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Sébastien FEUILLOY

Faire de son mieux


et changer le monde

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Chapitre 1
L’amour romantique

« Je vois certains se consumer par amour, quand d’autres le consomment.


D’autres encore l’espèrent, quand certains se désespèrent.
Ce qu’ils ne savent pas, c’est que l’amour
ne se trouve qu’à l’intérieur de nous-même. »

Arrivé à l’angle de la venelle, Sébastien freina la course de son vélo et tourna dans
cette direction. Les derniers coups de pédale de la journée l’emmenèrent victorieusement
jusqu’à une porte en métal abimée, sous laquelle dépassait de quelques centimètres une
truffe noire renifleuse. Un tour de clé dans la serrure et Sébastien se vit accueilli comme un
dieu vivant par les deux chiens de la maison, qui s’empressèrent de lui sauter dessus en lui
aboyant tout leur amour. Quelques caresses de circonstance en évitant les pattes boueuses
des boules de poils, et il fut fin prêt à franchir le pas de la porte-fenêtre le menant à la
cuisine.
_ Bonjour trésor, sourit-il, en observant sa compagne savourer son goûter rituel : pain grillé,
beurre de cacahuètes et rondelles de banane. Il lui déposa un baiser sur sa joue dépourvue de
pâte à tartiner.
_ Bonjour toi, répondit-elle, entre deux bouchées de plaisir. Tu as passé une bonne journée ?
_ Oui, ça a été. Et toi ?
_ Également. Je finis ça et je file à l’escalade ! Je ne suis pas en avance… Souffla t-elle.
_ L’as-tu déjà été ? Se moqua t-il.
Elle hésita une seconde à lui lancer ce qu’elle avait sous la main, avant d’enfouir le dernier
morceau de goûter dans sa bouche. Cette tartine méritait un meilleur sort que le visage de
son bien-aimé.
_ Après la séance, je pense aller boire un verre avec les filles. Alors ne m’attendez pas pour
diner.
_ Ça marche. Je te réserverai une part dans le réfrigérateur.
_ Cela dépend de ce que tu cuisines, dit-elle avec malice.
_ Je me laisserai bien tenter par un wok de légumes avec des nouilles sautées. J’en ai eu
envie toute l’après-midi, après avoir vu un de mes collègues en dévorer un ce midi.
_ Hum… Alors je dis oui à une part ! Je serai contente de l’emporter au boulot demain. Je
pense diner avec les filles, après le verre. Mais je n’aurai rien à me préparer en rentrant
grâce à toi ; c’est parfait !
Bam !
La porte d’entrée venait de se refermer violemment dans un bruit sourd, faisant frissonner
les murs du rez-de-chaussée. Le duo, surpris, échangea un regard interrogateur. Des bruits
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de pas remontèrent avec ardeur l’escalier de l’entrée, avant de disparaitre dans un deuxième
claquement de porte, tout aussi sonore.
_ Je te laisse gérer ça, je dois filer ! Lâcha sa femme dans un sourire, avant d’embrasser son
compagnon.
_ Parfait. Je n’avais rien de prévu ce soir, ça tombe bien, se lamenta Sébastien. Tu sais ce
qu’elle a ?
_ Peut-être une dispute avec son copain. Ils ont du mal à s’aligner tous les deux, en ce
moment. Tu le sauras assez vite en lui demandant. Bonne chance !
_ Amuse-toi bien, sourit-il.
Il laissa son regard suivre les mouvements de sa compagne, qui s’en échappa en refermant
la porte derrière ses pas. Il revint à la table de la cuisine, tandis que l’un des deux chiens
posa sa truffe sur sa cuisse. Il n’aimait pas savoir sa fille contrariée et il ressentit le besoin
de la retrouver, pour la réconforter. Mais il lui fallait prendre des forces avant cela et le
goûter de sa compagne ferait parfaitement l’affaire ! Il avala une tartine d’une main, tout en
caressant le crâne réfugié sur sa cuisse de l’autre. Puis il se leva, bien décidé à transformer
cette colère en sourire.

Sébastien frappa à la porte de la chambre.


_ Il y a quelqu’un ? Demanda t-il.
_ Non ! Hurla Emma de l’intérieur de la pièce.
_ C’est étonnant, il me semblait avoir entendu du bruit à l’étage.
_ Tu as dû rêver, c’est tout.
_ Oui, certainement. Comme j’ai rêvé la porte d’entrée venue s'exploser contre le mur de la
maison, remarqua t-il.
La porte de la chambre s’ouvrit et une tête brune apparut alors dans l’encadrement.
_ Très certainement.
_ Puis-je entrer ?
_ Oui, tu peux. Elle regagna sa couette et s’affala dessus, tandis que Sébastien s’assit dans
un fauteuil, situé à gauche de la tête de lit.
_ Tu me dis ce qu’il y a ?
_ C’est rien.
_ C’est assez pour te mettre en colère.
_ Peut-être… Je ne sais pas si j’ai envie d’en parler.
_ Tu préfères en discuter avec ta mère ?
_ Non, ce n’est pas ça. L’un ou l’autre, ça revient au même. C’est juste que je ne sais pas si
j’ai envie d’en parler…
_ Alors tu m’en parleras quand tu le sentiras. Mais ne garde pas ça pour toi, si cela te fait du
mal.
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_ C’est Théo, lâcha t-elle finalement. On s’est encore disputé et ça me rend triste. On ne se
comprend plus. Ça me saoule, lâcha t-elle.
_ Pourquoi vous êtes-vous disputés ?
_ Pour des bêtises, en plus. Je le sens de plus en plus fuyant, depuis quelques temps, et ça
m’inquiète. J’essaie de comprendre, d’amorcer une discussion sur ce sujet avec lui, mais il
réfute cette idée et dit que c’est dans ma tête. Sauf que je vois bien la différence entre le
début de notre relation, où je le sentais très amoureux et aujourd’hui, où il est bien plus
distant et moins attentionné. J’ai l’impression de passer au second plan. Et je ne comprends
pas pourquoi il s’est soudainement mis à changer comme ça, sans raison apparente.
_ Comment réagis-tu quand tu le sens distant ? Demanda son père.
_ Pas bien, évidemment ! Surtout qu’il n’y a pas de raison pour qu’il le soit. Je fais tout pour
qu’il soit heureux.
_ C’est-à-dire ?
_ Théo, c’est quelqu’un qui n’a pas confiance en lui, expliqua t-elle. Il se dévalorise
souvent, pense qu’il ne vaut pas grand chose et qu’il est différent des autres. Il se sent
souvent seul. Et en même temps, il se coupe souvent du monde extérieur en se tournant vers
la musique. Il n’y a que quand il joue de sa guitare, qu’il se sent vraiment heureux. Alors il
s’isole facilement pour jouer. Pourtant, je suis présente pour lui. Je me rends toujours
disponible, j’essaye de lui redonner confiance en lui et de le valoriser, parce qu’il est très
sévère avec lui-même. Il n’est jamais suffisamment satisfait par ce qu’il fait. Pourtant, il est
intelligent et a du talent pour tout ce qu’il entreprend. Mais il ne s’en rend pas compte. Il est
trop exigeant.
Elle s’interrompit quelques instants avant de reprendre :
_ J’ai besoin qu’on passe beaucoup plus de temps ensemble. Il n’y a aucun intérêt à être
avec quelqu’un, si c’est pour se voir une à deux fois par semaine. J’ai parfois l’impression
que c’est une obligation pour lui, alors que je me plie en quatre pour faire tout ce qu’il a
envie ! Ça me rend super triste… Et dès que je le lui fais remarquer, il noie le poisson et rien
ne change. Alors ça m’énerve encore plus ! Et il fuit tout conflit. À la moindre dispute, il
coupe tout et part se réfugier dans sa musique. Ce qui a le don de me rendre encore plus
folle ! Je ne sais plus quoi faire… Se désespéra t-elle.
_ Es-tu sûre qu’il a envie de continuer votre relation ?
_ Bien oui, c’est ce qu’il me dit. Je l’aime vraiment, papa. Je ne veux pas que ça s’arrête,
avoua t-elle, quelques larmes descendant le long de ses joues.
_ Tu ne veux pas que votre relation s’arrête et, pourtant, celle-ci ne te convient plus. Si cela
te rend malheureuse, pourquoi vouloir insister ?
_ Papa, tu rigoles ? Se plaignit-elle. Si tu es monté pour me dire de le quitter, merci, mais tu
peux redescendre. Je n’ai pas envie d’entendre ça !

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_ Je me doute bien que le choix de la séparation n’est pas celui que tu souhaites faire. Mais
si vous n’arrivez pas à trouver la juste mesure afin d’être heureux ensemble, alors il vaut
peut-être mieux se résoudre à l’idée que vous n’êtes pas fait l’un pour l’autre. Tu ne crois
pas ?
_ Je devrais donc baisser les bras à la moindre complication ? Réagit-elle.
_ Ce n’est pas ce que je dis. Mais si tu attends de lui qu’il change et qu’il ne s’en sent pas
capable, alors vous ne pourrez pas trouver ce juste milieu pour être bien ensemble.
_ Mais tout allait très bien, au début. C’est seulement depuis quelques temps, qu’il est
différent. Qu’il prend ses distances avec moi. C’est comme si, depuis que notre histoire est
devenue vraiment sérieuse, il prenait peur et se repliait sur lui-même. Au lieu de profiter de
la chance qu’on a et de continuer à s’aimer de plus en plus fort, lui choisit de prendre du
recul et de fuir.
_ Il ne se sent peut-être pas prêt à être en relation. Cela peut l’effrayer, surtout s’il ne se sent
pas capable de te donner tout ce que tu lui demandes.
_ Je ne sais pas. Il ne me l’a jamais dit. S’il ne se sentait pas capable, il ne se serait
certainement pas mis avec moi. Alors je ne pense pas que ce soit ça.
_ Tu es peut-être prête à vivre une relation durable, lorsque tu t’engages dans une relation
avec quelqu’un, mais ce n’est pas forcément le cas de tout le monde. On peut désirer
connaitre l’amour, mais n’être pas encore prêt à le vivre au quotidien.
_ Je ne lui demande pourtant pas grand chose, papa. Juste de passer plus de temps ensemble.
Je ne vais pas lui passer la bague au doigt pour autant ! Il peut bien faire ça.
_ Et pourquoi vous êtes-vous disputés aujourd’hui ?
_ Parce qu’il m’a surpris à regarder dans son téléphone…
_ Emma, se désola son père.
_ Mais papa ! Il est super distant depuis quelques temps et il met des plombes à répondre à
mes messages, alors que je vois bien qu’il les a lu. Ça ne se fait pas ! Il répondait toujours
rapidement, au début de notre histoire. Ce n’est pas normal, un tel changement. Alors j’ai
voulu vérifier qu’il n’y avait pas une fille se dissimulant là-dessous.
_ Et y a t-il une fille cachée ?
_ Je ne sais pas, je n’ai pas eu le temps de tout éplucher. Mais je n’ai rien lu de louche, si
c’est ce que tu veux savoir, confessa t-elle.
_ Alors soit rassurée.
_ Bien non. Heureusement pour lui, qu’il ne s’amuse pas à me tromper ! Autrement, il
l’aurait regretté… Mais le problème reste entier. Il y a quelque chose qui ne va pas et il ne
veut pas me dire quoi. Et maintenant, il m’en veut à mourir d’avoir regarder son téléphone.
_ C’est légitime, non ?

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_ Bien, s’il ne voulait pas que je le regarde, il n’avait qu’à pas le laisser trainer à côté de
moi. Et puis quand on n’a rien à cacher, on s’en fiche, en vrai ! Moi, je ne l’aurais pas mal
pris. Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à ça, dans un couple.
_ Tu ne t’es pas excusée ?
_ Si. Mais ça m’a énervé qu’il se mette en colère pour ça, alors je me suis emportée et il est
parti. Il fuit toujours, dès qu’il y a un problème. On ne peut jamais discuter de rien. Ça me
rend super triste…
_ Trésor, tu dois aimer ton partenaire pour ce qu’il est et non pour ce qu’il t’apporte. Il est
normal que la passion des débuts s’émousse avec le temps. Comme on devient aussi plus
conscient de qui est vraiment celui qu’on aime. Parce qu’on peut avoir tendance à l’idéaliser
et à lui prêter des qualités, qu’il n’a peut-être pas forcément.
_ Peut-être…
_ Tu sais, il n’est pas normal d’être autant en colère en relation. Quand on aime
véritablement, il ne doit pas y avoir de colère. Comme il ne doit pas y avoir de jalousie, de
possessivité ou de contrôle. Ou encore de ressentiment, de manipulations émotionnelles, de
critiques, de jugements ou d’attaques. Tous ces comportements négatifs ne peuvent pas
exister, lorsqu’on aime véritablement son partenaire. L’amour ne peut pas se transformer en
sentiment d’hostilité ou en agression, comme il ne peut pas osciller entre la joie et la
souffrance.
_ Je comprends ce que tu veux dire, mais je n’arrive pas à contrôler ma colère, quand je la
sens monter en moi. J’en suis incapable, c’est plus fort que moi. Elle prend possession de
mon corps et il faut que je l’extériorise. Pourtant, je sais que je l’aime. Je le ressens au plus
profond de mon coeur… Je veux toujours être avec lui, je m’endors en pensant à lui, je me
réveille avec lui… Il est toujours dans mes pensées. Je me sens vivante en sa présence. Je ne
sais pas… C’est con à dire, mais je me sens plus complète, depuis que je suis avec lui. Tout
ce qui tourne autour de nous n’a plus vraiment d’importance, quand on est ensemble…
_ On confond souvent la relation amoureuse véritable avec la relation romantique, mais ce
n’est pas la même chose. Dans la relation romantique, tu peux retrouver tous les
comportements que je t’ai cité. Mais ils n’existent pas dans la relation amoureuse véritable.
Bien souvent, on a un besoin d’amour très fort et on a peur de ne pas être aimé. On vit donc
difficilement ce manque d’amour. Sans lui, on ne se sent pas complet. Alors quand une
personne qui nous attire se présente à nous et qu’on débute avec elle une relation spéciale,
on a l’impression qu’elle répond à tous nos problèmes. Tout ce qui était important
auparavant ne l’est désormais plus vraiment. Parce que celle ou celui qu’on aime prend
toute la place dans notre vie. Il agit sur nous comme une drogue. Le souci, c’est que notre
bonheur ne vient pas de nous-même, mais de l’extérieur… On ne peut pas rendre une autre
personne responsable de notre bonheur. Parce que, peu importe à quel point elle est capable
de nous aimer, elle ne peut pas savoir ce qu’il se passe dans notre tête. Elle ne pourra donc
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jamais deviner toutes nos attentes et elle ne sera jamais en mesure de nous satisfaire comme
nous le désirons. C’est pourquoi, lorsque vient le moment où celui qu’on aime adopte des
comportements différents de ceux auxquels on s’attendait, on commence à ne plus être
entièrement comblé. Nos besoins sont de moins en moins satisfaits et on ressent à nouveau
ce manque d’amour. Les sentiments de peur et de souffrance, que l’on pensait envolés avec
l’arrivée de notre bien-aimé, refont surface et reviennent nous hanter. Et, là où notre
compagnon faisait office de drogue, on se rend compte qu’il a désormais moins d’effet sur
nous ou que les effets ne suffisent plus à nous compléter. On peut même arriver à penser
qu’il est responsable de notre souffrance et on projette ainsi sur lui notre colère, notre
jalousie, notre possessivité, notre ressentiment, nos jugements, nos critiques, nos attaques et
notre tristesse. On l’agresse avec toute notre douleur. Et lui répond bien souvent de la même
manière, ce qui amène les relations, au fur et à mesure des crises à répétition, à la haine et à
la séparation. En plaçant notre bonheur dans les mains de quelqu’un d’autre, on s’expose au
risque qu’il nous en sépare ou qu’il l’abime. Par contre, si celui-ci vient de l’intérieur de
nous-même, alors on en est le seul responsable. Notre bonheur ne dépend plus de
l’extérieur, parce qu’il existe en nous grâce à notre amour, et alors plus personne ne peut
décider de nous l’enlever.
_ Et comment savoir si l’on aime véritablement ? Que l’on n’est pas dans une relation
romantique mais amoureuse ?
_ Quand ton comportement est dicté par l’amour et non par la peur. Par exemple, lorsqu’on
a peur dans une relation, on peut avoir l’impression de devoir faire certaines choses par
obligation et on attend de l’autre qu’il fasse telle ou telle chose parce qu’il le doit. Alors
qu’en amour, on fait les choses parce qu’on en a envie, non pas parce qu’on s’y sent obligé.
Cela nous fait plaisir de les faire. Lorsqu’on a peur dans une relation, on peut avoir tendance
à choisir à la place de l’autre, à vouloir le contrôler. Alors qu’en amour, on respecte toujours
son partenaire. On a confiance en lui et on sait qu’il peut faire ses choix par lui-même.
Lorsque nos comportements sont dictés par la peur, on peut fuir nos responsabilités et ne
pas assumer nos actes, on peut être méchant avec celui qu’on aime, on peut se sentir victime
de tout un tas de choses et d’en ressentir de la colère, de la jalousie ou de la trahison. On a
tendance à ne penser qu’à soi, on est capable de mentir… Tout cela crée une sorte de poison
émotionnel, qui nous contamine et que l’on rejette sur l’autre. Alors qu’en amour, il n’y a
aucune douleur émotionnelle. Parce que les relations d’amour sont faites de respect et que
chacun se sent responsable de ses actes. Il n’y a pas de mensonges. On se sent bien, heureux
et on a envie de partager notre bonheur avec les autres. On est généreux. Et il y a cette
notion d’amour inconditionnel que l’on ressent et que l’on donne, sans rien attendre en
retour. Sans raison ni justification. On aime son partenaire tel qu’il est et lui nous aime tel
qu’on est. Chacun est libre d’être qui il est vraiment, sans craindre ni jugement ni critique.

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On ne peut demander à personne de changer pour nous, comme aucun ne doit vouloir nous
changer. Nous seuls avons ce pouvoir sur nous-même.
_ Tu penses que je ne l’aime pas vraiment ? Que c’est une relation romantique ? S’inquiéta
Emma. J’ai envie de l’étrangler quand il m’énerve ! Ce n’est pas normal de ressentir ça…
_ Ce n’est pas à moi de répondre à cette question, sourit son père. Tu es la seule à connaitre
la réponse et celle-ci se situe ici, dans ton coeur. Ce qui est sûr, c’est que les blessures du
coeur nous compliquent singulièrement la vie dans notre quête d’amour. Et si nous n’avons
pas pris conscience de leur existence et de l’importance de les guérir, alors il nous est
difficile de vivre des relations d’amour harmonieuses et épanouissantes.
_ Et quelles sont ces blessures du coeur ?

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Chapitre 2
Les blessures de l’âme

« On entend souvent les gens tristes dire qu’ils ont perdu le goût de tout.
C’est juste que le coeur a trop été gavé de peines et de difficultés,
qu’il n’en peut plus avaler.
Alors perdre le goût de tout, c’est surtout le bon moment
pour écouter ce corps qui prend soin de nous,
en cherchant à guérir les blessures du coeur. »

