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Notre crédo au MORAF : Informer pour former et transformer le monde

Non, M. Hollande, la France n’a pas encore payé sa dette envers le Mali
« Dans l’extrémité où une défaite provisoire l’avait refoulée, c’est dans ses Territoires
d’Outre-Mer (…) que la France a trouvé son recours à la base de départ pour sa
libération. »1 Général de Gaulle

Introduction

Le samedi 2 février 2013 dernier, M. François Hollande, président de la république française


s’est rendu au Mali. Au cours de l’une de ses allocutions, il a déclaré que l’intervention de la
France au Mali correspondait à une dette que son pays avait vis-à-vis du Mali. N’étant pas du
même avis que le président français, il nous a paru nécessaire de réagir. Car cette déclaration
ne correspond pas à la vérité. Pour exposer notre argumentation, nous allons, en premier lieu,
nous plonger dans cette crise au Mali. En deuxième lieu, nous évoquerons de manière non
exhaustive quelques dettes que la France a « contractée » vis-à-vis du Mali.

1. L’intervention de la France au Mali n’est qu’une juste réparation

1.1. Quand la France permit d’allumer le feu au Mali


L’occupation du Nord Mali par les « islamistes », à bien y regarder, n’est pas née ex-nilo. Elle
est le fruit des actes et attitudes politiques, notamment de la France.
D’abord, dans sa politique de diviser pour régner, la France décida de prendre fait et cause
pour les Touaregs du Mali. Est-ce, parce que « les Occidentaux parent le Touareg de toutes
les vertus »2 ? Toujours est-il que c’est Nicolas Paul Stéphane Sarkozy de Nagy-Bosca, alors
président de la république française, qui reçut discrètement une délégation, juste après la
création du mouvement touareg [Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA)],
en 2011. Et son gouvernement se fit, alors, l’avocat de la cause des Touaregs du Mali :

« L’an dernier, une délégation du MNLA avait été reçu discrètement au Quai d’Orsay. Et
le 7 février, au Sénat, Alain Juppé (…) [avait appelé] à traiter à fond la question touareg
sur le fond »3 .

Ce qui est paradoxale dans cette démarche, est le fait que la France ne s’adresse pas aux
autorités maliennes, les premières concernées, « pour traiter à fond la question la question
touareg », mais plutôt à son propre Sénat, d’une part. D’autre part, les Touaregs du Niger sont
plus nombreux que ceux du Mali. Cependant, seuls ceux du Mali demeurent la préoccupation
de la France. Il y a une explication toute simple. C’est qu’au Niger que la société française
AREVA est implantée. Et depuis 1960, la France extrait presque gratuitement l’uranium de ce
pays. En plus, l’actuel président du Niger, M. Issoufou fut même un ancien directeur d’une
filiale d’AREVA. Donc deux poids deux mesures pour un même peuple : les Touaregs.
Ensuite, Nicolas Paul Stéphane Sarkozy de Nagy-Bosca, encore président de la France, par
un subterfuge, décide, en 2011, d’attaquer la Libye. Presque tout l’Occident se joint à la
France. Au cours de cette guerre impérialiste dont l’objectif était les intérêts pétroliers pour

1
Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, I. Le renouveau, Plon, Paris, 1970, page 16 cité par Joseph Roger de
Benoist, in Mali, L’Harmattan, 1998, page 107
2
Magasine français les collections de l’Histoire N°58, Le Sahara : 5 000 ans de géopolitique, page 44
3
Le Canard enchaîné N° 4764 du mercredi 15 février 2012

1
Notre crédo au MORAF : Informer pour former et transformer le monde

les Occidentaux, les Libyens et les populations africaines non libyennes vont en payer un prix
très élevé.
Après l’assassinat de Kadhafi, le 20 octobre 2011, et la prise de pouvoir par des islamistes
soutenus par l’Occident en Libye, des Touareg libyens et ceux qui s’étaient simplement
réfugiés dans ce pays vont rejoindre le nord du Mali. Puisque c’est seulement au Mali que la
France accorde une bienveillance aux Touaregs. Alors ils se sentiront épaulés. Certains
rentreront, même, puissamment armés pour constituer la rébellion touarègue.

