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Ce livre est une fiction. Toute référence à des événements historiques, des comportements de personnes
ou des lieux réels serait utilisée de façon fictive. Les autres noms, personnages, lieux et événements
sont issus de l’imagination de l’auteur, et toute ressemblance avec des personnages vivants ou ayant
existé serait totalement fortuite.
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Tome 1
Tome 2
Sait-il que pour lui, je donnerais ma vie ? Je reve souvent qu'il m'aime
eperdument, meme si c'est un tourment.
C’est moi qui amplifie les actes ou est-ce la réalité qui me joue des tours ?
A-t-on fragmenté, une nuit, mes pensées, mon âme et mon esprit ?
Je le sais.
Je suis perdue…
Je n’ai rien à faire ici. Rien à faire avec des gens comme ça… Je ne suis
pas comme eux… Je suis normale. J’attrape mon sac à main et quitte la salle
d’attente au pas de course.
Je pourrais dire que ce n’est qu’un événement isolé, mais non, la secrétaire
de mon psy ne prend même plus la peine de me contacter lorsque je ne me
présente pas à mon rendez-vous. Elle attend simplement que je la rappelle au
moment que je choisis, ce qui arrive quand je sens que je perds pied et que je
risque de sombrer dans ce précipice qui me suit partout où je vais. J’ai la
curieuse impression que ma lucidité ne tient plus qu’à un fil. Je pose ma main
sur mes yeux et presse fortement. Un soupir nerveux s’échappe de ma
bouche. Un ricanement amusé venant de ma droite me tire de mes pensées.
Je tourne péniblement la tête sur la gauche pour voir Tommy. Il est assis
dans un gros fauteuil assorti au divan sur lequel je suis étendue. Un café à la
main, il me fixe de ses yeux bleus et perçants. Ses cheveux châtains sont en
bataille et sa barbe date de quelques jours déjà. Bon sang qu’il est sexy… La
seule pensée concrète que j’arrive à avoir au milieu de ma gueule de bois,
c’est que je regrette d’avoir mis fin à notre relation clandestine. Je le veux
tout contre moi, sentir son érection contre ma peau. J’ai envie de lui, que l’on
baise comme des bêtes… non, c’est faux ! J’ai envie de sexe et il est le seul
disponible pour combler ce manque. Je souffle fortement et ferme de
nouveau les yeux.
Cependant, je dois bien l’admettre, cette relation que nous avions était
malsaine, voire toxique, mais ce truc entre Tommy et moi peut détruire mon
amitié avec Ethan. Jamais je ne m’en remettrais si ça devait arriver. Si je dois
choisir entre le sexe et mon meilleur ami, je choisis Ethan. De toute façon,
des parties de jambes en l’air, je peux en avoir avec n’importe qui et Tommy
est un bon coup, mais pas non plus celui du siècle. Quand il s’applique, le
sexe avec lui est génial, mais lorsqu’il n’a qu’une envie, se vider les burnes, il
se fout bien que j’atteigne ou non l’orgasme.
— Lou, ma chérie, tu sais que tu peux venir loger dans ma chambre si ton
somptueux appartement ne te plaît pas, susurre-t-il sensuellement.
Il s’avance vers moi, vêtu d’un jeans noir et d’une chemise bleu ciel. Son
sourire, bien qu’inquiet, resplendit jusqu’à ses incroyables yeux verts. Ses
cheveux brun pâle sont adroitement coiffés vers l’arrière. Je dois dire que je
le trouve superbe. Je me redresse et m’assieds sur le divan pour qu’il puisse
prendre place à mes côtés. Il me tend un café que j’accepte avec plaisir.
— Merci.
— Je me trompe ou ça ne va pas ?
Il fronce les sourcils, ses magnifiques iris marron prennent une intensité
surréaliste. Il me jauge, comme il le fait chaque fois, car il sait que je passe
mon temps à lui raconter des bobards sur comment je me sens réellement. Je
ne veux pas vraiment lui mentir, mais je ne veux pas qu’il s’inquiète pour
moi. Je pose la tête sur son épaule et lâche un petit soupir.
La joie et la dépression.
L’anxiété et l’irritabilité.
— Je sais, tu me l’as déjà dit, mais c’est quand même chez moi que tu
viens trouver refuge chaque fois que tes émotions prennent le dessus, dit-il en
caressant mes cheveux.
Sa dernière phrase me fait soupirer alors qu’il se lève, pose un doux baiser
dans mes cheveux et quitte son appartement. Ce même baiser qu’il me donne
toujours lorsque nous nous quittons et qui m’arrache irrémédiablement un
petit sourire. Quand nous étions adolescents, je disais à tout le monde qu’à
vingt-cinq ans, je me marierais avec Ethan Hill. Au lycée, toutes les filles
étaient folles de lui, il était beau, sexy et sportif. Moi, je n’étais pas vraiment
populaire, j’étais une grande godiche de service, trop mince avec le teint trop
pâle, trop mal habillée et qui vivait dans une maison délabrée avec sa mère et
son malade de petit ami.
Les choses ont bien changé depuis le temps où je clamais mon amour pour
Ethan.
Comme chaque fois que j’ai ce genre de pensée, une boule se forme dans
le creux de mon ventre et j’en perds le souffle. Une bonne douche va me faire
le plus grand bien et détendre mon corps. J’entends du bruit dans la salle de
bain puis de l’eau qui coule, Tommy vient de me siffler ma place. Je prends
mon téléphone sur la table du salon, j’ai dû le poser là à mon arrivée. Il est à
peine 09 heures du matin, rien ne me presse avant de me rendre au boulot. Je
consulte rapidement mes courriels, la plupart sont de mon agent, mais il y en
a un de ma mère. Me doutant de ce qu’il contient, je souffle en l’ouvrant.
« Ma belle Lou,
J’espère que tu vas bien, nous c’est un peu difficile ces temps-ci, surtout
depuis que ton père a perdu son emploi… »
Non, mais elle se fout de moi ?! Ce taré n’est pas mon père. Il ne fait
jamais attention à moi, sauf pour me hurler que je suis nulle et me demander
du fric.
« … mais est-ce que tu pourrais nous aider avec quelques factures pour ce
mois-ci ? Bien sûr, c’est la dernière fois que l’on te le demande… »
Nous t’embrassons.
Maman et Papa xx »
Ils ne manquent pas de culot ces deux-là ! Si je n’étais pas autant en colère,
je trouverais leur petit numéro attendrissant. Bien sûr, si ce n’était pas la
quatrième fois qu’ils m’écrivaient en si peu de mois pour me soutirer de
l’argent. Il n’a qu’à aller travailler plutôt que de passer son temps à boire et à
fumer. Je serre fortement mon téléphone dans ma main, l’écran devient noir.
Dustin espère ma présence aux fêtes de Noël… Non, mais c’est impossible. Il
me déteste, je le déteste. Tout ce qu’il m’a fait vivre est inhumain. Les seules
fois où il me portait de l’attention, je ne m’en suis jamais sortie indemne.
Cette seule pensée suffit à me faire entrer dans une colère terrible. Je ne
peux plus me contrôler, je lance mon portable contre le plancher du salon en
poussant un cri. Il éclate en un million de morceaux qui s’envolent un peu
partout dans la pièce. Guère plus soulagée, je m’effondre dans le canapé. Du
revers de la main, j’essuie avec force mes larmes. Je tente de me répéter que
je ne suis plus cette petite fille. Je suis Louann, je suis plus forte que lui. Je ne
le laisse plus m’atteindre, je ne dois plus le laisser faire… Je souffle et des
larmes me piquent les yeux. Traîtresses qu’elles sont.
Il se tourne vers moi, prend mon visage entre ses mains. Son regard est
amusé, voire provocant ; je sais ce qu’il pense et m’en fous royalement, tant
qu’il me fait oublier ce mail de merde. Je l’attire vers moi, me tenant
désespérément à lui, comme on s’accrocherait à une bouée de sauvetage. Il
pose ses lèvres contre les miennes, rapidement sa langue entre dans ma
bouche. Il met fin au baiser presque immédiatement, une moue moqueuse sur
le visage.
— Je croyais que l’on devait arrêter de s’amuser nous deux, siffle-t-il avec
ironie.
Il fait le fier, mais il n’en reste pas moins que ses mains me tiennent
fermement à la taille pour me tenir contre lui.
— Et Ethan ?
— Tu veux que j’aille voir Ethan pour qu’il me donne ce que tu ne sembles
pas vouloir me donner ? râlé-je, abandonnant son cou.
Surprise par ses paroles, mes yeux s’arrondissent tandis qu’il relève mes
bras au-dessus de la tête en susurrant ces mots qui me font frémir de dégoût.
Je tente de me défaire de sa poigne de fer, mais il semble prendre ça pour un
jeu, car il me plaque de nouveau contre le mur et commence immédiatement
à faire courir sa bouche partout sur mon corps. Il s’attarde sur mes seins en
mordillant mes tétons. Je me cambre et grogne de plaisir. Je ne pense plus à
rien et ça, ça fait du bien. Ses baisers se poursuivent jusqu’à mon ventre, sa
langue se faufile tranquillement jusqu’à mon sexe et il se met à le lécher. Mes
doigts s’enfoncent dans ses cheveux alors que les siens entrent en moi et
bougent en moi à un rythme effréné. J’ai beau me tortiller pour lui signifier
que j’ai envie qu’il ralentisse la cadence, il s’acharne à me faire jouir le plus
rapidement possible. Et ça fonctionne, en quelques minutes, il me donne un
orgasme. Toujours accrochée à sa chevelure brune, je le tire vers le haut dans
l’espoir de mener un peu la danse et déconnecter mon esprit pour me perdre
dans ce plaisir. Tommy m’embrasse, sa langue entre dans ma bouche et vient
jouer avec la mienne dans un baiser un peu trop rapide, un peu trop pressé.
J’aimerais pouvoir l’arrêter et lui demander d’être plus doux, mais il me
soulève par les fesses et instinctivement, mes jambes s’enroulent autour de
ses hanches tandis qu’il entre en moi sans problème. Je pousse un
gémissement, et tout mon corps reçoit un électrochoc de plaisir.
Malheureusement, comme quelques minutes plus tôt, il n’a qu’une chose en
tête : jouir rapidement. Sa queue s’active en moi en un rythme effréné. Ses
lèvres ne lâchent les miennes qu’au dernier instant, pour s’écraser contre mon
cou tandis qu’il pousse un râle étouffé par l’eau de la douche. Il reste un
instant contre mon corps nu, à bout de souffle, et finit par me remettre sur
pied. Il m’embrasse de nouveau sur la bouche et moi, je le repousse
doucement. Il me regarde sans comprendre.
Cette partie de sexe n’a pas eu l’effet anesthésiant escompté. Je sens déjà
que je vais avoir besoin d’une nouvelle visite chez le psy. C’est toujours la
même routine ; l’alcool et le sexe peuvent me suffire pendant des mois, mais
peu à peu les cauchemars reviennent et les nuits d’insomnie s’en mêlent.
Alors j’essaie de me noyer dans l’alcool et le sexe jusqu’à ce que je pète un
câble et que je sois contrainte de me rendre chez mon psychologue pour une
ordonnance de somnifères.
L’eau tiède qui ruisselle sur ma peau me laisse une désagréable sensation
de froid, je change sa température jusqu’à ce qu’elle me brûle l’épiderme. Je
pose les mains à plat contre le mur et baisse la tête, je laisse l’eau couler dans
mes longs cheveux bruns qui dégoulinent de chaque côté de mon visage. Je
n’ai pas la force nécessaire pour me laisser sombrer au fond de ce précipice
qui est perpétuellement devant moi.
Pourtant, c’est ce que je fais chaque fois que je descends des litres
d’alcool.
Pourquoi ils tiennent tant à ce que je sois ici ? J’ai la drôle d’impression
qu’il y a anguille sous roche…
Non, mais il me veut quoi, ce dégénéré ? C’est marqué sur mon front :
« jeune demoiselle en détresse » ? Non ! Alors qu’il se barre !
Et paf ! Ou comment détruire toutes ses chances d’être différent des autres
en quatre mots. Je soupire et ne réponds pas. Je me demande où il veut en
venir, il fait quoi là au juste ? Il travaille sa technique de « je me fais des amis
pour les nuls » ou bien il est ainsi avec toutes les femmes et je ne serais qu’un
numéro de plus sur sa liste ?
Désolé mon coco, je n’ai jamais rechigné à être celle que l’on baise un
soir et que l’on ne rappelle pas. Cependant, tu tombes plutôt mal, je n’ai pas
envie de me prêter à ce petit jeu de séduction qui m’amènerait probablement
dans ton lit ainsi qu’une baise rapide durant laquelle je ne suis même pas
sûre de prendre mon pied…
— Ça va ou pas ?
Je hausse les épaules et continue de le détailler. Son jeans noir troué aux
genoux et son t-shirt de la même couleur avec un squelette blanc tenant un
verre me font penser qu’il ne doit pas être du milieu. Non, parce que si nous
jetons un œil autour de nous, y a que des gens saouls en vêtements griffés.
Des meufs en Louboutins ou Jimmy Choo et des mecs en chaussures vernies.
Tandis que lui fait un peu tache avec ses converses noires. Aucun doute, c’est
un pique-assiette !
— Alors ?
— As-tu déjà été si triste que ton corps tout entier en devenait
douloureux ?
Les gens qui ne connaissent rien des maladies mentales ont tendance à tout
mettre sur le compte de la dépression, comme si c’était la chose la plus
normale du monde. Mais non mes chéris, les maladies de l’âme et du cerveau
sont beaucoup plus complexes que ça. Cependant, je dois bien l’admettre,
j’adorerais que ce ne soit qu’une putain de dépression. Je pourrais aller faire
du parapente en Inde, ou encore faire coucou aux requins dans l’océan
pacifique. Je pourrais tenter de vivre pour reprendre goût à la vie, mais non,
ça ne fonctionne pas comme ça. Moi, plus je tente de vivre, plus je me casse
la gueule, plus j’ai mal. Ce qui est le plus douloureux à encaisser, c’est de se
dire que l’on ne guérit jamais des troubles borderline. Jamais ! On apprend à
vivre avec… Une putain de grosse connerie, j’vous le dis !
D’un coup de tête, je repousse mes longs cheveux bruns qui m’étaient
tombés devant le visage. Je dois absolument mieux voir ces yeux que j’ai du
mal à lâcher. C’est la première fois que je perçois autant d’intensité dans un
regard.
À cet instant, je peux lire de la compassion dans son regard. Je n’ai pas
besoin de sa compassion, tout comme je ne veux pas de son aide. Encore une
fois, il me fixe.
Va-t-il décrypter ce que je n’ai jamais osé révéler à personne ? Mes peurs ?
Mes pensées ? Mon malaise ?
A-t-il conscience qu’il vient de lire en moi comme dans un livre ouvert ?
A-t-il senti à quel point je suis près de me laisser ensevelir par la folie ?
Tout cela parce qu’il a posé ses yeux dans les miens, l’instant de quelques
secondes.
Mes yeux courent sur son visage pour me soustraire à ses iris hypnotiques,
il a une fossette à la joue gauche, une barbe de deux ou trois jours, sa
mâchoire est carrée. Il se dégage de lui un charisme indéniable. Il règne
autour de lui une certaine intensité.
Je me contente de sourire, s’il croit vraiment que je n’ai pas déjà tout
envisagé. Je me suis si souvent répété ce genre de réplique que je ne suis plus
capable d’y croire. Le positif attire le positif et une bonne baffe en plein
visage.
— Qu’est-ce qu’elle avait de si spécial la fille que tu étais avant pour que
tu t’y accroches autant ? demande-t-il d’une voix douce.
Son petit numéro ne m’impressionne plus, il doit le faire avec des tonnes
de femmes chaque soir. À un autre moment, ça aurait pu m’attendrir, mais
pas ce soir, rien n’y arrive ce soir. Probablement qu’à un autre moment, je lui
serais tombée dans les bras sans aucune gêne ni retenue, mais ce soir, je n’ai
pas envie d’une baise, et ce, même si cet homme me fascine.
— On va prendre un café ?
— Pourquoi ferais-je ça ?
Je n’ai qu’une envie, me sauver en courant. Prendre mes jambes à mon cou
et foutre le camp loin, très loin.
— J’ai simplement cru remarquer que tu ne t’amusais pas ici, peut-être que
tu passeras du bon temps ailleurs.
— Et tu crois que je vais m’amuser plus en allant prendre un café avec toi
et discuter de tout ce qui me pousse vers la folie ?
Sa voix est rauque et chaude, elle me fait frissonner et crée dans mon
estomac une chaleur incontrôlable. Je n’ai pas envie de lui répondre. Il a déjà
lu en moi. Pourquoi a-t-il besoin d’en savoir plus ? Il en sait déjà assez et bien
plus que la plupart de mes amis.
J’ouvre les yeux, son regard cherche à sonder ce qu’il y a au plus profond
en moi.
Cette fois, sa voix est douce et rassurante. Je fixe ses prunelles, à la
recherche de quelque chose qui pourrait m’en dire plus sur ses intentions. Je
suis forcée d’admettre qu’il ne semble pas en avoir de mauvaises.
— Enchanté Lou.
Je lui souris, je ne pourrais pas dire que mon sourire est sincère, car il l’est
rarement, mais je peux dire que cette attention qu’il me porte est
attendrissante.
— Non et je n’en veux pas, ajouté-je, écoutant la voix dans ma tête qui me
dit que je devrais foutre le camp le plus rapidement possible.
— Je te laisse partir pour cette fois Lou Cassidy, mais si jamais le hasard
fait que l’on se rencontre encore une fois, tu me donnes ton numéro ou bien
on va prendre ce café.
— Peut-être…
Comme rien n’est noir ou blanc et que nous savons fort bien que ce milieu
est rempli d’arrivistes, de faux-cul et de gens malintentionnés, nous avons
convenu d’un commun accord de nous entourer de gens avec qui nous
aimerions travailler. Une petite soirée s’est donc imposée pour départir le bon
grain du mauvais. Qui est là pour travailler réellement avec nous et qui n’est
là que pour bouffer l’assiette de raisin. Il nous a aussi semblé logique que
Jamie reste en retrait ce soir, ainsi nous tenons éloignés ceux qui ne sont là
que pour faire bonne figure. Donc, c’est à moi que revient le privilège d’être
ses yeux et ses oreilles. Cependant, en ce moment, très peu de gens m’ont
impressionné, mais il y a quand même une ou deux personnes qui se sont
démarquées, sans plus. Ce milieu commence à me dégoûter.
Je m’avance doucement vers elle et me rends compte que ce n’est pas que
de la tension. Cette nana oscille entre le désespoir et la colère.
Ma voix la fait sursauter, elle souffle et se raidit, puis ne bouge plus d’un
pouce. J’ai un peu l’impression qu’elle se prépare à une attaque. Je ne sais
pas combien de secondes peuvent s’écouler avant qu’elle ne daigne relâcher
la pression dans ses épaules. J’ai envie d’en savoir plus sur elle, de voir son
visage pour pouvoir mieux comprendre ses réactions.
Elle se contente de soutenir mon regard qui s’est figé dans ses grands yeux.
Je ne suis pas certain de ce que j’y vois. De la colère ? De la peur ? De
l’exaspération ? Je crois que c’est un mélange de tout ça. Cependant, j’y
décèle aussi une grande déchirure. Je me demande si quelqu’un s’en est rendu
compte avant moi. C’est si facile à voir, mais il faut aussi arriver à passer
plusieurs barrières importantes qu’elle érige contre tous ceux qui voudraient
découvrir la vérité.
— Alors ?
Ses yeux se mettent à briller. Elle s’anime, mais les étoiles que je vois
briller dans ses pupilles ne se propagent pas sur le reste de son visage.
— Ça va !
Elle me lance ces deux mots avec une certaine arrogance qui me plaît bien.
— Tu risques quoi ?
— As-tu déjà été si triste que ton corps tout entier en devenait
douloureux ?
C’est son parfum qui me ramène dans l’instant présent. Elle s’en va, elle
me quitte, comme Sidney l’a fait… Je l’attrape par le poignet. Elle rejette la
tête en arrière. Ses cheveux virevoltent et leur parfum entêtant de rose me
frappe de plein fouet.
Plus elle me parle, plus je comprends ce besoin vital d’avoir des réponses à
mes questions. C’est elle, c’est toujours elle. Sidney. Ce sera toujours elle,
même si elle est morte il y a bientôt dix ans, elle reste dans toutes les
parcelles de mon esprit, de ma peau, de mon âme. Jamais, je n’aimerai de
nouveau.
Sans que je ne m’en rende compte, elle file vers la porte et rejoint
l’extérieur. Pendant trois secondes, je fais courir mon regard dans la salle.
J’ai quelque chose à faire ici, mais je ne peux pas la laisser partir comme ça.
Non ! Je ne peux pas. Jamie me pardonnera bien une petite sortie, je sais déjà
tout ce que j’ai à savoir. Je soupire et m’élance à sa suite.
— Que veux-tu ?
Sa voix claque dans ma tête, elle est brusque et vive. Au final, j’ai
l’impression de la déranger.
— Savoir ton prénom, déclaré-je malgré cette appréhension qui fait rage en
moi.
Je tente le tout pour le tout encore une fois, mais j’y vais avec douceur.
Elle ne doit pas être brusquée. Elle ne doit pas se sentir poussée dans ses
retranchements. Pourquoi je le sais ? Parce que c’était ainsi avec Sidney.
Elle serre les lèvres et ferme les yeux. Ses épaules se détendent. Ça me fait
sourire.
Elle ouvre les yeux et ses pupilles se posent directement dans les miennes.
Elle soupire doucement.
— Lou Cassidy…
— Enchanté Lou.
Elle me gratifie d’un sourire, mais comme pour ses yeux quelques instants
plus tôt, son sourire reste sur ses lèvres et n’illumine pas son visage. Ça me
donne la curieuse impression qu’elle a réussi à déconnecter chacun de ses
sentiments et de les isoler. J’aimerais tant comprendre pourquoi.
— Je te laisse partir pour cette fois Lou, mais si jamais le hasard fait que
l’on se rencontre encore une fois, tu me donnes ton numéro ou bien on va
prendre ce café.
— Peut-être...
Je me dirige vers l’un d’entre eux, celui qui me semble le plus apte à livrer
des secrets. Comme il voit que je m’avance dans sa direction, il vient à ma
rencontre.
— T’as pas besoin de payer trois cents balles pour avoir des infos sur elle ;
navigue sur la toile, elle y est partout. Si tu veux mon avis, reste loin de cette
nana.
— Mec, je ne sais pas ce que tu cherches à faire, mais Lou Cassidy est
barrée dans le milieu. Plus personne ne veut travailler avec elle, lâche un
autre des paparazzis.
— Moi, j’ai pris un cliché de vous deux. Lou qui part d’une soirée sobre,
plantant un mec au bas de la porte, fallait inaugurer ça, annonce-t-il
fièrement.
J’avance vers lui avec un sourire, mais il recule. Je stoppe et lève les mains
en signe de ma bonne foi.
Le paparazzi s’avance vers moi et passe son bras autour de mon épaule
comme si nous étions les meilleurs amis du monde.
Il ricane bêtement.
Jamie est assise sur le sol en tailleur, avec des plans à ses pieds. Elle
mordille un crayon et n’a même pas remarqué ma présence dans la pièce
secrète. Je tousse pour attirer son attention. Elle relève la tête avec un sourire.
Je lui souris et lui tends la main pour l’aider à se relever. Elle est toute
petite, à peine 1 mètre 55, elle a de longs cheveux bruns et des yeux noirs.
Elle porte une tunique en lin blanc et un legging noir.
Peut-on classer Lou Cassidy comme une muse ? Une égérie ? Je ne l’avais
pas vue ainsi, mais au final, je crois bien que c’est elle qui représenterait au
mieux la collection.
— Ah oui, Lou ! Je l’ai invitée pour faire plaisir à Adam Hart. Je ne l’avais
jamais envisagée comme une possibilité.
— Si c’est elle que tu veux, je vais contacter son agent pour qu’on puisse
se rencontrer.
Je dépose un baiser sur son front et tourne les talons pour regagner ma
voiture.
4
Lou
En route pour mon enfer personnel que je paye beaucoup trop cher, mon
esprit s’évade. Ce soir, j’ai besoin de me retrouver, d’être seule et de bouffer
ces putains de somnifères pour enfin dormir, mais surtout, ce que je souhaite,
c’est oublier ce type que j’ai rencontré un peu plus tôt. Je sens encore son
regard gris comme l’acier dans mon dos tandis que je grimpais dans la
voiture qui allait m’éloigner de lui. J’ai cru que ça me soulagerait de me
retrouver loin de lui, mais non, ça me laisse une drôle de sensation de vide et
de manque. Je me sentais en danger avec lui, mais je n’ai jamais craint pour
ma vie. Non ! Ce dont j’avais peur, c’est que s’il posait son regard une petite
minute de trop sur moi, il changerait ma
vie.
Non, mais c’est complètement idiot ce que tu dis là. Comment est-ce qu’un
inconnu peut changer une vie ? Tu ne le connais même pas ! Il ne te connaît
même pas…
Dans un état second, je descends du taxi, après avoir réglé ce que je lui
dois. Je m’avance à grands pas vers l’immeuble où j’habite avec l’espoir de
me laisser choir dans mon lit et de ne plus en bouger pour les vingt-quatre
prochaines heures… ou jours.
Lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrent enfin pour m’y laisser entrer, je
suis seule et ça me soulage. Je n’aurais pas supporté de sentir le regard de
quelqu’un d’autre sur moi à cet instant.
A-t-il vu que j’étais en train de perdre pied au travers de son regard et que
cela me troublait ? Que je tremblais ?
Ce qui m’effraie le plus, c’est qu’il ait pu apercevoir à quel point j’étais
vulnérable, car je ne le montre à personne, pas même à Ethan. Lui, il l’a vu
sans que je lui en parle et je ne sais pas pourquoi… Je ne comprends pas… Je
tente de respirer plusieurs fois. Un poids compresse ma poitrine. Je pose ma
main sur mon ventre.
Il patiente, les bras croisés sur son torse, adossé au mur, dans une pose que
j’aurais trouvée horriblement sexy la veille. Il tourne la tête vers moi, sourire
insolent sur son visage d’ange. Ce n’est qu’une façade. Il est loin d’en être
un. Ses cheveux sont en bataille, son regard hagard me signifie qu’il a
probablement bu une bonne partie de la soirée. Plus je m’avance vers lui, plus
j’en suis certaine. Tout comme je le suis sur ses intentions, et sur les miennes.
Ce soir, nous n’allons pas coucher ensemble. Je n’en ai pas envie. Je me sens
épuisée. Je ne veux qu’une chose : le foutre à la porte, enfiler le pyjama le
moins sexy que j’ai et dormir.
Il ouvre les bras, probablement pour que je vienne m’y blottir. Je suis un
peu dégoûtée par ce geste.
Putain, quel idiot, nous n’avons jamais été d’actualité et nous ne le serons
jamais.
Tout comme ce ne sera jamais officiel, lui et moi. Il enfonce ses mains
dans les poches de son jeans et incline légèrement la tête sur le côté. Ses yeux
bleus suivent chacun de mes mouvements avec une lueur de désir. Pendant
une petite seconde, je me fige de surprise, j’ai cru voir son regard devenir
aussi gris que l’acier et entrer en moi pour lire ce qu’il y a de plus mauvais.
Je secoue doucement la tête pour chasser une nouvelle fois cet inconnu de ma
tête. Brusquement, je n’ai qu’une envie ; me soustraire à ce regard qui n’est
pas le sien. Je me place devant lui, c’est pourtant son regard bleu océan qui
scrute mes yeux noisette. Je ne réfléchis plus et le pousse contre le mur pour
poser mes lèvres contre les siennes. Je réagis comme je l’ai toujours fait. Je
compense les choses qui me troublent par du sexe. En ce moment, le meilleur
moyen de ne plus penser au regard obsédant de ce type qui ne veut pas me
lâcher est peut-être de succomber à un autre. Il sourit contre mes lèvres et je
contrains sa langue à entrer dans ma bouche. Dès qu’elle touche la mienne, je
sens l’alcool sur elle et dans son haleine. Ça me répugne. Il fourrage mes
cheveux avec ses doigts. Ce soir, il n’est aucunement doux, il est plutôt
bestial, sauvage. L’alcool aidant, il se fout bien de me faire mal ou pas. Je le
repousse et tente de reculer, mais ses mains entourent mon visage et sa
bouche quitte la mienne.