_ Ces blessures du coeur dont je te parle sont aussi appelées les blessures de l’âme. On
reproduit souvent le conditionnement affectif que nous avons eu avec nos parents dans nos
relations amoureuses. Par exemple, si on a eu l’impression d’avoir été étouffé d’amour par
un de nos parents, on peut avoir peur de l’être à nouveau avec notre compagnon et ainsi
craindre de perdre notre liberté. Si on a été mal aimé par nos parents ou qu’ils n’ont pas su
nous montrer leur amour, on peut manquer de confiance en nous et dans les autres. On a
alors peur de l’engagement, car on risquerait de ressentir le rejet ou l’abandon dont on a
souffert enfant. C’est pourquoi il est essentiel de nous aimer nous-même, pour réussir à
aimer de manière juste. Sans cela, nos blessures interfèrent avec notre amour et nous aimons
de manière possessive ou détachée, angoissée ou superficielle… Et nous continuons de
souffrir toujours plus.
_ Il y a combien de blessures ? Et comment je sais laquelle je peux avoir ? Demanda Emma.
_ Il y a cinq grandes blessures : le rejet, l’abandon, l’injustice, la trahison et l’humiliation.
La majorité des gens ont plusieurs blessures, mais elles n’ont pas toutes le même degré de
douleur. Chaque blessure est vécue durant notre petite enfance avec l’un de nos parents.
Lorsqu’un enfant vit la blessure, il ressent une grande souffrance, à laquelle il veut à tout
prix échapper. Lorsqu’un évènement le confronte de nouveau à sa blessure, il fait donc tout
ce qu’il peut pour échapper à cette souffrance et il se crée alors différents comportements,
des masques, croyant que ceux-ci le protégeront. Il existe un masque différent pour chacune
des cinq blessures. Lorsque cet enfant porte son masque, il n’est plus lui-même, car il
adopte une attitude différente pour se protéger, espérant éviter la souffrance. Le problème,
c’est que tous ces comportements sont dictés par la peur de revivre la blessure. Et cette peur
conditionne et modifie nos façons de pensée et de sentir et nos manières de parler et d’agir.
Cela crée chez l’enfant un déséquilibre émotionnel, car il n’est plus centré avec son coeur,
avec qui il est réellement. Il lui est donc impossible de se sentir bien dans ces conditions.
Plus on utilise notre masque en réponse à un évènement réactivant notre blessure et plus on
aggrave notre blessure, puisque le masque qu’on utilise nous fait du tort. Et plus la blessure
s’aggrave, plus on craint la souffrance associée, plus on a peur d’y être confronté et c’est
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pourquoi nous continuons de porter nos masques en réponse. C’est un cercle vicieux qui ne
fait qu’agrandir notre blessure et aggraver notre souffrance.
_ Pourquoi les met-on s’ils nous font du mal ?
_ Parce que la plupart du temps, nous ne nous rendons pas compte que nous portons nos
masques. Nous les avons développé au fur et à mesure de notre vie et nous pensons qu’ils
font partie de nous ; on s’est identifié à eux. Cela nous semble donc normal de les porter
pour nous protéger, lorsqu’on a peur de souffrir. Notre mental a créé ces masques et nous lui
avons donné inconsciemment le droit d’intervenir quand il le souhaite, dès qu’une situation
venant réveiller une blessure se présente. Ce qu’il fait avec beaucoup d’ardeur et de malice.
Le souci, c’est que nous ne sommes plus nous-même lorsque nous portons un masque. Nous
adoptons la personnalité associée à celui-ci et nous sommes alors sous l’emprise de notre
mental. Et ses besoins ne sont pas du tout les nôtres, malheureusement.
_ C’est-à-dire ?
_ Pour chaque grande blessure, le mental crée un masque, une personnalité, qui prend place
en nous dans le but de dissimuler notre blessure, afin de ne pas affronter la souffrance
associée. Imagine que cette blessure de l’âme est une blessure que tu as sur ta main depuis
longtemps. Pour ne pas être confrontée à elle par peur de souffrir, tu as laissé ton mental
gérer cette situation pour toi. Et lui a simplement mis un gant sur ta main, pour que tu ne
vois plus cette blessure. Ce gant équivaut au masque que tu portes. Il pense qu’en te
dissimulant la blessure, tu n’auras plus mal. Malheureusement, cela ne fonctionne pas ainsi
et à force d’ignorer cette blessure et de négliger de la soigner, celle-ci empire avec le temps.
Plus elle s’aggrave et plus tu as peur d’y être confrontée. Et le mental, lui, continue de te
faire croire que tu n’es pas blessée et qu’il sait gérer la situation pour toi. Il est si puissant
que la plupart du temps, tu ne te rends même pas compte qu’il prend possession de toi pour
gérer cette situation. Ainsi, tu continues d’avoir peur d’affronter ta blessure et tu portes ton
masque pour ne pas la voir, pensant qu’elle va enfin disparaitre. Or, il se passe tout l’inverse
et tu continues d’alimenter cette blessure et ta souffrance.
_ Quels sont ces masques qu’on met lorsqu’on a l’une des cinq blessures ?
_ Dans le cas de la blessure de rejet, le masque qu’on porte est celui de la fuite.
_ Tiens, comme c’est étonnant ! Ça me fait vaguement pensé à quelqu’un, sourit Emma.
_ Dans le cas de la blessure d’abandon, le masque est celui de la dépendance, continua son
père. Ça ne te fait pas vaguement pensé à quelqu’un d’autre ?
_ Absolument pas, mentit-elle.
_ Pour la blessure d’humiliation, c’est celui du masochisme qui est utilisé. Pour celle de la
trahison, c’est celui du contrôle et pour la blessure d’injustice, c’est celui de la rigidité.
_ Tu peux m’en dire plus sur la blessure de rejet et le masque de fuite ?
_ Oui. La blessure de rejet apparait lorsque l’enfant se sent rejeté par un de ses parents. Ce
parent ne l’a pas forcément rejeté volontairement, cela a pu se produire de manière
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involontaire ou bien l’enfant l’aura interprété ainsi. Ce n’est pas tant ce que nos parents sont
et font qui créent la souffrance liée à notre blessure, mais plutôt notre perception de leur
attitude vis-à-vis de nous-même. Ainsi, à chaque fois que l’enfant est confronté au rejet d’un
de ses parents ou de quelqu’un d’autre, sa blessure augmente et il souffre de plus en plus.
C’est pourquoi son mental crée un masque de fuite, une sorte de nouvelle personnalité, pour
lui éviter de sentir à nouveau du rejet. La plus grande peur d’une personne blessée par le
rejet est la panique. À chaque fois qu’il sent qu’il pourrait paniquer, sa première réaction est
de se cacher ou de fuir. Il pense qu’en fuyant, il réussira à échapper à sa douleur. Dans les
grandes lignes, on retrouve souvent chez une personne souffrant de rejet la croyance qu’il
ne vaut pas grand chose. Il se juge sans valeur et a peu d’estime pour lui-même. Il peut se
trouver différent du reste de sa famille, incompris par les autres. Il se sent souvent seul et
peut se couper facilement du monde extérieur en rejoignant son monde imaginaire. Il est
facilement envahi par ses émotions et ses peurs quand il est seul. Il n’est pas matérialiste et
il pense que le bonheur ne dure jamais longtemps. En présence de quelqu’un qui hausse le
ton ou qui est agressif, il fuit rapidement la situation pour ne pas paniquer.
_ Ça lui ressemble beaucoup… Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Si Théo
souffre de la blessure de rejet, alors pourquoi me rejette t-il ? Il est bien placé pour savoir à
quel point cela fait souffrir les autres.
_ Parce que lorsqu’il porte son masque, il n’est plus lui-même. Il est cette personnalité de
protection, qui parle et agit à sa place. Il ne se rend pas compte qu’il rejette, parce qu’il n’est
centré que sur lui à ce moment-là et son unique objectif est de se protéger de sa souffrance.
Il ne cherche pas à te rejeter, mais c’est la solution trouvée par son mental pour le protéger.
Dis-toi que si tu souffres de son rejet lui aussi souffre de te rejeter. La blessure s’active de
trois façons. En se rejetant soi-même, en étant rejeté par quelqu’un et en rejetant les autres.
Et il continuera de souffrir tant qu’il ne réussira pas à se pardonner ce que la blessure lui fait
ressentir et ce qu’elle fait subir aux autres. Et tant que son mental prend possession de lui
face à la blessure, il lui est impossible de s’en rendre compte.
_ Et pour ce qui est de la blessure d’abandon et de son masque ?
_ Ceux qui souffrent de cette blessure ne se sentent pas assez nourris affectivement. Ils n’en
ont jamais assez. Leur masque est celui de la dépendance. Ils dramatisent beaucoup ce qu’ils
vivent et ils ne vivent pas forcément leurs problèmes comme une difficulté, car cela leur
permet de recevoir de l’attention et de ne pas se sentir abandonnés. Ils préfèrent les
problèmes qu’ils s’attirent qu’être abandonnés, car ils trouvent l’abandon plus douloureux.
Ils sont les plus aptes à devenir victime. Ils peuvent facilement jouer le rôle du sauveur pour
se sentir important et recevoir des compliments. Ils ont besoin d’une autre personne pour
faire une activité, car ils ont très peur d’être seul. C’est ce qu’ils craignent le plus et ils sont
persuadés qu’ils n’arriveront pas à gérer cette solitude. Ils sont même capables de supporter
des situations très compliquées, juste pour ne pas se retrouver seul. Dans une relation, ils
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peuvent facilement s’imaginer que tout va bien, alors que ce n’est pas le cas, pour ne pas
risquer d’être abandonnés par leur partenaire. Ils ressentent facilement de la tristesse et il la
ressentent au plus profond d’eux-mêmes, sans savoir pourquoi. Alors ils s’entourent de gens
pour ne pas la sentir. Ils peuvent fusionner facilement avec les autres. Ils pensent d’ailleurs
que les autres sont responsables de leur bonheur comme de leur malheur, de la même
manière qu’ils peuvent se sentir responsable de leur malheur ou de leur bonheur.
_ Ça me parle beaucoup, tout ça…
_ Cela ne m’étonne pas, sourit Sébastien.
_ Pourquoi tu dis ça ? Tu avais deviné ma blessure ? C’est quoi la tienne ?
_ Oui, on s’en doutait un peu, avec ta mère. J’ai, comme toi, la blessure d’abandon.
_ Et maman ?
_ Celle de rejet.
_ Comment vous avez fait pour deviner la mienne ? C’est si évident ? S’alarma t-elle.
_ Non, ce n’est pas écrit au milieu de ta figure, si c’est ce dont tu as peur ! Mais on vit tous
les jours avec toi, alors on sait reconnaitre les signes, les traits de comportement… Et bien
souvent, les enfants souffrent de la même blessure qu’un de leur parent. Ce n’est pas un
hasard si l’enfant possède cette blessure. Rappelle-toi que nous faisons aux autres tout ce
que nous faisons nous-même et ne voulons pas voir. On rejette autant qu’on est rejeté et
qu’on se rejette soi-même. On abandonne autant qu’on est abandonné et qu’on s’abandonne
soi-même. Et tant que la blessure n’est pas guérie, ce cercle de souffrance continue d’agir
contre nous et nos proches dans notre vie.
_ Comment guérir d’une blessure quand on n’en a même pas conscience ?! C’est quand
même dingue, quand on y pense. Ces blessures et ces masques nous gâchent nos relations
avec les autres et personne ne nous en parle !
_ Je suis bien d’accord avec toi. C’est dramatique de ne pas nous enseigner ces
informations, afin de nous aider à mieux nous connaitre et mieux interagir avec les autres.
Si chacun de nous connaissait sa blessure profonde et les comportements associés à son
masque lorsqu’il le porte, on pourrait guérir sa blessure et ne plus souffrir de nos relations
avec les autres.
_ À quel âge as-tu appris ta blessure ? Et comment as-tu appris leur existence ?
_ Dans un livre que j’ai lu, quand j’avais 37 ans. Sa lecture a changé ma vie. J’ai compris
pourquoi j’étais en difficulté dans toutes mes relations passées. J’ai compris le sens caché
derrière mes mauvaises réactions, mes décisions, mes erreurs à répétition… Mes échecs,
mon mal-être, ma colère et ma tristesse devenaient enfin compréhensibles. Des mots, des
attitudes et des réactions vécues dans mon passé et au quotidien prenaient sens. Je venais
juste de me séparer d’une femme que je considérais être l’amour de ma vie. Nous n’étions
pas ensemble depuis très longtemps, mais pour moi elle était une évidence. J’aimais tout
d’elle, je me sentais apaisé et confiant en sa présence, aligné et amoureux. Alors tu te doutes
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bien qu’avec une blessure d’abandon non consciente, cette séparation m’a été très
douloureuse, s’en amusa t-il.
_ Grave. J’ose pas imaginer… Pourquoi elle t’a quitté ?
_ Parce que je me suis mis en colère contre elle et que je lui ai manqué de respect en lui
criant dessus. Elle n’avait aucun problème avec le fait que je puisse ressentir de la colère,
mais elle n’acceptait pas que je puisse ne pas la contrôler et lui crier dessus. Elle avait vécu
des relations très conflictuelles par le passé, qui l’avaient fait beaucoup souffrir. Et elle
s’était promise de ne plus jamais être avec une personne qui n’était pas en mesure de gérer
sa colère. Alors quand c’est arrivé, elle est restée sur sa promesse et elle a mis fin à notre
relation. Mon monde s’est alors effondré autour de moi… On venait de vivre ensemble
quatre mois très fort émotionnellement, des projets communs avec lesquels je me sentais en
harmonie se dessinaient sérieusement, je partageais mes journées avec la femme que
j’aimais… Et tout s’est finalement dissipé du jour au lendemain. Je me suis retrouvé
désespérément seul, confronté à ma plus grande peur et abandonné par celle que j’aimais…
Émotionnellement, je n’étais pas bien. Mais j’avais mal vécu une précédente séparation
amoureuse et je m’étais promis, à la suite de celle-ci, de ne plus éprouver cette souffrance-là
ou, en tout cas, de faire en sorte qu’elle soit la plus courte possible. Parce que je ne voulais
plus accepter d’être triste à ce point, alors que la vie ne s’arrêtait pourtant pas autour de moi.
Je me suis rappelé cette pensée et j’ai fait ce qu’il fallait pour ne pas me laisser tomber. Pour
ne pas m’abandonner. Un seul abandon suffisait déjà amplement ! J’étais malheureux, mais
j’étais aussi très en colère contre moi-même d’avoir gâché notre relation à cause d’un accès
de colère. Je m’en voulais terriblement. Je me détestais de lui avoir fait du mal et de l’avoir
replongé dans des souffrances passées, non encore guéries. J’ai donc voulu comprendre
pourquoi je n’avais pas été capable de contenir cette colère qui avait grandi en moi, jusqu’à
me faire perdre raison. Nous devions passer un concert ensemble et les circonstances ont
fait que cela ne s’est pas déroulé comme je le pensais. Je ne l’ai retrouvé qu’à la fin du
spectacle et je l’ai tenu responsable de m’avoir abandonné, sans lui laisser la possibilité de
s’exprimer calmement. J’étais devenu incapable de raisonner clairement, parce que j’avais
laissé grandir en moi ma colère, jusqu’à ce qu’elle prenne entièrement possession de moi.
J’avais pourtant bien essayé de me raisonner durant les premières minutes de son absence,
mais plus le temps s’écoulait et plus je laissais la petite voix dans ma tête s’exprimer,
supposer, médire, mentir et me convaincre, alimentant le feu de ma colère. Mon mental et
mes sentiments de colère et de peur finirent par m’emplir de tout leur poison émotionnel,
tandis que je m’abandonnais à leur pouvoir de décision, leur laissant tout contrôle. Quand je
réussis enfin à la retrouver, je ne pus m’empêcher de déverser tout ce poison émotionnel sur
elle. Je pleurais son absence et je désirais plus que tout la retrouver, pourtant lorsque ce
moment arriva enfin, je fus incapable de me rendre compte de la chance qui s’exauçait
enfin. Je n’étais que négativité et souffrance. Tel est le pouvoir du mental, quand on a
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l’inconscience de le laisser diriger notre vie, confronté à la souffrance de notre blessure
profonde. Elle n’avait rien fait pouvant justifier une telle colère, mais son absence m’avait
directement confronté à ma blessure d’abandon et j’ai alors mis mon masque de
dépendance. J’ai laissé mon mental agir et je me suis comporté en victime. J’ai fait tout ce
que je pouvais pour marquer son attention. J’ai dramatisé un incident qui ne méritait
absolument pas ces proportions, parce que je n’ai pas supporté vivre cette activité seul. Si
j’avais été à l’écoute de mon coeur durant tout ce moment-là, j’aurais pu sentir plus
clairement ce qu’il se passait, je n’aurais pas fait de suppositions et je n’aurais pas laissé ma
colère m’envahir. Je lui aurais fait confiance et je me serais concentré sur le moment
présent, ma chance d’être à cet endroit à écouter le groupe qu’on était venu découvrir avec
joie. J’aurais été heureux de la retrouver et je lui aurais laissé la possibilité de m’expliquer
son absence, sans accusation ni jugement. Il n’y aurait pas eu de dispute. J’ai compris tout
cela quand j’ai découvert ce livre quelques jours après notre séparation. Une amie m’avait
conseillé sa lecture et j’ai dévoré les pages. Quand on est au plus bas, le mental n’a plus
beaucoup de prise sur nous. Il nous a suffisamment isolé et il s’est suffisamment nourri de
notre souffrance pour nous laisser en paix quelques instants. On est alors plus réceptif à ce
type de lectures. On est également plus objectif avec nous-même ; on arrête de se mentir et
on accepte plus facilement de faire face à nos erreurs, notre souffrance tant redoutée.
_ D’un côté, je comprends sa décision de rester ferme sur sa position et de suivre sa
promesse de ne plus être avec quelqu’un qui ne sait pas gérer sa colère. Je dis respect. Parce
que ce n’est pas évident de prendre ce genre de décision. Et d’un autre côté, je me dis que
c’est super sévère, quand même. Se faire sortir à la première dispute, c’est violent. Surtout
quand tout se passe bien et que les deux s’aiment.
_ Parce que tu es coutumière de tes énervements, s’en amusa son père. Mais elle ne pouvait
pas tolérer que son compagnon puisse s’exprimer ainsi. Si son absence avait réveillé ma
souffrance lié à l’abandon, ma colère avait activé sa souffrance liée à sa blessure de rejet.
Elle aussi a mis son masque, face à moi. Confrontés à notre souffrance, nous avons laissé
agir notre mental pour nous protéger, et le sien a fait ce qu’il fait toujours face au risque de
rejet. Il fuit par peur de paniquer. Lorsqu’une relation a été longtemps souffrante, elle laisse
des marques très fortes sur la vision-même de la relation amoureuse. On peut dès lors penser
qu’amour et souffrance ne vont pas l’un sans l’autre, que le bonheur ne dure jamais
vraiment, qu’on n’est peut-être pas fait pour aimer ou être aimé. Tout cela nourrit la peur de
l’engagement et le mental fait tout pour alimenter cette peur. Elle ne se sentait pas capable
d’affronter la souffrance que sa blessure de rejet lui imposait. Elle a fait le choix d’être
seule, pour ne pas risquer de se confronter de nouveau à sa blessure et à sa peur de
l’engagement.

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_ C’est trop triste… Là, où vous auriez pu tous les deux prendre conscience de vos blessures
respectives et vous aider mutuellement à les guérir, à dépasser tout ça ensemble, vous vous
êtes quittés.
_ C’est toute l’importance d’être le plus en conscience possible de ce qu’il se joue en nous
mentalement, émotionnellement et physiquement. De réussir à écouter en même temps son
esprit, son coeur et son corps, sans jamais en délaisser aucun. Autrement, nous laissons
notre mental, notre égo contrôler notre vie et nous devenons inconscients. Nous faisons
alors des choses inconscientes, qui nous font du mal à nous-même et aux autres. Tu peux te
rendre compte que pour une même situation, nos décisions peuvent être totalement
différentes, voire même s’opposer, selon qu’elles sont prises en conscience ou en
inconscience de nous-même.
_ Qu’est-ce que l’égo, papa ?

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Chapitre 3
L’égo

« Il n’y a aucune souffrance dans l’amour.


Aimer ne fait jamais souffrir.
Seul notre égo remplit nos pensées de noirceur pour se nourrir et exister,
lorsqu’on le laisse prendre possession de nous et agir à notre place.
Puis réagir à ce qu’il a lui-même provoqué. »

_ Vaste sujet ! L’égo est constitué d’énergie mentale. C’est le faux-moi créé par le mental et
auquel on s’identifie de manière inconsciente. Il serait comme un voisin qui s’inviterait chez
toi à n’importe quel moment de la journée et de la nuit, pour te dire comment vivre ta vie.
Comme tu lui as laissé beaucoup de place au fur et à mesure du temps, il s’est convaincu
d’être indispensable et pense que tu ne peux plus vivre sans son aide. Il se sent donc obligé
de te rendre service en permanence, en te disant quoi penser et quoi faire. Il intervient même
à ta place, sans te demander ton autorisation, persuadé que tu ne sauras pas gérer la
situation. Notre mental est essentiel pour nous permettre de penser, de mémoriser, de
raisonner, d’organiser, de planifier… Et pour faire tout ça, il utilise la mémoire, c’est-à-dire
tout ce qu’il a appris et retenu dans le passé. Le problème, c’est que le mental cherche en
permanence de quoi réfléchir et de quoi alimenter son identité, son besoin d’exister. C’est
pourquoi l’égo nait et revient continuellement dans notre tête. As-tu déjà eu l’impression
d’avoir une ou plusieurs petites voix qui te parlent sans cesse ? Et qui bien souvent te font
ressentir de la peur, te font douter de toi ou des autres, te culpabilisent, te rabaissent,
t’empêchent d’agir ?
_ Oui, je les entends souvent intervenir. Et j’avoue ne pas trop savoir quoi penser à leur
sujet. Je me dis que c’est moi, qui me parle à moi-même. Sans que ce soit volontairement
conscient.
_ Ces petites voix sont celles de ton égo et elles sont toutes reliées aux croyances que tu
possèdes. Plus tu les écoutes et fais ce qu’elles te conseillent, plus tu leur donnes de
l’importance et de la force dans ton esprit, t’empêchant ainsi d’être celle que tu es vraiment.
_ Pourtant je n’ai pas l’impression que ces petites voix contrôlent ma vie. Bien souvent, je
n’y prête même pas attention.
_ En es-tu si sûre ? Arrives-tu à te libérer d’elles et de leurs pensées quand tu le souhaites ?
As-tu un bouton magique qui te permet de les arrêter lorsque tu le décides ?
_ Non, sourit-elle. Je n’arrive ni à les faire taire ni à leur interdire d’apparaître. Elles font
plutôt ce qu’elles veulent, quand elles en ont envie !
_ L’égo est comme un parasite qui contamine notre pensée, nous rendant malade. Sans un
contrôle conscient de nos pensées, celles-ci se multiplient et nous envahissent. Notre mental
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prend alors toute la place dans notre vie et nous délaissons notre coeur et notre corps à son
profit.
_ Pourtant, le mental est super important. On ne peut pas vivre correctement sans lui.
_ Bien sûr. Notre mental est un outil exceptionnel et d’une puissance incroyable. Mais il
n’est bon pour nous que si nous l’utilisons correctement. Autrement, il peut être destructeur
et nous causer énormément de souffrance. Le problème n’est pas tant qu’on utilise mal notre
mental, mais plutôt que c’est lui qui nous utilise pour arriver à ses propres fins. C’est
pourquoi il est comme un parasite qui nous rend malade. Si on le laisse faire, il en vient à
prendre possession de nous et contrôler notre vie, parce que nous nous sommes
inconsciemment identifiés à lui. Nous pensons être lui et toutes ses croyances ; nous ne nous
rendons pas compte que nous sommes devenus son esclave. C’est un peu comme si nous
étions possédés sans le savoir et que nous pensions être l’entité qui nous possède.
_ Je ne pensais pas que ces petites voix pouvaient être si néfastes pour moi. Je ne m’étais
même pas imaginé que les autres pouvaient aussi en avoir dans leur tête…
_ Presque tous les humains entendent ces petites voix, parce qu’elles proviennent de la
pensée involontaire. Si tu fais bien attention à elles, tu te rendras compte qu’elles passent
leur temps à commenter, juger, comparer, se plaindre, donner leur avis, supposer… Et bien
souvent, elles ne te parlent pas de sujets liés à ce qui tu es en train de vivre dans l’instant,
mais plutôt de situations passées ou d’éventuelles situations futures imaginées par leurs
soins. Dans les deux cas, ces souvenirs du passé et ces films créés par le mental sont
généralement négatifs, faisant naitre chez nous de la souffrance et de l’inquiétude. Comme
l’égo tire son savoir de tout notre passé : nos croyances, notre histoire personnelle et
familiale, notre culture et notre éducation…, il observe et juge ce qu’il se passe dans le
présent avec le filtre du passé, déformant la réalité. Et ces petites voix ne font pas que
commenter, juger et critiquer les autres ; elles s’attaquent aussi à nous, de la même façon.
Parfois même avec encore plus de sévérité. Elles peuvent alors devenir nos pires ennemies,
agissant contre nous comme un bourreau qui attaque et punit sans cesse, dévorant notre
énergie vitale et nous emprisonnant dans un monde de souffrances. Et comme ces pensées
involontaires sont compulsives, elles agissent sur nous comme une drogue. Nous nous
sommes accoutumés à elles, parce que nous avons la sensation de ne plus pouvoir nous
libérer d’elles. Elle nous semblent plus fortes que nous.
_ Pourquoi est-ce si difficile de ne plus laisser ces pensées involontaires, l’égo nous
contrôler ?
_ Parce que nous manquons de conscience au quotidien. On ne se rend pas compte à quel
point nos croyances dirigent notre vie, à quel point notre égo a la capacité de nous rendre
esclave de nous-même. Par exemple, penses-tu qu’une personne devenue nerveuse ou irritée
par le fait de ne pouvoir fumer sa cigarette est réellement libre ? Ou bien celle qui passe
plusieurs heures par jour devant des écrans sans pouvoir s’arrêter ? Ou encore celle qui se
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laisse emporter par des crises de colère ou de jalousie, au point de violenter sa partenaire ?
Nous sommes tous plus ou moins prisonniers de nos peurs, de nos émotions, de nos
croyances, de nos masques. Et la majorité de nos décisions et de nos actions sont
influencées, conditionnées par elles. Elles nous dominent et nous enferment dans notre
prison intérieure.
_ Comment fonctionne l’égo ? Comment le reconnaitre quand il prend possession de nous ?
_ L’égo se nourrit de notre souffrance pour survivre et exister, c’est-à-dire tout le poison
émotionnel que font naitre nos blessures, nos pensées parasites et nos émotions négatives,
comme la peur. Et plus il se nourrit de notre souffrance, plus il se renforce et intervient
intempestivement dans notre vie. Il existe une multitude de façons de le reconnaitre, car il
est très malin et il a de nombreuses armes à disposition pour intervenir, afin de créer notre
poison émotionnel. Par exemple, l’égo ne pense qu’à lui et s’exprime à travers des mots et
expressions comme : moi, moi, moi je, moi je… Quand tu emploies ces mots-là, il y a de
fortes chances que ton égo soit derrière eux. Il les utilise afin d’obtenir de l’attention et se
comparer, parce qu’il a un besoin incessant de prouver qu’il existe, vivant dans la peur
constante de disparaitre. Il est effrayé par le changement, la nouveauté, et c’est pourquoi il
invente des raisons pour nous empêcher d’agir et nous ramener dans sa zone de
connaissance. Il envie, exagère, critique, juge, accuse et condamne. Il adore trouver des
défauts aux autres et nous donner raison, persuadé qu’il est mieux que les autres. C’est
pourquoi il fait tout pour recevoir des compliments et de la reconnaissance. Il ne sait pas
écouter, alors il coupe la parole, il s’impatiente et il saute rapidement aux conclusions. Il
réfléchit en bien ou en mal et il ne comprend pas que nous puissions avoir des besoins
différents des siens. C’est pourquoi il nous fait ressentir de la culpabilité. Il se dissimule
toujours derrière l’orgueil, cherchant à avoir raison et à gagner à tout prix. Il s’identifie
toujours à ce qu’il a : les objets, l’argent, les compétences, les titres, les personnes… ou à
ce qu’il fait : un métier, une activité, le rôle de parent… Il se justifie et se défend en
permanence, alors que bien souvent personne ne nous demande d’explication. Il pense qu’il
est seul contre tous et que c’est toujours la faute des autres. C’est pourquoi il cherche
toujours un coupable extérieur à nous-même, car il est incapable d’admettre qu’il a tort. En
agissant ainsi, il fait tout pour nous isoler, nous séparer des autres. Pour lui, l’autre est le
problème et nous sommes la victime. C’est pourquoi il adore et recherche les conflits. Et il
fait tout pour nous faire croire que le monde est dangereux et que nous ne survivons que
grâce à sa protection. Il compare tout au monde qu’il se crée et il est persuadé que son
propre monde est le monde véritable. Alors il fait tout pour nous influencer, de sorte qu’on
perçoive un évènement à travers son regard, et non la réalité de cet événement. Enfin, il
passe son temps à créer le manque dans notre quotidien, nous maintenant dans un état
d’insatisfaction et de crainte permanentes.

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_ Je comprends un peu mieux pourquoi tu dis qu’il est très présent dans notre vie, sans
qu’on s’en aperçoive… Il se cache derrière toutes les petites réactions et attitudes du
quotidien. Comment le reconnaitre parmi toutes nos pensées ?
_ Il est derrière toutes nos pensées parasites. Il adore nous replonger dans les blessures du
passé, que ce soient nos ruptures sentimentales, nos échecs ou nos expériences
traumatisantes… et dans le futur. Passé et futur sont deux poisons qui alimentent la peur, le
royaume de l’égo.
_ J’ai du mal à comprendre en quoi le passé et le futur sont si problématiques…
_ L’égo fait tout ce qu’il peut pour nous faire vivre un autre temps que le présent, parce qu’il
est incapable d’exister dans le moment présent. Lui vit dans le passé et se projette dans le
futur pour assurer sa survie. Or, le futur est une illusion qui n’existera jamais. Et s’accrocher
a une illusion ne peut conduire qu’à la souffrance. Comment réagit-on lorsque l’avenir
qu’on s’imaginait plus heureux ne nous parait plus possible ? On panique et on ressent alors
la douleur liée à notre peur. On remplit notre futur de projections, d’angoisses et d’espoirs,
puis on éprouve de la douleur lorsque celui-ci ne se réalise pas comme imaginé. Et pendant
tout ce temps où l’on se perd dans nos pensées futures, on passe à côté du moment présent
et du bonheur qui nous entoure. De même, l’égo fait tout pour que nous n’oublions pas tous
les évènements du passé qui nous ont fait souffrir, entretenant ainsi tous nos traumatismes et
ressassant tous les souvenirs de nos expériences douloureuses. Quand on laisse l’égo nous
contrôler, on se retrouve prisonnier du temps et on vit presque exclusivement dans le passé
ou dans le futur, alors que seul ce qu’on vit dans le présent est précieux. Tout le reste n’est
qu’illusion.
_ C’est-à-dire ?
_ Si tu regardes bien, jamais rien ne s’est produit dans le passé, car à chaque fois, cela se
produisait dans le présent. Et rien ne se produira dans le futur, car cela se réalisera toujours
dans le présent. Le passé n’est qu’un souvenir d’un ancien instant de vie du présent et le
futur est une projection mentale imaginée du présent. Tous les deux ne sont donc pas réels.
Seul le présent l’est. Malheureusement l’égo, ne pouvant exister dans le moment présent,
fait tout pour le fuir et nous faire croire que celui-ci est douloureux, alors que ce qui nous
fait mal, c’est simplement nos souffrances passées et la perte de nos illusions, ce futur
fantasmé par l’égo. Non le présent en tant que tel.
_ L’égo étant présent dans notre tête, je peux comprendre qu’il puisse nous manipuler avec
ses pensées parasites. Mais comment fait-il pour créer nos émotions négatives ?