« Après la victoire sur Kadhafi, due à l’initiative de Sarkozy, des centaines de guerriers
touareg, alliés ou mercenaires du dictateur, se sont repliés dans le nord du Mali, emportant
avec eux leurs armes. Dont les BM21, ou orgues de Staline, et des missiles antiaériens »4

Par contre le plus gros noyau va créer un groupe islamique nommé Ansar Eddine, sous la
houlette d’un Touareg Iad Ag Ghali qui permit, en 2009, la libération d’un otage français.

« Ansar Edinne (partisan de la religion, en Arabe). Mouvement touareg musulman dirigé


par Iyad Ag Ghali qui aux côtés du MNLA, d’AQMI et du MUJAO, a pris le contrôle du
nord du Mali en 2012. Une partie de ses membres veut l’application stricte de la charia. »5

Enfin, M. Amadou Toumani Touré, (surnommé ATT) « qui avait ramené le calme dans le
Nord en 1992 en négociant le pacte national du 11 avril scellant la paix avec les rebelles »6,
fut élu le 12 mai 2002 comme président de la République du Mali. Son second mandat
expirait en avril 2012. Mais contre toute attente, le MNLA déclenche une rébellion le 17
janvier 2012. En effet, du 7 au 10 janvier, l’émissaire du président ATT, Mohamed Ag Erlaf
se réunissait à Abeibara avec les représentants du MNLA, d’Iayd Ag Ghali d’Ansar Edinne et
des notables de Kidal. La suite, nous la connaissons : ATT est renversé le 22 mars 2012 par le
capitaine Sanogo et le nord est occupé par la rébellion touarègue.

1.2. François Hollande dans la même logique « séparatiste » du Mali


Le mercredi 9 janvier 2013 dernier, François Hollande demandait à son armée d’attaquer les
groupes « djihadistes » qui occupent le nord du Mali. La raison est leur descente sur le sud.

« Deux colonnes de quelques 1200 combattants, à bord de 150 à 200 pickups équipés de
canons et de mitraillettes lourdes, se dirigent vers la ‘‘frontière virtuelle’’ du Nord avec le
sud du Mali. Objectif les villes de Konna et de Mopti. »7

Ainsi donc, la France avait déjà divisé ce pays, par une « frontière virtuelle » : le nord
appartenant aux Touareg, et le sud aux autres. Or les Touareg représentant, à peine 10 % de la
population malienne. Mieux, ils sont même minoritaires parmi les populations du nord du
Mali. Nous comprenons maintenant le sens de la réunion restreinte sur le Mali en date du 31
octobre 2012, présidée par François Hollande, et rapportée par un hebdomadaire français :

4
Le Canard enchaîné N° 4764 du mercredi 15 février 2012, page 3
5
Magasine français les collections de l’Histoire N58, Le Sahara : 5 000 ans de géopolitique, page 94
6
Le Monde diplomatique N° 702, de septembre 2012, page 9
7
Le Canard enchaîné N°4812 du mercredi 16 janvier 2013, page 3

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Notre crédo au MORAF : Informer pour former et transformer le monde

« Six mois après son élection, Hollande, chef des armées, avait demandé au cabinet de Le
Drian d’étudier les scénarios militaires en cas d’aggravation de la crise au Mali. Et pour
contrer, si besoin, les djihadistes installés dans le nord depuis avril. »8

Ce qui est marquant, c’est que pour M. Hollande, la situation n’était pas encore aggravée. Et
pourtant, déjà en juillet 2012, c’est-à-dire, deux mois après son élection, la situation était
dramatique au nord du Mali avec la violation des droits de l’homme et la destruction des
monuments. Cela est même rapporté par un journal français. Lisons cet extrait :

« (.. .) des musulmans qui saccagent des mosquées et des tombeaux, humilient, asservissent
d’autres musulmans. Cela se passe à Tombouctou, au nord du Mali, où les émules d’Al-
Qaïda, nommés Aqmi, Ansar Dine, Mujao, sont en train de fonder la patrie (…) de
l’islamisme le plus fanatique du monde. (…). Pourquoi ces destructions de temples et de
mausolées, vieux de plus de cinq cent ans, semblent – elles plus émouvoir l’opinion que les
exactions commises par ces mêmes islamistes ? (…), en détruisant le beau, l’antique, le
vénérable, qui touchent à l’universel, on supprime un bien commun de la planète. La vie
humaine aurait-elle perdu ce statut ? »9

En guise de conclusion à cette partie, le constat est clair : La France a une grande part de
responsabilité dans la crise malienne. Et son action n’est que justice. Elle ne constitue pas un
remboursement de dette, comme le prétend le président français François Hollande. Et
puisqu’il a parlé de dette, c’est le lieu revisiter l’Histoire.

