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L’esclavage des migrants en Libye est la conséquence de la


guerre impérialiste de l’OTAN en 2011
Par Tapé GROUBERA1
La diffusion le 14 novembre 2017 dernier par la chaîne américaine (CNN) des images montrant des
migrants venus d’Afrique subsaharienne faisant l’objet d’enchères à 400 dollars. Cela a créé de l’émoi
et provoqué de la colère chez beaucoup de personnes, notamment d’Africaines subsahariens ou de
Négro-Africaines dont leurs ancêtres furent déportés. Mais au-delà de l’émotion il faut plutôt voir avec
lucidité les raisons qui ont conduit à cette situation, certes inacceptable. Ne dit-on pas en Afrique que
l’arbre ne doit pas cacher la forêt. C’est ce que nous allons essayer de faire

1. Pourquoi Nicolas Sarkozy conduit une guerre impérialiste et l’ONU la légitime ?


1.1. Des raisons personnelles de Nicolas Sarkozy aux intérêts des Occidentaux
Le 11 décembre 2007, Mouammar Kadhafi était reçu en grande pompes à l’Élysée par Nicolas Sarkozy
alors président de la République française. Le tapis rouge lui est déroulé. Parce qu’au final il y avait non
seulement des contrats comme en témoigne ce reportage2 de la télévision française, mais il y avait un
retour de l’ascenseur. En effet, Ministre de l’intérieur dans le gouvernement de Jacques Chirac, Nicolas
Sarkozy, s’était tourné vers Mouammar Kadhafi pour que ce dernier l’aide à financer sa campagne
présidentielle. C’est ainsi que, comme le révèlent de Médiapart Fabrice Arfi et Karl Laske « fin 2006 et
début 2007, trois valises d'argent liquide préparées par le régime libyen qui contenaient un
montant total de cinq millions d'euros »3. Il faut dire que cette pratique n’est pas nouvelle pour les
candidats français aux élections présidentielles. Chaque fois qu’il y a des élections présidentielles en
France, les candidats de droite comme de gauche se font financer par des dirigeants africains. C’est
une tradition, qui a court depuis de Gaulle. Cela fait partie du système nébuleux appelé
« Françafrique ». Par contre ce qui est nouveau dans le cas de Nicolas Sarkozy, c’est le fait qu’il soit
sorti du « pré-carré » français en Afrique. C’est-à-dire les pays africains qui ont été occupés par la
France qu’on appelle de manière abusée « colonies ».
Devenu, le 7 mai 2007, le sixième président de la 5ème République Nicolas Sarkozy presse Kadhafi pour
concrétiser les contrats d’achat d’armes et d’avions. Mais Kadhafi va changer d’avis. Pour cela, Sarkozy
va en vouloir au guide libyen. Autre chose, il faut absolument effacer les traces du financement
malhonnête fait par Kadhafi. Ce sera sa seconde raison personnelle.
À côté de celle-là, il y en a d’autres, mais qui concernent les intérêts des Occidentaux :
Kadhafi a soutenu l’ANC en Afrique du sud pendant que les gouvernements occidentaux considéraient
l’ANC comme une organisation terroriste. D’ailleurs, ce n’est qu’en 2008 que le nom de Nelson Mandela
a été retiré, par les USA de la liste des terroristes.
Kadhafi est panafricain donc habité par un esprit souveraineté pour l’Afrique. Il veut la création des
États-Unis d’Afrique. Cela suppose :
Le départ de toutes les bases militaires étrangères sur le continent africain. Or la France en possède
plus de vingt (20) bases militaires en Afrique4 Un autre point de grief.
Une autonomie financière propre au Continent-Mère. Cela signifie qu’il faut sortir du schéma des
institutions financières (FMI et Banque mondiale). Ainsi, « le guide libyen va s’investir

1
Président du Mouvement pour la Renaissance de l’Afrique (MORAf). Voir www.moraf.news
2
https://www.youtube.com/watch?v=c4LnjJoPmXc, consulté le 7/12/2015
3
https://fr.sputniknews.com/international/201710191033531002-sarkozy-kadhafi-financement-enquete/,
consulté le 25/10/2017
4
http://www.jeuneafrique.com/437231/politique/carte-savoir-bases-militaires-etrangeres-afrique/, consulté
le 7/12/2017
2

personnellement dans un triple projet de création : à Syrte en Libye de la Banque africaine