19
Chapitre 4
Le corps de souffrance

« On pense souvent qu’amour et souffrance sont indissociables,


mais ce n’est pas juste.
C’est l’absence d’amour de soi, qui amène à la souffrance.
Comment être aimé, quand on ne s’aime pas soi-même ? »

_ Les émotions se situent entre le corps et l’esprit, au croisement des réflexes


physiologiques et des pensées. Les émotions du corps sont les plus primaires, celles qui sont
déclenchées par la pensée sont plus sophistiquées. Une émotion dure en moyenne sept
secondes. Elle délivre son message durant ce temps puis elle disparait, si elle n’est pas
infectée par des pensées inutiles et ainsi prolongée par le mental. Son objectif est de nous
alerter d’un dysfonctionnement. Une partie de notre corps s’exprime à travers elle et a
besoin d’être écoutée. C’est pourquoi il est important de ressentir l’émotion qui nous
envahit. Une partie de nous a peur, est triste ou en colère et il nous faut rassurer cette partie
de nous-même en lui donnant de l’attention et en lui montrant qu’on est là pour elle. Parce
que personne d’autre ne peut le faire à notre place. En réalité, il n’y a pas de bonne ou de
mauvaise émotion ; elles nous sont toutes vitales et jouent un rôle essentiel pour notre bien-
être. Il ne faut donc pas les rejeter, mais les ressentir pleinement, afin d’entendre leur
message et de rassurer cette partie de nous qui souffre et nous alerte. Les émotions
deviennent négatives seulement lorsque le mental s’en mêle et les infecte de ses pensées
parasites. Alors nos émotions de peur, de tristesse ou de colère se prolongent au-delà des
sept secondes, maintenues en nous et attisées par notre égo, tant qu’on le laisse s’exprimer
et nous envahir. Notre mental comprend donc nos pensées et nos émotions. Ces dernières
sont comme un reflet du mental dans notre corps.
_ Il y a donc des émotions du corps et d’autres liées à la pensée ? Peux-tu préciser, s’il te
plait ? J’ai du mal à faire la distinction entre les deux.
_ Je vais te donner un exemple, ce sera plus facile de comprendre la différence. Une
personne s’approche de toi et menace de te faire du mal. Tu vas éprouver de la peur et celle-
ci te poussera à fuir. Cette peur ressentie est un recul instinctif devant le danger qui survient
devant toi et qui est concret, réel et immédiat. Cette peur est parfaitement saine et te sauve
la vie dans ce type de circonstances, car elle concerne quelque chose qui est en train
d’arriver dans le présent. Le problème se pose quand la pensée imprègne ton émotion. Ta
peur saine devient alors une peur psychologique, toute différente. Celle-ci te fait ressentir de
l’inquiétude, de l’anxiété, du stress, de l’appréhension, une phobie… et provoque une
réaction disproportionnée et des comportements inadaptés. Elle concerne toujours quelque

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chose qui pourrait survenir dans le futur. Dans le premier cas, c’est ton toi véritable, sans
présence d’égo, qui envoie le message à ton corps que tu es menacée. Lorsque le danger est
passé, l’émotion cesse d’être. Dans le deuxième cas, c’est ton égo qui se sent menacé et qui
envoie le message à ton corps. Pour l’égo, le danger demeurera toujours présent et l’émotion
continuera, essayant de prendre possession de toi. Ce qu’elle réussit à faire, bien souvent. Si
tu n’es pas conscient que cette émotion est provoquée par l’égo, tu risques de t’identifier à
elle et cette émotion devient toi. L’émotion va alors alimenter la pensée d’origine de l’égo et
celle-ci va s’amplifier, prenant de plus en plus de place dans ton esprit. Tu vas continuer de
ressasser cette pensée, qui va continuer d’alimenter ton émotion négative et ainsi de suite…
C’est ce qui s’est passé pour moi durant ce concert. C’est un cercle vicieux, où la pensée et
l’émotion s’attisent l’une l’autre, jusqu’à te posséder complètement. Les émotions de l’égo
sont généralement des variantes de la peur, sous ses formes différentes : colère, jalousie,
angoisse, anxiété, tristesse…
_ Et qu’en est-il des émotions positives comme l’amour ou la joie ? L’égo a t-il aussi une
influence sur elles ? Peut-il nous les faire ressentir ?
_ L’amour et la joie sont des émotions qui sont inséparables de ton toi véritable, c’est-à-dire
celle que tu es vraiment, sans présence de l’égo, lorsque ton esprit, ton coeur et ton corps
fonctionnent ensemble en harmonie. Ainsi, tu peux réussir à ressentir ces émotions lorsque
tes pensées parasites s’interrompent quelques instants. C’est aussi lorsque tu fais taire ton
mental que tu peux être en mesure de ressentir un sentiment de paix intérieure. En réalité,
l’amour, la joie et la paix se situent au-delà du mental et des émotions. Elles font partie de
notre état profond et c’est pourquoi elles ne peuvent s’exprimer et être ressenties que
lorsque nous réussissons à nous débarrasser de la prédominance du mental et de l’égo.
Comme elles sont au-delà du mental, elles ne sont pas soumises à la loi des opposés.
_ Qu’est ce que c’est que cette loi ?
_ Cette loi nous dit que dans toute chose, il existe une polarité. Les deux pôles opposés, les
deux extrêmes, qui apparaissent comme contraires sont en fait identiques à des degrés
différents. Par exemple, le froid et le chaud sont opposés, mais ils s’agit d’une variation de
degré de la même chose, la température. De même que la lumière et l’obscurité ou la paix et
la guerre… Nos émotions sont aussi sujettes à cette dualité. Ceci sous-entend donc qu’on ne
peut avoir ce qui est bon sans avoir ce qui est mauvais. L’amour et la joie, n’étant pas
soumises à cette dualité, n’ont pas d’opposé. Lorsqu’on est identifié au mental, à l’égo, ce
qu’on perçoit comme de la joie n’en est pas vraiment. On la confond en réalité avec le
plaisir. Le plaisir est toujours amené par quelque chose d’extérieur à nous, alors que la joie
provient de l’intérieur de nous-même. Ainsi, ce qui nous fait plaisir aujourd’hui nous fera
souffrir demain ou bien le plaisir ressenti s’arrêtera et c’est son absence qui nous fera
souffrir. De même, ce que l’on perçoit comme de l’amour n’en est pas vraiment, sous
l’emprise de l’égo. Il s’agit surtout d’une dépendance affective, d’un besoin extrême qui
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nous fait nous accrocher à l’autre et qui peut se transformer en colère, en jalousie ou en
haine en quelques secondes. Et la relation se balance entre amour romantique et haine, entre
attirance et hostilité, faisant naitre de la souffrance émotionnelle. Comme l’amour, la joie et
la paix proviennent de notre être véritable, présentes à l’intérieur de nous-même au-delà du
mental, elles n’ont pas d’opposé et ne peuvent nous conduire à aucune souffrance. L’égo ne
peut donc s’en nourrir et il disparait alors, nous laissant être qui nous sommes réellement,
dans l’amour, la joie et la paix intérieure.
_ L’égo peut contrôler nos pensées et nos émotions. Peut-il aussi contrôler notre corps ?
Demanda Emma.
_ Oui et il ne s’en prive pas ! Remarqua son père. Bien souvent, le corps et l’esprit ont des
besoins différents, mais comme l’égo n’en fait qu’à sa tête, il peut désirer des besoins pour
le corps que le corps n’a pas désiré. Notre corps a des besoins primaires de nourriture,
d’eau, de sommeil, d’abri et de sexe que nous devons satisfaire normalement. Le souci
arrive lorsque le mental pense que ces besoins du corps sont ses besoins à lui. L’égo, se
sentant responsable de tout dans notre vie, prend les besoins du corps pour les siens. Il croit
alors avoir besoin de nourriture, d’eau, de sommeil, d’abri et de sexe. Ces besoins sont
pourtant purement physiques. Mais il ne s’en rend pas compte.
_ Comment savoir que c’est notre égo qui réclame les besoins du corps et non le corps lui-
même ?
_ Lorsque tu as faim, tu manges et cela nourrit ton corps, qui se trouve satisfait. Mais si ton
égo pense qu’il a encore faim, tu vas continuer à manger encore et encore, jusqu’à en être
malade et faire souffrir ton corps, sans même réussir à satisfaire l’égo de nourriture, car ce
besoin est pour lui une illusion. Tous les besoins du mental, quand il pense être le corps,
sont illusoires et ne peuvent pas être satisfaits. Nous passons un temps considérable à
essayer de satisfaire les besoins irréels du mental, dont nous n’avons pas besoin. Nous en
ressentons une insatisfaction permanente et nous faisons souffrir notre corps en ne
l’écoutant pas. Notre corps est pourtant parfaitement loyal avec nous. Toutes nos cellules
travaillent ensemble en permanence pour notre bon fonctionnement. Mais alors que notre
corps s’occupe parfaitement bien de nous, l’égo abuse de lui, le maltraite et le violente. Il
nous fait croire que nous sommes trop gros, que notre nez est trop grand, que notre visage
n’est pas assez beau, que nos jambes sont trop courtes… Il est capable d’imaginer toutes
sortes de choses négatives sur notre corps, pour nous complexer et nous faire souffrir. Nous
avons tous des corps différents et naturellement parfaits, mais notre mental nous dit ce qui
est bon ou mauvais, beau ou moche, juste ou faux et nous le croyons. Il nous fait croire à
une image inaccessible de perfection et il exige de notre corps qu’il le devienne. Alors on
finit par rejeter notre corps, bien que ce dernier soit entièrement loyal avec nous. On le
rejète et on part du principe que les autres nous rejèterons pour les mêmes raisons.
_ Il est quand même difficile de réussir à ne pas se juger…
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_ Bien sûr et tous les humains le font. On s’observe avec critique, on se compare aux autres
et on se juge négativement. Pourtant, la beauté n’est qu’un concept, elle est toute subjective.
On nous fait croire que telle chose est laide, que telle autre chose est jolie et on le prend au
sérieux. On en arrive même à penser que l’on n’est pas beau et on a besoin de l’opinion des
autres pour penser l’inverse. Nous devenons alors dépendants de leurs avis et nous les
laissons ainsi nous contrôler. Il faut réussir à se détacher de ce fonctionnement et
comprendre que seules nos opinions sur nous-même comptent réellement. Qu’importe ce
que dit ton mental, tu es belle ma fille, ne l’oublie jamais, sourit son père.
_ Merci papa, rougit-elle.
_ Nous sommes tous beaux, différents et uniques. Tu n’as pas à te soumettre aux exigences
de qui que ce soit. Chacun est libre de penser ce qu’il veut. Mais, qu’on te voit belle ou non,
si tu as conscience que tu es belle à tes propres yeux, alors plus aucune opinion extérieure
ne t’affectera plus. Tu es ce que tu croies être. C’est pourquoi il nous faut accepter notre
corps entièrement, le respecter et l’aimer. Lui fait tout pour nous. Même lorsqu’il n’est pas
capable de faire quelque chose, il essaie. Alors il faut l’accepter tel qu’il est et s’aimer ainsi.
_ Tu as d’autres exemples où l’on confond les besoins du mental avec ceux du corps ?
Demanda Emma.
_ L’habillement en est un autre. Ton corps a besoin d’être vêtu pour être protégé du vent, du
froid, de la pluie et du soleil. C’est un besoin uniquement corporel, le mental n’ayant aucun
besoin de vêtement. Pourtant, on est capable de posséder des centaines de vêtements dans
notre placard et continuer d’en vouloir d’autres. Notre égo, éternellement insatisfait, nous
fait croire qu’on « n’a rien à se mettre » pour sortir et nous en consommons d’autres. La
sexualité est également un besoin que peut s’approprier l’égo. Lorsque le besoin sexuel ne
vient pas du corps mais du mental, il ne pourra jamais vraiment être satisfait. Ce besoin se
mêle à tous nos jugements et toutes nos croyances, eux aussi présents dans notre tête,
compliquant dès lors fortement notre sexualité. Le mental n’a pas besoin de sexe, mais
d’amour. En réalité, ce n’est pas tant notre mental qui a besoin d’amour, mais notre âme. Si
on libère notre corps de la tyrannie du mental, alors on arrête de le faire souffrir, expliqua t-
il.
Son père s’interrompit quelques secondes, avant de reprendre :
_ On se juge sévèrement et on juge les autres de la même façon. Te rends-tu compte comme
on est si rapide à fabriquer une opinion sur quelqu’un et le juger ? L’égo adore classer les
gens, leur apposer une identité et les étiqueter. Nous sommes tous conditionnés à penser et
nous comporter de certaines façons, à travers nos expériences passées et notre
environnement familial et culturel. En jugeant quelqu’un, on confond son essence, sa nature
véritable avec nos schémas mentaux conditionnés et on lui attribue une fausse identité,
puisqu’on ne s’arrête qu’à son apparence. L’égo prend ses opinions et ses points de vue pour
la vérité. Il est essentiel de comprendre que, peu importe comment on perçoit notre vie, le
23
comportement des autres, un jugement, ce ne sera toujours qu’un point de vue parmi tous
les autres, qu’une pensée.
_ Oui, c’est vrai. Mais il est si difficile de prendre les choses ainsi ! Je me rends compte
qu’il y a bien des moments où les circonstances extérieures impactent mon humeur. Par
exemple, je peux me sentir triste quand il pleut et être heureuse parce qu’il fait beau. Et
parfois, j’ai aussi l’impression que mes pensées ou mes émotions donnent la couleur des
évènements que je vis. Qu’ils conditionnent ce qu’il se passe autour de moi. Je ne sais pas
ce qui est vrai ?
_ Les deux cas sont réels, simplement c’est notre relation au monde extérieur qui est
différent. Dans le premier cas, on vit en réaction à ce qui nous entoure. On est passif, on
subit et on met en place un système de protection, parce qu’on pense que le monde extérieur
oriente notre vie. C’est pourquoi on est triste à cause de la pluie et heureux quand il fait
beau, on se sent aimé quand on reçoit un sourire ou bien agressé par quelqu’un qui est
critique ou distant avec nous. Dans le deuxième cas, notre comportement est bien différent.
Dans celui-ci, notre quotidien devient le reflet de nos pensées et de notre état d’esprit. Nous
ne sommes plus passifs mais actifs, et nous devenons responsables de ce qui nous arrive. On
devient conscient que notre bien-être ne dépend plus de l’extérieur mais de nous-même.
C’est pourquoi, lorsque l’on est serein et heureux, le monde nous semble bienveillant et
nous ressentons que la chance est avec nous. À l’inverse, lorsque l’on est englué dans nos
problèmes et nos peurs, le monde nous parait triste et difficile et les gens méchants avec
nous. On a l’impression que rien ne va. Ce ne sont pas les situations qui nous rendent
malheureux, celles-ci peuvent seulement nous faire ressentir une douleur physique, mais
bien nos pensées. Lorsque nous sommes contrôlés par notre égo, nous interprétons tout avec
le filtre de l’émotion qu’il nous fait ressentir. Si c’est la peur, on analyse tout en fonction
d’elle et on voit le monde avec les yeux de la peur. Même chose si nous ressentons de
l’agacement, de la colère ou de la jalousie. On perçoit le monde à travers les émotions que
l’on ressent. Notre filtre est donc différent selon l’émotion ressentie et notre perception du
monde l’est tout autant. Ainsi, si nous observons le monde à travers le filtre de l’amour ou
de la joie, notre monde prend cette couleur. Et pour cela, il nous faut chasser les pensées
parasites de notre égo. Cela dépend de nous et de personne d’autre.
_ Notre vision du monde peut donc être entièrement faussée par notre égo ?
_ Oui, totalement. Et celui-ci peut nous plonger dans un monde rempli de souffrance, si on
le laisse alimenter notre corps de souffrance.
_ Qu’est que c’est ?
_ Chaque souffrance émotionnelle qu’on éprouve laisse derrière elle comme un résidu. Ces
résidus fusionnent avec toutes nos douleurs passées et cette souffrance s’accumule au fur et
à mesure de notre vie, constituant notre corps de souffrance émotionnel. Son énergie est très
négative. La plupart des gens ne le ressentent que dans certaines situations, dans les
24
relations de couple, par exemple, ou dans des situations rappelant un abandon ou une perte.
Mais certains vivent presque exclusivement dans leur corps de souffrance. Il est comme
endormi en nous et se réveille dès qu’une pensée ou une remarque, faisant écho à un
évènement douloureux, survient. Certains corps de souffrance sont de véritables démons,
rendant parfois les personnes possédées par elles violentes physiquement. Ces personnes
peuvent s’en prendre à leurs proches et se faire beaucoup de mal à elles-mêmes. Le corps de
souffrance fait naitre des pensées et des émotions très négatives et destructrices. Il peut
provoquer des accidents ou des maladies et même pousser celui qu’il possède au suicide,
dans des cas extrêmes. Plus généralement, il nous fait ressentir de l’irritation, de
l’impatience, une humeur sombre, un désir de blesser, de la colère, de la fureur, de la
dépression, un besoin de mélodrame dans nos relations avec les autres… Il se nourrit de
notre souffrance et il survit en nous, parce qu’on s’identifie à lui, au même titre que l’égo.
Quand c’est le cas, il s’empare de nous et devient nous. Il vit à travers nous. Ayant besoin de
souffrance pour survivre, il créé dans notre vie des situations douloureuses qui reflètent sa
fréquence énergétique négative : la colère, la haine, la peine, la violence, la maladie…
Quand on est contrôlé par le corps de souffrance, on est soit la victime, soit le bourreau. On
s’inflige de la souffrance ou on l’inflige aux autres ou encore les deux en même temps.
Notre comportement fait tout pour entretenir notre souffrance et nous faire revivre encore et
encore nos expériences douloureuses.
_ Et comment s’en défaire lorsqu’il prend possession de nous ?
_ Le mental cherche toujours a recréer ce qu’il sait, parce qu’il ne connait que le passé. Et
même si ce sont des situations douloureuses, ce n’est pas grave pour lui, parce qu’il les
connait. Par contre, il perçoit l’inconnu comme très dangereux, parce qu’il ne le connaît pas
et qu’il n’a donc pas de prise sur lui. Craignant l’inconnu, il déteste le moment présent, qu’il
ignore. Lorsque nous sommes dans le moment présent, en conscience, nous cassons le flot
des pensées parasites et des émotions négatives de l’égo et du corps de souffrance. Nous
nous libérons d’eux. En étant dans le moment présent, on empêche notre égo et notre corps
de souffrance d’exister. Le problème, c’est que nous passons la majeure partie de notre vie
inconscients du moment présent. Nous sommes donc des proies très faciles pour notre égo
et notre corps de souffrance. Ils peuvent s’emparer de nous quand ils le veulent, ce qu’ils
font très souvent pour se nourrir et exister. Ils créent des situations qui nous emprisonnent,
en nous faisant revivre des expériences douloureuses. Par exemple, une femme battue par
son compagnon peut rester avec lui, parce qu’elle s’est identifié à son égo et que celui-ci va
répéter un schéma comportemental appris dans le passé, et dans lequel intimité et abus sont
inséparablement liés. Ou encore parce que son mental lui fait penser qu’elle ne vaut rien et
qu’elle mérite d’être punie. Personne ne choisit une relation dysfonctionnelle, le conflit ou
la douleur. Personne ne choisit la folie. Cela se produit parce qu’il n’y a pas suffisamment
de conscience pour empêcher l’égo et le corps de souffrance de nous posséder et gérer notre
25
vie. Quand l’égo et le corps de souffrance sont aux commandes, nous n’avons plus aucun
choix. Parce que le choix sous-entend de la conscience. Sans elle, on n’a pas de choix. On
ne peut choisir que lorsqu’on se désidentifie de notre mental et de notre corps de souffrance.
Quand on est dans le moment présent. Tant qu’on est contrôlé par eux, on participe à la folie
collective.
_ C’est-à-dire ?

26
Chapitre 5
La souffrance du monde

« Le passé est l’ombre du présent, demeurant toujours derrière nous


et qui jamais ne peut éclairer notre chemin.
Le futur est un songe, qui s’efface dans la lumière du jour et de la nuit.
On ne peut cheminer ni dans l’ombre ni dans les songes.
On peut seulement si perdre. »

_ Lorsqu’on observe la société humaine, on peut se rendre compte à quel point la peur, le
désespoir, l’avidité et la violence sont omniprésentes autour de nous. Toutes ces émotions
négatives envahissent notre quotidien et conditionnent la plupart de nos relations avec le
monde extérieur. Il suffit de jeter un oeil à notre histoire collective pour constater à quel
point la cruauté et la souffrance étaient ordinaires dans la vie de nos ancêtres. Nous n’avons
pas à remonter bien loin en arrière ; les deux guerres mondiales du 20e siècle suffisent à
attester de la monstruosité que l’être humain est capable de créer, lorsqu’il est entièrement
dominé par son égo. Quand deux ou plusieurs égos se retrouvent ensemble, par exemple
dans des organismes, des entreprises ou des institutions, de mauvaises choses finissent par
se produire inévitablement. L’égo fait tout pour provoquer des mélodrames dans la vie des
gens, que ce soit sous forme de conflits, de problèmes, de rapports de force, de violences
émotionnelle, physique ou psychologique… Lorsque ces mélodrames se propagent plus
largement dans la population, on assiste alors à des guerres, à des génocides ou encore à
l’exploitation humaine. Ces atrocités sont toutes le résultat d’une inconscience généralisée.
C’est cela la folie collective.
_ Comment est-il possible d’aller si loin ? Se désespéra Emma.
_ Parce que la plupart des gens sont tellement identifiés à leur égo et leur corps de
souffrance, qu’ils en arrivent à adorer leur mélodrame personnel, qu’ils considèrent comme
étant leur propre identité, comme faisant partie d’eux-mêmes. Et leur identification devient
si forte, qu’ils finissent par être effrayés de voir leur mélodrame disparaitre. Ils deviennent
comme un animal essayant de dévorer sa propre queue. Et leur égo fait tout son possible
pour empêcher leur éveil. C’est pourquoi notre société est devenue si destructrice envers la
vie.
_ Tu penses que notre société actuelle est sous l’emprise de l’égo ?
_ Oui, c’est ce que je pense. On peut s’en rendre compte facilement. Notre société n’est
absolument pas tournée vers le bien-être des humains, mais vers celui des entreprises et des
industries. N’est-ce pas là une aberration ? Notre bien-être n’est qu’accessoire ; il n’est
considéré que lorsqu’il n’entre pas en opposition avec leur incessant besoin de profit. Le