— Allez, je sais que t’en as envie, ma belle.
Je ferme les yeux, je ne suis pas certaine d’en avoir envie comme il dit. Je
suis plutôt là pour pallier un mal-être. S’il savait que depuis le début, il n’est
qu’accessoire dans cette histoire…
Je ne veux pas…
— Baise-moi Tommy.
Son visage est tordu de colère et ses yeux me lancent des éclairs. Si vous
voulez faire mal à un homme, frappez dans sa virilité ou mettez en doute ses
capacités sexuelles. Tommy, il a une vision un peu amplifiée de ce qu’il peut
faire à une femme. Donc la claque n’en est que plus monumentale.
— J’ai pas dit mon dernier mot, Lou ! Je vais mettre Ethan au courant de
tout, hurle-t-il derrière la porte.
— FAIS-LE !
Mon cri se répercute contre les murs froids de la pièce. Je me laisse choir
sur le plancher, enlève mes talons hauts et les lance dans le fond de mon
placard. Je me relève épuisée et me dirige vers le salon pour me laisser
tomber sur le divan.
Quel connard !
Au lycée, Ethan était adulé et moi, eh bien, j’étais plutôt une perdante.
Nulle en sport, toujours seule, j’étais grande, trop grande pour mon âge, trop
mince, et j’avais très peu d’amis. Alors que lui était quarterback{3}, populaire,
incroyablement sexy et avait des tonnes de potes. Je ne parlais pas beaucoup,
aussi, lorsqu’il m’a approchée la première fois, j’ai cru qu’il voulait se foutre
de moi. Mais il est resté assis en face de moi et m’a parlé pendant l’heure du
déjeuner, sous le regard médusé de ses amis. Il a recommencé son petit
manège le jour suivant et ainsi de suite jusqu’à ce que moi aussi, je
commence à lui parler pour qu’il m’ouvre les portes de sa vie, faisant partie
d’un monde dont j’ignorais l’existence. Enfin, pour une fois, j’avais
l’impression de compter pour quelqu’un. Je n’étais plus seule et enfermée
dans une bulle pour me protéger des agressions du monde extérieur et de mon
beau-père.
«…
Je suis une petite fille d’environ sept ans, je marche jusqu’à notre maison,
elle est blanche et petite avec de jolis volets jaunes. J’ai mal au ventre donc
l’école m’a autorisée à rentrer chez moi un peu plus tôt. Avant, j’aimais
notre vie à maman et à moi lorsque nous n’étions que deux, mais depuis
l’arrivée de Dustin, son nouveau copain, elle me laisse de côté. Elle le
préfère à moi. Je passe mes soirées dans ma chambre alors qu’eux se
contentent de picoler au salon.
Furieux comme jamais, il s’avance vers moi et m’attrape par le bras, pour
me faire asseoir sur le divan. Il me demande en criant ce que je fais ici, je
pleure, ne comprenant pas son accès de colère. Je bafouille que j’ai mal au
ventre. Il ricane, me traite d’idiote, puis se marre de plus belle. Il lève la
main et me gifle. Une douleur cuisante sur la joue. Les larmes me montent
aux yeux et ça le fait jubiler. Il pose sa main sur ma cuisse et remonte
tranquillement, je me débats du mieux que je peux en le frappant sur le torse.
Il attrape mon poignet et le serre si fort que j’ai peur qu’il le casse. Je cesse
alors de gigoter.
Elle quitte ma chambre, fâchée contre moi. Son copain entre quelques
minutes après son départ, un plateau-repas contenant mon dîner à la main. Il
le pose sur mon lit et me regarde en se mettant à rigoler. Il sait qu’il vient de
gagner, ma mère l’a préféré à sa propre fille.
…»
5
Lou
La lumière du jour filtre au travers les lamelles du store et me tape
directement dans l’œil. Je grogne, ma bouche est pâteuse et ma tête est
lourde. Mon corps ne semble pas avoir la force nécessaire pour entamer cette
journée. Je veux dormir encore quelques heures.
La porte d’entrée s’ouvre, est-ce mon agent ou Ethan qui entre chez moi ?
Ils sont les seuls à posséder un double de la clé.
Saloperies de somnifères !
Adam Hart, trente-cinq ans, 1 mètre 80, belle gueule d’ange. Blond avec
des yeux verts. Il est ce qu’il y a de plus sexy dans tout Miami. Nous
travaillons ensemble depuis quelques années déjà. C’est aussi à ce moment
que ma vie a commencé à prendre une tournure un peu bizarre. Il a vécu
l’enfer avec moi, mais reste présent malgré tout. Le début de mon contrat
avec sa boîte a coïncidé parfaitement avec la découverte de ma maladie. J’ai
enligné les caprices, les refus à tous les projets dont il me parlait, tout cela en
passant par des crises légendaires. Il en a bavé. Je ne sais pas ce qu’il a vu en
moi, mais il m’a toujours soutenue envers et contre tout. Pour ça, je lui en
serai éternellement reconnaissante.
— J’y suis restée environ une heure et demie, puis je suis partie, soufflé-je.
Entre nous, c’est clair depuis le début ; je ne lui cache rien et de cette
façon, il n’a pas de drôles de surprises en lisant les journaux. Mais surtout,
c’est plus facile pour lui de rattraper le coup s’il sait les merdes que je fais.
Quoi que depuis ma dernière connerie, il joue gentiment à la nounou avec
moi.
Jarred. Sur le cliché, je lui tourne le dos et me dirige vers le taxi. Lui se
contente de me fixer de loin, une main dans les cheveux. Je n’ai donc pas
rêvé de son regard dans mon dos.
— Ah ouais, je vois…
Je me défends du mieux que je peux. Même si je lui dis tout, je n’ai pas
envie de lui expliquer pourquoi mon portable a rendu l’âme de façon si
tragique.
Adam me sourit.
— Merci Adam.
— Demain à 13 heures 30, sois prête trente minutes avant, je vais passer te
prendre, spécifie-t-il.
— Non.
— D’accord Lou, je peux faire autre chose ? demande-t-il, sentant bien que
je suis sur le point de m’écrouler.
— Non merci.
— Je sais, murmuré-je.
Il hoche la tête et quitte mon appartement tandis que moi, je fixe l’image
de Jarred et moi.
**
Ethan !
Je sursaute dans mon lit. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine.
Est-il encore mon meilleur ami ? Tommy a-t-il tout fait merder ?
Connard… Salaud… Trou du cul…
Je bafouille sans pouvoir poser mon regard sur lui. Mon estomac se serre et
mon cœur me fait mal, comme si j’avais reçu un coup de poignard.
— Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ? Je serais venue passer la nuit ici,
commence-t-il.
— Je sais que ce n’est pas facile pour toi chaque fois que tu dois
recommencer ton traitement, ajoute-t-il, me soulageant d’un poids.
Il s’étend dans le lit, à mes côtés. Il m’ouvre les bras et je viens me blottir
contre son torse.
Il ne me répond pas, mais me serre si fort que j’ai l’impression que je vais
me briser en deux. Puis il me relâche dans une infinie douceur et pose un de
ses habituels baisers dans mes cheveux. Sa joue contre la mienne, nous
restons ainsi un long moment jusqu’à ce que je sente sa respiration ralentir et
devenir calme. Je me défais de son étreinte après de très longues minutes.
Des heures peut-être ?
— Merci, murmuré-je.
— Viens ici !
— Allez viens, tu sais bien que je ne suis pas le genre à te faire des crasses,
ricane-t-il.
Bien sûr qu’il ne fera jamais quelque chose qui pourrait me blesser, mais
parfois, j’ai peur que l’on franchisse cette mince ligne qui ferait basculer
notre amitié en quelque chose de grotesque. Car c’est ce qu’est l’amour. Un
grotesque mensonge pour faire vendre des cartes, bijoux, fleurs et chocolats à
la Saint-Valentin. De la crème glacée et des antidépresseurs pendant les
peines de cœur et des produits de beauté, amincissant et rajeunissant lorsque
l’on est seul et que l’on doit attirer la personne convoitée dans ses filets. Les
plus heureux d’entre nous sont ceux qui croient éperdument à ce mensonge.
Les plus malheureux sont ceux comme moi qui ont perdu leur illusion.
L’amour, quelle chose idiote ! Elle permet à un parent de délaisser son enfant
pour l’amour d’un homme qui ne la mérite pas.
— Oh, il y avait probablement même un océan entre nous, dis-je pour rire,
mais bien sûr ce genre de blague ne le fait jamais rigoler.
Il me berce un instant ainsi, tandis que je refoule mes larmes et mon envie
de briser la première chose qui me passe sous la main.
Je lui fais mes petits yeux de chien battu sachant bien que ça le fait
toujours craquer.
— Ah ouais ! Laquelle ?
— Tu crois ?
J’arrache le journal des mains de mon meilleur ami, le froisse avec une
certaine violence pour le lancer dans la petite poubelle de ma chambre.
— Et puis ? T’as bien dormi ou pas cette nuit, après la soirée chez Jamie
Michelle ?
Il me demande ça sans lâcher son burger des yeux. Il en prend une grosse
bouchée et relève les yeux vers moi. Je réprime une envie de rire en voyant
de la mayonnaise épicée couler de sa bouche.
— Putain que c’est bon, mais bon sang que ça fait du dégât ce petit
burger !
— Alors Lou ?
Je souffle. Je n’ai pas envie que l’on en parle. Ni que l’on joue au psy et à
sa patiente.
— Ç’a été.
Je lui mens. Je sais que ce n’est pas bien de mentir, mais ce n’est qu’un
demi-mensonge puisque contrairement à mon habitude, j’ai dormi toute la
nuit. L’insomnie n’a pas eu raison de moi cette fois.
J’ai envie de fondre en larmes en voyant la dureté dans son regard. Je fais
mon possible pour garder la tête hors de l’eau. Je ne sais plus… Je n’y arrive
plus. Il n’a pas le droit de me parler ainsi. Pas lui ! Il sait tout, il devrait
comprendre que depuis presque deux mois, j’essaie de m’accrocher à
n’importe quoi pour ne pas perdre pied et devoir retourner en consultation.
— J’ai dormi toute la nuit si c’est ce que tu veux savoir, lâché-je d’une
voix blanche et sans émotion.
— Tu sais bien que ce n’est pas ce que je te demandais. As-tu bien dormi ?
— Que veux-tu que je te dise Ethan ? Tu sais déjà tout. J’ai pas envie de
psychanalyse et tu le sais.
Il prend ma main dans la sienne dans un geste qui est pourtant bourré de
bonnes intentions, mais qui me donne la nausée. Je ne veux pas qu’il me
touche. Même lui. Je ne veux pas qu’il me touche.
J’évite de le regarder et préfère poser mon regard sur les passants qui vont
et viennent sans se soucier de nous. J’aimerais pouvoir me déconnecter de
mon cerveau, de mes sentiments, de mes appréhensions. J’aimerais tellement
pouvoir mettre tout ça dans une boîte pour quelques jours et vivre
normalement, sans toute cette colère, cette peine, ce désespoir ou bien cette
froideur en moi. Sans tous ces hauts et ces bas. Juste être quelqu’un de
normal.
Je sais pourquoi je ne lui parle pas, je n’ai pas envie de voir dans ses yeux
de la pitié. Surtout pas dans les siens. Je n’ai pas envie de lui raconter tout ce
qu’il y a dans ma tête. Personne ne peut comprendre, pas même lui. Parfois,
j’ai la curieuse impression d’être une poupée de porcelaine. L’une de celles
que ma mamie avait chez elle et qui m’effrayaient. Elles sont si souriantes et
si figées dans leur fragile porcelaine. J’ai l’impression d’être l’une d’entre
elles, sauf que l’on m’a bourrée d’explosifs et que je ne sais jamais quand je
vais éclater. Lorsque ça arrivera, je sais très bien que ce sera une fulgurante
explosion et je me retrouverai en mille éclats. Tout comme je sais que
personne ne pourrait survivre à un tel carnage. Pas même moi ni ceux qui se
trouveront dans les parages.
Voilà pourquoi tu dois rester loin de moi Ethan, je ne veux pas que tu te
retrouves au milieu des dégâts. Surtout pas toi.
— Lou ? Tu es encore dans la lune, me réprimande-t-il avec douceur.
— Excuse-moi, je réfléchissais.
— À quoi pensais-tu ?
— Rien d’important.
— Lou !
— Adam m’a dit que Jamie Michelle voulait me rencontrer, dis-je avec un
sourire.
— Vraiment…
— Lou ? Tu m’écoutes ?
— On s’en va !
Bien sûr, il fallait que ce soit à ce moment qu’il s’inquiète de ce que j’avale
ou pas. Putain ! Il me fait chier là !
— Ah, mais non on termine notre repas, me dit-il en se penchant vers moi.
Je grogne en lui faisant des gros yeux. Le con, ça le fait éclater de rire.
— Pourquoi donc ?
C’est bien beau de rêver, mais je ne fonde pas trop d’espoir là-dessus.
— Bonjour, bredouillé-je.
Je tente de détacher mon regard du sien pour incendier des yeux mon
meilleur ami qui pouffe.
— Jarred, spécifie-t-il.
— Enchanté, lui dit Jarred avec une politesse qui m’irise le poil.
— Ouais, elle m’a promis que si l’on retombait l’un sur l’autre par hasard,
elle me filerait son numéro et on aurait un rendez-vous, lui avoue Jarred sans
me regarder.
— Ouais, mes potes vont me charrier toute ma vie pour m’être fait planter
devant la terre entière, s’esclaffe-t-il, faisant éclater de rire Ethan par la même
occasion.
Surtout qu’ils ne se gênent pas pour moi. Je les emmerde. Mais à peine ai-
je eu cette pensée que Jarred se tourne vers moi et pose de nouveau son
regard gris dans le mien. Un frisson me parcourt le corps alors qu’une
bouffée de chaleur me frappe de plein fouet. Je crois que je vais mourir
d’humiliation en ce moment.
C’est ce type qui semble me suivre partout. Il s’avance, les mains dans les
poches, d’une démarche que je ne peux m’empêcher de trouver sexy. Je
secoue la tête, il doit s’arrêter ou je pourrais perdre ce qu’il me reste de
lucidité.
— Je sais que l’on ne se connaît pas, tu dois aussi me prendre pour un fou,
mais quelque chose me pousse à aller vers toi.
— C’est dommage, croire en la vie, ou avoir une passion est ce qui tient le
monde en vie. Si tu ne crois en rien, tu deviens la personne la plus triste au
monde.
Il avance d’un pas vers moi tout en me regardant droit dans les yeux. Son
regard gris entre en moi le temps de quelques secondes, jusqu’à ce que mon
meilleur ami apparaisse à nos côtés. Jarred recule légèrement et me sourit.
— Oh, mais tu dois le savoir. Il est devenu ton meilleur pote, non ?
— Tu as une trop forte réaction, là. C’est toi ma meilleure amie. C’était
assez drôle de te voir mal à l’aise quand il te courtise.
— Tu t’en sortirais parce que c’est toujours ce que tu arrives à faire malgré
toutes les merdes qui te tombent dessus.
— C’est vrai. Je suis une super Lou ! Tu crois que je pourrais être
Batman ?
— On va faire du shopping ?
— Bien sûr…
— On va au cinéma ?
— Ouais, mais là j’ai envie de m’enfermer dans une grande salle sombre.
J’ai l’impression d’être revenue à mes débuts : les entrevues, les sourires
forcés, la nervosité de se savoir jugée. Encore là, c’était moins pénible que ce
qu’il va se passer dans quelques minutes. Cette rencontre est en quelque sorte
le premier pas de mon mea-culpa à l’industrie de la mode. J’ai l’impression
que l’on m’oblige à dire « Je suis désolée, j’ai merdé. Je vous ai craché au
visage, mais j’ai des problèmes… ». Au moins, au début de ma carrière, je
n’avais pas cette putain de réputation qui me précédait. J’étais une toile
blanche avec laquelle on pouvait faire ce que l’on voulait. Docile, j’acceptais
tous les contrats les uns à la suite des autres. Plus je travaillais et moins
j’avais de temps pour moi, pour être seule, pour réfléchir. Ça me plaisait bien
et j’ai rapidement fait mes preuves. Tout se passait à merveille, je me tenais
loin de l’alcool et de la gent masculine. De toute façon, je ne voyais
qu’Ethan. Je ne voulais que lui. J’étais encore dans ma phase « je veux me
marier avec lui ».
Je me suis demandé s’il avait vraiment envie d’avoir cette discussion, pour
finalement réaliser que c’était moi qui ne voulais pas que l’on en parle
comme si nous étions de vieux amis. Je me suis levée et suis partie sans
même me retourner, malgré ses protestations. J’ai quitté son bureau au pas de
course, courant comme une dératée, mais surtout, comme si ma vie ne
dépendait que de cet instant. J’ai couru jusqu’à ma voiture et me suis
barricadée à l’intérieur. J’ai enclenché la marche avant et j’ai quitté cet
endroit. J’ai roulé quatre heures, mon mal-être se faisait de plus en plus
grandissant, même s’il disparaissait parfois durant quelques secondes. Il
envahissait chaque recoin de mon être, puis il est devenu impossible à
contrôler. Je ne distinguais plus la route. La douleur dans ma poitrine me
faisait tellement souffrir que j’ai eu peur que ce soit ainsi pour le reste de ma
vie. J’ai lâché le volant et appuyé sur l’accélérateur. Le moteur a vrombi et la
voiture a rapidement dévié de sa trajectoire pour enfin entrer en collision avec
le parapet en bordure de Daytona Beach. Le comble de l’ironie, c’est qu’à ce
moment-là, je souhaitais mourir, mais je n’ai rien eu d’autre qu’un gros coup
à la tête et le nez fracturé.
Non, non ! Je n’en ai pas envie. Ni avec elle ni avec mon meilleur ami.
C’est comme ça et je n’y peux rien. J’aimerais que l’on me fiche la paix pour
une fois et que l’on cesse de me demander de me confier. Je ne veux pas en
parler, je ne l’ai jamais voulu et je ne comprends pas pourquoi après toutes
ces années, personne ne l’a compris et que l’on continue à me casser les
couilles avec ça. Je suis folle… point final !
Adam tousse vivement dans mon dos pour me rappeler à l’ordre. Je souffle
longuement.
— Suis-moi, m’intime-t-elle.
Elle me parle avec douceur, espérant une réponse qui lui permette d’entrer
dans ma bulle.
— Oui. Tout est magnifique Jamie, avoué-je émue, sans savoir pourquoi.
Je pose le regard sur mon agent qui s’est réfugié dans un coin de la pièce et
qui se contente d’envoyer des messages à je ne sais qui.
Jamie me prend par le bras et m’entraîne dans une autre pièce. Ce qui s’y
trouve me laisse encore une fois bouche bée ; des sous-vêtements tous plus
sexy les uns que les autres.
— Moi, je dis pourquoi pas toi ? Des conneries, nous en faisons tous. Tu es
partie de ma soirée sans avoir bu une goutte et en plantant là le beau Jarred.
Tu m’as impressionnée, admet-elle sans me lâcher du regard.
— Alors, dis-moi seulement que cette période est terminée et moi, je vais
te faire confiance pour que l’on se lance dans cette aventure ensemble.
C’est avec le sourire que Jamie et moi retrouvons Adam, toujours pendu à
son téléphone. Lorsqu’il lève les yeux vers nous, il semble se poser une tonne
de questions, car nous partageons toutes les deux un sourire complice.
— Ah oui ? Bien, je crois que nous allons devoir discuter ma chère Jamie.
Adam retrouve rapidement son rôle d’agent et il lui parle avec sérieux.
— J’y compte bien, réplique-t-elle.
— Si vous n’avez plus besoin de moi, je vais aller prendre l’air, annoncé-je
soudain prise d’une bouffée de chaleur inquiétante.
Cette voix dans mon dos me fait frémir. Respirant un bon coup, je me
retourne pour me retrouver une nouvelle fois devant ces prunelles grises qui,
sans perdre une seconde, me pénètrent.
— Ah non ! gémis-je.
Il fait de l’ironie, mais il ne semble pas se laisser démonter par mon ton de
voix cinglant et mon regard froid.
— Excuse-moi, lâché-je.
Pourquoi je lui présente mes excuses à la fin ?
— À la prochaine, Lou.
— En es-tu certaine ?
— Où m’emmènes-tu ?
— Me fais-tu confiance ?
— Je ne te connais pas.
Je le jauge un instant, il paraît plutôt sain d’esprit. Plus que moi en tout
cas. Puis c’est quand même moi qui lui ai proposé d’aller marcher.
— Allons-y, Jarred.
Autant en profiter pour lui demander de prévenir Adam que je m’en vais.
J’hésite un instant et au moment où Jarred entre dans la maison, je lance sur
un ton incertain :
— Peux-tu prévenir ma nounou que je pars avec toi, et lui demander qu’il
me rende mon portable ?
— Et celui-là ? demande-t-il.
Son sourire en coin me laisse présager qu’il croit que je connais ce groupe,
mais non.
— Ah, mais oui, je vois qui c’est, répliqué-je en regardant une couverture
noire avec un prisme et un arc-en-ciel.
— Vraiment ?
— Dark Side of the Moon est un des plus importants albums de tous les
temps, tu ne peux pas vivre sans connaître cet album Lou, s’indigne-t-il.
— Ah, vraiment ?
Comment pourrais-je dire à cet homme qui semble être si avisé que lorsque
ça ne va pas, j’ai des réactions un peu exagérées ? Je ne peux pas lui avouer
la réalité. Il relève la tête et pose de nouveau son regard gris dans le mien.
J’ai l’impression qu’il me touche l’âme et peut lire toutes mes pensées, même
les plus secrètes.
— Je ne veux pas te forcer, mais sache que ça part d’une bonne intention,
murmure-t-il.
Le bout de son index frôle mon poignet et remonte doucement vers mon
coude. Un petit geste léger et doux qui me fait frissonner.
— D’accord…
— Allez, viens !
— Hé ho, on ne juge pas. Les gens jettent de vrais trésors, je te jure. Nous
sommes dans une société de consommation. Ce que les autres ne veulent pas
fait mon bonheur.
— Ça, ma chère, c’est ce qui m’a sauvé la vie à une époque, me dit-il avec
un clin d’œil.
Il chantonne un air que je ne connais pas, mais que je présume être une
chanson tirée de cet album. Puis, il se met à jouer de l’air guitar et à secouer
frénétiquement la tête de haut en bas. Il me fait la chanson au complet tandis
que je ne peux arrêter de rire. Lorsqu’il a fini son show, je ne peux que
l’applaudir en riant de plus belle. Il me fait une petite révérence avec un
grand sourire, puis il s’avance vers moi.
— Tu fais quoi quand tu termines d’acheter tes CD ? Parce que moi, j’irais
bien manger un morceau. Je meurs de faim.
Si seulement, elle pouvait baisser d’un ton afin que l’on n’attire pas
l’attention sur moi. Je tords mes doigts et mords ma lèvre tant je suis
nerveuse. C’est une des choses que je déteste dans mon métier : ne pas
pouvoir sortir de chez moi sans ameuter les gens. Surtout que ces mêmes
gens aient toujours quelque chose à dire de mal sur moi.
— Oui je suis sûre que c’est Lou Cassidy, elle sort de désintoxication,
non ?
— Vous n’avez même pas d’alliance, dit-elle en croisant les bras sur sa
poitrine.
Oui, mais ils n’étaient pas toi, les autres ne créaient pas en moi tout un
émoi.
— Tu m’as espionnée ?
— Rencontrer une personne une ou deux fois est le hasard, plus de trois
fois, c’est le destin.
NON !
Lorsqu’il relâche son emprise sur mon menton, je me sens soulagée, mais
c’est comme si on venait de m’enlever quelque chose auquel je tenais.
Je n’ose lui faire face, je sens mes joues rosir de plaisir et un sourire se
dessine sur mes lèvres.
— Je ne crois pas à ces choses-là, le karma est une salope qui fait les
choses selon ses humeurs. Il décide pour tout un chacun, il se fout de tout.
— Ils vont bien, mens-je, réalisant soudainement que mes pieds deviennent
de plus en plus douloureux.
— Je ne te crois pas.
— Non, pas pour l’instant, lâché-je sans vouloir expliquer pourquoi j’ai
choisi de m’abstenir.
— Tu n’es pas obligé Jarred, m’exclamé-je une octave trop aiguë qui me
fait grincer des dents.
Un geste qu’il souhaite rassurant, mais qui, encore une fois, me dérange.
— Ce n’est pas gentil de dire que mes disques sont pourris. Puis tu sais
moi, j’étais content de te découvrir, tu es une personne différente et ça me
plaît, m’avoue-t-il avec un petit sourire contrit.
Allez courage Lou ! Ce n’est pas la première fois que tu plantes un mec…
Je dois faire taire cette voix dans ma tête qui me rappelle que je veux me
barrer. Je souffle fortement et prends trois secondes pour trouver les bons
mots.
Je lui tourne le dos pour zigzaguer entre les tables. Je sors le plus vite
possible du restaurant pour me retrouver sur une avenue passante de Miami.
Je m’avance d’un pas rapide sans prendre la peine d’éviter les gens, je file le
plus rapidement possible.
Je tente d’accélérer le pas, mais ce n’est pas chose évidente lorsque l’on a
des talons de dix centimètres aux pieds. Il me prend par le bras pour
m’empêcher d’avancer et m’oblige à lui faire face.
— Si un homme est prêt à prendre des risques pour toi, il doit être capable
de vivre avec tes blessures, murmure-t-il gravement. Moi, j’en serais capable.
Bon sang ! Comment c’est possible qu’elle ait une si piètre estime d’elle-
même ?
— Putain de merde !
— Ça va ? demande Jamie.
Elle hausse les sourcils, incertaine, mais surtout inquiète. Elle arrête ce
qu’elle fait et pose sur moi le même regard qu’elle a toujours. Celui d’une
maman préoccupée pour son marmot.
Encore après toutes ces années, je suis incapable de prononcer ces mots.
Incapable de me rendre à l’évidence que je n’y suis pour rien, mais surtout
que même si je l’avais compris, je n’aurais rien pu faire pour elle. Ça, c’est
difficile de se l’avouer. Personne ne veut vivre avec la culpabilité qui me
hante, jour après jour, nuit après nuit… Sans arrêt…
Idiot…
— Ce n’est plus une question de culpabilité. C’est juste que… Je sais pas
Jamie. Je suis attiré par cette fille. Ce n’est pas pour la sauver.
— C’est la logique. Je ne sais pas pourquoi je suis aussi pressé avec elle.
— Parce que t’as toujours été ainsi… Tu fonces tête baissée. Cependant, si
je peux me permettre, cette fois, tu dois lui laisser du temps.
Je hoche de la tête, encore une fois, elle a raison. Elle a toujours raison…
Je souffle, mon tableau de chasse est si peu garni qu’il m’est un peu
difficile de lui avouer la vérité. Je n’ai connu que deux femmes depuis
Sidney. Bien sûr, j’ai eu quelques aventures, mais rien de sérieux. À un point
tel que l’on ne peut même pas les inclure dans mon superbe fiasco amoureux.
Je dois même avouer que les deux femmes que j’ai connues étaient un peu
cinglées. Une ne rêvait que de positions sexuelles dignes du Cirque du Soleil.
N’importe quel homme aurait été aux anges, mais lorsque j’ai passé quatre
heures menotté à sa tête de lit, j’ai rapidement déchanté et suis parti sans
demander mon reste. La seconde m’avait assuré ne pas vouloir d’enfant,
cependant, deux semaines après le début de notre relation, elle souhaitait
cesser de prendre la pilule. Ce n’est pas que je ne veuille pas de gosses, mais
il n’y a pas un nombre réglementaire d’années de couple avant de pouvoir
parler d’enfant ? Bon sang, j’ai pris mes jambes à mon cou une deuxième
fois.
Je ne réagis pas, mis à part par un soupir. Je baisse les yeux sur mes
feuilles tachées d’encre bleue. Puis comme un putain de signe, j’aperçois le
nom de Lou ainsi que ses données personnelles. J’attrape mon téléphone et
entre son numéro dans mes contacts avec la ferme intention de la joindre un
peu plus tard dans la soirée. Par contre, je ne sais pas comment je dois agir.