d’investissement (BAI) ; du Fonds monétaire africain (FMA), en 2011, avec un capital de 42
milliards de dollars avec Yaoundé [Cameroun] pour siège ; et de la Banque centrale africaine
(BCA) avec le siège à Abuja au Nigéria »5
Or nous savons que le franc des Colonies Françaises d’Afrique (f CFA)6 est, depuis le 26 décembre
1945, imposé par la France à 14 États africains qui versent 50% de leurs avoirs au Trésor français.
Une autre raison, c’est qu’en payant 300 millions de dollars que l’Afrique a pu effectuer le lancement du
tout premier satellite de communication de son l’histoire, le 26 décembre 2007. Grâce à cela, la
communication intra africaine qui était très cher devenait « normal ». Cela est souligné par Paul
Pougala « Téléphoner de et vers l’Afrique est alors le tarif le plus cher au monde, parce qu’il y
avait un impôt de 500 millions de dollars que l’Europe encaissait par an sur des conversations
téléphoniques même à l’intérieur du même pays africain, pour le transit des voix sur les
satellites européens comme Intelsat. »
Comme on vient de le voir, ce n’est le fait « d’avoir osé faire perdre à l’Occident, pas seulement 500
millions de dollars par an, mais des milliards de dollars de dettes et d’intérêts que cette même
dette permettait à l’infini et de façon exponentielle (..). »7

1.2. L’ONU, instrument de « légalisation » des guerres impérialistes occidentales


Avec la chute de Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte, - qui sont ses amis- Nicolas Sarkozy, voit
dans le mouvement populaire et démocratique, du 15 février 2011, demandant au régime de Kadhafi,
plus de liberté politiques en Libye sa chute prochaine. Un groupuscule hétéroclite va être organisé et
armé par les Occidentaux, plus singulièrement la France. Il s’agit du Comité National de Transition. La
machine pour évincer Kadhafi est lancée et Sarkozy est au premier rang, dans un activisme frénétique
pour le renversement du régime libyen. Le 26 février, le Conseil de sécurité des Nations Unies impose
un embargo sur la « vente d’armes et de matériels connexes à la Libye ». Deux jours après, c’est-à-
dire, le 28 février, l’Union européenne fait de même. Le 5 mars, le CNT se déclare le « seul
représentant de la Libye ». Aussitôt la France, reconnait le CNT. L’Union Européenne suivra.
Malgré toutes ces manigances, Kadhafi demeure encore au pouvoir. Kadhafi a des soutiens au sein des
dirigeants africains et d’autres pays. Ceux-ci s’organisent pour entamer des pourparlers. Voyant le vent
tourner, les Occidentaux pensent qu’ils doivent eux-mêmes intervenir. Car leur instrument le CNT est en
perte de vitesse sur le terrain des opérations. Mais il faut camoufler cette guerre impérialiste derrière un
terme générique : la protection des civils. Ainsi, le 17 mars 2011, l’impérialiste avance son dernier pion.
Et le Conseil de sécurité de l’ONU autorise le recours à la force militaire8 pour dit-il « protéger les civils
contre l’armée pro-Kadhafi ». Or la « protection des civils » n’est en réalité que le prétexte de cette
guerre. Il permet de masquer ses véritables objectifs, à savoir la protection des intérêts des puissances
impérialistes en Libye. Cette guerre ne vise pas à appuyer la révolution des exploités, mais à la
contrecarrer et l’étouffer. C’est, en réalité, une guerre réactionnaire et impérialiste.
Ainsi, les Occidentaux vont s’engager à visage découvert en Libye. Vendredi 18 et samedi 19 mars,
après l’attaque de Benghazi, « capitale » des rebelles, par les pro-Kadhafi, la coalition impérialiste,
pardon « internationale » passe à l’offensive militaire : les États-Unis, la France et le Royaume-Uni
bombardent les forces de Kadhafi, qui se replient vers l’ouest.
Jeudi 31 mars, c’est l’ Otan qui prend les commandes de l’opération « Protecteur unifié ». La guerre
impérialiste est maintenant effective. Elle va durer neuf mois. C’est-à-dire jusqu’à la capture du colonel

5
Adon GNAGNGUI, Afrique subsaharienne, côte d’Ivoire. Dans l’engrenage de la Françafrique, EDilivre, Paris,
2013, p. 97
6
https://www.monde-economique.ch/fr/posts/view/zone-franc-cfa-faut-il-en-sortir, consulté le 10/12/2017
7
Adon GNAGNGUI, Afrique subsaharienne, côte d’Ivoire. Dans l’engrenage de la Françafrique, EDilivre, Paris,
2013, p. 97
8
http://www.sudouest.fr/2011/03/17/kadhafi-bombarde-l-onu-a-un-projet-de-resolution-344997-4803.php,
consulté le 7/12/2017
3