2. Ce que le Mali a fait pour la France


Nous allons simplement nous centrer sur les deux dernières guerres. En effet, lors de la guerre
européenne de 1914-1918, abusivement appelée « première guerre mondiale », le Mali actuel
sous occupation française, était baptisé le Soudan occidental. Cela n’a pas empêché le peuple
malien de participer à cette guerre au côté de France.
D’abord, il y a l’effort de guerre apportée par l’Afrique en termes de ressources.

« Il faut toujours davantage de ressources pour la métropole : cultures obligatoires et


réquisitions de produits »10.

D’autre part, c’était des hommes dont la France avait besoin comme soldats.

« Il faut des soldats pour la guerre en Europe. La première année, 10 072 hommes sont
mobilisés au soudan. En 1916, le recrutement s’intensifie et touche 14 853 hommes. (…) .
Mais les évènements d’Europe, telle la capitulation de la Russie et les défaites italiennes,
obligent l’armée à renforcer ses effectifs. Le 14 janvier 1918, Blaise Diagne, premier
député noir du Sénégal, est nommé commissaire de la République et chargé du recrutement
en Afrique Occidentale française. Il mobilise 14 357 hommes au Soudan. Ce sont donc au
total 41 159 hommes qui sont envoyés combattre pour la France entre 1914 et 1918.
Beaucoup sont tués, d’autres blessés »11

8
Idem, page 3
9
Le Canard enchaîné N° 4784 du mercredi 4 juillet 2012, page 8
10
Joseph Roger de Benoist, Le Mali, L’Harmattan, Paris, 1998, page 94
11
Idem

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Au cours de l’autre guerre européenne de 1939-1945, communément appelée « seconde


guerre mondiale », l’Afrique en générale, et le Mali en particulier, ont, encore, fortement
contribué à la victoire de la France et ses alliés. Et la France qui, en moins d’un an, à été
vaincue et occupée par l’Allemagne, a eu recours du début à la fin du conflit, à l’Afrique.
D’abord, c’est la ville de Brazzaville – au Congo - qui fit office de capitale de la France libre.
Lisons le général de Gaule lui-même ce qu’il écrivit dans ses mémoires :

« Désormais, d’évidences raisons me commandaient de dénier, une fois pour toutes, aux
gouvernants de Vichy, le droit de légitimité, de m’instituer moi-même comme le gérant des
intérêts de la France, d’exercer dans les territoires libérés les attributions d’un
gouvernement. (…). Je fixai, (…), à Brazzaville le 27 octobre, [1940], cette position
nationale et internationale (…) »12

Ensuite, c’est au Mali actuel que la France a caché son or (métal précieux) enfin que
l’Allemagne d’Hitler ne s’en empare. Ainsi, une partie fut mise à Bamako comme l’a révélé le
général de Gaulle dans ses mémoires :

« Quelques jours avant le départ une âpre discussion fut soulevée par les Anglais au sujet
de la destination que je donnerais, en cas de réussite, à un stock d’or très important qui se
trouvait à Bamako. Il s’agissait de métal précieux entreposé par la Banque de France pour
son compte et pour celui des banques d’Etat belge et polonaise. »13

Et une seconde partie fut dissimulée à l’intérieur du Mali :

« (…) la ville malienne de Médine (sans rapport avec celle d’Arabie Saoudite) […] où fut
cachée une partie de l’or de la Banque de France pendant la seconde Guerre mondiale. »14

Enfin, hormis ces planques d’or maliennes, pendant ce conflit européen,


« le Soudan, comme les autres colonies françaises d’Afrique, paya cher (…). Dès 1938,
devant l’aggravation de la situation internationale en Europe, le gouvernement français
avait intensifié le recrutement en A.O.F. Entre le début du conflit mondial et l’armistice
(1939-1940), puis après la rentrée de l’A.O. F dans la guerre (7 décembre 1942), des
dizaines de milliers d’hommes furent enrôlés et envoyés sur les différents théâtres
d’opération. Pour les populations restées sur place, ‘l’effort de guerre’ qui leur fut
demandé signifia une fiscalité de plus en plus lourde, puis le travail forcé, (…), où l’on
exigeait la fourniture de produits agricoles dans les proportions dépassant largement les
capacités réelles du pays. »15.