Elle n’est comme aucune autre femme que j’ai connue par le passé. Avec
mon job de photographe, je côtoie beaucoup de nanas. Et je peux dire avec
certitude que j’en sais beaucoup sur elles. Sur leurs habitudes, leurs besoins
de se faire chouchouter. Dans bien des cas, elles ne recherchent que
quelqu’un qui les couvre de compliments et parfois même un sauveur.
Cependant, avec Lou, c’est différent. Je vais devoir la jouer fine.
Je n’en sais rien, mais ce que je sais, c’est que je ne peux pas rester les bras
ballants à attendre qu’elle fasse le premier pas. Comment dire ? Je suis
totalement perdu.
— Je sais pas…
Ses paroles me font éclater de rire. Elles sont si typiques, mais si vraies.
— J’ai bien peur que ça ne fonctionne pas ainsi Jarred… T’es un type
bien…
— Pourquoi ?
— Ça fait plus de six ans que nous sommes mariés, et avant ça, nous avons
été en couple pendant quatre ans. Ce n’est pas une décision prise sur un coup
de tête, tu sais.
— Non, bien sûr que non ! Je m’en doute bien. Je te connais, tu ne prends
jamais une décision sans avoir préalablement pesé le pour et le contre. Par
contre, je dois te demander si tu en es absolument certaine.
— Bien sûr. Ne t’en fais pas pour moi. Je suis une grande fille.
— T’as bien assez de tes problèmes sans pour autant t’inquiéter pour moi.
— Si jamais… je suis là !
Les informations de Lou que j’ai sous les yeux m’appellent. Je flanche et
plie la feuille pour la glisser dans ma poche. Jamie m’observe, mais ne dit
rien, elle se contente de me sourire tandis que je range mes affaires.
Je roule des yeux, soudainement amusé par la situation, mais surtout plus
léger. La confusion règne toujours en moi, mais ce n’est plus le chaos.
10
Lou
J’ai enfilé mon pyjama des mauvais jours, le jaune en coton avec des
petites fleurs roses. Il est affreux, hideux même, mais il me réconforte. Je me
suis roulée en boule dans mon lit. Ne pas penser à Jarred, à son CD pourri, à
ses répliques dignes de n’importe quel roman d’amour qui pourrait faire
pleurer n’importe quelle bonne femme. Ses yeux… son sourire… son rire…
La déception qui semblait faire rage en lui lorsque je lui débitais mes âneries.
Si seulement il n’y avait que cela, mais c’est surtout le regard qu’il m’a lancé
lorsque je lui ai tourné le dos qui me hante. Il était empreint d’une sincérité
que j’ai rarement connue dans ma vie. Je le connais à peine et n’arrive pas à
comprendre pourquoi il me perturbe à ce point. Il n’est qu’un inconnu et ne
représente rien pour moi. Il ne me voulait pas de mal. Il ne voulait que passer
un bon moment avec moi.
Ça doit bien faire une heure que je lance des coups d’œil vers le meuble où
j’ai posé le sac qui contient le putain de CD pourri. Qui offre des CD
d’occasion de nos jours ?!
OK ! Pense à autre chose. T’en es capable Lou. T’as quand même une
nouvelle chance de faire tes preuves. Entoure-toi de pensées positives…
OK, je n’en suis pas capable ! Je vais péter un boulon. Inlassablement, mes
yeux sont vissés sur le putain de sac en papier recyclé turquoise. Ça prend de
plus en plus de place dans ma tête. Je souffle, tentant de me convaincre que je
ne dois pas succomber. Je ne veux pas écouter ce CD. Je me lève et tourne
autour du meuble. Je m’adosse au mur sans le lâcher des yeux. Je pourrais
toujours le balancer du 19e étage. Il s’écraserait contre le trottoir dans un
fracas, répandant partout des morceaux. Je jubile en imaginant la tête qu’il
ferait… Cependant, j’en suis incapable. Je reste là, tétanisée, presque
persuadée que cette saloperie de sac contient la solution à tous mes
problèmes.
Ouais, mais c’est quand même celui qui l’a aidé lorsqu’il n’allait pas bien.
Bizarrement, j’en suis à me demander pourquoi ça n’allait pas pour lui, ce
qu’il s’est passé. Si quelqu’un lui a fait du mal…
— Ethan !
Visiblement, lui ne semble pas avoir envie de discuter avec moi. Par
contre, je n’arrive pas à comprendre pourquoi une telle réaction. Ses yeux se
rétrécissent devant mon inaction.
Je parais calme et sous contrôle, mais tout mon être est en ébullition. Ethan
me contourne et se dirige vers le salon comme un boulet de canon.
— Un moment déjà.
— Pourquoi lui ? De tous les mecs dans cette ville, tu dois te taper mon
coloc. Bravo !
— Pourquoi pas ?! Lui ou un autre, c’est du pareil au même.
— Arrête avec tes belles paroles et cette fois, ne mets pas ça sur le compte
de ta maladie.
— Pardonne-moi.
— Je… je…
Je ne suis à personne.
— T’as raison, ça ne me regarde pas, mais sache une chose : je ne suis pas
en colère parce que tu as baisé Tommy, je le suis, car chaque matin tu venais
te blottir dans mes bras et me racontais à quel point ta vie est misérable.
— Tu sais bien que ça ne se passait pas comme ça, ne sois pas si injuste.
— Injuste ?! Ce qui l’est, c’est que chaque fois que tu venais chez moi, tu
me regardais comme si j’étais celui que tu voulais. Tu as toujours laissé
grandir en moi l’idée que lorsque tu irais mieux, on serait ensemble, voilà ce
qui me met en colère.
* Tu ne pourras pas toujours fuir Lou. Je t’ai vue et t’ai trouvée géniale…
Jarred
Va te faire voir !
— Ça va ?
— Que t’arrive-t-il ?
— Louann ! s’écrie-t-il.
Je sens que l’on me soulève du divan. Je suis brassée comme une poupée
de chiffon, j’aimerais ouvrir les yeux et demander à la personne qui me fait
subir cet assaut de me lâcher et de me laisser dormir, mais je n’arrive pas à
ouvrir la bouche. Une voix me parvient à travers ma torpeur.
Putain de merde…
11
Lou
Je flotte toujours dans les brumes des putains de somnifères. Cependant,
mes paupières sont beaucoup plus lourdes que d’habitude. À un point tel que
je me demande ce qui m’arrive. Mon estomac se déchire en deux, la douleur
m’assaille. Je tends le bras pour trouver la table du salon, mais tâtonne dans
le vide. Une nouvelle vague de douleur fait rage en moi. Cette fois, aucun
doute, je vais être malade. J’ouvre les yeux, secouée par des hauts le cœur.
J’ai à peine le temps de m’extirper du lit.
L’instant d’après, je suis secouée par une nouvelle vague de nausée qui me
tord les entrailles. Je me penche de nouveau vers le seau toujours tenu par
Jarred. Je vomis de nouveau, mais cette fois, c’est de la bile, et ça me brûle la
gorge, me faisant verser une larme.
Encore une fois, lorsque j’ai terminé ma sale besogne, je relève la tête et
pose mon regard dans le sien. Il a toujours la même intensité grave et triste.
Je change de sujet parce que là, j’ai peur d’avoir droit à une remontrance
magistrale.
— Quoi ? Pourquoi t’as fait ça ? Tu ne sais pas dans quelle merde tu viens
de me fourrer !
— Je lui ai dit que tu avais oublié ton portable dans ma voiture et que je
voulais passer te le rendre, car éventuellement tu en aurais besoin s’il voulait
te joindre.
— T’arrives d’où ?
— Sympa le pyjama !
— Oh, mais tais-toi ! Déjà que tu viens ici, que tu entres chez moi par
infraction et que tu agis comme si je te devais la vie.
— Lou, cette fois, ça s’est relativement bien passé, mais qui te dit que la
prochaine fois, ça se passera comme ça ?
— Je…
— Ne dis rien, pendant que tu dormais je suis allé au petit supermarché pas
loin d’ici et j’ai rapporté des trucs.
— Pourquoi t’es aussi gentil ?
Je le fixe sans être capable de dire quoi que ce soit de plus. Il se contente
de me sourire avant d’ajouter :
— Je file à la douche…
— T’as besoin de rien, ta serviette et tes vêtements sont déjà dans la salle
de bain.
« Injuste ?! Non, ce qui l’est vraiment, c’est que chaque fois que tu venais
chez moi, tu me regardais comme si j’étais celui que tu voulais. »
Lui ai-je vraiment laissé croire que nous avions un avenir ? Si je l’ai fait,
c’était sans le vouloir. La culpabilité me vrille le ventre et la tête. Incapable
de rester seule plus longtemps, je me lave en vitesse pour retrouver Jarred le
plus rapidement possible. J’enfile les vêtements qu’il m’a choisis. Un t-shirt
noir ainsi qu’un jogging gris. Je ne sais pas où il a bien pu trouver ça. Je
peigne rapidement mes cheveux humides et pars le retrouver.
Lorsque j’entre dans la cuisine, il est en train de faire cuire du bacon et des
œufs. L’odeur qui se dégage de la poêle fait grogner mon ventre.
— Écoute, tes fesses sont encore plus plates qu’une planche à pain, mon
coco !
Il tourne la tête vers moi. Ses yeux me frappent de plein fouet devant ma
phrase sortie de nulle part.
J’éclate de rire alors que lui pousse un soupir et se tourne vers moi.
Il fait cuire nos œufs brouillés en silence. J’aimerais qu’il me parle, mais je
me dois de respecter le fait qu’il ne veuille pas se confier. Il remplit nos
assiettes puis les pose sur l’îlot. Il prend place à côté de moi et plante sa
fourchette dans sa montagne d’œufs.
— J’ai une grande sœur. Elle habite en Irlande avec notre père.
— Ma mère habite à Seattle avec son mari. J’avais huit ans lorsque nous
sommes arrivés ici. Je suis né lors du deuxième mariage de mon père. Ma
mère a rencontré un Américain, ce fut le coup de foudre.
— T’as de la chance !
— Et toi ? Parle-moi de ta famille.
Oh non ! Pas ça !
— J’ai deux petites sœurs. Elles sont jumelles et entrent à peine dans
l’adolescence.
— Comment s’appellent-elles ?
— Sloane et Sunshine.
Elles sont adorables, cependant, je suis sans arrêt morte de peur à l’idée
que Dustin leur fasse vivre ce que moi, j’ai vécu.
Non, non, non ! Je ne dois pas penser à ça… Je dois me concentrer sur
autre chose.
— Je t’ai vue. Je t’ai observée, Lou, jamais tes rires ou tes sourires ne
m’ont trompé. Je sais que ce qui transparaît à l’extérieur n’est pas ce que tu
ressens à l’intérieur. Les conquêtes, les beuveries, les gros titres des journaux,
c’est qu’une façade que tu t’imposes. Moi, ça ne m’a pas trompé.
— Il y a cette lueur qui vient d’apparaître dans tes yeux, la même que
lorsque je t’ai vue lors de la soirée de Jamie.
— C’est vrai, je te connais à peine. Par contre, je ne crois pas que tu aies
besoin d’être sauvée. Tu es amplement capable de savoir ce qui est bon pour
toi, mais tu sais Lou, entre le savoir et montrer au monde entier ses blessures,
il y a une différence. C’est à toi de voir si tu veux les montrer à tous, révélant
ainsi la fragilité que tu as en toi.
— Ce n’est pas ce que j’ai dit. En toi, il y a une fragilité qui me touche et
m’interpelle.
Sa voix est plutôt calme, posée et exempte de jugement, mais elle est aussi
emplie d’une émotion que je n’arrive pas à saisir. Puis, il m’arrive une chose
qui ne m’arrive jamais d’habitude, j’ai envie qu’il me prenne dans ses bras et
me berce, me promettant que tout ira bien. Cet inconnu me donne envie de
m’ouvrir à lui, mais sait-il dans quelle merde il vient de se fourrer ?
— Pourquoi ?
— Lou, tu penses trop, tu crées des problèmes qui n’ont pas lieu d’être,
argumente-t-il sans se départir de son calme ni de son envie de passer du
temps avec moi.
— Peu importe…
— Je ne suis pas là pour ça, mais je peux être là parce que j’ai envie de
connaître la femme cachée derrière la façade que tu t’imposes.
— Qu’est-ce qui te motive Jarred ? J’ai besoin de le savoir. Tout ça, c’est
trop flou pour moi.
— Comment ?
— Ça implique quoi ?
Avec douceur, il prend ma main dans la sienne. Un petit geste qu’il veut
probablement sécurisant et encourageant, mais je n’ai plus envie de continuer
dans les révélations.
Je lui balance tout ça en vissant mon regard dans le sien. J’aimerais y lire
de la peur, du mépris ou encore mieux, de l’indifférence, mais non, j’y vois
plutôt de la compréhension et une envie de me rendre la vie plus douce. Je
cherche ma respiration pendant quelques secondes. Mon discours m’a
légèrement essoufflée.
Cependant, malgré tout, j’ai l’impression que mon speech ne suffit pas,
qu’il y aurait tellement plus à dire. Parfois, j’ai si mal à l’intérieur que je
ressens cette douleur physiquement. Encore là, je ne lui ai pas parlé des
excès, mon besoin de m’enliser dans l’alcool et le sexe.
Je devrais avoir honte, mais en ce moment, j’ai plutôt envie de rigoler tant
mon discours est pathétique.
Ce qu’il me dit m’énerve ; non, mais, il croit quoi ? Qu’il suffit qu’il entre
dans ma vie avec ses beaux principes de merde pour que je lui tombe dans les
bras ? Qu’auparavant, je n’ai jamais pensé que je partais en vrille ? Qu’il a
fallu qu’il foute un pied dans mon quotidien pour que je me réveille ?
— Je veux dire que si tu désires aller mieux, tu dois suivre ton traitement,
commence-t-il.
— Quoi ? s’étonne-t-il.
Je lui parle d’une petite voix, presque un murmure. Je ne le fais pas pour
l’attendrir, mais parce que je n’ai simplement pas la force de parler plus fort.
D’un pas rapide, je me dirige vers le salon en prenant bien soin de faire
claquer la porte de la salle de bain. Pour une des rares fois, j’ai allumé la
radio. The Cure chante Friday, I’m in love.
— Je ne vais pas sortir avec toi ce soir, lancé-je d’un trait, ignorant sa
plaisanterie.
— Ça tombe bien, j’avais prévu que l’on regarde un film chez toi.
Il me montre un sac qui semble contenir tout ce qu’il faut pour passer une
soirée cinéma parfaite. L’attention est touchante, mais la voix dans ma tête
me rappelle de rester loin de lui. Pour son bien, comme pour le mien.
— Ne me dis pas que tu hais les films aussi. Parce que si c’est le cas, je
vais croire que t’es un extraterrestre.
— Jarred… je…
— Je ne sais plus.
— J’ai apporté tout ce qu’il faut pour nous faire des sandwichs au fromage
grillé comme maman les faisait.
— Je me suis dit qu’il y avait de fortes chances que je te trouve dans l’état
que tu es actuellement. Je n’avais juste pas prévu que les Social Distorsion en
payeraient les frais.
D’un geste théâtral, je me pousse pour le laisser passer. Ce qu’il fait avec
le plus grand des sourires.
Il a changé d’avis ?
Ça se passe maintenant ?
— Personne n’est vainqueur avec moi, mais qui sait, peut-être te laisserai-
je gagner ?
Ma voix se fait étrange. Pour l’une des rares fois, elle n’est pas faussement
enjouée, elle est sincère. Cependant, je ne saurais dire pourquoi ni comment.
C’est ainsi, je le sens au plus profond de mon être.
— C’est simple, tu n’es comme aucune autre femme sur cette planète.
Je souris et détourne vivement la tête. Il veut me faire rougir avec ses
phrases déjà préparées. Pourtant, ça marche ! Il saisit doucement mon menton
entre des doigts pour que je lui fasse face. Son regard gris acier vient se
planter dans le mien.
Alors, c’est ainsi que l’on tombe amoureuse ? La respiration qui devient
saccadée. Le cœur qui bat à tout rompre. Les mains moites, la tête qui tourne
en permanence. Je me sens de nouveau devant un précipice, mais cette fois,
la sensation est poignante, vibrante et totalement différente. Cette fois, j’ai
envie de plonger, mais seulement si lui me tient la main. À peine ai-je eu
cette pensée que je ferme les yeux, ses lèvres descendent vers les miennes et
s’y posent avec une infinie douceur, mais aussi avec désir, envie et passion.
Comment c’est possible qu’un simple baiser puisse ramener quelqu’un à la
vie ? Je ne réfléchis plus, mes bras s’enroulent autour de son cou, ma poitrine
se colle à son torse. J’ai fait ces gestes des centaines de fois auparavant, mais
je n’en ai jamais ressenti l’impact, le vrai désir… l’amour, jusqu’à
maintenant.
— Tu viens ?
Sa voix n’est pas pressée et en rien elle ne m’oblige à le suivre, mais cet
apaisement qui s’en dégage me donne envie de le retrouver. Je réprime
rapidement la pensée qui me rend complètement gaga. J’ai ce besoin de me
fondre en lui pour retrouver un semblant de lucidité. Je ne veux qu’écouter ce
désir en moi.
Sa voix me fait sursauter. Il cesse de faire courir ses doigts sur la peau de
mon cou, un vide s’installe en moi. Putain de merde ! Je veux qu’il me touche
encore. Qu’il m’apaise. Qu’il me fasse du bien. Je le veux, lui. Je suis à un
cheveu de sombrer dans la folie. Je serais prête à parier ma vie que ce serait
la plus belle des démences que je me permettrais d’avoir. Jarred Dwyer.
— C’était bien, je crois.
— Tu crois, ricane-t-il.
Je tourne la tête vers lui, ses yeux gris entrent dans les miens et me
troublent. S’il vous plaît, que quelqu’un vienne me sauver avant que je fasse
une grosse connerie. Je ne contrôle plus aucune de mes pensées. Je suis
dominée par le désir de sentir son regard sur moi, ses doigts sur ma peau et
ses lèvres contre les miennes.
— Je t’en prie, ne fais pas ça. Ne me fais pas croire que je suis
exceptionnelle.
— Que se passe-t-il ?
Lui expliquer ?
Bon sang !
Quoi ? Comment ?
Je suis stupéfaite, n’arrivant pas à réaliser que l’on en est là. Un film, un ou
deux baisers… ses doigts sur ma nuque… un moment fabuleux et… et… Il
vient vraiment de me repousser ? Vraiment ?
— Ne fais pas cette tête, ricane-t-il en posant un baiser dans mes cheveux.
— Comment ?
Je lui hurle dessus sans retenue et ne m’en sens pas coupable du tout. Un
air surpris, puis choqué se dessine sur son visage.
Réplique typique de n’importe quel homme que j’ai connu et que l’on me
sort à chaque engueulade. D’habitude, je m’en fous, mais que lui me lance
cette phrase au visage, ça me fait mal. Il n’est pas censé être différent des
autres ? J’y ai pourtant cru.
— Je crois que tu t’es rarement fait refuser quelque chose dans la vie,
non ?
— Lou…
Il se tait, me fixe quelques secondes. C’est moi qui mets fin à ce duel en le
contournant pour enlever son film du lecteur DVD. Je lui mets entre les
mains avec une force. À l’intérieur de moi, je manque de m’écrouler ou pire
encore, de tomber en miettes.
Après plus de vingt minutes à tourner cela dans tous les sens, je n’arrive
toujours pas à mettre de l’ordre dans ce que je ressens. J’étais vraiment en
train de tomber amoureuse de ce mec ?
Je suis une folle dingue.
Cette pensée fait naître en moi de l’angoisse. Je ne peux pas aimer Jarred.
Je ne dois pas. Si je me laisse aller à l’aimer, je vais nous détruire. Ça ne doit
jamais arriver.
— Tu as fait vite.
Si j’en juge à la lueur malicieuse dans ses yeux, il ne semble pas choqué
par le fait que je l’aie appelé. Il en est même excité.
Je me lève enfin pour m’avancer vers lui, lève la tête pour le regarder. Il
me demande d’une voix rauque et sexy :
— De toi.
Je murmure, parce que c’est la seule façon d’affronter mon mensonge sans
lui foutre une baffe pour être venu après ce qu’il m’a fait. Contre toute
attente, je pose mes mains sur ses hanches et me colle contre lui.
Il se penche vers moi, posant ses lèvres dans mon cou. Je ferme les yeux,
je ne veux pas le voir ni réfléchir. Simplement m’abandonner pour oublier la
boule qui s’est formée en moi depuis le départ de Jarred.
— Baise-moi…
Je l’attrape par son t-shirt et le pousse avec force sur le divan ; il s’y laisse
tomber avec un sourire amusé. Sans plus attendre, je prends place à
califourchon sur lui et le déleste de son haut. Je passe mes doigts dans ses
cheveux bruns puis sur son corps musclé. Mes ongles s’enfoncent dans la
chair de ses épaules, laissant échapper de sa bouche un gémissement
d’excitation. Mes lèvres trouvent rapidement les siennes et ses mains entrent
sous mon haut qu’il m’enlève rapidement en poussant un râle animal. Ses
mains emprisonnent mes seins qu’il serre avec puissance. Il change de cible
et se met à torturer mes tétons en les pinçant légèrement.
Putain de merde !
— Je venais m’excuser.
Pourquoi je m’excuse ?
Que veut-il que je lui dise ? La vérité… Il peut bien aller se faire foutre s’il
pense que je vais tout lui avouer.
— Tu peux baiser avec qui tu veux Lou. Par contre, c’est dommage que ce
qui a guidé ce mec dans ton lit soit le fait que j’ai refusé de coucher avec toi.
Non, non ! Je ne veux pas lui avouer. De toute façon, comment pourrais-je
lui avouer l’inavouable ? Moi, amoureuse ?! Non jamais ! Surtout pas après
seulement quelques heures ici et là en sa compagnie.
— À la prochaine Lou.
Un sourire mi-amusé mi-déçu apparaît sur son visage alors qu’il s’avance
dans la petite cabine. Un tourbillon d’émotions fait rage en moi. De la colère,
mais contre qui ? Je ne saurais le dire. Probablement contre moi.
— Personne, marmonné-je.
La porte claque vivement derrière nous, le bruit est aussi sourd que la
dernière fois que nous avons été dans cette situation. Néanmoins, il est
également révélateur. Mes yeux s’écarquillent, j’ouvre la bouche tellement je
suis stupéfaite par ce que je suis en train de faire. L’espace d’une seconde,
j’ai un élan de lucidité assez vif pour le repousser. Il me toise, l’œil mauvais.
Je peux constater qu’il ne va pas partir en douceur encore une fois.
— Tommy…
— Laisse-moi rire !
Sa voix est d’une méchanceté qui m’atteint en plein cœur. Je sens des
larmes envahir mes yeux. Si dans ma maladie, mes émotions sont toujours en
dents de scie, je ne pleure jamais. Pleurer, c’est pour les faibles. J’en ai
souvent envie, certes, mais je me laisse rarement aller.
Mon regard fuit le sien. Ma vie m’échappant encore une fois. Pourtant,
cette fois, je ne suis pas en train d’éclater ma voiture contre un parapet. Je
suis simplement en train de perdre pied dans cette chose que je trouve
horrible. Cette chose appelée l’amour.
Je tends la main vers lui, mais il me repousse avec violence. Je ferme les
yeux et tente de respirer longuement. Sa voix claque de nouveau dans ma tête
lorsqu’il ajoute :
Le regard de Jarred sur moi lorsqu’il est entré dans l’ascenseur me tue. Je
me sens perdue. De grosses larmes glissent de mes paupières pour sillonner
mes joues. J’attrape mon téléphone sur la table basse du salon et compose
instinctivement le numéro d’Ethan.
— Que veux-tu Lou ?
— Que se passe-t-il ?
Ethan… celui qui ne m’a jamais jugée. Celui qui sait tout de moi ou
presque, ne veut plus de moi dans sa vie, je ne peux plus compter sur lui…
J’ai fini par mettre fin à notre amitié de la pire façon qui soit. Je lui ai fait mal
pour des parties de jambes en l’air qui n’étaient pas très libératrices… Il me
méprise, tout comme Tommy et maintenant Jarred qui vient de voir ce qu’il y
a de pire en moi…
Longtemps… profondément…
Je me redresse d’un bond, mais je n’ai plus aucune énergie. Mes jambes
toujours flageolantes, je me dirige vers la cuisine et ouvre l’armoire. Ma main
tremble tellement que je lâche le flacon contenant mes précieux
médicaments.
En transe avec mes souvenirs, je laisse le temps filer, sans avoir conscience
de la durée. Les secondes semblent décuplées. Elles me font mal et me
brûlent de l’intérieur.
Il y a qu’un moyen d’arriver à faire taire tout le mal que j’ai en moi…
J’attrape le flacon qui repose sur le sol entre mes jambes et l’ouvre. Je
laisse tomber toutes les pilules roses dans le creux de ma main. Le bruit
qu’elles font en s’entrechoquant me fait sourire. J’en prends une dizaine et
replace les autres dans la bouteille. Sans réfléchir, je les mets dans ma bouche
et les avale avec une grande lampée de vodka. Je m’adosse aux armoires
derrière moi.
— Je venais m’excuser.
Ben tiens…
— Tu peux baiser avec qui tu veux Lou. C’est dommage que ce qui a
guidé ce mec dans ton lit soit le fait que j’ai refusé de coucher avec toi.
Sa main retombe contre sa cuisse. Jamais elle ne le regarde, elle visse son
regard dans le mien avec intensité. Je décide de pousser un peu, voir si elle
flanchera.
— Ne t’en va pas…
Elle me supplie, mais je n’ai pas l’impression que la partie est gagnée pour
autant.
Lorsque les portes s’ouvrent enfin, je dois me faire violence pour ne pas
bouler le petit groupe que nous sommes pour sortir le premier. Je laisse tout
le monde sortir et lorsque mon tour vient, je fonce vers la sortie à grands pas.
L’air chaud et lourd de Miami m’étouffe et n’a aucun effet bienfaiteur sur
moi. Je m’adosse au mur à côté de la porte. Soudainement, je me sens perdu.
Je cherche ma voiture du regard et ne la trouve nulle part. Je souffle
longuement. J’ai le sentiment de revivre ce que j’ai vécu avec Sidney et je
n’aime pas ça. Cependant, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour Lou.
Il rigole comme le connard qu’il est et s’avance encore vers moi. Je n’ai
pas peur de lui, mais je dois admettre que je ne suis pas le plus bagarreur qui
soit et ce mec dégage un truc pas net.
— Et elle le sait ?
— Non ! Mais je ne me dis que si elle vient vers moi de la sorte, c’est que
ça ne doit pas être très sérieux entre vous. Et à moins que tu arrives à te
défroquer et à la baiser en moins de cinq minutes, t’es vraiment un rapide,
pour ne dire que ce mot-là.
Il serre les poings et fait un pas de plus vers moi. Au même moment, son
téléphone se met à sonner. Il le prend dans la poche de son jeans sans me
quitter du regard et baisse les yeux vers l’écran de son téléphone.
Il tourne les talons sans plus attendre et fout le camp. Je le vois grimper
dans une voiture jaune avec des jantes en acier chromé et un aileron arrière.
S’il a agi ainsi avec moi, pourquoi ne l’aurait-il pas fait avec Lou ? Et si
elle était mal en point ? J’ouvre la porte et retourne à l’intérieur. Je grimpe à
nouveau dans l’ascenseur. La nervosité me gagne. De nouveau, le trajet me
semble interminable. Une fois arrivé au 19e étage, j’ai un sentiment de déjà-
vu. Une boule se forme dans mon ventre et ne fait que grossir à mesure que
j’avance.
Toujours aucune réponse. Je frappe encore, à m’en faire mal aux poings.
Mes mains tremblent. Je me retrouve dans la même situation qu’il y a
presque dix ans.
— Hello ?
— Tu sembles bien l’apprécier, mais ne t’en fais pas. Ça lui arrive parfois
de ne vouloir voir personne.
— Non, c’est pas ça ! Elle voulait me voir ! Écoute, je n’ai pas le temps de
tout te raconter, mais y a un moyen d’entrer dans son appartement ?
— Non ! Vous avez tout faux, ce n’est pas ça. Je suis inquiet pour elle.
— J’aime bien Lou ! Parfois, elle cache un double de sa clé sous le gros
palmier.
