSERVER PAR LUI-MEME
certaines choses n’ayant, bien entendu, absolument rien à voir
avec le programme, MAIS QUI L’INTERESSAIENT. Il était mal
noté parce qu’il n’étudiait pas ce qu’on lui imposait. Il n’en
avait pas moins appris à VOIR et à RETENIR ce qu’il avait vu.

*
**

86
Voici un dernier exemple, frappant et vécu, du secours
apporté par l’ « intérêt» la mémoire. Un jour, en plein cours de
Psychologie, notre Directeur d’Ecole Normale s’interrompt
brusquement. Ahurissement sur tous les bancs... Après avoir
fait lentement quelques pas, dans un silence impressionnant,
il s’arrête. « Ecoutez bien ceci », chuchote-t-il lentement. Et il
lit

« Nous apprenons que Monsieur Doyle, Directeur de l’Ecole


Normale de Moulins, est décédé le 24 octobre 1907. Il
possédait sur ses élèves une autorité remarquable et fondait
sa discipline sur des sanctions purement morales. »

Nous distribuant alors de menus rectangles de papier : « Vous


allez, ajoute-t-il de sa voix naturelle, reproduire TRES
EXACTEMENT ce que vous venez d’entendre. »
Parmi les écrits effectués par les Elèves Maîtres, nous avons
retenu le suivant :

« Monsieur Doyle, Directeur de l’Ecole Normale de Moulins,


meurt le 24 octobre 1907.
Il avait l’autorité de la discipline et ses punitions étaient
purement orales. »
Nous n’avons point oublié, du reste, la reproduction que nous
avions remise nous-même :

Nous apprenons à l’instant, non sans un vif regret, que


Monsieur Foyle, Directeur de l’Ecole Normale d’Oullins, vient
de décéder prématurément, à l’âge de trente-neuf ans, le 26
octobre 1908. Il possédait sur ses élèves une autorité
remarquable et fondait sa discipline sur des sanctions
purement morales.

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La première copie émane d’un élève qui a la mémoire des
nombres et des localités. Naturellement... Emile Ston, le fort
en dates.., le premier en histoire et en géographie ! A la fin, il
comprend en dépit du bon sens, embrouille tout : les
questions de tenue le laissent froid. Il est, en effet,
passablement espiègle, et donne du fil è retordre au
surveillant.

Quant à nous, nous sommes tout à fait indifférent au début, ce


Monsieur nous étant parfaitement inconnu, et classons par
réflexe cette nouvelle parmi la multitude de faits-divers dont
regorgent les quotidiens. Aussi n’est-il rien resté de tout cela
dans notre boîte à images. Mais, comme il faut écrire quelque
chose, nous suppléons inconsciemment au souvenir précis
défaillant par une rédaction analogue aux clichés qu’on lit en
pareil cas. Nous n’avons retenu ni le nom ni la date : mémoire
naturellement ingrate. En revanche, nous nous intéressons
prodigieusement aux questions d’ordre et de poigne : aussi la
dernière phrase est-elle reproduite intégralement.

*
**

Qu’on ait de la mémoire ou non, il est un certain nombre de


procédés qui fixent dans l’esprit, de façon durable, les
connaissances utiles. Ils s’appuient sur le principe très simple
suivant :
La répétition des coups enfonce les clous.TOUT FAIT,
CHAQUE CHOSE APPRISE ET OUBLIEE UN GRAND
NOMBRE DE FOIS FINIT PAR S’IMPRIMER DANS LE
CERVEAU D’UNE FAÇON INEFFAÇABLE (Marmontel).

*
**

88
Pour toutes formules, énoncés de théorèmes à retenir,
définitions, lois, on aura de petits carnets, que l’on reverra en
un clin d’oeil chaque matin.
Certaines firmes spécialisées : celle d’Aubanel, à Avignon, la
Technique de la Mémoire à Neuilly-sur-Seine, l’Institut
Pelman, etc., préconisent des moyens variés pour développer
la mémoire et fixer les connaissances.
D’une façon générale, si, voulant retrouver un mot qui vous
échappe, vous ne réussissez pas tout de suite à le rattraper,
ne tentez plus le moindre effort pour essayer. N’insistez pas :
ce serait en vain. Vous ne feriez que déranger le mécanisme
de votre inconscient, qui est votre meilleur détecteur. N’y
pensez plus; au moment le plus inattendu, le vocable vous
reviendra.

*
**

La méthode la plus générale pour retenir est la même que


pour cultiver l’attention: s’appliquer, par des exercices
rationnels, à développer toutes les formes du souvenir :
VISUEL, AUDITIF, MOTEUR, GRAPHIQUE.

*
**

Développement du souvenir VISUEL. Se fortifier la vue par


massages et bains quotidiens. On voit alors plus clair. Puis,
bien regarder le mot ECRIT, et tâcher de s’en souvenir
d’après l’image visuelle.
On pourra s’y aider en ayant retenu le nombre de syllabes ou
de lettres du vocable, ainsi que la lettre du commencement et
celle de la fin.

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Le terme est-il concret ? Représentez-vous l’image
correspondante. Par exemple, pour un parallélépipède
oblique, en même temps que vous photographiez, en quelque
sorte, le mot écrit sur votre rétine, notez qu’il a SEPT syllabes.
Puis représentez-vous une boite en carton légèrement
écrasée par une compression. Après, si vous faites revivre
devant vous la silhouette de cette boite, l’appellation suivra
instantanément, grâce à ce qu’on nomme en psychologie « l’
association par contiguïté ».
Le vocable, au contraire, est—il abstrait ? Accolez-lui quelque
chose de frappant, de baroque au besoin. Ainsi, voulez-vous
retenir le mot barbare : sophisme ? En même temps que vous
épelez attentivement ce terme, évoquez un sophisme bref et
suggestif, tel que :
TOUT CE QUI BRILLE N’EST PAS OR; OR L’OR BRILLE;
DONC L’OR N’EST PAS OR.

*
**

Souvenir auditif. Songez-vous à retenir une fable ? Le


souvenir auditif, toutes choses égales, vous secourra plus que
le souvenir visuel des mots qui la composent, car ce souvenir
auditif sera épaulé par le rythme et par la rime. Donc, en
apprenant votre fable, prononcez les phrases à haute voix,
sans oublier de vous écouter parler. Ce faisant, vous aurez,
par surcroît, renforcé le souvenir auditif par le souvenir
MOTEUR, déclenché par les mouvements des muscles de
votre visage et de votre langue. Enfin, le souvenir
GRAPHIQUE achèvera votre victoire. Si, en même temps,
vous copiez le morceau, vous le retiendrez beaucoup mieux,
surtout si vous ajoutez à cette opération le souvenir visuel,
non des mots, mais des images, du film qui se déroule dans
cette fable.

90
*
**

Cela ne suffit pas toujours. Au lieu d’exécuter en perroquet ou


en ouistiti les exercices sus- indiqués, rendez-vous compte du
SENS de chaque proposition, voyez comment est charpentée
la phrase, isolez les images, les métaphores, les inversions,
les mots terminant les lignes, à cause des rimes. Après,
résumez l’histoire par vous- même, faites-en jaillir l’idée
maîtresse, puis les idées secondaires, comme le général
d’une armée et ses lieutenants. Ainsi, la mémoire sera
secondée par le bon sens, le jugement, la raison, et par
l’intérêt que, du coup, vous vous mettez à ressentir pour ce
drame, c’est-à-dire par un état AFFECTIF, une EMOTION, et
vous savez déjà que cette aide de notre être sensible est
PRESQUE TOUJOURS IRRESISTIBLE.

*
**

La plupart des examens et concours comportent l’étude


personnelle des oeuvres de nombreux auteurs, et cet
apparent travail de cyclope terrorise le candidat.
Il n’y a vraiment pas de quoi.
Voulez-vous assimiler l’essentiel d’une oeuvre classique, un
roman par exemple? Lisez-le, sans le moindre souci de retenir
quoi que ce soit, mais simplement pour le plaisir de vous
distraire, en notant toutefois par écrit ce qui vous frappe
SPONTANEMENT : mots nouveaux, images, inversions,
ressemblance ou contraste de tel ou passage avec un épisode
analogue de quelque ouvrage d’un autre auteur de votre
programme Arrivé au bout de votre bouquin, écrivez
l’essentiel, en vous aidant, bien entendu, des titre des
chapitres.

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Mettez-vous alors à la place, non du héros, de l’héroïne ou du
traître de mélodrame, mais de l’auteur lui-même, en vous
demandant si, auteur de cette oeuvre, vous en auriez conduit
le développement comme lui; si vous n’auriez pas préféré
donner un dénouement moins mélancolique, moins pessimiste
(comme, par exemple, dans Jack d’Alphonse Daudet), ou, au
contraire, moins triomphant. Ceci, pour effacer toute
apparence de « fabrication littéraire », avec les « ficelles »
usées laissant transparaître la carcasse du feu d’artifice,
conclusion arrangée pour la joie de la lectrice : inclination de
deux jouvenceaux contrariée par un indésirable qui, comme
par hasard, en fait, par l’intervention de la Providence spéciale
que l’on devine — fait place nette vers la fin, etc.
Et tout cela aide à retenir l’essentiel.

*
**

On connaît des moyens mnémotechniques célèbres. Nous


nous en voudrions de ne pas en citer quelques-uns.
Par exemple, pour retenir les sept couleurs de l’arc-en-ciel
dans l’ordre :

VIOLET, INDIGO, BLEU, VERT, JAUNE,ORANGE, ROUGE,


on repérera les initiales. Remplacez le V par un U, et lisez ces
initiales en sens inverse, à la chinoise. Vous obtenez un mot
sans aucune espèce de signification, mais pittoresque et qui
sonne bien
ROJUBIU

*
**

Pour implanter dans les neurones des choses ardues, on est


allé jusqu’à recourir aux Muses, énonçant, par exemple, le
théorème de Pythagore de la façon suivante :

92
Le carré de l’hypoténuse
Est égal, si je ne m’abuse,
A la somme des deux carrés
Construits sur les autres côtés.
Voile-toi la face, ô Pégase... Il n’en est pas moins vrai que le
sujet le moins doué dans la science d’Euclide ne pourra plus
ignorer cette propriété. A plus forte raison si, s’inspirant
d’Euterpe, il y joint un talent de baryton pour entonner le
quatrain ci-dessus sur l’air de :
« Il était un petit navire... »

*
**

Peu d’élèves connaissent tous les « trucs » employés pour


retenir avec de nombreuses décimales le nombre π, rapport
de la longueur de la circonférence à celle du diamètre dans le
cercle. Voici comment on procède. On écrit quelques phrases,
et on compte le nombre de lettres de chaque mot, dans l’ordre
où ils sont écrits. Les plus piquants de ces adjuvants tutélaires
sont des phrases rimées (ne constituant pas nécessairement
de la VRAIE poésie, tant s’en faut...). Ainsi, on écrira :

Que j’ai à faire apprendre un nombre utile aux sages !


Immortel Archimède, artiste, ingénieur,
Qui de ton jugement peut priser la valeur ?
Pour moi ton problème eut de pareils avantages.

Ici, le premier mot a TROIS lettres, ce qui donne la partie


entière, 3, du nombre π. Le second mot, j’, a UNE lettre. Donc
le chiffre 1 sera la première décimale. Ensuite, « aime » a
QUATRE lettres : chiffre 4, et ainsi de suite.

93
On obtient de la sorte les TRENTE premières décimales de ce
nombre qui, comme on sait, est
irrationnel, ce qui signifie qu’il a un nombre INFINI de
décimales.

*
**

Voici un autre développement analogue:


En anglais:
l°. ——
How I wish I could recollect of circle round
The exact relation Archimede unwound.
(donne TREIZE décimales).

*
**

En mathématiques, une connaissance du calcul mental


soulagera la mémoire, et, souvent, permettra de voir
instantanément d’avance un résultat approximatif.
En géométrie, maints élèves ne « pigent » pas les figures de
l’espace. Ils devront s’astreindre à faire des dessins en relief,
et même à voir les anaglyphes de Vuibert, qui montrent avec
un relief saisissant nombre d’objets à formes régulières.

94
Dans l’ancienne logique, les règles du SYLLOGISME étaient
formulées dans HUIT vers d’une élégante clarté. Quatre vers
formés de mots artificiels résumaient les DIX-NEUF modes
concluants du syllogisme.
La versification française a fourni aussi des moyens
mnémotechniques. La rime et le rythme aident à retenir les
connaissances enfermées dans des vers parfois acceptables,
— du moins en égard à la notoriété de leur auteur, — mais
trop souvent peut-être pires par eux-mêmes que le sonnet
d’Oronte dans le Misanthrope de Molière...
C’est ainsi que l’auteur de l’Art poétique énonce la règle DES
TROIS UNITES pour le théâtre
Q u’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.

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Nous nous permettrons d’ailleurs de douter que l’auteur des
deux vers suivants, concernant l’anatomie humaine :

Des os longs, courts et plats, de tout le corps de l’homme,


Deux cents, ni plus ni moins, déterminent la somme,

ait été couronné aux Jeux Floraux, du moins pour ce petit


chef-d’oeuvre...

*
**

Citons, pour terminer, à titre d’exemple retentissant, le Jardin


des racines grecques, de Lancelot. Ce livre fut longtemps en
usage dans tous les « bahuts » de France et de Navarre.
Lancelot recueillit les racines, et Le Maistre de Sacy les mit en
vers. L’ouvrage comprend deux cent seize décades, classées
par ordre alphabétique, dont chaque vers contient une ou
deux racines. Chaque décade est accompagnée de notes
renfermant, soit les dérivés, soit les particularités se rattachant
à chaque racine.

96
CHAPITRE IV

Le développement de l’imagination créatrice :

méthode pour faire éclore des idées

Faut-il avoir des idées personnelles? Bien entendu, à


l’examen, vous n’allez pas soutenir une thèse paradoxale
dans une dissertation philosophique, ni, à l’oral, entamer avec
votre examinateur une polémique agressive : ce serait une
mauvaise politique...

Mais, en général, poser la question, c’est y répondre. Que ce


soit pour attaquer un exercice de calcul ou une composition
française, on a à remuer nombre de concepts entre lesquels
on pratiquera une sélection. Mais pour ce faire, il faut, dirait La
Palice, commencer par en avoir dans son cerveau, de même
que pour faire un civet, la présence s’impose d’un lièvre en
chair et en os. Il est même indispensable de s’entraîner à en
faire venir en un laps de temps très bref. Naturellement, les
sujets dotés d’une brillante imagination n’ont aucune peine à
cela. Mais en chacun de nous ne sommeille pas
nécessairement un Wells ou un Lermina qui s’ignore.

Il se peut que vous n’ayez pas d’idées. Allez- vous, alors, vous
contenter de traiter une multitude de problèmes, puis d’en
apprendre par coeur les solutions, de façon à accroître vos
chances de « tomber » sur un genre déjà étudié ? Comptez-

97
vous ramener toute dissertation à une question de cours, et
bâtir un devoir qui sera une leçon plus ou moins déguisée ?
Allez-vous la larder de citations de divers maîtres, sans qu’on
y trouve la trace d’une production personnelle ? Evidemment
non.
Si vous n’avez pas de vues originales, allez- vous renoncer à
en acquérir ? Pas le moins du monde.

*
**

Le premier travail d’approche pour éveiller votre imagination


sera de saisir au bond un phénomène très curieux qui se
produit en chacun de nous.
N’avez-vous jamais eu des mouvements, des velléités venant
ON NE SAIT D’OU ? Mais si, voyons ... Ces impulsions sont-
elles bonnes ? Obéissez-y immédiatement. Votre volonté se
trouvera ainsi soulagée. Il serait impardonnable de ne pas
profiter de cette aide troublante, mystérieuse, magique, qui
tient, croirait-on, du surnaturel, de l’occulte, semblant destinée
à nous diriger vers l’action, vers notre bien, vers notre intérêt.
Rejetez délibérément, par contre, les mouvements
défavorables, émanant, qui sait? De quelque génie malfaisant,
comme le pensaient nos pères, sans compter l’âne de La
Fontaine dans « Les Animaux malades de la Peste » :
(quelque diable aussi me poussant...)

De même, à n’importe quel moment, il peut arriver qu’à brûle-


pourpoint une IDEE jaillisse de votre encéphale, sans qu’il
vous soit d’ailleurs possible de vous rendre compte de son
origine.
Jusque-là, vous ne pensiez à rien, ou votre esprit était occupé
à tout autre chose. Psychologiquement parlant et les élèves
de Philosophie nous comprendront — il n’est pas sûr que

98
cette idée soit le résultat d’une association par contiguïté ou
par ressemblance. Elle se trouve souvent être excellente.
Vous jureriez qu’il y a là un fait providentiel, l’intervention
d’une influence extraordinaire, d’un être invisible, — ange
gardien si l’on veut — intervenu dans le but de vous épauler,
de vous INSPIRER.
Ne laissez jamais se perdre une telle idée, si elle a tant soit
peu de valeur. Ne se rapporterait-elle pas directement au but
que vous poursuivez,— EN L’ESPECE, VOTRE EXAMEN! —
accordez-y toute votre attention. Rendez-la nette,
CONCRETE dans votre esprit. Transcrivez SEANCE
TENANTE sur un carnet de poche spécialement réservé à cet
effet, même la nuit !

**

Citons pour mémoire quelques exemples historiques d’idées


suggérées par un fait, à première vue insignifiant, puéril, voire
saugrenu, mais qui, dans chaque cas, a déclenché un
mécanisme mystérieux conduisant à d’extraordinaires
résultats.

Nous avons tous encore sur les lèvres le nom du fameux


savant italien Galilée qui, pour avoir osé affirmer le
phénomène de rotation de la Terre autour d’un axe, fut, par
l’ânerie toute- puissante et intolérante des « officiels » de
l’époque, condamné à une rétractation publique et mortifiante,
pendant laquelle il frappait le sol de son pied, en grinçant : E
pur si muove! » (Et pourtant, elle tourne !).

C’est tout à fait par hasard qu’un jour, - il avait alors dix-neuf
ans, celui qui devait devenir le plus illustre disciple de
Copernic laissa errer ses regards, dans la cathédrale de Pise
(la ville de la Tour penchée), sur une grosse suspension en

99
mouvement sous une voûte. Immédiatement une idée
éblouissante se fait jour en lui : qui sait si les oscillations de ce
système ne seraient pas ISOCHRONES, c’est-à-dire ne
s’effectueraient pas en des temps EGAUX, qu’elles soient très
amples ou très petites ?

Une observation patiente confirme déjà cette intuition de génie


qui, les jours suivants, se révélera rigoureusement exacte. Et
le voilà parti... imaginant un nouveau système de mesure du
temps, qui va ensevelir à jamais le clepsydre traditionnel dans
les voiles de l’oubli, révolutionner la chronométrie et entraîner,
au double point de vue pratique et scientifique, des con
séquences incalculables.

*
**

Un rayon de soleil brûlant la main d’Archimède après avoir


traversé une bouteille pleine d’eau lui suggéra l’idée de
construire les grosses lentilles qui, concentrant sur les nefs
ennemies les feux de notre étoile jaune, lui permirent
d’incendier la flotte romaine. Un gland tombant sur le nez du
bonhomme Garo fut pour lui le meilleur des maîtres de
philosophie, en lui enseignant, un peu rudement sans doute,
pourquoi un chêne porte un tel fruit, et non une citrouille...
Evénement fortuit s’il en fut, que la chute d’une pomme tout
près de Newton, et, pourtant, point de départ de l’étonnante loi
de la gravitation universelle, qui, par les efforts d’Einstein et de
ses élèves, vient seulement de céder le pas au principe plus
général de l’électromagnétisme, dont elle constitue l’un des
cas particuliers les plus sublimes...

100
**

Osera-t-on soutenir que Charles Cros ne fut pas, lui aussi,


visité par l’inspiration ? D’une timidité légendaire, il se trouvait,
un soir de réception, bien sagement assis dans le coin d’un
salon, n’osant souffler mot, les yeux baissés sur son chapeau
claque aplati sur ses genoux, quand il « réalisa » soudain que
le bruit des éclats de rire des invités faisait vibrer le cylindre de
soie de son « tube ». Ce fut, pour lui, l’oeuf de Colomb, la
pomme de Newton.
Il construisit alors son « paléophone », et commença par
essayer d’enregistrer la voix de ses amis sur un rouleau de
cire vierge. L’instant était solennel. Aussi leur demanda-t-il de
prononcer un vocable définitif. Spontanément, comme s’ils
s’étaient donné le mot, ceux-ci lâchèrent d’une voix de stentor
un bref morceau d’éloquence illustré par certain général du
Premier Empire sur le champ de bataille de Waterloo.
Contrairement à la croyance populaire, ce terme de moins de
six lettres ne porta pas bonheur à l’inventeur : c’est à Edison
qu’était réservée la gloire de diffuser le phonographe.