Malgré cette participation active des Africains, en général, et des Maliens, en particulier, la
France ne fut pas reconnaissance. La France n’honora pas sa dette. Pire, elle créera même une
loi inique pour spolier ces combattants Africains de leurs droits. Et pourtant, c’est grâce à ces
derniers qu’elle a pu avoir de la voix après le conflit et d’être respectée sur la scène
internationale.

12
Général de Gaulle, Mémoires de guerre : L’Appel 1940-1942, Plon, Paris 1954, pages 150-151
13
Idem, page 127
14
Jean de la Guéririvière, Exploration de l’Afrique noire, Du Chêne, Paris, 2002, page 135
15
Joseph Roger de Benoist, Le Mali, L’Harmattan, Paris, 1998, page 107

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« (…). Une dette de sang jamais vraiment honorée. (…). Avec leurs frères d’armes
‘‘métropolitain’’, les soldats d’Indochine, d’Afrique du Nord et d’Afrique noire ont été de
toutes les guerres européennes. (…). Mais, en 1959, une loi-dite de cristallisation- substitue
au régime de droit commun des retraites militaires discriminatoires applicables aux seuls
ressortissants des Etats nouvellement indépendants (…). Dans l’esprit du législateur de
l’époque, inspirée par le Premier ministre Michel Debré et par le général de Gaulle, il
s’agissait de sanctionner la rupture de tout lien avec la France. (…), les retraités des
contingents d’Ivoiriens ou de Maliens (…) – ont été gelées et converties en indéfinités
viagères. (…). À titre d’exemple, la retraite servie à quiconque ayant passé plus de quatre-
vingt jours dans une unité combattante est d’environ 427€ annuel pour un français. Mais
(…) celle du Malien 83 €. (…) Dans cette affaire, l’Etat français s’est montré ingrat et
mesquin. Il a cru faire des économies sur le dos de vieux messieurs, sous prétexte qu’ils
étaient étrangers. » 16

Conclusion

Comme nous venons de le voir, dans la crise qui a lieu au Mali, la France a joué un rôle
négatif. On pourrait même dire qu’elle fut un pyromane. Donc, en essayant d’éteindre le feu
qu’elle a permis d’allumer, elle n’est pas ce pompier sauveur mais, ce pyromane qui ayant eu
certainement des remords (sic) pour ce qu’il a fait, est revenu plus tard, malgré les dégâts
causés, éteindre le feu. Et ce n’est que justice, si la France est conséquente avec elle-même.
Par ailleurs, nous avions, brièvement, énuméré de manière non exhaustive ce que le Mali et
les Maliens ont fait pour la France. Et cette dette n’a pas été honorée sa dette. La France qui
avait stocké son or au Mali a pu l’utiliser pour s’acquitter de sa dette vis-à-vis de l’Angleterre.
Or le Mali, à l’instar de 13 autres pays ayant la sous-monnaie Colonie Française d’Afrique «
(…) sont obligés de déposer leurs réserves d’échanges dans les caisses du Trésor français
(..) »17. Question est-ce que le Mali peut-il s’en servir pour s’acquitter de la dette (sic) relative
à l’intervention de la France ? Car, déjà, au début du mois de février, le coût de cette
intervention française, selon un journal français « le parisien », s’élevait déjà à 700 millions
d’Euros.

Fait, le 17/02/2013

Tapé GROUBERA, Président du Mouvement pour la Renaissance de l’Afrique (MORAf)

Mail : moraf.afrique@gmail.com

16
Jeune Afrique N°2142 du 29 janvier au 4 février 2002, pages 20 et 21
17
Nicolas Agbohou, le Franc CFA et l’Euro contre l’Afrique, Solidarité Mondiale, 1999, page 68

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