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elle avait connu Musset.

« Très peu, Monsieur, répondit-elle d’un air qui faisait


semblant d’être fâché, et, en effet, c’était par plaisanterie qu’elle disait
Monsieur à Swann, étant fort intime avec lui. Je l’ai eu une fois à dîner. Je
l’avais invité pour sept heures. À sept heures et demie, comme il n’était pas là,
nous nous mîmes à table. Il arriva à huit heures, me salua, s’assied, ne desserre
pas les dents, part après le dîner sans que j’aie entendu le son de sa voix. Il
était ivre-mort. Cela ne m’a pas beaucoup encouragée à recommencer. » Nous étions
un peu à l’écart, Swann et moi. « J’espère que cette petite séance ne va pas se
prolonger, me dit-il, j’ai mal à la plante des pieds. Aussi je ne sais pas pourquoi
ma femme alimente la conversation. Après cela c’est elle qui se plaindra d’être
fatiguée et moi je ne peux plus supporter ces stations debout. » Mme Swann en
effet, qui tenait le renseignement de Mme Bontemps, était en train de dire à la
princesse que le gouvernement, comprenant enfin sa goujaterie, avait décidé de lui
envoyer une invitation pour assister dans les tribunes à la visite que le tsar
Nicolas devait faire le surlendemain aux Invalides. Mais la princesse qui, malgré
les apparences, malgré le genre de son entourage composé surtout d’artistes et
d’hommes de lettres, était restée au fond, et chaque fois qu’elle avait à agir,
nièce de Napoléon : « Oui, Madame, je l’ai reçue ce matin et je

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