Elle me pointe une grosse plante dans un vase de couleur or. Je cours vers
lui en priant pour qu’elle l’ait laissée là. J’attrape le tronc de l’arbre et le
soulève du sol. J’y aperçois la fameuse clé. Je la prends et sans plus attendre,
me dirige vers la porte pour la déverrouiller.
Comme une fusée, j’entre chez elle au pas de course. Je n’ai pas besoin de
faire le tour de l’appartement pour la trouver, étendue sur le sol, une bouteille
de vodka à la main. Le contenu de la bouteille s’est rependu autour d’elle et a
imbibé ses vêtements. Je m’agenouille devant elle et tente de prendre son
pouls. J’y parviens à peine tant il est faible.
Je prends Lou dans mes bras et lui tapote le visage, mais rien n’y fait. Elle
n’a aucune réaction. Pendant que Adam parle au téléphone avec la
standardiste du 911, la voisine m’apporte une serviette humide et je lui tapote
le visage avec. Encore là, c’est une vaine tentative. Elle ne bouge pas. Son
corps reste inerte dans mes bras.
— D’accord, merci pour tout encore une fois. Si jamais je peux faire
quelque chose pour toi, fais-moi signe.
— Je n’ai qu’une chose à te demander. Ne lui dis pas que c’est moi qui l’ai
trouvée.
— Pourquoi ?
— Parce que si elle sait que c’est moi, elle ne voudra plus me parler.
— Allô ?
— Les médecins disent que si tu n’étais pas intervenu, elle serait morte à
l’heure qu’il est.
Cette simple phrase me rend nerveux. Je tremble de tout mon être. Être
avec Lou signifie revivre continuellement mon passé. Ça, je ne pourrai pas le
supporter.
— Merci Adam.
— Allô Jarred, ça va ?
— Comment ça ?
— Je ne sais pas, je crois que je vais devoir prendre mes distances avec
elle.
— Fais ce qu’il y a de mieux pour toi, Jarred.
— À demain alors.
Pourtant, l’enfer est supposé être chaud, alors que là, je suis frigorifiée…
J’ouvre de nouveau les yeux. Cette fois, la brûlure est moins forte, moins
intense, moins percutante. Je tousse, ma gorge est douloureuse. Je ne
comprends pas pourquoi.
— Je…
La gorge me brûle de plus en plus, comme si elle n’avait qu’un but précis :
se fendre en deux. La douleur est insupportable et me fait gémir.
— Ne bouge pas.
Ethan revient avec le médecin, coupant court à mes pensées. J’ai du mal à
les regarder tant la honte m’accable. Un homme d’une quarantaine d’années
avec une chevelure presque blanche s’assied sur mon lit et me fixe. J’ai déjà
vu cette étincelle qui brille dans ses yeux. Il a pitié de moi, je déteste que l’on
ait pitié de moi. C’est un sentiment qui me répugne.
Des médocs ?
Du sexe ?
De Jarred ?
Je peux très bien vivre sans médocs, sans alcool ou même sans sexe, mais
pour y parvenir, j’aurai besoin de lui. Je me doute bien que ce qu’il a vu l’a
dégoûté au point de ne plus vouloir quoi que ce soit avec moi. Pourquoi j’ai
réagi ainsi ? Pourquoi chaque fois qu’il arrive un truc, je me sens trahie ?
Pourquoi ai-je cette drôle d’impression d’être folle, de ne jamais être
complètement moi ? Je comprends mieux maintenant mon envie de dormir.
— Je peux vous poser une seule et unique question avant de vous laisser
tranquille ?
— Je sais ce qu’il s’est passé dans votre tête quand c’est arrivé. La chose
que je me demande, c’est pourquoi une jeune femme telle que vous a peur de
guérir ?
Je visse mon regard dans le sien. Ses mots entrent en moi et se répercutent
dans ma tête.
« Peur de guérir. »
Peur de guérir.
Il quitte ma chambre sans rien dire de plus, me laissant là, seule face au
regard inquiet d’Ethan. Finalement, je crois que je préférais quand le médecin
était présent. Maintenant, je vais devoir faire la conversation avec Ethan et ça
ne me dit rien qui vaille.
— Lou, pourquoi ?
Je détourne le regard et ferme les yeux. Il sait bien que je ne vais pas
dormir, mais je ne peux pas supporter son regard inquisiteur sur moi. Il va me
poser trop de questions et y répondre, ça va me tuer.
J’ouvre les yeux et le regarde sortir de la chambre. Je n’ai pas envie d’être
ici. Je me sens sale et monstrueuse. Je m’assieds dans mon lit lorsqu’un autre
médecin entre dans la chambre.
— Mon collègue m’a dit que tu ne voulais pas nous parler. Moi, j’aimerais
essayer de discuter avec toi. Qu’en dis-tu ?
— Tu sais Louann, parler dans le vide n’est pas une méthode que j’aime
employer. Tu me laisses te poser la question ou pas ? Si tu ne veux pas, je
m’en vais, mais tu ne seras pas prête de partir d’ici. Je ne fonctionne pas
ainsi, tant que je vais avoir un doute, tu resteras ici.
— Je sais pas.
Ma gorge se serre tant j’ai honte de ce que j’ai fait, tant j’ai honte d’avoir
ce genre de sentiments. Ce n’est pas normal de ne pas pouvoir se contrôler.
— J’ai eu envie de dormir…, abdiqué-je devant son regard inquisiteur.
— Pourquoi ?
Il profite du fait que je commence à m’ouvrir à lui alors qu’il m’avait dit
qu’il ne me poserait qu’une seule question. Il m’a menti…
Alors que je donne cette réponse, Ethan entre dans la chambre, suivi de
mon agent, son visage est fermé. Je n’arrive pas à voir s’il est inquiet ou bien
en colère, mais je sais une chose : ça va chauffer, il ne me fera aucun cadeau.
Le psychiatre me sourit et m’annonce qu’il va me laisser avec mes amis, mais
qu’il reviendra me voir avant de terminer son service.
Putain, j’aimerais bien mieux qu’il reste pour discuter plutôt que
d’affronter ces deux-là.
— J’ai tout essayé pour les faire revenir sur leur décision.
— D’accord…
— Je suis désolée.
— Ne te fâche pas contre moi. J’ai fait mon possible, mais pour l’instant,
je ne peux plus. Tu ne peux pas m’en vouloir. J’ai les mains liées.
— Tu sais bien que ça va plus loin que ça. L’agence ne peut plus prendre
ce genre de risque. Je suis désolé.
— À la prochaine Lou…
Les réjouissances sont de courte durée, car j’entends quelqu’un entrer dans
la pièce, mais je ne bouge pas. J’attends que la personne reparte comme elle
est arrivée, mais elle semble obstinée. C’est sûrement Ethan. Lorsqu’il se
racle la gorge, j’en ai la confirmation. Je sors un œil de la couverture.
— Ah oui, comment ça ?
— Excuse-moi.
— Parce que tu le veux bien. Je ne vais pas te plaindre. Je l’ai trop souvent
fait par le passé, tranche-t-il avec froideur.
Seule…
Je le hais…
16
Jarred
Je stationne ma voiture sur le parking du Jackson Memorial Hospital. Je
suis venu dans le but de voir Lou, mais je ne suis pas certain d’avoir le
courage d’entrer dans sa chambre. Les paroles de Jamie tournent en boucle
dans mon esprit. « Ce n’est pas Sidney… Va la voir, tu te sentiras mieux
ensuite… Si tu veux laisser tomber, fais-le, mais parfois les gens ont besoin
d’un coup de pouce… T’es effrayé, je le comprends, mais t’es aussi un type
bien… » Un type bien… facile à dire vu de l’extérieur. Elle ne comprend pas
non plus pourquoi cette culpabilité me ronge. J’ai voulu voir ce qu’elle avait
dans le ventre… Elle m’a demandé de rester, mais je suis parti. Quel lâche…
— Hello Jamie !
— Et t’es entré ?
— Ne le fais pas si t’en as pas envie, mais tu sais ce que j’en pense.
— Ouais je sais, mais tu veux bien me le répéter pour me convaincre d’y
aller ?
— Je crois que tu dois la voir, car elle t’a permis de sortir de ta zone de
confort.
— Merci, soufflé-je.
— Oui patronne.
— Ouais.
— Chouette la peluche…
— Je vais être honnête avec toi, ne le prends pas mal, mais elle est mal en
point et je crois que ce serait mal venu de ta part de lui rendre visite.
— Bien, merci de ton avis éclairé sur la situation, mais Lou saura me le
dire si elle ne souhaite pas ma présence.
Sur ces mots, je sors de l’ascenseur et cherche une indication sur l’endroit
où se trouve la chambre de la belle. Rapidement, je me dirige vers le
comptoir des infirmières.
— Merci infiniment.
D’un pas vif, je me dirige vers l’endroit indiqué par la gentille infirmière.
Une fois devant la porte, je reste plusieurs minutes à la fixer. Je ne peux plus
avancer, mes jambes semblent remplies de plomb. Je souffle pour me donner
du courage puis entre. Ce que je vois me tord les entrailles, une nouvelle fois,
je suis propulsé dans le passé. Elle est étendue sur le dos, les yeux fermés, sa
peau est d’une blancheur inquiétante. Elle semble si petite sous les draps
immaculés de l’hôpital. J’avance vers elle et cogne dans une chaise que je
n’ai pas vue. Lou relève la tête vers moi, ses yeux sont si inquiets qu’il m’est
difficile de soutenir son regard.
— Ah oui ? Laquelle ?
Il y a tant de raisons que je pourrais lui donner, mais je crois qu’elle n’est
pas encore prête à les entendre.
— Parce que j’en ai envie et que je devais t’apporter ton monstre, réponds-
je en lui tendant la peluche.
Elle le prend entre ses mains et caresse son pelage vert fluo.
— Parce que j’en ai envie et que tu as besoin de moi, je répète. C’est assez
simple comme raison ?
Elle semble se perdre dans ses pensées, je sens qu’elle en profite pour
enfiler son armure et me pousser hors de sa vie. Ça ne me plaît pas. J’ai
besoin d’elle. D’un geste égoïste, je repousse une mèche de ses longs
cheveux bruns et caresse sa joue. Elle ferme les yeux, profitant ainsi de cette
minuscule caresse. Ma main libre se pose contre sa nuque et de nouveau, je
l’attire vers moi.
Sa voix n’est qu’un chuchotement contre mon torse. Je ne suis pas près de
la lâcher. J’ai encore besoin de son corps contre le mien.
— Je suis fatiguée.
— Jarred… Merci d’être venu, pour la peluche et pour n’avoir posé aucune
question.
— Je sais que le moment venu, tu m’en parleras. T’en fais pas, je serai là.
— Merci.
Avec mon pouce, j’efface une larme qui s’est échappée de ses paupières.
Elle ferme les yeux et un millier d’autres suivent.
Elle observe le monstre vert aux cornes mauves d’un œil critique puis finit
par annoncer :
— Pourquoi ne pas l’appeler Green ?
— Ah, mais oui ! C’est beaucoup plus original que Peluche, ricané-je.
— Allô ?
— Fais vite.
— Ça va pas ?
— Y a un petit problème.
— Je comprends.
Elle hoche la tête et me sourit. Je m’avance pour déposer un baiser sur son
front.
— S’il n’y a que ça pour te faire plaisir… Dors bien. Je te donne de mes
nouvelles rapidement.
Je vois bien qu’elle n’a pas envie que je parte, mais je n’ai pas le choix. Je
l’embrasse de nouveau, mais cette fois sur la joue. Elle rosit et j’ai droit à un
nouveau sourire. Je quitte rapidement sa chambre avant que toutes mes
bonnes intentions ne s’envolent et que je reste toute la soirée à l’embrasser et
la serrer contre moi.
17
Lou
Je me suis pliée du mieux que je pouvais à leur traitement. J’ai bien vu que
le psychiatre était un coriace et qu’il n’abandonnerait pas aussi facilement
que les autres. Au bout du compte, ça m’a fait du bien de parler à quelqu’un.
Cependant, pour qu’une psychanalyse fonctionne, le sujet se doit d’être à
100 % honnête avec son thérapeute, mais moi, ça, je ne peux pas me le
permettre. Alors comme la faim justifie les moyens et que je souhaitais
ardemment retourner à la maison et reprendre le cours de ma vie, j’ai fait ce
qu’il me demandait. On m’a donc laissé sortir de l’hôpital sous conditions de
bonne conduite et de me présenter à mes rendez-vous avec le docteur
Andrews. En ce moment même, je suis en train d’accomplir cette tâche ardue
qu’ils m’imposent : rendez-vous avec le psychiatre.
Le docteur entre dans la pièce. Il ne ressemble en rien aux docs qui se sont
succédé dans ma vie au cours des dernières années. Ils avaient tous l’air
blasés et fatigués, tandis que lui, ses yeux verts sont vifs et alertes. Dernière
coupe à la mode, cheveux noirs, il a la petite trentaine.
— Ça va.
— Prête à commencer ?
— C’est vrai que le traitement des troubles borderline est assez nébuleux.
Mais je suis plus pour la thérapie que pour la prescription d’antidépresseurs
ou d’antipsychotiques. Votre maladie n’est pas vous et vous devez trouver
l’élément déclencheur.
— Je m’en fous !
— Je sais très bien que vous le savez, vous me semblez assez intelligente
pour faire la part des choses. Cependant, je dirais que vous n’avez pas envie
de voir la vérité en face. Car si vous deviez le faire, ce serait avouer d’où
provient l’élément déclencheur.
La tête posée contre la vitre, je laisse la ville défiler devant mes yeux. On
approche du quartier de Jamie Michelle. Je relève brusquement la tête. Elle
est ma seule chance.
Je dois lui dire quoi au juste ? « Désolée, j’ai merdé… Je suis malade…
mais surtout folle… Pardonnez-moi si je vous ai nui… »
Je hais les vérités… elles font toujours mal. Putain, c’est si douloureux.
— Entre ! Allons sur la terrasse pour discuter, nous serons plus à l’aise.
Jamie revient avec deux grands verres de thé glacé. Je suis contente qu’elle
ne m’ait pas apporté d’alcool.
— Si on veut.
— J’en avais l’intention oui, mais que tu aies pris le temps de venir m’en
parler change la donne.
— Je n’ai pas le temps pour ça. Par contre, je suis heureux de voir que tu
vas mieux.
— Je sais que je n’ai pas été très présent lorsque tu étais à l’hôpital, mais…
— En effet.
— D’accord.
— Ne t’en prends pas à moi. Pourquoi tu agis comme ça avec moi ? Il s’est
passé quoi depuis ma visite à l’hôpital ? J’ai vraiment besoin de savoir !
— Comme tu veux.
Je détourne la tête pour projeter mon regard par la vitre. Des larmes flirtent
avec mes paupières. Mes yeux s’emplissent d’eau et bientôt, des torrents
salés viennent inonder mes joues. Je laisse mes cheveux retomber sur mon
visage afin qu’il ne puisse pas voir ce triste spectacle.
Bon sang ! J’ai voulu mourir et lui, ce qui l’intéresse, c’est de savoir si j’ai
couché avec Tommy !
— Attends-moi Lou…
— Pourquoi tu pleures ?
Je hausse les épaules alors qu’il avance sa main vers mon visage et effleure
mes joues de ses doigts. Je frissonne.
— Ça va aller.
Il recule puis s’en va. J’avance vers l’ascenseur d’un pas lourd, j’aurais
aimé être seule, mais je me trouve avec un couple qui se tripote sans arrêt en
me filant la nausée. Tandis que nous montons les étages, mon angoisse
grimpe en flèche. Dans quelques instants, je vais me retrouver seule et ce sera
difficile de faire face.
Quelqu’un se trouve devant ma porte. Encore une fois. Je sais très bien qui
c’est. Je m’avance vers lui avec l’impression d’avoir du plomb dans les
jambes.
— J’ai toujours flanché, je me suis toujours tournée vers toi, mais cette fois
c’est terminé.
— Ouais, ouais…
Je relève la tête et, comme par magie, les portes d’ascenseur s’ouvrent et
Jarred se matérialise devant mes yeux.
— Le voilà !
— T’en as pas terminé avec moi, Lou ! annonce Tommy avec force.
— Oui…
— Je vois…
— Je crois que ce serait préférable pour tout le monde que l’on prenne nos
distances.
— Lou, nous allons travailler ensemble. Je crois que nous devrions faire
des efforts chacun de notre côté.
— Oh, mais ça, tu l’as déjà dit, mais pour ton information rien ne m’a
encore prouvé que tu n’es pas l’un d’entre eux.
Je n’ai pas envie de jouer au jeu des questions-réponses. Mon seul désir est
qu’il parte. Qu’il me laisse seule et que je puisse me calmer.
— T’es venu pour ça après tout, non ? Pour me dire que ça ne pourra
jamais fonctionner nous deux.
— Je suis venu te dire que nous devons faire comme s’il ne s’était rien
passé. Ensuite, ce sera autre chose. Nous allons travailler ensemble
régulièrement au cours des prochains mois, car je suis l’associé de Jamie et
que je m’occupe de la collection pour femmes.
Il s’avance d’un petit pas vers moi, il est si près à présent que je peux sentir
la chaleur de son corps contre le mien. Je relève les yeux, incertaine, effrayée,
presque paniquée.
— Ça va aller, ma puce.
Il passe ses bras autour de moi et je me retrouve collée à lui, déversant des
torrents de pleurs, mouillant au passage son t-shirt. Il passe sa main dans mes
cheveux et les caresse doucement, ne me lâchant que lorsque mon corps n’est
plus secoué par les sanglots. Je me décolle doucement.
— C’est aussi la chose la plus belle que l’on m’ait dite. Personne ne m’a
jamais parlé ainsi. Ça m’a émue.
— Promis.
Ses mains se posent de chaque côté de mon visage, il essuie les larmes sur
mes joues.
Il ouvre le premier placard et fronce les sourcils. Il fait la même chose avec
le deuxième et le troisième. Puis il se tourne vers moi.
Il fait quelques pas vers la porte, mais je m’avance vers lui et le retiens.
— Et comment tu te sens ?
— Parfaitement bien.
Je mens. C’est même l’un des plus gros mensonges de toute ma vie, car en
ce moment, j’ai l’impression de perdre pied. Je me sens faible, vulnérable.
J’ai la drôle de sensation d’être mise à nu. Il me fixe, me sonde et plus il le
fait, plus je me sens sombrer dans le vide. Il s’avance vers moi, caresse ma
joue du bout des doigts et vient dessiner la forme de mes lèvres.
— Oui. D’accord.
— Je vois que tu ne vas pas bien. Ne joue plus à ça avec moi. T’as pas
besoin de jouer la dure, l’insensible et encore moins la fille intouchable. T’as
le droit de pleurer et de te sentir dépassée, mais t’as plus le droit
d’abandonner.
— Bien sûr que non, lorsque j’aurai joui, j’irai prendre une douche.
— Parce qu’il y a quelques secondes, tu étais la plus belle chose que je n’ai
jamais vue au monde. Tu étais détendue. Tes yeux étaient remplis
d’étincelles. J’ai même cru y voir de l’espoir. Ça m’a plu.
Sans que je n’aie le temps de réagir, je suis soulevée et balancée sur son
épaule comme un vulgaire sac de patates. Je ris tellement que je manque de
m’étouffer. Il me pose doucement sur le lit et se penche sur moi pour
m’embrasser de nouveau. Je passe mes bras autour de son cou et l’attire
contre moi un peu brusquement. Il tombe contre mon corps dans un
grognement rauque, mais je ne le lâche pas pour autant. Je le garde bien collé
contre moi en passant mes jambes autour de ses hanches.
— Jarred ! objecté-je.
Sur ces simples paroles, mon corps s’embrase, sa bouche revient jouer
avec mes seins, mais cette fois, il s’amuse avec mes tétons qu’il mordille et
lèche. Je gémis et me cambre. Il dépose une multitude de baisers sur mon
ventre, descendant lentement vers mon sexe. Je retiens mon souffle lorsqu’il
se stoppe entre mes cuisses qu’il embrasse. Sa barbe de trois jours me
chatouille et me fait frissonner. Je suis proche de l’implosion lorsque sa
langue touche mon clitoris. Je retiens mon souffle.
— Non, c’est moi qui voulais te déshabiller. J’ai tellement rêvé de ton
corps.
— Jarred ! Je voulais…
Ses yeux gris sont vibrants de désir alors que mon sang ne fait qu’un tour
et que mon cœur s’est probablement arrêté de battre en entendant ses paroles.
Sa bouche entre en contact avec la mienne. Je ne résiste plus et murmure
contre ses lèvres :
— En as-tu envie ?
— Oui, murmuré-je.
— Dis-le-moi.
Sans plus attendre, il enlève son boxer et se place entre mes cuisses. Il
embrasse mes seins, mon ventre et remonte doucement vers ma bouche, ne
me lâchant que quelques secondes pour enfiler le préservatif. Je me sens vide
sans ses mains et ses caresses. Je pousse un râle lorsqu’il revient vers moi,
son sexe dans sa main qu’il frotte contre le mien. Il entre en moi doucement
et tranquillement. Je me cambre et rejette la tête en arrière. Il cesse de me
pénétrer immédiatement.
Il s’est passé quoi en quelques heures ? J’ai bu ? Non, je n’ai pas la gueule
de bois…
J’ai dû partir. J’ai apprécié cette soirée. Cependant, je pense que nous
devrions ralentir la cadence. Nous allons travailler ensemble et ce sera
difficile pour tout le monde. Ensuite, je te promets de t’inviter au restaurant
pour reprendre là où nous nous sommes arrêtés. D’ici là, garde la tête haute,
on se revoit bientôt pour le shooting photo.
Jarred »
Allez Lou, t’es capable de gérer. Ce n’est pas si grave. Ce ne sont que
quelques semaines…
— Allô ?
— C’est moi.
— D’accord.
— Je sais, mens-je.
— T’es bête !
— Lou. Respire. Je sais que tu n’aimes pas ce que je dis, mais je sais aussi
que quelque part, tu comprends.
— OK. Merci.
Je n’ai pas à patienter bien longtemps avant qu’un taxi se gare devant
l’immeuble. Je grimpe à l’intérieur et donne l’adresse de mon meilleur ami.
Je profite du trajet pour tenter de faire le vide dans ma tête, mais la pagaille y
règne toujours. Je me sens trahie qu’il ne soit pas resté et coupable d’avoir
tout saccagé dans ma chambre. Une fois arrivée, je ne sais plus ce que je
viens faire ici. J’ai presque envie de demander au chauffeur de refaire le
chemin en sens inverse pour me ramener à la maison. Cependant, je paie la
course et entre chez Ethan avec la clé qu’il m’a donnée. L’entrée donne sur le
salon, la pièce est plongée dans le noir, je cherche à tâtons l’interrupteur
lorsqu’une personne entre dans la pièce.
— Ethan ?
Son rire me donne froid dans le dos. Je suis prise d’une envie de foutre le
camp tant il me fait peur. Je me redresse pour lui tenir tête, chose peu facile.
— Ne rêve pas.
— Tu crois ?
Je tente de le repousser, mais il est beaucoup plus fort que moi et il les
attrape mes poignets pour les maintenir au-dessus de ma tête. De sa main
libre, il relève mon menton et baisse la tête pour m’embrasser. Je me
contorsionne du mieux que je peux pour lui échapper, en vain.
Instinctivement, je lui mords la lèvre et ne la lâche qu’au moment où il
saigne. Il se décolle de moi, le regard noir de colère. Une gifle bien sentie
vient s’abattre sur ma joue, créant un bourdonnement intense dans mes
oreilles.
— Petite salope !
La tête m’élance et me fait mal. Il pose sa main sur mon épaule et enfonce
ses doigts dans ma peau.
Il s’approche de moi, je sens son haleine chargée d’alcool sur mon visage.
Mes mains à plat sur son torse, je tente de le repousser, mais il est trop fort.
Bon sang ! Je ne veux pas revivre ce moment ! De nouveau, il attrape mes
mains et les maintient au-dessus de ma tête.
Je n’écoute pas ses injures et prends mes jambes à mon cou. Je cours
comme une dératée pendant plus de dix minutes. Mes pensées s’emmêlent, je
ne suis plus sûre de rien. Je sens encore ses mains sur mon ventre descendant
jusqu’à mon sexe. C’est toujours ainsi qu’il commence. Sans préliminaires,
me traitant d’allumeuse et me murmurant d’en parler à qui je veux, personne
ne croira une fille comme moi. Je sens encore ses yeux d’un bleu presque
translucide me déshabiller du regard. Dustin. Dustin. Soudainement, ils
prennent une teinte marron foncé et mes jambes se bloquent, refusant
d’avancer.
Tommy. Tommy.
D’un coup, mes genoux se dérobent sous mon poids. Tout comme mon
cerveau qui ne peut plus rien supporter. Je respire si fort que ma poitrine se
soulève à un rythme effréné. Je dois trouver un moyen de… de… Je ne sais
même plus de quoi… Tommy… Sa voix claque dans ma tête comme un
fouet. Je souffle, une fois, deux fois, trois fois, puis mon cri transperce la
nuit. Je suis dans un état second. Je relève la tête et scrute l’horizon. Je suis
dans un parc.
Mon regard se pose sur ce qu’il y a autour de moi. Des arbres et des bancs.
Rien qui ne m’indique où je me trouve.
Je me redresse sur mes bras tremblants, ils flanchent sous mon poids et je
me tombe dans l’herbe humide. Comme une révélation, je me rappelle que
j’étais chez Ethan et que le seul parc aux alentours de son appartement est le
Moore Park.
Je vais gerber…
Je me penche, mais rien ne sort. Je me rappelle alors que je n’ai rien mangé
de la journée. J’étais supposée manger, mais en fin de compte, Jarred et
moi…
J’attrape mon téléphone dans mon sac à main. J’en suis même à me
demander comment j’ai pu me le trimbaler tout ce temps sans m’en rendre
compte. J’aurais dû frapper Tommy avec. La peur laisse place à une colère
que je ne contrôle plus du tout.
Je respire longuement, une fois, deux fois, trois fois. Puis mes épaules
s’affaissent et les sanglots reprennent. Je dois parler à Jarred le plus
rapidement possible. Je déverrouille mon téléphone et compose son numéro.
Il répond à la troisième sonnerie d’une voix endormie.
— Oui ?
— Lou ? Ça va ? Tu pleures ?
— Moore Park.
— Oui.
— Oui.
— Oui ma belle.
Je raccroche sans plus un mot. Le fait qu’il ne m’ait pas posé de questions
et qu’il vienne aussi rapidement me réchauffe le cœur. Je peux compter sur
lui. Je remonte mes genoux sous mon menton et enserre mes jambes avec
mes bras. Dix minutes… Je peux attendre dix minutes… Je fixe l’arbre en
face de moi et compte les secondes…
20
Lou
Malgré mon moment de lucidité, je tente de ne pas réfléchir à ce qu’il vient
d’arriver. Une fois calmée, j’ai bien vite abandonné ma technique de compter
les secondes. Je scrute plutôt l’horizon à la recherche de quelque chose sur
quoi je pourrais porter mon attention, mais je ne trouve rien. Rien du tout.
Pourquoi Ethan n’habite-t-il pas dans un quartier qui bouge plus ? Ah ouais !
Pour que je ne me fasse pas agresser lorsque je vais chez lui à 03 heures du
matin.
Bon sang. Sait-il que la menace qui rode est parfois dans notre propre
maison ?
Non, non. Il ne sait rien. Il n’a conscience de rien. Je devrais l’appeler pour
lui raconter ce qui s’est passé. Je souffle, je lui dois la vérité, et ce même s’il
est en colère contre moi. C’est lui qui me pousse à me prendre en main et à
m’ouvrir à lui. D’une main tremblante, je compose son numéro de téléphone.
— Ouais. Tommy m’a dit que t’as débarqué et tu lui as fait des avances. Il
a fini par flancher et tu l’as mordu et griffé au visage.
— J’en ai marre Lou. Ressaisis-toi un peu… La vie n’est pas faite que de
caprices.
— Je crois que là, c’est toi qui nous laisses tomber, déclare-t-il en
raccrochant.
Il ne me croit pas, tout comme ma mère ne m’a pas crue lorsque je lui ai dit
pour Dustin. Je secoue la tête pour chasser ces pensées destructrices. Une
voiture se gare à l’entrée du parc, je ne peux m’empêcher de frémir de terreur
que l’on me fasse de nouveau mal. J’ai l’impression que mon esprit, mon âme
et mon corps tout entier sont à vif, n’importe qui pourrait me blesser. Puis
j’aperçois Jarred sortir de la voiture et venir vers moi. Propulsée par le besoin
qu’il me serre contre lui, je me lève d’un bond et m’élance vers lui. Je cours
si rapidement que lorsque j’arrive près de lui, il n’a le temps que d’ouvrir ses
bras pour me retenir tandis que je m’écroule.