*
**

Un jour, un disciple d’Esculape, renommé comme gourmet, se


vit, au cours d’un banquet, présenter un plat succulent dont il
raffolait. Au lieu de se servir avec un empressement dont les
autres convives, au courant de son péché mignon, souriaient
d’avance, il repoussa violemment sa chaise et bondit vers la
porte.
« J’ai une idée... » criait-il en se frappant le front, « j’ai une
idée! » Et il planta là tout son monde bouche bée, le laissant,
s’il voulait, évoquer la vision d’Archimède sortant de son bain
(encore un autre inspiré, celui-là...) et s’élançant dans la rue

101
dans la tenue académique que l’on devine, son « Eurêka »
aux lèvres...
Quelques jours plus tard, notre praticien présentait à l’Institut
un tout petit appareil, appelé à bouleverser le diagnostic de
toutes les maladies du coeur et des voies respiratoires. Cet
appareil était le STETHOSCOPE, et cet original était le grand
LAENNEC !

*
**

Un rêve peut suggérer une très gracieuse idée de conte ou de


roman à un littérateur. Tel titre prestigieux de trois mots
jaillissant de ses neurones sera, peut-être, le point de départ
d’un chef-d’oeuvre. D’un seul vers de génie apparu dans le
champ de sa conscience on ne sait comment, et comme
soufflé d’en haut, éclora un sonnet immortel.

*
**

Nous ne saurions trop insister sur ce point : transcrivez SANS


DELAI tout concept intéressant qui est venu vous rendre une
visite inattendue. Ne perdez pas de vue qu’un clou chasse
l’autre. Dans votre kaléidoscope crânien, toute image efface la
précédente. Ne dites pas
Bon... je noterai « ça » quand j’aurai fini mon problème. Si
vous tardiez à fixer « ça » par écrit, « ça » serait presque
infailliblement suivi de quelque autre pensée, généralement
futile, et balayé par elle comme un fétu...

En recueillant soigneusement ces idées qui « tombent d’en


haut », vous ne tarderez pas à vous apercevoir, avec un
joyeux étonnement, qu’il en éclot un nombre de plus en plus
grand, comme si les premières avaient eu la vertu de

102
proliférer. Et, ce qui vaut encore mieux, les nouvelles
s’avèrent de plus en plus piquantes, de plus en plus originales
et pleines d’intérêt. Si, en particulier, vous visez un but bien
arrêté, et n’en visez-vous pas un de taille: VOTRE EXAMEN?
— elles se presseront en foule dans votre esprit à n’importe
quel instant, fréquemment au milieu de la nuit, à l’état de veille
ou en plein rêve, parfois au réveil.
En prenant la précaution sus-indiquée, vous assisterez, à
votre vive satisfaction, à des progrès sérieux de votre
intelligence, sous les formes suivantes : MEMOIRE,
IMAGINATION, ORIGI NALITE, ESPRIT D’INITIATIVE, et,
par-dessus tout. FACULTE DE DECOUVERTE.

La question de l’ORIGINE de ces impulsions météoriques, de


ces idées inopinées, qui, moyennant l’éducation
recommandée plus haut, feront de vous, peu à peu, non un «
possédé », peut- être un « inspiré », à coup sûr UN
CANDIDAT DE PREMIER PLAN A VOTRE EXAMEN, est
encore une énigme. Certains, tel Swedenborg, n’y ont-ils pas
vu l’oeuvre d’êtres invisibles évoluant autour de nous ?
D’autres, tout récemment, n’ont-ils pas professé que certaines
radiations, émanant d’atomes terrestres ou sidéraux, étaient
capables, par « effet de choc », de provoquer des
modifications plus ou moins utiles de notre système nerveux?

*
**

En attendant que tout cela soit tiré au clair,— ce qui n’est sans
doute pas pour demain, il semble hors de doute qu’il y ait là un
travail invisible de l’INCONSCIENT, ce sphinx qui siège en
nous, et dont nous avons déjà souligné l’importance au
chapitre premier de cette deuxième partie. N’est-il pas, cet
Inconscient, une autre personnalité dans notre ombre, et, en

103
quel que manière, une seconde édition de nous-même, à
moins qu’il ne soit lui-même la véritable édition princeps ?
N’est-ce point, comme nous allons le voir ci-dessous, TOUT
UN MONDE, infiniment plus vaste que celui qui nous entoure
? Monde — si l’on sait le réveiller, car normalement il est
assoupi — susceptible d’exercer sur nous une action
autrement puissante que celle émanant des vivants de notre
boule verte ?
Oui, si nous savons nous y prendre, nous serons surtout
conduits par les morts...

...D’abord, s’entend, par les pléiades d’écrivains disparus,


dont les ouvrages vivaces sont le fondement de notre
éducation. Ensuite, et surtout, si nous avons appris à sentir
leur présence, à écouter leurs voix, par ceux dont chacun a
laissé dans nos artères la quintessence de ses qualités
physiologiques, — contribuant par là à élaborer notre vie
végétative — ainsi que la trace de son savoir, de son
expérience, de son génie. Et l’empreinte globale résultante est
impressionnante, voire effrayante, par le nombre
astronomique de ces traces partielles.
Un simple calcul va vous en donner une idée.
La durée de la vie humaine est actuellement d’environ 70 ans;
il y a un demi-siècle, elle était inférieure à 40 ans; au moyen
âge et antérieurement, elle ne dépassait probablement pas
cinq lustres. Nous allons admettre que la durée d’une
génération est de 50 ans, c’est-à-dire que la population du
globe se renouvelle deux fois en un siècle. Or, l’apparition de
l’homme sur notre machine ronde date d’environ un million
d’années. En divisant 1.000.000 par 50, on obtient 20.000. Il y
a donc eu, avant nous, quelque 20.000 générations.

Très bien... allez-vous interrompre. Inutile d’aller plus loin.


Nous avons compris. Et vous ajouterez : J’ai deux parents qui

104
appartiennent à la génération précédente; chacun d’eux en
deux; ceux-ci vivaient au temps de la pénultième, ayant
chacun, eux-mêmes, un père et une mère faisant partie de
l’antépénultième génération. Or, lancerez-vous en vous
rengorgeant, nous ne sommes pas tombé de la dernière pluie,
Nous avons fait nos études, PUISQUE NOUS PREPARONS
UN EXAMEN, et n’ignorons rien des secrets des progressions
géométriques et des logarithmes. Trouver le nombre total N
de nos ancêtres? vous écrierez - vous avec emphase. Rien de
plus simple : il est égal à 2 élevé à la puissance 20.000. Le
logarithme de Briggs de 2 étant 0,30103, celui de N sera égal
à 0,30103 x 20.000, c’est-à-dire à environ 6.020,6. La partie
entière de ce nombre étant 6020, le nombre N aura 6020 + 1
chiffres, c’est-à-dire environ SIX MILLE CHIFFRES.

Et voilà.., cher Lecteur, comment on se laisse mystifier par la


fée des mathématiques, fée la plus merveilleuse peut-être,
mais aussi trop sou vent la plus perfide... Vous ne vous en
méfierez jamais assez, surtout le jour de l’examen. Elle se fera
fort, moyennant quelques sophismes extrêmement subtils, de
vous montrer que 2 = 0, que la demi-circonférence est égale
au diamètre, et, en toute occasion, de vous faire prendre des
vessies pour des lanternes, si vous ne lamentez à la raison en
la confrontant, en toute occasion, avec la vraisemblance, avec
le juge ment, avec le bon sens. Voici, en gros, comment il
fallait raisonner :

Il y a actuellement 2 milliards 500 millions d’âmes sur la Terre.


Ce nombre était plus faible autrefois. Partons d’une moyenne
de cent millions pour chacune des 20.000 générations.
Admettons, d’autre part, que chaque couple, depuis le début,
ait donné naissance à deux couples, et ainsi de suite, toujours
en doublant. Au bout des vingt sept premières générations, on
atteint un nombre d’individus d’environ 100 millions. A partir

105
de là, le volume des générations n’augmente plus, tant joue à
plein ce régulateur la loi implacable de la sélection naturelle,
populations entières décimées par le virus filtrant, le microbe,
le froid, la faim, la guerre.

Revenons maintenant au présent, et faisons le compte de nos


ancêtres. En remontant à 27 générations, je trouve que tous
les membres de la génération correspondante, la 27e avant
moi, SONT MES PARENTS.

Remontons encore on ne peut plus doubler. Donc, en faisant


abstraction des 27 générations initiales et des 27 dernières, ce
qui fait un total absolument négligeable devant un nombre tel
que 20.000 —, je vois que le nombre total de mes pères est,
grosso modo, le produit de 100.000.000 par 20.000, ce qui ne
fait plus qu’un pauvre petit nombre de rien du tout... TREIZE
chiffres une goutte d’eau dans la mer en face du nombre de
SIX MILLE chiffres obtenu plus haut frauduleusement, mais
tout de même représentant HUIT CENTS FOIS la population
de la Terre au début de l’ère atomique.

Evidemment, ce résultat est probablement un peu supérieur à


la réalité. En effet, dans ce calcul mathématique, nous avons,
soit ignoré, soit sous-estimé bien des facteurs. D’abord, la
sélection naturelle, à laquelle nous avons fait allusion plus
haut, a bien pu ne pas se borner à maintenir constant le
niveau d’une génération. Au cours des âges, de mystérieuses
épidémies grippe espagnole, peste, choléra, ont pu minimiser
des séries de centaines de générations.
Il en est de même des cataclysmes postérieurs à l’apparition
de l’être humain, que l’on commence à soupçonner sur des
données scientifiques subtiles mais assez concordantes.
Nombre de volcans éteints actuellement gardent leur
éloquence muette. Et que savons-nous des tremblements de

106
terre du passé? Le Déluge fut évidemment la manifestation
d’un accident terriblement destructeur. Il en est de même
pendant les dernières époques GLACIERES. N’a-t-on pas, par
ailleurs, trouvé récemment des fossiles d’animaux pétrifiés
dans des positions anormales, ayant encore dans la bouche
de l’herbe qu’ils étaient en train de brouter ? N’ont-ils pas été
foudroyés par une catastrophe instantanée, peut- être le choc
d’un astre contre notre planète ?

Et que penser de l’engloutissement peut-être rapide de


l’Atlantide, sans mentionner le continent qui, aux premiers
âges, occupait la plus grande partie du Pacifique : deux
effondrements remontant tout au plus à quelques dizaines de
milliers d’années ?
Même en tenant compte de ces inconnues, vous pouvez être
sûrs que le nombre de nos ancêtres demeure infiniment plus
grand que celui des habitants du monde, à plus forte raison
que celui du petit nombre de cerveaux qui, croisant dans notre
entourage, seraient à peu près seuls susceptibles de nous
influencer.

Ainsi, si nous savons nous y prendre, nous pourrons tirer de


notre « gouffre intérieur » un secours autrement efficace que
de la « société », et aboutir à la conclusion suivante : Celui qui
détient le secret de secouer la torpeur de son inconscient, et
d’utiliser par là les immenses ressources de sa VIE
INTERIEURE, celui-là IRA LOIN.

*
**

Voici, maintenant, une explication plus simpliste des faits :


Après qu’on a cessé d’appliquer son esprit à un sujet
déterminé, il se produit encore dans les centres nerveux, et
d’une manière continue, une élaboration inconsciente de la

107
pensée, d’une importance considérable au point de vue des
résultats. Ce processus est plus lent que le labeur intensif
conscient, mais par là même plus fructueux. L’idée, lentement
distillée, se digère sans effort et peu à peu, on aboutit une
assimilation parfaite.
Le résultat d’une réflexion consciente, trop souvent intense et
fiévreuse, — surtout au cours de la préparation D’UN
EXAMEN — fait songer à ces fruits précoces, hâtivement
mûris en serre, sans le moindre arôme. (Ne dit-on pas que
faire du « bachotage », c’est « chauffer le candidat ? » Par
contre, une idée se faisant jour à I’improviste après un long
travail inconscient, est comparable à une mignonne fraise des
bois, arrivée tard à maturité, mais d’une saveur et d’un parfum
délicieux.
Le procédé recommandé ici relativement à la culture de ces
idées venues « d’en haut » , qui vous inspirent, constitue un
moyen éducatif de premier ordre, d’autant plus intéressant
qu’il n’exige AUCUN EFFORT. On n’à qu’à prendre la peine
de ramasser une pensée providentielle, comme on cueillerait
une pervenche... Il y a là un effet d’imprévu, de capricieux
hasard, quelque chose de capiteux qui grise, émerveille et
rend cette pratique passionnante.
Toutefois, ayons soin de ne conserver que les concepts
vraiment utiles. Expulsons impitoyablement les autres. Ceux-ci
seraient un fléau pour l’éducation, de même que les branches
divagantes d’un arbre constituent un défi à l’esthétique du
verger, comme les mauvaises herbes d’un champ ont pour
effet d’empoisonner la moisson.

*
**

En particulier, le médecin entraîné à la méthode ci-dessus


exposée y trouvera son avantage. Sort-il, soucieux, de chez

108
un malade, sans avoir pu accoler un nom à l’affection qui
cloue son client au lit ? Qu’il se rassure : il sera bientôt, et de
plus en plus, assailli d’idées fécondes qui lui permettront de
maîtriser son diagnostic, au point de le rendre à peu près
INFAILLIBLE.

*
**

Supposons maintenant un élève aux prises avec une


dissertation proposée pour une date un peu éloignée : une
quinzaine par exemple. Comment va-t-il disposer ses batteries
?
Il lira attentivement sou sujet, en écrivant à part les mots
importants. Il en cherchera très soigneusement la signification
sur le dictionnaire. Plusieurs auront différentes acceptions il
s’agira de savoir discerner celle qui est valable pour ce travail.
Puis il notera toutes les sources de documentation se
rapportant à son étude. II consultera les ouvrages
correspondants, tachant de retenir de chacun un très petit
nombre de faits, mais dont chacun se rapporte à sa
composition.
Ensuite, il s’occupera d’autre chose.
Des idées ne tarderont pas à affluer de son inconscient,
confuses d’abord, tortueuses peut- être. D’autres leur
succéderont, plus simples, plus claires et concourant plus
directement à la démonstration de la thèse qu’il se trouve
avoir, en quelque sorte, à soutenir relativement au texte
proposé.
Le candidat, ayant pris l’habitude de rassembler précisément
les idées de choix qui lui viennent ainsi spontanément,
acquerra peu à peu une maturité GENERATRICE DE
SUCCES. Et, le jour J venu, il sera à même de « déballer »
ces idées très rapidement et de les exprimer, en un temps

109
record, avec élégance, netteté et précision, ce qui lui
permettra d’avoir produit un travail solide, cohérent, équilibré,
au moment de remettre sa copie.

110
111
CHAPITRE V

Le bon sens

Pour réussir, non seulement à un examen, mais dans


n’importe quelle entreprise, la science ne peut rien si elle n’est
accompagnée du bon sens, du jugement et de la raison.
Tel savant passe d’interminables heures de jour et de nuit
écrasé sur sa table de travail. Pour lui n’existent que ses
bouquins poudreux aux pages tremblotantes, ses notes, ses
recherches.
Il croirait déchoir en se livrant de salutaires promenades. Il
abrège ses repas, écourte le temps dû au sommeil et, pour
tout dire, rapproche le terme de sa vie.
Il ne voit pas — ce qui saute aux yeux de sa famille — qu’en
faisant bon marché des règles les plus élémentaires de
l’hygiène, il se courbe, vieillit, contracte sourdement des
maladies chroniques incurables et court vers le « gagaïsme »,
la sénilité, la décrépitude et la mort, c’est-à-dire vers
l’impossibilité de donner une suite durable aux études
ébauchées.

En réalité, le but invisible vers lequel le conduisent,


inexorablement, ses efforts mal coordonnés, est précisément
l’opposé de celui qu’il veut, qu’il croit approcher. Ses amis
risquent- ils quelques affectueuses observations tendant à lui
faire mesurer le danger auquel il s’expose si imprudemment?
Il se borne à esquisser un sourie teinté de dédaigneuse

112
indulgence envers ces ignares et aimables esprits terre à
terre, ces automates, ces robots, incapables de s’élever jus
qu’à comprendre son labeur, et se garde bien de suivre leurs
avis.
Qui, au fond, est l’automate ? Qui est le robot? Lui-même...
Machine à penser, il s’avère incapable de la plus
indispensable des mises au point. Est-il vraiment, en dépit de
sa haute culture, un être supérieur ?

Le berger candide et béat, qui soigne doucettement sa petite


santé, chante, joue du flageolet, s’amuse, exerçant
naturellement les dons modestes que la nature lui a
dispensés, est, ma foi... un philosophe singulière plus avisé
que ce malheureux « abruti » esclave de son idée fixe,
prisonnier de son triste génie.

*
**

Cependant, quelle ne serait pas la supériorité de l’homme


intelligent et cultivé sur un esprit borné, s’il songeait à répartir
judicieusement son temps et ses forces de manière à bien
équilibrer sa besogne! Quelle déchéance y a-t-il à se
préoccuper des détails matériels de l’existence? Alexandre
Dumas, qui fit nos délices avec « Le Comte de Monte-Cristo »
et « Les Trois Mousquetaires », croyait-il perdre la face en
exhibant ses talents de cuisinier et en servant lui-même ses
confrères? Victor Hugo, qui, jusqu’à sa quatre- vingt-troisième
année nimba la littérature française d’une éblouissante
auréole, omettait-il, à son petit déjeuner, d’absorber
consciencieusement deux oeufs et une côtelette ? Ne faisait-il
pas allègrement sa promenade quotidienne de cinq lieues? Et
Clemenceau, ce Tigre, ce Père La Victoire, n’accomplissait-il
pas chaque matin, jusqu’à l’âge de quatre ans, un nombre

113
déterminé de mouvements de gymnastique durant une
vingtaine de minutes?

*
**

Un professeur de nos amis a passé la presque totalité de sa


carrière dans, l’atmosphère fiévreuse des examens, qu’il
préparait avec acharnement, en dehors des heures
consacrées à son service. Il eût pu donner des leçons
particulières, et se créer ainsi des ressources supplémentaires
destinées à .assurer aux siens une aisance relative. Loin de
là, il dépensait en achats ruineux de livres les quelques écus
qui lui restaient sur son traitement. Il mangeait mal; sa femme
était dans la gêne; ses enfants, maigres et pâles. Finalement,
sous l’action d’un surmenage continu, il fut terrassé par une
maladie chronique qui l’obligea à renoncer définitivement à
ses travaux.
Pendant ce temps, la plupart de ses collègues, moins
diplômés, faisaient, indépendamment de leurs classes, des
cours amplement rétribués, vivaient bien, et savaient se faire
nommer aux postes importants dont il rêvait et qu’il eût
obtenus sans difficulté, s’il avait songé à s’occuper
sérieusement de sa situation matérielle.

*
**

Oui, le bon sens est supérieur à la culture. Une ligne de


conduite simple conduira généralement au succès.
Cependant, si paradoxal que cela puisse paraître, ce n’est
qu’à la suite d’une longue expérience que l’on se décide à
écouter la voix de la sagesse.
Napoléon, qui gagnait toutes les batailles avant de se laisser
paralyser par l’influence de son état-major jouisseur, poltron,

114
veule et stupide, avait une méthode stratégique très simple .et
d’autant plus ingénieuse : il construisait son plan d’attaque
après s’être mis, par la pensée, à la place de l’ennemi, ce qui
lui permit, tant que son système ne fut pas éventé, de le
dérouter
à coup sûr. Bismarck, l’un des plus redoutables diplomates de
son temps, attrapait les négociateurs les plus retors en disant
purement et simplement la vérité. Jouant cartes sur table, il
démontait les plus subtiles machinations de ses adversaires,
qui se seraient bien gardés de croire un mot de ce qu’il
avançait...
A la Bourse, l’idée de vendre une valeur qui a monté de 10 à
15 pour cent viendra à un capitaliste expérimenté. Au
contraire, un novice va suivre le mirage de son imagination.
Aussi, pour des raisons multiples et fort belles qu’il croit avoir
d’attendre le « boom », voit-il s’évanouir en fumée son
bénéfice, trop heureux encore s’il n’essuie pas une perte.

