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REPUBLIQUE ISLAMIQUE DE

MAURITANIE

LA RESISTANCE OCCULTEE DES POPULATIONS DU


SUD DE LA MAURITANIE CONTRE LA COLONISATION
FRANÇAISE

Abdoulaye Oiga
Ancien Directeur Général de la Caisse
Nationale de Sécurité Sociale de Mauritanie

Décembre 2020

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La résistance occultée des populations du sud de la
Mauritanie contre la colonisation française

La Mauritanie a été créée en 1899 par la France. Avant 1899, il


existait de l’Ouest à l’Est en remontant le fleuve, le waalo brach des wolof
qui avait sa capitale à N’Diourbel (Rosso Mauritanie actuel), le Fouta
Tooro, divisé en provinces : le Dimatt, le Tooro, le Law, le Bosseya, le
Nguenar, et le Damga, qui avaient presque tous leur capitale sur la rive
droite du fleuve, le Guidimakha, le Gadiaga et des Emirats. Ces états
étaient indépendants des uns des autres. Ils s’étendaient de part et d’autre
du fleuve Sénégal à l’exception des émirats qui étaient situés plus loin
dans le nord.

La France a décidé de conquérir le bassin du fleuve Sénégal et avoir


la main mise sur cette région. Pour ce faire, elle a détruit, la structure
politique de ces états pour les coloniser sous le prétexte de lutter contre
des islamistes. Ce que la France appelle islamiste sont des résistants à la
colonisation française qui se sont fédérés autour de l’un de leurs points
communs, la foi.

Pour affaiblir cette forte résistance, des populations de ces états


fondée sur leur foi inébranlable en la religion musulmane, la France créa
de nouvelles frontières, séparant ainsi les habitants de ces états, puis
divisa leur familles. C’est ainsi que le fleuve Sénégal fut une frontière,
créant un Waalo Brach Mauritanie, un Waalo Brach Sénégalais, un Fouta
Tooro Mauritanien, un Fouta Tooro Sénégalais, un Guidimakha
Mauritanien, un Guidimakha Malien, et un Guidimakha Sénégalais.

Après avoir divisé les populations de ces états et séparer les


familles, la France a fait des monographies pour étudier les mentalités et
les comportements des populations et recruter des collaborateurs parmi
certains dignitaires et religieux. L’un des événements les plus marquants
de la résistance, fut la bagarre du 15 février 1930 qui a eu lieu à Kaédi –
Cette bagarre, suscitée et organisée par la France dans le but de détruire
définitivement, la plus forte résistance qui lui a été opposée par les talibés
de Cheikhna Hamahoullah, tous de la communauté Soninké de Djeol et de
kaédi, pratiquant le wird des onze (11) grains.

A ces résistants, la France a opposé d’autres religieux pratiquant le


wird de douze (12) grains. Il y eu 53 morts et plusieurs blessés. Des 53
morts, 33 ont été enterrés dans une fosse commune. Les résistants
survivants de cette bagarres ont été arrêtés par la France et déportés.

La France a créé une haine entre des gens de la même Tarikha. En


effet, tous les protagonistes sont de la Tarikha Tijania, de Chekh Ahmed
Tijani. Les talibés de Cheikhna Ahmed Tijani étaient en train d’égrener leur
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chapelet, en l’absence de leur chef. Quand ils ont atteint le onze (11)
grains, ils ont vu venir Chekhna Ahmed Tijani, et ils ont décidé
d’augmenter un grain afin de permettre à leur chef d’assister à leur wird et
bénéficier ainsi des bénédictions supplémentaires. C’est là, la seule
différence entre les wird.

L’autre événement marquant contre la pénétration française, est


l’organisation de la résistance, par Abdoul Bocar Kane à Kaédi. Abdoul
Bocar Kane était un redoutable opposant à la France.

Il a organisé un front de résistance avec ses compagnons, Sidi


Ahmed Haïba, Demba Dramane Wane et Alboury N’Diaye qui est venu du
Djolof pour les rejoindre à Kaédi.