— J’ai une chambre d’ami si jamais tu ne veux pas dormir dans le même
lit que moi…
— Je… Je…
Je tente de lui sourire, mais c’est quasi impossible. Je sais bien que son
geste se veut réconfortant, mais ça me fait monter la bile à la gorge. Je serre
les lèvres, persuadée que ça va bientôt arriver.
— Oui, allons-y.
Le silence dans l’habitacle met mes nerfs à vif. Je me penche vers l’avant
et tente de respirer, mais c’est de plus en plus difficile.
— Lou ? Ça va ?
— Le silence, ça me tue…
— Ouais.
— Où sommes-nous ?
— Tais-toi, veux-tu ?
Il met son clignotant à droite puis s’engage dans une rue déserte avant de
tourner dans une allée parfaitement pavée que nous remontons tranquillement
jusqu’à une grosse maison typique de Miami.
Il me conduit à l’intérieur, tout est magnifique et décoré avec goût dans des
tons blanc et noir, avec quelques légères touches de couleur par-ci par-là. Je
suis éblouie, il doit penser que mon appartement manque de vie en
comparaison de cet endroit.
— Toi et elle ?
— Jamie est comme ma grande sœur. Elle a toujours été là pour moi…
Il attrape mon menton entre son pouce et son index et m’oblige à relever la
tête. Le soleil se lève à peine, apportant une lumière nouvelle. Il touche ma
joue à l’endroit exact où Tommy m’a frappée. Je grimace de douleur, je suis
persuadée que je vais avoir une ecchymose sur le visage.
— Je… rien…
Les forces me manquent ; épuisée, je relève la tête. Ses yeux gris acier me
sondent jusqu’au plus profond de mon âme. Cependant, ce que j’y vois
m’interpelle. Il y a tant de tendresse qu’il est impossible pour moi de ne rien
lui dire. Ce que je vois me persuade que lui va me croire. Mon cœur se serre
et je ne peux m’empêcher de lever la main pour caresser sa joue.
Il noue ses doigts aux miens et m’entraîne dans la pièce voisine. Je prends
place sur un tabouret autour de l’îlot, le regarde mettre du café dans le
percolateur qu’il met en marche avant de se tourner vers moi.
— Alors Lou ?
— J’en sais rien… après avoir fait ça, je t’ai appelé… ça m’a encore plus
fait culpabiliser. Je me sentais totalement idiote d’avoir réagi ainsi. Surtout
avec la façon dont tu m’avais parlé. Tu es si doux, si prévenant avec moi. Je
m’en voulais, j’étais incapable de rester seule dans mon appartement, j’avais
prévu d’aller dormir sur le divan d’Ethan.
— Sucre et lait ?
— Non merci.
— Et ensuite ?
— Quand je suis arrivée chez Ethan, Tommy m’a entendue et il est venu
me trouver. Il m’a fait des avances que j’ai tenté de repousser, mais il est
beaucoup plus fort que moi. Alors, il m’a frappée. Il aurait pu… tu sais…
mais je l’ai mordu, frappé et griffé.
Il revient vers moi et prend mon visage en coupe. Je ne sais pas si j’en suis
soulagée, mais il pose son front contre le mien.
— Ma chérie, c’est aussi à moi que j’en veux d’avoir laissé ce mot.
J’aurais dû te réveiller et t’expliquer. Je m’excuse, ça t’aurait évité bien des
peines.
— T’en fais pas pour moi. J’ai déjà vécu bien pire, tu sais.
— Lou, c’est insensé de dire ça. Ce mec aurait pu abuser de toi… C’est…
c’est…
Il cherche ses mots, mais ce qu’il ne sait pas, c’est que, cette fois, je ne me
serais pas laissée faire.
À cette pensée, mon corps se met à trembler. Je ferme les yeux, car je me
sens emportée dans un abyme sans fin. Je me force à garder la tête froide et
une respiration régulière. Cependant, ça ne fonctionne pas. Si les bras de
Jarred m’ont réconfortée il y a quelques minutes, maintenant c’est tout le
contraire, ils m’étouffent et m’empêchent de rester lucide. Je le repousse
vivement et me dirige vers le salon d’un pas pressé. Je dois absolument
mettre de la distance entre nous.
— Je… Tu…
Je lève les yeux vers lui. Une boule dans mon ventre me tord les entrailles.
Il caresse ma paume avec son pouce.
— J’ai eu des formes rapidement et plus je vieillissais, plus son regard sur
moi changeait. Il devenait plus insistant. Quand j’ai eu quinze ans, il est venu
dans ma chambre et m’a obligée à le toucher. Il n’y a jamais eu pénétration,
mais c’était tout aussi horrible de le toucher. Quand j’en ai parlé à maman,
encore une fois, elle a préféré le croire lui plutôt que moi. Ça m’a détruite…
— Ce que tu as vécu est horrible. Je n’ai pas de mot pour dire à quel point
je suis désolé pour toi.
— Lou, ton ami est blessé. Je crois qu’il t’aime bien et qu’en ce moment, il
voit que tu t’éloignes de lui. Il reviendra.
— J’espère que tu as raison.
— J’ai toujours raison, tu sais. Je crois aussi que tu devrais en parler à ton
psychiatre.
— Je… je…
— Oui.
— Je ne sais pas, mon téléphone est dans mon sac à main qui est resté au
salon.
— T’es magnifique Lou. J’ai jamais vu une femme aussi belle que toi.
— Lou…
— En public, nous allons nous comporter comme des amis, c’est ça que tu
veux dire ?
— Dis oui.
Il relève la tête et m’implore du regard.
Personne avant lui n’a eu besoin de moi. Son regard me sonde et se visse
dans le mien. Avec les plus belles intentions du monde, je lui réponds :
Je ne réponds pas et lui souris. Je prends son pénis entre mes doigts. Il est
long et dur, et je mouille juste à le toucher. Je fais de lents mouvements de
va-et-vient le long de sa hampe. Je descends la tête vers sa queue et me lèche
les lèvres en lui lançant un regard lubrique. Il ne me lâche pas des yeux, il
semble hypnotisé par le plaisir. Je pose mes lèvres contre son gland humide
et prends sa queue dans ma bouche. Ses doigts entrent dans mes cheveux et
s’y agrippent pendant que je le suce. Il gémit, se cambre, faisant entrer mon
sexe plus profondément dans ma gorge.
— Jarred ! Non !
— Laisse-toi faire.
Je le savonne comme il l’a fait pour moi, touchant sa peau du bout des
doigts. Il est magnifique, sa peau est tendue sur ses muscles. Je pourrais
passer des heures à le toucher ainsi.
— Oui.
Je relève la tête et lui souris. Ses yeux acier sont vissés dans les miens. Du
revers de la main, il me caresse la joue.
Tu sais que lorsqu’il s’éveillera, vous devrez agir comme si vous n’étiez
que des amis.
Oui, j’en ai conscience, mais nous n’avons pas le choix. Je ne veux pas
compromettre son travail. J’ai les meilleures intentions du monde, mais
parfois, j’ai du mal à me contrôler.
Tu sais que j’ai raison. Un jour, il te dira qu’il n’a pas envie d’être avec
quelqu’un comme toi…
S’il te plaît…
T’as besoin d’une piqûre de rappel ? Il t’a baisée simplement parce qu’il
avait pitié de toi. T’es tombée dans le panneau comme une débutante…
Bravo ! Tu te rappelles ce qu’il est arrivé la dernière fois que tu as aimé un
mec ?
« Coucou Jarred,
Tu semblais fatigué, je suis donc rentrée chez moi pour ne pas te déranger
et aussi parce que je n’avais pas envie de vivre un au revoir. Tu me manques
déjà. Passe-moi un coup de fil en soirée si le cœur t’en dit.
Je t’embrasse.
Lou »
Je laisse mon mot sur l’îlot et me dirige vers l’entrée. J’enfile mes
chaussures et attrape mon sac à main. Une fois à l’extérieur, la chaleur
m’étouffe un moment. Je sors mon téléphone de mon sac et consulte mes
messages. J’en ai une dizaine d’Ethan.
Une voiture se dirige vers moi et j’avance sans y porter trop attention, bien
trop prise par les messages de mon meilleur ami. La portière claque.
— Lou ?
— J’ai rencontré plus balaise que moi. C’est pour ça que je suis ici, Jarred
est venu me chercher, j’ai dormi... Je... Je... Ne me mets pas à la porte.
Elle rit légèrement et attrape mon menton entre son pouce et son index
pour examiner ma joue.
— T’en fais pas. J’ai entièrement confiance en Jarred, dit-elle. Mais aussi
en toi, ajoute-t-elle après un moment. Par contre, j’aimerais vraiment savoir
qui t’a fait ça.
Je ne dirais pas qu’elle est satisfaite de ma réponse, mais elle hoche la tête
avec un petit sourire.
— Ouais.
— J’ai su que tu avais perdu tes autres contrats. J’en suis désolée.
— La pitié n’est pas quelque chose de mal, tu sais. Ça ne veut pas dire que
je pense que tu es faible. Ça veut seulement dire que ta situation me touche.
Tu ne dois pas mélanger ça avec de l’apitoiement. Jamais je ne te regarderai
t’apitoyer sur ton sort.
Elle se tait, me laissant méditer ses paroles. Elle a raison, j’ai longtemps
mélangé pitié et apitoiement.
— T’es forte Lou. Ne doute jamais de toi. Tu n’es pas le genre de nana à se
morfondre dans un coin.
— Merci Jamie.
— Ça ne te regarde pas.
— Tu veux quoi ?
— Avant, il n’y avait personne qui comptait dans nos vies. C’était nous
deux contre le reste du monde, tu te rappelles ?
Je souris à cette pensée. Il a raison. Ça n’a toujours été que nous deux.
— Ouais.
Jarred et moi ne sommes qu’amis pour l’instant… Cette pensée me tord les
entrailles et réduit mon cœur en miettes. Immédiatement, je ressens le besoin
de l’appeler pour lui faire part de ce qui m’arrive et de comment je me sens.
— Lou… Je…
Il ne dit rien, mais il avance sa tête vers moi et pose ses lèvres contre les
miennes. Il m’embrasse passionnément, tendrement sans jamais lâcher ma
main.
— T’es belle, tu me rends fou. T’es douce, j’ai toujours envie de toi. Tu
m’as retourné le cerveau, murmure-t-il contre mes lèvres.
Il fait quoi là ?
— Tu n’étais plus là. Il n’y avait qu’un mot. J’étais en colère. Je m’excuse.
Je suis dépitée, certaine qu’il ne voudra plus jamais me voir. Qui pourrait
bien vouloir de moi ? Je suis folle. Complètement marteau. Il semble réfléchir
et probablement se demande-t-il comment il va pouvoir se débarrasser de moi
sans trop d’encombres.
Il quitte mon appartement comme une flèche tandis que moi, je vis les cinq
pires minutes de ma vie. Je m’applique à compter chacune des secondes,
mais ça me semble toujours aussi interminable. Je me lève après six minutes
et vais à ma chambre, armée du balai que j’avais posé tout près de la porte ; je
commence à ramasser les dégâts de la tornade. De grosses larmes roulent sur
mes joues, je ne suis plus capable de les contenir. Je m’assieds à même le sol.
Je l’ai perdu, j’en suis certaine. Je l’ai perdu… Il a vu le monstre que j’étais
et il ne peut pas le supporter...
— Lou ? Tu pleures ?
Il s’avance vers moi et prend mon visage entre ses mains, s’appliquant
ensuite à sécher les quelques gouttes de souffrance qui perlent encore,
déposant un baiser ici et là sur mon front ou mes joues.
Je hoche la tête.
— Ça va mieux ?
— C’est quoi ? demandé-je en fronçant les sourcils devant son poing fermé
et tendu dans le vide.
— Ce n’est pas super glamour, mais je crois que ça peut t’aider. C’est
quelque chose qui compte beaucoup pour moi.
— C’est quoi ?
Je hoche la tête alors qu’il m’attrape par les épaules pour me faire pivoter.
Il passe le bijou autour de mon cou et dépose un baiser sur mon lobe
d’oreille.
— À droite, c’est Sloane. Elle est plus extravertie que Sunshine. Je les
aime beaucoup et elles me manquent. Je crois qu’elles ne comprennent pas
pourquoi je refuse catégoriquement de retourner à la maison.
— Merci. Elles n’ont pas plus de onze ans sur la photo, maintenant, elles
doivent en avoir treize.
Il passe son bras autour de mes épaules et m’attire contre lui. Il pose un
baiser sur mes cheveux.
— Ça pourrait être une idée, mais je n’ai pas envie que tu fasses ça toute
seule. T’es bien capable de dormir pendant deux mois sur le divan pour ne
pas voir le bordel que tu as causé.
Mon téléphone sonne. Je lève les yeux vers Jarred qui me sourit.
— C’est Ethan, expliqué-je en regardant le nom sur l’écran.
Sa voix est dure et je refuse de croire que c’est par jalousie. Je lui touche le
bras.
— Je vais être honnête avec toi, ce mec ne mérite pas ton amitié, ni que tu
sois dans sa vie. Je te connais peu certes, mais assez pour savoir qu’il y a une
raison pour laquelle tu le gardes.
J’éclate de rire sans pouvoir m’arrêter. Lui pose ses poings sur ses hanches
et me regarde toujours aussi amusé. Je me tape sur la cuisse tant ce qu’il dit
me faire rire.
— Ça existe ce film ?
— Allô ?
— Ouais, ça va et toi ?
Envisager de perdre une seule minute de mon temps avec Jarred me tord
les entrailles.
— Invite ton mec si tu le souhaites. Je m’en fous. Je veux que tu sois là.
— À demain, Lou.
Je raccroche et me tourne vers Jarred avec mon plus beau sourire. Il plisse
les yeux lorsque je me mets ostensiblement à battre des cils.
— Quoi ?
— Oh. Ne me dis pas que tu as envie de cuisiner pour moi. Attends… Oh.
Aucun risque vu que tes placards sont vides.
— Tu crois que tu aurais envie de venir dîner avec moi, Monsieur Ethan et
sa nouvelle chérie ?
— Non, j’en ai pas envie, mais pour toi, je peux le faire. Cependant, on va
devoir agir comme des amis.
— Tu dors ici ?
Ma voix est minuscule, j’ai peur qu’il veuille partir. Ce serait légitime, car
il a sa propre maison qui est beaucoup plus belle que mon appartement, mais
surtout, qui n’a pas été saccagée par une folle furieuse.
— Pourquoi voudrais-tu rester ici alors que chez toi, c’est cent fois, même
mille fois plus beau que chez moi ?
— Moi, je vais savoir qu’il est là, et chaque fois que je te ferai l’amour
dans ce lit, je ne penserai qu’à ce trou.
Il s’avance vers moi et pose ses mains sur mes hanches pour m’attirer vers
lui.
— Une jeune femme qui n’avait pas envie d’être dans cette soirée, mais
qui se pliait aux exigences de son manager. Il se dégageait de toi un truc que
j’ai rarement vu chez une femme.
— De la folie…
— J’aime bien l’adage, mieux vaut être seul que mal accompagné.
— Je sais que c’est difficile pour toi d’envisager ça sous cet angle, mais
oui, je crois sincèrement que ça peut fonctionner…
— T’as pas peur que je tombe et que je fracasse tout sur mon passage ?
— I believe I can fly. I believe I can touch the sky. I think about it every
nights and days. Spread my wings and fly away !
— Tu chantes R. Kelly ?
— Tu connais ce chanteur, mais tu ne connais pas les Social D. Sacrilège !
Il entame le refrain dans un rythme un peu plus soutenu, avec une voix
beaucoup plus rauque et en imitant tous les instruments. Un moment, c’est la
guitare, l’autre la batterie et quelques secondes plus tard la basse. Quand son
spectacle prend fin, il me fait une petite révérence.
Il m’attire contre lui et du bout des doigts, il repousse les cheveux qui me
tombent devant les yeux.
— T’as conscience que moi aussi, Lou ? Tu sais qu’il n’y a plus de retour
en arrière possible ?
Je l’agrippe par le col de son t-shirt et l’entraîne dans le salon. Il plisse les
yeux, amusé par ma démarche. Lorsque je le pousse sur le canapé et que je
me place à califourchon sur lui en enlevant mon t-shirt, il se mord la lèvre.
Un petit geste que je trouve excitant.
— Tu attends quelqu’un ?
— Oh, mais t’es pas Lou, toi ! T’es le petit merdeux qui est toujours collé
à son cul.
Jarred lui claque la porte au nez. Tommy rugit depuis le couloir et puis
plus rien. Jarred se tourne vers moi et m’ouvre les bras ; sans plus attendre, je
cours me réfugier contre lui. Il me tient serrée un long moment.
— Moi aussi.
— T’as géré.
Ce matin, avant de retourner chez lui, Jarred m’a fait remarquer que nous
deux, ça devenait rapidement sérieux. Je me suis contentée de sourire comme
une idiote. Il n’a rien ajouté, je sais aussi que de sa bouche, ce n’était pas une
remarque désobligeante. Je mets un short en jean avec un haut couleur pêche.
Je démêle ma tignasse brune et entreprends de la sécher. Une fois cela fait, je
me fais une queue de cheval haute et termine avec un peu de mascara.
— C’est la tienne.
— Ouais, mais nous savons tous les deux que celle que tu avais repose
désormais en paix. J’ai même acheté du papier bulle pour la protéger. Tu sais,
au cas où une autre tornade réapparaîtrait.
— Pourquoi pas ?
Il rigole et moi, je fronce les sourcils et lui arrache la lampe des mains pour
me diriger rapidement vers ma chambre en le plantant là.
Je grogne, tandis que lui se marre bien. J’enlève mon short et mon haut,
puis revêts les vêtements qu’il a choisis pour moi. Je dois avouer qu’avec les
accessoires, ça en jette.
C’est la première fois que je prononce ces mots-là sans penser que je
mérite d’être enfermée dans un asile pour aliénés.
Je me retourne vers lui, pose une main sur son torse et le pousse contre le
mur. Ses doigts s’enfoncent dans la peau de mes hanches, alors qu’il m’attire
contre lui. Mes lèvres s’emparent des siennes, ma langue cherche la sienne.
Un grognement sourd s’échappe de sa bouche tandis qu’il se met à embrasser
ma mâchoire et suivre sa courbe jusqu’à mon lobe d’oreille. Son souffle
chaud court sur ma peau et rend mes jambes molles à un point tel que je dois
passer mes bras autour de son cou pour ne pas m’écrouler sur le sol.
— Je pourrais t’arracher ce slim qui te fait un des plus beaux culs que je
n’ai jamais vu, te soulever et te baiser à même le comptoir de la cuisine.
Il enfonce ses doigts si fort dans ma peau que je pousse un cri. La tête
enfouie entre mes seins, il grogne en me maintenant brutalement contre lui.
Il relève la tête vers moi avec un petit sourire amusé, puis il me lâche. Par
chance, je suis accrochée à son cou, car je vacille un petit moment.
— Nous ?
— Toi aussi mon grand, dis-je en passant ma main sur le renflement de son
pantalon.
C’était intentionnel ?
— Ce n’est pas ça, je n’aime pas qu’on joue avec moi, grogné-je.
Je lui en fais la promesse en attrapant mon sac à main pour sortir de chez
moi. Cependant, Jarred reste là, à me fixer, les bras de chaque côté du corps,
un petit sourire sur son visage.
— Je conclus toujours…
— Quoi ? Moi ? C’est toi qui m’as sautée dessus comme une bête assoiffée
de sexe, Jarred.
Jarred gare sa voiture sur le parking. Je n’ose pas le regarder, car je sais
très bien ce qu’il pense. Je le sens me fixer avec un sourire qui doit lui fendre
le visage en deux.
— Allez, dis-le.
Je tourne la tête vers lui, puis pousse un soupir en voyant ses yeux gris sur
moi. Il se penche et s’empare de mes lèvres.
Je pose ma main sur sa queue qui, elle, semble approuver mon idée. Il me
défie du regard, m’intimant de ne pas continuer, mais je ne l’écoute pas et
continue ma pression sur son sexe qui ne demande qu’à participer.
— Q-q-q-uoi ?
Il se penche vers moi, pose un baiser sur ma joue et prend ma main dans la
sienne.
— T’es tentante, bandante, t’es belle et le pire, c’est que tu le sais.
— Sans prétention, je suis jolie, oui. Cependant, je n’ai jamais pensé que tu
me dirais de telles choses.
— Non, non. Pas du tout, je pensais juste que tu étais un peu plus…
propret.
Ses yeux prennent une lueur amusée tandis qu’il éclate de rire si fort qu’il
se penche en avant pour se tenir les côtes.
— Il se passe quoi ?
Je ne sais pas…
Il y cherche quoi ?
— Lou, je n’ai pas peur que tu me fasses la gueule pendant des heures pour
une petite chose que je vais dire de travers. Je ne suis pas parfait, loin de là.
Cependant, je ne suis pas le dernier des tarés que tu as fréquentés. Par contre,
je m’excuse si tu as trouvé un peu rude ma façon de te dire que je n’ai jamais
vu de femme plus sexy que toi en ce moment.
Je lève les yeux vers lui, il recommence son putain de manège à me sonder
l’âme. Cette fois, je ne me dérobe pas, je le laisse faire.
Je détourne la tête en poussant un soupir. Le dire à voix haute est bien pire
que de me l’avouer mentalement.
Ses épaules s’affaissent, son regard ne me lâche pas une seule seconde. Ses
yeux se moquent de moi, mais au moins, il n’a pas éclaté de rire.
— J’ai peur moi aussi, mais je sais que ça va fonctionner. T’es magnifique,
rayonnante et attachante. T’en as même pas conscience. Ça me rend encore
plus fou de toi.
Je ne connais aucune fille qui ne serait pas attendrie par ce qu’il vient de
dire.
— Salut.
Mon humeur devient de plus en plus massacrante. À un point tel que j’ai
l’impression que mon visage va craquer tant je me force à sourire.
— Moi de même.
Vraiment ?
Va te faire voir.
Sa voix est beaucoup trop enjouée et ça me porte sur les nerfs. J’ai envie
de lui faire avaler son menu.
Je fais celle qui n’a pas entendu et me contente d’attraper la bière que la
serveuse vient de poser devant moi. J’en bois une longue gorgée.
— Veuillez nous excuser.
— Il se passe quoi ?
— T’arrêtes pas de me dire les plus belles choses que je n’ai jamais
entendues et ensuite tu balances « Je suis euh… un ami de Lou », m’écrié-je
d’une voix aiguë.
— Ce serait honnête.
— Je fais plus que t’apprécier, mais pour l’instant, nous ne pouvons pas
être ensemble. Nous en avons discuté Lou, ne gâchons pas tout. Je t’en prie.
Ses mains sur ma peau me brûlent, je recule de plusieurs pas jusqu’à buter
contre le mur.
— Non. Ne réagis pas comme ça. Tu savais que ça se passerait comme ça.
Je détourne la tête.
— J’ai stupidement cru qu’après ce que nous avions vécu, les choses
seraient différentes.
— Non. Tu me plais, n’en doute pas, mais pour le bien de tous, nous ne
devons pas nous afficher. Tu sais que c’est la bonne décision.
— Qui va te ramener ?
Après notre retour à la maison, nous étions tous les deux épuisés.
Rapidement, nous nous sommes mis au lit. Encore une fois, elle était comme
perdue, elle m’a demandé pourquoi j’étais toujours là. Ou encore, si je
comptais la sauver. Je ne sais pas combien de fois je vais devoir le lui répéter,
mais je l’ai fait, sans broncher. Je ne sais pas si ça l’a soulagée, mais elle a
fini par me sourire et a semblé se détendre un peu.
Le corps nu de Lou est collé contre le mien. Je sors du lit, elle grogne et
roule sur le dos. Avec précaution, je remonte la couverture sur son corps. Elle
ouvre doucement les yeux.
Elle me semble aussi endormie que sa voix peut l’être. Je ne peux que lui
offrir un petit sourire.
— Merci d’être resté cette nuit et désolée de mon comportement pour hier.
Génial…
— Pas parce que je l’aime d’amour, il est un ami, un pilier, mais j’ai un
peu peur qu’il n’ait plus de temps pour moi. J’ai peur qu’il ne veuille plus
être mon ami. J’ai eu l’impression que cette fille, bien qu’elle soit adorable,
allait prendre ma place. Ça m’a fait peur, Ethan sait tout de moi.
— Je comprends que ça peut te faire peur, mais tu sais, il doit faire sa vie.
Elle a raison, Carla est d’une beauté naturelle, blonde, avec de grands yeux
verts. Elle est aussi adorable et discute de tout sans aucune gêne.
Je lui ouvre les bras. En resserrant la couverture autour de son corps, elle
vient se blottir contre moi.
— T’es super avec moi tout le temps, alors que je suis une vraie peste…
— Tu sais Lou, tous les couples ont des problèmes au début. On doit
apprendre à se connaître et à trouver notre équilibre. On va y parvenir, car j’ai
confiance en nous.
— Pourquoi tu réussis toujours à me rassurer ?
Elle me pousse et relève la tête vers moi. Ses grands yeux noisette se
vissent dans les miens. Elle me sonde, je sais ce qu’elle cherche. Elle veut
savoir pourquoi je suis toujours là. En fait, je ne le sais pas moi-même. Y a-t-
il une part de Sidney que je vois en elle ? Ai-je envie de la sauver, car je n’ai
pas pu le faire avec Sid ? Cependant, même si cette dernière est dans chaque
parcelle de ma relation avec Lou, j’ai de réels sentiments pour elle. Comment
réagirait-elle si elle apprenait mon passé pas très glorieux avec mon ex ?
Probablement qu’elle me ferait pendre par les couilles et qu’elle me haïrait.
Que se passerait-il si je lui en parlais maintenant ? Je n’ose même pas y
penser…
Elle me pose cette question avec une hésitation non dissimulée. Voilà, une
différence entre Sid et Lou : Sidney arrivait à cacher ses sentiments, au
contraire de Lou qui est un vrai livre ouvert.
— Je devrais être payée pour entendre toutes les âneries que tu débites.
Du plat de la main, elle caresse mon torse nu. Mon corps est parcouru d’un
frisson.
Prenant son menton entre mon pouce et mon index, je relève son visage et
pose mes lèvres contre les siennes. Ses bras se crochètent autour de mon cou
et son corps se colle au mien. Incapable de résister, je la soulève et l’assieds
sur mes cuisses.
Je me relève et vois bien que Lou s’est endormie. J’aurais aimé discuter de
tout ça avec elle. J’aurais voulu qu’elle me donne son point de vue. Je
remonte la couverture sur elle et dépose un baiser sur son front. Je sors du lit
et enfile rapidement mes vêtements. Une fois mon téléphone en main, je lui
adresse la parole.
Elle se dresse sur la pointe des pieds et pose délicatement ses lèvres sur les
miennes.
Je prends son visage entre mes mains, un sourire se dessine sur mes lèvres.
Elle m’attrape par les épaules, me fait tourner face à la porte qu’elle ouvre
et avant de pouvoir répliquer, elle me claque une fesse en me souhaitant une
bonne journée. J’éclate de rire et lui souris avant de m’avancer vers
l’ascenseur. Elle siffle dans mon dos, je me retourne et vois bien qu’elle me
mate.
— Hey beau gosse, rapporte le dîner ce soir en même temps que ton joli
cul.
Elle rigole et retourne dans son appartement. Amusé par cet échange, je
presse le bouton de l’ascenseur.
**
— J’ai pas trop le choix, mon associé a flanché pour les beaux yeux de
notre égérie.
— Ouais. J’en suis pas mal fière, mais n’esquive pas ma question.
Elle se lève et vient vers moi avec le même regard bienveillant qu’elle a
toujours à mon égard.
— Jarred, je ne veux pas te faire la morale, mais j’ai peur que tu te fasses
du mal.
— Je sais ce que je fais, t’en fais pas. Et puis, je croyais que tu appréciais
Lou.
— Elle n’est pas Sidney, elle n’a pas besoin d’être sauvée…
J’ai envie de lui dire que ça ne la regarde pas, mais lorsque je pose mes
yeux sur elle, je me rappelle qu’elle n’est pas le type de nana à fourrer son
nez dans la vie des autres. Ma fureur redescend aussitôt.