*
**

Travailler énergiquement, voilà le mot d’ordre. Toutefois, avant


de se jeter à corps perdu dans la fournaise, il importe de
savoir OU L’ON VA.
Trop de gens, et surtout de jeunes, éprouvent une sorte de
niaise fierté à passer sous les fourches caudines de tel ou tel
snobisme.
Par exemple, c’est un dogme intangible, au collège, de
pousser jusqu’au baccalauréat. Chacun voit là, non un grade
tout court, mais un titre de noblesse intellectuelle : LE PONT
AUX ÂNES... Eh bien... cette conception est tout simplement
absurde. Si, en troisième, vous ne vous sentez pas vraiment
des dispositions pour la science, pourquoi ne pas vous tâter,
et, si vous avez quelque ingéniosité, de l’agilité et de l’habileté

115
dans les doigts, ne pas songer à une profession manuelle, à
un métier pratique?

Quelle honte peut-il y avoir à cela? Vous gagnerez peut-être


votre vie plus tôt et mieux que tel lauréat du « Bac » , qui,
soucieux de vouloir à tout prix « finir » ses études, va traîner
une douzaine d’années dans quelque Université, — où, du
reste, il n’est pas mathématiquement sûr de réussir — avant
de « palper » !

*
**

Oui, sur le point d’entreprendre une tâche importante, il est


indispensable de réfléchir mûrement, de peser longuement les
avantages et les inconvénients que l’on trouve dans la voie où
il s’agit de s’engager. CE N’EST PAS LA DU TEMPS PERDU.
Une fois la décision prise, il faut, il est vrai, aller résolument de
l’avant, sans plus regarder derrière soi.

*
**

Ménageons-nous quelques minutes, chaque soir pour passer


au crible du bon sens et de la réflexion le travail exécuté dans
la journée et celui que nous allons faire le lendemain. De plus,
méditons, une fois par semaines pendant une heure ou deux,
sur la manière dont nous conduisons notre plan d’action. LE
SUCCES EST A CE PRIX. Négligeons-nous ce minime effort
supplémentaire? Nous serons irrésistiblement emporté par le
torrent des forces naturelles qui nous entourent, nous
enserrent, nous enlisent, nous pénètrent de toutes parts.
Alors, qu’arrivera t-il? Ou nous nous découragerons ou nous
deviendrons une mécanique stupide à accomplir le travail
auquel nous nous sommes adonné.

116
*
**

Intellectuels, ne visons pas trop haut. Quand nous


approcherons de l’âge mûr, les ressorts commenceront à
fléchir; les cellules grises , suivant l’expression chère à
Hercule Poirot, le héros-détective d’Agatha Christie, auront
perdu de leur plasticité; l’enthousiasme juvénile se sera calmé.
L’étude deviendra pour nous une fatigue. A ce moment
critique, demandons-nous sérieusement, sans ambages, sans
fausse honte, s’il ne vaut pas mieux borner notre science à un
niveau raisonnable, et viser plutôt à l’appliquer à la vie réelle,
pour en tirer, le maximum de résultats matériels.
En sommes-nous convaincu? Prenons carrément notre
décision; nous n’aurons pas à le regretter. Les problèmes qui
nous attendent dans l’existence reposeront agréablement
notre esprit des pénibles spéculations contemplatives, tout en
l’exerçant largement.
Pour qui sait la prendre, la vie pratique est un jeu d’échecs
magique auquel on joue avec goût, curieusement,
sérieusement et gaiement. On rencontre là de profondes
satisfactions. Et, après tout, le vrai bonheur — celui qui ne
déçoit jamais PARCE QU’ON NE L’A PAS CHERCHÉ, et
aussi parce qu’il ne livre rien au hasard ni à l’influence d’autrui
— ne consiste-t-il pas à développer harmonieusement son
corps et son âme, et à savoir extraire de son cerveau, le cas
échéant, la meilleure combinaison pour se tirer honnêtement
d’ affaire?

*
**

117
Il est presque toujours maladroit et dangereux - de vouloir trop
s’élever au-dessus de la condition tracée pour nous par la
destinée, l’éducation et l’ambiance. Trop souvent, on se trouve
transplanté dans un monde fermé, fier, où l’on toisera de bien
haut le « parvenu » que vous êtes. C’est ce que nous fit
remarquer notre sergent de la « der des der » (guerre de
1914-18) un jour où, nous le croisâmes. Ses qualités et son
courage exceptionnels l’avaient hissé, grade après grade, à la
dignité de Commandant. Et comme nous le félicitions
chaudement : « Je regrette, soupira t-il, le bon vieux temps de
la « sardine » . Ici je ne me sens pas dans mon milieu.
D’ailleurs, une ambition effrénée parvient rarement à se
satisfaire d’une façon complète, définitive. C’est une plaie, un
ulcère qui ronge, détruit toute quiétude, en semant dans la
conscience un désir éternellement inassouvi, en jetant devant
les yeux exorbités, mirage splendide et décevant, la
perspective d’un but grandiose qui recule sans cesse au fur et
à mesure qu’on l’approche : tout comme le ciel que croit
atteindre l’enfant en gravissant la montagne, et qui, du
sommet, se révèle plus haut, plus lointain, plus inaccessible
que jamais.

En particulier, une ambition intellectuelle démesurée, se


traduisant par une course perpétuelle aux peaux d’âne, une
chasse sans fin aux concours, n’est pas en général couronnée
d’un plein succès. Qu’il y ait d’honorables exceptions, cela ne
fait pas l’ombre d’un doute. Mais que de fois, avant la
conquête du diplôme convoité, la fatigue ne survient-elle pas,
inexorable, suivie de l’échec, du découragement, et, trop
souvent, d’un délabrement de la santé !Conséquence de
l’implacable loi de la « mauvaise volonté de la nature » qu’il
est raisonnable de prévoir et d’éluder.

118
*
**

Quoi qu’il en soit, si nous avons décidé d’accomplir une tâche


intellectuelle difficile : préparation, par exemple, du Certificat
d’Aptitude au Professorat des Ecoles Normales, ou du
Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire, effectuée
en marge d’un gagne-pain, n’oublions jamais que nous
devons nous allier au Temps.
En effet, le résultat à atteindre va nous demander beaucoup
de forces, et exigera des dépenses très appréciables.
Voulons-nous à tout prix brûler les étapes? Nous courons le
risque d’avoir, à bref délai, la visite du médecin. D’autre part,
notre situation matérielle va souffrir de notre activité
additionnelle, car le temps passé à étudier -vérité de La Palice
— ne l’est pas à gagner de l’argent. Nous allons nous trouver
gêné, et, pour remédier à cette situation précaire, nous serons
amené à réduire nos frais de nourriture et de chauffage. Très
dangereux pour la santé... Nous tournons dans un cercle
vicieux.

Il va donc falloir ruser...


Un labeur intense exigeant des forces surabondantes, il est
absolument indispensable de se réserver les moyens
pécuniaires d’avoir une riche alimentation. Par suite, il va être
essentiel
de consacrer une partie de notre activité et de notre temps à
nous créer des ressources supplémentaires.

Ainsi, chose paradoxale, nous voilà acculé, pour réaliser un


projet INTELLECTUEL avec le minimum d’aléas, à la
nécessité de nous préoccuper de la partie la plus
MATERIELLE de notre existence. Ici, comme on le voit, plus
que partout ailleurs, les extrêmes se touchent…

119
Il est évident, d’ailleurs, qu’en ajoutant des tâches lucratives à
notre travail principal, nous
devons soigneusement éviter de surcharger notre emploi du
temps au point d’amener un surmenage qui serait désastreux.
Il ‘y a donc lieu, pour concilier tout cela, de ralentir
prudemment le moteur; en un mot, de s’allier au TEMPS.
Comme on le voit, tout se tient dans la vie...

*
**

Enfin, n’oublions pas qu’il faut accomplir toute chose


simplement. Travaillons, bien entendu, de façon à nous
rapprocher le plus possible de la perfection, surtout EN
PREPARANT UN EXAMEN, car la quantité de travail n’est
rien sans la QUALITE. Mais ne cherchons pas, comme dit
l’autre, midi à quatorze heures. Evitons de couper les cheveux
en quatre : le mieux pourrait se trouver l’ennemi du bien. Ne
dédaignons pas le mot célèbre du profond philosophe Pascal,
qui connaissait bien la vie et les hommes « L’homme n’est ni
ange ni bête, et qui veut faire l’ange fait la bête. »
Les professeurs savent, par une cruelle expérience, qu’un jour
d’inspection, les élèves, dans leur application à vouloir
répondre beaucoup mieux que d’habitude, accumulent
sottises sur sottises.
Dans une classe de cinquième de trente-deux élèves, un
Inspecteur Général fait disposer les enfants suivant 8 rangées
de chacune 4 potaches. Il se place devant eux : il y a HUIT
fois QUATRE élèves, donc 4 x 8. Il se met ensuite sur le côté :
on compte QUATRE fois HUIT élèves, soit 8 x 4.

L’Inspecteur se fait indiquer le meilleur élève de la classe, et,


s’adressant à lui: « Le nombre des élèves est-il le même dans
les deux cas? » lui demande-t-il. — Oui, Monsieur

120
l’Inspecteur. — Et pourquoi? — Parce que le produit de deux
facteurs ne change pas si l’on intervertit l’ordre des facteurs.
C’était une ânerie, montrant que le Newton en herbe, paralysé
par une présence anormale, n’avait pas « réalisé », l’élément
NOUVEAU, à trouver, qu’apportait le dispositif du chef. Devant
la question posée, il s’était trouvé, en quelque sorte, hypnotisé
par l’égalité qui, au tableau, flamboyait devant lui :

4 x 8 = 8 x 4.

Il avait alors tout juste associé dans son esprit cette relation
avec la leçon précédemment apprise à ce sujet : association
PAR CONTIGUITÉ, parfaitement normale, qui n’a certes rien
de « transcendant » ... Forme initiale d’association, que les
animaux utilisent avec autant de virtuosité que nous. Le
« pauvre type », désemparé, s’y était accroché comme le
noyé à une bouée de sauvetage. La réponse à faire eût exigé
une observation sans malice, mais PERSONNELLE,
assaisonnée d’un peu de bon sens. Il eût fallu que l’enfant fît
une petite découverte : qu’il remarquât que, dans l’intervalle
de temps ayant séparé les deux manières de compter, aucun
lycéen n’était entré ni sorti.

*
**

A L’EXAMEN, dans notre désir d’ épater les examinateurs par


notre érudition, nous résistons rarement à la tentation
d’ajouter à nos copies, au tout dernier moment, des
énormités,— des perles — dont la moindre suffit à couler
notre composition et à entraîner irrémédiablement notre
échec.

121
*
**

Une expérience formelle montre que nous aurons le maximum


de chances de succès dans nos entreprises si nous visons un
but tout à fait à notre portée. Ne pas songer à l’impossible,
tirer le meilleur parti des forces et des facultés dont la
providence nous a gratifiés, dans le milieu même où nous
sommes placés, et, par là, ne pas permettre à l’universelle et
redoutable loi de la Thermodynamique qui a nom : LOI
D’EQUILIBRE, de jouer contre nous : telle est la meilleure
tactique à employer pour apprivoiser le SUCCES, — cet
oiseau bleu qui plane au- dessus de nous et réaliser le
véritable but de notre existence.

*
**

Voyons maintenant d’un peu plus près en quoi le bon sens


peut secourir LES CANDIDATS A DES EXAMENS. Ces
jeunes personnes sont trop timorées; ces messieurs, parfois
bien hâbleurs... Avant la composition, ces demoiselles
tremblent; après, elles n’ont rien fait de bon. Ce sont alors des
soupirs, des pleurs et des grincements de dents. Par contre,
tels adolescents, pérorant avec assurance avant la première
épreuve, ont, paraît-il, tout vu; ils savent tout sur le bout du
doigt; pour un peu, ils vous diraient par avance les sujets des
compositions. Après, ils ont tout fait. Ils sont sûrs de réussir
avec mention...
Le bon sens conseille de n’avoir ni trop de confiance ni trop
peu. Sous-estime-t-on le niveau l’épreuve? On croit volontiers
qu’un travail sérieux ne s’impose pas. Ce penchant est
favorisé par la paresse qui sommeille en chacun de nous,
— étudiants et professeurs — et dont la nature, en vertu de la
loi d’INERTIE, nous étale sans vergogne de si fâcheux

122
exemples. (Songer au rayon lumineux qui, parti d’un point A,
doit atteindre un point B après réflexion sur un plan: son trajet
est tel, qu’il accomplit le chemin minimum : IL PREND PAR LE
PLUS COURT).

Combattons cette tendance en nous disant : Tous ceux qui


osent se présenter sont du niveau de l’examen, ou à peu près;
cependant, grosso modo, 40 % seulement seront admissibles,
à peine 30% reçus définitivement. Donc, si nous nous bornons
à être d’une honnête moyenne, « tangents », la compétition
ne présentera pour nous PAS PLUS DE CHANCES QU’UNE
LOTERIE. Nous courrons même des risques sérieux de ne
pas 3passer », car, au jour J, ON PERD UNE PARTIE DE
SES MOYENS. Il faut donc arriver assez bon (moyenne de 13
sur 20) au jour fatidique, pour compter sur des chances tout
au plus normales d’atteindre la moyenne, ou même seulement
d’ « entrer en discussion » c’est-à-dire avec une moyenne à
l’écrit de 9 à 9 et demi sur 20, ce qui, dans certaines
conditions et moyennant un livret scolaire très élogieux permet
au Jury de « relever » le candidat.

*
**

D’autre part, ne nous sous-estimons pas, et n’arrivons pas à la


salle des épreuves en nous estimant « collé » par avance !
S’agit-il, non pas d’un examen ordinaire, mais d’un
CONCOURS? On est encore plus intimidé : sur deux ou trois
cents appelés, combien va-t-on compter d’élus ? Peut-être
une dizaine !
Il se peut que les compositions aient été choisies difficiles,
pour faciliter le classement. Mais qu’arrive-t-il souvent ?
Personne ne sait les faire; dans ce cas, il n’est plus
absolument nécessaire d’atteindre la moyenne à l’écrit pour

123
être déclaré admissible. Prenons un exemple. A l’Agrégation
de Mathématiques, le total des points à l’écrit est de 80. La
moitié du maximum est donc 40. Cependant, au Concours
normal de 1919, on fixa l’admis à 36 points, et celui qui,
finalement, fut reçu définitivement LE PREMIER eut 4 sur 20 à
la composition de Mathématiques Elémentaires (qui n’a d’
« élémentaire » que le nom : en réalité, c’est la plus difficile et
la plus redoutée). Il est vrai que le N° 2 avait décroché à cette
même épreuve un 18 sur 20. Au Concours de 1922, on prit
des admissibles à 33 points.
Bref, le mieux est de penser si le sujet est dur, il le sera pour
tout le monde; avec du sang-froid, de la méthode et de la
maturité, on doit pouvoir trouver quelque chose. Du reste,
pendant votre longue préparation, le BON SENS vous a porté
à piocher vigoureusement vos points faibles; il vous a invité,
d’autre part, à vous perfectionner dans votre partie forte, de
façon vous assurer un appui solide. C’EST LÀ LE MEILLEUR,
LE VRAI PISTON Vous gagnerez des points sur votre
spécialité, et cela compensera les défaillances que vous aurez
pu accuser par ailleurs.

*
**

Un sujet vous paraît-il d’une facilité dérisoire? Tient-il en


quelques mots bénins? MEFIEZ VOUS. Il y a une ou plusieurs
difficultés soigneusement camouflées. Le « matou » qui l’a
proposé a fait patte de velours... « Mauvais signe, disait le
médecin de Molière à Monsieur de Pourceaugnac, quand un
malade ne sent pas son mal ! »
Ici, le malade, c’est vous; le mal, c’est le texte. Tout le monde
connaît l’énoncé du dernier théorème de Fermat, QUI TIENT
EN UNE LIGNE, et fait le profane s’écrier : « Combien cela

124
doit être aisé à établir ! » Eh bien... depuis plus de trois
siècles, la démonstration reste encore à trouver. Ceci entre
nous — à la confusion furieuse des géomètres : avec leurs
méthodes modernes si nombreuses, si fécondes, si savantes,
se voir damer le pion par un arithméticien aux « astuces »
datant du père Noé !

*
**

Toutefois, ne voyez pas des traquenards par tout. En sciences


comme ailleurs, des méthodes- champignons naissent, ont la
vogue pendant un temps, puis font place à d’autres. Tout
beau, tout nouveau, dans le siècle où, plus que jamais, règne
le snobisme... II y a une quarantaine d’années, en
mathématiques, le procédé de recherche des LIEUX et des
ENVELOPPES PAR L’HOMOGRAPHIE fit fureur durant
quelques lustres, et s’implanta si bien qu’on fut obligé d’en
interdire l’emploi : les candidats à l’Agrégation voyaient de
l’homographie partout...

*
**

Au Baccalauréat, en Mathématiques et en Sciences


Physiques, trois questions de cours sont proposées : on en
CHOISIT une. Mais le problème est UNIQUE. A la première
partie, le coefficient est le même pour la question et pour
l’application.
Etes-vous faible en problèmes? Ne jetez pas pour cela le
manche après la cognée. D’abord, vous vous êtes entraîné,
vous avez résolu maints exercices, en commençant par les
plus faciles et les plus brefs. Du reste, vous avez bien étudié
sur vos manuels, et, pendant la période de ré vision, épluché

125
tout à fait au fond le tiers des questions de cours figurant au
programme, en préférant celles que vous saisissiez le moins,
ou, si vraiment vous ne « pigez » pas, celles que vous savez
le mieux. Vous pouvez encore, si cela vous amuse, les tirer au
sort, ce qui donne à l’épreuve è venir une petite saveur
émotive de Loterie Nationale...

**

Le BON SENS commande de calculer LENTEMENT. Mieux


vaut aller en tortue et sûrement, que jongler avec des formules
fausses depuis le début... Le BON SENS suggère aussi de
n’accepter une formule que sous bénéfice d’inventaire :
s’assurer avant tout qu’elle ne contient pas de défaut
d’homogénéité. Bien se relire pour donner la chasse aux
fautes de signes, — qui se glissent avec l’agilité d’une anguille
entre chiffres et lettres — et aux « coquilles » dans les calculs
FACILES, qu’on a, pour cette raison, probablement
« sabotés » ... Enfin, le BON SENS insinue d’exécuter dès le
début, dans les questions numériques, aussi bien de Physique
que de Mathématiques, — un calcul grosso modo, de façon à
voir d’emblée l’ordre de grandeur du résultat. On décèlera
ainsi des « bourdes » , monumentales qui feraient tomber à la
renverse votre correcteur...

*
**

Beaucoup de candidats s’imaginent avoir produit une solution


satisfaisante d’un problème NUMERIQUE quand ils ont
exposé la marche à suivre pour traiter la question, ou même
résolu le problème plus général où les données ont été
remplacées par des lettres. Ils se dispensent de terminer leurs
calculs, un peu par inertie, puis parce qu’ils craignent de
commettre des erreurs qui entacheraient l’ensemble du travail;

126
enfin parce qu’ils méprisent, au fond, ce qui, à leurs yeux, est
plutôt une besogne mécanique, une tâche subalterne.

N’est-ce pas là une importante lacune ? En réalité, l’obtention


EFFECTIVE du résultat NUMERIQUE demandé, surtout s’il
doit être calculé avec une approximation déterminée, est loin
d’être négligeable. Le BON SENS indique au futur ingénieur,
par exemple, que s’il ne s’est pas suffisamment entraîné à
sortir des résultats numériques sûrs, les calculs qu’il sera
appelé à faire plus tard s’avéreront peut-être FAUX. Le pont
construit d’après ses directives s’écroulera sous le passage
d’un train; l’avion bâti sur ses données explosera dans les
airs, à moins qu’il ne percute une montagne, comme celui où
périt le général Leclerc, ou celui où, plus récemment encore,
devaient trouver la mort, entre autres, notre sympathique
champion du monde de boxe des poids moyens Marcel
Cerdan, ainsi que notre gracieuse, merveilleuse et infortunée
violoniste, Mademoiselle Neveu.