Pour pouvoir les capturer, la France a bombardé la ville de Kaédi à


partir du bateau « la Cigale » le 29 juillet 1890. Toute la puissance du feu
de Abdoul Bocar Kane et sa stratégie de combat reposaient sur son chef
d’état major : Birane Gaalé Dem Farba Birane Diack » dont les
descendants sont les guerriers chefs de village de Djowol. Les armes de
ce redoutable guerrier étaient fabriquées par la famille Waïga de Djowol.
Elles étaient stockées et gardées soigneusement par un autre redoutable
guerrier chef de village de Gori – Djeol du nom de Fakourou Tandia.

Après le bombardement de Kaédi par le bateau la cigale, le front


formé par Abdoul Bocar Kane se dispersa – Demba Dramane Wane
retourna chez lui où il fut assassiné par ses parents alliés des français.
Alboury N’Diaye alla vers le Mali – Abdoul Bocar Kane alla rejoindre ses
alliés charatitt en Assaba : qui l’ont trahi et assassiné.

Abdoul Bocar a été victime d’un complot organisé par la France


exécuté par Demba ould Guelaye du Litana et les charatitt.

Une autre résistance est celle de la jeunesse de Djeol appelé


« Thioppi Djeol » – les français avaient imposé une corvée aux populations
des villages situées sur le fleuve en particulier à la jeunesse de ces
villages. Le transport se faisait par les grandes barques, bateaux à voile de
Saint-Louis à Bakel. Les barques étaient tirés par 7 jeunes qui se
relayaient au niveau de chaque village. Lorsque la barque transportant les
colis et marchandises est arrivé à Djeol les jeunes de Djewol ont refusé de
faire, la relève et ont brûlé le drapeau français. Le français qui était chef du
convoi, tira sur l’un des jeunes, le tua et les autres disparurent dans la
grande forêt qui entourait le village.

Cette corvée a été supprimée à partir de cet acte de jeunes de


Djewol qu’on appelle « Thioppi Djewol » c'est-à-dire les poussins de
Djewol en langue peul.
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Dans le Tooro, il y a eu des grands résistants tels que le Lam Tooro
Sidiki Sall et Baïdi Kathié Pam qui a tué le Commandant Abdel Djandé. Il a
été exécuté par la France.

Dans le Dimatt, le célèbre marabout Elimane Boubacar Kane et son


fils Elimane Diaalo Hamet Kane, ce dernier a été arrêté déporté à Gorée
où il fut exécuté. Le waalo brach a connu également ses résidants : Dillé
Thiam, Birane Gaye, Youga Dalli, Hadya NDatté Yalla Diop.

Le Guidimakha a connu de grands résistants, le célèbre Mohamed


Lemine Dramé, Fodé Ismaila Diakité, de Gadiaga, Bakary Soulé Cissé et
Harouna Cissé du village de Koumba-Ndao.

L’on ne doit pas oublier le grand résistant Ibrahima Kane fondateur


du village de Maghama appelé Maghama Ibrahima – Il fut assassiné par
ses cousins sur ordre des Français. Il y a également Bocar Koundio et son
neveu Oumar Koundio de Lexeïba qui ont participé à la bagarre du 15 juin
1930 de Kaédi.

Il y a également le grand résistant fondateur des écoles El Fellah


Elhadj Mahmoud Bâ de Djeol. Il fut arrêté par les Français en provenance
de l’Egypte. Il transportait dans des camions des milliers de livres arabes.

Il fut transféré à Dakar, puis sur Saint-Louis. Les français finissent


par le renvoyer à son village à Djewol.

Voici la liste des résistants survivants à la tuerie de Kaédi du 15


février 1930 qui ont été déportés et leur lieu de déportation.