— T’en fais pas Jamie. Je suis conscient des risques, tout comme Lou.
T’en fais pas non plus pour la collection, rien ne sera gâché à cause de ce que
nous vivons.
— Je sais. Je tiens à faire ça dans les règles et là, ce n’est pas le bon
moment. Elle n’est pas prête…
Jamie met sa main sur mon bras et me sourit, comme elle l’a toujours fait.
Bon. OK. Tu vas pas y passer toute la nuit. Soit tu regardes, soit tu
cherches Lou…
Je me retourne face à l’îlot et ramasse les sacs qui y traînent encore pour
les mettre à la poubelle. J’ai l’impression que le placard devient de plus en
plus imposant, il prend aussi beaucoup de place dans ma tête. La curiosité me
gagne et je peine à contrôler mon envie de vérifier.
Et puis merde…
Comme un con, je me lance sur les autres, les ouvrant un à un. Rien.
Cependant, je suis triste de réaliser que « rien » est vraiment le mot qui
convient. Il n’y a rien… Quelques verres, assiettes et ustensiles. Un ou deux
poêlons, sans plus. Je l’avais bien remarqué lorsque je lui ai fait à déjeuner,
mais je n’avais jamais capté à quel point c’était inquiétant. Mon regard court
sur les murs, aucune photo, aucune couleur ou décoration. J’ouvre le placard
sous l’évier, il y a bien quelques produits nettoyants, mais seulement le strict
minimum.
D’un pas traînant, je passe de pièce en pièce, cherchant des preuves que
Lou habite bien ici. J’ai l’impression d’être dans un appartement de luxe sans
vie. Cette soudaine réflexion me fait peur. Elle m’a dit quoi déjà sur sa
maladie ? Je ne me rappelle plus.
— Pourquoi ?
Elle roule sur le côté et me fait face. Nous sommes tous les deux étendus
dans le lit, son visage est si près du mien que je dois me faire violence pour
ne pas l’embrasser sur-le-champ.
— C’est ce que j’allais faire quand Tommy s’est fait un peu trop
entreprenant…
— Mais non, je n’y suis pas retournée. Ethan est de plus en plus distant
avec moi.
— Tu sais que tu as les plus beaux yeux que je n’ai jamais vus ? lance-t-
elle.
J’adore lorsqu’elle me taquine comme ça. Mes doigts courent dans son
dos. Le fin tissu de sa nuisette provoque en moi de drôles de sensations et me
file une érection de la mort. Ma queue me fait mal dans mon jeans et je dois
me faire violence une nouvelle fois pour ne pas lui arracher ce qu’elle porte et
lui faire l’amour. Nous devons d’abord parler et ensuite baiser. Les priorités
avant tout…
— Ça manque de vie…
— Et… ?
— Y a rien dans mes placards parce que je suis rarement ici et que lorsque
j’y suis, je n’aime pas me faire chier à préparer un repas. Généralement, je
vole de la nourriture chez Ethan ou je passe chez le traiteur. Pour les photos,
j’ai celle de mes sœurs sur ma coiffeuse.
Elle s’assied dans le lit et replie les jambes, sans me lâcher du regard.
J’éclate de rire et l’attrape par le poignet pour la tirer vers moi. Elle tombe
mollement contre mon torse et se blottit contre moi.
— Un jour, ça arrivera.
— Tu veux bien arrêter de parler ainsi de toi ? T’es pas folle… Bon sang.
T’as pas conscience de qui tu es…
Elle rigole et cache son visage sous sa chevelure brune. Je passe mes
doigts dedans pour dégager sa frimousse.
Sa voix est nouée par l’émotion. Je continue de lui caresser le dos. Une
question me trotte dans la tête : je lui parle maintenant de Sidney ? Est-elle
prête ? J’ai la ferme conviction que non. Les paroles de Jamie me reviennent
en tête : « C’est toi ou elle qui n’est pas prêt ? ». C’est moi. Bien sûr que c’est
moi, je ne suis jamais prêt à parler d’elle. J’avoue aussi que la réaction que
Lou pourrait avoir m’effraie. Je ne suis pas prêt à la perdre. Je dois attendre le
bon moment avant de lui avouer pour Sidney…
— Je suis euh.
— Tu manges quand ?
— Ne te fâche pas contre moi simplement parce que je m’inquiète pour toi.
Bon sang !
J’ai pas tellement la tête à me disputer, mais je sors quand même du lit et
vais la trouver au salon. Elle est assise sur le divan et semble avoir les bras
croisés sur la poitrine. Ça me fait rire, elle ressemble à une enfant qui
bouderait son papa. OK. Avec ce qu’elle porte, elle est loin de ressembler à
une gosse et moi, j’ai pas tellement envie d’être son paternel… Cette simple
pensée me file la nausée. Si jamais je vois son salaud de beau-père, je le
frappe jusqu’à ce que mort s’ensuive. C’est à cause de lui que Lou est ainsi,
qu’elle se déteste, qu’elle n’a aucune confiance en personne. C’est lui qui a
détruit sa vie.
— Ne me touche pas…
Comme une furie, elle se retourne vers moi. Ses yeux noisette prennent
une teinte plus foncée.
— T’expliquer ? Comment ?
Elle se relève et arpente la pièce en bougeant les bras dans tous les sens. Je
ne peux que la regarder faire, trop estomaqué pour répliquer.
— Ouais. Va-t’en.
— Lou, je crois que tu parles sous le coup d’une colère qui n’a pas lieu
d’être…
Une fois l’ascenseur au premier étage, la jeune femme lève les yeux vers
moi et me sourit. Pris par mes pensées, je lui retourne simplement la
politesse.
— Hey. Je te connais ?
Ah oui ? Vraiment ?
Je sors avec elle de la cabine, ne sachant pas quoi lui répondre, aussi
j’esquisse un léger sourire. Je n’avais même pas remarqué qu’elle me zieutait.
— JARRED ?
— Ma nouvelle maîtresse…
— Si. Ça l’est.
— Lou. Je crois que tu parles sous le coup d’une colère qui n’a pas lieu
d’être…
Je hurle et plus je le fais, moins je me sens bien. J’ai envie de tout briser.
Pourquoi désire-t-il régir ma vie ?
IN-CON-TRÔ-LA-BLE !!!
Il ne t’aime pas…
T’es incontrôlable…
Incontrôlable…
Incontrôlable…
Il va partir… Il va te quitter…
Il s’en va…
Il est parti…
J’ai peine à le croire. Ça semble être pire que la fin du monde. Le cœur
serré, je me relève avec beaucoup de difficulté. Jarred n’est pas comme tout
le monde, il est différent. Il me comprend. Si je lui explique, peut-être me
comprendra-t-il ?
J’ai l’impression que les niveaux défilent trop lentement. 18… 17… 16…
15… 14… 13… et comme le putain de chiffre treize est généralement signe
de malchance, la porte s’ouvre et un mec d’environ vingt-cinq ans apparaît
devant moi comme par magie. Et comme la magie n’existe pas dans ce
monde, ô combien cruel, il ne disparaît pas lorsque je le percute de plein
fouet dans le torse. Mon visage cogne contre ses pectoraux durs comme la
brique ; pour peu, il me brisait le nez. Sans que je ne le réalise vraiment, je
me retrouve les fesses au sol. Monsieur Pectoraux D’acier me jauge en
plissant les yeux. Je ne peux dire s’il est en colère ou non, mais il me scrute
d’une drôle de façon.
— Désolée bonhomme !
QUOI ?
— Ma nouvelle maîtresse…
— Si. Ça l’est.
Il baisse les yeux vers moi et sourit. Je pourrais même dire que son sourire
amusé devient légèrement malicieux. Il tend sa main vers moi pour repousser
mes cheveux.
— OK. Merde. Dis quelque chose, m’écrié-je quelque part entre le 12e
étage et la folie.
Sa voix est rauque et lorsqu’il se tourne vers moi, je vois bien qu’il est
excité. En quelques secondes, je suis soulevée et plaquée contre le miroir
froid de la cabine. Sa bouche s’empare de la mienne et son sexe semble prêt à
exploser contre le mien. Nos langues entrent en contact et dansent l’une
contre l’autre. Ses doigts s’enfoncent dans la chair de mes fesses, ce qui me
fait grogner. Lorsque sa bouche lâche la mienne, je suis haletante et cherche
mon souffle.
Une fois au 19e, nous filons rapidement vers mon appartement, dont j’ai
oublié de fermer la porte.
— Peut-être, mais ça vient de toi, donc c’est la plus belle chose que je n’ai
jamais entendue.
— Que fais-tu ?
Oui.
Non.
Fuck…
Immédiatement, il plonge entre mes cuisses pour lécher mon sexe avec
tellement d’avidité que je me tortille dans tous les sens. Je pousse des
gémissements aigus, mais surtout incontrôlables. Je crois même défaillir
lorsqu’il enfonce deux doigts en moi et qu’il les fait bouger à toute vitesse. Je
suis tout près de jouir lorsqu’il stoppe tout. Il ne me touche plus… Nada…
— Jarred…
— À ton avis ?
— T’as pas envie de jouer un peu ? Je te promets que dès que tu jouis, je te
détache.
Le regard qu’il me lance me met dans tous mes états. Je n’arrive qu’à
hocher la tête. Il me sourit, attrape mon poignet droit et le fixe à la tête de lit.
Il répète l’opération pour mon poignet gauche. Il ne serre pas les liens et si je
le souhaite, je peux m’en défaire rapidement. Cette petite attention me ravit.
Il sort du lit et se déshabille tout en me fixant de son regard acier.
— Oui.
Ses mains agrippent mes hanches qu’il soulève avant de s’enfoncer en moi.
Il s’écroule sur moi, puis roule sur le dos. Je me blottis contre son torse.
— Moi aussi…
— Non. Non. Je ressens la même chose que toi. Je ne sais juste pas
comment te faire comprendre que je t’aime et que tu as changé ma vie.
La porte se referme doucement derrière moi alors que je prends place sur
l’une des deux chaises de service. Je m’étire pour jeter un œil à ses dossiers,
mais je n’arrive pas à voir.
— Bonjour Louann.
— Je vais mieux.
Je lui lance ça avec une fierté évidente dans la voix. Je suis tellement
heureuse des progrès que j’ai faits. J’espère qu’il en sera satisfait lui aussi.
— Comment le voyez-vous ?
— Louann, je ne suis pas là pour vous énerver, mais bien pour vous faire
prendre conscience que vous avancez dans votre processus de rétablissement.
Cependant, il vous reste bien du chemin à faire et je crois que vous le savez.
— Je ne sais pas, je crois que c’est parce que j’ai rencontré un mec. Il est
génial et m’aide beaucoup. Souvent, il me comprend sans que je n’aie à
parler.
— Louann, je ne dis pas ça pour être défaitiste, mais bien pour que vous
envisagiez tous les chemins possibles. Si vous l’entrevoyez, vous pourrez
mieux gérer vos réactions.
— C’est vous qui devez être responsable de votre bonheur. Vous devez
envisager toutes les possibilités.
Je ne lui laisse pas le temps de répliquer que je fonce déjà vers la porte.
J’ai l’impression d’avoir le visage en feu, mes mains tremblent et lorsque je
passe la porte du cabinet, de grosses larmes roulent sur mes joues. Ça y est, je
pleure. Quelle conne ! Je fonce dans le couloir avec en tête l’idée de mettre le
plus de distance possible entre cet endroit et moi.
J’ai le droit d’être heureuse et d’aimer, surtout que Jarred me fait du bien
comme personne. Il me comprend et m’aide à me comprendre. Ce n’est pas
un fou furieux ou encore un taré qui ne pense qu’à tremper son biscuit dans le
plus de verres de lait possible. Non, il m’aime et passe son temps à me le
répéter. Ça ne fait qu’une semaine depuis la fameuse nuit où je l’ai giflé et où
nous avons fait l’amour de façon magistrale, mais j’ai l’impression de le
connaître depuis toujours. Chaque fois qu’il pose son regard sur moi, mon
cœur s’affole. Je n’ai jamais su ce qu’était l’amour jusqu’à ce que je fasse la
connaissance de ce mec. Il rend ma vie plus belle, alors pourquoi ce putain de
psychiatre tient-il à ce que j’entrevoie la possibilité que Jarred me lâche ? Il a
promis qu’il ne le ferait jamais.
— Allô ?
— Je suis partie…
— Comment ça ?
— Pourquoi ?
— Je me trompe ou ça va pas ?
— Ça va aller.
— Tu dois bosser…
— Ce ne sera l’affaire que d’une seule petite heure. Jamie va survivre sans
moi.
— Ouais patron.
Son rire retentit dans le combiné. Le simple fait de lui avoir parlé me
remplit de bonheur et me donne envie d’aller botter l’arrière-train de ce
psychiatre pessimiste et idiot de surcroît. Il n’est pas supposé aider les gens à
mieux vivre avec leur maladie ? Non ! À la place, il les pousse à ne voir que
le négatif.
Quel connard !
Je patiente gentiment sur mon putain de banc. Il ne lui faut pas plus de dix
minutes pour venir me trouver. Pourquoi ça prend autant de temps ? Je
panique légèrement à l’idée qu’il lui soit arrivé quelque chose. Mon état doit
être dû à ce putain de psychiatre. Il m’a mise en mode alerte, je vois le mal
partout à cause de lui.
— Je t’aime…
Il n’en faut pas plus pour que mon cœur déborde d’émotions et explose.
Je roule des yeux avant d’exploser de rire. Ma relation avec lui est une
vraie bouffée d’air frais et bon sang, ça me fait du bien !
29
Lou
Ce fut un soulagement lorsque le coiffeur est parti, il n’était pas la douceur
incarnée. Il m’a tiré tellement de fois les cheveux qu’à la fin, j’ai fini par lui
demander de dégager. Il m’a mis tant de laque que j’avais un arrière-goût
désagréable sur la langue. J’ai fini par les laver de nouveau et terminé l’étape
coiffure moi-même. Étant la nouvelle égérie de leur collection, la nouvelle
collection de Jamie Michelle et le nouveau styliste/photographe/mec le plus
canon de la terre, Jarred Dwyer, je ne peux pas me contenter d’avoir l’air
d’être figée dans le temps. Plusieurs de leurs amis et membres de leur famille
seront au rendez-vous pour célébrer leur collaboration. Ce sera intime, mais
depuis que je sais que ce ne sont que leurs proches qui sont conviés à
l’événement, je stresse. Je suis nerveuse comme jamais. J’ai peur de dire une
connerie ou de faire un faux pas.
Il effleure mes cheveux, puis mon épaule, à travers la dentelle de mon haut.
Je frissonne à ce contact.
— On n’a qu’à partir après le shooting, et aller passer une semaine là-bas.
— Ouais !
— Nerveuse ?
— Oh, mais je ne m’en fais pas. Je sais que tu seras parfaite, tu l’es
toujours.
— Je gère.
— T’en fais pas, tu vas tout déchirer, annoncé-je avec le sourire en entrant
dans la cabine.
— Merci Lou.
— Jarred, j’ai vu la collection et elle est magnifique. T’as pas à t’en faire.
— Merci Lou.
Il me prend dans ses bras durant toute la descente jusqu’au premier étage.
C’est la première fois que je le sens aussi nerveux et fébrile ; ne pas pouvoir
le rassurer, ça me fait mal. Je ne peux que lui offrir ma présence et ça me
semble peu.
**
Il gare la voiture devant la maison de Jamie Michelle, puis se tourne vers
moi.
— T’es prête ?
— Ouais, et toi ?
— Ça va le faire !
— Quoi ? m’étranglé-je.
— J’en ai marre de me cacher. Jamie sait pour nous deux et elle s’en fout.
Je crois que si tous ces gens sont mes amis, ils seront heureux pour moi.
— Allons-y ! proposé-je.
— Oui. C’est juste que je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde.
— Louann ! s’écrie-t-elle.
Elle rigole puis son regard descend vers nos mains enlacées et sa bouche
s’arrondit sous l’effet de la surprise.
Je joue le jeu et la suis sous le regard amusé de mon petit ami. Ce mot
sonne comme de la musique à mes oreilles. Jamie me présente énormément
de gens en peu de temps et je serre tellement de mains que j’en ai le tournis.
Puis une dame et un homme d’environ cinquante ans s’avancent vers nous.
La femme ressemble trait pour trait à Jamie. J’en conclus donc que c’est sa
mère.
— Bonsoir ma chérie.
— Enchantée, bafouillé-je.
S’ensuit une poignée de main totalement banale et douce. Puis elle serre
ma main si fort dans la sienne que j’en ai une grimace de surprise. Je tente de
me défaire de sa poigne de fer. Si elle est aussi minuscule que sa fille, il ne
faut pas se leurrer, elle a une force phénoménale. Avant que je n’en aie
conscience, elle retourne ma main et regarde la bague à mon auriculaire. Ses
yeux s’écarquillent d’horreur. J’ai l’impression que quelqu’un vient de jeter
un seau d’eau de javel sur moi.
— Je suis désolée, il m’a dit qu’elle appartenait à une amie. Il ne m’a pas
donné plus de détails.
J’ai envie de mourir de honte, mais je veux surtout partir d’ici et aller me
réfugier dans les bras de Jarred.
Sa femme…
— Non ! Il faut que cette fille sache que la bague qu’elle porte à son
auriculaire est la bague de mariage de ma petite fille.
— Je suis désolée pour votre fille, je ne savais pas qu’il était marié…
— Ça va ici ?
Jarred !
— Tu m’as dit que je pouvais la porter tant que j’en sentirais le besoin…
J’en peux plus de l’entendre répéter ces mots, j’ai envie de les lui faire
avaler à cette vieille folle. Ni Jamie ni son père ne disent quoi que ce soit. Ce
n’est que moi, Jarred et madame Michelle.
— Maman ! Ça suffit !
— Me dire quoi ?
— Il se passe quoi ?
— Suis-moi…
**
Il m’a menti…
Je fixe toujours mon reflet dans la glace. Je fais pitié. Il faut tomber bas
pour ressentir de la pitié pour soi-même. J’attrape un élastique sur le
comptoir et attache mes cheveux en une haute queue de cheval. Je ressors de
la pièce et me dirige vers la cuisine. J’ouvre les placards un à un. Ce que j’y
cherche n’y est pas. Non, c’est vrai, il m’a fait vider mes bouteilles. Je me
laisse choir sur le sol. Je laisse tomber ma tête entre mes mains et agrippe
mes cheveux. Je tire tellement fort que des poignées se détachent de mon
crâne et s’enroulent autour de mes doigts. J’ai mal, la douleur afflue si
rapidement dans tout mon corps que je ne suis pas certaine que je vais
pouvoir endurer tout ça plus longtemps. Je me recroqueville sur moi-même.
Je n’arrive plus à réfléchir, je tombe… je tombe… je… tom… be… Je ferme
les yeux, j’aimerais pleurer, mais n’y arrive pas. Si j’y arrivais, ça me
soulagerait. Non, à la place, je reste là à contempler l’impossible se profiler
devant moi. Je dois trouver une façon de pallier cette douleur.
Bien sûr, c’est lui, Jarred. Je n’arrive pas à prononcer un traître mot. Je ne
peux que le fixer, tremblante de la tête aux pieds.
— Je…
Il passe une main dans ses cheveux et souffle. Il semble tout aussi au bout
du rouleau que moi.
— Je…
Il se tait, pour moi c’est bien pire que s’il m’avait dit qu’il ne voulait pas
en parler. Il ne sait tout simplement pas quoi dire. Autant terminer le
massacre tout de suite.
— Je…
Bon sang, comme je me hais lorsque je pense a des choses comme ca...
Je passe le vestibule, peu surpris de constater que le salon est plonge dans
une noirceur inquietante. D'habitude, elle laisse toujours la lumiere allumee,
mais la, rien. J'avance a tatons a sa recherche, mais je ne la trouve nulle part.
Pendant une minute, j'appose mes mains sur le mur et ferme les yeux. Je sais
que je devrais me depecher et retourner toutes les pieces pour la retrouver,
mais ce soir, je n'en peux plus. J'inspire profondement en realisant que j'agis
en parfait egoiste. Je l'aime, je vais meme l'aimer toute ma vie, mais ce soir,
la petite Sidney d'avant me manque. Je percute finalement que je dois bouger.
J'avance a tatons au travers les pieces en priant pour qu'il ne lui soit rien
arrive.
-- Sid ? T'es la ?
-- Sidney ?
Elle gemit de nouveau, mais cette fois, son cri transpire le desespoir. Bon
sang ! Ce n'est pas bon signe. Sans plus attendre, je me dirige au pas de
course vers la chambre a coucher. J'essaie a nouveau d'allumer la lumiere, en
vain.
-- Pourquoi tu pleures ?
Ma voix tremble, je suis toujours incapable de la voir dans cet etat de
detresse intense.
-- Non...
Elle me coupe la parole et se tait en serrant les levres. Les rayons de lune
qui caressent son beau visage et ses longs cheveux rouges laissent apparaitre
le doute present dans son regard.
-- Oui...
-- Promets-moi de ne pas m'en vouloir, mais je crois qu'il n'y a que nous
dans cette situation...
Je pince les levres et ferme les yeux ; la vie avec Sidney peut avoir le gout
de l'enfer, mais les doux moments que nous passons ensemble tendent a
rendre cette saveur moins amere.
Stupefait, je ferme les yeux et soupire. Lorsque je les ouvre a nouveau, elle
me fixe d'un regard triste.
-- Ne te fache pas !
-- Sidney, t'as pas pris cet argent pour acheter illegalement des somniferes
?
Elle secoue la tete et fait un petit geste de la main. Depuis quelques mois,
elle achete des medicaments sur internet, et ce meme si je n'arrete pas de lui
dire que l'automedication peut etre tres dangereuse, elle ne m'ecoute pas. Tout
y est passe : antidepresseurs, somniferes, ou encore anxiolytiques. Je ne sais
plus quoi faire...
Que dire face a son malheur ? Comme chaque fois, son desespoir me
coupe le souffle et me retourne les entrailles. J'aimerais tellement pouvoir
l'aider a redevenir celle qu'elle etait avant. Celle qu'elle aimait etre, mais mes
tentatives se soldent toujours par des echecs.
-- T'es fache ?
-- Je suis seulement tres decu, tu sais que je ne peux pas me facher contre
toi.
Je me penche pour deposer un baiser sur sa tempe, mais avant que mes
levres ne touchent sa peau, elle me lance :
-- J'ai demande de l'argent a mes parents, ils vont nous aider a passer ce
mauvais cap.
-- Je leur ai explique pourquoi. Ils ont compris, mais maman souhaite que
je voie un nouveau psychiatre ou un psychologue. Je ne sais plus, tant que
c'est un professionnel. Elle a parle avec un ami qui lui a conseille quelqu'un,
bref, j'ai rendez-vous demain.
Connaissant Sidney, je sais tres bien que lorsqu'elle parle avec un debit
aussi rapide, c'est qu'elle se sait dans une impasse. Je dois rapidement couper
court a la conversation, car chaque putain de fois que ca ne va pas et qu'elle
fait un truc dement comme ca, sa mere lui dit de changer de psychiatre et paie
les pots casses. J'ai l'impression qu'en agissant ainsi, elle empeche sa fille de
faire face aux consequences.
-- C'est pas une bonne journee, j'ai l'impression de ne pas etre moi-meme
aujourd'hui.
Elle hoche la tete et m'aide en attrapant les couvertures. Une fois dans la
chambre, nous preparons notre lit et prenons place dans les bras l'un de l'autre
sous cet amas de draps et de couettes. Sidney frissonne contre mon corps, ses
mains glacees entrent sous mon t-shirt, je proteste en me tortillant, ce qui la
fait rire. Je tente de la rechauffer en la serrant contre moi.
Je souris, elle aime que je lui raconte la premiere fois que je l'ai vue. Je ne
sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que ca la rassure sur mon amour pour
elle.
Encore une fois, elle est toute en contradictions. Chaque fois que je lui
raconte cette histoire, elle me reprend si je dis que son haut etait pourri ou
encore que je la trouvais jolie, mais c'est ma Sidney et je l'aime ainsi.
Elle ne repond pas, donc j'en profite pour continuer mon histoire qu'elle
doit connaitre par coeur depuis le temps.
-- Tu te rappelles m'avoir salement envoye sur les roses lorsque j'ai critique
ton t-shirt ? Je ne le faisais que pour t'accoster. Je t'ai aimee des que tes yeux
se sont poses sur moi pour me fusiller.
-- Je sais, mais t'etais pas mieux que moi avec ton t-shirt des Clash et tes
converses en cours de gym.
Elle pose sa tete sur mon torse et dessine des cercles sur le tissu de mon
haut. Ca me chatouille, mais je ne dis rien, je sais que lorsqu'elle fait ca, c'est
qu'elle commence a aller mieux.
-- Je le ferais sans hesiter, jusqu'a ma mort. T'es la plus belle chose qui me
soit arrivee.
Ces deux phrases, nous nous les disons quand elle est au plus bas, et cela
ameliore toujours la situation. C'est ce que nous nous sommes dit en nous
unissant dans un horrible mariage a Las Vegas. Sidney n'insiste pas et
rapidement, nous nous endormons l'un contre l'autre.
31
Jarred
17 juin 2016
La phrase d'Elina explose dans ma tete comme une bombe, mais je crois
que c'est pire lorsque je croise le regard de ma belle.
Voila, c'est dit, elle le sait. Cependant, je n'en suis pas soulage. Cela fait
des semaines que je veux lui en parler, mais j'en suis incapable, car terrifie a
l'idee qu'elle apprenne pour Sidney.
La voix d'Elina me casse les oreilles et me fait grincer des dents ; je tente
de faire abstraction des gens qui nous entourent pour me concentrer sur Lou
qui me semble perdue, terrorisee. Mon seul but pour l'instant est de la
rassurer, je prends donc sa main et regarde la bague en question, un bel
anneau en or blanc orne d'un petit diamant. Elle n'a rien de luxueux, mais elle
represente tant a mes yeux. Lorsque je l'ai demandee en mariage, elle m'a
presse pour que l'on fasse ca rapidement. Nous nous sommes alors envoles
pour Las Vegas dans la soiree et le lendemain, nous nous sommes maries
avec pour seuls temoins a la ceremonie un pasteur portant un costume d'Elvis
Presley et un couple saoul patientant pour franchir le pas a leur tour. Ca
sentait la biere de mauvaise qualite, la moisissure et la sueur, je crois que ca
venait de l'homme qui semblait cuver une mechante gueule de bois. J'ai voulu
rebrousser chemin au moins cent fois pour lui promettre un mariage
grandiose, avec la robe blanche, sa soeur comme demoiselle d'honneur et son
pere qui la conduirait jusqu'a l'autel, mais lorsque j'ai pose mon regard sur
elle, ses yeux brillaient de bonheur. Elle se foutait de l'endroit ou nous etions
tant que l'on s'unissait. Je me rappelle m'etre demande pourquoi elle etait si
heureuse avec moi, et comme si elle avait lu dans mes pensees, elle m'avait
souri avant de dire : <<< y a personne comme toi, peu importe ce qui nous
entoure, c'est toi que je veux. Tu rends ma vie tellement plus belle, je veux
etre a toi pour toujours >>>.
-- Tu m'as dit que je pouvais la porter aussi longtemps que j'en sentirais le
besoin...
Encore cette accusation, c'est vrai, je n'etais pas la et je m'en veux chaque
jour. Cependant, elle ne l'avait jamais formule de cette facon. Ca me tord les
entrailles quotidiennement.
-- Maman ! Ca suffit !
-- Me dire quoi ?
Je me place face a Lou, mes mains de chaque cote de son cou, mon regard
dans le sien.
-- Il se passe quoi ?
-- Suis-moi...
Elle me suit sans broncher jusqu'a l'atelier. Ici, elle va pouvoir me hurler
dessus sans que personne n'entende et ca me rassure. Par contre, je suis bien
plus effraye a l'idee de la perdre. Mon souffle se coupe, ma tete tourne
legerement, je ne sais pas comment je vais faire pour lui avouer tout ca. Je
n'aime pas etre mis devant le fait accompli. Je referme la porte derriere nous
et souffle un bout coup. Lorsque je me retourne pour la regarder, elle tend la
main vers moi en declarant :
-- Lou, je te l'ai donnee pour une bonne raison. Je te l'ai explique... Je...