*
**

Les efforts de l’élève doivent tendre à ce que toutes


précautions soient prises pour que le NOMBRE à obtenir soit
réellement trouvé, et surtout à éviter de présenter un résultat
hurlant par son invraisemblance.
Tout bien considéré, un problème numérique, contrairement à
ce qu’on pourrait croire, est souvent plus délicat qu’une
question où figurent seulement des lettres. C’est qu’ici, il ne
s’agit plus de se contenter de discussions, seraient-elles
précises voire académiques. Des qualités de BON SENS et
de jugement seront indispensables pour dépister l’ERREUR,
cette « paille » qui s’infiltre si volontiers dans les calculs.
Prenons un exemple:

127
Soit le problème de physico-mécanique suivant:

On lâche, sans vitesse initiale, une balle qui tombe au fond


d’un puits. Le bruit fait en choquant le fond s’entend un temps
t après le début de la chute.
Calculer la profondeur du puits.

Il conduit à la discussion d’une équation du second degré, qui


a deux racines réelles et positives. Or, le BON SENS indique
que, de ces deux racines, une seule est acceptable, car ce
puits ne peut avoir qu’une seule profondeur. Soit en effet, p
une profondeur trouvée. Un autre nombre p’ ne peut convenir
également. Car, si p’ est plus grand que p, le son aura à
parcourir une distance plus grande, aller et retour, et sera
revenu à l’oreille de l’observateur seulement au bout d’un
temps t’ plus grand que t. Raisonnement analogue, mais en
sens inverse, pour un nombre p’ inférieur à p.
Le BON SENS sera encore nécessaire pour décider laquelle
des deux racines sera la bonne.
Si, dans une question numérique, les calculs portent sur des
nombres décimaux, on devra au début, en quelques minutes,
trouver un résultat grosso modo, en opérant sur les nombres
ENTIERS les plus voisins des nombres donnés. Ainsi seront
impossibles les fautes monumentales de virgules.

*
**

Le BON SENS empêchera de produire en Physique des


réponses ahurissantes. Nous nous souvenons avoir corrigé le
devoir d’un jeune homme et celui d’une étudiante. Notre
Inaudi précoce trouvait, pour la longueur du fil d’un rhéostat, 7
dixièmes de millimètre, pour celle d’un autre, 400 kilomètres;
et surtout, il annonçait sans broncher 320.000 ohms pour la

128
résistance d’un fil de cuivre. Quant à notre gracieuse
calculatrice, elle obtenait, pour le grossissement g d’une
lunette astronomique g = 800 millions.
Brave disciple ! Le condamné à mort de l’Oncle Sam eût payé
une fortune pour acquérir votre fil enchanté et l’attacher
subrepticement à la chaise fatale. Il n’aurait pu être
électrocuté, car il aurait dit au courant « Tu ne passeras pas! »

Et vous, Mademoiselle et chère Elève, nous vous envions


d’être si bien renseignée. Votre lunette-record vous a montré
la blonde Phébé à 0 m. 50, deux planètes à 50 mètres, et le
Soleil à 200 mètres. N’avez-vous pas tenté de mettre la Lune
dans votre poche? Dites-nous vite quelle est la taille des
habitants de Vénus, et faites- nous donc connaître
l’emplacement des chantiers où les Martiens fabriquent leurs
soucoupes volantes...

*
**

Il arrive souvent qu’au début d’un problème, le BON SENS


suggère une méthode instantanée qui sauve parfois d’une
situation délicate.
Par exemple, pour trouver le tiers et demi de 100, on peut
diviser 100 par 3, puis le quotient obtenu par 2, et l’ajouter au
précédent. Ces calculs sont ardus, et le résultat est seulement
approché. Mais si vous songez tout à coup que :

1:2 = 1
3 6

et que 1+1=2+1=3=1
3 6 6 6 6 2

129
vous aurez seulement à diviser 100 par 2, et vous aurez
instantanément le résultat EXACT, 50, sans la moindre
décimale, et sans erreur.

*
**

Lorsque, en 1922, nous passâmes l’Agrégation de


Mathématiques, le problème de Spéciales était fort difficile et
fort long. Nous réussîmes à arriver à peu près jusqu’au bout,
où nous guettait la recherche de deux LIEUX géométriques de
difficulté, semblait-il, à peu près équivalente. Nous mîmes une
heure à trouver l’un d’eux et à coucher la rédaction
correspondante. Les sept heures étaient écoulées, et
l’appariteur s’était mis en mouvement pour recueillir les
copies. Le temps nous manquait absolument pour réserver à
l’autre lieu toute une série de calculs de la même envergure
que ceux du premier. Nous finissions de relire notre travail,
quand une idée jaillit de notre cerveau.
D’après la nature de la question il suffisait, pour déduire le
second lieu du premier, de changer tout simplement y en i.y
dans l’équation définissant le premier (i étant, comme on sait,
une lettre symbolique, dont le carré, par convention, est égal à
— 1).
En un clin d’oeil, tout fut bouclé...
C’est à cette simple remarque que nous dûmes la note 15 sur
20 (la meilleure) à cette composition, et NOTRE
ADMISSIBILITE, et, en dernière analyse, notre admission
définitive (car nos autres épreuves — ne le répétez pas... —
étaient loin d’être des chefs-d’oeuvre...).

*
**

130
Terminons ce chapitre par quelques anecdotes d’oral,
prouvant que, dans chaque cas, le candidat n’avait pas assez
de BON SENS.

Au Certificat d’Etudes.

I — L’examinateur de français : « Qu’est-ce qu’une


proposition? » Le candidat : « Une pro position est
l’énonciation d’un théorème. »
II. — Interrogation en Géographie. — Une grande carte de
France est suspendue au mur. L’examinateur : « Que
Prendriez-vous pour aller de Perpignan à Dunkerque? —.
« Une échelle, Monsieur. »

Au Brevet Elémentaire.

I. — Interrogation d’Histoire. — L’examinateur : « Savez-vous


ce que les Romains entendaient par « thermes » , ? — Des
bains, Monsieur.
— Mais c’est très bien. Je suis même surpris de votre
érudition. Quand avez-vous appris cela?
— La semaine dernière. En partant un matin, mon père a crié
à ma mère « Si le propriétaire vient pour le terme, tu l’enverras
au bain. »
II. — Interrogation de Mathématiques.
L’examinateur : « Avez-vous fait de l’algèbre? »
— Un peu, Monsieur. — Voyons cela. A quoi est égal 2 x — x
? A 2, Monsieur »

131
CHAPITRE VI

Le «trac» et la timidité

Un obstacle très sérieux à la réussite est la TIMIDITE. Cet


état, non sans grâce chez une jeune fille, constitue un énorme
handicap pour les garçons, dont il paralyse toute initiative. Le
timide, en dépit des apparences, est rarement un modeste. On
pourrait au contraire discerner en lui, le plus souvent, un
profond sentiment d’orgueil. Abstraction faite des cas
pathologiques, plus nombreux qu’on ne croit, la timidité est
presque toujours la rançon des âmes d’élite, délicates et
fières, des esprits de haute valeur. On peut rapprocher le
timide de ces jolies fleurs qui rentrent leurs corolles au
moindre effleurement, au premier rayon de soleil...
Cette médaille a son revers. La timidité peut transformer en
enfer une existence consumée de regrets.

*
**

Le timide entre-t-il dans un salon? Qu’un regard se fixe sur lui


: il a aussitôt l’impression d’être dévisagé par la galerie avec la
plus minutieuse attention, teintée d’un ironique dédain. Cette
obsession le trouble, un froid le saisit, il se prend à trembler,
devient gauche par auto suggestion. II fait tant et si bien qu’il
finit véritablement par provoquer quelques sourires, plus

132
indulgents néanmoins qu’il ne les entrevoit à travers le prisme
de son imagination affolée.

Est-il en conversation ? Il se fait scrupule d’ouvrir la bouche,


parle d’une voix faible, hésitante, n’ose fixer son interlocuteur.
Celui-ci, sentant à qui il a affaire, prend d’emblée de
l’ascendant sur lui.
Dans la rue, le timide baisse craintivement les yeux. Il lui
arrive fréquemment, par suite, de ne pas voir ou de ne pas
reconnaître les gens QU’IL FREQUENTE. Est-il fonctionnaire?
Il s’expose à croiser un collègue, voire un chef, sans le saluer.

Mais il fait mieux encore.


Il lui semble parfois, dans un passant qu’il vient de regarder à
la dérobée, remettre une connaissance, et il s’empresse de
faire les frais d’un salamalec. Le quidam, qui ne l’a jamais vu
de sa vie, peut très bien ne pas lui rendre son salut, soit que
cela dépasse les bornes de son savoir-vivre, soit simplement
sous l’effet de la surprise.
Dès lors, la fierté du timide est frappée d’une profonde
blessure.
Croise-t-il une silhouette qui lui semble familière ? Il ne
s’inclinera pas, ou, avant de le faire,
il aura soin de toiser longuement la personne en question... Il
arrive à un timide de considérer dans le blanc des yeux un
ami, et de ne pas déplacer son couvre-chef ni desserrer les
lèvres Il ne l’a pas reconnu, n’ayant pas eu l’aplomb de rendre
son regard assez pénétrant.

*
**

A son arrivée dans un nouveau poste, un fonctionnaire timide


n’osera pas rendre visite aux personnages influents de la

133
localité, qui se formaliseront de ce manque d’égards. A-t-il une
faveur à demander ? Si, par un sursaut d’énergie, il se décide
à aller trouver son supérieur pour solliciter son appui, un froid
mortel le saisit en face de son majestueux interlocuteur. Il
présente sa requête d’une voix si mal assurée qu’elle est,
d’avance, rejetée sans appel.

*
**

Par un étrange paradoxe, le timide se nuit aussi d’une façon


tout opposée. Qu’un plus audacieux enlève haut la main, sous
son nez, un avantage important auquel il avait droit, et qu’il eût
obtenu sans son inconcevable pusillanimité : il ressent
profondément ce qu’il taxe d’injustice. Dans son coeur froissé,
tel un vase clos, bouillonne une colère folle, qui va finir par
éclater... Il se montre soudain brusque, arrogant, péchant, de
façon peut-être irrémédiable, par défaut complet de tact. LE
MOUTON EST DEVENU ENRAGE.
Que de timides, par manque de..: cran, ou par l’un de ces
accès de sauvagerie qui font d’eux une déconcertante
énigme, n’ont pas su saisir au bond une occasion magnifique,
la laissant échapper de bien près ! C’est peut-être pour eux
qu’a été forgé le proverbe : « Il y a loin de la coupe aux
lèvres... »

*
**

Le timide est-il un artiste ? Son défaut prend alors le nom de «


trac ». Le trac se manifeste, bien entendu, au moment d’entrer
en scène, surtout — on le devine — chez les débutants, et —
il faut bien le dire chez ceux qui ne savent pas assez bien leur
rôle.

134
Il faut avouer qu’il y a un peu de quoi.
La peur de mal jouer et la perspective, dans ces cas, des
réactions féroces du « cochon de payant », qui, après tout, est
sévère parce qu’il veut en avoir pour son argent, suffisent à
affoler l’imagination, et à gêner sérieusement le jeu de
l’exécutant. Celui-ci fera son apparition d’un pas mal assuré,
trébuchera. En un mot, il ratera son entrée. Quoi d’étonnant à
ce que, dès lors, il se mette à balbutier, à bégayer, et à être
frappé d’amnésie ?
Aussi entendra-t-il mal le souffleur...
A-t-on oublié la « coquille » lancée à pleins poumons par «
Hernani » lors de la première représentation de ce drame ? Le
héros, troublé par le tumulte (qu’on se souvienne de la «
Bataille d’Hernani » !), se trouvant à court pour la réplique, se
pencha vers le souffleur qui murmurait:
« Vieillard stupide, il l’aime. » Et voilà notre brigand d’un soir
hurlant, de son ton le plus tragique : « VIEIL AS DE PIQUE, IL
L’AIME I!!
Dans un autre drame, un acteur timide incarnait le personnage
du grand Charlemagne, Empereur d’Occident, face à ses
troupes qu’il venait haranguer. Le trac lui avait fait perdre le fil.
Et l’homme du trou de chuchoter : « Je suis content à voir tant
de vaillance. Salut, ô mes preux ! » Et le monarque
occasionnel d’ânonner piteusement: « JE SUIS GONTRAN,
AVORTON DE MAYENCE! SALUT AUX LEPREUX !! »

*
**

Quand, à l’Ecole Normale, nous fîmes notre première


conférence, devant un public composé des élèves-maîtres,
des professeurs, du DIREC TEUR et de familles de la ville,
nous n’en menions pas large. Aussi avions-nous appris par
coeur tout le texte, qui se rapportait à la question du
déboisement. Nous nous proposions de plastronner en nous

135
promenant de long en large sur l’estrade avec force gestes
éloquents longuement étudiés, sans lire une seule note.
Mais une fois derrière notre table et devant notre verre d’eau,
quand l’Econome nous eut présenté à l’auditoire, terminant en
ces termes lapidaires « LA PAROLE EST AU CONFE
RENCIER », il fallut déchanter. Un certain bruissement, fait de
froissements de programmes, de chuchotements, de
glissements de pieds, ces regards étincelants soudain
braqués sur notre personne comme les gueules de trois mille
bouches à feu, tout cela ne fut pas long à nous faire rentrer
dans notre coquille...
Après deux ou trois phrases dites d’une voix de rogomme, et
quelques pas sur la scène avec des jambes flageolantes,
nous fûmes contraint de venir échouer sur notre chaise, et
bien heureux de consulter quelques notes que, par précaution,
nous avions tout de même songé à garder. Au bout de dix
minutes, il est vrai, le trac avait diminué. Notre voix s’était
éclaircie, raffermie. Bientôt nous n’eûmes plus peur du tout de
la foule en miniature qui nous faisait face. Toutefois, il ne fut
plus question de reprendre les allées et venues avec des
effets de torse. Nous restâmes bien sagement assis devant
nos feuilles noircies...

*
**

Réalisez-vous combien désastreuse est la timidité à l’oral d’un


examen ? Les séances sont publiques, et, au Baccalauréat
par exemple, les auditeurs sont parfois nombreux à la
Sorbonne. Tout cela impressionne terriblement. Si vous ne
triomphez pas du trac, vous perdrez presque infailliblement la
mémoire, oubliant en un clin d’oeil tout ce que vous aviez mis
si longtemps à emmagasiner. L’imagination aidant, vous vous

136
verrez par avance bafouiller, et devenir un objet de risée pour
l’assistance entière. Donc il faut absolument VOUS
AFFRANCHIR DE CE COMPLEXE D’INFÉRIORITE. Nous
allons vous y aider.

*
**

Vue à travers un prisme éminemment simpliste, la timidité


semble due à un état morbide des nerfs lié à l’état général.
Sous un angle un peu plus technique, nous indiquerons que,
d’après des résultats récents, elle est en rapport étroit avec le
bon fonctionnement du système endocrinien, et, en particulier,
de la glande THYROIDE et des glandes SURRENALES.
Notons rapidement que la thyroïde est logée dans le cou, en
avant. Elle aide à la vivacité de l’esprit. Les sujets chez
lesquels elle fonctionne très normalement sont en bonne
santé, actifs, bien musclés et mentalement tout à fait
équilibrés. Travaille-t-elle au ralenti ? L’individu s’avère
nonchalant, ainsi que la plupart de ses organes. Il tend à la
paresse, à la somnolence, à l’obésité. Est-elle trop active?
L’être devient tout nerfs.
Les glandes surrénales, de petite taille, sont au-dessus des
reins, comme l’indique leur nom. Le liquide qu’elles sécrètent
donne du ton au coeur, raffermit ses battements et facilite la
contraction des artères. Sont-elles en bon état ? Vous êtes
robuste, résistant au travail physique et intellectuel, capable
de soutenir un effort de fond.

*
**

Les conseils que nous formulons ci-dessous, en ce qui


concerne l’hygiène et le régime, mettront peu à peu ces deux

137
groupes de glandes dans les meilleures conditions possibles,
et, par suite, vont vous permettre de lutter très efficacement
contre la TIMIDITE.

*
**

On fera choix d’une nourriture substantielle, riche en aliments


phosphorés. (lentilles, pommes, poisson). Un exercice modéré
au grand air sera salutaire. Quelques mouvements de
gymnastique matin et soir sont tout indiqués. On choisira,
dans la journée, ceux qui galvanisent le réflexe respiratoire
(mouvements de la brasse, de l’aviron, exercices avec
extenseur), car une exaltation de la circulation en oxygène
ACCROIT LA SANTE DE LA THYROIDE. Aussi, l’usage
régulier d’exercices respiratoires (dont nous avons déjà parlé,
en première partie, à propos de l’hygiène), avec expirations et
inspirations FORCEES conduit-il, en quelques semaines, à de
substantiels résultats.
Nous avons déjà signalé le massage biquotidien, TRES LENT
ET TRES PUISSANT, de TOUTES les ARTICULATIONS et,
en particulier, du cou et surtout du NOEUD VITAL Ce
procédé, répétons-le, galvanise vite l’individu, en facilitant
considérablement la circulation. Le coeur nourrit mieux la tête
et les centres nerveux qui s’y trouvent, rend le sommeil plus
réparateur et rénove les nerfs.

*
**

Un complétera la cure. Vous vous ferez matin et soir des


suggestions d’où soit exclu tout effort volontaire. Aussi ne
direz-vous pas : « Je VEUX me débarrasser de ma timidité »
(méthode A, exposée au chapitre premier de la seconde

138
partie), mais, avec Emile Coué : « Je SUIS SUR de vaincre
ma timidité » (forme imaginative, ou forme B), ou, avec plus
d’efficacité encore : « Ce sera LE BONHEUR POUR MOI de
m’affranchir de ma timidité »
(forme AFFECTIVE de l’autosuggestion, ou forme C, encore
PLUS PUISSANTE que celle de Coué).

*
**

Plusieurs fois dans la journée, vous tâcherez de vous


persuader que votre timidité s’évanouit. Vous vous verrez par
l’imagination, d’une manière aussi concrète que possible,
causant avec une aisance parfaite. Vous vous répéterez avec
conviction que vous avez de la valeur, en vous remémorant le
nombre et la qualité des diplômes que vous avez déjà, la
profondeur et l’étendue des connaissances que vous
possédez, le prestige de la profession que vous exercez. Vous
vous direz que vous êtes tout autant, plus peut-être, que les
sujets marquants de votre entourage; que ceux-ci ne se
gaussent pas de vous; qu’au con traire ils vous estiment et
vous considèrent.

Enfin, loin de fuir la société, vous rechercherez avec


persistance toutes les occasions de converser, non seulement
avec les camarades, mais aussi et surtout avec les personnes
qui vous en imposent naturellement. Pour faire disparaître cet
étrange sentiment de gêne, cette sorte de torpeur qui
s’empare progressivement du timide au fur et à mesure qu’il
approche le redoutable interlocuteur, vous vous avancerez
tout naturellement, avec de petits mouvements du corps, sans
la moindre affectation, de manière à dissocier, par une
succession rapide de menus actes concrets, les idées

139
déprimantes qui tendent à hanter l’esprit. Puis vous engagerez
la conversation avec la plus grande simplicité.

De jour en jour, vous allez vous voir envahi torrentiellement


par cette joie vive et profonde, cette inégalable griserie à vous
sentir libéré de ce réseau ténu de fils invisibles qui ligotaient
votre personnalité.
Alors vous redresserez la tête, car vous vous sentirez
vraiment une créature VIVANTE, pleine d’audace, débordant
d’énergie et d’aplomb, et prête à affronter l’EXAMEN, surtout
s’il a été bien préparé

140
TROISIEME PARTIE

PREPARATION DIRECTE D’UN


EXAMEN

141
CHAPITRE PREMIER

Comment organiser son plan de travail

La préparation d’un examen est une tâche ardue, souvent


coûteuse et réclame une somme considérable d’ENERGIE
Avant d’entreprendre un projet de cette envergure, il est
indispensable d’avoir mûrement réfléchi. II faut se sentir sûr
que l’on tiendra bon, que l’enthousiasme initial ne durera pas
ce que durent les roses, l’espace d’un matin...
Oeuvre à longue échéance, susceptible d’aboutir seulement si
l’on a la sagesse, la prudence de compter avec un facteur
capital .Ce facteur, il est vrai, est capable de conduire
infailliblement au succès. Aussi importe-t-il à tout prix que
l’étudiant s’assure l’aide, l’alliance de cette puissance
mystérieuse et irrésistible, clef de toutes les réussites et peut-
être, pourrait-on ajouter, de tous les miracles de cette force
impondérable dont ,chacun ,a quotidiennement le nom sur les
lèvres, mais — le croirait-on? — sans aucune espèce
d’importance: c’est le TEMPS.

