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Aimer et hair 

:
Etymologie : haïne « malveillance profonde pour une personne,
aversion profonde pour quelque chose »
PEUT-ON AIMER SANS HAÏR ?                                   
 A.Position du Problème:     
            De prime abord, la question peut sembler étonnante . En effet, lorsque l’on
aime, apriori on ne hait pas, puisque l’amour et la haine sont des sentiments
opposés . Donc, soit on aime, soit on hait, mais on n’éprouve pas ces deux affects
de manière simultanée . Pourtant, on sait également qu’il peut exister une
ambivalence des sentiments . De fait, on peut aimer une personne et en même
temps la haïr parce que, par exemple, on considère qu’elle ne nous aime pas ou pas
assez . C’est ce qui arrive en réalité bien souvent et la situation étonnante est peut-
être celle qui connaît un amour sans aucune ombre de détestation . Le concept
appartiendrait à la littérature, la poésie, le théâtre, le cinéma... Un dictionnaire de
psychanalyse la définit par un affect, un sentiment d’aversion violente à l’égard de
quelque chose, de quelqu’un à qui on fait du mal ou désire de le faire (Roudinesco et
Plon, 2006). Du point de vue psychanalytique elle porterait un paradoxe : elle est la
décharge d’un sentiment inconscient. L’affect est inconscient. Le sujet haineux est
conscient de sa haine mais méconnait son origine, même quand elle est soi-disant
repérée par son moi conscient. L’aversion pour le conjoint peut s’originer dans celle
que l’enfant portait contre sa mère. A cet égard, la haine fait circuler sans arrêt le
rapport conscient/inconscient. Originaire de l’inconscient, elle n’y séjourne pas
entièrement.
Quel(s) lien(s) avec l’amour ? Peut-on aimer si on n’existe pas en tant que sujet ? Si
l’on ne passe par la haine séparatrice défusionnante ? Peut-on éviter que les deux
sentiments se conjuguent ou que l’amour se transforme en haine, ou que même
cette dernière puisse être le terreau favorisant l’émergence d’une passion
amoureuse ?

B.La difficulté d'aimer d'un amour pur :


L’imagination se repaît de représentations idylliques en matière d’amour.
La littérature, la poésie, le théâtre, les arts en général nous invitent d’ailleurs à
nous y complaire . Ainsi, sommes-nous nombreux à rêver ou à avoir rêvé de cet
amour idéal qui coulerait ainsi un long fleuve tranquille, apaisé et harmonieux .
Mais nous savons aussi qu’il s’agit justement de doux rêves et que la réalité
vient très souvent contredire cette image doucereuse .En effet, même si nous
faisons tous les efforts possibles pour vivre des amours sans ombrage, il n’en
demeure pas moins que même dans une union très fusionnelle, on a toujours
affaire malgré tout à deux subjectivités bien distinctes qui doivent trouver des