Sa voix est presque un murmure, elle est aussi effrayee que je le suis.
-- Trouble bipolaire.
Elle me tourne le dos, et ne pas voir ses yeux me rend completement fou.
J'aimerais la contourner pour l'obliger a me regarder, mais je suis tetanise par
les questions qu'elle pourrait me poser.
Je demeure toujours incapable de mettre des mots sur ce qui s'est passe ce
fameux soir de novembre. Pourquoi ne m'a-t-elle pas appele ? Pourquoi avoir
fait une chose pareille ? Il y a tellement de <<< pourquoi >>> que je ne sais
plus comment y repondre.
-- Un peu comme toi, elle refusait les traitements, elle me jurait qu'elle
allait mieux, mais ce n'etait pas le cas...
-- J'ai du partir pour une formation a plusieurs heures de route, Sid est allee
chez ses parents, mais chaque fois que je devais m'eloigner d'elle, c'etait
l'enfer. Elle ne me faisait plus confiance. Quand on se parlait au telephone,
elle me demandait avec qui j'etais ou encore si je l'avais trompee alors que je
passais tout mon temps libre au telephone pour la rassurer. Un soir, j'ai
termine un peu plus tard et quand je suis revenu dans ma chambre d'hotel,
j'avais un message d'Elina, Sidney etait entre la vie et la mort suite a une
nouvelle tentative de suicide. Elle est decedee avant mon arrivee a l'hopital.
Malgre le soulagement d'avoir enfin devoile mon passe, je n'en ressens pas
les bienfaits. Lou est la et me fixe d'un regard peine.
-- T'as tellement de mal a accepter ta maladie que je ne savais pas sur quel
pied danser.
Elle presse les paupieres et serre les poings si fort que ses jointures
blanchissent. Je n'ai pas peur qu'elle me frappe, et de toute facon, ce serait
merite. Cependant, elle n'en fait rien et secoue la tete. Le verdict est tombe.
Lou campe sur ses positions et peu importe ce que je ferai, elle ne changera
pas d'avis.
Non, je suis reste parce qu'elle me fait vibrer comme personne ne l'a fait
auparavant. Si je lui dis, m'ecoutera-t-elle ?
-- Lou, j'ai ete la pour toi a chaque moment parce que j'en avais envie...
Parce que tu comptes pour moi... Parce que je t'aime.
Elle fonce vers la porte et sort comme une furie. Je peux sentir la colere
emaner d'elle et je le comprends tres bien. Nerveux, j'arpente la piece de long
en large, mais bientot, Jamie debarque avec son eternel sourire bienveillant.
Je ne peux pas lui en vouloir, Elina Michelle a toutes les raisons du monde
de me hair, je n'ai pas su proteger sa fille, la femme que j'aimais. Ils ne m'en
ont jamais tenu rigueur, mais donner la bague de mariage de leur defunte fille
est impardonnable.
-- J'en sais fichtrement rien. Tu crois que je devrais aller voir si elle va bien
?
Elle pose un regard resigne sur moi qui me donne froid dans le dos. Je ne
l'ai pas ecoutee quand elle me conseillait de lui en parler, mais est-ce qu'elle
aurait bien pris mes aveux ? J'en sais rien... Avec Lou, j'ai toujours
l'impression de me promener avec une grenade degoupillee entre les mains et
l'effet n'est jamais plaisant. Cependant, ces derniers jours, j'ai bien vu qu'elle
changeait a mon contact, qu'elle prenait sur elle, qu'elle apprenait a accepter
sa maladie.
-- Comme toujours.
-- Jarred, non, c'est a toi, nous te l'avons deja dit, intervient Mark.
Malgre ces paroles, je ne peux detacher mon regard d'Elina qui, loin de
sembler coupable du mal qu'elle vient de causer, se tient droite comme un i.
-- Oui, je l'ai fait et je ne m'en sens pas coupable car j'aime Lou. Elle n'est
pas Sidney et ne prendra jamais sa place, mais mon avenir m'appartient.
Alors si ca peut vous apaiser, prenez cette foutue bague et on n'en parle plus.
Elle lui tourne le dos et disparait dans la masse d'invites. Mark semble
sincerement desole.
-- J'en sais rien ! Avec Lou, c'est un peu comme avec votre fille.
-- J'espere que vous savez que j'ai aime votre fille plus que ma propre vie et
que...
-- Oui, je le sais et ma femme en est egalement consciente. Tu as le droit
d'etre heureux avec une autre, Jarred.
Je conduis nerveusement jusque chez Lou, les mains serrees sur le volant,
au point que ca en devient douloureux. Je fixe la route et reflechis a ce que je
pourrais lui dire. Cependant, rien ne me vient. Peu importe, je dois tenter le
tout pour le tout pour elle, pour nous. Parce que je l'aime.
-- Tu sais bien que je n'ai pas dit ca. Je m'inquiete pour toi !
Anxieux, j'enfonce mes mains dans les poches de mon pantalon. Je vois
bien qu'elle bout a l'interieur. Elle pourrait bien m'arracher la tete. Comment
la blamer ? Je le meriterais...
-- T'as plus a t'en faire. Comme tu peux le voir, je vais bien malgre tes
mensonges !
-- Je...
Elle me coupe la parole. Extenue par tout ca, je passe une main dans mes
cheveux et souffle un bon coup.
-- Je...
Je n'arrive meme pas a formuler une phrase. Pourtant, dire la verite serait
facile, mais pour une raison inconnue, je n'y arrive pas. En fait, je crois que
c'est parce que je ne sais plus pourquoi je n'ai rien dit. Mais je l'aime, bordel !
Je dois le lui dire tout de suite, mais elle ne m'en laisse pas la chance et
m'interrompt :
-- Je...
-- T'en fais pas, je ne vais pas flinguer ma derniere chance de travailler. J'ai
aussi trop de respect pour Jamie pour tuer sa collection. Toi et moi allons
avoir une relation strictement professionnelle. Maintenant, degage.
Je pose mes mains sur le bois et tends l'oreille, j'ai peur pour elle. Je suis
meme terrifie. C'etait aussi ainsi avec Sidney ; je vivais constamment dans la
crainte qu'elle ne fasse une connerie.
Elle ne m'avait demande qu'une seule chose, ne pas rester avec elle si mes
intentions etaient de la sauver. Je n'ai jamais compris pourquoi jusqu'a cette
conversation. J'aimerais tellement savoir si elle va bien... Et si je defoncais la
porte pour entrer ? Apres reflexion, c'est une mauvaise idee. Elle me foutrait
dehors a coups de pied au cul !
Le silence qui fait maintenant rage dans son appartement est bien plus
inquietant que le bruit assourdissant qu'il y avait quelques instants plus tot. Je
me releve d'un bond et fais les cent pas dans le couloir. Soudain, une idee me
traverse l'esprit.
Je m'elance pour la recuperer en priant pour qu'elle soit toujours la. Dans
mon empressement, je manque de renverser la plante sur le tapis d'un gris
douteux. Cle en main, je deverrouille la porte avec prudence, de peur qu'elle
ne se trouve derriere et qu'elle me frappe a l'instant ou je passerai la tete dans
l'embrasure.
Je ne peux pas partir et laisser ca comme ca. Tout comme je ne peux pas
l'abandonner alors que je ne suis meme pas sur qu'elle va bien. Je me penche
et attrape une botte.
Quel carnage...
D'un pas presse, je me dirige vers la chambre de Lou, j'ai besoin de la voir.
Je prends place sur le lit ; je ne veux pas la toucher ou qu'elle sache que je
suis la, j'ai simplement envie de la regarder dormir. La couverture a glisse et
revele une partie de son epaule droite, sa peau est blanche comme de la
porcelaine. Comment vivre a Miami sans jamais bronzer ? Decidement, Lou
ne fait rien comme personne.
Une meche de ses cheveux bruns glisse et lui barre le visage. Je ne peux
m'empecher de detailler ses traits, ses longs cils sombres, la fine courbe de sa
machoire, ses pommettes saillantes et son petit nez retrousse. Je pose ma
main sur son epaule denudee tandis qu'elle ouvre difficilement les paupieres.
Ces dernieres papillonnent un moment et elle plonge ses grands yeux noisette
dans les miens.
-- Jar... red...
-- Je suis la ma puce.
-- Pour... quoi... ?
-- Je vais rester. Je vais te prouver que je t'aime, non pas parce que je
voulais te sauver, mais parce que mon coeur s'affole quand tu es pres de moi.
Je le deteste...
Je l'aime...
Quelqu'un entre dans ma chambre ; je n'entends pas ses pas, mais sens sa
presence. Je sais que c'est lui, il n'y a que lui pour envahir mon espace vital
de la sorte. Ca m'enerve, mais en meme temps, s'il est la malgre tout, c'est
sans doute parce qu'il m'aime, pas vrai ?
-- Pas de chance, la folle n'a pas mis fin a ses jours, crache-je.
Il s'avance vers moi et m'attrape le bras en vissant son regard gris acier
dans le mien. J'aimerais ne pas fremir et continuer a jouer a la fille mechante
et arrogante, mais son expression me bouleverse.
-- T'as pas a me dire quoi faire et encore moins quoi dire ! T'as perdu ce
droit en me mentant.
-- Lou, je sais que tu m'en veux, t'as meme toutes les raisons du monde
d'etre en colere contre moi, mais bon sang, ne te flingue pas pour ca.
-- <<< Pour ca >>> ?! <<< Pour ca >>> ?! hurle-je. Tu n'as pas idee de ce
qui se passe dans ma tete, ni de combien ce fut difficile pour moi de m'ouvrir
a toi. Tu n'as jamais remarque que tu es mon putain d'espoir dans cette vie de
merde ? Ma vie c'etait le chaos, jusqu'a ce que tu y entres, Jarred. Tu m'as fait
croire a un monde que je ne croyais possible que dans les romans ou les
films.
-- LACHE-MOI !!!
Posant mes mains a plat sur son torse, je tente a nouveau de le repousser,
mais il continue de me maintenir contre lui et cela decuple ma panique. De
meme que cela ranime des souvenirs que j'aimerais enterrer.
Je cherche mes mots, mais aucun ne semble assez fort pour exprimer ce
que je ressens. Je me defais de son etreinte et attrape les vetements que j'ai
laisses tomber sur le sol pendant ma lutte contre Jarred.
-- Peu importe ta decision, je l'accepterai, mais sache que je t'aime plus que
tout au monde.
Je suis tentee de revenir vers lui et de le prendre dans mes bras pour le
rassurer, mais quelque chose attire mon attention. Depuis l'endroit ou je me
trouve, je n'apercois aucune casse, aucun debris, aucun eclat de verre ou du
miroir que j'ai balance a travers la piece. Je m'avance avec prudence pour
constater qu'il a tout nettoye, tout a ete jete a la poubelle. Je me retourne vers
Jarred qui attend sur le pas de la porte et le fusille du regard.
-- Je l'ai fait parce que j'en avais envie, et aussi parce que c'est ma faute si
tu es ainsi.
-- Je... Merci...
Je hoche la tete et file sans dire un mot vers la salle de bain. D'un geste
lent, je me penche vers le robinet de la baignoire et ouvre l'eau chaude. Je me
deshabille, lance mes vetements dans le panier et me place sous le jet qui me
fait un bien fou. Je releve la tete vers le pommeau et laisse l'eau couler sur
mon visage. J'enfonce mes doigts dans mes longs cheveux bruns et les
demele du mieux que je peux. Malgre de longues minutes a me savonner,
cette impression desagreable d'etre sale ne me lache pas. Je frotte si
frenetiquement ma peau avec le gant de toilette que j'en saignerais presque.
Il avait raison, j'aurais du prevoir que Jarred allait me decevoir, ce n'est pas
un super heros. C'est un etre humain, tout comme moi.
Il doit s'etre ecoule une bonne heure lorsque je sors finalement, la peau
rougie et les yeux gonfles par les larmes. Je ne dirais pas que je me sens plus
propre ou moins sale, mais je me sens legerement mieux, presque d'attaque a
avoir une conversation avec Jarred pour mettre fin a tout ca.
Meme si je lis de la peur dans son regard, j'y vois aussi de la determination.
Je suis effrayee a l'idee qu'il ait pu arriver quelque chose a Sarasota. Faites
que ce ne soit qu'une petite crise d'adolescence et qu'il ne lui soit rien arrive
de grave.
-- Sloane, explique-moi...
Je m'avance vers elle et prends place sur le canape a ses cotes. Elle vient
aussitot se blottir contre moi et pleure a chaudes larmes. Je la serre dans mes
bras et regarde Jarred, interloquee. Il hausse les epaules, je suppose donc
qu'elle ne lui a pas parle.
-- C'est papa...
Sa voix s'etouffe et ses sanglots redoublent. Elle s'ecroule sur moi. Je suis a
deux doigts d'exploser. La colere fait rage en moi avec tellement d'intensite
que je ne sais pas comment j'arrive a la controler. Je regrette que Jarred soit
parti, j'aimerais sentir de nouveau sa main sur mon epaule pour me signifier
que tout va bien.
Sa voix n'est qu'un faible murmure, mais j'y ressens des choses que je ne
connais que trop bien : la peur, la haine et la culpabilite. Ca vous tord les
entrailles et l'estomac, impossible de rester lucide lorsque l'on doit y faire
face. Je sais aussi a quel point Dustin peut etre cruel parfois.
C'est tout ce que je trouve a dire, je ne veux pas effrayer ma petite soeur,
mais s'il le faut, je la trainerai jusqu'a Miami par la peau des fesses.
Je ne dis rien et me contente de replacer les meches de ses cheveux qui lui
barrent le visage derriere son oreille. Encore une fois, je connais ces
sensations de honte et de peur qui vous rendent impuissantes. Je tente un bref
sourire avant de lui demander :
-- Je n'ai pas de chambre d'ami, mais nous pouvons dormir dans le meme
lit si tu n'y vois pas d'inconvenient. Par contre, je me demande une chose, t'es
venue jusqu'ici comment ?
Avec un petit sourire, elle me contourne pour aller chercher ses affaires.
Pendant ce temps, je lui fais couler un bain, j'y ajoute de la mousse et allume
des chandelles pour qu'elle puisse se detendre un peu. Lorsque je me
retourne, elle est dans l'embrasure, son visage refletant une profonde tristesse.
Je m'avance vers elle et la serre fort contre moi.
-- Ouais...
Je ne sais pas pourquoi j'ai ressenti le besoin de dire ca, mais sa reponse
me fait le plus grand bien. Mes pensees vont et viennent tellement rapidement
que lorsque Jarred pose sa main sur la mienne, je sursaute.
Je pose mes yeux noisette dans son regard aussi gris que l'acier. Je tente de
reflechir, mais rien n'y fait, je ne sais pas comment agir pour proteger ma
soeur. Je ne connais meme pas les lois en matiere d'abus ou de maltraitance.
-- Je vais appeler ma mere pour lui dire que Sloane est ici, j'inventerai un
truc, je ne sais pas encore quoi, et ainsi je pourrai disposer de quelques jours
pour bouger.
Son idee est geniale ! Pas question de laisser mon autre soeur aux mains de
ce connard. Je serre les poings, cherchant ainsi a canaliser ma colere, mais ca
ne fonctionne pas, bien au contraire.
-- Un peu des deux, c'est ca l'amour, non ? Tout faire pour que l'autre aille
bien, mais c'est aussi le faire parce que c'est ce que l'on souhaite.
-- Ca m'arrive de delirer.
Ses levres s'emparent des miennes dans un doux baiser que je ne peux
refuser, mais il y met fin rapidement et me regarde, probablement effraye a
l'idee qu'il puisse me rendre furieuse.
-- Je vais appeler ma chere mere... Toi, t'as pas un repas a nous preparer ?
-- Allo ?
-- Bonjour, ca va ?
-- Je t'appelle parce que j'ai recu une visite et je ne voulais pas que tu
t'inquietes.
-- Sloane...
-- Ouais, je me demandais bien ou elle etait passee...
-- Ouais, elle a debarque ici en pretextant que je lui manquais. Tu crois que
ce serait possible que je vienne chercher Sunshine demain ?
-- Je ne sais pas.
-- Lou ?
-- Sloane me manque...
-- T'as envie de venir passer les grandes vacances chez moi ?
-- Je vais venir avec Sloane et un ami demain. Nous arriverons assez tot,
car je travaille l'apres-midi.
-- D'accord !
-- Elle est dans la douche, mais je lui dis qu'elle t'appelle lorsqu'elle en sort,
d'accord ?
-- Oui...
-- Comme a chaque fois... Tu crois que tu pourrais venir avec moi demain
matin tres tot ? Tu pourrais dormir sur le canape, si t'es d'accord ?
Je me retourne vers Jarred et leve les yeux vers lui, navree d'admettre qu'il
n'y a pas trente-six solutions. Je vais faire une chose que j'aurais du faire il y
a bien longtemps deja. Je me contente de hocher la tete, silencieusement,
alors qu'il me questionne du regard.
Ma petite soeur a tres peu parle, ce qui m'inquiete autant que ca renforce
mon desir de mettre un terme a tout ca. Sloane a toujours ete du genre un peu
excentrique, avec des tas d'amis. Lorsque je lui ai propose d'appeler ses
copines, elle a gentiment decline mon offre en me disant que ceux qui
doivent savoir ou elle se trouve le savent deja. Qu'elle se coupe des gens
qu'elle aime me peine beaucoup car moi aussi, j'ai fait cela, pensant que
c'etait la meilleure chose pour moi, mais seul Ethan est reste.
Il hoche la tete et pose une main dans le creux de mes reins. Ce geste me
brule tout comme il me fait du bien. Le drole de silence qui s'est installe entre
nous se poursuit et me donne mal a l'estomac, aussi je decide de le rompre.
Je me tais, c'est a peine envisageable pour moi de les laisser traverser ces
epreuves. Jarred me sonde quelques instants de ses iris gris.
-- Mais oui, je le sais, et pour l'instant, bien que je sois effrayee, je sais que
c'est la seule chose a faire.
Je me redresse et saute du canape pour faire les cent pas a travers la piece.
Je suis tellement enervee que je pourrais lui arracher la tete, mais rapidement,
il vient se placer devant moi et pose ses mains sur mes epaules pour me
stopper.
-- Lou, ce n'est pas ce que je veux dire, mais tu dois savoir que ta vie sera
encore une fois exposee au grand jour. Et pour la collection, personne ne va
te mettre a la porte parce que tu as vecu des abus. Tu nous connais mieux que
ca, Jamie et moi.
-- Je sais, mais...
Je balbutie un faible <<< merci >>> et ferme les yeux avant de reposer ma
tete contre son torse.
-- Je comprends.
-- J'ai besoin de toi et de ton amitie pour passer au travers de tout ca.
-- Je serai la, Lou, ne t'en fais pas. Aussi longtemps que tu auras besoin de
moi, je serai la.
Sciee par l'emotion, je sens des larmes perler au coin de mes paupieres.
Tout de suite, il prend mon visage entre ses mains et embrasse mes yeux a
demi clos.
-- Lou, non ! Je ne veux plus que tu pleures pour moi. T'es la femme la
plus forte que j'ai rencontree, ne laisse pas tes larmes ruiner ca.
-- C'est faux, je fais toujours des crises pour rien, je casse des choses et je
pleure sans arret. Je suis faible.
-- Merci Jarred. Je crois qu'on devrait dormir maintenant, demain sera une
dure journee.
-- T'as raison, tu passes la nuit avec moi sur le canape ? demande-t-il plein
d'espoir.
-- Oui patron !
Je la prends dans mes bras et la serre contre moi tellement fort que j'ai
l'impression qu'elle va se briser en deux.
-- J'ai jamais imagine qu'il pourrait faire ca a ses propres filles... Mais oui,
il a fait la meme chose avec moi. Ca a dure un moment, des annees meme.
J'etais un peu plus agee que toi.
-- Je le hais tellement.
Je lui caresse les cheveux pour l'apaiser, mais elle semble impossible a
calmer. Sa respiration est haletante. J'attrape son visage panique entre mes
mains et l'oblige a me faire face.
-- Ne le laisse plus jamais etre pres de moi. Prends-nous ici, avec toi. Ne
nous laisse pas retourner chez lui.
-- Bebe, je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous n'y
retourniez jamais.
Un faible sourire s'affiche sur son visage d'ange. Mon esprit s'emplit de
doutes ; pourront-elles habiter avec moi ? Telle est la question... Peu importe,
je dois essayer quand meme !
-- Il doit dire tellement de mauvaises choses sur moi, mais je m'en fous.
Par contre, je suis malade, j'ai un trouble de la personnalite limite, tu sais ce
que c'est ?
Elle secoue la tete et des boucles auburn lui tombent devant les yeux. Je les
lui replace avec tendresse derriere son oreille.
-- Pas vraiment...
-- Tu sais, j'aime beaucoup Ethan, mais je crois que j'ai une preference
pour ton nouvel ami.
-- Moi aussi, annonce-je en appuyant legerement avec mon index dans ses
cotes.
-- Lou ! Non !
Elle s'effondre, la tete dans les oreillers, et pleure toutes les larmes que son
petit corps peut contenir. Je pose ma main sur son epaule et annonce :
-- J'avais seize ans la premiere fois que j'ai pose une lame sur ma peau, ca
me faisait autant de bien que ca me detruisait, alors je peux tres bien
comprendre pourquoi tu le fais. Je sais aussi que tu ne le fais pas par desir de
mourir, mais bien parce que ca calme ton mal, mais Sloane, as-tu deja pense
qu'un jour, il n'y aura plus de point de non-retour ?
Elle releve la tete, les yeux remplis de larmes. Elle essuie frenetiquement
son visage avec ses paumes. J'attrape une boite de mouchoirs dans la table de
chevet et la pose a cote d'elle. Elle s'assied de nouveau dans le lit et se
mouche bruyamment.
Elle s'etend a nouveau et ferme les yeux. Je l'imite et patiente environ dix
minutes qu'elle s'endorme avant de quitter la chambre pour aller rejoindre
Jarred. Je le trouve assis sur le canape, un film en sourdine diffuse sur l'ecran
plat du salon. Les images qui defilent semblent tirees d'une comedie
romantique. Il est tellement concentre sur son telephone sur lequel il pianote
a une vitesse incroyable qu'il sursaute lorsque je m'assieds tout pres de lui.
-- Je te derange ?
-- Je... Oui... Comme je ne savais pas si on serait revenu a temps... Elle dit
qu'on peut emmener les jumelles au studio.
Sa reaction m'etonne.
-- C'est con et je vais avoir l'air d'un idiot jaloux, mais generalement, ce
n'est pas le genre de chose qui me fait peur, mais tu ne vas pas me remplacer
par Ethan, hein ?
Il souffle, passe nerveusement une main dans ses cheveux avant de nouer
ses doigts aux miens.
-- Je comprends Lou...
Ramenee dans la realite pesante des dernieres heures, mon sourire s'eteint
subitement, je ferme les yeux et une larme roule sur ma joue.
-- Tu crois que ce canape serait assez grand pour qu'on dorme tous les deux
dessus ?
Il me sourit et hausse les epaules l'air de dire <<< on devrait essayer >>>.
Il m'attire contre son torse, je le laisse faire et pose ma tete au creux de son
epaule.
J'ai envie de dormir contre lui, aussi je fais taire les voix qui me disent que
ce serait preferable de retourner aupres de Sloane. Avant de m'installer, je lui
demande :
Je m'etends pres de lui, la tete sur son torse. Ses bras m'entourent et il
depose un bref baiser dans mes cheveux. Bien que la position ne soit pas la
plus confortable qui soit, elle reste probablement la chose la plus sensuelle et
apaisante que je n'ai jamais connue. Les doigts de Jarred courent sous mon t-
shirt en dessinant des cercles imparfaits le long de ma colonne vertebrale,
mais jamais il ne tente autre chose ; ca me plait.
34
Jarred
Le trajet pour se rendre jusqu'a Sarasota dure pres de trois heures et se
passe dans un silence quasi total. A l'arriere, Sloane ne dit pas un mot et se
contente de regarder par la fenetre. Et comme pour echapper a ses peurs, elle
ferme les yeux. Lou, quant a elle, change inlassablement de station de radio.
Le stress des deux soeurs est palpable a un point tel que ca me rend anxieux
moi aussi.
Je ne comprends pas trop sur quoi elle souhaite se concentrer, c'est quand
meme moi qui conduis dans un endroit inconnu, mais a mesure que nous
nous enfoncons dans la ville, elle m'indique dans quelle rue tourner avant
meme que le GPS le fasse. Plus nous nous approchons de la maison de sa
mere, plus ses poings se serrent. Finalement, elle annonce :
Sa voix est presque un murmure alors qu'elle me pointe une maison jaune
et decrepie, aux volets blancs abimes par les annees. Jouant nerveusement
avec ses doigts, elle se tourne vers Sloane et lui dit :
-- Ca va ? demande-je.
-- Je... Oui...
-- Merci... J'ai dit a ma soeur que j'adorais Ethan, mais que c'etait avant de
te connaitre.
La confidence de cette gosse qui n'a presque pas dit un mot en ma presence
depuis son arrivee me touche.
-- Merci Sloane.
Elle s'execute sans poser de questions tandis que moi, je sors de la voiture
pour aller a la rencontre de ce type.
Je lance un regard a son pick-up tout pourri et lui sourit. Il est parfaitement
conscient que je lui lance une pique silencieuse, mais il ne replique pas,
finalement peut-etre est-il plus intelligent qu'il n'en a l'air ?
Il fait un pas vers ma voiture, mais je lui bloque le passage et tente de lui
sourire.
-- Elle dort, elle est extenuee d'avoir fait ce voyage en bus hier.
-- Aucun doute la-dessus, mais pour l'instant, elle dort et j'aimerais bien
qu'elle puisse reprendre des forces. Elle a fait des heures de bus et a marche
pendant sept kilometres hier, donc ce serait bien qu'elle puisse se reposer.
Un rictus ironique etire ses levres. Je dois detourner le regard pour ne pas
lui refaire le portrait.
Je respire longuement, mais lorsqu'il eclate d'un rire gras, j'ai peine a me
contenir. Il vaut mieux que je m'eloigne de lui, car avoir ce type en face de
moi et ne pas pouvoir lui defoncer la gueule me fout en rogne.
Lou prend la main de sa petite soeur dans la sienne et attrape un sac rempli
de vetements. Sunshine traine sa grosse valise derriere elle, je les aide a les
mettre dans le coffre et retourne prendre place derriere le volant. Sloane ne
bouge pas et fait toujours semblant de dormir. Nous demarrons sans attendre.
Au bout d'un kilometre, je lui annonce qu'elle n'a plus rien a craindre. Elle
releve la tete et se jette dans les bras de sa soeur jumelle.
Si le trajet pour aller a Sarasota s'etait deroule dans le silence le plus total,
celui du retour est ponctue des piaillements des deux adolescentes. Comme si
au contact l'une de l'autre, elles reprenaient vie. Lou noue ses doigts aux
miens et me sourit.
-- Merci, murmure-t-elle.
Elle depose un rapide baiser sur la joue d'Ethan, ce dernier lui murmure
quelque chose a l'oreille et Lou eclate d'un rire cristallin. Vrille par la
jalousie, je serre les poings pour ne pas faire une nouvelle connerie.
-- File ! Tu vas etre en retard, lui dit-il. Les filles sont en securite avec moi.
Il hausse les epaules, un rictus amuse sur le visage. Lou eclate a nouveau
de rire alors qu'il lui fait un clin d'oeil, puis elle revient vers moi d'une
demarche legere.
-- Comment va Carla ?
Je lui pose cette question, tentant le tout pour le tout et ainsi rappeler a Lou
que son ami est engage avec une autre.
-- J'en sais rien.
-- Comment ca ?
-- Comment ca ?
-- Ouais, si tu veux.
Elle sort de l'appartement avec moi dans son sillage, la queue entre les
jambes de m'etre ainsi fait ramener au statut de patron.
Cette seule pensee me broie les entrailles. Je n'ai pas envie de jouer ce
genre de jeu et encore moins d'etre l'ex toujours transi d'amour qui se fait
bouffer par la jalousie. Non, ce que je veux, c'est elle, mais je ne veux pas me
battre avec Ethan, le parfait cretin, pour tomber dans les bonnes graces de ma
douce. Pourtant, je n'ai pas hesite une seule seconde a lui balancer au visage
pour Carla. Je souffle tout en grimpant dans la voiture.