27
seul et réel objectif de notre société actuelle, en tout cas occidentale, est l’accroissement
infini de la richesse de ses entreprises, dans l’unique but d’obtenir toujours plus de
bénéfices. La plupart des choix politiques sont déterminés par la nécessité d’accumuler
toujours plus de richesse, par l’intermédiaire de la croissance économique, devenue
l’obsession fixe mondiale. Mais au-delà, nous sommes tous plongés dans une course
mondiale à l’enrichissement personnel et collectif. La société capitaliste dans laquelle nous
évoluons déshumanise l’être humain, en ne le considérant que comme une force de travail et
un simple consommateur. Comme les entreprises dirigent notre société, il est normal de
n’être réduits qu’à ces rôles-là. Dans leur quête insatiable de toujours plus de bénéfices, les
entreprises font tout pour nous faire dépenser notre argent, seule réelle valeur fondamentale
de notre société actuelle. Qu’importe la raison, qu’importe la méthode, qu’importe les
conséquences, rien n’est en mesure d’atténuer leur soif inextinguible d’accumulation de
richesse. Pour arriver à leurs fins, elles orientent notre désir vers les choses extérieures et les
objets matériels. Elles jouent sur notre capacité à nous comparer et à désirer ce que l’autre
possède, à nous attacher aux objets qui nous entourent, à nous identifier aux choses
matérielles. Elles créent et entretiennent notre dépendance à ce monde matériel, nous
rendant esclaves de notre besoin chronique de consommation. Notre vie étant centrée sur
l’avoir et non sur l’être, nous dépendons très fortement de tout ce confort et de tous ces
objets du quotidien, qui n’existaient pas hier et dont on ne peut plus se passer aujourd’hui.
Nous avons l’impression qu’ils sont indispensables à notre équilibre et qu’on ne peut
désormais plus vivre sans eux. Et nous continuons à désirer toujours plus et toujours mieux,
essayant de calmer en vain notre insatisfaction perpétuelle et de combler temporairement ce
besoin infini de consommer. Le sens de la vie est pourtant de réussir à se défaire de notre
addiction à cette consommation, en ne faisant plus dépendre notre bonheur à la possession
d’objets extérieurs. Le bonheur et le malheur dépendent seulement de nos pensées et de nos
émotions. Ils sont à l’intérieur de nous-même et non dans les choses ou les évènements
extérieurs. Nous pensons posséder les objets, mais en réalité, nous sommes possédés par
eux. Nous pensons être libres, alors que nous sommes esclaves de cette société de
consommation.
_ J’ai encore du mal à faire le lien entre la domination de l’égo et la domination des
entreprises, avoua Emma.
_ Rappelle-toi que l’égo se nourrit de notre souffrance pour exister. Plus on souffre, plus il
prend de l’importance et plus il dirige notre vie. Il fait alors tout pour nous désaligner de
notre coeur et de notre corps, n’écoutant que ses besoins à lui. Nous ne sommes, dès lors,
plus centrés sur nous-même, mais uniquement sur lui. On s’identifie donc à lui et à nos
possessions : nos objets, notre argent, nos compétences, nos titres, nos relations… ou à ce
que nous faisons : notre métier, nos activités, notre rôle de parent… Comme il a peur de
disparaitre, il passe son temps à obtenir de l’attention et à se comparer, à recevoir des
28
compliments et de la reconnaissance. Tous ses besoins sont un terreau parfait pour le
développement de nos entreprises. L’égo détourne en permanence notre attention de nos
besoins véritables pour nous imposer les siens, qui sont à la fois insatiables et
insatisfaisables. Notre but n’est plus la recherche de notre bien-être, nous conduisant à la
joie, à l’amour et à la paix intérieure. Il est désormais tourné vers la rentabilité des
entreprises pour lesquelles on oeuvre au quotidien, en travaillant pour leur développement et
en consommant tous les produits qu’elles ne cessent de créer en quantités extravagantes. Il
s’agit de négocier, de posséder, de dominer, de gagner. L’égo s’exprime alors à son
maximum. Il devient l’entreprise et sa survit dépend de la croissance de celle-ci. Il n’est pas
en lien avec le monde extérieur, qu’il ignore complètement. Il ne pense qu’à lui et se moque
totalement du bien-être de notre environnement. La Terre entière peut bien souffrir et brûler
sous nos yeux, grand bien lui fasse ! Seul sa survie compte. Nous volons, détruisons et
empoisonnons la terre qui nous nourrit sans réagir. Nous laissons faire, nous pensons même
que cela est normal. N’est-ce pas là le résultat d’une inconscience collective, due à son
emprise ? Il est, pour moi, aux manettes de notre société actuelle, à travers notre
inconscience individuelle et collective.
_ Comment s’en défaire, s’il dirige notre monde ?
_ Il faut déjà réussir à le reconnaitre derrière toutes ses actions. À partir du moment où l’on
réussit à l’identifier et à l’observer, alors il perd de sa force et son pouvoir sur nous diminue.
Mais cela nécessite d’être conscient, afin de sortir de l’intense brouillard dans lequel il nous
plonge quotidiennement. L’industrie publicitaire et la société de consommation
s’effondreraient si tous les gens étaient éveillés et ne cherchaient plus leur identité dans
leurs titres ou leurs objets. L’être humain a pourtant besoin de peu de choses pour être
heureux. D’autant plus que son bonheur ne relève pas de ce qu’il possède, mais de sa paix
intérieure. Le désir de toujours plus, cette convoitise permanente, ne peut conduire qu’à la
douleur. Alors que le bonheur, c’est de continuer de désirer ce que l’on possède déjà. Il est
normal de ressentir du plaisir à la possession d’un bien matériel, mais celui-ci sera
temporaire et relatif. Et s’en suivra ensuite un manque ou une insatisfaction, nous
conduisant à la souffrance. Parce que nous sommes tous soumis à l’impermanence des
choses.
_ Qu’est ce que c’est ?
_ L’impermanence des choses exprime l’idée que tout est éphémère. Rien ne dure, ne
demeure, tout évolue, se transforme. Les choses, les êtres, les situations et les sentiments
évoluent, changent d’instant en instant et se transforment tout le temps. C’est pourquoi
s’attacher aux choses et s’identifier à elles ne peut qu’amener au manque, à l’insatisfaction
et à la souffrance. Nous pouvons accumuler un immense trésor, nous en voudrons toujours
plus et nous finirons par mourrir insatisfaits et malheureux. Malheureusement, la non-
identification aux choses est presque impossible, dans une société où tout notre système de
29
compréhension, de pouvoir, de reconnaissance et d’amour repose sur l’argent. Nous sommes
conditionnés à accumuler de l’argent et à réussir socialement. Notre éducation et notre
système de pensées sont fondés sur la compétition et la victoire matérielle. On aime, parce
cela nous rapporte quelque chose. On vit dans le désir d’obtenir ce que l’on ne possède pas
et avec la peur de perdre ce que l’on a déjà. On confond qui on est véritablement avec nos
titres, notre quartier, nos objets, nos origines, notre travail, nos relations… On finit par
n’exister qu’à travers eux et on n’est plus capable d’être aimé pour ce que l’on est, c’est-à-
dire de simples êtres humains.
_ Le regard des autres sur nous-même conditionne aussi beaucoup nos réactions. Je me
rends compte que j’agis beaucoup en fonction de ça, au quotidien…
_ Bien sûr, confirma Sébastien. Bien souvent, nous nous comportons dans le but de plaire
ou de ne pas déplaire, on attire l’attention ou on se fait discret, on suit les règles communes
ou on se rebelle contre elles… On agit en fonction du regard des autres, jusqu’à en devenir
prisonniers. Nous sommes sans cesse en quête d’un compliment, d’une récompense, d’une
gratification, d’un sourire, d’une bonne réputation, des honneurs… Et les situations inverses
nous bouleversent, nous attristent, nous blessent, quand bien même elles proviendraient
d’un parfait inconnu. Il est important de prêter attention aux personnes qui nous entourent,
mais on ne doit pas constamment se soucier de leur approbation ou de leurs critiques. On
doit avoir assez de confiance en nous pour réussir à s’en défaire. Et cela demande de
s’aimer. Sans amour de soi, on est une proie très facile pour notre égo.
Sébastien s’arrêta quelques instants et observa Emma, prise par ses pensées. Elle n’était plus
sa petite fille, qui jouait avec ses jouets et s’émerveillait de tout. Elle était désormais une
adolescente aux prises avec ses doutes, ses peurs et un environnement extérieur plein de
difficultés et de contrariétés. Elle avait quitté l’insouciance de l’enfance pour le monde
complexe et déroutant des adultes. Cela l’émouvait. Il se sentit un peu désuni et s’en voulait
de ne pas réussir à mieux l’accompagner dans sa vie de tous les jours.
_ Qu’est ce qu’il y a ? Demanda t-elle, après avoir croisé le regard de son père.
_ Rien. Je regarde ma fille et je me dis qu’elle a bien grandi, sourit-il.
_ Oui, bien parfois, je me dis que la vie était plus facile quand j’étais petite ! Confessa t-elle.
Tout ce que tu me dis me travaille énormément. Je n’avais pas conscience de tout ça. Je
comprend mieux pourquoi j’ai beaucoup de mal à trouver ma place. Pourquoi je me sens un
peu perdue…
_ C’est bien normal. La société dans laquelle on vit n’a absolument pas le même but que le
nôtre. Et le sien n’est surtout pas de nous rendre heureux. Autrement, elle ne pourrait plus
continuer de s’enrichir grâce à nous. Elle cherche seulement à nous procurer du plaisir et
nous maintenir dans une quête de perfection. Nous grandissons en nous comportant selon
l’opinion de notre entourage, de celle de la société et de la religion. On nous dit ce qu’il faut
être, à quoi il faut ressembler, comment nous comporter… Alors on commence par devenir
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quelqu’un d’autre. On n’agit plus par nous-même, mais en fonction de notre environnement
et de nos relations. Ne sachant plus qui on est vraiment, on essaie de répondre à l’image de
perfection qu’on s’imagine, afin d’être accepté et reconnu par les autres et par nous-même.
On essaie d’être ce qu’on désire, mais il est impossible d’atteindre la perfection. Et les
besoins perpétuellement insatisfaits de l’égo nous amènent à nous juger, à nous critiquer, à
nous détester… À ne plus savoir qui on est, on s’égare dans notre quête de perfection et on
en souffre beaucoup. C’est pourquoi la société voue un tel culte à la beauté illusoire et nous
maintient dans la tyrannie du critère esthétique. Notre environnement nous dit ce qui est
beau, ce qui est laid, ce qu’il faut porter, ce qui est à la mode ou tendance… Cela change
perpétuellement, mais on fait pourtant tout notre possible pour coller au maximum à cette
image de beauté qui est prônée. Une image inaccessible et illusoire, mais extrêmement
rentable. Les industries de la mode et du textile, de la cosmétique, de l’automobile, de
l’immobilier et de l’aménagement intérieur notamment, se nourrissent de ça. Nous avons
pourtant des vêtements pour nous protéger des aléas du temps, nous avons des véhicules
pour nous déplacer, un toit pour nous abriter, mais ce n’est jamais assez. Jamais assez bien,
jamais assez récent, jamais assez beau, jamais assez bon, jamais assez puissant, jamais assez
satisfaisant… Nous accumulons les biens et les richesses, parce que le plaisir que nous en
retirons se dissipe très rapidement, alimentant notre dépendance à elles. Nous sommes
drogués de tous ces biens, mais cela ne suffit pourtant pas à apaiser notre souffrance
intérieure.
_ Oui, tout le monde souffre de cette situation… C’est terrible.
_ Le problème, c’est que cette situation ne concerne pas que nous. Elle implique également
notre planète Terre et tous les êtres vivants qu’elle abrite. La recherche infinie de richesse et
de bénéfices de nos entreprises oblige à une surconsommation constante et exponentielle de
nourriture, d’objets et d’expériences. Dans le besoin de toujours plus, toujours mieux de
l’égo, cette surconsommation alimente une hyper production mondiale infernale et délétère
de tout et n’importe quoi, ainsi qu’une hyper productivité humaine féroce et tragique. Cela
sur notre dos, mais surtout sur celui de notre planète. On pille ses ressources, on viole ses
terres, on détruit ses espèces vivantes, on bouleverse ses climats, on la violente, on met en
péril tous ses écosystèmes et son existence, pour nourrir les besoins insatiables de notre égo.
On n’en trouve qu’un plaisir éphémère à peine satisfaisant, qui s’efface très rapidement pour
nous amener à la souffrance, mais cela ne fait rien. On continue ainsi, inconscients du mal
que nous infligeons à nous-même et à la planète qui nous nourrit, nous vêtit, nous abrite,
nous énergise et nous fait vivre. La relation de l’homme au monde animal est un exemple de
son inconscience. Les chiffres (source : L214) sont ahurissants. En 2018, 3,8 milliards
d’animaux ont été tués chaque jour dans le monde, ce qui fait l’équivalent de 183 animaux
par habitant/an. Combien d’êtres humains ont réellement mangé l’équivalent de 183
animaux en 2018 ? Et malheureusement, la très grande majorité de ces élevages sont
31
intensifs et ne respectent aucun droit animal. En 2013 (source : notre-
environnement.gouv.fr) le seul secteur de l’élevage était à l’origine de 14,5% des émissions
mondiales de gaz à effets de serre, dont 9,3% provenaient uniquement des bovins ! Toute
cette pollution pour combien d’humains réellement concernés par cette consommation de
viande et notamment de boeuf ? Cette surproduction animale réclame 70% des terres
agricoles du globe, dont l’essentiel est réalisé sur des terrains non cultivables. Et une partie
de ces espaces non cultivables sont issues de la déforestation, afin de créer les pâturages et
les cultures pour nourrir les animaux d’élevage. Ces élevages réclament également une
énorme production d’eau, dont nous manquons de plus en plus. Et ils sont également
sources d’émissions de polluants atmosphériques et de pollution de l’eau. Leur empreinte
carbone et leur impact sur notre environnement sont extrêmement importants. Sans parler de
la souffrance animale provoquée… Nous le savons, mais rien n’est fait pour corriger cette
situation catastrophique pour la planète. L’agriculture (source : fao.org), elle aussi, a un
impact terrible. En 1999, 37% de la surface terrestre du globe était recouverte par des
terrains agricoles et plus des deux tiers de la consommation d’eau était uniquement destinée
à l’agriculture. Là encore, comme l’élevage, l’agriculture est grandement responsable de la
pollution de l’eau au niveau mondial, du fait de l’utilisation très forte des engrais, du fumier
et des pesticides. Et l’étendue et les méthodes d’agriculture, de foresterie et de pêche sont
les principales causes de perte de la biodiversité dans le monde. De plus, les méthodes
d’agriculture nuisent énormément à son propre avenir, de part la dégradation des sols,
l’augmentation de la salinisation, le soutirage excessif d’eau et la réduction drastique des
cultures et des animaux présents dans ces régions. En 2022, un rapport de l’association
WWF rapportait qu’entre 1970 et 2018 les populations de poissons, de mammifères et
d’oiseaux avaient diminué de 69% ! Plus de 75% des milieux terrestres et 40% des
écosystèmes marins sont aujourd’hui fortement dégradés (source : écologie.gouv.fr). Un
million d’espèces sont menacés d’extinction dans le monde et ce rythme de disparition est
100 à 1000 fois supérieur au taux naturel d’extinction… Cette forte dégradation de la
biodiversité est la conséquence directe de nos activités humaines. Et le changement
climatique ne va faire qu’aggraver et accélérer cette situation critique. Mais nous continuons
de fermer les yeux et de laisser les industries agricole, d’élevage et alimentaire bouleverser
l’équilibre de notre planète. Et à quel prix ? Malgré tous ces bouleversements, nous ne
sommes même pas capable de protéger tous les êtres humains de la faim. Selon les Nations
Unies, 9,2% de la population mondiale souffrait de faim chronique en 2022 (source :
lemonde.fr). Pourtant, ce n’est en aucun cas lié à un déficit de production alimentaire,
puisqu’un tiers de la nourriture produite était perdue ou gaspillée en 2011 au niveau
mondial, soit 1,3 milliards de tonne/an (source : onu-rome.delegfrance.org) ! 13% des
aliments produits sont perdus entre la récolte et la vente et 17 autres % sont gaspillés dans
les ménages, les services de restauration et à la vente. Quand un aliment est jeté ou perdu, ce
32
sont toutes les ressources utilisées pour les produire qui sont gaspillées : l’eau, la terre,
l’énergie, le travail… Sans compter la pollution créée pour le produire et l’acheminer jusque
dans nos assiettes. Il en est d’ailleurs de même pour tout bien matériel abandonné ou jeté.
_ Tous ces chiffres me donnent envie de vomir… C’est catastrophique… On pense que tout
nous est dû et on pille la Terre avec frénésie, sans un regard au mal qu’on fait à tous les êtres
vivants autour de nous. L’orgueil humain est tel qu’on pollue et détruit tout notre
environnement aveuglément, en ignorant volontairement les conséquences actuelles et
futures, se désola t-elle. J’ai lu, il y a peu, que la Terre venait de franchir sa sixième limite
planétaire, en 2023, celle de l’eau douce (source : publication Instagram du compte
Bonpote)…
_ Qu’est ce que sont ces limites planétaires ? Demanda son père.
_ Une limite planétaire est une mesure quantitative des frontières de notre planète, dans
lesquelles les humains peuvent continuer à se développer et à bien vivre ensemble. Il s’agit,
en quelque sorte, de savoir jusqu’à quelles limites la Terre peut absorber les pressions liées à
l’activité humaine, sans mettre à mal nos conditions de vie. Il en existe 9 et désormais 6
d’entre elles sont dépassées. Et une septième limite, celle de l’acidification des océans, ne
devrait plus tarder à être également dépassée, si rien ne change… L’enjeu de ces limites
planétaires est juste la stabilité des écosystèmes mondiaux dont les êtres humains
dépendent. C’est une question de survie, mais presque personne n’en parle ni ne s’en
soucie ! La preuve, tu n’es même pas au courant, s’attrista t-elle. Notre planète souffre
terriblement par notre faute, mais nous continuons pourtant nos agissements sans lui prêter
attention, comme si tout cela n’existait pas vraiment. Notre capacité à vivre dans le déni de
ce qu’il se passe autour de nous est inimaginable.
_ C’est un exemple de la folie collective dont je te parlais. L’humanité est si malade qu’elle
fait souffrir tout ce qui l’entoure : les animaux, les plantes, les sols, les forêts, les glaciers,
les océans, l’air, le climat, la Terre entière… Mais on ne s’arrête pas en si bon chemin ; on
est également très fort pour faire souffrir notre propre espèce. Les besoins d’opposition, de
résistance et d’exclusion de l’égo nous maintiennent dans un sentiment de séparation avec
les autres nécessaire à sa survie. Il nous incite à nous comparer pour nous différencier, se
servant du poids, de la taille, de la couleur de peau, du sexe, du pays d’origine, de l’âge, de
l’éducation, de l’habillement, de la religion, de la culture, de nos croyances… pour nous
individualiser, nous isoler et nous diviser, en jugeant et en critiquant nos dissemblances avec
les autres. Il nous oppose, nous faisant croire que notre souffrance est causée par les autres,
et s’amuse à nous faire revivre les souvenirs douloureux du passé. Il nous plonge dans un
état sourd et presque continuel de mal-être, d’insatisfaction, d’ennui ou de nervosité.
Comme un parasitage de fond incessant, qui nous habite en permanence. Alors pour fuir la
souffrance et taire cet état sourd, nombreux s’abandonnent dans la cigarette, le sucre, le jeu,
l’alcool, le shopping, les écrans, le sexe, les médicaments, la drogue… Toute substance
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permettant d’endormir nos tourments et nous empêcher d’être conscients de notre problème
véritable, de faire face à notre douleur profonde, est bonne à prendre, créant alors notre
dépendance. Malheureusement, nier cette douleur ne fait que l’empirer, et ce mal-être de
fond peut se transformer en un état de souffrance et de tourment plus aigu et plus violent,
alimentant notre corps de souffrance, à l’origine de la violence, de la dépression, de la haine
et d’une intense négativité que l’on projette sur les autres… Plutôt que de rechercher la
différenciation et la division, nous devrions prendre conscience de notre égalité entre tous.
Comparer nous enferme dans la croyance du manque, alors que raisonner en termes de
ressemblances et de similitudes nous ouvre à l’unité, à la compassion et à l’harmonie.
_ Les inégalités entre hommes et femmes sont un exemple de cette division adorée par
l’égo, non ? Comme la société patriarcale se fonde sur la distinction des sexes et la
valorisation des hommes par rapport aux femmes, il peut se nourrir de la souffrance
engendrée par les discriminations, le sexisme et les inégalités dont on est victime.
_ Tout à fait, sourit son père, ravi de voir que sa fille réussissait à identifier les
comportements empruntés par l’égo et ses conséquences. Les femmes sont plus diplômées
que les hommes (source : insee.fr), pourtant elles ne représentent que 43% des emplois
cadres et des professions intellectuelles supérieures, en France. Elles ont moins souvent
accès aux postes les mieux payés et travaillent dans des secteurs d’activité moins
rémunérateurs. Leurs revenus sont d’ailleurs 22% inférieurs à ceux des hommes. L’arrivée
d’un enfant dans un couple est quelque chose de merveilleux pour les deux parents, mais
c’est bien les femmes qui en subissent malheureusement les conséquences professionnelles.
À l’arrivée d’un enfant, ce sont elles qui majoritairement interrompent leur activité ou
réduisent leur temps de travail. Elles sont ainsi trois fois plus souvent à temps partiel que les
hommes. Comme elles ont des carrières plus courtes et moins bien payées, elles partent plus
tard à la retraite et leurs pensions sont inférieures. Pourtant, se sont bien elles qui ont
souffert physiquement et psychologiquement de la grossesse et de l’accouchement. Elles ont
porté l’enfant durant neuf mois où leur corps s’est transformé physiquement et
physiologiquement, entrainant une fatigue intense, des maux de toute sorte (insomnies, mal
de dos, maux de tête, nausées, vomissements, souffle court, crampes, varices, humeur
changeante…), ainsi qu’un bouleversement psychologique fort, en lien avec la
responsabilité de la gestation et celui de l’arrivée prochaine de l’enfant. Puis elles l’ont mis
au monde, dans un exercice aux allures de marathon très exigeant pour le corps,
extrêmement douloureux et épuisant. À bout de forces, bouleversées physiquement et
mentalement, leur nouveau rôle de mère ne leur permettent pourtant aucun répit, ne leur
laissant absolument pas le repos nécessaire pour récupérer de ces deux évènements
traumatisants. L’allaitement, les soins, le jeu, les interactions positives avec le nouveau-né,
ses développements psychologique et moteur, les limitations de sommeil, la récupération
post-partum et la gestion psychologique des bouleversements, amenés par la naissance dans
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le quotidien, sont autant de situations à affronter inévitablement et bien souvent seules,
puisque le congé paternité ne se limite qu’à 28 petits jours. Tout le monde convient que ces
périodes de grossesse, d’accouchement et de maternité sont fondamentales pour le bon
développement de tous les enfants, pourtant les femmes se trouvent la plupart du temps
isolées et exposées à toutes ces épreuves sans réelle contrepartie, si ce n’est leur congé
maternité, très loin d’être une promenade de santé. Elles doivent réaliser beaucoup de
sacrifices personnels pour le développement et le bien-être de nos enfants, sans que cela ne
dérangent fondamentalement les hommes, pourtant autant parents qu’elles ne le sont. Et le
monde du travail n’est qu’un exemple d’inégalités parmi tant d’autres. Si les tâches
parentales leurs sont majoritairement dédiées en parallèle de leur profession, celles-ci ne
font que s’ajouter aux tâches ménagères, qui sont un autre exemple de sérieuses inégalités
entre les deux sexes. Les femmes assurent plus du 3/4 du travail domestique non rémunéré
au sein du foyer, comme s’occuper des enfants, d’une personne malade, des repas, de la
maison, des courses, des rendez-vous médicaux (oxfamfrance.org)… Ce partage inégal du
travail domestique et de soin est une cause indirecte de leur précarité, parce qu’il
compromet sérieusement leur indépendance économique. Et par conséquence, elles ont
beaucoup moins de temps libre que nous. Elles sont également moins protégées par les lois
concernant leur rémunération, les congés, leur maternité, l’entrepreneuriat, la retraite…
Elles représentent 61% des personnes les plus pauvres et 2/3 des analphabètes dans le
monde. Elles sont aussi beaucoup plus victimes d’agression physique et sexuelle. Plus d’un
tiers des femmes ont ainsi subi des violences physiques et sexuelles au cours de leur vie !
Toutes ces inégalités sont désolantes… Comment peut-on infliger tout cela à nos mères, à
nos femmes, à nos soeurs et à nos filles ? Un enfant est ce qu’il y a de plus important dans la
vie d’un parent, et pourtant on accepte que nos filles subissent toutes ces injustices… Nous
aimons profondément nos femmes, mais nous fermons les yeux et laissons continuer cette
situation grotesque sans réagir. Nos mères se sacrifient pour nous et voilà notre
reconnaissance…
_ Cela parait pourtant tellement évident ! À quel moment peut-on penser que les hommes
sont supérieurs aux femmes, alors qu’on appartient tous au même genre humain et qu’on est
tous fait pareil ! Ça me rend folle.
_ C’est tout autant incompréhensible que de se différencier en fonction de notre couleur de
peau, de notre origine ou de notre religion. Le racisme et le génocide sont des exemples
terribles de la capacité de l’Homme à se comparer, se juger, se diviser et se détruire. Nous
n’avons aucune action sur l’endroit de notre naissance, même si cela détermine notre
couleur de peau et notre origine. Je suis né en France, mais j’aurais très bien pu naitre
brésilien, nigérian, indien ou philippin, sans que cela change quoi que soit. Mon origine et
ma couleur de peau sont uniquement liés au hasard et ne devraient avoir aucune influence
sur ma vie future ni sur la perception des autres à mon égard. Nous sommes bien tous de
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simples êtres humains identiques génétiquement, appartenant tous à la même espèce. Nous
naissons tous sur cette planète Terre et sommes tous originellement liés, provenant de la
même origine géographique en Mésopotamie. Nous sommes pour ainsi dire tous de la même
famille. Mais l’égo se raccroche à nos rares dissemblances et s’en sert contre nous pour
nous différencier et nous opposer. Nous préférons l’écouter déverser ses pensées négatives
et son poison émotionnel contre nous et notre entourage, contre nos voisins proches et
lointains, et nous finissons malheureusement à ne plus que voir ces rares différences,
fermant injustement les yeux sur toutes nos ressemblances et nos liens. C’est pourquoi nous
souffrons tous, séparés et isolés de tout, alors que notre essence véritable est d’être en
harmonie avec tous les êtres vivants de notre monde.
_ Quand j’entends tout ça, je me dis qu’on n’a aucune chance de s’en sortir… Se désespéra
Emma.
_ Il existe pourtant de réelles solutions. Elles ne sont pas toutes faciles à mettre en place,
mais elles peuvent vraiment changer le monde, si nous nous y mettons tous ensemble, en se
soutenant et en s’entraidant.
_ Et quelles sont ces solutions miracles ?

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Chapitre 6
La guérison des blessures

« « On ne pleure pas d’amour,


les larmes sont juste là pour nettoyer le coeur.
Un ménage à grande eau pour guérir ses blessures.
Parce que l’amour, ça ne dessine que des sourires
et les larmes, c’est quand il n’est plus là… »

_ Il faut apprendre à nous connaitre personnellement, répondit son père. Il faut observer nos
comportements, nos réactions et nos émotions pour mieux nous connaitre et comprendre les
raisons profondes de nos actions. Pour cela, il nous faut travailler sur nous-même, pour
corriger nos réactions négatives et changer nos mauvaises habitudes et nos réflexes
inconscients. Il est très important de savoir qui l’on est, ce qui nous habite, nous passionne,
nous attire, nous répulse, nous fait réagir… De comprendre l’origine de nos addictions et de
nos émotions fortes… Si nous ne nous connaissons pas, alors c’est comme être aveugle le
long de notre chemin de vie. Comment réussir à éviter les obstacles qui se trouvent sur notre
route et à marcher avec confiance vers notre but ? De plus, en apprenant à nous connaître,
on apprend à nous maitriser. On devient alors capable de gérer ensemble notre corps, notre
coeur et notre esprit. On peut toujours chercher à dominer notre environnement, mais
comment le pouvoir si l’on n’est pas déjà capable d’être maître de soi ?
_ Et comment fait-on pour apprendre à se connaitre vraiment ?
_ Il faut apprendre à connaitre son corps, son coeur et son esprit. Ces trois éléments sont
indissociables pour notre bon fonctionnement. Notre bien-être passe par leur maîtrise. Il est
donc essentiel de prendre soin et d’aimer son corps. Il nous faut apprendre ses capacités
physiques et ses limites, le maintenir en forme et lui permettre de se reposer lorsqu’il en a
besoin. Il faut se nourrir de manière équilibrée, avec des aliments sains, variés et adaptés
aux besoins physiques du moment. Notre alimentation ne doit pas uniquement répondre à
nos désirs de plaisir gourmand, car c’est un facteur majeur de notre bien-être présent et
futur. Tout comme l’est la respiration. C’est pourquoi il faut également apprendre à bien
respirer et à maîtriser son souffle. Si on ignore notre corps en étant tout le temps dans notre
tête ou en le sur-sollicitant trop, on s’expose à l’épuisement et à l’apparition de maladies de
toutes sortes. De la même façon que pour le corps, il est tout aussi essentiel d’apprendre à
connaitre notre coeur, c’est-à-dire nos émotions, notre sensibilité, nos états d’âme… Nos
émotions entrent en résonance avec nos pensées et notre moral. On perçoit notre vie à
travers leurs filtres et elles influencent donc directement nos relations avec les autres. Ce
travail sur soi nous permet alors de comprendre pourquoi on fonctionne ainsi. De savoir ce
qui nous fait éprouver de la joie et de la peur, de la colère et de la tristesse, de l’envie et du
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désespoir… De comprendre ce qui nous replonge dans les mêmes dysfonctionnements, les
mêmes mécanismes de répétition… C’est un travail très difficile, car il nous amène bien
souvent à la découverte de nos traumatismes passés et de nos blessures à l’origine de nos
souffrances. C’est pourquoi il peut être important de se faire aider par quelqu’un d’extérieur,
apte à jouer pour nous un rôle de soutien.
_ Et je parie qu’il est essentiel d’apprendre comment fonctionne notre mental et nos pensées
!
_ Tu as tout deviné ! Rigola Sébastien. Mais il ne suffit pas d’apprendre à maitriser ces trois
éléments ; il nous faut aussi apprendre à les faire travailler ensemble. Notre esprit doit
fonctionner en harmonie avec notre coeur et notre corps, sans les dominer ni les tyranniser.
Il doit les écouter et respecter leurs besoins. Si on laisse notre égo dominer notre mental,
alors il va tout faire pour nous couper d’eux. Notre corps et notre coeur ont tous deux une
intelligence corporelle et émotionnelle. Lorsque quelque chose ne va pas, ils nous envoient
des signaux, afin de nous alerter et nous permettre de modifier la situation. Et notre
intelligence cérébrale nous permet de lire ces signaux, si notre mental n’est pas sous
l’emprise de l’égo et de son bruit de fond permanent. Quand les trois sont connectés
ensemble, nous sommes alors être entièrement nous-même.
_ Dès que l’égo prend possession de nous, nous ne sommes donc plus nous-même ?
_ Exactement. On porte un masque, on adopte un comportement différent et on affiche une
fausse image de nous-même. C’est alors que tous nos problèmes commencent. Comment
peut-on espérer que les personnes en face de nous réagissent comme on le pense, si on leur
ment en leur dissimulant qui l’on est réellement ? Cela ne fait qu’apporter de la frustration,
de la tristesse, de la colère et de la douleur. On ne peut pas transformer le monde autour de
nous, mais on peut transformer notre propre monde en nous libérant de la tyrannie de notre
égo. Notre bonheur et notre malheur sont à l’intérieur de nous-même, pas ailleurs. Le
chemin de notre vie a pour but de nous amener de l’ignorance à la connaissance, de la peur
à l’amour, de l’inconscience à la conscience, de l’obscurité à la lumière. C’est le chemin
vers la sagesse et au bout de celui-ci se trouve la joie, l’amour et la paix intérieure. C’est
l’aventure de notre vie, sourit son père. Et pour vivre cette aventure, nul besoin d’être riche,
puissant, beau ou fort. Il suffit seulement de le désirer vraiment et de se donner la possibilité
de réussir, parce que la sagesse peut être donnée à tous. Simplement, cela nécessite de
comprendre et d’accepter notre interconnexion les uns avec les autres. L’égo nous maintient
dans un état de peur perpétuel et nous divise, nous isole. Pourtant, même si nous avons tous
des visages différents, nous sommes bien tous des êtres humains partageant ensemble notre
vie sur cette planète Terre.
_ En quête de sagesse, de joie, d’amour et de paix ! Rigola Emma.
_ Tu as tout compris ! C’est pourquoi en face d’une autre personne, il nous faut rechercher
nos similitudes et non nos différences. Seul l’égo prête importance aux dernières.
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_ Et comment fait-on lorsque la personne en face de nous nous fait ressentir de l’agacement,
de la colère, de la souffrance ?
_ Bien souvent, les douleurs ressenties au contact des autres correspondent à des blessures
ou des problèmes que l’on n’a pas encore réussi à régler. L’autre est comme notre reflet ; il
nous permet de nous rendre compte de nos zones d’ombre qu’il nous faut continuer à guérir.
Comme ces zones d’ombre nous font souffrir, on fait tout pour ne pas les voir. Et elles
finissent par nous faire souffrir encore plus fortement à leur moindre confrontation. Il ne
faut donc pas forcément voir celui qui nous fait ressentir de la souffrance comme un
ennemi, mais plutôt comme un ami qui nous permet de nous révéler nos blessures, afin de
les guérir. Bien sûr, il faut avoir l’envie profonde d’y arriver pour que cela puisse
fonctionner. Mais au fur et à mesure, on peut réussir à comprendre pourquoi l’autre nous
renvoie notre souffrance et ainsi résoudre en nous nos dysfonctionnements, afin d’être
pleinement heureux. Parce que notre douleur ne vient pas de l’autre, mais de nous-même.
Chaque contrariété que l’on ressent est une opportunité pour mieux nous comprendre.
Malheureusement, lorsqu’on est inconscient, l’égo répond à tous nos problèmes à notre
place. Ses réponses sont remplies de peur, de tristesse, d’agressivité et de violence et nous le
laissons faire aveuglément. C’est pourquoi nous continuons de souffrir.
_ Comme dans le cas de nos blessures profondes… Comment fait-on pour les guérir, une
fois qu’on a identifié lesquelles sont présentes en nous ?
_ Il faut déjà avoir conscience que pour guérir une blessure, il nous faut inévitablement lui
faire face. Et cela demande beaucoup de courage pour l’affronter, parce que certaines
d’entre elles sont très douloureuses. Et il faut se rappeler que tous nos mauvais
comportements n’apparaissent que lorsque nous portons nos masques créés par notre égo,
lorsque nous avons peur de souffrir ou de revivre une blessure. Dès que nous portons ce
masque, nous ne sommes plus nous-même, mais sous son emprise. C’est pourquoi il est très
important d’arriver à vite se rendre compte lorsque notre masque est en place. C’est ainsi
qu’on arrive à identifier la blessure qu’on se dissimule à soi-même. Il faut réussir à se dire :
« ok, j’ai réagi comme ça, parce que j’ai mis tel masque ». La première étape pour guérir
une blessure, c’est donc de la reconnaitre et d’accepter qu’elle soit présente en nous.
L’accepter ne signifie pas qu’on est d’accord avec son existence, mais qu’il faut être en
mesure de l’observer, sans nous juger. Notre égo a mis en place notre masque pour nous
protéger de la souffrance vécue la première fois. C’était une démarche d’amour envers
nous-même, pour nous aider à nous adapter à un contexte familial favorisant l’apparition de
cette blessure. En l’acceptant, on peut alors lui donner de l’amour inconditionnel. Parce que
finalement, derrière cette blessure se cache un aspect de nous que l’on ne veut pas voir et
qu’il faut corriger. La blessure nous permet de le mettre en lumière, pour notre bien. Ainsi
pour guérir une blessure, il faut la reconnaitre, l’accepter et l’aimer. Ensuite, il faut bien
comprendre que le masque que l’on porte nous fait beaucoup plus de mal que de bien et
39
qu’on peut y survivre, même si on se sent blessé. On n’est plus le petit enfant qui a été
confronté à la blessure pour la première fois. On est désormais une personne beaucoup plus
mature avec plein d’expériences vécues, qui nous ont appris des choses bénéfiques et utiles
sur nous-même, et avec une vision différente et plus fine de la vie. On n’a donc plus besoin
de porter notre masque pour nous protéger. Et sans masque, on peut redevenir nous-même et
accepter que notre vie soit remplie d’expériences pour nous faire évoluer. De faire
l’expérience d’être vraiment nous-même ! C’est cela qui permet l’amour de soi et la
guérison. Cette guérison ne signifie pas que la blessure n’est plus là, mais qu’elle ne
contrôle plus notre vie.
_ Par l’intermédiaire de notre égo… Comment fait-on pour diminuer son pouvoir sur nous ?
_ Il faut accepter qu’il soit là et ne surtout pas s’en vouloir de l’avoir laissé diriger notre vie,
jusque-là. Il pensait nous protéger de la souffrance et nous l’avons laissé faire
inconsciemment. Il essayait de nous aider, mais malheureusement cela nous a fait du tort. Il
faut bien comprendre qu’on ne peut laisser à personne d’autre qu’à nous-même la direction
de notre vie. Il nous faut donc redevenir responsable de toutes nos actions, en reprenant
notre pouvoir de décision. Parce qui si l’on ne prend pas la responsabilité de nos problèmes,
alors ils reviendront sous d’autres formes et avec plus de force. Tu te souviens que l’égo
nous parle parfois ?
_ Oui, avec toutes ces petites voix sournoises, grimaça t-elle.
_ En effet, sourit son père. Quand l’égo te parle avec sa petite voix, tu peux lui répondre que
tu sais qu’il intervient pour te protéger, mais que désormais tu es en mesure de gérer toute
seule la situation. Tu peux le remercier et le rassurer en lui disant que tu sauras également
gérer les conséquences de tes décisions. Le fait d’observer tes pensées et tes émotions, sans
te juger ni te critiquer, permet d’interrompre leur flux et donc l’intervention de ton égo. La
pensée ou l’émotion disparait. L’égo n’a ainsi plus de moyens de se nourrir et lui aussi
disparaît à son tour. Plus tu l’observeras et le rassureras et plus son pouvoir sur toi
diminuera. En agissant ainsi, tu agis avec ton coeur et tu reprends le pouvoir sur ta vie. Tu
redeviens véritablement toi-même.
_ Je comprends… Ça, c’est pour gérer mon égo à moi. Mais comment je fais avec l’égo des
autres ? Parce que c’est ce qui nous fait aussi souvent réagir et perdre le contrôle. Et on en
arrive à dire des choses qu’on ne voulait pas…
_ C’est une bonne question, sourit son père. Je pense qu’il faut réussir à accepter le mauvais
comportement de l’autre personne. Dis-toi qu’une personne qui s’en prend à toi est une
personne qui a peur et qui se sent blessée. Elle est donc sous l’emprise de son égo, qui
cherche le conflit, à avoir raison, à critiquer, à juger, à se venger, à culpabiliser… Cette
personne n’est plus elle-même. C’est pourquoi il est intéressant, confronté à l’égo de
quelqu’un d’autre, d’exprimer à voix haute la possibilité de ne pas être d’accord avec lui et
d’accepter d’avoir un point de vue différent. Il faut accepter de le voir mal agir à sa propre
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souffrance, tout en réussissant en parallèle à contenir notre propre égo, pour ne pas
envenimer la situation. Parce que les deux égos ne recherchent que ça. Ce sont souvent des
croyances différentes qui amènent à leur confrontation.
_ Quelles croyances peut avoir l’égo ? Et comment reconnaitre une bonne d'une mauvaise
croyance ?
_ Par exemple, la peur de l’échec est une de ses croyances. En percevant l’échec comme
quelque chose de négatif, on le craint et on finit par en avoir peur. On modifie donc notre
comportement, motivé par notre peur de l’échec. Pourtant, la vision négative de l’échec
n’existe que dans le monde de l’égo, parce qu’elle est liée au jugement. Les expériences que
l’on vit nous permettent d’apprendre et d’évoluer, de nous améliorer. En observant chacune
de nos expériences comme un apprentissage, on accepte les épreuves de la vie et on ne
souffre plus d’elles. Il est normal de se tromper pour arriver à la réussite. C’est même la
seule voie possible pour y accéder. Ce qui est important, c’est de retirer un apprentissage de
nos expériences ratées pour ne pas les reproduire, mais faire différemment. En arrêtant
d’avoir peur de l’erreur et de l’échec, nous pouvons nous libérer de nos limites et nous
donner une plus grande chance de réussir. Les cycles se reproduisent tant que nous les
alimentons. En arrêtant de croire à nos croyances limitantes, on arrête de donner du pouvoir
à notre mental, qui s’en sert contre nous. Une croyance est bonne à partir du moment où tu
acceptes de la changer quand tu en découvres une meilleure. C’est toi qui ressent, grâce à
ton intuition, que quelque chose est bon pour toi, même si les autres ne sont pas d’accord
avec ta décision. Nous pouvons deviner des choses avec notre intuition, parce que celle-ci
survient quand on est aligné avec nous-même. À l’inverse, l’égo la bloque, parce que nous
ne sommes plus centrés, lorsqu’il est présent. Nous ne sommes que dans le mental. C’est
parfois très difficile de faire la différence entre la petite voix de l’égo et celle de ton
intuition. Le meilleur moyen, c’est de vérifier comment tu te sens avec ce que tu entends en
toi. Lorsque c’est ton intuition qui te parle, tu ne ressens ni malaise ni peur.
_ Ok, ok… Bon, ça fait beaucoup d’informations à retenir ! Rigola t-elle. Je vais essayer de
résumer pour voir si j’ai bien tout suivi !
_ Je t’écoute.
_ Un événement survient et active une de nos blessures, ce qui nous fait ressentir une
douleur. L’égo intervient alors immédiatement, en nous faisant porter notre masque pour
nous protéger de cette douleur, et nous le laissons faire. Il n’a pas conscience qu’il nous fait
souffrir encore plus, pourtant nos comportements liés au masque nous amènent à vivre des
expériences douloureuses avec les autres et avec nous-même. Pour guérir, on doit alors vite
se rendre compte qu’on porte un masque et qu’on n’est plus nous-même. Le masque
disparait, puis on observe la blessure, on l’accepte et on lui donne de l’amour, afin qu’elle
ne dirige plus notre vie. J’ai rien oublié ?

