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Corpus n°2 sur le thème : « De la musique avant toute chose » Aurélie Stauder

Document n°1 : Boris Vian, « Le déserteur », 1954


Document n°2 : Georges Brassens, « Mourir pour des idées », 1972
Document n°3 : Les Misérables, Tome V, Jean Valjean, Livre premier, « La guerre entre quatre murs »,
Chapitre XV, « Gavroche dehors »
Document n°4 : Luigi Russolo, La révolte, 1911, huile sur toile, 150,8 sur 230,7 cm

Document 1 :
On m'a volé mon âme
Monsieur le Président Et tout mon cher passé
Je vous fais une lettre Demain de bon matin
Que vous lirez peut-être Je fermerai ma porte
Si vous avez le temps Au nez des années mortes
Je viens de recevoir J'irai sur les chemins
Mes papiers militaires Je mendierai ma vie
Pour partir à la guerre Sur les routes de France
Avant mercredi soir De Bretagne en Provence
Monsieur le Président Et je dirai aux gens
Je ne veux pas la faire Refusez d'obéir
Je ne suis pas sur terre Refusez de la faire
Pour tuer des pauvres gens N'allez pas à la guerre
C'est pas pour vous fâcher Refusez de partir
Il faut que je vous dise S'il faut donner son sang
Ma décision est prise Allez donner le vôtre
Je m'en vais déserter Vous êtes bon apôtre
Depuis que je suis né Monsieur le Président
J'ai vu mourir mon père Si vous me poursuivez
J'ai vu partir mes frères Prévenez vos gendarmes
Et pleurer mes enfants Que je n'aurai pas d'armes
Ma mère a tant souffert Et qu'ils pourront tirer.
Qu'elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes Boris Vian, « Le déserteur », 1954.
Et se moque des vers
Quand j'étais prisonnier
On m'a volé ma femme
Corpus n°2 sur le thème : « De la musique avant toute chose » Aurélie Stauder

Document 2 :
C'est le cas de le dire
Mourir pour des idées C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent
L'idée est excellente pas
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eue Dans presque tous les camps
Car tous ceux qui l'avaient On en voit qui supplantent
Multitude accablante Bientôt Mathusalem dans la longévité
En hurlant à la mort me sont tombés dessus J'en conclus qu'ils doivent se dire
Ils ont su me convaincre En aparté, "mourons pour des idées, d'accord,
Et ma muse insolente mais de mort lente
Abjurant ses erreurs se rallie à leur foi D'accord, mais de mort lente"
Avec un soupçon de réserve toutefois Des idées réclamant
Mourons pour des idées, d'accord, mais de Le fameux sacrifice
mort lente Les sectes de tout poil en offrent des
D'accord, mais de mort lente séquelles
Jugeant qu'il n'y a pas Et la question se pose
Péril en la demeure Aux victimes novices
Allons vers l'autre monde en flânant en Mourir pour des idées, c'est bien beau mais
chemin lesquelles?
Car, à forcer l'allure Et comme toutes sont entre elles
Il arrive qu'on meure ressemblantes
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain Quand il les voit venir
Or, s'il est une chose Avec leur gros drapeau
Amère, désolante Le sage, en hésitant
En rendant l'âme à Dieu, c'est bien de Tourne autour du tombeau, "mourons pour
constater des idées, d'accord, mais de mort lente
Qu'on a fait fausse route, qu'on s'est trompé D'accord, mais de mort lente"
d'idée Plus de danse macabre
Mourons pour des idées, d'accord, mais de Autour des échafauds, mourons pour des
mort lente idées, d'accord, mais de mort lente
D'accord, mais de mort lente D'accord, mais de mort lente.
Les Saint Jean bouche d'or
Qui prêchent le martyre Georges Brassens, « Mourir pour des idées »,
Le plus souvent d'ailleurs, s'attardent ici-bas 1972
Mourir pour des idées
Corpus n°2 sur le thème : « De la musique avant toute chose » Aurélie Stauder

Document 3 :

Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant (1) près d’une borne, une
balle frappa le cadavre.
— Fichtre ! fit Gavroche. Voilà qu’on me tue mes morts.
Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui. Une troisième renversa son panier.
Gavroche regarda, et vit que cela venait de la banlieue.
Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l’œil fixé sur les gardes
nationaux qui tiraient, et il chanta :
On est laid à Nanterre,
C’est la faute à Voltaire ;
Et bête à Palaiseau,
C’est la faute à Rousseau.
Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient tombées,
et, avançant vers la fusillade, alla dépouiller une autre giberne (2). Là une quatrième balle le manqua
encore. Gavroche chanta :
Je ne suis pas notaire,
C’est la faute à Voltaire ;
Je suis petit oiseau,
C’est la faute à Rousseau.
Une cinquième balle ne réussit qu’à tirer de lui un troisième couplet :
Joie est mon caractère,
C’est la faute à Voltaire ;
Misère est mon trousseau,
C’est la faute à Rousseau.
Cela continua ainsi quelque temps.
Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l’air de
s’amuser beaucoup. C’était le moineau becquetant les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par
un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats
riaient en l’ajustant (3). Il se couchait, puis se redressait, s’effaçait dans un coin de porte, puis
bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez,
et cependant pillait les cartouches, vidait les gibernes et remplissait son panier. Les insurgés (4),
haletants d’anxiété, le suivaient des yeux. La barricade tremblait ; lui, il chantait. Ce n’était pas un
enfant, ce n’était pas un homme ; c’était un étrange gamin fée. On eût dit le nain invulnérable de la
mêlée. Les balles couraient après lui, il était plus leste qu’elles. Il jouait on ne sait quel effrayant jeu
de cache-cache avec la mort ; chaque fois que la face camarde (5) du spectre s’approchait, le gamin
lui donnait une pichenette.
Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l’enfant feu
follet (6). On vit Gavroche chanceler, puis il s’affaissa. Toute la barricade poussa un cri ; mais il y avait
de l’Antée (7) dans ce pygmée (8) ; pour le gamin toucher le pavé, c’est comme pour le géant toucher
la terre ; Gavroche n’était tombé que pour se redresser ; il resta assis sur son séant (9), un long filet
de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l’air, regarda du côté d’où était venu le coup, et se
mit à chanter.
Je suis tombé par terre,
C’est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C’est la faute à…
Il n’acheva point. Une seconde balle du même tireur l’arrêta court. Cette fois il s’abattit la face contre
le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s’envoler.

Les Misérables, Tome V, Jean Valjean, Livre premier, « La guerre entre quatre murs », Chapitre XV,
« Gavroche dehors »
Corpus n°2 sur le thème : « De la musique avant toute chose » Aurélie Stauder

Notes :
1 - Gisant : étendu, sans mouvement ; mort.
2 - Giberne : boîte portée à la ceinture ou en bandoulière, dans laquelle les soldats mettent
leurs cartouches
3 - En l’ajustant : en le visant avec leur fusil.
4 - Les insurgés : les révoltés.
5 - Camarde : l’adjectif signifie «qui a le nez plat, écrasé». La camarde désigne également la
mort.
6 - Feu follet : petite flamme due à la combustion spontanée de gaz (se dégageant de matières
en décomposition).
7 - Antée : géant qui retrouvait ses forces dès qu’il touchait le sol.
8 - Pygmée : individu de très petite taille.
9 - Sur son séant : en position assise.
Corpus n°2 sur le thème : « De la musique avant toute chose » Aurélie Stauder

Document 4 :

Luigi Russolo, La révolte, 1911, huile sur toile, 150,8 sur 230,7 cm

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