*
**

Seuls de profonds esprits ont songé à souligner le rôle


extraordinaire du temps dans la conduite de la vie. Les
proverbes : « Goutte à goutte, l’eau use la pierre », « Le
Temps est un grand Maître », « Le Temps est un grand
Médecin », ne sont ni des paradoxes ni des divagations de

142
songe-creux, mais des vérités — sans jeu de mots — de
tout... temps. « Le génie n’est qu’une longue patience » ,
répétait Napoléon. « Le Temps et moi », telle était la devise
de l’habile Mazarin, dont la fermeté doublée de finesse, en
s’inspirant de cette sage maxime, sut finalement s’imposer,
dans une contrée qui n’était pas la sienne et dont la
prévention avait fait de lui, au début, le symbole de
l’impopularité. Enfin, les Britanniques ne disent-ils pas : Wait
and see » (attendez, pour voir...)?

*
**

Dans le courant de l’année 1921, l’un de nos amis avait


consacré à la préparation d’un Concours des efforts
extrêmement énergiques et fourni un labeur surhumain:
résultat insuffisant aux épreuves écrites. L’année suivante, il
persista dans sa résolution, mais en travaillant beaucoup
moins, quoique avec méthode et régularité : le succès arriva
comme un fruit mûr à la fin de l’année scolaire.
Nous vous engageons à faire l’expérience suivante : essayez
d’exécuter une page de calculs très rapidement. Quelle que
soit votre habileté, vous courrez les plus grands risques de ne
pas arriver au bout sans avoir commis quelque erreur. Il
faudra recommencer et peut-être deux fois pour une
.Finalement, vous vous rendrez compte que vous aurez mis
plus de temps, et pris plus de peine, avec cette méthode, — si
tant est qu’on puisse décorer du nom de « méthode », une
telle façon de procéder — qu’en faisant progressivement votre
travail avec une sage lenteur. Lièvre, vous aurez été battu par
la tortue qu’il eût fallu être. Vous avez prétendu bousculer,
brimer le TEMPS : il s’est vengé.

143
Ayez toujours soin de mettre le TEMPS AVEC VOUS et vous
REUSSIREZ. Le négligez-vous? Le dédaignez-vous ? Le
méprisez-vous ? IL TRAVAILLERA CONTRE VOUS !

*
**

Il semble, à priori, que l’homme ait en lui tous les atouts


nécessaires pour diriger brillamment sa vie, et qu’il devrait
réussir infiniment mieux qu’il ne le fait. En effet, n’a-t-il pas une
écrasante supériorité sur les bêtes, qui, incapables seulement
de faire du feu, se tirent cependant joliment bien d’affaire?
N’importe. Il a beau se démener : il est freiné par une force
antagoniste que le magister pontifiant flétrira du nom de
paresse , le turfiste, le fervent de la roulette ou de la dame de
pique, de « déveine »; que le philosophe appellera « loi de la
mauvaise volonté de la nature »; qui, en Mécanique
rationnelle, sera 1’ « inertie » ; en Dynamique, « le
frottement » .; et en Thermo dynamique, la loi de la
« dégradation de l’énergie »
Au moment où vous vous y attendez le moins surgit
inopinément un obstacle. Vous voilà bêtement astreint à
marquer le pas, à danser sur place, à enfoncer les portes
ouvertes...

*
**

Un instituteur intelligent et laborieux, M. J..., entame la


préparation du Certificat d’Aptitude aux Ecoles Normales. Il
établit judicieusement ses efforts, entre en correspondance
régulière avec un excellent Comité de Correction et se met
vigoureusement au travail. « Oh ! oh ! se dit-on, en voilà un
qui a envie de « percer ». D’ici deux ans, il sera certainement
reçu. Au bout de ce laps de temps, on apprend avec
ahurissement que non seulement il n’a pas figuré parmi les

144
lauréats, mais qu’il a abandonné son projet depuis belle
lurette.

C’est qu’il ne faut pas perdre de vue la sournoise force de


résistance de la nature — le diable si l’on veut — qui tend à
émousser toutes les résolutions, à les battre en brèche, et, en
dernière analyse, à les « saboter ». Des difficultés, soudain,
surgissent de toutes parts, comme déclenchées par une
offensive préméditée, savamment orchestrée, terriblement
coordonnée, et à laquelle ne manque même pas l’initial et
foudroyant effet de surprise.

Le maître contracte une maladie. Le voilà contraint


d’interrompre son entraînement durent plusieurs mois. Puis,
au moment où il commence, cahin-caha, à récupérer, à
reprendre le fil de ses études, sa famille s’accroît d’un enfant.
Ce qui, en d’autres circonstances, eût été pour lui une source
suprême de joie, lui porte le coup de grâce. La gêne menace
de pénétrer dans le foyer... Le voilà obligé de chercher
d’urgence une occupation supplémentaire immédiatement
lucrative qui, tout en l’exténuant, absorbe la totalité de son
temps.
Il est définitivement vaincu... Et c’est un drame poignant,
ignoré de tous, qui déchire l’âme de cet homme de mérite et
de volonté, assistant seul, avec désespoir, au spectacle
navrant de sa propre impuissance, empêché par un impérieux
devoir de se débattre même entre les griffes de la Destinée!
*
**

Dans tout budget prudemment équilibré, une somme non


négligeable est spécialement consacrée aux dépenses
imprévues. De même, une précaution indispensable, au
moment où l’on suppute les chances de succès d’une
entreprise que l’on est bien décidé à mener à son

145
terme,consiste à prévoir des difficultés possibles, et à répartir
ses forces en conséquence.

S’agit-il, par exemple, de tenter la préparation d’un examen


réclamant en moyenne un effort de deux années? Il sera de la
plus élémentaire sagesse de prendre ses dispositions pour
être en mesure de travailler pendant trois ou quatre ans. On
sait fort bien qu’un candidat doit, au moment des épreuves,
être, comme on dit, AU-DESSUS du niveau du programme.
D’autre part, il devra s’être entraîné à rédiger les devoirs en un
temps un peu plus réduit que le temps maximum concédé à
l’examen.

*
**

Considérons un jeune homme désireux de préparer seul un


examen ou un concours, à l’aide de livres.Il se documentera et
tâchera d’obtenir les ouvrages qui, avec le minimum de pages
et le maximum de clarté (du reste écrits en caractères assez
gros pour ne pas fatiguer la vue
:TRES IMPORTANT, comme nous l’avons noté au cours de la
première partie, chapitre III), ne sont pas trop chers.

Généralement, les examens ont lieu dans le courant de juin


(certains ont une deuxième session vers le début de
l’automne). Donc l’étudiant se dira qu’il a jusqu’à fin mai pour
approfondir ses cours. II distribuera son travail de façon que le
programme du dernier mois (mai’) se trouve allégé, afin
d’avoir la possibilité matérielle, aux approches des épreuves,
de faire normalement ses révisions.

146
Ceci posé, il procédera de la manière ci-après, qui est d’une
simplicité enfantine (la simplicité est presque toujours ce qu’il
y a de mieux) :
Il .se dira : le dernier mois, je veux apprendre seulement LA
MOITIE de ce que j’étudierai chacun des autres mois.
Considérons telle matière de mon programme. Voyons
l’ouvrage correspondant, et notons son nombre de pages, 360
par exemple. Depuis la rentrée, 1er octobre, jusqu’à la fin, il y
a sept mois PLEINS, plus mai, qui compte pour un DEMI-
mois. Soit donc x pages pour chacun des sept premiers mois,
et x / 2 pour le mois de mai. J’écris l’équation suivante:

7x + x / 2 =360, d’où: 14x + x = 720; 15x=720

et, par suite : x =720. = x/2 = 24


15
Cet intellectuel commencera par lire attentivement la TABLE
DES MATIERES. Il l’apprendra par coeur, ce qui représentera
un plan général cohérent, et fixera dans son cerveau le cadre
des parties essentielles du Cours. Puis il étudiera quarante-
huit pages chaque mois, ce qui ne fait guère plus qu’une page
et demie par jour En mai, il ne lui restera plus à s’assimiler’
que vingt-quatre pages, soit environ six pages par semaine.
Bien entendu, il aura à procéder de la sorte pour toutes les
matières du programme, et, de plus, il devra faire
constamment DES EXERCICES. Pendant le mois de mai
(ainsi que durant tout le début de juin), il aura en outre ses
révisions. Nous en reparlerons plus en détail dans le dernier
chapitre de ce livre.

*
**

147
S’agit-il, pour un maître frais émoulu de l’Ecole Normale, de
viser au Professorat? Il aura à voir très nettement si, après sa
classe quotidienne, il va lui rester assez de temps et de forces
pour accomplir un labeur véritablement fructueux, et s’il aura
vraiment le courage de poursuivre son travail jusqu’au bout.

II n’est pas absolument impossible d’être à un tel Concours au


bout d’un an d’efforts soutenus si l’on s’est toujours maintenu
dans les premiers à l’Ecole. Mais, pour être tout à fait franc,
hâtons-nous d’ajouter que c’est alors un heureux hasard. En
réalité, ce laps de temps est foncièrement insuffisant pour que
l’esprit ait pu acquérir toute la maturité nécessaire. Il faut deux
ans. Comme, entre temps, des obstacles de toutes sortes
peuvent, comme on en a vu plus haut un exemple frappant,
venir freiner cette activité, le futur candidat, avant de démarrer
, doit se dire sans ambages qu’il pourrait bien ne pas aboutir
avant trois ans.

Cette idée l’effraie-t-elle ? Qu’il renonce tout de suite à son


projet, sans la moindre hésitation..:
Si, au contraire, elle ne le fait pas reculer, qu’il se lance
résolument « dans la bagarre » . Il aura plus de bonnes
chances que de mauvaises de l’emporter, tôt ou tard.

*
**

Supposons-le décidé. Le programme devant être vu en un an,


il répartira son travail de manière à l’avoir parcouru en temps
utile pour pouvoir se présenter à la fin de l’année scolaire,
sans se repaître, du reste, d’un espoir prématuré. MAIS QU’IL
SE PRESENTE.
Cette épreuve lui sera extrêmement utile: elle constituera une
sanction palpable de ses études et un excellent entraînement

148
pour l’examen de l’année suivante. Cet entraînement sera une
force latente qui lui évitera des difficultés matérielles, des
pertes de temps, des tâtonnements, à une époque ultérieure
où le succès pourra être escompté avec des chances
sérieuses.

Enfin, il prendra connaissance des notes qu’il a obtenues, se


rendra compte de son niveau, de ses points faibles. Il aura
rencontré des collègues, candidats comme lui; on aura
échangé des idées, causé des astuces du Concours. Du
reste, vis à-vis du monde extérieur, il sera désormais
« CELUI QUI S’EST PRESENTE AU PROFESSORAT ». Cela
lui vaudra un surcroît de considération, d’abord de la part de
son propre Inspecteur, ce qui, en tout état de cause, sera loin
de nuire à son avancement. Il pourra profiter du fait pour
demander à être délégué dans un Cours Complémentaire, ce
qui lui sera probablement accordé, surtout s’il a frisé la
moyenne.
Son amour-propre sera agréablement chatouillé.
Tout cela contribuera à aiguillonner son ardeur, et ce stimulant
lui sera très salutaire.

*
**

Existe-t-il deux examens ayant à peu près le même


programme ? Le candidat ne devra jamais négliger de se
présenter aux deux chaque année. (Par exemple, s’il prépare
le Professorat de Sciences, qui l’empêche de subir aussi les
épreuves du Professorat Industriel ?) Le premier sera un
tremplin pour le second (à condition de tenir bon
physiquement, ce qui aura lieu s’il a lu la première partie de ce
livre), et cela accroîtra déjà les chances pour ce dernier. Enfin,
en se basant sur les lois du Calcul des Probabilités, on voit

149
que le candidat à deux compétitions est mieux placé pour être
admis — ou tout au moins admissible — à l’un d’eux, que s’il
se bornait. à en affronter un seul. Par ailleurs, il n’est
nullement impossible de tomber sur un sujet que l’on possède
d’une façon particulièrement satisfaisante, et bien souvent une
seule épreuve excellente suffit à entraîner le succès.

Pendant l’année scolaire 1910-1911, l’un de nos cousins,


instituteur à ‘Chàteauneuf-du-Rhône, entreprit la préparation
du Professorat scientifique des Ecoles Normales. Les soins
réclamés par une classe très nombreuse et par la préparation
du Certificat d’Aptitude Pédagogique, qu’il obtint en février
1911, ne lui permettaient pas de consacrer chaque jour plus
d’une heure et demie à ses études. Pour le principe, il décida
de se présenter à la fois au Professorat et au Concours
d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud, ces
deux examens étant distincts à cette époque. Au premier en
date (Saint-Cloud), il ne brilla en aucune façon, et faillit même
se faire expulser par le surveillant, parce que sa table
de logarithmes à cinq décimales (Dupuis) contenait à la fin
quelques formules. Ses épreuves du Professorat, subies une
semaine plus tard, furent moins décevantes, puisque, en dépit
de conditions de travail ridiculement défavorables, il obtint è
l’écrit 73,5 points, alors que le minimum pour l’admissibilité
était de 76.
Trois mois plus tard, sa demande d’avancement était agréée,
et il se voyait délégué comme Professeur à l’Ecole Primaire
Supérieure d’Aix- les-Bains, avec une situation magnifique !

*
**

150
Plusieurs de nos disciples de la classe de Mathématiques
Supérieures se présentent à la fois à l’Ecole Centrale, à
1’Ecole Navale et à 1’Ecole de l’Air. Nous avons souvenir de
l’un de nos anciens élèves, M. Claverie, qui concourut, le
même été, à 1’EcoIe Centrale, à l’Ecole des Mines, à 1’Ecole
Polytechnique et à l’Ecole Normale Supérieure. Il fut reçu
partout dans des rangs fort honorables, sauf à la rue d’Ulm, et
opta pour 1’X, où il arrivait dans les six premiers.

*
**

Une fois décidé à préparer un examen, on entrera en relations


avec un Comité de Correction réputé. Outre les précieux
conseils qu’on en recevra, le fait de se sentir suivi et
encouragé par des maîtres éminents et expérimentés est un
puissant stimulant qui chassera bien vite toute velléité de
découragement.
Ce point acquis, on répartira soigneusement l’étude des
différentes matières, de façon à avoir « avalé » l’ensemble du
programme — ou à peu près — vers les vacances de Pâques.
On se réservera ainsi deux mois pour l’entraînement intensif :
celui-ci consistant à traiter des sujets d’écrit, non plus par
efforts partiels, saccadés, d’une durée de trente à soixante
minutes, mais d’un seul jet, en s’habituant à développer
chaque question dans le temps maximum fixé à l’examen, et
même, vers la fin, en ce laps de temps diminué d’une
vingtaine de minutes.

Cet entraînement comportera également la révision des divers


cours. Renoncez presque complètement, durant cette dernière
période, à acquérir toute nouvelle connaissance: cela
réclamerait, en effet, un effort d’assimilation considérable, et
une énorme somme d’énergie. De même que le pouvoir

151
dissolvant de l’eau saturée de sels est pratiquement nul, il
devient à peu près impossible, à cette époque-là, de faire
pénétrer quoi que ce soit d’original dans un cerveau où tant
choses ont déjà été accumulées. Aussi consacrera t-on toutes
ses forces à des besognes plus matérielles d’organisation,
afin d’utiliser de la façon la plus efficace le savoir que l’on s’est
déjà infusé.

152
CHAPITRE II

Préparation des différentes matières

Comment se comporter en face d’un problème ?


On copiera soigneusement l’ENONCÉ, en ayant soin de
souligner les mots importants. (Cette pratique, du reste, est
utile pour tout texte de n’importe quelle branche du savoir). On
pourra ainsi mieux saisir le SENS de ce qui est réellement
demandé. Que de fois UN SEUL MOT, bien compris, n’a-t-il
pas dévoilé le mot de l’énigme Puis on se mettra à « battre les
buissons »...
N’avez-vous rien découvert au bout d’une heure ? Ne vous
obstinez pas. Ne vous énervez pas. Ne vous affolez pas. Ne
jetez pas le manche après la cognée. Passez à une
occupation différente. Vous reviendrez au problème un peu
plus tard.

*
**

Trouver une solution est une DECOUVERTE. Ni plus ni


moins. Que de fois le résultat ne se fait-il pas attendre ! Les
yeux rivés sur l’énoncé fatidique, l’esprit tendu, on marque le
pas. Et cette feuille trop blanche, là, fascinante, hallucinante...
Rien...

153
Soudain jaillit l’étincelle d’une idée. Ah !enfin sur la bonne
voie... Fausse joie, hélas ! Un bref
examen a suffi à faire éclater ce concept prometteur comme
une bulle de savon. C’est cet instant que guette le
découragement, prêt à fondre sur vous. TENEZ BON : la
trouvaille n’est pas loin...
Il est utile, en effet, de connaître les signes précurseurs de la
DECOUVERTE : épreuve troublante... angoissante...
bouleversante par laquelle — depuis Hippocrate jusqu’à
Einstein, en passant par Pasteur et Graham Bell — sont
passés tous les fureteurs, tous les savants. Vous SENTEZ
quand vous êtes sur le point de capter un résultat.

Ce sont, après l’essaim bourdonnant des tâtonnements


infructueux, des trouvailles partielles tissues de gaucherie,
bourrées de coquilles , criblées de fautes, — minerai précieux
se dérobant au sein d’un enduit terreux — des grincements de
dents face aux erreurs, produit de tant d’efforts, qui viennent
vous narguer: taquineries, brimades féroces de la destinée
dont la malice veut vous faire payer cher ce que vous venez
lui arracher. Puis, au bout d’un temps suffisant (il faut que le
TEMPS vous apporte son inestimable concours), dans le
chaos des idées obscures, surgit, rayon fulgurant, la
découverte dans toute sa splendeur !

*
**

En général, la première solution trouvée est compliquée.


Exercice à recommander: en obtenir d’autres, — chose
maintenant infiniment plus aisée et plus rapide, puisqu’on
connaît le résultat
— parmi lesquelles on fera choix de la plus simple et de la
plus élégante. CE SERA TOUJOURS LA PLUS COURTE. On

154
la rédigera séance tenante. Dès le début, il faudra
s’accoutumer à produire une rédaction aussi nette, aussi
détaillée et aussi rapide que le jour J. Cet entraînement
évitera, au moment décisif, une perte de temps irréparable.
Est-on en présence d’un calcul ? Il conviendra de s’astreindre
à effectuer toutes les opérations sur la feuille de brouillon,
posément, avec beaucoup d’attention, à bien former les
chiffres, à rédiger clairement, dans le grand détail, toutes les
transformations effectuées. Non seulement on se garantit ainsi
contre les risques d’erreurs, mais on sera certain de pouvoir
se relire sans effort. A-t-on laissé des fautes ? Les recherches
destinées à les dépister se trouveront amplement facilitées.
C’est ici qu’apparaît, dans tout son éclat, le triomphe de
l’ORDRE et de la METHODE. Laissez donc les fantaisistes,
trop souvent inaptes à toute tâche sérieuse, les émasculés de
l’intelligence, se gargariser de formules sentant le paradoxe
d’une lieue, et dont ils ne saisissent même pas toujours le
sens réel : « Souvent un beau désordre est un effet de l’art »,
ou « L’ordre est la qualité de ceux qui n’en ont pas... »

*
**

Indépendamment des problèmes que l’on rédige


complètement, il faut en attaquer un très grand nombre
d’autres, à abandonner sitôt obtenue une méthode de
résolution. Il serait puéril de se repaître d’illusions. Au fond, le
jour de l’examen, on ne traitera correctement une question
que, si, de façon plus ou moins déguisée, elle présente
quelque analogie avec une autre déjà creusée. Sans s’en
rendre compte, on est alors épaulé par des souvenirs
inconscients, des réminiscences. Un sujet entièrement
différent de tous ceux que l’on a passés au crible de l’analyse,
ne peut être maîtrisé, en un temps limité, dans l’atmosphère

155
fiévreuse d’un examen, quels que soient le sang froid et
l’esprit de méthode du candidat, serait-il un Newton, un Pascal
ou un Poincaré.

*
**

Comment aborder une étude exigeant une forte dose de


mémoire, celle d’une leçon de sciences par exemple ? Nous
proposons la marche sui vante :
Parcourez d’abord d’un coup d’oeil le chapitre à assimiler.
Dégagez-en l’idée directrice. Ensuite attachez-vous à en
saisir les idées secondaires.
Vous allez pouvoir ainsi rédiger un plan sommaire.Revenez
maintenant à la lecture — mais cette fois très détaillée — des
divers points. Vous viserez à pénétrer le SENS de chaque
phrase, de la manière la plus concrète, sans accorder la
moindre attention aux mots n’ajoutant rien è l’idée exprimée.