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_ Tu as tout compris ! La félicita son père, fier d’elle. Tu peux aussi répondre à ton égo
quand il te parle, pour le remercier de t’aider et le rassurer, en lui affirmant que désormais
c’est toi qui prend les décisions et qui ose être qui tu es vraiment. Il est très important de
prendre soin de soi et de s’apporter du réconfort et de la gentillesse, pour se donner les
chances de réussir. Il faut vraiment apprendre à s’aimer et à approuver ses actions. C’est
ainsi que l’on peut réaliser tout son potentiel, sans interférence de l’égo. Mais cela demande
du courage, de la volonté et des efforts, et il est normal de ne pas toujours y arriver, surtout
au début. Il faut faire de son mieux et ne jamais se décourager. Si l’on échoue, alors on
recommence encore et encore. Mais on ne recommence pas comme avant, on reconnait son
erreur et on agit différemment, jusqu’à ce que l’on réussisse. On procédant ainsi, alors on
peut collectionner les succès.
_ Si je mets de côté toutes les mauvaises choses provoquées par mon égo, je me rends
compte que j’ai malgré tout la sensation d’être perdue. Que ma vie manque de sens, sans
réussir à savoir pourquoi ? Et ça me fait peur…

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Chapitre 7
Les épreuves de la vie

« Les aventures ratées, les erreurs malheureuses,


les tentatives perdues, les rencontres douloureuses…
sont autant d’opportunités pour grandir et s’améliorer.
Ne pas les regretter, elles sont simplement arrivées pour nous sublimer. »

_ Nous vivons dans une société qui transforme avec un malin plaisir toutes nos détresses en
nouveaux marchés très lucratifs. Notre quête de sens est de plus en plus forte, puisque nous
évoluons dans un monde qui n’agit pas pour notre bien, mais pour celui des entreprises, et
qui n’est pas animée par les valeurs universelles d’amour, de joie et de paix, mais
uniquement par celle de l’argent. Nous pouvons difficilement nous sentir alignés avec nous-
même, si tout notre environnement fait tout pour nous en empêcher. Heureusement, de plus
en plus de personnes en prennent conscience et cela permet d’éveiller de nouvelles
consciences, favorisant un cercle vertueux à l’origine de cette augmentation de quête de
sens dans notre société occidentale. Tu es loin d’être la seule à te sentir perdue dans ce
monde qui tourne à l’envers. Et heureusement, je dirais ! Cela signifie que tu prends
conscience des dysfonctionnements qui nous entourent et commandent notre monde. C’est
parce que les êtres humains, et notamment ceux qui gouvernent et possèdent les richesses,
ne s’interrogent pas sur la signification de leur existence et de leurs actions que la plupart de
nos malheurs arrivent. Sans réflexion, on se laisse emporter par nos désirs, nos pulsions, nos
besoins matériels et de domination, nos peurs…
_ Et derrière tout ça, par notre égo.
_ Oui, totalement. C’est pourquoi il est essentiel de s’interroger sur notre existence.
Pourquoi sommes-nous sur Terre ? Quel est notre but ? Les événements qui nous arrivent
surviennent-ils par hasard ou ont-ils une signification ? Sommes-nous condamnés à subir
nos instincts et notre éducation ou pouvons-nous nous en libérer et nous sentir vraiment
libres ? Peut-on atteindre le bonheur et si oui, comment le faire durer ? Comment nourrir
notre corps, notre coeur et notre esprit ? Ce sont des questions qu’il est normal de se poser
et pour lesquelles il n’est pas facile de trouver des réponses. Il est nécessaire de savoir ce
qui compte vraiment pour nous et ce qui ne l’est pas, de réussir à devenir pleinement soi-
même et se rendre utile aux autres, de se sentir heureux et en paix. Ceci n’est pas possible
lorsque l’on préfère suivre la masse de ceux qui obéissent aux modes de leur époque,
lorsque l’on mène une vie prisonnier de ses instincts et uniquement préoccupé par ses
besoins matériels. On passe alors à côté des expériences les plus essentielles : celles de
l’amour, de l’amitié, de l’activité créatrice, de la contemplation du monde… Et pourtant
elles ne coûtent rien ou pas grand chose… La vie est un voyage accessible à tous. Un long
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voyage parsemé d’aventures et d’obstacles de toutes sortes, dans le seul but de nous
permettre d’évoluer et d'apprendre à vivre le plus pleinement possible en conscience, dans
l’amour, la joie et la paix. Avec le temps et l’expérience viennent l’éveil et la sagesse. Mais
plus tôt on prend conscience de tout cela, afin d’éclairer notre chemin, plus tôt on s’évite
des égarements, des mauvais choix, des drames et des souffrances.
_ Et comment réussir à trouver un sens à sa vie, pour ne plus se sentir paumée ?
_ De la même façon que ton corps a faim de nourriture pour continuer de fonctionner, ton
âme aussi a besoin d’être nourrie. Chaque être humain possède en lui un don, une
compétence particulière, une vocation profonde… qu’il lui faut découvrir et développer tout
au long de sa vie. Ce n’est pas évident d’arriver à déterminer ce qui fait réellement vibrer
notre âme, ce qui résonne en nous comme une évidence et nous procure une joie profonde,
lorsque l’on met à contribution notre don et réalisons notre vocation. On peut avoir la
sensation d’évoluer comme une âme en peine et ne pas trouver notre place dans ce monde,
tant que nous ne réussissons pas à trouver ce qui nous habite intérieurement. On peut alors
chercher à se remplir de tout, mais cela ne sera jamais suffisant, car cela ne nourrira jamais
notre âme, seulement notre égo. Cette vocation peut se révéler dans le cadre d’une activité
artistique, sportive, sociale, politique, professionnelle ou parentale… Peu importe, tant que
cela résonne en toi et te donne le sentiment de trouver ta place dans le monde, en y
contribuant d’une juste façon. Tant que cela t’apporte de l’amour, de la joie et la paix
intérieure. L’idée, cachée derrière cette quête de sens, est simplement de devenir qui tu es
vraiment et de réaliser ce que toi seule peux faire. Et si cela te semble encore flou et
incertain, tu peux commencer par te concentrer à suivre ce que te dis ton coeur et devenir la
meilleure personne possible. Fais toujours de ton mieux, en étant le plus souvent toi-même
et en aidant les autres autour de toi. Profite de chaque journée que t’offre la vie et vit
chacune d’elles comme une nouvelle aventure à découvrir, avec son lot de nouvelles
rencontres pour t’enrichir et toutes ses expériences pour te faire grandir. Même si parfois la
vie peut te sembler difficile, garde en mémoire que toutes les épreuves qui se dressent sur ta
route ne surviennent que pour te permettre de progresser. Sans elles, comment pourrais-tu
t’améliorer, évoluer, te transformer et ainsi devenir la meilleure version de toi-même ? Il est
facile d’avoir des pensées justes et de bonnes paroles, mais encore faut-il pouvoir
transformer cette sagesse en actes. Les obstacles qui parsèment ton chemin n’ont pas d’autre
but que celui-ci. Considère-les comme les marches d’un escalier qui te permettent de monter
aux étages supérieurs de ta quête de réalisation. Elles ont chacune un savoir à t’enseigner et
c’est en collectant ces apprentissages, que tu pourras mieux te connaitre et vivre ta vie dans
la joie, l’amour et la paix.
_ Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle-là, avoua Emma. J’ai plutôt tendance à me
plaindre des difficultés auxquelles je fais face et à avoir un état d’esprit vraiment négatif à

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leur sujet. J’ai conscience que les épreuves de la vie nous permettent de progresser. Mais je
me dis que je progresse malgré elles, pas grâce à elles. Ça change tout, de penser ainsi.
_ L’état d’esprit est une des clés de notre bonheur et de notre malheur. Il conditionne l’un ou
l’autre, selon comment on décide de porter notre regard sur une situation donnée. Notre
quête de sens est importante, mais elle ne doit pas nous faire oublier de profiter du chemin
que l’on emprunte pour l’atteindre. La vie est un voyage et il est fortement recommandé de
se fixer une direction, un objectif. Néanmoins, celui-ci ne doit pas nous faire oublier de
vivre pleinement ce voyage. À tout miser sur la réalisation de notre but, nous nous
confrontons inévitablement à la peur de l’échec et à la souffrance liée à l’incertitude. Puis
arrive le moment du résultat. Où nous atteignons notre but et nous nous en fixons un autre,
qui nous replonge de nouveau dans la peur de l’échec et la souffrance. Où nous échouons et
cela nous traumatise. Le résultat n’est qu’un bref instant entre deux voyages. On peut
éprouver du plaisir à sa réalisation, mais pas un réel bonheur, car celui-ci est bien trop court.
Le bonheur se vit dans le présent. En prenant du plaisir tout au long du voyage, alors on fait
de lui une réussite. L’objectif devient secondaire et, surtout, notre bonheur ne dépend plus
de sa réalisation.
_ Je reviens à ce que tu dis par rapport à notre état d’esprit. Puisque notre perception du
monde change, selon le filtre avec lequel on l’observe, c’est comme si on ne vivait jamais la
réalité, mais seulement une réalité. La nôtre du moment, avec le filtre utilisé de la peur, de la
colère, de la tristesse, de l’amour ou de la joie… En changeant de filtre, on peut changer
notre réalité pour une autre, non ?
_ Exactement ! Tu as tout compris, la félicita son père avec un franc sourire. La souffrance
que l’on éprouve, quand elle n’est pas purement physique, est déterminée par notre façon de
percevoir les événements qui surviennent dans notre vie. Selon qui vit la situation, celle-ci
ne sera ni appréhendée ni vécue de la même façon. Face à une épreuve de la vie, comme une
séparation, je peux très bien y voir l’opportunité d’évoluer en apprenant des erreurs
commises de part et d’autre, comme je peux décider de mal vivre cette perte et d’éprouver
par la suite de la culpabilité et de la peur, transformant cette épreuve en traumatisme. Ce qui
engendrera chez moi une croyance négative comme la peur de l’engagement. Une personne
optimiste découvre une opportunité dans chaque difficulté, là où une personne pessimiste vit
de la difficulté dans chaque opportunité. En observant notre passé avec un regard différent,
de façon à découvrir l’apprentissage dissimulé derrière chaque épreuve vécue, on peut dès
lors le transformer et ne plus revivre nos souffrances liées à nos expériences. Notre passé
n’est plus un poids douloureux, mais une collection de savoirs nous permettant de grimper
ces marches nous rapprochant de notre bonheur. Toutes les épreuves que l’on vit
surviennent dans notre intérêt. Et elles sont présentes sur notre route parce que nous avons
toutes les capacités pour les dépasser. Il faut garder confiance en nous et comprendre que,

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même si ce n’est pas le cas sur le moment, elles nous arrivent pour notre bien et pour le
meilleur.
_ Je comprends et je suis d’accord avec toi. Mais il y a des événements qui surviennent et
pour lesquels il est très difficile, voir impossible de raisonner positivement. Si demain,
maman et toi avez un accident mortel ; comment je fais pour voir du positif dans cette
situation ?
_ Il existe deux façons différentes d’appréhender la mort. Elle peut être le néant, la fin de
toute chose. Ou bien elle peut être un passage vers autre chose, une transition entre deux
vies. Dans les deux cas le mystère demeure ; nous ne savons pas ce qu’il advient réellement.
La seule certitude qu’on a, c’est qu’on ne pourra pas y échapper, sourit Sébastien. Tôt ou
tard, nous aurons à découvrir cette expérience. Néanmoins, il est important de comprendre
que ce n’est pas la mort qui nous fait souffrir, mais la peur qu’on en a, la peur de l’inconnu.
Si nous étions persuadés que la mort nous amenait à un état de bien-être absolu et à la
délivrance de toutes nos blessures et de toutes nos souffrances, comme cela semble être le
cas, alors nous ne la redouterions plus. Nous serions en mesure de l’accueillir pour ce
qu’elle est uniquement : un état de bien-être absolu et la délivrance de toute souffrance. La
mort fait partie de la vie. Sans elle, la vie n’existerait plus. Dans la nature, la mort permet la
renaissance de tout être vivant. Nous mourons, nous nous décomposons et nous regagnons
la terre, où nous nous transformons en humus, puis en minéraux, permettant ainsi de nourrir
tous les êtres vivants et récréant la vie. Nous faisons partie de toute cette nature, qui nous
environne et façonne notre planète. Nous pouvons même penser que nous ne mourrons
jamais, puisque nous participons en permanence à la naissance de nouveaux êtres vivants !
En dehors de cette pensée, si tu considères que la mort est une transition entre deux vies et
qu’elle nous amène à une nouvelle réincarnation, alors pourquoi la craindre ? Dans
l’hypothèse où je meurs dans cet accident de voiture, tu peux considérer que ma vie
s’achève ici, pour regagner l’au-delà. Là-haut, je ferais le point sur mes bonnes actions et
mes erreurs, j’observerai les évolutions que j’aurai réalisé dans cette vie passée et je m’en
fixerai de nouvelles pour ma vie à venir. Je reviendrai alors sur Terre, dans une nouvelle
famille aimante et je redémarrerai une nouvelle vie, un nouveau voyage avec plein
d’aventures incroyables à expérimenter. Je pourrai continuer d’évoluer et de connaitre
l’amour et le bonheur. Il en serait de même pour ta mère. Nous ne serions peut-être plus
réunis, mais nous continuerons tous les trois à vivre des expériences d’amour et de joie dans
nos relations avec les autres. La joie n’a pas de visage et l’amour n’a pas d’autre nom.
Qu’importe qui nous fait ressentir ces sentiments magiques, tant qu’ils s’épanouissent dans
notre coeur. Tu es libre de croire en ce que tu veux, par rapport à ce que tu ressens. De mon
côté, je crois en la réincarnation et cela me permet de ne plus redouter la mort et de
l’accepter pour ce qu’elle est, lorsqu’elle frappe autour de moi. Bien sûr, quand cela arrive,
je suis triste de savoir que je ne reverrai plus cette personne. Et il est tout naturel de ressentir
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de la tristesse pour un deuil qui nous touche. La tristesse n’est pas une émotion négative ;
elle est juste une émotion. Par contre, en sa compagnie se trouvent un calme et une sérénité
qui me permettent de traverser cette épreuve en paix. Ce qui est nocif, c’est lorsque
l’émotion colore notre vie et qu’elle perdure dans le temps, pour ne plus jamais nous quitter.
Notre égo nous fait alors revivre la souffrance de cette expérience encore et encore. Nous ne
réagissons jamais aux évènements tels qu’ils sont, mais en fonction de nos croyances qui
déterminent le monde dans lequel nous vivons. Choisissons donc les croyances qui nous
font du bien.
_ Et dans le cas d’un viol ? Se risqua Emma. Comment considérer cette expérience ?
_ Lorsque de la violence et de graves abus sont commis, il faut comprendre que les
personnes qui en sont responsables ont des blessures qui les font tellement souffrir qu’elles
perdent le contrôle d’elles-mêmes et en arrivent à de telles atrocités. Elles sont entièrement
possédées par leur corps de souffrance et leur égo. Elles sont donc totalement inconscientes,
très éloignées d’elles-mêmes et en extrême souffrance. Il ne s’agit pas là de les excuser.
Mais il faut y réfléchir, parce que les condamner ne les aidera pas à guérir. Dans ce cas de
figure, il est compliqué d’y voir un apprentissage, mais celui de la résilience est réel et
témoigne d’une magnifique capacité de transformation et d’évolution individuelle. Il faut
surtout réussir à ne pas permettre à l’égo de nous faire revivre et revivre encore cette
expérience traumatisante. Personne n’a à payer une nouvelle fois le prix d’une telle atrocité.
Il faut réussir à se pardonner, à accepter la blessure et à s’aimer. Il faut tout faire pour que
cette souffrance ne gouverne pas notre vie. Je ne saurais pas quoi te dire d’autre…
_ C’est ok, papa. Je comprends. Donc parmi les solutions à disposition que nous avons, tu
m’as citée la guérison des blessures, la connaissance de soi et le fait d’observer les épreuves
de la vie comme des apprentissages nous permettant de nous améliorer. Qu’as-tu d’autre en
stock ?
_ La pensée positive ! S’exclama son père.
_ Qu’est ce que c’est que ça ?

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Chapitre 8
La pensée positive

« La vie est un livre dont nous écrivons, par nos pensées, toutes nos aventures.
Encrez sur le papier des pensées positives d’amour et de joie
Et raturez celles, négatives, qui n’apportent jamais rien aux belles histoires.
C’est ainsi que naissent et perdurent les vies heureuses. »

_ Le regard que nous portons sur le monde n’est pas le monde lui-même, mais celui que l’on
perçoit à travers les filtres de nos pensées, de nos émotions, de nos croyances et de notre
culture. Il dépend principalement de notre état d’esprit du moment. En changeant notre
regard sur le monde, il nous apparaîtra différemment. C’est intérieurement que l’on possède
la capacité de changer notre perception du monde extérieur. C’est pourquoi il faut être très
attentif à toutes nos pensées. Elles créent toutes une énergie et expriment une intention qui
ne sont jamais sans effet. Lorsqu’on a une mauvaise pensée contre quelqu’un, celle-ci
produit une énergie négative qui nous assombrit. Inversement, une pensée heureuse ou
aimante produit une énergie positive qui nous illumine. Il en va évidemment de même pour
toutes les mauvaises et bonnes pensées que l’on émet à notre égard et au sujet de notre vie.
En développant des pensées optimistes, confiantes, joyeuses et aimantes, on s’attire ainsi à
nous des évènements et des personnes positives et heureuses qui embelliront notre vie et
nous aideront à résoudre nos problèmes. Il faut bien comprendre que ce sont nos pensées et
nos croyances, qui conditionnent en grande partie ce qui se déroule dans notre vie. Pas les
éléments extérieurs. Si tu fais attention, tu te rendras compte que c’est ce que tu penses ou
croies qui devient ta réalité. Et cette réalité est toujours perçue à travers le filtre de tes
croyances et de tes pensées. Tout est une question d’état d’esprit. Quelqu’un d’optimiste
voit le verre à moitié plein et observe partout des motifs d’espoir confirmant son optimisme.
À l’inverse, quelqu’un de négatif voit le verre à moitié vide et observe partout des signes
négatifs le confirmant dans sa négativité.
_ C’est donc notre vision du monde et de nous-même qui influencent en grande partie les
situations qui nous arrivent ? Nous sommes ainsi responsables de ces situations ?
_ En très grande partie, en effet. Nous sommes les seuls responsables de notre état d’esprit à
chaque instant de notre vie. Si une situation négative apparait, alors on peut s’en échapper
en modifiant notre état d’esprit vis-à-vis d’elle, afin de la transformer. Par nos pensées, nous
sommes responsables de nos émotions et donc de notre mal-être. En les contrôlant, on
s’empêche de se faire envahir par elles et ses émotions associées, et on préserve notre
équilibre et notre bien-être. Il est essentiel de comprendre que nous sommes les seuls
responsables de nos pensées parasites et venimeuses, à l’origine de notre poison émotionnel,
alimentant notre corps de souffrance. Qu’importe la situation douloureuse auquel on doit
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faire face, nous avons la possibilité de nous en sortir ou en tout cas de la diminuer, en
modifiant nos pensées à son sujet. La peur de souffrir est la principale cause de nos pensées
négatives, car elle nous retient prisonnière de nos blessures. En décidant d’affronter notre
peur et d’être qui l’on est vraiment, on change notre état d’esprit et on se donne la
possibilité d’être heureux en vivant ce qui est important pour nous. Tu peux ressentir dans
ton corps le pouvoir de tes émotions sur toi. Il est le miroir de nos pensées et de nos
croyances. Chacune de nos cellules réagissent à elles comme à nos paroles. Nos façons de
penser et de s’exprimer conditionnent nos comportements physiques et nos postures, ainsi
que nos expériences. Par exemple, en ruminant des pensées tristes, tu exprimes de la
négativité et tout ton corps exprime cela. Ton visage se crispe, tes muscles se tendent, ton
expression se ferme et tu repousses les personnes qui croisent ton chemin. Quand tes
pensées sont joyeuses, ton corps est détendu, ton visage souriant, ton expression est
accueillante et tu donnes envie aux autres de venir vers toi. C’est pourquoi il est important
de surveiller ses pensées au quotidien, pour ne pas se laisser polluer par notre négativité,
mais au contraire être positif le plus régulièrement possible. C’est un travail essentiel, car
c’est en étant positif qu’on arrive à contrôler nos peurs et à réaliser nos rêves. De même
qu’on tire beaucoup plus facilement les enseignements de nos expériences grâce à cet état
d’esprit, ce qui nous permet de ne plus reproduire les mêmes erreurs et de réussir ainsi les
différentes épreuves de notre vie.
_ Comment je fais quand une pensée négative survient dans ma tête ?
_ Quand elle survient, tu l’arrêtes et tu la remplaces par une autre pensée positive, qui la
discrédite. Et tu fais en sorte d’accorder de l’importance à cette nouvelle pensée. N’oublie
pas que derrière tes pensées négatives se dissimulent ton égo, dans le but de te faire
éprouver de la souffrance, pour pouvoir s’en nourrir et exister. Toute pensée négative qu’elle
est, elle n’est qu’une pensée et elle peut donc être changée. Chacun a le pouvoir de modifier
ses pensées et donc son état d’être. En rendant notre pensée harmonieuse et équilibrée, on
permet à notre vie d’emprunter le même chemin.
_ Donc tout ce que j’ai vécu par le passé est le résultat de mes pensées et de mes
croyances ? Et ce qui m’est arrivé n’est la faute de personne d’autre que moi, parce que je
suis la seule à gérer mes pensées et mes croyances ?
_ Oui, en effet. Cela signifie surtout que personne ne possède le moindre pouvoir sur toi, car
toi seule contrôle tes pensées. Et qu’importe ce qui a pu se produire dans le passé, cela est
désormais révolu. La seule chose qui compte vraiment, c’est ce que tu choisis de croire, de
penser et de dire maintenant, dans le présent. Parce qu’on reçoit tout ce que l’on émet et on
attire ce que l’on est.
_ Tu peux me donner un exemple ?
_ Si tu penses de toi que tu es bonne à rien, alors cette pensée fera naitre ce sentiment en toi.
Tu en seras convaincu et les autres de la même façon. Tu créeras alors à toi des situations où
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tu seras en échec, alimentant ainsi un cercle vicieux renforçant cette pensée négative de toi-
même. Mais si tu n’as pas cette pensée de toi, tu ne ressens pas le sentiment associé et les
autres ne penseront pas que tu es bonne à rien, même si tu rencontres un échec. Parce qu’il
est naturel d’échouer pour apprendre et s’améliorer. C’est pourquoi il est si essentiel
d’apprendre à s’accepter, à s’approuver et à s’aimer. Ce sont les clés de tout changement
positif dans notre vie. Il ne sert à rien de reporter sur les autres nos mauvaises expériences.
Cela fait naitre inutilement de la rancoeur, de la critique, de la culpabilité et de la crainte. Il
faut simplement accepter notre responsabilité et apprendre d’elles, pour transformer notre
vie. Ce qui est arrivé dans le passé est fini et ne peux plus être changé. Mais on peut changer
nos pensées à son égard et arrêter de se faire du mal dans le présent, pour quelque chose de
révolu. Nous en avons déjà payé le prix ; cela suffit.
_ Donc c’est en s’acceptant et en s’aimant, qu’on réussit à changer nos pensées pour
qu’elles deviennent positives.
_ Oui, confirma son père. Le manque d’amour de soi est certainement notre plus grand
problème. Cela commence par se respecter et s’approuver. Et ne pas faire attention à
l’influence de la publicité et de toutes ces marques qui nous persuadent que nous ne valons
rien, parce que nous ne consommons pas leurs produits. Beaucoup de choses que l’on fait le
sont dans le but de plaire aux autres, alors que cela ne nous tient pas à coeur. Ça n’a pas
beaucoup de sens, car cela nous éloigne de notre être véritable. En s’acceptant, on réussit à
se libérer des opinions des autres. Alors sois qui tu es réellement et non ce que les gens
attendent de toi ! On est tous venus sur cette Terre pour être qui l’on est, pas pour imiter et
se comparer aux autres. Nous sommes tous des êtres humains différents et uniques. Ce qui
compte, c’est d’être bien dans sa peau et d’avoir la liberté d’agir en fonction de ce qui est
bon pour nous.
_ Oui, c’est certain. L’amour de soi est donc la clé, souffla Emma.
_ Et s’aimer rend heureux, alors on a tout à y gagner ! Il est tout à fait normal de s’aimer, tu
sais. Au contraire, c’est primordial. Comment être aimé, si l’on ne s’aime pas soi-même ?
_ C’est vrai, avoua Emma. Tout ce qu’on émet nous revient de la même manière…
_ C’est pourquoi il faut développer des pensées joyeuses pour vivre dans la joie et des
pensées d’amour pour vivre dans l’amour. Il faut toujours choisir des pensées qui nous
soutiennent et nous renforcent.
_ Si seulement on pouvait nous apprendre comment fonctionne notre pensée et nos
émotions et comment s’estimer et s’aimer à l’école, plutôt que des dates de bataille ou des
notions mathématiques que nous n’utiliserons jamais dans notre vie ! Nos relations avec les
autres et nos expériences seraient bien meilleures…
_ Tu prêches un convaincu, soupira Sébastien. Il faudrait aussi nous apprendre le pouvoir du
moment présent…
_ Et quel est-il ?
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Chapitre 9
Le pouvoir du moment présent