Les déportés en Côte d’Ivoire :


1. Paly Kaba Diakhité
2. Margata Kaba
3. Kadre Badakho
4. Abdoul Salam Tandia

Les déportés au Bénin :


1. Mohamed Boune Youssouf Diagana et son fils Youssouf
Mohamed Diagana mort en détention enterré au village de
Natilinkou
2. Samba Fakourou Tandia (Gori)
3. Abdoul Salam Tandia (Gori)
4. Fodé Abdoulaye
5. Diango Diagana
6. Kissima Baba Tandia (Gori)

Les déportés au burkina Faso :


1. Mahamadou Cissé
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2. Bellamané Koita (père de Guidado Khoumba Koita)
3. Fodé Gniouma
4. Modi Cissé
5. Bouna Tambo Wagué
6. Dramane Tandia (village de Gori)
7. Toka Sirandou Koita

Les déportés au Mali :


1. Fodé Chaîbou Diagana
2. Housseynou Manga (Gori)
3. Kaba N’Diaye (Gori)
4. Fodé Issagha Diagana
5. Fodé Diaguily Tandia (Gori)
6. Nima Naha NDiaye

Les déportés en Guinée :


1. Salahina Ndiabou Diakhité (Gori)
2. Cheikh Demba Tandia (Gori)
3. Mohamed Chouaibou Diagana
4. Bah Yahya Maréga
5. Lakhami Tandia
6. Bakari Kaba Diakhité

Les déportés à Atar:


1. Gaye Binta Diagana
2. Moussa Koita (père de Youssouf Koita) ancien président de
l’Assemblée Nationale de Mauritanie
3. Cheikh Tijani Bathili
4. Cheikhna Chouaïbou Diagana
5. Abdoulaye Idrissa
6. Samba Bathily
7. Abdoul Khalilou Diakhité
8. Hamidou Coulibaly
9. Aliou Sakho
10. Bintou Houleye Tandia
11. Kibily Ba Bouna Diagana
12. Amadou Diakhité
13. Fodié Demba Diakhité
14. Sidi Ali Coulibaly
15. Saïdou Dembélé
16. Cheikh Tidiane Fadé
17. Djibril Yaya
18. Bintou Assa Koita
19. Ousmane Manko
20. Baba Dinga Diallo
21. Mahadou Wopa
22. Waldé Diagana
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23. Djeïnaba Kaba
24. Mariame Fadiga
25. Halimata Abdoulaye Diagana
26. Binta Chouaïbou Diagana

Les déportés à Nouakchott :


1. Younouss Galledou
2. Mamadou Doucouré
3. Aliou Khooré
4. Moussa Issakha Diagana
5. Tah Birama
6. Tidiani Issagha Diagana
7. Almamy Coulibaly
8. Sidi Mohamed Diagana
9. Bah Doussou Traoré
10. Mohamedou Diallo
11. Talib Diagana
12. Moghamedou Sidi
13. Cheikhna Marbaba
14. Mahamadou Tandia
15. Abdoulaye Diallo
16. Habibou Sy
17. Birama Bâ
18. Boubacar Diop
Les déportés à Nouakchott étaient soumis à des travaux forcés. Ils ont
participé à la construction des maisons en banco du quartier Ksar de la
ville de Nouakchott.

Les déportés à Aleg :


1. Chadi Mangassouba (décédé en prison)
2. Bouna Amara Maréga (décédé en prison)
3. Mohamed bintou fadé
4. Nourou sakhanokho
5. Moussa Diagana

Les déportés à Moudjeria :


1. Moussa Gondo Diakhité (Gori)
2. Kondé Madjigué
3. Hamadi Kadi
4. Boubacar Sourakhata Camara

Les déportés à Rosso :


1. Sikhou Wagué
2. Moussa Semega

Les déportés à Boutilimitt :


1. Mohamed Diagana
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2. Mama Cimina Fadé
3. Aïssatou Cheikhou
4. Bilele Seïna Tandia
5. Moussiré Diagana
6. Miouma Diani

Ces différents faits historiques apportent un démenti sanglant à la thèse


développée par certains de nos compatriotes maures selon laquelle, les
noirs de Mauritanie étaient des bras armés des français pour coloniser la
Mauritanie.

Des telles contre-vérités ne sont pas de nature à renforcer l’amitié


nationale. Elles relèvent d’une falsification consciente de l’histoire de notre
pays. Ce qui est vrai c’est que l’ensemble des composantes de notre
peuple ont participé à la résistance contre la pénétration coloniale.