L’exposé comporte-t-il des dessins ? Exécutez- les clairement,


et avec la plus grande simplicité. Avez-vous à représenter une
expérience où figure un vase contenant de l’eau? Marquez
seulement le niveau du liquide d’un trait horizontal, sans
gaspiller votre temps à hachurer toute la partie liquide, comme
si cette eau grouillait de poissons...
Ayant sérieusement médité sur l’ensemble, livrez-vous à une
troisième lecture, à laquelle, cette fois, vous appliquerez
toutes les ressources de votre esprit. Cela vous permettra de
compléter le plan primitif par divers détails.

Utilisez les lois psychologiques de la mémoire en visant à faire


intervenir les souvenirs visuel, auditif, moteur et graphique.
Non seulement vous lirez avec attention, en regardant bien les
mots, mais vous vous évertuerez à voir par l’imagination ce

156
dont il est question. Vous prononcerez les phrases à haute
voix, en vous écoutant parler, en articulant avec énergie, de
manière à vous obliger à faire des efforts, à des mouvements
bien accusés des lèvres et de la gorge. Vous écrirez les mots
difficiles à retenir, et, si la lecture se révèle ardue, vous vous
astreindrez à écrire un résumé sur une feuille.
On peut faire avec intérêt l’expérience suivante, soulignant de
façon saisissante l’importance du souvenir graphique. Un jour
de fatigue, où l’étude me paraît impossible, je prends mon
stylo et me mets à copier flegmatiquement la leçon en
essayant, mais sans le moindre effort, d’en comprendre à peu
près le sens. Je ne tarderai pas à me rendre compte que je
réussis à m’assimiler l’essentiel.

*
**

Une étude conduite d’après les indications ci- dessus offre


déjà les plus sérieuses chances d’être fructueuse. Elle
demeurerait toutefois un peu servile si l’on s’en tenait là. Au
lieu de vous contenter de « bachoter » platement votre
examen, visez à le dominer, à voir les choses de plus haut, en
prenant hardiment l’initiative de rechercher l’utilité de ce que
vous venez d’apprendre, d’un point de vue froidement objectif,
avec une curiosité désintéressée, et même un esprit critique
quelque peu incisif.
S’agit-il d’un corps étudié en chimie ? Demandez-vous donc si
ses usages ne peuvent s’expliquer d’après ses propriétés
physiques et chimiques. Evertuez-vous à justifier de la même
façon les procédés industriels employés pour sa préparation;
ne manquez pas d’en souligner l’intérêt pratique, et les
inconvénients.

157
Etant donné le fait le plus simple, le phénomène en apparence
le plus insignifiant, vous vous appliquerez systématiquement à
en rechercher les causes, qui se trouvent être des LOIS très
précises. Ces lois se logeront ainsi très élégamment dans
votre esprit, et sans peine. Pourquoi les couleurs chatoyantes
de l’arc-en-ciel se jouent- elles à travers l’infime épaisseur de
la gracieuse bulle de savon ? L’explication en est dans la
théorie déjà savante des interférences. Pourquoi les
hypochlorites jouissent-ils d’énergiques propriétés
désinfectantes ? Parce que ces composés instables vont
abandonner des masses d’un oxygène qui, se trouvant à
I’ETAT NAISSANT, brûlera les corps suspects avec une
énergie décuplée; parce que le chlore libéré va capter
irrésistiblement l’hydrogène de ces substances putrides, qui
seront ainsi décomposées, faisant place à des corps
complètement inoffensifs.

**

En dehors de l’avantage qu’elles présentent de fixer


irrévocablement dans la mémoire — et de façon si vivante —
la substance de la leçon, ces questions d’intelligence, de
jugement, de bon sens contribueront puissamment au
développement de notre personnalité, nous doteront, en un
temps record, d’une remarquable maturité, et nous
permettront de posséder le sujet absolu ment A FOND.

*
**

Après avoir étudié une leçon, on fixera sur un carnet spécial,


en quelques lignes, le point saillant. Ainsi, pour les
mathématiques, on écrira sur un carnet les énoncés de tous
les théorèmes appris le jour même; sur un autre, on fera

158
figurer les formules du chapitre que l’on vient d’apprendre. De
même, l’étude de toute leçon de sciences sera sanctionnée
par l’établissement d’un plan détaillé sur un bloc-notes distinct.
Bien entendu, les différentes branches du programme :
physique, chimie, botanique, géologie, physiologie, anatomie,
etc., seront nettement séparées.
Chaque jour, on consacrera quelques minutes à parcourir en
un temps-éclair, sans le moindre effort de mémoire, ces
formules, ces énoncés de théorèmes, ces plans. Dans la
dernière phase de la préparation on intensifiera cette lecture,
et l’on arrivera sans peine, le jour de la redoutable échéance,
à posséder complètement le contenu de ces cahiers
lilliputiens.

*
**

Nous réussîmes, par l’emploi strict de cette fructueuse


pratique effectuée pendant les vacances, — avec le secours
des notes d’un camarade à obtenir, avec mention assez bien
le Certificat d’Etudes Supérieures d’Astronomie à la Faculté
des Sciences de Montpellier, en novembre 1914, sans avoir
suivi aucun cours durant l’année scolaire . Or nous sommes
affligé d’une mémoire très ingrate .Nul doute, cependant, que
l’étude du domaine de la déesse Uranie ne soit hérissée de
formules multiples, fort longues, très compliquées, bien
difficiles à retenir...

*
**

Chaque fois que vous lisez un ouvrage, en français ou dans


une langue étrangère, arrêtez vous pour noter les mots
difficiles, au double point de vue du sens et de l’orthographe
— les images, les jolies pensées, les tournures inattendues ce

159
sera là un travail fécond, qui accroîtra votre érudition dans des
proportions insoupçonnées.

*
**

Procurez-vous, pour chaque matière, une liste de sujets


proposés antérieurement aux examens ou aux Concours que
vous préparez ; gardez- vous d’acquérir les CORRIGES. Lire
un corrigé est la pire chose que l’on puisse faire. D’abord,
quand vous vous colletez avec une question, si vous SAVEZ
que le corrigé est LA, chez vous, devant vous, à portée de
votre main, vous serez paralysé par cette idée. Cette
obsession sera un poison constant pour votre intellect. Vous
ne pourrez pas travailler sérieusement.

A la première difficulté, vous serez poussé par une curiosité


irrésistible.... Cette pratique est la plus néfaste qui soit. Jour
après jour, elle vous enlisera dans une incurable paresse
d’esprit, et détruira toute initiative, toute personnalité. Savez-
vous ce qu’elle fera de vous? Un ROBOT.

Ayant lu le corrigé, vous allez, bien entendu, l’apprendre par


coeur, en perroquet, sans même être capable de le disséquer,
et d’en discerner la valeur réelle. Vous deviendrez un esprit
servile, un copiste, apte tout au plus à vous gargariser, avec
une fatuité égale au vide de votre pensée, de l’expression
consacrée: « Master dixit ». En un sens, vous deviendrez le
cousin de l’autruche, qui met sa tête dans le sable pour ne pas
voir le lion terrifiant. Ce qui vous terrorise, vous, c’est la
DIFFICULTE, et la solution toute faite dans laquelle vous vous
réfugiez vous la masque perfidement.

160
Enfin, — et cela est encore plus grave — la comparaison
entre le développement modèle et ce que vous vous sentez
capable de produire PAR VOUS-MEME va infailliblement vous
plonger dans le découragement par la perfection de la
solution-type. Vous vous jugerez à jamais inapte à en faire
autant. Vous déchirerez peut-être vos cahiers et les piétinerez,
comme le débutant en violon, après l’audition d’un virtuose,
brise son archet de rage. Vous aurez perdu, avec
l’enthousiasme, tout ressort, toute imagination créatrice, toute
faculté de découverte PAR VOS PROPRES MOYENS.

*
**

Bien entendu ne rédigez pas toutes les questions abordées ;


vous cherchez les idées, les ordonnez, et bâtissez un plan.
Exercice rapide et fort salutaire.
En Mathématiques et en Physique, votre manuel contient
généralement, à la fin de chaque chapitre, un certain nombre
de problèmes, le plus souvent intelligemment gradués. Cela,
du reste, n’est pas un critérium très sûr. Vous allez trouver
très méchantes telles questions parmi les premières, alors que
vous réussirez du premier coup une autre application placée
tout à la fin.
Voici comment vous allez manoeuvrer.
Essayez de faire tous ces exercices. Dès que vous tenez la
clef de l’un d’eux, marquez-le au crayon d’une croix de Saint-
André, et réjouissez- vous comme d’une victoire. Puis passez
au suivant. Tombez-vous « sur un bec » ? Ne vous
découragez pas. « Encaissez » avec le sourire. Et surtout,
résistez à la tentation de demander des « tuyaux » à
l’extérieur. Au contraire, attendez patiemment d’être devenu
assez ferré pour trouver VOUS-MEME, en vous souvenant de
la règle fondamentale suivante : Tout résultat qui nous est

161
apporté PAR VOIE ETRANGERE ne nous fait faire à peu près
AUCUN PROGRÈS; et, trop souvent, il paralyse nos moyens
de recherche; tout résultat que nous trouvons NOUS- MÊME
lentement et avec effort, nous fait réaliser UN TRES GRAND
PROGRES
Donc, plantez là le problème récalcitrant, et attaquez celui qui
vient sur votre bouquin immédiatement après. Et ainsi de
suite, en continuant à jalonner tout ce qui a succombé à vos
coups de croix, qui signaleront vos triomphes comme autant
d’étendards. Arrivé à la fin du volume, vous compterez vos
victimes, et reprendrez l’offensive vis-à-vis des questions
rebelles. Vous constaterez alors, avec une joyeuse surprise,
de nouvelles — et dès lors combien appréciées —victoires sur
ces problèmes naguère insolubles !
*
**

Prenez une partie quelconque du programme de votre


examen. Le nombre de difficultés rencontrées est bien moins
grand que vous ne l ‘imaginez.
A quoi se résume, en somme, l’algèbre de la première partie
du Baccalauréat, série Moderne, par exemple ? A savoir
résoudre une équation du second degré, numérique ou
littérale ; à reconnaître si elle a des racines ; à savoir ranger
ces racines par rapport à un ou deux nombres donnés; à
discuter des problèmes qui se ramènent à une équation du
second degré, donc à savoir résoudre des inéquations ou des
systèmes d’inéquations; à pouvoir mettre un trinôme ou une
fonction homographique sous une forme permettant de
discerner immédiatement le sens de variation. Y a-t-il là de
quoi se noyer dans un verre d’eau ?

*
**

162
En Géométrie, vous avez des calculs d’application de
théorèmes classiques; puis, il est vrai, à trouver la réponse à
des énigmes à bon droit redoutées : recherche de LIEUX
GEOMETRIQUES, et d’ENVELOPPES. Il y a encore des
questions qui vous semblent enfantines, et dignes tout au plus
de l’attention d’élèves de Sixième, mais qui, en fait, se
révèlent plus ardues que les précédentes : les
CONSTRUCTIONS.
Pour dompter ces monstres que sont les LIEUX, prenez bien
garde, Messieurs les débutants, qu’un LIEU n’est pas un lieu,
de même que, dans la savoureuse comédie : un Client sérieux
, de Courteline, le PARQUET n’est pas le parquet; de même
qu’en anglais, le mot « presently » ne signifie pas « à
présent »…
Non ! En géométrie, un lieu n’est pas un endroit, un point.
Dans le plan, un LIEU est une ligne, droite ou courbe.
Pour le trouver, vous vous direz d’abord que tout serait bien
plus commode si ce qui se produit pour la démonstration d’un
théorème ; vous aperceviez au loin, tel un phare, le BUT à
atteindre; si vous saviez quelle est la NATURE du lieu : droite,
par exemple. Ayant trouvé cela, vous vous sentiriez encore
plus avancé si vous saviez quelle est CETTE DROITE.
Pour le premier objet, vous allez chercher le nombre de points
du lieu qui sont sur une droite D. Ce nombre est-il égal à
DEUX? Le lieu est du second degré : donc une CONIQUE.
Celle-ci a-t-elle deux points distincts à l’infini ? Hyperbole. En
a-t-elle un seul ? Parabole. N’en a-t-elle pas? Ce sera une
conique FERMEE: ellipse, ou, comme cas particulier, cercle.
La droite D ne contient-elle qu’un point du lieu? Ce lieu est du
premier degré : c’est une droite.

Soit, par exemple, à détecter le lieu géométrique des points du


plan également distants de deux points donnés A, B. Vous

163
voyez tout de suite que la droite AB ne porte qu’un point de ce
lieu : le milieu de AB. Donc le lieu est du PREMIER degré. Par
suite, c’est UNE DROITE. Comme par symétrie, il n’y a
aucune raison pour que cette droite soit plus rapprochée de A
que de B, ou vice versa, vous pourriez presque parier que le
lieu va être la médiatrice de AH. Il ne vous reste plus qu’à
essayer de le démontrer rigoureusement.
Autre point important: quand vous avez trouvé la LIGNE sur
laquelle est le point mobile dont vous voulez obtenir le lieu, il
faut voir si TOUTE la ligne convient; sinon, limiter le lieu,
comme on dit. Autrement, vous n’auriez traité que a moitié de
la question.
Enfin, grosse gaffe à éviter soigneusement ne jamais donner
comme LIEU une ligne qui ne serait PAS FIXE.

*
**

Un lieu de la géométrie dans l’espace est plus difficile à


trouver : ce peut être, en effet, une LIGNE, mais aussi une
SURFACE. Un point M de l’espace qui est libre a TROIS
degrés de liberté. Lui impose-t-on UNE condition ? Il en perd
un : il ne lui en reste plus que DEUX. II décrit alors une
SURFACE. On dit qu’il se meut sur son lieu avec deux degrés
de liberté. L’astreint-on à DEUX conditions ? Il perd DEUX
degrés de liberté; il ne lui en reste qu’UN. Le lieu n’est plus
qu’une ligne, qu’on peut, d’ailleurs, définir comme intersection
de deux sur faces.
Considérons, par exemple, le lieu du point M assujetti à
demeurer à une distance donnée, h, d’un point donné O.
D’après l’énoncé, il n’est soumis qu UNE condition. Donc, à
priori, le lieu est une surface. C’est la surface sphérique de

164
centre O, et de rayon h. Cette sphère est bien FIXE, car son
centre O est FIXE, et son rayon h demeure CONSTANT.
Au contraire, le LIEU du point M situé à égale distance de trois
points non en ligne droite est une LIGNE, car il y a ici DEUX
conditions. Cette ligne est une DROITE : la perpendiculaire
menée au plan que forment ces trois points par le centre du
cercle circonscrit au triangle qu’ils déterminent (qui est,
comme on sait, le point de concours des médiatrices de ce
triangle).
Pour faire la chasse au lieu d’un point M, la méthode générale
consiste à joindre ce point M aux points FIXES de la figure, et
à étudier la configuration ainsi obtenue.
Quant à la question des ENVELOPPES, encore plus...
effrayante que celle des LIEUX, nous avons démontré qu’on
peut la ramener à la recherche d’un lieu .
Les CONSTRUCTIONS sont plus ardues que les questions de
LIEUX. En effet, pour CONS TRUIRE un point, il faut d’abord
déterminer DEUX LIEUX sur lesquels il se trouve. Ensuite, on
doit discuter le nombre de points de rencontre de ces deux
lieux, et c’est fréquemment
FORT DELICAT .

*
**

Une forte proportion d’étudiants redoutent d’aborder l’étude de


la géométrie à TROIS dimensions, parce qu’ils ne voient pas
dans l’espace. En ce cas, ils doivent faire appel à leurs talents
de dessinateurs, comme nous l’avons déjà noté dans la
deuxième partie, à la fin du chapitre III, et représenter les
figures des objets matériels à formes régulières avec un peu
de perspective et de relief..Ils seront également bien inspirés
en se procurant le très curieux petit livre d’ANAGLYPHES de
la Librairie VUIBERT, où, à l’aide de lunettes bicolores

165
annexées au volume, vous voyez soudainement se dresser
devant vous, avec un relief aussi impressionnant qu’inattendu,
de multiples figures géométriques cubes, dièdres, pyramides,
cristaux polyédriques, etc.

*
**

En Mathématiques Supérieures et en Spéciales on vous


apprend, grâce à des méthodes ad hoc dignes du reste,
d’admiration, le secret d’obtenir, d’un tour de main de
prestidigitateur, sans grand effort ni mérite, enveloppes et
lieux les plus compliqués, en triturant convenablement
quelques équations. Venez-vous ainsi de capter, par cette
voie analytique, l’une de ces lignes ou surfaces ? Essayez de
la retrouver ensuite PAR LA GEOMETRIE PURE.
Vous y parviendrez quelquefois, pas toujours, par exemple :
ne vous faites aucune illusion à cet égard et même très vite.
Le succès sera facilité par le fait qu’après la solution de
« taupe » vous avez déjà la connaissance précise de la figure.
Outre qu’elle sert de vérification, cette méthode.., élémentaire
mettra brillamment en vedette vos facultés, et, si vous
l’annexe à la première, à titre de remarque incidente, elle sera
TRES APPRECIEE DANS UN CONCOURS.

*
**

Dans les compétitions de niveau moyen, il y a en


mathématiques une question de cours et un problème, Il est
bon de s’exercer à traiter sommairement un grand nombre de
questions de cours, et d’en conserver le plan détaillé.
Quant au problème, il faut le recopier, à moins qu’on ne l’ait
compris tout d’abord. Encore faut-il se défier des « clés trop

166
vite obtenues ». Souligner les mots importants, et lire l’énoncé
avec attention jusqu’au bout. Nous répétons avec intention :
JUSQU’AU BOUT!
En effet, il arrive souvent que la méthodes pour telle ou telle
partie du problème ou même pour le problème tout entier, soit
indiquée d’un mot, ou en une ligne, tout à la fin, sous forme de
N.B. C’est justement ce qui se présenta à l’épreuve de
Mathématiques Spéciales de l’Agrégation en 1921 (Concours
normal, car il existait une Compétition séparée, avec sujets
différents, pour les candidats ayant pris part à la guerre de
1914-18). La première page de l’énoncé était pleine. La
presque totalité des candidats, paralysés dès le début par
l’extraordinaire difficulté du « démarrage » , eurent d’emblée
d’autres chiens à fouetter que de s’amuser à tourner la feuille.
Ils se seraient crus « cinglés » en songeant à s’occuper de la
fin avant d’avoir déblayé le reste, au préalable... Ensuite de
quoi, ils remirent une feuille blanche.
Or, au verso se trouvait, en un bénin N.B., la suggestion d’un
certain choix pour l’inconnue. Avec ce départ, la solution était
de difficulté moyenne; autrement, elle s’avérait absolument
inabordable !
Se dire que tout problème, en général, procède d’une idée
directrice. S’efforcer de la saisir, en essayant de se mettre à la
place de celui qui l’a composé, et de voir ce qu’il avait dans
les méninges, un peu comme la journaliste Madame
Geneviève Tabouis qui, au dire d’Hitler lui- même, savait
mieux que celui-ci ce qui se passait dans le cerveau du
Führer...

Ne pas oublier que, le plus souvent, chaque sous-question


aide à la résolution de la suivante. Il arrive, bien entendu, que
certaines parties soient indépendantes des autres; mais, dans
ce cas, l’énoncé LE DIT. Donc, en pratique, retenir ceci :
toutes les fois que le texte ne fera aucune remarque de cette

167
nature, c’est-à-dire dans l’immense majorité des cas —
s’appliquer à résoudre d’abord la première question, puis voir
le lien qu’elle peut avoir avec la seconde, et ainsi de suite.

*
**

Les observations précédentes sont aussi valables en


Physique. Pour cette branche de la science, étudier avec bon
sens, en faisant preuve d’une grande finesse d’observation, et
d’un raisonnement impeccable. Reprendre soi-même TOUS
les calculs de la leçon.
Il y a plusieurs choses avec lesquelles il importe ici de se
familiariser dès le début, et qui, du reste, s’apparentent aux
Mathématiques, cousines germaines des Sciences Physiques.
D’abord, les exposants NEGATIFS, et jusqu’aux exposants
FRACTIONNAIRES. Il est essentiel de savoir jongler avec les
puissances positives et négatives de DIX. C’est qu’en
Physique se produisent des phénomènes d’une durée
infinitésimale; d’autre part, on y rencontre à chaque pas des
unités si minuscules que leur mesure s’exprime par des
nombres astronomiques.
Or il est commode d’écrire un nombre très grand comme le
produit d’une puissance positive de 10 par un nombre compris
entre UN et DIX, c’est-à-dire par un nombre décimal dont la
partie entière n’à qu’UN CHIFFRE. Observation analogue s’il
s’agit d’exprimer un nombre extrêmement rapproché de ZERO
: ce sera le produit d’un nombre décimal compris entre 1 et 10
par une puissance NEGATIVE de 10.