« À ne contempler que le reflet de la vie qui passe,


nous risquons de passer à côté
de tous ces souvenirs à se redire au coin du feu. »

_ Il consiste à vivre pleinement l’instant présent, en laissant derrière nous le passé et en ne


pensant pas au futur, ce qui nous permet de prendre de la distance avec notre mental. En
étant entièrement présent à ce qu’on fait et à ce qui est, on se libère du pouvoir de l’égo.
Ainsi, on peut accueillir ce qui vient sans juger, sans analyser et sans s’y identifier.
_ Comment faire exactement ?
_ Il faut écouter au maximum les petites voix de l’égo qui se jouent dans ta tête et les
observer. Comme si tu étais le témoin des pensées qui défilent dans ton esprit. Il faut les
observer sans les juger ni les condamner. Ainsi, tu prends conscience qu’il y a les voix et les
pensées et qu’il y a quelqu’un d’autre derrière elles, qui les écoute et les regarde. Cette
présence derrière elles, c’est ton toi véritable, qui se situe au-delà de ton mental. Les petites
voix et les pensées parasites diminuent alors, jusqu’à s’effacer complètement. Quand tu es
ainsi consciente, l’égo n’a plus de prise sur toi car il n’y a plus rien pour l’alimenter, ce qui
le fait disparaitre. Tu n’es plus sujette à tes pensées compulsives et à tes émotions négatives,
tu ressens seulement un calme et une paix intérieure. Tu es totalement présente. En
procédant ainsi le plus souvent possible, tu devient automatiquement plus présente dans ta
vie. Chaque fois que tu observes tes pensées, tu te libères des pièges de ton égo. Il faut agir
de la même façon en face de quelqu’un qui te fait réagir, en accordant la même attention à
tes réactions et en étant la plus attentive possible à tes pensées et à tes émotions.
_ Et j’observe mes émotions de la même façon que mes pensées ?
_ Oui. La seule différence, c’est que tu ressentiras ton émotion dans ton corps, alors que ta
pensée se situe dans ta tête. Tu ressens l’émotion et tu l’observes, sans te faire contrôler par
elle. Tu deviens le témoin qui regarde. En étant ainsi consciente, tu te rendras compte des
nombreux jugements que tu portes, ainsi que de tes nombreux voyages dans le passé et de
tes projections mentales vers le futur, qui t’empêchent d’être dans le présent. Tu observeras
aussi les nombreuses fois où tu ressens du malaise, de la tension, de l’ennui, de la nervosité
et de l’agacement. Elles expriment toutes la résistance de ton mental à une situation, quelle
qu’elle soit. Le fait d’être consciente te permet d’avoir le choix. Sans conscience, comment
choisir ? Notre inconscience est toujours lié au déni du présent. Certaines personnes
voudraient toujours être ailleurs, parce que ce qu’elles vivent les rendent malheureuses.
Mais cela ne fonctionne pas. Lorsque tu es confrontée à une situation qui te dérange ou te

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fait du mal, tu as trois possibilités. La première est de te retirer de cette situation. La
seconde consiste à la changer et la troisième à l’accepter totalement. Tu n’as pas d’autres
solutions que ces trois possibilités. Mais tu as le choix de prendre la responsabilité de ta vie
et de choisir l’une des trois, immédiatement. Tout ce qu’il te faut, c’est simplement prendre
une décision pour ne plus te créer de difficultés et de souffrance. Et d’accepter les
conséquences de ta décision, sans excuses ni négativité, en vivant pleinement le moment
présent. Ton mental n’a alors plus de prise sur cette situation et tu la transformes. Mais si tu
ne fais rien, tu continueras à être malheureuse.
_ Être dans le moment présent, c’est comme le fait de dire qu’il faut profiter de tous les
moments de notre voyage, parce que notre destination n’est que la finalité. Et qu’on passe à
côté de l’essentiel, si on ne le vit pas pleinement.
_ Exactement. Il faut considérer sa vie comme un long voyage. Il est utile d’avoir des
objectifs pour se fixer un cap, mais il ne faut jamais oublier que la seule chose qui soit réelle
dans notre vie, c’est ce que l’on vit dans l’instant présent. C’est la seule chose qui existe
vraiment. Si on se focalise uniquement sur le futur, alors on passe à côté de la raison d’être
de notre voyage, qui est de le vivre pleinement chaque seconde, en étant conscient de tout ce
qui s’y passe pour nous-même. Parce que la vie est soumise à l’impermanence des choses et
que tout change et évolue sans cesse. Et même lorsque le voyage nous amène face à une
situation négative, c’est qu’il y a un apprentissage caché en elle à découvrir. Tous les pas
que nous faisons comptent.
_ Et comment ne plus accorder d’attention au passé et au futur ? Ils sont pourtant importants
dans notre vie de tous les jours, je trouve.
_ Bien sûr, le passé est important pour les enseignements que tu as reçu. Mais ce savoir
perdure dans le présent. Plus tu accordes d’attention au passé et au futur, plus tu donnes de
l’énergie à ton égo, qui s’en sert contre toi pour se renforcer. Quand tu accordes ton
attention au présent, c’est-à-dire à ton comportement, à tes réactions, à tes humeurs, à tes
pensées, à tes émotions, à tes peurs et à tes désirs, à mesure qu’ils se présentent à toi dans
l’instant présent, c’est ton passé qui s’exprime à travers eux. Tu n’as pas besoin de le revivre
dans tes pensées et dans ton corps et d’en souffrir. Il faut utiliser le temps pour les aspects
pratiques de la vie et revenir à la conscience du moment présent quand les choses pratiques
ont été réalisées. En procédant ainsi, on ne s’identifie plus au passé et on ne se projette plus
dans le futur. On ne souffre plus. On ne peut être heureux que dans le présent. C’est
pourquoi il est si important de changer son état d’esprit et de s’émerveiller de tout, comme
un enfant. On vit bien souvent de la mauvaise façon, en s’imaginant ce que l’on vivra plus
tard, au lieu de simplement apprécier ce que l’on vit maintenant.
_ Et qu’est ce que le lâcher-prise ? N’est-ce pas utile pour être dans le moment présent ?
_ Si totalement ! Lâcher-prise, c’est accepter et s’adapter aux changements. C’est avoir la
capacité de voir la réalité telle qu’elle est, sans se laisser dominer par une réalité imaginaire,
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où tout se passerait comme on l’avait imaginé. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il
faille endurer passivement une situation pour laquelle on ne ferait rien pour l’améliorer. Ou
encore qu’on cesserait d’établir des plans pour améliorer notre vie. Lorsque tu lâches-prise,
tu acceptes le moment présent inconditionnellement, sans crainte. Tu es alors désidentifiée
de ton mental et tu ne souffres plus. Tu es toi-même.
_ Tu aurais un exemple concret à me donner ? Histoire de bien visualiser ce que tu me dis,
sourit Emma.
_ Bien sûr. Imagines-toi que je te renverse involontairement du ketchup sur ton pantalon.
Dans ce cas de figure, lâcher-prise, ce n’est pas te résigner à avoir du ketchup sur ton
pantalon ou bien te mentir à toi-même, en pensant qu’il n’y a rien de mal à avoir du ketchup
sur son pantalon. Le but n’est pas d’accepter une situation désagréable. Il faut simplement
agir, pour se sortir de cette situation-là. Pour cela, tu ramènes ton attention au moment
présent, sans juger ce qui t’arrive, et tu l’acceptes juste tel qu’il est : une tâche de ketchup à
nettoyer. Tu ne ressens ainsi ni opposition ni négativité émotionnelle. Puis tu passes à
l’action et tu fais ce que tu peux pour nettoyer ton pantalon de cette tâche de ketchup. En
lâchant-prise, tu vis la situation de manière positive, sans te laisser envahir par ta frustration,
ta colère ou ton désespoir. Tu ne souffres pas de la vivre, bien qu’elle soit désagréable. Tu
ne donnes pas à ton égo le moyen de se renforcer et de te faire percevoir l’autre comme une
menace, un ennemi. Ou d’utiliser tes peurs pour gouverner tes perceptions et tes
interprétations. Le lâcher-prise permet le passage à l’action, la mise en place de
changements et la réalisation de nos objectifs, parce que dans cet état, on voit plus
clairement ce qui doit être fait et on le réalise.
_ Donc devant chaque situation problématique, il faut que je me demande si je peux faire
quelque chose pour l’améliorer, la changer ou m’en retirer. Ici et maintenant. Je prends une
décision et je m’y tiens, en restant toujours concentrée sur le moment présent.
_ Oui, il faut que tu sois consciente de ta présence à tout instant. La négativité, le tourment
et la souffrance sont toujours des formes d’inconscience. Elles disparaissent donc d’être,
quand ta conscience est entièrement présente en toi. L’écoute du silence est un bon exercice
pour revenir au moment présent et à ton calme intérieur. Le bourdonnement sourd de tes
pensées parasites est comme le bruit extérieur environnant. Et ton calme intérieur est
comme le silence extérieur. Si tu te concentres sur le silence qui t’entoure, si tu l’écoutes et
l’observes simplement en y accordant toute ton attention, alors l’écoute de ce silence
t’amènera à la tranquillité et au calme intérieur, sans pensée. Entièrement plongée dans le
moment présent.
_ L’idée, c’est que comme le présent est toujours le seul moment que l’on vit et qu’on ne
peut pas s’en échapper, autant l’accueillir comme il est, l’accepter et s’en faire un ami,
remarqua Emma.

53
_ C’est la meilleure façon de procéder, en effet, s’en amusa son père. Tant qu’on laisse notre
égo diriger notre vie, le désir et la peur conditionneront nos pensées, nos émotions et nos
expériences. C’est pourquoi, dans nos relations, nous désirerons ou craindrons toujours
quelque chose de l’autre. Que ce soit du plaisir, de l’attention, de la reconnaissance, un gain
matériel, ressentir un sentiment de supériorité ou bien craindre un sentiment d’infériorité,
d’être diminué… Quand on est dans le moment présent, notre attention est pleinement à
notre relation, sans la juger ni s’y comparer, sans lui prêter une fausse image ni attendre
d’elle quoi que ce soit. Il n’y a plus ni désir ni peur. Et la joie et l’amour imprègnent alors la
relation de tout leur pouvoir.
Sébastien observa sa fille et ressentit dans tout son être résonner les sentiments de joie et
d’amour, qu’il venait de lui exprimer à voix haute. Elle lui sourit en retour et des sentiments
de plénitude et de bonheur l’envahirent également. La vie pouvait être merveilleuse, quand
elle délivrait ces instants magiques, ces présents joyeux.
_ Il existe encore d’autres solutions en notre possession, pour nous aider à changer le
monde, reprit-il. Et tu en as lu quelques-unes plus jeune. T’en rappelles-tu ?
Emma fixa son père dans les yeux, espérant deviner la solution dans le bleu de son regard.
Elle n’y lut aucune réponse, mais des mots vinrent instinctivement se poser sur ses lèvres et
elle sut qu’ils étaient justes. Elle en avait l’intuition.
_ Les accords toltèques ! S’exclama t-elle.

54
Chapitre 10
Les accords toltèques

« Tout ce qui survient dans notre vie


a pour seule et unique importance
celle qu’on décide de lui donner. »

_ Exactement ! Les accords toltèques exprimés par Don Miguel Ruiz sont magiques, parce
qu’ils permettent vraiment de vivre une vie heureuse, si on arrive à les appliquer au
quotidien. Ils transforment toutes nos relations avec les autres, en empêchant notre égo ne
nous manipuler et en nous plaçant dans la bienveillance, le respect et l’amour. Si nos
pensées sont puissantes, nos paroles le sont tout autant. Elles ont le pouvoir de créer,
d’exprimer ce que l’on pense et ressent, d’interagir avec les autres êtres vivants. Si nos
paroles sont malveillantes, alors elles peuvent créer des drames et de la souffrance. Si elles
sont bienveillantes, elles apportent de la joie et de l’amour. L’Histoire recèle d’exemples où
la parole a été utilisée à mauvais escient contre d’autres personnes, entraînant des foules et
des peuples entiers dans leurs maléfices, amenant à des conflits, des guerres et des malheurs
terribles. En apprenant à maitriser nos paroles et en réfléchissant aux conséquences de nos
propos, on fait alors naitre l’harmonie dans notre vie. Te rappelles-tu ces accords ?
Demanda son père.
_ Oui, je pense. Le premier dit que notre parole doit être impeccable.
_ Et qu’est ce que cela signifie ?
_ Que notre parole doit être juste, honnête. Qu’on doit toujours parler avec respect, en
restant courtois, gentil et calme. Il ne faut jamais chercher à blesser la personne en face de
nous, à se venger. Il ne faut pas non plus médire ni mentir. Et de toujours garder en
conscience que notre parole est un outil dangereux, qui peut nuire et est susceptible
d’apporter le chaos, la tristesse, la colère.
_ Tu t’en souviens bien !
_ Ce n’est pas pour autant que je l’emploie très souvent, avoua t-elle.
_ C’est déjà un bon début de s’en rappeler et d’avoir conscience de son importance. Chacun
de nous utilise la parole pour exprimer son point de vue et se forger ses opinions et ses
croyances. Le problème, c’est qu’on utilise beaucoup la parole pour comparer, juger et
condamner. Que ce soit contre les autres, mais aussi contre nous-même. Chaque jugement
qu’on porte n’est pourtant qu’un point de vue, lié à tout ce que l’on croit et connait, c’est-à-
dire ce que l’on a appris. Mais tout ce que l’on a appris n’est pas forcément suffisant ou
juste pour autant. Bien souvent, ce n’est qu’une distorsion de la réalité et donc un
mensonge. La parole est magique dans le sens où elle permet de créer une image, un

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sentiment ou une histoire dans notre tête, grâce à notre imagination. Mais si on l’utilise pour
juger et rejeter les autres ou se juger et se rejeter, alors on s’en sert contre les autres et
contre soi, et elle n’est plus impeccable. Bien au contraire, elle devient un poison qui crée
des conflits extérieurs et intérieurs et qui provoque de la souffrance aux autres et à soi-
même. Comme il ne faut pas se servir de la parole contre les autres, il ne faut pas la
retourner contre soi. Ainsi, on ne trahit plus et on ne se trahit plus. On ne ment plus et on ne
médit plus. On ne déverse plus notre poison émotionnel sur les autres. On se sert seulement
de la parole avec amour, dans un esprit de vérité et pour l’harmonie de tous.
_ Oui, souffla Emma. Si seulement on se servait tous de la parole ainsi…
_ Il ne faut pas désespérer. Quel est le suivant ?
_ Le second exprime le fait que quoi qu’il arrive, il ne faut jamais en faire une affaire
personnelle. Ça signifie qu’il faut toujours garder en tête que ce que font ou disent les autres
ne sont que des projections de leur réalité. Et qu’il faut donc se protéger de leurs opinions,
comme de leurs actes.
_ C’est bien ça. Tout ce qu’on perçoit n’est qu’un reflet de la réalité, parce que derrière
notre regard se situe notre mental, qui se donne beaucoup de mal à donner un sens à toute
chose. Il interprète tout ce que l’on voit, entend et ressent en fonction de nos croyances, de
notre éducation, de notre culture, de la société dans laquelle on vit… Ce qu’on perçoit est
donc le fruit de notre interprétation par rapport à ce que l’on croit. Ce n’est pas la réalité,
mais notre réalité virtuelle, qui est différente pour chaque être humain. Nous croyons que
notre perception est la vérité absolue, alors que nous sommes tous différents et pensons tous
d’une manière différente. Chacun de nous vit dans son propre monde, dans sa propre
histoire. Tout ce que je crois est ma vérité personnelle, qui est différente de la tienne et de
tous les autres êtres humains. C’est pourquoi ce que je pense, mon avis, mes opinions ne
concernent que moi. Tout ce que je pense de toi et des autres ne sont que des projections de
mon esprit. Et cela est vrai pour chacun de nous. Ce qui veut dire que ce que les autres
pensent de moi comme de toi ne s’appliquent qu’à eux-mêmes et à personne d’autre. C’est
seulement l’image qu’ils se font de nous, mais pas qui l’on est véritablement. On ne peut
jamais vraiment connaitre quelqu’un, même ceux qu’on aime le plus au monde. Parce qu’il
est impossible d’être dans leur tête et leur corps, et savoir ce qu’ils pensent, ressentent et
imaginent. De plus, on évolue tous sans cesse, chaque jour qui passe, et on se transforme. Je
ne suis plus le Sébastien d’il y a vingt ans, dix ans, six mois ou même d’hier. Alors
comment être en mesure de dire que l’on connait véritablement quelqu’un ? C’est pourquoi
il ne faut jamais faire une affaire personnelle de ce que peuvent penser ou dire les autres. Il
ne faut pas se sentir blessé par leurs propos et réagir avec colère, en se servant de notre
parole pour déclencher un conflit ou un drame pour rien. Cet accord te permet de te
préserver dans tes interactions avec les autres. Qu’importe qu’ils médisent, fassent des
reproches, ne soient pas d’accord avec toi ou te rejettent, tu comprends que cela n’a rien à
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voir avec toi et tu n’en souffres plus. Tu ne crains plus leur regard ni leur poison
émotionnel. Tu arrives à tenir celle-ci ? Demanda Sébastien.
_ Ça dépend, s’en amusa Emma. J’ai le droit d’exclure Théo ?
_ Je ne suis pas certain que ça marche comme ça !
_ Je te dis le troisième ?
_ Vas-y, l’encouragea son père.
_ Cet accord nous dit de ne pas faire de suppositions. C’est-à-dire qu’il ne faut pas se poser
en victime et ne jamais supposer, interpréter, car cela engendre toujours des disputes, des
drames, des angoisses ou des séparations. Quand on ne sait pas, il est toujours préférable de
demander, de questionner, en gardant son calme, avant de penser ou juger l’acte de
quelqu’un. Il faut être courageux et toujours prendre le soin d’interroger, parce que notre
pensée et notre jugement sont réalisés à travers notre prisme personnel et qu’ils seront
toujours différents de la réalité. Et bien souvent plus négatifs.
_ Oui. Ce qu’on croit conditionne notre vie, or nos croyances peuvent être vraies comme
fausses. On pense bien souvent qu’elles sont la vérité absolue, sans nous interroger sur le
fait qu’elles puissent être simplement notre vérité personnelle. Nos croyances sont pourtant
empreintes de beaucoup de suppositions. Prenons l’exemple des gens du Moyen-âge.
Comment réagiraient-ils s’ils devaient se retrouver dans notre société actuelle ? Que
penseraient-ils, comment nous jugeraient-ils ? Ils n’auraient aucun repère et penseraient que
nous sommes dans un monde plein de sorcellerie. Chacune de leurs croyances
s’opposeraient aux nôtres, parce que celles-ci étaient basées sur des mensonges, qu’ils
tenaient pourtant pour vérité absolue. Il ne faut pourtant pas les juger négativement, car il en
serait certainement de même pour nous, si nous devions nous retrouver plongés trois siècles
plus tard au même endroit. Supposer, interpréter, c’est chercher les ennuis, parce que bien
souvent cela se révèle être de la fiction. Comme notre imagination est sans limite, on passe
notre temps à inventer des histoires qui ne sont pas réelles, simplement parce que notre
mental ne peut pas supporter de rester dans l’inconnu. Plutôt que de demander, on préfère
supposer, interpréter, puis on en tire de fausses conclusions et on en fait une affaire
personnelle. On s’en prend alors aux autres et à nous-même, en déversant notre poison
émotionnel, et on médit pour justifier nos suppositions. La plupart de nos conflits et de nos
drames découlent de ce schéma-là. Une supposition est un mensonge qu’on se raconte à soi-
même et cela crée un drame pour rien, parce qu’on n’en sait rien. Ne pas faire de
suppositions nous préserve donc des interactions négatives que l’on a avec nous-même, par
l’intermédiaire de nos pensées et de notre imagination. Et surtout, demander nous permet de
voir la vérité telle qu’elle est et non comme on imagine la voir.
_ L’accord suivant est mon préféré : toujours faire de son mieux !
_ Oui, sourit son père. C’est celui qui permet d’arriver à réaliser tous les accords, car
personne n’est parfait et il permet de ne jamais se décourager, malgré la difficulté. C’est
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bien beau de connaitre tous les accords, mais si on ne s’entraîne pas à les pratiquer, cela ne
sert pas à grand chose !
_ Oui, je suis au courant…
_ C’est en agissant et en pratiquant, que l’on réussit à les maitriser. Cela demande beaucoup
de conscience et de temps. Et c’est bien normal, parce qu’on a été entrainé à faire
exactement l’inverse et qu’il s’agit désormais de déconstruire tout ce qu’on a appris et croit,
pour ne plus créer de drame et de souffrance dans notre vie. Ce qu’il faut, c’est agir et
mettre en pratique ces accords au quotidien. Parce que comment faire de son mieux, si l’on
n’agit pas ? Il y aura toujours des périodes plus difficiles, à cause du stress, de la fatigue,
d’un mal-être… Mais en étant régulier, on permet à notre mieux d’évoluer et de s’améliorer,
afin de nous rendre la vie plus heureuse. Alors faisons toujours de notre mieux ! Connais-tu
le dernier ?
_ Je ne savais pas qu’il y en avait un cinquième…
_ Si, il existe. Il nous dit d’être sceptique, mais d’apprendre à écouter.
_ Et qu’est ce que ça signifie au juste ?
_ Comme beaucoup de choses qu’on entend ou lit sont fausses, on doit demeurer sceptique à
toutes les informations qu’on reçoit. Et si on apprend à écouter, alors on peut réussir à
comprendre ce que veulent nous dire les autres, à comprendre leur histoire personnelle. En
étant sceptique, on arrête de croire tout ce qu’on nous dit et on perçoit plus facilement la
vérité. Parce que la vérité absolue n’a pas besoin qu’on croit en elle. Elle est la vérité.
Qu’importe nos croyances, elle existera toujours. Ce qui n’est pas vrai des mensonges qu’on
fait. Il faut, par contre, respecter ce que disent les autres et le fait d’écouter permet ce
respect. En ne portant plus de jugement contre les autres et contre soi-même, on accepte
enfin les autres tels qu’ils sont et on s’accepte comme on est. Il n’y a alors plus de drame
dans nos relations. Personne ne peut changer notre monde, parce qu’il n’existe que dans
notre esprit. C’est donc en suivant la vérité, qu’on peut réellement s’aider, afin de
transformer nos expériences. Il suffit pour cela d’être nous-même et d’appliquer ces accords
dans notre vie de tous les jours. C’est cela qui conduit à la joie et à l’amour véritable.
_ Tu m’as parlé à plusieurs reprises de l’importance de s’aimer soi-même. Et que lorsque ce
n’était pas le cas, alors cela devenait un frein très important pour la réussite de nos histoires
d’amour. Pourtant, je me dis que si j’aime très fort mon compagnon et que lui m’aime de la
même façon en retour, cela me semble suffisant pour que la relation fonctionne bien. Non ?