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terrains d’entente, faire des compromis, jouer et tenir compte des attentes de
l’autre . L’amour complètement idéal serait celui qui ne souffrirait aucune
distorsion, aucune distance, qu’elle soit temporelle ou spatiale, aucun délai,
bref ce serait l’amour complètement immédiat, comme l’accès à notre propre
conscience l’est . Mais, du fait de deux subjectivités en présence, l’immédiateté
n’est pas possible, il y a forcément médiation . Et du même coup, il peut y avoir
retard, incompré-hension, décalage et donc en même temps regret, attente,
déception .Cette impossible totale fusion va donc, avec le temps,
nécessairement éloigner les amants, d’attente en attente, de regret en regret,
de déception en déception . Bien sûr, deux êtres qui s’aiment d’un amour fou
et sincère vont tout faire pour empêcher cet éloignement progressif, ils vont
tout faire pour rester comme « accrochés » l’un à l’autre . Peut-être vont-ils
même se maintenir un certain temps dans cette illusion spectrale, où chacun se
contemple et ne veut pas perdre l’autre de vue . Mais souvent, le miroir finit
par se briser et la rancœur, la rancune, parfois la haine, trouvent alors leur
place .
C. Souvent, amour et haine cohabitent
La question qu’il faudrait ici nous poser est la suivante : pourquoi deux êtres
s’aiment-ils ? Quel est le sens de l’amour ? À quel besoin ou désir humain
répond-il ? Nous sommes attirés par d’autres humains, car nous avons besoin
de leur reconnaissance . Plus précisément, nous avons besoin qu’ils
reconnaissent, qu’ils attestent notre existence . C’est pourquoi nous les aimons
et voulons qu’ils nous aiment . Et pour que cela soit plus certain, nous jetons
notre dévolu sur un autre en particulier pour que la relation soit privilégiée,
plus intense et dans une réelle et exclusive réciprocité .Pour exister, nous avons
donc besoin du regard de l’autre, nous avons besoin qu’ils nous reconnaissent
comme conscience et donc comme liberté, et pas comme une chose parmi
les choses . Nous voulons éviter l’objectivation de notre être et en assurer la
reconnaissance par une autre liberté . Mais la difficulté est que l’autre désire la
même chose et que lorsque c’est avec sa liberté qu’il me considère, je deviens
objet pour lui et quand c’est moi qui le regarde, il devient à son tour objet pour
moi . Pour qu’une reconnaissance simultanée puisse être possible, il faudrait
que deux libertés comme telles puissent coexister, mais cela est impossible, car
elles se ravissent réciproquement le monde. « Ainsi sommes-nous renvoyés
indéfiniment de l’autre-objet à l’autre-sujet et réciproquement ; la course ne
s’arrête jamais », nous dit Sartre dans L’être et le néant . C’est cette course qui
constitue notre relation à l’autre . Nous sommes toujours dans une de ces
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attitudes et nous sommes toujours insatisfaits, dans un état d’instabilité que
nous détestons, car nous ne pouvons jamais nous placer sur le plan où la
reconnaissance de la liberté de l’autre entraînerait par l’autre la
reconnaissance de notre liberté . Même dans l’amour le plus sincère, l’autre est
insaisissable, il me fuit quand je le cherche et me possède quand je le fuis . La
haine, non pas pour l’autre finalement, mais la haine pour notre condition peut
alors atteindre son paroxysme et se retourner contre l’être aimé qui, jamais, ne
peut être à la hauteur de notre attente.

Citations :
Vladimir Jankélévitch : « Ce n’est pas le haïssable qui explique la haine mais la
haine qui a priori rend les choses haïssables et redouble ensuite à la vue de cet
odieux qu’elle a fabriqué ». 
José Ortega y Gasset : «Haïr, c'est tuer virtuellement, détruire en intention,
supprimer le droit de vivre »
José Ortega y Gasset : « Haïr quelqu'un, c'est ressentir de l'irritation du seul fait de
son existence, c'est vouloir sa disparition radicale ». 
Spinoza: « la haine n’est autre qu’une tristesse qu’accompagne l’idée d’une cause
extérieure. ».
Georg Simmel : «Tenir amour et haine pour deux termes exactement opposés,
comme s'il suffisait de placer l'un d'eux sous le signe inverse pour obtenir l'autre, est
une erreur totale. » expl : Le contraire de l'amour, c'est l'absence d'amour, c'est-à-
dire l'indifférence
Friedrich Nietzsche : Ne faut-il pas commencer par se haïr, lorsque l’on doit s’aimer.

Origine de la haine :
Dans La négation (1925), Freud affirme que malgré leur intrication et la parenté de leurs
effets dans les premières phases du développement, ces deux affects ne sont pas dérivés
du clivage d’une réalité originaire commune. Ils suivent chacun son développement propre
avant de se constituer en opposés sous l’influence de la relation plaisir-déplaisir. L’amour
vient du narcissisme et finit par coïncider avec la tendance sexuelle dans sa totalité (pulsion
de l’objet). La haine provient du refus originaire que le moi narcissique oppose à l’excès
d’excitation provenant du monde extérieur, haine du réel. Elle garde toujours un lien étroit
avec les pulsions d’auto-conservation du moi (pulsions du moi). Dans l’économie psychique,
elle serait donc, dans le registre de l’auto-conservation mais aussi dans celui des pulsions
sexuelles, tant du coté de la pulsion de vie que de la destructivité, dans une alternance de
liaison à une chaine de représentations, et de déliaison dans des processus primaires,
comme le souligne Félicie Nayrou (2005). Elle alterne en liaison et déliaison destructrice à
l’intérieur même de la pulsion de vie. Localisée du côté des pulsions du moi, la haine ne
dérive pas de la vie sexuelle mais du combat du moi pour sa conservation. Elle est de l’ordre

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de la défense légitime, nourrit le sentiment moïque. Le haï est du côté de l’objet, dont l’objet
premier, la mère. Ce qui est intérieur, est  du côté de l’aimé.

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