*
**

168
Dès le début, vous dresserez, une fois pour toutes, le tableau
complet des unités dans chacun des systèmes, vous
astreignant à le revoir tous les jours. Ainsi finirez-vous par le
savoir, sans embrouiller toutes choses. Vous ne confondrez
jamais unité de TRAVAIL et unité de PUISSANCE, ni unité de
VITESSE et unité d’ACCELERATION.
Faites très fréquemment des exercices de correspondance
d’unités, afin d’arriver à jongler avec ce genre de
transformations, évitant ainsi des erreurs qui conduiraient à
des résultats non seulement erronés, mais, le plus souvent,
absolument invraisemblables, comme on l’a vu au chapitre V
de la deuxième partie.
En Optique, ayez une liste de toutes les formules, dont
plusieurs, au désespoir et au grand dam du candidat, se
ressemblent plus que des jumeaux. D’autre part, familiarisez-
vous avec les nombres ALGEBRIQUES dans leurs
applications. C’est presque toujours à ces questions perfides
de SIGNES que l’examinateur « attend » le candidat...
Et que de fois, en Electricité, les données d’un problème se
présentent traîtreusement en unités qui ne se correspondent
pas ! Ainsi, une longueur sera exprimée en mètres, une
largeur en décimètres, une aire en centimètres carrés, et une
épaisseur en MICRONS.
A ce sujet, tout sera facilité si l’on observe que l’unité
précédée du préfixe « micro » est une unité secondaire qui
vaut le millionième de l’unité principale, Ou, ce qui est plus
concis, qui est le produit de l’unité par 10 . De même, le
préfixe méga multiplie l’unité par un million, c’est-à-dire par 10.

*
**

Les problèmes numériques de Physique conduisent souvent à


la discussion d’une équation du second degré avec un

169
paramètre h. D’après la nature de la question, il arrive que
l’une des deux racines ne convienne pas. Ainsi, une racine
NEGATIVE peut être tout à fait impropre, ou, au contraire,
avoir une signification spéciale et acceptable pour un
problème très peu différent. Il faut se rendre compte de tout
cela, et le noter, à titre de remarque.
Une différence entre la Physique et les Mathématiques est
qu’en Physique, on peut parfois supprimer un terme très petit
sans changer sensiblement le résultat. L’éviction de ce terme,
dans bien des cas, simplifiera considérablement la question.
Enfin, il faut savoir trouver un résultat avec une approximation
supérieure à une limite donnée, de façon que l’erreur commise
dans les calculs ne dépasse pas l’ordre de grandeur des
erreurs expérimentales. Et, souvent même, dans les
manipulations, on va vous demander de cal culer une erreur
qui soit la résultante des erreurs expérimentales commises
dans chaque phase d l’expérience.

**

L’étude de la Chimie a un abord un peu rébarbatif, surtout si


l’on n’a pas très bonne mémoire. On aura fait un tableau des
poids atomiques et des valences des corps les plus usuels.
On reverra très fréquemment ce tableau. On s’appliquera à
écrire des équations chimiques exactes, avec le même
nombre d’atomes de chaque côté du signe =. On écrira des
formules brutes, puis développées, puis on les récrira, et,
chaque jour, on les repassera.
On soulagera la mémoire, lors de l’étude d’un corps, en le
confrontant avec tel autre qui offre avec lui soit des analogies,
soit, au contraire, des contrastes frappants. Enfin, on
galvanisera l’intérêt porté à cette science en admirant les
résultats foudroyants qu’elle vient d’obtenir dans le domaine
atomique, résultats qui, plus encore peut-être que la

170
découverte du feu, ont fait entrer l’humanité dans une ère
révolutionnaire : l’ERE ATOMIQUE !

*
**

En Botanique et en Zoologie, on s’aidera puissamment avec


des tableaux de classification et des dessins simples, voire
schématiques, mais précis, exécutés d’un trait hardi et sûr. On
comparera les tissus végétaux et les tissus animaux, la cellule
végétale à la cellule animale.
On départagera les microbes qui sont des végétaux, et ceux
qui sont des animaux. En Anatomie, on se révélera bon
dessinateur et au P.C.B., où il faut faire des dissections, on
aura la main habile. En on fera appel à sa mémoire.

*
**

En Français (aussi bien qu’en langues, vivantes ou non), visez


à étendre votre vocabulaire, faites des phrases courtes,
correctes et élégantes. Comment vous y prendre pour
travailler fructueusement une dissertation ? D’abord, lisez le
sujet. Puis écrivez-le, en soulignant de DEUX traits les mots
essentiels, d’un trait d’autres encore importants. Cherchez la
définition PRECISE de ces vocables, qui vous dévoilera
presque toujours, dès le début, le sens dans lequel il convient
de « creuser ».
Une foule de termes nous sont familiers; nous croyons les
connaître ; nous nous figurons les posséder... Voire... Ouvrons
seulement notre Littré, ou même notre petit Larousse nous
nous apercevrons avec stupéfaction que ces mots sont des
Hydres de Lerne, des fantômes à plu sieurs masques, qui

171
jusqu’ici nous étaient tous inconnus, sauf un... ou nous
n’avions pas su discerner telle nuance, ou le vocable a
plusieurs significations; et, dans le travail qui nous occupe,
c’est trop souvent la moins usitée qui est la bonne !

*
**

Maintenant, attention à ne pas sortir du sujet... Gare à la


fugue! Ne tentez pas de prendre la tangente, de vouloir à tout
prix ramener la composition à une question classique de
cours, ou à quelque chose de particulièrement connu de vous.
N’alignez pas des remarques disparates, incohérentes, jetées
à la diable. Efforcez-vous de définir le PROBLEME que pose
toute tâche de cette nature. Songez au PLAN qui fournira le
moyen d’examiner les principaux aspects de ce devoir.
Ce premier stade de REFLEXION doit se soucier avant tout
de la PRECISION. Ingéniez- vous à détecter ce que vous
cherchez aussi nettement que si vous étiez en présence
d’un.., rébus de mathématiques ou de physique.

Dites-vous ensuite que la question cache certainement une


difficulté (plus un sujet semble facile, plus il y a de chances
qu’il comporte quelque traquenard soigneusement camouflé).
Venez-vous enfin de vous heurter à des vérités qui paraissent
se contredire mutuellement ? Gardez- vous de vous effrayer,
et surtout de vous décourager. Au contraire : arrêtez-vous et
battez les buissons : LE PROBLEME EST LA.
Dès que vous aurez déniché des points de tension, amorcé un
conflit de points de vue, reflet de la tempête en miniature qui
sévit sous votre crâne, comme sous celui de Jean Valjean
dans les Misérables, — votre travail sortira de l’ornière, des

172
sentiers battus, de la banalité.Il arrêtera l’attention, puis
deviendra captivant.

C’est ici qu’il va maintenant falloir entamer un « boulot » d’un


autre genre: vous documenter, accumuler des matériaux, tout
comme le maçon qui se prépare à bâtir. Faites flèche de tout
bois : lectures, leçons retenues, expérience aventures
personnelles. Ces dernières sont tout particulièrement
précieuses. Comme vous les avez senties, vécues, ce sont
celles que vous aurez le plus de chances d’avoir assimilées.

Accueillez généreusement au début toutes les idées, bonnes


ou mauvaises, sans freiner le jeu spontané de vos neurones
par le souci d’un tri, discipline prématurée qui tarirait leur
fécondité. Puis revenez à la précision en les passant au crible.
Ecartez dès lors sans pitié celles qui divaguent, débordent le
sujet. Ensuite, classez les autres et emprisonnez-les dans un
plan définitif.

Votre rédaction devra débuter par une INTRODUCTION, qui


pose simplement et brièvement le problème. Surtout, pas de
verbiage, pas de généralités inutiles et creuses, qui sentent
leur préciosité d’une lieue, comme celle que nous trouvâmes
un jour dans la solution d’un.., problème de mathématiques :
« Ayant parachevé ma solution, je procède à la vérification.
Ce sera profitable, et pour l’élève, et pour le professeur... » Ne
« phrasez » pas. Renoncez, une fois pour toutes, à
l’éloquence facile et banale de M. Nègre, dans Messieurs les
Ronds-de-Cuir, de Courteline.
Faites vos paragraphes assez longs (de 15 à 25 lignes). Dans
chacun d’eux, exposez une idée maîtresse (que vous puissiez
résumer en une phrase lapidaire); faites-y entrer vos
raisonnements, vos exemples, vos preuves.

173
Terminez par une conclusion résumant le contenu solide du
devoir : des résultats tangibles établissant que votre
discussion a été fructueuse.
N’attendez pas le jour de l’examen pour prendre de bonnes
habitudes : marges régulières, lignes non sinueuses. Pour
accroître vos chances d’être vraiment lisible, exercez-vous à
écrire d’une écriture plutôt droite que penchée, et sautez une
ligne entre deux paragraphes consécutifs.

*
**

En ce qui concerne les langues, on donne généralement, dans


les examens, une version suivie de quelques questions, et
quelquefois un sujet très bref à traiter dans la langue
étrangère.
Aux yeux d’un profane, une version semble une chose tout à
fait abordable, avec un dictionnaire, et même sans aucun
secours, si l’on a réussi à caser à l’intérieur de sa boîte à
souvenirs un vocabulaire copieux. Il n’en est rien. En effet, le
« mot à mot » fournit une traduction qui est au français de
Malherbe et de Vaugelas ce qu’est le coassement de la
grenouille aux trilles du rossignol. D’autre part, si l’on «
adoube » les choses de façon à obtenir un style correct,
élégant, on s’aperçoit aussitôt qu’on s’est plus ou moins
écarté de l’idée nuancée exprimée par l’auteur dans son
idiome natal.

Enfin, on s’expose à tout instant à commettre des fautes


graves, connues sous le nom de non sens, ou de contresens.
Cela peut tenir à ce que tel mot a plusieurs significations, dont
on n’a pas choisi la bonne, ou à ce que, dans les deux
langues, tel vocable se présentant avec une

174
orthographe identique ou analogue a des sens complètement
différents.

Le problème est là, aussi ardu que l’énigme posée à Oedipe


par le Sphinx/ obtenir une
traduction en EXCELLENT FRANÇAIS, avec des images qui
soient l’équivalent de celles émanées de l’auteur dans sa
langue, rendues avec tout leur éclat, toute leur couleur, tout
leur
parfum; en. un mot, reproduire fidèlement la pensée du Maître
dans la moindre de ses finesses.
Evadez-vous donc sans hésiter du mot à mot systématique,
servile et grotesquement déformateur, ne perdant jamais de
vue que chaque langue a une multitude d’idiotismes
intraduisibles ( « idiotisme » n’est pas « idiotie » : ne pas
confondre...).

*
**

Comment s’y prendre pour étudier intelligemment une langue,


l’anglais par exemple?

D’abord, posséder à fond toutes les règles grammaticales, les


conditions d’accord, l’accord du possessif, le cas possessif,
ainsi que les différentes formes plus ou moins courantes :
progressive, fréquentative, emphatique, forme d’insistance,
etc. Se forger un vocabulaire solide, en concentrant toute son
attention sur l’ORTHOGRAPHE.

Se méfier comme de la peste des vocables britanniques ayant


presque la même orthographe qu’en français, mais pas tout à
fait. Là gît un grand danger. L’étude de l’anglais fait

175
généralement faire au candidat des fautes de français qu’il ne
commettait pas auparavant. C’est ainsi qu’il se mettra à écrire
« liTérature » au lieu de « liTTérature », ou tel adjectif sans s
devant un substantif pluriel, ce qui, bien entendu, sera
désastreux dans une dissertation, ou même dans une
traduction de version, qui, ne l’oubliez jamais, EST PLUS UN
EXERCICE DE FRANÇAIS QUE DE LANGUES.
Noter, d’autre part, que trop de termes, dans les deux
langues, ont plus ou moins — et parfois absolument la même
orthographe avec des sens tout à fait différents. On les
appelle « les faux amis ». Ainsi, le mot anglais « actually » ne
signifie pas « actuellement »; « presently » ne veut pas dire «
à présent », et « to attend » n ’a rien à voir avec « attendre ».
Bien étudier la formation du pluriel des mots exceptionnels et
les verbes irréguliers. En faire une liste, et en revoir une
vingtaine chaque matin.

*
**

Voici comment, pour une langue quelconque, nous nous


comporterions vis-à-vis d’une version. Nous lirions d’abord
très lentement le texte d’un bout à l’autre, pour bien saisir le
sens général et la liaison des idées. Ensuite, nous
reviendrions à la charge, plus lentement, puis encore et
encore, soit QUATRE LECTURES.
Nous traduirions alors le mot à mot. Après, nous essaierions
de nous mettre à la place de l’auteur, en nous demandant
comment il exprimerait en français, S’IL ETAIT FRANÇAIS, ce
qu’il dit, TOUT ce qu’il dit et RIEN QUE ce qu’il dit. Puis nous
rechercherions dans chaque phrase le sujet, le verbe, les
compléments, et les mots invariables. Nous mettrions en relief
les idiotismes de la langue étrangère.
Nous nous dirions qu’on a dû semer cinq à six difficultés dans
le but précis de tester le candidat, et nous ferions la chasse à

176
ces passages délicats, qui excellent toujours à jouer à cache-
cache. Quand nous les aurions saisis, nous apporterions tout
notre soin à leur étude. Après, nous relirions notre traduction
SIX fois, et chaque nouvelle fois avec plus de circonspection.
Nous ferions enfin une septième lecture, dans le but de voir si
notre français est DU FRANÇAIS, si nous n’avons pas laissé
de fautes d’orthographe, de ponctuation ou de syntaxe. Dans
les réponses aux questions et dans les développements
demandés, nous aurions la prudence de n’écrire que des
phrases courtes, plus faciles à maîtriser.

*
**

Si l’allemand ne donne pas lieu au cauchemar anglais de la


prononciation, il comporte une autre difficulté : comme en
français, les genres sont répartis sans rime ni raison aux
choses inanimées, avec cette circonstance aggravante qu’au
lieu de deux genres, il y en a TROIS !
Pour un Français, l’italien et l’espagnol seraient un peu plus
faciles, les trois idiomes ayant une mère commune, le latin. Il
va sans dire que le Méridional, qui, outre la langue nationale,
possède, ou tout au moins baragouine le provençal (langue de
« Mireille », illustrée par Frédéric Mistral) ou la langue d’Oc
(qui est celle des Jeux Floraux, fondés par Clémence Isaure),
sera plus particulièrement favorisé.

*
**

De même, l’étude du latin, dont les cas et les déclinaisons


rendent l’étude ardue, est facilitée, pour nous, par son étroite
parenté avec le français.

177
Il ne faut pas négliger son vocabulaire. Que de mots
totalement différents en latin et en français ! La maman et
l’enfant ne se reconnaissent plus. Bien qu’autorisé, en
général, le dictionnaire ne suffit pas toujours. Avez-vous vous
été enfant de choeur? Ne vous prenez pas pour un Tacite
parce que vous savez sur le bout du doigt vos répons et
même l’ordinaire tout entier de la messe en latin... Ne pas
s’imaginer non plus qu’avec des mots en us ou en um on
puisse reconstituer spontanément le parler de Cicéron, à
l’instar de cette étudiante parisienne qui forgeait de soi-disant
vocables britanniques en les coiffant d’un tion final : punition,
par exemple...
Si le latin de Molière, prêté à Mascarille dans l‘Etourdi
« Vivat Mascarillus fourbum Imperator! »

est encore acceptable en égard à la notoriété de l’auteur, foin


du latin de cuisine du prestidigitateur — Robert Houdin de
pacotille qui ordonnait en ces termes à un anneau de passer à
l’intérieur d’une bougie allumée : « Annellus, passibus
danslabougius ! »

178
CHAPITRE III

Face à l’examen

1. — Les dernières semaines précédant l’examen.

A partir de quelle époque convient-il de commencer les


révisions ? Environ six semaines avant le jour J. Dès le 1er
mai, si l’examen « ouvre » vers le 15 juin. On utilisera au
maximum les plans préparés à la fin de chaque leçon. A ce
moment-là, nous conseillons de nécessairement respecter
l’ordre du livre pour revoir. Attaquez simultanément plusieurs
chapitres en débutant par ceux où vous sentez que le bât
vous blesse, et par ceux que vous aimez le mieux, c’est-à-dire
où vous vous estimez le plus ferré. Excellente tactique de se
présenter avec une matière où l’on est un vrai spécialiste :
ceci compense cela…

D’autre part, ne vous croyez pas obligé de faire plus de


devoirs qu’auparavant. Amorcez plus de questions, mais sans
les parachever .Dès que vous tenez la marche à suivre,
lâchez-les. Cela vous permettra d’en voir beaucoup plus.
Exercez-vous également à lire trois sujets sur une matière et à
en choisir un aussi rapide que possible.

Enfin, si vous travaillez seul, ne manquez pas de vous


astreindre à rédiger en temps LIMITE les devoirs exécutés en
entier. Certains Etablissements sur place obligent même leurs
élèves à faire, pendant deux ou trois jours, un examen d’essai,

179
en leur « servant » des questions d’écrit exactement dans les
conditions de l’examen : excellente pratique, qui accroît
probablement de 30 % le nombre des admissibles.

2. — La semaine précédant l’examen.

Il faut arriver à l’examen DANS UNE FORME PHYSIQUE


PARFAITE, et sans fatigue intellectuelle. Donc, sans, bien
entendu, stopper tout effort, on travaillera moins, et on réduira
plutôt un peu le VOLUME de la nourriture, qui devra être aussi
SUBSTANTIELLE que LEGERE.
Surtout, ne pas se « doper », c’est-à-dire prendre des
excitants : café à outrance, alcool, vins, épices, etc., SONT
ALORS POISONS. Toute excitation est fatalement suivie
d’une profonde réaction (de même que le flux appelle le
reflux), d’une prostration pouvant fort bien se produire au
moment des épreuves. C’est alors l’effondrement, le désastre.
Du reste, les excitants ruinent la santé, usant les nerfs et le
coeur. Des statistiques toutes récentes ont montré qu’ils
conduisent, hélas! au cabanon une proportion insoupçonnée
d’intellectuels.

Donc, à cette époque décisive, cesser absolument, avant tout,


si on ne l’a déjà fait, la plus minime consommation d’alcool.
On ne fumera pas. On se couchera tôt et l’on tâchera de
dormir le plus possible. Boisson : eau contenant des traces de
café, et, en dissolution, un peu de glycérophosphate de chaux
qui est, non un excitant mais un ALIMENT du système
nerveux.

3..— La veille de l’examen.

Repos intellectuel COMPLET. Quelques brèves promenades


au grand air. Ne pas prendre part aux réunions d’étudiants

180
qui, en groupes compacts et bruyants, se croient obligés de
fêter, avec la complicité de la dive bouteille, un événement
destiné à faire plus de victimes que de triomphateurs. Ne pas
se laisser entraîner à de gigantesques monômes de jeunes se
figurant peut-être que des manifestations à forme primitive
vont intimider les membres du Jury et les acculer, tout
tremblants, à l’indulgence!

4 . A l’examen écrit.

S’y présenter modestement, mais avec confiance, si l’on a


travaillé suivant nos indications.
le hasard n’est pas le grand manitou Les compositions durent
en général plusieurs heures. On se sera muni d’une tablette
de chocolat et de glycérophosphate de chaux granulé,
renfermé dans une petite boite. A la fin de chaque heure, on
pourra ainsi jouer discrètement des mandibules, ce qui
soutiendra les forces sans embarrasser les viscères (Estomac
plein, tête vide.) !

*
**

Comme de juste, vous n’aurez pas oublié votre bracelet-


montre, dûment remonté .En arrivant, vous confrontez son
heure avec celle de la pendule de la salle, qui peut n’être pas
bien visible de tous les sièges. Mais voilà le surveillant qui
circule. Il vous donne votre feuille, dont vous vous empressez
de remplir l’en-tête, pour être débarrassé de ce travail
mécanique qui, à la fin, pourrait vous faire gaspiller plusieurs
minutes peut-être aussi précieuses que des perles.