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Chapitre 11
L’amour de soi et la paix intérieure

« L’amour chante et danse sur le fil aux mille couleurs,


qu’il tisse pour relier ensemble les amoureux.
Il suffit simplement de demeurer en paix et de faire confiance en la vie.
C’est ainsi que vous ressentirez en vous son oeuvre merveilleuse,
qu’il compose pour votre coeur. »

_ Tu ne peux pas être véritablement heureuse si tu ne t’aimes pas, parce que tu ne peux pas
partager ce que tu n’as pas. Et il est tout aussi compliqué d’aimer véritablement quelqu’un
d’autre, lorsqu’on ne s’aime pas. Seul un amour inconditionnel pour toi-même a le pouvoir
de te rendre heureuse. Comme bien souvent on n’est pas capable de s’apporter de l’amour,
on se persuade de ne pas en avoir, créant alors un manque. On recherche alors cet amour
chez les autres. On part en quête d’amour. Mais ces personnes, que nous cherchons en quête
d’amour, se trouvent dans la même situation que nous ; elles ne s’aiment pas non plus. Alors
quel amour véritable peut-on réellement espérer recevoir de leur part ? On cherche encore et
encore, se désespérant de trouver un jour cet amour dont on a cruellement besoin, sans
jamais réussir à mettre la main dessus. Et on souffre de nos échecs. Parce qu’on ne cherche
pas au bon endroit. Il nous faut chercher en nous, là où se trouve notre amour pour nous-
même. Cet amour est et sera toujours présent ; il suffit simplement de s’en rappeler et de le
laisser s’exprimer. C’est en s’aimant inconditionnellement qu’on satisfait nos besoins et
qu’on arrive au bonheur. Je vais te donner un exemple pour t’aider à comprendre son
importance. Imagines-toi que ton coeur déborde d’amour pour toi et pour les autres. Tu
t’aimes assez pour ne pas avoir besoin de l’amour de quelqu’un d’autre. Si une personne
vient vers toi et te dit : « Hey ! J’ai de l’amour pour toi, si tu le désires. Mais je te le donne
uniquement si tu fais ce que je te demande ». Tu lui réponds que ça ne t’intéresse pas du tout
et tu le fais fuir. Mais comment réagirais-tu, si désormais tu ne ressentais aucun amour dans
ton coeur ? Tu désirerais tellement recevoir cet amour que tu cherches tant, que tu serais
capable d’accepter sa proposition et de lui obéir. Tu te retrouverais alors dans une situation
de dépendance amoureuse et tu en souffrirais beaucoup. Si tu n’es pas capable de voir
l’amour qui se trouve dans ton coeur pour toi-même et de t’aimer, tu risques de vivre de
nombreux drames dans tes relations amoureuses. Parce que tu auras peur en permanence de
voir ton partenaire te quitter et parce que ta dépendance te fera penser que tu ne peux pas
vivre sans lui, sans son amour. Il est comme un dealer qui te donne ta dose quotidienne et
contrôle ta vie. On voit beaucoup de gens qui laissent leur compagnon leur dire quoi faire et
ne pas faire, quoi croire ou non, comment s’habiller, se comporter…
_ Je comprends mieux l’importance, en effet…
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_ Lorsqu’on ne s’aime pas ou pas assez, on vit des relations romantiques dans lesquelles
l’égo peut exprimer tout son potentiel. En cherchant cet amour dont on a tant besoin, on
devient égoïste et nos relations s’en trouvent affectées. On cherche des personnes qui ont
autant besoin d’amour que nous. Et on veut quelqu’un qui a besoin de nous, parce que cela
nous réconforte, nous valorise. Quelqu’un qu’on peut contrôler. Et on désire que notre
partenaire nous accepte, alors qu’on ne s’accepte pas soi-même. Il n’y a aucun amour s’il y
a un besoin de moi ou de l’autre. L’égoïsme n’apporte aucun amour. Beaucoup de personnes
ont peur de l’amour car ils l’associent à leurs blessures. Le problème n’est pas que l’autre
nous rejette ; c’est surtout que l’on se rejette soi-même et qu’on est donc incapable de
s’aimer. Ce n’est pas parce que quelqu’un nous rejette, qu’on doit aussi le faire avec nous-
même. Si cette personne ne nous aime pas, alors une autre le fera ! Il y aura toujours
quelqu’un d’autre, si on lui laisse la possibilité d’entrer dans notre vie. Alors autant être
avec quelqu’un qui veut vraiment de nous, plutôt qu’une personne se sentant obligée de
l’être. La relation d’amour la plus importante, et la seule qui compte réellement finalement,
est celle qu’on a avec nous-même. Il ne s’agit pas d’être égoïste, mais de s’aimer. Ce n’est
pas pareil. L’égoïsme nous empêche d’aimer ; il nous pousse seulement à combler notre
besoin, notre manque. En s’aimant soi-même, ce manque disparaît et ce n’est plus la raison
de notre recherche. Il n’y a même plus de recherche. On est avec notre partenaire parce
qu’on le choisit. Parce qu’on apprécie être avec lui et que la relation nous apporte du
bonheur. Mais on n’a plus besoin de son amour et on n’a plus peur d’être seul et d’en
manquer. Le fait de s’aimer permet à chacun d’être heureux seul et d’apprécier le partage
avec les autres. On ne se met pas en relation avec quelqu’un pour se posséder l’un l’autre,
s’ennuyer, se punir, être sauvé ou vivre des drames. Pas plus que pour déverser sur lui notre
poison émotionnel et lui projeter toute notre jalousie, notre colère ou notre égoïsme. On se
met avec quelqu’un par envie de partager des choses ensemble, de s’amuser et de ressentir
de la joie. On peut te dire « je t’aime » autant de fois qu’on veut, mais si derrière on te
maltraite, on abuse de toi, on t’humilie ou on te manque de respect, alors ce n’est pas de
l’amour. Quand on aime véritablement, on désire seulement le meilleur pour celle ou celui
qu’on aime. Et ce qui est formidable avec notre coeur, c’est qu’il peut produire de l’amour
en quantité infinie pour nous-même et pour le monde entier. C’est l’amour que tu exprimes
qui te rendra heureuse. Et si tu es généreuse en amour, alors tu ne seras jamais seule, parce
que tout le monde t’aimera, sourit son père.
_ Le monde entier peut m’aimer, mais ça ne me rendra pas forcément heureuse pour autant.
Parce qu’il n’y a que l’amour que j’aurai pour moi-même qui me rendra vraiment heureuse,
s’en amusa t-elle.
_ Tout à fait ! Rigola t-il. Et cela simplifie beaucoup nos relations. Chaque relation est
constituée de deux moitiés. La première, c’est toi. La seconde peut être ton partenaire, ton
enfant, un parent ou un ami. Toi, tu n’es responsable que de ta moitié. C’est la seule qui te
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concerne. Tu ne peux pas être responsable de l’autre moitié, parce qu’elle ne te concerne
pas. Elle appartient uniquement à l’autre personne de la relation, pour la simple et bonne
raison que tu n’es pas dans sa tête. Tu ne peux pas savoir ce qu’elle pense, ressent ou croit.
Tu peux seulement le supposer et on sait les drames que cela crée. Lorsque les deux moitiés
sont présentes à la relation qu’ils vivent ensemble, ils peuvent créer une relation
merveilleuse et être heureux. Simplement, comme chacun vit dans son propre monde, sa
propre réalité, on ne cherche pas à contrôler l’autre. On est comme des partenaires jouant
dans la même équipe, c’est-à-dire ensemble et pas l’un contre l’autre. En percevant nos
relations et notamment notre relation amoureuse comme une équipe, alors celles-ci seront
vraiment heureuses. Parce que dans une relation, il ne s’agit pas de gagner ou de perdre,
puisqu’on est dans la même équipe. On joue simplement pour s’amuser dans un climat de
paix et d’harmonie. Il faut bien comprendre qu’on ne peut pas changer les autres. C’est
pourquoi on doit les accepter et les aimer tels qu’ils sont. Ou alors on arrête la relation. Mais
essayer de changer quelqu’un pour ce qu’il n’est pas, afin de le faire correspondre à ce que
l’on veut qu’il soit, n’a pas de sens. C’est comme essayer de changer un hamster en poisson
rouge ! Notre partenaire est ce qu’il est et on est ce qu’on est. Il faut juste être honnête avec
nous-même et savoir ce que l’on veut vraiment. Ce qui est important pour nous, ce qui nous
anime et nous rend heureux, pour l’expérimenter dans la relation. Et si cela ne fonctionne
pas, ce n’est pas grave. On se sépare avec respect et on crée de nouvelles relations avec
d’autres personnes qui nous correspondront mieux. Mais si quelqu’un s’efforce de te
changer, c’est que tu n’es pas ce qu’il recherche. Alors pourquoi rester avec lui ? Quelqu’un
d’autre lui correspondra mieux. Autant arrêter de perdre votre temps et vous libérer de la
relation. La personne idéale est celle qu’on aime telle qu’elle est, sans avoir à la changer. Et
la relation idéale est celle où les deux moitiés s’acceptent et s’aiment telles qu’ils sont, sans
aucun désir de changement. Quand on est soi-même, on met toutes les chances de son côté
pour vivre la plus belle des relations. Il faut se faire confiance et faire confiance à son
partenaire, en communiquant avec respect et amour. C’est la clé pour préserver l’amour et
ne pas se lasser avec le temps qui passe. Cela n’empêche pas de faire remarquer à son
partenaire certains aspects de son comportement. Il suffit juste de le faire sans reproche,
jugement ou accusation, en reconnaissant simplement la dysfonction existante ou
l’évènement réalisé sans conscience.
_ Tu disais que dans notre coeur, il y avait de l’amour en quantité infinie pour soi et pour les
autres ?
_ Oui, notre amour est un amour universel. Il vit dans notre coeur, mais il est pour tout le
monde. Quand tu aimes véritablement, il n’y a plus ni étranger ni lointain. Tu te sens proche
de chaque être vivant et de leurs souffrances. Tu les considères tous comme ton ami, ton
parent, ton enfant. On le fait déjà naturellement avec nos animaux de compagnie. On les
aime sans condition et on les accepte tels qu’ils sont. Notre amour pour eux est sincère. Cet
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amour-là est sans frontière, sans genre, sans couleur, sans richesse, sans classe, sans
religion, sans condition, sans peurs. On le donne sans se plaindre et on le reçoit sans
réclamer. Ce n’est plus moi et les autres, mais seulement nous tous ensemble. Nous sommes
tous dépendants les uns des autres. Nous sommes ainsi faits. Nous avons besoin des autres
et c’est grâce à l’amour que nous nous soutenons mutuellement. Nous avons tous un don qui
nous permet d’être un soutien ou une consolation pour les autres et nous avons tous une
faille, une fragilité, une blessure qui nécessite l’aide des autres pour aller mieux, pour guérir
et continuer de grandir.
_ Comment faire pour ressentir cet amour plus fortement ? Il y a bien des jours où je ne me
sens pas la capacité d’avoir cet amour pour moi comme pour le reste du monde ! Cela me
parait impossible.
_ L’amour que tu ressens et partage est directement lié à ton état de bien-être. Plus tu es en
harmonie avec toi-même, c’est-à-dire que ton corps, ton coeur et ton esprit sont alignés
ensemble, plus l’amour que tu crées est fort et ta fréquence vibratoire positive est élevée. Il
t’est alors beaucoup plus facile de te connecter aux autres et au monde. Mais quand tu te
sens triste ou que tu es mal avec quelqu’un, le niveau de tes vibrations bienveillantes sont
faibles. Pour sortir de ces énergies basses et te régénérer, ressentir à nouveau l’amour en toi
avec plus d’intensité, tu dois d’abord prendre conscience de ton état d’esprit et stopper le
flux de tes pensées négatives, pour les remplacer par des pensées positives. Puis tu te
concentres sur le moment présent, en étant entièrement consciente à ce que tu fais. Ainsi, tu
fais taire ton mental et tu permets à ton coeur de s’exprimer avec plus d’intensité. Et tu es en
mesure de mieux l’écouter et de ressentir pleinement la fréquence vibratoire de l’amour
qu’il contient. Les sentiments de bien-être, d’amour, de joie et de paix sont tous
interconnectés et vibrent ensemble en toi, lorsque tu es maitresse de ta vie et que tu es
véritablement toi-même. Tout est déjà là en toi ! Ces sentiments constituent ta vraie nature.
C’est pourquoi il est essentiel d’exprimer qui tu es vraiment et ne pas t’enfermer dans le
paraitre et le regard des autres. Si tu es dans le paraitre, alors automatiquement tu
t’identifies à ton égo et tu montres qui tu n’es pas. Mais si tu réussis à t’en extraire, tu peux
alors être authentique et vraie. Une écrivaine a écrit que « la perfection, c’est assumer son
imperfection tout en cherchant à le corriger jour après jour. » Je trouve cette phrase très
juste.
_ Je confirme. Ça a du sens !
_ Les évènements que l’on vit nous apparaissent parfois malheureux. Mais si on comprend
qu’ils renferment surtout un apprentissage, alors on devine qu’ils ne sont pas négatifs, mais
bénéfiques pour nous-même. Ils sont une chance pour nous permettre d’évoluer, de mieux
nous connaitre et d’accéder à l’amour, à la joie et à la paix. Tous ces évènements vécus nous
sont utiles pour nous comprendre. Pour connaitre nos forces et nos faiblesses, nos dons et
nos blessures et nous permettre de guérir et de nous améliorer. En acceptant notre passé
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pour ce qu’il est, un apprentissage, on en fait une force. Parce que le sens de toute vie est
d’apprendre, d’évoluer et de progresser, en utilisant nos dons pour nous-même et pour les
autres. En comprenant le sens des évènements que l’on vit, on s’aide soi-même et on aide
les autres. On les inspire et ils peuvent plus facilement surmonter leurs épreuves. Et quand
on fait la différence dans la vie des gens qui croisent notre route, quand on ressent leur
amour, une joie sincère nous illumine.
_ Oui… C’est une des clés du bonheur que l’on recherche tous.
_ C’est vrai, il est important de rechercher le bonheur. Mais tu sais, il est plus important
encore d’être en paix avec soi-même. Quand tout est calme, notre esprit, notre coeur et notre
corps peuvent s’aligner et on peut alors ressentir ce qui est juste pour nous. Et cette paix
n’est possible que si nous écoutons à la fois notre esprit, notre coeur et notre corps. Pas
uniquement le premier. Parce que ce sont les deux derniers qui nous alertent que quelque
chose ne va pas et qu’il nous faut nous réaligner avec nous-même.

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Chapitre 12
Se recentrer sur l’être humain

« Je trouve qu’il n’y a rien de plus beau


qu’un rêve qui se conjugue au réel. »

_ Alors si je fais la liste des solutions miracles pour changer les choses, j’ai : nous connaitre
personnellement, identifier et guérir nos blessures, ne plus laisser l’égo contrôler notre vie et
prendre nos responsabilités, accepter nos expériences et comprendre l’apprentissage qu’elles
nous délivrent, découvrir nos dons, ce qui nous anime et les partager avec les autres,
s’accepter et oser être qui l’on est vraiment, penser positivement, vivre le moment présent,
avoir une parole impeccable, ne pas faire de suppositions, ne pas prendre les choses
personnellement, être sceptique mais apprendre à écouter, toujours faire de notre mieux et
s’aimer de tout notre coeur !
_ Cela fait une sacrée liste, acquiesça son père.
_ Oui, en effet ! Mais j’espère que tu en as encore d’autres en magasin, parce qu’il y a du
boulot, s’en amusa Emma.
_ Oui, il y a d’autres choses que nous pouvons expérimenter pour améliorer nos relations
avec les autres. Il existe de nombreuses qualités humaines qui favorisent la réalisation de
belles relations. En s’appliquant à les exprimer au quotidien, alors on change nos
interactions pour le mieux.
_ Quelles sont ces qualités ?
_ Il y a la connaissance. Beaucoup de nos soucis et mélodrames viennent de notre
ignorance. En apprenant à développer nos intelligences mentale, émotionnelle et corporelle
et nos connaissances, on peut prendre les meilleures décisions pour nous-même et pour les
autres. L’émerveillement et l’étonnement en sont deux autres. Il est important de garder
notre regard d’enfant sur ce qui nous entoure et de continuer de s’étonner et de s’émerveiller
de la beauté du monde. Il y a l’effort et l’audace. Il faut toujours travailler à s’améliorer et à
réaliser ce qui est bon pour nous. Et oser faire ce qui nous anime et nous transforme, être qui
on est vraiment. Il y a la douceur envers nous-même et envers les autres. La douceur permet
de maîtriser nos émotions et amener de la sérénité et du calme dans nos relations. Il y a la
fantaisie et l’humour ! Rire rend heureux et la gaieté entretient un regard positif sur la vie.
Tous deux la rendent plus légère. On peut également ajouter la confiance et la bienveillance.
Il s’agit là d’avoir confiance en la vie, en comprenant qu’elle apportera toujours le meilleur
pour nous-même. C’est pourquoi il faut oser apprendre, sortir de sa zone de confort et
découvrir, expérimenter. Et reconnaitre qu’il y a dans le coeur de chaque être humain de la
bonté à recevoir et à offrir.

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_ Je pense que j’en ai une : la générosité !
_ Bien vu ! En effet, on éprouve toujours plus de joie à donner qu’à recevoir. Plus on est
généreux avec les autres et plus on en sera récompensé. Il n’y a pas de bonheur véritable à
retirer de nos biens et de nos richesses. Celui-ci se vit et se partage avec le vivant… Tu as
également le courage. Quand on est courageux, on réussit à dépasser nos peurs. Ainsi, elles
ne nous emprisonnent plus.
_ La vérité ?
_ Oui, sourit son père. Même si la vérité fait parfois souffrir, il ne faut pas la craindre, car
elle nous amènera toujours vers de nouveaux horizons et de belles rencontres. Tu peux aussi
y ajouter l’humilité. Il est important de comprendre qu’on a toujours des choses à apprendre
et qu’on a encore besoin de progresser. Sans les autres, on ne peut pas aller bien loin.
_ La sobriété en est-elle une ?
_ Clairement ! C’est une qualité très importante à développer dans le monde qui est le nôtre
désormais. Peu de choses suffisent à notre bonheur, mais nous sommes pourtant devenus si
dépendants et esclaves de nos biens ! Il nous faut nous déconditionner de notre besoin
perpétuel de consommation et réussir à se contenter de tout ce qu’on a déjà.
_ Il y a la gratitude ? Le fait de remercier la vie chaque jour, pour tout ce qu’elle nous
apporte de bon. Depuis que j’écris tous les matins, dans un petit cahier, trois moments ou
pensées agréables que j’ai vécu la veille, j’ai bien plus conscience de la chance que j’ai de
pouvoir vivre tous ces moments heureux. Et ça m’aide dans mes moments plus difficiles.
_ Oui, la gratitude en est une, confirma Sébastien. Je suis content que tu prennes le temps
nécessaire pour les écrire tous les jours. Elles sont un cadeau précieux que l’on se fait, afin
de prendre conscience de notre chance et de réfléchir à la bonne direction à donner à notre
vie. Tu en devines d’autres ?
_ La patience ?
_ Oui, elle nous apprend à savoir attendre le bon moment pour agir. Et elle nous aide à ne
pas nous décourager dans les moments difficiles.
_ La prudence ?
_ C’est toujours mieux de réfléchir avant d’agir ! Je suis d’accord avec toi.
_ Le pardon ?
_ Oui. Il est très difficile de toujours rester juste, bon et honnête. La vie nous amène à faire
des erreurs pour progresser. Et parfois, il nous arrive de blesser les autres. C’est pourquoi il
est important d’apprendre à pardonner et de donner une nouvelle chance à celle ou celui qui
regrette sincèrement sa mauvaise action.
_ La tolérance ?
_ En effet ! On vit tous dans notre réalité virtuelle et même si on pense que notre réalité est
la vérité, ce n’est pas le cas. Le monde est composé de milliers de cultures différentes
possédant chacune de nombreuses croyances différentes. Personne ne possède la vérité.
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C’est pourquoi faire preuve de tolérance nous permet d’améliorer notre compréhension du
monde et de la vie.
_ J’en ai une dernière ; le respect de la nature ?
_ Oui, totalement. Quand on regarde agir l’humanité, on a l’impression que nous sommes
ici et que la nature est là-bas. Mais ça ne fonctionne pas ainsi ; on fait entièrement partie
d’elle. C’est la raison pour laquelle la respecter, c’est se respecter soi-même. Et la protéger,
c’est veiller sur soi et ses proches. Les plantes et les animaux sont comme nous des êtres
vivants, mais on ne les considère pourtant que comme de simples objets et aliments à notre
service. Lorsqu’on se retrouve au milieu d’une forêt, sur un sentier de montagne ou dans
l’océan, on peut observer qu’une sensation d’union avec tout ce qui nous entoure se
développe en nous. Nous ressentons comme une connexion, cette impression de ne faire
qu’un avec la nature, notre Terre. Ceci est réel. Elle veille sur nous et donne suffisamment
pour chacun de ses êtres vivants. Nous n’avons aucune raison de la piller et de la détruire,
pour satisfaire les besoins irréels de notre égo, à son dépend comme au nôtre.
_ On devrait avoir une matière à l’école qui soit consacrée à la bonne conduite des relations
humaines et qui reprendrait tout ce que tu m’as dit. Plutôt que de nous enseigner : comment
forcer les humains à produire et consommer toujours plus… La façon dont nous pensons,
nous ressentons et nous communiquons impactent directement nos relations avec les autres.
Que cela soit d’ordre amoureux, amical ou professionnel. Et nos croyances et nos héritages
culturel et religieux influencent également énormément nos interactions. Alors nous
expliquer le fonctionnement de la pensée et des émotions, le rôle de l’égo dans notre vie, les
blessures de l’âme, la bonne façon d’aimer et toutes les clés pour améliorer notre
communication et notre compréhension des autres, ça ne serait pas du luxe ! Juste un
minimum de bon sens pour améliorer le bien-vivre ensemble. Parce que tout cela ne se
devine vraiment pas…
_ Je suis d’accord avec toi, soupira son père. Mais le système éducatif est à l’image de notre
société. Il n’a pas pour objectif de nous transmettre le savoir nécessaire pour nous permettre
d’accéder au bien-être de tous. Son seul but est de produire une force de travail conditionnée
à destination des entreprises, ainsi que des consommateurs éternellement insatisfaits qui,
grâce à leur inconscience, permettent à ces mêmes entreprises qui les exploitent de gagner
toujours plus de bénéfices. Tant que l’éducation sera tournée vers la croissance des
entreprises et leur rentabilité, plutôt que sur la recherche du bien-être humain dans le respect
de notre environnement, les choses ne pourront pas évoluer positivement. Le pouvoir de
changement appartient en dernier lieu à nos politiques. ..
_ Que ferais-tu pour améliorer le système actuel ? Comment procéderais-tu pour le recentrer
sur nous, les humains, en lieu et place des entreprises comme actuellement ?
_ Je ne suis pas certain d’être le plus qualifié pour répondre à cette question, s’en amusa son
père. Mais je peux te partager mes pensées. De mon point de vue, il est essentiel de replacer
66
l’humain au centre de notre projet de société et donc de notre système éducatif. La
recherche de notre bien-être devrait être notre objectif prioritaire et servir de ligne directrice
pour sélectionner les différents apprentissages à enseigner, tout au long de notre éducation
comme de notre vie d’adulte. Et pour que notre être soit bien, il faut que nos besoins
existentiels soient satisfaits. Il existe différents types de besoin, que l’on peut classer dans
cinq catégories principales : les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins
d’appartenance et d’amour, les besoins d’estime de soi et les besoins d’accomplissement de
soi. Tous ces besoins sont essentiels, mais on peut y dessiner une certaine hiérarchie, en
fonction de leur importance. Les besoins physiologiques sont d’ordre biologique et
correspondent à nos besoins vitaux. Sans leur réalisation, il nous est impossible de survivre.
Dans cette catégorie, tu retrouves le besoin de respirer, de boire de l’eau et de manger, de
dormir, de s’abriter, de faire l’amour et se reproduire… Ils sont donc notre priorité et nous
devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir, pour permettre à chaque humain de cette
Terre de pouvoir les réaliser de la meilleure manière possible, de façon continue et ce en
préservant notre capacité à maintenir leur bonne réalisation dans le futur. Ce qui n’est
absolument pas le cas aujourd’hui, malgré le fort développement industriel, économique et
financier de nos sociétés humaines. Notre fonctionnement met en péril nos ressources, nos
territoires, tous les écosystèmes biologiques et le climat… C’est-à-dire toute vie présente
sur notre planète. Nous ne sommes pas détachés de cette vie-là ; nous y prenons part
entièrement et nous sommes en train de nous auto-détruire lentement mais surement, en
emportant dans notre chute tout ce qui nous entoure et nous permet de vivre. Je pense qu’en
prenant, en premier lieu, la réalisation de nos besoins physiologiques comme lignes
directives pour sélectionner les apprentissages de notre enseignement, on donnerait une
nouvelle orientation à notre façon de vivre ensemble en société. Celle-ci favoriserait enfin la
préservation de notre Terre, sans qui aucune vie n’est possible, comme elle permettrait de
donner plus de sens à la vie de chacun.
_ Et concrètement, ça donnerait quoi ?
_ J’y viens ! Commençons par le besoin le plus essentiel : respirer. On pense que cela va de
soi et qu’il ne coûte rien de respirer, puisque l’air est disponible en quantité infinie pour tous
en tout point du globe. Mais il est de notre devoir de veiller à ce que son état demeure sain
et favorise la vie, plutôt que de provoquer des maladies respiratoires et détruire notre santé.
La pollution tue chaque année, dans le monde, plus de 9 millions de personnes. Cette
pollution comprend les pollutions chimique, de l’air et de l’eau. C’est tout ce qu’on
transfère par nos activités à l’environnement, endommageant les éco-systèmes et la santé
humaine. La pollution provoque des maladies « normales », tels que des maladies cardio-
vasculaires, des cancers, des troubles de développement de l’enfant ou hormonaux chez la
femme… dans des conséquences énormes mais de façon non spécifique, ce qui entraine des
soucis de reconnaissance. Ainsi, on ne pense pas immédiatement à son impact dans le
67
développement de ces maladies, qui est pourtant bien réel. En continuant de laisser nos
industries polluer l’air, l’eau et les sols comme elles le font aujourd’hui, nous favorisons le
développement de nombreuses maladies et nous mettons nos vies et celles de nos enfants en
danger. Il faut donc tout faire pour combattre leur pollution, afin de nous préserver. Il faut
également nous éduquer à ne plus polluer, à recycler et développer des solutions alternatives
pour endiguer ce phénomène terrible. Mais la pollution n’est pas la seule en cause dans le
développement de nos maladies. Notre alimentation l’est également, de part la
consommation d’aliments ultra transformés et l’utilisation de produits chimiques durant leur
production. L’obésité tue chaque année, dans le monde, plus de 5 millions de personnes. Et
elle n’est qu’un exemple de mortalité lié à l’alimentation. Si cette dernière a favorisé
l’amélioration de notre santé depuis le 19e siècle, elle est elle-même aujourd’hui devenu un
des problèmes majeurs de la dégradation de notre santé, en provoquant des maladies cardio-
vasculaires, des cancers, du diabète, de l’obésité… Se nourrir est un autre besoin primaire.
Mais si certains aliments que nous consommons ne sont pas bons pour nous et favorisent le
développement de maladies graves, quel est le sens de les produire et de nous pousser à leur
consommation ? Les aliments peu ou pas transformés, souvent de première nécessité
(féculents, légumineuses, légumes, fruits…) apportent majoritairement ce dont on a besoin
sur le plan nutritionnel et préservent notre santé. Ce qui n’est absolument pas le cas des
aliments transformés et ultra transformés, bourrés d’ingrédients néfastes. Tout le monde
souhaite mieux manger pour préserver sa santé, mais il faut nous éduquer à bien manger, à
cultiver et sélectionner les bons aliments pour nous-mêmes et à les cuisiner ensemble.
Comme il faut nous déconditionner à consommer tous ces aliments néfastes à bas prix. Il
existe plusieurs leviers pour cela : rendre plus accessible les aliments de première nécessité,
les légumes et les fruits qui sont bons pour notre santé et, à l’inverse, taxer les ingrédients
néfastes pour notre santé, de façon à augmenter le prix de ces aliments dangereux. On
devrait également interdire la publicité de ces mauvais aliments et limiter leur nombre dans
nos supermarchés. Parce que les informations données sont contradictoires et n’aident en
aucun cas les consommateurs à faire un choix avisé. Ces aliments n’ont aucun intérêt
nutritionnel et favorisent le développement de nombreuses maladies, et pourtant ils sont
partout mis en avant dans notre société, par l’intermédiaire de la publicité notamment, en
nous poussant à leur consommation. On laisse ainsi leur offre prospérer et tout est fait pour
provoquer chez nous un besoin inexistant, ainsi que la promesse d’un plaisir fugace nous
apportant plus de mal que de bien. Et dans le même temps, on nous demande de nous
réguler et de faire attention à la consommation de tous ces produits addictifs et vecteurs de
maladies ! Bien souvent, ces mauvais aliments sont des aliments refuges, qui nous sont
réconfortants ou tristes, parce que nous n’avons pas d’autre plaisir que leur consommation
dans notre vie ou parce que nous ne pouvons consommer qu’eux financièrement. Ce ne sont
pas de bonnes raisons pour continuer ce modèle de consommation alimentaire. Il n’y a
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aucun plaisir à consommer des aliments qui écourtent nos vies. Cela réclame sans doute un
changement culturel important, mais ce changement a déjà été réalisé par le passé, lorsque
nous sommes passés d’une alimentation fraiche à une alimentation transformée. On peut
donc le réaliser dans l’autre sens. Cela ne signifie pas forcément d’arrêter entièrement la
consommation de tous ces mauvais aliments, mais de les consommer de manière ponctuelle
et non quotidiennement, afin de ne pas favoriser de maladies. De cette façon, on pourra
transformer notre alimentation pour le mieux. Il est temps de se rendre compte de l’impact
extrêmement négatif de la pollution et de l’alimentation dans nos dépenses de santé. En
France, elles correspondent à près de 11 milliards d’euros de dépense directe chaque année,
et c’est un chiffre sous-estimé qui ne comprend pas les coûts indirects liés à la perte de
productivité au travail ou aux autres maladies liées à l’alimentation. Ce qui est certain, c’est
que les industries qui provoquent tous ces risques, favorisant le développement de nos
maladies, détruisent plus de valeur économique qu’elles n’en créent. Elles ne méritent donc
pas d’être maintenues en l’état.
_ D’autant qu’elles participent au réchauffement climatique, qui lui aussi exacerbe tous ces
risques.
_ Exactement. On peut le constater directement. Le réchauffement climatique augmente, par
exemple, considérablement le risque de canicule. Or, ces canicules augmentent les
décompensations respiratoires et la mortalité cardio-vasculaire. Et quand il fait chaud, les
gens ont tendance à être plus violents, ils dorment moins bien, ils boivent plus d’alcool et
sont plus nerveux… Et indirectement, le réchauffement climatique accentue la détérioration
des rendements alimentaires ainsi que l’apparition et l’expansion de nouveaux microbes et
virus émergeants, qui peuvent se propager sur plus de territoires à cause des changements de
température. La pollution et le réchauffement climatique entrent en synergie et accentuent
nos maladies. Elles ne s’additionnent pas, mais multiplient les risques par plus de trois ! Il
faut bien avoir en tête que ce sont nos activités humaines qui génèrent l’apparition et le
développement de nouveaux microbes et virus. Depuis les années 60, leur augmentation est
réelle et linéaire. Le Covid 19 en est l’exemple le plus connu, dernièrement. Les nouveaux
microbes et virus partent toujours d’un animal. Ceci est lié à l’extinction des espèces et la
pression exercée sur elles, quand elles sont chassées de leur habitat. Les animaux se
rapprochent ainsi de nous par obligation. Comme les microbes et les virus sont mis sous
pression, parce que la population animale a tendance à se contracter et diminuer, ils
cherchent de nouveaux hôtes à coloniser. Nous. Le lien est réel entre le développement des
activités humaines et le développement des maladies. Heureusement, comme les causes sont
les mêmes, les solutions sont partagées. En se tournant vers une alimentation plus végétale,
moins chimique et moins quantitative, on agit vraiment sur le plan environnemental comme
sur notre santé. Cela sera moins vecteur de microbes et de virus, et donc moins vecteur de
maladies. De la même façon, si on réduit nos déplacements avec des machines au profit de
69
déplacements manuels, on réduit notre consommation d’énergies fossiles, ce qui est à la fois
meilleur pour l’environnement et notre santé. En changeant notre alimentation et nos
moyens de déplacement, on améliore deux de nos problèmes majeurs de société : le souci
environnemental et la santé mondiale. La chance qu’on a à se tourner dans cette direction,
c’est que de se mettre à marcher ou pédaler et à manger plus végétal ne coûte rien ! C’est
gratuit ou moins cher. La transition énergétique a certainement un coût très important, mais
elle favorise grandement l’amélioration de notre santé et de notre environnement, et cela
permet un bénéfice bien plus important.
_ Ce qui fait peur avec ces changements majeurs, c’est leur impact dans notre vie de tous
les jours. Tous ces industriels et ces multinationales qui nous vendent des aliments ultra
transformés et des grosses voitures plus polluantes créent de nombreux emplois, qui seront
sans doute rayés de la carte suite à la mise en place de tous ces changements.
_ Oui, c’est une réalité, mais ces suppressions de postes ne doivent pas justifier la
commercialisation inconsciente de tous ces biens et aliments néfastes pour nous et notre
planète. Ces industriels et ces multinationales créent peut être de la valeur économique,
mais ils en détruisent encore plus sur le plan de la santé et de l’environnement. Personne
n’est gagnant à les voir ainsi prospérer. Ce qui est sûr, c’est que ces changements ne
pourront être réalisés qu’au niveau politique. Qui malheureusement ne parle que de
croissance économique et d’argent… Ce sont les leaders politiques qui ont les clés du
changement, car le changement doit être systémique et ils sont les seuls à pouvoir pousser
les entreprises à suivre cette direction. Ce qui ne doit pas nous empêcher d’agir par
l’intermédiaire de nos actions individuelles. Il faut les maintenir et les encourager, parce que
tous ces gestes ont de vraies répercussions sur l’environnement et notre santé. Tout le
monde a conscience, désormais, que notre modèle de société est dysfonctionnel. À nous de
mettre la pression sur nos politiques pour qu’ils répondent à nos attentes et ne privilégient
plus le court terme et les entreprises au dépend du long terme et de l’humain.
_ Finalement, quand on regarde bien, on se rend compte que les risques auxquels on est
confronté sont surtout provoqués par nous…
_ Totalement, acquiesça son père. La pollution chimique et l’obésité ne sont pas des causes
naturelles de maladie. Nous en sommes seuls responsables et ils tuent pourtant des millions
de gens chaque année dans le monde. Nous n’avons plus le choix ; ils nous faire machine
arrière sur ce système qui nous tue à petit feu et détruit notre planète, en même temps.
Même si cela doit nous contraindre à modifier nos habitudes et nos modes de
consommation. Parce que ce n’est que peu de choses, finalement, face à la survie de notre
espèce dans un monde favorable.
_ Comment fait-on pour modifier notre modèle agricole, afin qu’il soit meilleur pour notre
santé et pour le climat ?