Si l’on se réfère à l’histoire, on sait que la France c’est après avoir vaincu
en les exterminant, les grands résistants du royaume du waalo au sud
mauritanien qu’elle a pu entrer dans l’Emirat du Trarza et puis continuer
vers le nord. C’est à partir de l’Emirat du Trarza où ils ont bénéficié de
l’appui et de la collaboration des marabouts de l’Emirat que les français ont
poursuivi la colonisation du pays.

Dans leur conquête du pays, ils ont utilisé la force des armes et la
corruption pour s’imposer à presque tous les chefs de tribus à l’exception
de l’Emir de l’Adrar, le redoutable guerrier Sid’Ahmed Aïda qui s’opposa
farouchement et finit par tomber les armes à la main.

Le 60ème anniversaire de l’indépendance de notre pays le 28 novembre


2020 a été l’occasion pour le chef de l’Etat, de rendre dans son discours à
la nation un hommage appuyé aux résistants Mauritaniens à la
colonisation française.

A la cérémonie de levée des couleurs, quelle ne fut pas ma surprise et ma


déception de constater qu’aucun noir ne figure parmi les récipiendaires des
médailles pour les résistants.

L’on ne peut pas à mon avis considérer Monsieur le Président de la


République comme responsable, mais plutôt ceux qui sont à l’origine du
choix des résistants présentés à Monsieur Le Président de la République –
Si cette omission a été faite par ignorance des faits, cet article leur fournit
suffisamment d’éléments qui leur permettront d’apporter des correction à
l’avenir.

Il importe de noter qu’au moment du transfert des actes de compétence


entre la France et les responsables des anciennes colonies
(indépendance), la France n’a donné le pouvoir qu’à ses alliés les plus
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fidèles. Et parmi ses alliés, l’Ethnie la plus minoritaire démographiquement
parlant.

Ce fut le cas de la Mauritanie, c’est pourquoi en guise de récompense à


ses alliés marabouts du Trarza le choix s’est porté sur l’un de leur fils pour
être le premier Président de la République. C’est également le cas du
Sénégal et du Cameroun. Cette règle vaut pour toutes les anciennes
colonies françaises. En 1960, à l’indépendance de la Mauritanie, la France
consciente de la minorité des beïdanes et en complicité avec le nouveau
gouvernement il a été décidé que les négro-mauritaniens représentent un
quart de la population. Ils inventèrent pour les beïdanes une majorité fictive
qui ne repose sur aucun recensement démographique. C’est ainsi que le
quota du quart accordé aux négro-mauritaniens a été créé et demeure
jusqu’à nos jours.

L’exemple pour illustrer cela, est le nombre des membres du


gouvernement accordé aux négro-mauritaniens.

Ce nombre a toujours été de 4 ministres et très rarement il est porté à 5.


Pour essayer de justifier cette majorité de la composante beïdane, il a été
organisé en 1964, un recensement général démographique de la
population. Les résultats de ce recensement ont donné les haratines
(Maures noirs) majoritaires, suivis des négros-Mauritaniens (Soninké, Peul,
Wolof et Bambara) et en troisième position les beïdanes. Le pouvoir a tout
fait pour que ces résultats ne soient pas publiés mais en vain. Depuis cette
date aucun recensement du même genre n’a été organisé en Mauritanie.
Si cela a été fait, les résultats n’ont jamais été publiés.

C’est toujours à la recherche d’une majorité à la composante beïdane au


pays, que le Président Moktar ould Daddah a voulu rattacher le Sahara
occidental à la Mauritanie. Mais son projet a échoué – poursuivant la
même politique, ses successeurs ont profité des événements dramatiques
qui ont lieu durant les années 1989, 1990 et 1991, pour tuer des centaines
et expulser des milliers de négro-mauritaniens vers le Sénégal et le Mali
pour diminuer leur nombre. La carte nationale d’identité biométrique a été
créée avec pour objectif entre, autre de limiter le nombre de négro-
mauritaniens comme citoyens tandis que des sahraouis, des Touareg et
même des Syriens réfugiés seraient recensés comme Mauritaniens
toujours à la recherche d’une majorité pour la composante beïdane.

A. OIGA
Ancien Directeur Général de la Caisse
Nationale de Sécurité Sociale

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