*
**

181
Une chance de plus que naguère. On se bornait alors à dicter
le sujet, d’où, trop maints quiproquo faisant des victimes, voire
des hécatombes
C’est ainsi que l’un de nos amis, passant l’examen du Brevet
Supérieur, écrivit sous la dictée:
« Volume du ponton », au lieu de « Volume du tronc de cône
», vrai énoncé de la question de cours en mathématiques.
Dans cet examen, du reste, il n’y avait pas de choix entre trois
questions...
De même, dans une salle de la Sorbonne où des candidats à
la première partie du Baccalauréat classique allaient faire leur
version latine, le professeur de service se mit à dicter « dè cou
- ï - ouss » au lieu de « De cujus ». Il prononçait le u avec le
son ou et le son j avec le son i.
Minute de stupeur... Mais pas plus. Aussitôt que l’auditoire eut
réalisé de quoi il retournait, une clameur jaillie de cent
poitrines ébranla les vitres. Bien prit à l’Administration de
changer le dicteur séance tenante. Les jeunes gens,
déchaînés, eussent peut-être mis le feu à l’amphi théâtre, en
tout cas sûrement refusé de composer...

*
**

Enfoncez-vous dans la tête qu’une écriture bien lisible, une


rédaction d’apparence élégante, des résultats isolés et
soulignés (ou numérotés), afin que le correcteur PUISSE LES
VOIR D’UN SEUL COUP, ont plus d’importance qu’on ne
croit. Présentez une copie-brouillon avec force mots raturés
séparés par des taches : votre examinateur sera
fâcheusement impressionné. Malgré son souci d’équité, et
sans qu’il s’en rende compte lui-même, la note sera d’autant

182
plus défavorablement influencée qu’il aura mis plus de temps
à vous lire et à vous comprendre.
Jusque dans les compositions de sciences, respectez la
langue française, le style. Faites des phrases COMPLETES.
Pas de fautes d’orthographe, surtout dans les mots techniques
ou les noms propres.
Que voulez-vous que pense un membre du Jury d’un candidat
qui, ayant à donner son opinion sur la poésie de Victor Hugo
intitulée : « La Conscience », déverse des flots d’éloquence
sur les terreurs de « Caïen » ? qui, dans n’importe quel devoir
de littérature, écrit le mot « littérature » avec un seul t à la
deuxième syllabe; vous sert un « Bodelère » au lieu de
Baudelaire, un « Standale » au lieu de Stendhal ? dans une
dissertation philosophique, met « psicologie » pour
psychologie, « Caen » pour Kant, « Chopin o Herr » pour
Schopenhauer; dans une copie de chimie, parle d’acide «
cloridric » ; en physique, disserte sur une chute « hommique
», sur un pont de « Vastonne » (au lieu de Wheastone) ; en
mathématiques, s’étend sur 1’ « hippothénuse » (au lieu
d’hypoténuse), sur le « parralélipide » (au lieu de
parallélipipède), sur le théorème de « Ponslais » (au lieu de
Poncelet) et sur celui de « Staivare» (au lieu de Stewart) ?

*
**

Supposons, pour fixer les idées, qu’il s’agisse de l’examen du


Baccalauréat (première partie). On vient de vous délivrer la
feuille des sujets de mathématiques. Vous avez à traiter un
problème, et une question de cours à choisir entre trois.
Prenez toujours celle que vous savez le mieux. Votre choix
effectué (après avoir pesé soigneusement les textes et bien
réfléchi), tenez- vous-y, même si vous apercevez
ultérieurement une difficulté qui vous avait échappée Votre

183
temps est trop limité pour que vous puissiez vous offrir le luxe
d’en changer, de « tourner autour du pot » . D’ailleurs, c’est
une règle à adopter inflexiblement : une fois prise là décision,
allez de l’avant, même si vous n’êtes pas très sûr d’avoir
raison...

*
**

Vous disposez de trois heures. Promettez-vous de consacrer


trois quarts d’heure PAS PLUS
à la question de cours. Commencez par lire LE PROBLEME
une fois, et réfléchissez-y deux à trois minutes, dans le but
unique de VOUS IMPREGNER du texte. Ensuite, attaquez
votre question de cours comme un bouledogue attaque une
jambe antipathique. Vous ne la lâcherez plus jusqu’à ce
qu’elle soit terminée et complètement rédigée. Pendant ce
temps, il se produit dans votre INCONSCIENT un travail
fructueux considérable, ainsi que nous l’avons vu dans le
chapitre premier de la deuxième partie. Si bien qu’au moment
où vous vous tournez vers le problème pour tout de bon, —
après avoir réglé son compte à la question de cours, — vous
avez toutes les chances possibles de faire de bonne besogne.

*
**

Vous avez résolu sans trop de mal la majorité des sous-


questions du problème. Rédigez-les, et, entre chacune d’elles,
laissez un intervalle de quelques lignes — peut-être un tiers
ou la moitié d’une page : c’est à vous d’en juger, d’après ce
que vous prévoyez — pour le cas où vous découvririez
ultérieurement quelque chose de plus.

184
Ayant rédigé tout ce qui était à votre portée, occupez-vous
séparément de chacune des parties réfractaires,
conformément à la célèbre méthode de Descartes. Vous
aurez le plus de chances possible de fournir ainsi votre
maximum.

*
**

Il existe une certaine technique pour obtenir la meilleure note


possible. D’abord, une parfaite présentation. Ne vous récriez
pas, en traitant cela de « poudre aux yeux » . Un solliciteur
réussira mieux tiré à quatre épingles que vêtu d’une façon
négligée, comme Aristide Briand à sa première plaidoirie... Eh
oui.., une copie doit soigner sa toilette.

Puis, si vous êtes tombé sur un sujet plutôt particulier, voyez


si, après l’avoir traité à la lettre, vous ne pourriez pas ensuite
le généraliser quelque peu. Mieux encore. Vous sentez-vous
sûr de votre affaire ? Tâchez d’en imposer... un rien... Prenez-
le de haut : traitez d’abord la question PLUS GENERALE, et
terminez en arrivant à la demande plus limitée du problème,
simplement comme cas particulier.
Enfin, toutes les fois que vous le pourrez, INTERPRETEZ vos
résultats, sous forme de remarques, qui seront
BRILLAMMENT appréciées. Par exemple, au sujet d’une
équation, donnez de votre solution algébrique une « doublure
» géométrique.
Ces observations sont en tous points valables pour la
composition de Sciences Physiques.

*
**

185
Réservez-vous de 15 à 20 minutes pour vous relire très
lentement, et TRES SOIGNEUSE MENT. Vous découvrirez
souvent des coquilles qu eût été catastrophique de laisser.
Mais il est une chose contre laquelle NOUS VOUS METTONS
EXPRESSEMENT EN GARDE.En relisant, il peut vous arriver
d’avoir une idée nouvelle. Si vous l’ajoutez étourdiment,
précipitamment, ce sera infailliblement une bêtise. Vous vous
en apercevrez avec terreur, une fois sorti. Mais il sera trop
tard : vous aurez donné votre feuille ... Une seule tache ainsi
ajoutée inconsidérément vous coule le meilleur travail ET FAIT
ECHOUER. Donc, avant de soulever votre stylo pour fixer,
noir sur blanc, votre ultime concept, réfléchissez et méfiez-
vous. Redoutez de faire mentir le proverbe : « La fin couronne
l’oeuvre! »

*
**

En dissertation, produisez des références précises, mais ne


les mentionnez que si vous êtes absolument sûr de votre
mémoire. Il serait désastreux, par exemple, de citer Tartarin
de Tarascon comme un chef-d’oeuvre de Victor Hugo, ou
Anna Karénine comme sortie du cerveau de M. Henry
Bordeaux. Et ne vous égarez pas dans un verbiage oiseux.
Faites des phrases brèves, et jetez par-dessus bord le
langage précieux, ainsi que la vulgarité. Ne laissez échapper
des mots communs, des termes d’argot, que pour réaliser un
effet, créer une atmosphère déterminée, et ayez soin de ne
jamais écrire l’un de ces vocables sans l’entourer de
guillemets.

5. — Entre l’écrit et l’oral.

186
Ne pas s’émotionner par l’incertitude, et sur tout chasser de
ses méninges la ronde infernale des idées touchant l’examen:
a-t-on bien rédigé ? n’a-t-on pas fait de gaffes? quelles
chances a-t-on d’être admissible ? etc. Ce qui est fait est fait.
Vous n’y pouvez plus rien, et tout souci ne peut que nuire à
vos projets en altérant votre santé et en troublant votre
sommeil. Ne vous mêlez pas aux conversations des
camarades, eux-mêmes surexcités, et s’énervant encore plus
par des... initiatives puériles et dangereuses. Soignez plus que
jamais votre alimentation et votre hygiène; promenez-vous un
peu, et préparez votre oral modérément, mais avec une
régularité parfaite.

6. — A l’oral.

Arrivez tranquillement, sans peur. Vous avez soigneusement


préparé vos matières; donc, aucune raison spéciale d’avoir le
trac. Ne vous faites pas de l’examinateur une image
effrayante. Il sera plutôt, par principe, bienveillant, sachant
déjà que les candidats ayant émergé du crible strict de l’écrit
ne sont pas des cancres, loin de là ! — et que, sauf exception,
ils sont sans doute capables de « passer ». Puis dites- vous
que les « épluchages » sont aussi bien pour les autres que
pour vous; aucune raison de supposer qu’ils en savent plus
que vous... Gardez tout votre sang-froid, et, s’il vous est
accordé quelques minutes pour préparer votre épreuve,
profitez-en pour faire de votre mieux, sans précipitation. Votre
attitude en face de l’ « ogre » ? D’abord, arriver là vêtu sans
négligence, décemment, mais PAS AVEC UNE ELEGANCE
AFFECTEE. Vous courriez le risque de déplaire en étant
mieux mis que l’examinateur lui-même. Vous seriez tout de
suite jaugé. Un zazou? Peut-être pas, mais un dandy, un de

187
ces « fils à papa » qui ont de l’or plein les poches et qui ont
suivi leurs classes « à la papa », voire en fumistes...

Répondez de votre mieux, d’une voix bien timbrée, en


articulant nettement les syllabes. Ayez soin de vous être défait
de toute prononciation du terroir. Gardez-vous de dire, comme
trop de... Parisiens : « Je suis né ôô Pôô-ris » ou «la colllère ».
Ne nasillez pas, à l’instar de certains natifs de la Côte d’Azur :
« Quatre égale sissss moinssss deux », ni, comme tel pays
de Cyrano de Bergerac: « Apportez-moi d’euze», au lieu de «
deux oeufs ».

Si votre redoutable vis-à-vis n’entend pas ou ne comprend pas


ce que vous expliquez, CELA NE POURRA QU’ALLER MAL.
Pis encore si, n’ayant pas saisi la question, vous vous
permettez de la faire répéter. Le professeur, lui-même
surmené et énervé par le surcroît de besogne que constitue
pour lui le service des examens, se laissera peut-être aller à
vous apostropher sans aménité.
En ce cas, résistez à la tentation d’entrer en lutte avec lui en
ripostant du tac au tac.
La langue lui fourchant, lui arriverait-il d’articuler une coquille ,
vous préserve le ciel de la relever! Si, en philosophie, votre
opinion s’écarte sensiblement de la sienne, ne polémiquez
pas avec lui, mais employez, pour lui répondre sans tout de
même fouler aux pieds votre personnalité, toutes les
ressources de votre diplomatie.

*
**

A propos d’oraux, on conte bien des anecdotes. A un examen


oral de Philosophie. — « Quel est le syllogisme fondamental
de Descartes, qui résume toute une doctrine? Eh bien ! Vous

188
êtes muet ? Vous ne m’avez même pas écouté. Pendant que
je parlais, VOUS NE ME SUIVIEZ PAS. Avouez-le donc Vous
PENSEZ à autre chose! »
Le candidat : « JE PENSE, DONC JE SUIS. »

En Chimie. Quelle est la préparation industrielle du benzoate


de soude ? — Monsieur... je l’ai sur le bout de la langue... »
Apitoyé, le professeur la lui expose lui-même en quelques
mots. Le candidat : « C’est justement ce que j’allais dire ! »

A l’examen oral d’Anatomie. L’examinateur « Non, non et


non ! Et puis, tenez... vous êtes trop bête, Appariteur !
apportez une botte de foin. Prenez—en deux », riposte, hors
de ses gonds, le candidat qui ne se fait plus aucune illusion
sur son sort. « Nous déjeunerons ensemble! » Et il sort en
grommelant. « Qu’a-t-il dit? » demande l’interrogateur
souriant. — Vous devriez vous méfier, Maître. Il a murmuré
qu’il vous attend à la sortie pour vous décharger son revolver
en plein coeur. — Il me manquera : il ne sait pas assez
d’anatomie pour connaître où se trouve le coeur... »

*
**

Certains candidats ne peuvent pas articuler une phrase sans


planter leur regard dans les yeux du professeur. Est-ce pour
quêter un encouragement ? pour voir si ce qu’on a hasardé
peut « coller » ? En tout cas, rien ne fatigue ni indispose
comme cela, surtout si l’élève appartient au
sexe féminin. Est-il besoin de recommander aux jeunes filles
de se produire dans une tenue extrêmement correcte, sans
décolleté, et de ne pas jouer la carte du sourire ou du regard
appuyé ? Etant examinateur nous-même, nous avons vu à

189
l’oeuvre certaines de ces demoiselles. Affectant une grande
timidité, exagérant la politesse, elles se précipitaient pour
ramasser le crayon du « prof » tombé de la table, rougissaient,
pâlissaient sur commande, prenaient le masque du bègue
quand la réponse ne venait pas, allant jusqu’à simuler un
évanouissement spectaculaire devant le tableau. Cette
stratégie est très faible; elle ne « paie » pas. A bon entendeur,
salut.

Que des statistiques établissent chez l’élément féminin un


pourcentage de succès un peu supérieur à celui des garçons,
n’a rien à voir avec la question « galanterie ». C’est que ces
jeunes personnes sont en général très laborieuses,
méthodiques, régulières et tenaces à la besogne, et font
attention aux moindres détails, ce qui, à juste titre, est fort
apprécié dans les examens.

*
**

En mathématiques, prendre ses précautions pour pouvoir faire


tenir dans les limites du tableau, si possible, toutes les
transformations relatives à la question traitée. N’effacer qu’à la
dernière extrémité. S’agit-il, en algèbre, d’une équation à
coefficients NUMERIQUES ? N’essayez pas d’allonger la
sauce en commençant à raisonner sur des lettres : le temps
est strictement limité. Faites succinctement, et sans lambiner,
les calculs tels qu’ils se présentent.
Telle épreuve de géométrie comporte-t-elle des figures dans
l’espace ? Ne craignez pas d’imiter le relief en appuyant sur
certaines lignes, afin de mieux faire ressortir l’ensemble.
L’examinateur verra plus clair lui-même et vous en saura gré.

190
*
**

Vous fait-on lire un morceau, en explication littéraire? Faites


appel à tout votre talent de diction. Gardez-vous, en
particulier, d’estropier les noms d’auteurs ou de personnages.
N’allez pas déclamer, par exemple :

«Ca –y- in» (au lieu de Caïn) se fut enfui de devant les
tempêtes.

N’oubliez pas non plus que vous devez parfois, au cours de la


diction, observer des repos non marqués par des virgules, et
les faire sentir aux bons endroits. Ne dites pas :

Le chêne un jour- dit au roseau,

Mais :

Le chêne - un jour dit au roseau,

car la première façon de vous exprimer supposerait un arbre


qui s’appelle « un jour » !

*
**

Enfin, au cours de toute interrogation donnez en toute


modestie telle opinion que l’on vous demande d’exprimer.
Evitez de trancher de l’homme d’importance. Ne vous laissez
jamais aller à dire : « A mon avis... » ce qui, en attendant
mieux, vous attirerait immanquablement la riposte foudroyante
: « Il est donc si important que cela, votre avis ??? »

191
7. — En cas d’échec.

Si la chance ne vous a pas souri, vous avez déjà de quoi vous


consoler par l’imposante proportion de copains logés à la
même enseigne. Dites-vous, d’autre part, que l’immense
majorité des reçus NE L’ONT PAS ETE DU PREMIER COUP.
Donc un insuccès ne doit pas vous infliger une blessure
d’amour-propre, une humiliation, vous faire perdre la face.
Remarquez, d’ailleurs, qu’après la proclamation des résultats,
vous n’êtes pas inférieur à ce que vous étiez la veille de la
première épreuve. La seule différence est toute subjective :
vous êtes passé de l’ESPOIR à la DECEPTION.

Au risque d’être taxé de fervent du paradoxe, nous


avancerons qu’en réalité, vous êtes supérieur à ce que vous
étiez auparavant. Ces épreuves ont été pour vous un exercice
salutaire, parce qu’exécuté dans les’ conditions de l’examen,
c’est bien le cas de le dire... Aucune leçon, fût-elle faite par un
génie en matière pédagogique, ne saurait remplacer cette
forme d’entraînement. En outre, votre éducation y a gagné.
Pour la première fois peut-être, vous venez de vous heurter à
l’un des récifs de la vie. II dépend de vous que ce choc vous
soit salutaire.

Il ne le sera pas si vous suivez aveuglément vos premières


impulsions. Il ne le sera pas, Si vous vous groupez, vous et
vos compagnons d’infortune, en un monome vengeur qui,
hélas ! ne raccommodera rien, et au cours duquel vous
commettrez peut-être des actes répréhensibles. Il ne le sera
pas si, vous redressant en un mouvement de fierté outragée,
vous clamez

192
« Ah ! ils n’ont pas voulu de moi? Eh bien... ils ne s’offriront
pas le plaisir de m’ avoir , une seconde fois. C’est fini : je ne
me représenterai jamais plus ! »
Il ne le sera pas, si, au contraire, vous sombrez dans un
morne découragement, vous enfon çan dans la boîte
crânienne cette idée que l’examen vous est aussi inaccessible
qu’à son asymptote
la. Branche d’hyperbole qu’il représente, comme le répétaient
en gouaillant les élèves de tel lycée parisien, LA GRANDE
ILLUSION ! Et si, par représailles, vous flétrissez la salle de
délibération du Jury du nom de « plancher des vaches », cela
ne vous aura pas avancé à grand’chose...

*
**

L’échec vous sera salutaire SI VOUS VOUS OBSTINEZ


DANS VOTRE EFFORT. Vous vous serez durci contre une
difficulté; vous aurez su vous montrer beau joueur vis-à-vis du
sort au front sévère. Tel Jo Louis après avoir été mis knock-
out par Max Schmelling, vous encaisserez avec le sourire. A
la session suivante, ce sera votre tour de terrasser la
mauvaise chance, tout comme le fit ensuite le champion noir
en pulvérisant en vingt secondes son ex-vainqueur!

*
**

De nombreux examens comportent, la même année, une


seconde session. Avez-vous été refusé à l’oral ?
Généralement, l’écrit vous reste, et, pendant les vacances,
vous n’avez que l’oral à préparer. Vous êtes-vous fait ajourner
à l’écrit, avec une moyenne égale ou supérieure à SEPT sur

193
VINGT? Vous avez encore le droit de vous représenter à
l’automne.

*
**

Arrêtons-nous un instant sur ce dernier cas. Naturellement,


vos efforts de l’année vous ont fatigué, et il ferait si bon se
reposer complètement pendant les chaleurs! Mais nous
pensons que, si près du but et déjà tout entraîné, il serait
dommage de ne pas tenter cette seconde chance. Vous vous
détendrez tout à fait la première quinzaine. Au cours des deux
semaines suivantes, vous vous remettrez progressivement au
travail, sans toutefois dépasser une moyenne, car il faut, en
tout état de cause, que les vacances vous remontent. Etant
donné le peu de temps dont vous disposez, ne revoyez tout à
fait à fond que le tiers des questions. Faites, de préférence,
des exercices par vous-même, et un tout petit nombre avec un
plan si détaillé qu’il équivaut pratiquement à un
développement complet.

*
**

Enfin, si vous avez obtenu à l’écrit une moyenne inférieure à


SEPT sur VINGT, il se peut, suivant l’examen, que vous
n’ayez pas accès à la seconde session. Prenez alors votre
courage à deux mains contentez-vous de jouir pleinement du
repos des vacances — on s’y résigne, en général, assez
volontiers... — en travaillant tout juste une heure par jour pour
ne pas vous rouiller. Semaine par semaine, vous rechargerez
ainsi votre bouteille de Leyde, et, à la rentrée d’octobre, serez
prêt pour un formidable coup de boutoir prometteur de lauriers
futurs

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Fin

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