70
_ Il faut manger plus végétal et nettement diminuer la viande et le sucre. Il faut utiliser
moins de pesticides et de produits chimiques qui détruisent les sols et polluent l’eau. Il faut
une industrie agro-alimentaire qui respecte enfin le vivant. Il faut une production moins
quantitative, parce que tous les aliments jetés et perdus nous montrent bien que notre souci
n’est pas le manque. Et il faut changer nos politiques agricoles et nos mentalités. Parce
qu’aujourd’hui, le seul objectif de ce modèle est de produire toujours plus et de voir
toujours plus grand, sans se soucier des conséquences pour l’environnement et pour les
agriculteurs. C’est pourquoi on se retrouve aujourd’hui avec des agriculteurs en détresse,
pas assez de relève, un paysage ravagé, des sols appauvris et un monde qui se réchauffe ! En
changeant notre alimentation, on change positivement notre modèle agricole et on améliore
notre santé. Et c’est quand même le souhait de chacun de nous, je pense, que de manger des
produits de bonne qualité, bons pour notre santé, accessibles financièrement et qui
préservent le vivant et la planète.
_ C’est quand même dingue, cette histoire ! Personne n’a intérêt à ce que les politiques
climatiques, environnementales et de santé ne s’améliorent pas. Il n’y a que les groupes
industriels et financiers qui y trouvent un intérêt à court terme. Parce que de toute façon, on
n’a pas le choix que de changer ! Ce n’est qu’une question de temps. Mais on ferme les
yeux par confort et on laisse faire impunément ces entreprises, qui réalisent des bénéfices
énormes sur le dos de l’environnement et de notre santé.
_ C’est bien là le problème. Notre société agit pour le bien-être des entreprises, pas le nôtre.
Pourtant, comme tu le dis, on n’a plus le choix que de changer pour limiter le réchauffement
climatique. Et nous n’avons pas d’autres alternatives que d’arrêter progressivement les
énergies fossiles, développer les énergies vertes, changer de modèle agricole et diminuer
notre consommation. Cela demandera du courage, des efforts, du temps et de l’argent, ce
sera certainement difficile à mette en place au début, mais ce qui est certain, c’est que ces
changements dessineront un monde beaucoup plus séduisant et sécurisant que celui vers
lequel on va, si on ne fait rien.
_ Quand tu dis de diminuer notre consommation, tu parles de notre consommation globale ?
_ Oui, bien sûr. Je t’ai parlé de l’alimentation et de l’industrie agro-alimentaire, mais
j’aurais pu également te citer l’industrie de la mode et du textile. C’est un exemple
d’industrie surproduisant en masse et de façon inconsciente. Se vêtir répond a un besoin
physiologique essentiel. Mais on produit bien plus que nos besoins de vêtement, parce
qu’on les considère comme jetables. Alors on en achète et on en rachète très régulièrement,
sans besoin réel derrière nos achats. C’est toute l’ingéniosité de l’industrie de la mode et du
textile, qui a modifié nos comportements afin d’augmenter très fortement notre
consommation. Ils ont baissé les prix en délocalisant dans des pays pauvres, parce que les
salaires y sont ridicules et que les lois ne protègent pas bien les habitants de ces pays. Ils
créent ni plus ni moins qu’une exploitation humaine, mais puisque cela permet de baisser le
71
prix de nos vêtements, nous fermons les yeux et nous participons à ce drame en les achetant.
Ils nous poussent sans cesse à consommer de nouvelles choses, en nous donnant envie grâce
à la publicité, au culte de la beauté, aux tendances et aux phénomènes de mode. Et ils nous
noient sous tous les différents modèles accessibles qu’ils créent. Comme ils sont tellement
nombreux, il y en a toujours un qui finit par nous plaire… On pourrait penser qu’on sur-
consomme des vêtements parce que leur qualité est insuffisante et qu’ils se dégradent
rapidement. Mais ce n’est pas vrai. Même les vêtements issus de la fast-fashion ne sont pas
forcément de mauvaise qualité. On se débarrasse de nos vêtements simplement parce qu’on
ne les met plus, parce qu’on ne les aime plus, parce qu’on a la flemme de les réparer ou
parce que c’est plus cher de les réparer que d’en racheter un neuf…. On les accumule alors
dans nos armoires, jusqu’à ce qu’elles débordent, puis on les donne ou on les revend,
pensant faire une bonne action. On est d’ailleurs encouragé à le faire et cela nous permet de
nous donner bonne conscience, pour en racheter toujours plus. En France, on récolte dans
les bornes textiles plus d’un milliard de vêtements, chaque année ! Pourtant, seulement 5%
de ces vêtements collectés sont réutilisés dans des magasins de seconde main ou donnés aux
personnes dans le besoin. Les autres 95% sont envoyés à l’étranger. En théorie pour qu’ils
puissent s’habiller avec, mais en réalité, ils sont simplement jetés dans des décharges là-bas,
plutôt que dans les nôtres. Comme ces pays n’ont pas les infrastructures pour traiter tous ces
déchets, ils finissent dans la nature, qu’ils polluent de manière tragique… Pour te rendre
compte de cette folie, le Ghana reçoit chaque semaine 15 millions de vêtements, alors que
sa population n’est que de 30 millions de personnes. Ils reçoivent ainsi chaque semaine de
quoi rhabiller la moitié de leur population ! Ils ne peuvent qu’être débordés et se noyer dans
tous les vêtements qu’ils reçoivent. Le Ghana est un exemple parmi d’autres. L’industrie du
textile et de la mode surproduit et nous incite très fortement à consommer leurs produits à
prix dérisoire, alors que notre consommation a un impact énorme sur notre environnement,
polluant notre planète. Bien sûr que vivre, c’est polluer. On doit accepter que notre
existence sur Terre a un impact négatif sur elle. Mais cela ne nous donne pas le droit pour
autant de polluer pour des vêtements qu’on portera seulement deux ou trois fois, avant de
s’en débarrasser. Il n’est pas normal d’accepter tout le gâchis monumental qu’on fait de tous
ces biens qu’on produit à outrance, dans le seul but de permettre à nos entreprises de faire
plus de profits. On doit respecter les ressources et les biens que l’on consomme et les
utiliser le plus longtemps possible. Comme on doit changer le regard que l’on porte sur nos
vêtements et se libérer de la tyrannie du culte de la beauté dans lequel on s’est emprisonné.
Nous ne sommes pas nos vêtements ou nos produits de beauté… Ils ne peuvent pas définir
qui l’on est vraiment, parce que nous sommes tellement plus qu’un habit de marque, un
accessoire tendance ou un parfum ! Cette identification aux objets nous apporte bien plus de
souffrance que de plaisir.

72
_ Le souci, c’est que nos générations ont perdu l’habitude de réparer ou de faire réparer nos
vêtements. Ou encore de les customiser en réutilisant d’anciennes pièces, afin de les
personnaliser. On n’apprend plus à coudre ou à se servir d’appareils nous permettant de
créer et de faire durer nos vêtements. Cela nous aiderait grandement à modifier nos
comportements d’achat.
_ Clairement. De la même façon que la recherche de toujours plus de qualité entraine une
augmentation de la consommation des ressources. Quand on regarde nos armoires,
aujourd’hui, on peut se rendre compte à quel point on est suréquipé. Nos vêtements sont
trop performants pour l’usage qu’on en fait au quotidien et là encore, c’est du gaspillage.
Beaucoup d’innovations technologiques sont faites pour nous créer des besoins artificiels.
Elles ne répondent pas à nos besoins ; elles nous font croire qu’on en a besoin. Ce n’est pas
pareil. Dans le même et unique but de faire des bénéfices sur notre dos et celui de la planète.
De la même façon que pour l’alimentation et la pollution, c’est aux politiques d’agir pour
réguler cette surproduction et cette surconsommation de masse qui pollue notre
environnement. Mais on peut déjà agir de notre côté, à notre niveau. D’ailleurs, cela nous
est très facile et ça ne coûte rien ! Il suffit simplement d’arrêter d’acheter tous ces vêtements
et ces objets. On peut porter ce qu’on a en stock, on peut acheter des objets et des vêtements
de seconde main, on peut les échanger avec d’autres, on peut les réparer, les customiser… Il
y a bien suffisamment d’objet set de vêtements existants sur Terre aujourd’hui pour tous,
pour ne plus en surproduire comme on le fait. On vit dans un monde où l’on exploite les
habitants des pays pauvres, pour nous forcer à consommer des biens dont on n’a pas
réellement besoin et après les avoir utilisés un peu, on s’en débarrasse vers d’autres pays
pauvres, qui n’ont rien demandé et qui surtout ne savent pas quoi faire de tous ces déchets
en bon état. On détruit des territoires et on pollue la Terre, qui nous permet pourtant de vivre
grâce à elle. À quoi cela rime t-il ? Quel sens y a t-il à cette autodestruction ?
_ Aucun, malheureusement. Cela ne nous apporte même pas de joie durable… Et quel
serait donc le programme de ton système éducatif ?

73
Chapitre 13
L’éducation

« Dans leurs livres d’histoire,


les générations futures pourront lire :
« Au 21e siècle, ils savaient.
Toutes les informations nécessaires étaient à leur disposition.
Et qu’en ont-ils fait ? »

_ Oui, je me suis égaré et je ne t’ai pas répondu, remarqua son père. Je ferai en sorte que le
programme nous permette de répondre le mieux possible individuellement et collectivement
à nos besoins essentiels. Ils sont tous plus ou moins liés les uns aux autres, parce que la
plupart sont liés à nous-même, ainsi qu’à nos relations avec les autres. C’est pourquoi en
enseignant l’apprentissage et l’amour de soi, le fonctionnement de la pensée et des
émotions, l’importance d’écouter son coeur et son corps autant que son mental, les accords
toltèques, la pensée positive et le pouvoir du moment présent, on répondrait à nos besoins
d’appartenance et d’amour, ainsi qu’à nos besoins d’estime et d’accomplissement de soi.
Pour ce qui est des besoins primaires, nous en comptons six principaux : la sexualité, la
respiration, l’hygiène et le soin, l’alimentation, l’habillement et le logement. En enseignant
différentes matières inspirées par ces six grandes thématiques, on permettrait à tous d’avoir
la capacité de satisfaire ses besoins primaires tout en préservant le vivant et notre planète.
La sexualité est directement liée à nos relations. En apprenant à vivre les meilleures
relations possibles, on favorise ainsi une meilleure sexualité. L’apprentissage du français et
des langues étrangères, de la littérature, de la philosophie, de la sexualité, des arts et de la
musique sont également des matières essentielles pour améliorer nos relations avec nous-
même et avec les autres. Comme le droit, pour permettre le bien-vivre ensemble. Et si nous
parlions tous la même langue, il serait tellement plus facile de communiquer avec chacun
des êtres humains de cette Terre ! Cela résoudrait bien des incompréhensions… On n’est pas
obligé de sacrifier nos langues maternelles ; elles peuvent très bien être enseignées en
parallèle d’une langue universelle. Mais n’est-il pas essentiel de parler la même langue au
sein de la même famille ? Nous sommes tous frères et soeurs, mais comment le comprendre,
si nous ne sommes pas capables de parler le même langage, afin de mieux communiquer les
uns avec les autres ?
_ C’est vrai que ce n’est pas pratique… Ça nous aiderait beaucoup à nous sentir plus proche
d’un chilien, d’un togolais ou d’un coréen, par exemple.
_ Oui, en effet ! Il n’y a qu’en communicant les uns avec les autres qu’on peut se rendre
compte à quel point nous sommes similaires et que tous nos problèmes sont partagés. Pour
notre besoin de respirer, l’enseignement de la respiration et du yoga, le sport et le
74
fonctionnement du corps humain seraient des matières utiles. De même que la thématique
de la pollution est un apprentissage essentiel pour éveiller les consciences sur le sujet. C’est
en apprenant ses risques et ses conséquences ainsi que les bonnes pratiques à réaliser,
comment collecter et recycler les déchets, comment créer à partir d’eux, comment changer
ses comportements pour la diminuer… qu’on réussira à avoir une réelle influence sur sa
diminution. Pour le besoin de se laver et de se soigner, l’apprentissage des plantes
médicinales, des différentes médecines existantes, des soins de première nécessité, des
maladies principales et de l’hygiène seraient bénéfiques, pour nous permettre de prévenir les
maladies et de les guérir le plus naturellement possible. En ce qui concerne l’alimentation,
l’apprentissage du jardinage, de la botanique, de la faune et de la flore, de la biologie, des
cultures, de la nutrition, de la cuisine et de la thématique de l’eau sont autant de matières
essentielles à connaitre pour bien s’alimenter en préservant au maximum le vivant et les
territoires. Pour le besoin d’habillement, l’apprentissage de la couture, de la récupération et
de la fabrication de tissus et de vêtements seraient très pratiques pour nous permettre de
créer et faire durer nos vêtements. Enfin, pour le besoin de logement, l’apprentissage des
mathématiques, de la physique-chimie, du bricolage, de l’électricité, de la plomberie et de
l’architecture pourraient être très intéressants. Cela fait déjà beaucoup de choses à apprendre
! Mais toutes ces matières ont un sens réel et pratique dans notre vie de tous les jours.
Posséder toutes les connaissances pour savoir bien respirer, bien se laver, bien se soigner,
bien s’alimenter, bien s’habiller, bien se loger et vivre de belles relations, tout en préservant
notre planète, je ne trouve pas ça si déconnant !
_ Et l’école serait tellement plus fun ! C’est important d’avoir de la pratique. Quel enfer de
devoir rester assis toute la journée à écouter de la théorie, sans jamais pouvoir être en
mouvement et créer de ses mains. C’est abrutissant et contre-productif…
_ C’est en créant et en participant tous ensemble à la réalisation de nos aliments, de nos
vêtements, de nos objets, de nos logements, de nos soins et de nos belles relations qu’on
pourra donner un sens à notre vie et la vivre dans la joie. Quelle satisfaction à les acheter, si
nous avons le pouvoir de les créer nous-mêmes ? Nous devons d’abord travailler pour nous-
même et pour nos proches. Si nous avons la capacité de subvenir nous-même à la
satisfaction de nos besoins physiologiques et à vivre des relations harmonieuses, alors nous
satisfaisons nos besoins de sécurité, d’appartenance et d’amour, d’estime et
d’accomplissement de soi. Et cela ne peut que se réaliser dans la préservation de notre
planète, puisque notre conscience est éveillée. Tout est lié. Il nous faut centrer notre vie sur
l’être, et non sur l’avoir. Nous ne sommes ni nos biens ni nos possessions. La productivité,
la performance, la rentabilité, le profit et la domination ne peuvent pas nous mener vers le
bien-être, la joie, l’amour et la paix. Ils n’ont d’intérêt que pour notre égo. Alors ne les
choisissons pas comme lignes directrices pour notre idéal de société. Choisissons une autre
voie, plus bénéfique pour nous-même.
75
_ Aujourd’hui, tout repose sur l’argent. C’est pourquoi on est là… Il nous faut changer ça et
tout faire reposer sur notre bien-être. On serait beaucoup plus heureux !
_ Oui, clairement, sourit son père. Et cela permettrait de grandement diminuer la colère, la
violence, la tristesse, la santé mentale et la souffrance des humains. On ne chercherait plus à
être quelqu’un d’autre, on ne voudrait être que nous-même. On respecterait enfin toutes les
femmes et elles bénéficieraient des mêmes droits et avantages que les hommes, on serait
beaucoup plus attentif à la réalisation d’une parentalité de qualité pour tous nos enfants, on
se sentirait tous frères et soeurs au sein de cette planète et tous beaucoup plus interconnectés
avec le vivant. Parce que nous sommes une même famille.
_ Alors pourquoi ne pas faire comme si nous étions tous une famille ? Dans une famille, on
ne fait rien payer à personne, puisque c’est la famille qui paye. Il n’y a qu’un compte
bancaire pour tout le monde. Les parents achètent ce qui est nécessaire pour le bien-être de
tous et tout le monde en profite. Et quand c’est usé, on change. Tout se passe plutôt bien, car
personne ne manque de rien. Pourquoi ce n’est pas comme ça dans la réalité, pour tous les
humains de cette planète ? On est une seule grande famille. Alors pourquoi payer des objets,
puisqu’ils sont à tous les membres de cette famille et qu’il y en a pour tout le monde ? Que
l’on paye ou pas, on produit de la même façon tous ces objets pour tout le monde. Ou plutôt
pour personne. Le fait de payer n’a aucun impact ni aucun lien avec les ressources
disponibles que nous utilisons. Alors pourquoi toujours tout payer, puisqu’on est tous de la
même famille ? Pour quoi ne pas se voir ainsi et changer le monde ? Faire que chacun ait un
toit, des vêtements, puisse manger et boire à sa faim et à sa soif, respirer de l’air pur et vivre
de belles relations en harmonie ? Sans compétition, sans violence, sans critiques ni
jugement, sans mélodrames ni souffrances ? Pourquoi on ne changerait pas le monde
maintenant, pour le bien-être de l’humanité ?
Sébastien regarda Emma, amusé. Il ne l’avait jamais senti si attentive et passionnée qu’à cet
instant précis. Il aurait tant aimé pouvoir suivre sa fille dans son élan et lui offrir le droit de
rêver à ces paroles.
_ Ne serais-tu pas devenue révolutionnaire ?
_ Je ne parle pas de révolution. Je parle d’évolution. Il serait temps d’en finir avec l’ère
capitaliste et de passer à la suivante.
Sébastien ne put s’empêcher de sourire à la lucidité de sa fille.
_ Ce serait incroyable, si on était capable de tous se motiver et se rassembler, pour forcer
nos politiques et nos entreprises à aller dans cette direction. De toute façon, il faut
expérimenter autre chose ; on est tous conscient désormais que le système est détraqué et
nous emmène dans le mur.
_ Il faudrait déjà commencer par faire tout ce que tu m’as dit ! Même si on ne nous donne
pas cet enseignement à l’école, il faut qu’on s’entraide et qu’on lise tous les livres
importants pour nous aider à mieux nous comprendre et à mieux vivre les uns avec les avec
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les autres. C’est en agissant pour nous-même, qu’on commencera à changer les autres et le
monde.
_ Je suis entièrement d’accord avec toi, acquiesça son père. On doit tous donner le meilleur
de nous-même pour améliorer notre vie et celle des autres.
_ Le truc, c’est que j’arriverai jamais à retenir tout ce que tu m’as dit ! Se désespéra Emma.
Il y a tellement d’informations à retenir… Comment je pourrais en parler à mes copines, si
je suis incapable de m’en souvenir ! Elle se tut quelques secondes, afin de se concentrer sur
une pensée soudaine. Papa, je sais !
_ Et que sais-tu ? S’inquiéta son père.
_ Il faut que tu écrives tout ce que tu m’as dit dans un livre ! Comme ça, je pourrais le relire
quand je le voudrais et je pourrais le passer à mes copines !
_ Que je t’écrives tout ça dans un livre ? Mais c’est du boulot ! Je ne sais si je vais avoir le
temps de t’écrire tout ça…
_ Papa, je t’arrête tout de suite. Si on veut que les choses changent, il faut montrer
l’exemple. On trouve toujours du temps pour les choses qui comptent. Il sert d’ailleurs à ça,
le temps qu’on a sur cette Terre. À prendre soin des autres, non ?
_ Si, totalement, rigola Sébastien. D’accord, je vais t’écrire ce livre. Tu as raison, c’est
important de se donner toutes les chances de son côté pour vivre le bonheur dans sa vie !
Emma, tout en même temps, cria, se leva et se jeta dans les bras de son père, qui ne s’y
attendait pas ! Après avoir soufflé sous la violence du choc, il observa sa fille toute
souriante, assise sur ses genoux. Il lui rendit son sourire et ils s’enlacèrent tendrement. Quel
plus beau cadeau qu’un câlin ?
_ Une dernière chose ! S’exclama Emma, en relâchant son étreinte. Et après, promis, je ne
t’embête plus.
_ Dis-moi ?
_ Dans le livre, tu pourras m’appeler Emma ?

Fin.

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