Kadhafi par la coalition impérialiste, le 20 octobre 2011, puis remis aux rebelles pour qu’ils
l’assassinent. Car la décision de tuer le Chef de l’Etat libyen Mouammar Kadhafi est prise par USA et la
France, et ce depuis le mercredi 19 octobre 2011. Cela est d’ailleurs révélé le journal français le Canard
Enchaîné du 26/10/20119

2. Le paradis promis par les Occidentaux est en fait un « Enfer »


Deux précisions sont à faire. La première, c’est qu’en dehors du CNT, les Occidentaux ont également
armé plusieurs milices. L’objectif étant la chute de Kadhafi tous ceux qui poursuivent ce but sont les
bienvenus. Mêmes islamiques « radicaux ». Seconde remarque : la coalition CNT n’a rien avoir avec la
révolution populaire que les citoyens voulaient faire au départ. Le Comité National de Transition est
une coalition d’anciens kadhafistes et d’agents impérialistes. D’ailleurs, le CNT était au départ,
dirigée par Mustapha Mohamad Abdeljalil, l’ancien Ministre de la « Justice » de Kadhafi – autrement dit,
l’ancien bourreau-en-chef du régime. Avec lui, on trouve des « intellectuels » et des hommes d’affaires
qui vivaient aux Etats-Unis ou en Europe. Ceux-ci ont été durant des décennies, « démarchés » par les
services secrets occidentaux. Le soutien des Occidentaux au CNT est logique.
Revenons. Une fois, la mort de Kadhafi actée, c’est le partage du « gâteau » libyen qui commence. Et
trois groupes armés par les Occidentaux vont se disputer le pouvoir : Le premier à l’est – zone où se
trouvent les principaux terminaux pétroliers. Il est reconnu par la communauté impérialiste, soutenue
par des milices et une armée dirigée par le général Khalifa Haftar, un ancien dignitaire du régime
Kadhafi exilé aux USA. Le deuxième groupe qui se fait appeler le « conseil choura de révolutionnaires
de Benghazi ». C’est une coalition de milices islamiques. Il est basé dans la deuxième ville Benghazi.
Enfin, le troisième groupe basé à Tripoli. Pendant trois ans, une guerre civile fait ravage en Libye.
À la suite des accords de Skhirat signés en décembre 2015 sous l’égide de l’ONU, un Gouvernement
d’union nationale nait. Il est dirigé par le premier ministre Fayez al-Sarraj qui n’est pas reconnu par le
général Haftar. Finalement, un accord de cessez-le feu sera signé à Paris le 25 juillet 2017 pour la
tenue des élections présidentielles et parlementaires au printemps 2018.

Conclusion
En 2011, l’Occident pour ses intérêts et surtout la perte de l’Afrique son grenier, son « marché noir » - car tout ce
que l’occident impérialiste y prend n’est pas déclaré officiellement- engage une guerre impérialiste et
réactionnaire à Kadhafi. Tous les moyens étant bons pour arriver à la chute du guide libyen, une coalition
hétéroclite fut armée. Après la mort de Kadhafi, c’est le chaos qui règne – et continue de régner - dans ce pays.
Pourtant, ils avaient prétendu que cette action avait pour but d'installer la démocratie en Libye. Ils ont créé de
toute pièce une organisation CNT (Comité National de Transition) à laquelle ils ont conféré une légitimité
internationale. Force est de constater que six (6) ans après c'est le fiasco total en Libye. Pire, les dirigeants
occidentaux (européens et américains) continuent dans leur bêtise. Le 4 juillet 2017 dernier la Commission
européenne n'a-t-elle pas élaboré un plan consistant à renvoyer en Libye des migrants qui avaient déjà traversé
la méditerranée et qui se trouvaient en Italie10. En prime, l'UE n'a-t-elle pas sur les 136 millions d'€ destinés à la
Libye, alloué 46 millions d'€ au gouvernement "d'entente nationale" de Faïez Sarraj pour la gestion de frontière ?
Voilà comment la gestion des frontières que l’UE a conféré à des personnes sans foi ni lois a entraîné des crimes
contre l'humanité en Libye.

9
http://www.noorinfo.com/KADHAFI-CONDAMNE-A-MORT-PAR-WASHINGTON-ET-
PARIS_a1162.html,consulté le 7/12/2011
10
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/08/30/renvoyer-les-migrants-en-libye-le-plan-
controverse-de-la-commission-europeenne_5178521_4355770.html, consulté le 20/11/2017

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