-- T'en fais pas Lou, j'ai dit que je te raccompagnerais, je vais le faire.
Lou se renfrogne et se pince les levres. Je me demande si je n'ai pas ete un
brin trop sec avec elle. Ne pouvant plus y tenir, je tourne la tete vers elle et
mon regard croise le sien, plein d'apprehension. J'ignore pourquoi, mais je ne
tente rien pour la rassurer. Je demarre alors le moteur et prends la direction
du studio ou se deroulera le shooting pour la campagne publicitaire pour le
parfum, les sous-vetements, la ligne de vetements et d'accessoires, le site web
et ensuite pour le catalogue. Autant dire que nous avons du pain sur la
planche !
-- Vous etes en avance, je vais avoir le temps de discuter avec Lou et de lui
expliquer ce qu'elle doit faire. Jarred, t'as encore tout ton materiel a sortir et a
installer.
Jamie me chasse d'un geste de la main et entraine ma belle avec elle vers
les loges, me laissant ainsi en tete a tete avec mes droles d'idees. Je me sers
alors un cafe et prends un muffin sur le buffet.
Tout mon etre se contracte en entendant les aigus de cette voix. D'un geste
brusque, je me retourne vers la personne, mes yeux entrent en contact avec
une grande blonde aux iris noirs, incroyablement bien roulee.
Sa voix monte une nouvelle fois dans les aigus et une moue aguicheuse se
dessine sur ses levres peintes en rose bonbon. Elle s'accroche a mon bras et se
met a marcher d'un pas lent, m'entrainant avec elle, au risque d'envoyer mon
cafe et mon muffin valdinguer par terre. Je soupire, la journee ne fait que
commencer et j'ai l'impression que je ne suis pas au bout de mes peines. Je
me stoppe net et lui fais face, determine a mettre un frein a cette conversation
inutile.
-- Peu importe.
-- Tu veux quoi ? Tu savais bien que nous deux, ce n'etait qu'une nuit !
-- Je sais, et c'est ce qui me derange, annonce-t-elle, joueuse.
Je souffle, epuise, je n'ai pas envie de debattre avec elle. Son frere, qui est
un tres bon ami, m'avait prevenu que sa soeur etait legerement timbree. Peut-
etre aurais-je du le croire...
-- Je t'ai dit que j'obtiens toujours ce que je veux, je n'en ai pas termine
avec toi.
Elle pose un rapide baiser sur ma joue et me gratifie d'un clin d'oeil avant
de me tourner le dos. Elle se dirige en roulant des hanches vers son frere.
Encore une tuile qui me tombe sur la tete. Ca va me rendre fou.
-- Ca va ? demande Jarred.
-- Je...
Je me tais, pose mes yeux dans les siens et y lis ses inquietudes, mais pour
une raison inconnue, je reste incapable de lui repondre. Comme une idiote, je
me contente de hocher la tete. D'un cote, j'ai envie de lui demander de cesser
de jouer au papa poule avec moi et de l'autre de l'etreindre, l'embrasser et le
remercier d'etre la pour moi. Je deteste ne pas etre capable de mettre des mots
sur mes emotions. Jamie s'avance alors vers moi et repond a ma place avec
toute la tendresse qu'elle possede.
Elle rigole et m'entraine vers les loges ou sont deja installes une chaise de
coiffeur et tout le materiel necessaire pour ma transformation : des brosses,
des ciseaux, des pinceaux, ainsi qu'un grand miroir recouvrant toute la
surface d'un mur et enfin des presentoirs sur roulettes contenant tous les
vetements de la collection.
C'est faux ! Elle est si gentille avec moi... Elle ne peut pas faire semblant...
Ah... non ?
Je tente de faire taire cette putain de voix qui me rappelle sans arret que je
suis mauvaise, mais comme toujours, c'est peine perdue.
Je tente de lui sourire, mais j'ai l'impression que tout mon corps se crispe.
-- J'ai demande a ce qu'on nous laisse un petit moment seules afin que nous
puissions parler de ce qui s'est passe avec mes parents.
Elle se tait et me regarde au travers du miroir devant moi. Elle saisit une
brosse a cheveux. Elle retire l'elastique retenant ma queue de cheval et avec
douceur, entreprend de me peigner. Je la laisse donc faire, surprise par son
geste.
-- Parfois oui, et parfois non. Je lui ai tout dit de ma vie, ma maladie, mes
pathologies, mes problemes. Je crois qu'il en sait plus sur moi que mon
meilleur ami.
-- Tu lui as dit ca ?
-- Oui ! Je tiens a bien faire les choses, mais Sloane est deja folle de lui.
-- Je me doute bien qu'il n'a pas utilise sa main toutes ses annees, rigole-je.
-- Non, je dirais qu'elles etaient un peu accros, mais ca, c'est une autre
histoire. Ce que je veux savoir, c'est a quel point tu lui fais confiance.
Elle repose la brosse sur le plan de travail et releve mes cheveux avec un
sourire que je decrirais comme etant diabolique et decide.
-- Je comprends pas...
-- Tes cheveux. Je crois que ce serait parfait pour la seance photo, la ils
sont tres longs, ca alourdit les traits de ton visage.
Elle me repond du tac au tac, mais toujours avec son sourire chaleureux et
bienveillant.
-- Tu comptes faire quoi dans mes cheveux ?
Mes yeux passent des ciseaux sur le plan de travail a son reflet dans le
miroir. Je tords mes doigts dans tous les sens et, devant mon air affole, elle
ajoute, en placant ses mains a environ cinq centimetres en dessous de mes
oreilles :
Des putains d'extensions, c'est une torture ! Je crois que j'aimerais mieux
bruler en enfer. On m'en a mis une fois pour un shooting et la coiffeuse a
passe trois heures a me tresser et me tirer les cheveux dans tous les sens. J'ai
termine cette seance de calvaire en la menacant de l'egorger si jamais ca ne
finissait pas bientot.
-- Oui !
-- Alors, faisons-le.
-- Jamie, attends !
Elle s'arrete et se place devant moi pour me regarder dans les yeux.
-- Je l'aime...
-- Je sais ma cherie.
-- Jamie ?
-- Oui patronne !
-- Et si Lou me dit que tu t'es amuse a lui faire peur, je te renvoie faire des
permanentes a des vieilles !
Incapable de lui en vouloir, je lui fais mon plus beau sourire et lui montre
mon majeur.
-- Merci, murmure-je.
Il me laisse seule pour enfiler les vetements. Une fois la tache accomplie,
je me dirige vers le miroir et tourne sur moi-meme. Le rendu est magnifique,
j'ai presque l'impression d'etre une autre. Je touche le tissu aussi leger que le
vent et tourne de nouveau sur moi-meme.
-- Elle te va a ravir.
Une voix dans mon dos me fait sursauter, je me retourne et tombe nez a
nez avec une jeune femme belle a mourir, blonde platine avec des yeux noirs
brillant de vie. Je suis jalouse de sa beaute autant que de sa prestance.
-- Merci.
-- Ouais... et toi ?
Comme moi ? Une amie a quel titre ? Je ne suis qu'une amie pour lui
maintenant. La conversation sur les ex de mon ex que j'ai eue avec Jamie me
revient en memoire. Je souffle, nerveuse de savoir cette femme d'une beaute a
couper le souffle pres de lui. Elle attrape une meche de mes cheveux entre
son pouce et son index et rigole.
-- Je ne savais pas que Jarred aimait les nanas avec une coupe a la
garconne.
-- Lou ?
Je me retourne et apercois Levi qui me fait signe de le suivre. Soulagee de
quitter cette nana, je me dirige vers lui a grands pas. Une fois a ses cotes, il
me souffle a l'oreille :
Genial !
-- Elle fait plus que ca, il est une veritable obsession pour elle, surtout
depuis qu'ils ont baise ensemble. Mefie-toi.
-- Non, ca va.
-- Ouais... Tu aimes ou pas ? Car quelqu'un m'a dit que tu n'allais pas
aimer.
Je secoue la tete, bien decidee a lui tirer les vers du nez sur sa relation avec
elle.
-- Alors ?
-- C'est marrant, car Levi se rappelle que vous avez passe de bons moments
ensemble. Tu devrais me dire la verite, ca nous aiderait...
C'est faux, mais malgre les mensonges et ma peine, c'est son sourire qui
me fait du bien et je sais que grace a lui, la seance photos sera une reussite.
36
Lou
Tout le monde est parti, mis a part Jarred et moi. La seance photos s'est
relativement bien passee, c'etait bizarre de me faire guider par mon ancien
amant. J'ai pu faire la connaissance de Deeclan, l'homme avec qui je poserai
demain. Si sa soeur est magnifique, lui est sublime ; ils se ressemblent
beaucoup, cheveux blond platine et yeux noirs, un physique a en faire palir
plus d'un. Lorsqu'il a vu que je devais attendre Jarred, il a gentiment propose
de me ramener a la maison. J'ai decline en le remerciant, trop impatiente de
me retrouver seule avec son ami pour discuter de son nouveau mensonge.
Il se redresse, eteint une lampe puis s'avance vers moi, les yeux brillants.
Je deglutis difficilement et suis tentee de reculer d'un pas. Tetanisee, la gorge
soudainement seche et le coeur battant a tout rompre, je releve la tete vers lui.
Son souffle chaud sur ma joue me fait fremir, il prend mon visage en
coupe.
-- Jarred, souffle-je.
Son desespoir me touche, je dois prendre sur moi pour ne pas succomber a
son petit air triste. Je pose doucement mes mains a plat sur son torse pour le
maintenir eloigne.
Je vois bien qu'il est decu, mais ca ne peut pas etre autrement entre nous.
Du moins, pas pour l'instant.
-- Mes soeurs sont ma priorite. Lorsque les choses se seront calmees, nous
pourrons envisager de reparler de nous.
-- Et d'ici la ?
Son ton est borde de tristesse, mais il comprend mon point de vue.
-- Je n'ai pas le choix. Tant que ce n'etait que moi, ca allait, je pouvais
deraper, me foutre en l'air, mais je veux autre chose pour les filles.
Il s'avance vers moi et depose un baiser sur mon front. Du bout des doigts,
il caresse mes joues et chuchote d'une voix douce contre mon oreille :
-- Je vais faire tout ce que je peux pour te prouver que je ne suis pas un
minable.
-- Bon sang ! J'ai connu des centaines de mecs, et crois-moi, c'est pas ton
cas. Meme pas un petit peu.
-- Je... Je...
-- Je sais pas.
-- Jarred, je...
Triste et decu, il reporte son attention sur son materiel qu'il range de facon
assez brusque pour passer ses nerfs. Je pose doucement ma main sur la
sienne, il cesse immediatement tout mouvement et visse son regard gris dans
le mien. Je fremis. Je tends l'autre main vers son visage et caresse sa joue.
J'avance doucement mon visage vers le sien, mes levres cajolent sa joue
avant d'y deposer un baiser. Mes doigts se nouent aux siens, mes gestes sont
lents et j'ai l'impression que ma peau s'embrase.
Il hausse les epaules. Hein, c'est tout ? Non, mais il attend quoi ? Il fait
quoi la ? Il me repousse alors que j'essaie de le convaincre que nous deux
c'est du solide, je suis scotchee. Fachee, je me dirige d'un pas rapide vers la
porte, cependant, avant de la passer, je me retourne et l'apercois debout, les
bras ballants.
-- Lou, attends !
-- Tu sais bien que c'est faux. Mais ne me mens plus, ne me cache plus
rien.
Un doux rire s'echappe de ses levres, suivi d'un soupir. Sa main descend
dans le creux de mon dos, il me serre contre lui. Son odeur me monte aux
narines, mon corps se presse contre le sien. Je crochete mes bras autour de
son cou.
Il me repousse, tourne les talons pour retrouver son materiel. D'une main,
je retire mes talons hauts et de l'autre, je pose mon sac par terre. Pieds nus et
d'un pas lent, je me dirige vers lui et m'arrete a quelques centimetres de son
corps. Je peux presque sentir sa chaleur irradier. J'appuie doucement mes
paumes au niveau de ses reins et l'etreins en passant mes bras de chaque cote
de son corps. Immobile comme une statue, il me laisse faire. Je fais alors
courir mes doigts sur son ventre.
-- Je... Lou...
Ma main droite se faufile jusqu'a son sexe qui devient rapidement dur. Il
souffle fortement alors que je malaxe doucement sa queue au travers de son
jeans.
-- Tu trouves ca marrant ?
Je devine qu'un sourire etire son visage. Je defais le bouton de son pantalon
et ouvre sa braguette.
-- Marrant, non, mais je compte bien te sucer comme personne ne l'a fait.
-- Co... Comment ?
Je vois rouge, puis noir, la colere me fait exploser. Je ne sais pas ce que je
lui hurle, mais en tout cas, je le gifle a lui en faire tourner la tete.
-- Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ca. J'ai l'impression de devoir sans cesse
etre parfait...
Je me laisse aller contre son torse, il m'etreint en resserrant ses bras autour
de moi avec force.
-- Pardonne-moi Lou...
-- Je dois rentrer maintenant. J'aimerais voir les filles avant qu'elles aillent
dormir.
-- D'accord.
Son regard pese sur moi pendant que je remets mes talons hauts. J'ai la
curieuse impression d'avoir perdu mon Jarred.
-- D'accord.
-- Je peux passer chez toi ensuite ? On pourrait discuter.
En une seconde, il est pres de moi et attrape mon visage entre ses mains.
-- Je suis con, j'ai ete mechant sans raison avec toi. J'ai si peur de te perdre.
-- Oui.
-- Je t'aime Jarred, ca j'en suis persuadee, mais ne tarde pas trop a redevenir
le mec dont je suis tombee amoureuse.
Je pose la main sur la poignee pour sortir, mais il me retient une ultime
fois.
Me hissant sur la pointe des pieds, je depose un bref et rapide baiser sur le
bout de ses levres. Je ne sais pas si cela le satisfait, mais pour l'instant, c'est
tout ce que je suis en mesure de lui offrir. Je passe la porte rapidement et une
fois a l'exterieur, j'attrape mon telephone pour appeler un taxi.
Mon coeur bat a tout rompre dans ma poitrine, je fixe mon immeuble,
incapable d'y entrer. Ma petite vie peut-elle etre chamboulee par l'arrivee des
jumelles ? Si au studio j'ai tout fait pour ne pas y penser, etre confrontee a
cette realite me scie les jambes. Je me suis promis de faire tout mon possible
pour les sortir de cette merde que leur pere leur impose.
Allez, Lou, fais-le pour les filles... Ne pense pas, une fois a l'interieur, les
choses iront d'elles-memes.
-- C'est different, mais t'es toujours magnifique. T'as l'air plus femme.
Je rigole en me laissant tomber sur le canape. Je plie mes jambes sous mes
fesses et m'assieds le plus loin possible de lui.
-- J'aime toujours autant passer du temps avec elles, et avec toi aussi, tu
sais.
-- Non, mais installe-toi sur la chaise, car le canape est mon lit.
-- Merci, murmure-je.
-- Si t'as besoin que je les surveille encore demain, fais-moi signe. En fait,
je leur ai promis de les emmener a la plage bientot.
-- J'en ai envie.
-- Si tu insistes, d'accord.
Je me glisse sous les couvertures et tente de porter toute mon attention sur
le film, mais impossible de me concentrer. Mon cerveau est obnubile par le
comportement etrange de Jarred. Par chance, nous allons pouvoir en discuter
rapidement. Epuisee, je baille longuement et ferme les yeux. Il me suffit de
quelques secondes pour tomber dans un sommeil profond.
37
Lou
Lorsque j'ouvre enfin les yeux, le jour pointe deja le bout du nez. J'ignore
quelle heure il est et impossible de mettre la main sur mon telephone. Je me
laisse alors retomber mollement sur l'oreiller. Je ferme les paupieres et tente
de me rendormir, mais rien n'y fait, car une pensee me poursuit et ne fait que
ranimer ma colere.
Jarred.
Pourquoi n'est-il pas venu ici hier ? Il m'a oubliee ? Il etait fache ? Il n'en
avait plus envie ? Peut-etre a-t-il appele l'autre pouffiasse qu'il a deja baisee.
Une douche ! J'ai besoin d'une douche. Ca me remettra les idees en place...
Je saute du divan et file, mais m'arrete net. Quelqu'un est endormi sur une
chaise. Immediatement, mon coeur s'emballe. Il est venu. Jarred est venu, il
m'aime, je lui manque, je suis ivre de joie. Pour peu, je danserais sur place. Je
m'avance pour lorgner cet homme que j'aime plus que tout dans ce monde
pourri et... Euh ? C'est Ethan... La, je ne comprends plus rien. Je me place a
cote de lui et lui donne une pichenette sur le bout du nez, il ouvre les yeux en
sursautant.
-- Je... Oui... En fait non, mais j'ai besoin de mon espace personnel. Je
squatte mon propre canape, et avec Jarred, ce n'est pas au beau fixe. J'ai
besoin de moments a moi.
-- Je crois que c'est une bonne chose qu'il soit loin de toi.
-- Il t'eloignait de moi...
-- Ethan...
Je me retourne pour voir Sunshine qui se frotte les yeux avec ses petits
poings fermes. Je me retourne vers mon ami qui se leve d'un bond, enfile son
t-shirt et s'avance vers ma petite soeur.
-- A demain, alors.
Cet appel n'enleve rien a mon stress et a mon sentiment de ne jamais etre a
la hauteur, mais au moins, je peux me reposer sur l'espoir que le docteur
Andrews mette des mots sur ce qui m'arrive. Peut-etre vais-je me sentir moins
folle.
<<< Bonjour ! Vous etes bien sur le repondeur de Jarred Dwyer, laissez
un message et je vous rappellerai. >>>
-- Coucou Jarred, c'est Lou, heumm, comme t'es pas passe hier soir, je me
demandais si je pouvais toujours compter sur toi pour m'emmener au studio
ce matin. Rappelle-moi.
Une fois douchee, je m'enroule dans une serviette puis enfile mon peignoir.
Je sors de la piece et a peine ai-je franchi la porte que mon telephone sonne.
Je saute dessus, esperant un appel ou un message de Jarred. Un sourire se
dessine sur mes levres lorsque je vois son nom sur l'ecran. Rapidement, les
doigts tremblants, je consulte son texto.
-- T'as vu Lou, heureusement que Jarred est alle faire des courses hier,
sinon on n'aurait pas pu prendre le petit-dejeuner, s'extasie Sloane.
Je lui souris. Depuis l'arrivee de Sunshine, elle semble aller mieux, elle a
retrouve sa moitie.
Je lui pose cette question pour chasser de ma tete ces pensees un peu
absurdes. Cependant, la grimace qu'il fait m'amene a penser que je ne suis pas
si loin de la verite.
-- Mais ils sont vieux et defraichis. Tu crois que tu pourrais nous preter un
des tiens ?
-- Euh non ! T'as treize ans, t'es pas en age de porter des bikinis !
-- Bah vous, vous etes mes petites soeurs et je ne veux pas que vous portiez
ce genre de chose, capiche ?
-- Oh hein, faut pas croire que nous sommes tes esclaves, grogne Sloane.
Je suis tentee de refuser, mais ses yeux implorants me font hesiter, et puis,
il doit bien y avoir un truc pas si mal pour des ados de treize ans.
-- Je ne dis pas oui, mais on va voir ce qu'il y aura dans les boutiques.
Je me leve d'un bond et cours vers la porte, apres avoir embrasse les filles.
-- Elles ont treize ans, elles peuvent rester seules une petite heure.
-- Elles m'ont promis qu'elles seraient sages, sinon je ne les emmene pas a
la plage.
Ethan gare sa voiture devant le studio et se tourne vers moi avec un petit
sourire.
-- N'en dis pas plus, pour l'instant c'est tres bien comme ca.
-- Ethan, t'aurais pu m'avoir n'importe quand, t'as jamais rien fait pour. Que
veux-tu que je fasse ? C'est lui que j'aime.
Sur ces mots, je sors de l'habitacle et fonce a l'interieur. Tout semble deja
pret. Jarred discute avec Deeclan et sa soeur ; la jalousie me vrille l'estomac,
mais ce sentiment est de courte duree, car Jamie vient vers moi.
-- Ou tu t'es amusee avec Ethan toute la nuit, crache Jarred en venant vers
moi.
Jarred m'attrape par le bras et m'entraine avec force dans la loge. Je tente
de me defaire de sa poigne, mais il est trop fort pour moi. Il claque la porte
derriere nous et me lache enfin. Je suis persuadee que s'il avait serre un peu
plus fort, j'aurais une ecchymose.
Il se contente de croiser les bras sur son torse et me toise avec peine et
rage. Deux sentiments intenses auxquels je suis habituee, mais que je vois
rarement dans les yeux d'un autre, alors je ne sais pas trop comment reagir.
-- Il ne s'est rien passe avec Ethan...
Son ton accusateur me prend aux tripes. Je me retiens de tout mon etre
pour ne pas lui hurler dessus. Je souffle et leve les yeux vers lui.
-- T'es con comme pas permis. Je m'en tape de lui et nous n'avons pas baise
ensemble.
-- Non, mais tu aurais du. J'ai bien des defauts, je suis peu folle, mais je
suis honnete, je ne t'ai jamais rien cache.
-- Lou, pardonne-moi.
-- J'en sais rien, mais c'est la seule solution que je vois pour le moment.
-- Oui, patron.
Jarred tourne les talons et me laisse seule avec Levi qui, je l'espere, va
tellement parler que je n'aurai pas le temps de penser.
38
Lou
Levi m'a obligee a porter des talons aiguilles si hauts qu'ils defient le seuil
de gravite. Il m'a coiffee et maquillee a un point tel que je ne me reconnais
meme plus. J'ai revetu une nuisette beaucoup trop sexy au decollete en
dentelle noire avec de legeres bretelles en satin blanc tout. Je sors de la loge
rouge comme une tomate. Le regard des autres me gene et me donne la
curieuse impression d'etre une bete de foire. Jamie arrive pres de moi pour
verifier mes atouts en s'extasiant.
-- Ce sera la pub de parfum la plus sexy de toute l'histoire des pubs, piaille-
t-elle.
-- Si j'y survis. Mes talons sont si hauts que je vais me fracturer quelque
chose si jamais je tombe.
Jarred s'avance vers moi et me detaille d'un oeil critique. Je lui lance une
oeillade mechante avant de lui demander :
Deeclan, l'homme avec qui je dois poser, s'avance vers nous d'un air
dramatique. Il tend la main et m'entraine sur le plateau.
-- Allez, sois pas mauvais joueur, s'il ne se cree pas une alchimie entre eux,
les photos ne vaudront rien, replique a voix basse Jamie.
Je n'entends pas ce que Jarred lui repond, car Deeclan releve mon menton
et pose son regard dans le mien.
Je tente une plaisanterie que je trouve nulle des l'instant ou elle franchit
mes levres.
-- J'ai rien contre le fait d'etre nu tout de suite, si c'est avec toi.
Je me tourne vers Jarred qui tient son appareil dans une main et de l'autre,
il serre le poing. Je ne l'avais jamais vu ainsi et pour dire vrai, ca ne me plait
pas. J'ai comme la curieuse impression que ca ne se deroulera pas dans la joie
et la bonne humeur.
-- Je...
Mon partenaire murmure a mon oreille et Jarred aboie des ordres que je
n'entends pas vraiment. Un bourdonnement emplit mon crane. Chaque
endroit ou mes yeux se posent, les gens me regardent, stupefaits. Ils semblent
se demander ce que je fais la, pourquoi c'est moi qui ai eu le job. Moi aussi,
je me le demande...
Je fonce comme une deratee sous le regard stupefait de tous, mais avant
que je n'aie le temps de quitter le plateau pour m'enfermer dans la loge, Jarred
me barre la route et j'entre en collision avec son torse. Apeuree, je leve la tete
vers lui.
-- Je... Jarred...
Ma voix s'eraille, il pose doucement la main sur mon avant-bras et caresse
ma peau du bout des doigts.
Je n'arrive pas a detacher mon regard du sien. Ses yeux gris me sondent et
pour une fois, je suis heureuse qu'il tente de lire en moi, peut-etre arrivera-t-il
a deviner mon mal-etre ?
-- Je ne le suis plus...
Il leche ses levres et me sourit, sa main glisse dans la mienne et ses doigts
se nouent aux miens. Avec douceur, il m'entraine devant les cameras, les
lumieres m'aveuglent l'espace d'une seconde et je panique.
J'acquiesce et le laisse faire sans broncher. Il pose ses mains sur mes
hanches, me tourne vers la camera et se place derriere moi.
-- Jamie, Love is a Loosing Game.
-- Je...
Son souffle est maintenant contre ma nuque, ses doigts s'enfoncent dans
mes cheveux et me tirent doucement vers l'arriere. Poussee par le desir, par
ses presque caresses qui me rendent folle, je me cambre, calant ma tete dans
le creux de son epaule. Sa main libre se pose sur mon ventre et m'attire contre
lui.
-- T'es la personne la plus sexy que je n'ai jamais vue, murmure-t-il contre
mon oreille.
Jamie... La seance photos... les autres... Bon sang ! C'est pire qu'une
douche glacee. Je parcours la piece des yeux et chaque fois que mon regard
entre en contact avec quelqu'un, je rougis.
-- T'as pas a avoir honte ma belle, t'etais superbe, s'ecrie Jamie en venant
vers nous.
Je fonce comme une deratee vers la salle de bain et m'y enferme. Je respire
avec difficulte et tente de mettre le verrou, mais je n'arrive a rien, car mes
doigts tremblent. J'abandonne et commence a faire les cent pas dans cet
espace confine. Les mains contre le mur au fond, je tente de calmer ma
respiration en inspirant et expirant. Lorsque je suis a peu pres calmee, je me
retourne pour me passer de l'eau sur le visage, mais suis stoppee dans mon
elan en voyant Jarred, le dos contre la porte.
-- Je...
J'avance vers lui, l'attrape par le t-shirt et me hisse sur la pointe des pieds
pour m'emparer de ses levres. Il ne me repousse pas et me laisse l'embrasser
avec une passion presque violente. Ses bras se referment autour de ma taille
et il me souleve en m'agrippant par les fesses. En deux pas, il me pose
doucement sur le lavabo et decolle ses levres des miennes.
-- On a du travail, tu sais ?
-- Lou, je t'aime, je suis fou de toi. En fait, tu me rends fou tout court. J'en
peux plus. Je t'aime bebe...
-- Je...
Ses bras retombent le long de son corps et il me tourne le dos. Il passe une
main nerveuse dans ses cheveux.
-- Comment peux-tu croire que je te hais ? murmure-je.
-- Arretons nos conneries et laisse-moi dire au monde entier que t'es a moi.
-- Si, mais depuis que je t'ai perdue, j'ai ce besoin de te posseder. J'ai envie
de ton corps, de tes crises de nerfs, de tes inquietudes, de ton rire et de la
facon dont tu hausses les sourcils lorsque tu as besoin de savoir si je suis
sincere. Je te veux, toi, Lou, et personne d'autre.
-- Je... OK.
-- OK ? repete-t-il.
-- Je t'aime ma Lou.
-- Moi aussi.
-- On a un probleme, commence-t-elle.
-- Tu m'expliques ?
-- Je dis ca comme ca, mais vous avez un autre mannequin homme sous la
main.
Je pose un baiser sur la joue de Jarred et file vers la loge pour me changer.
J'y trouve Levi en train de ranger son materiel, il leve la tete vers moi avec
une lueur d'amusement dans les yeux.
-- T'as fait des jalouses, tu sais, meme moi qui ne suis pas gay, j'aurais
voulu etre a ta place.
-- Non, ce n'est pas ca, c'est le trait d'eye-liner, et ta facon de... euh... laisse
tomber.
-- J'aime tellement faire ce genre de blague aux petites filles dans ton
genre.
-- <<< Aux petites filles dans mon genre >>> ? Tu ne sais donc pas qui je
suis.
-- Oh, mais si, j'ai meme parie avec Betsy que tu allais faire une scene dans
la premiere semaine, elle, elle croit que tu t'es assagie.
-- T'es serieuse ?
-- Je l'espere, oui.
Je rigole devant l'air ahuri de celui dont nous nous moquons et sors
retrouver Levi qui fume a cote d'une voiture sport rouge sang.
-- C'est a toi ?
-- Ouais miss ! T'es prete ?
J'acquiesce et me dirige vers la portiere qu'il m'ouvre. Une fois tous les
deux a l'interieur, je lui indique mon adresse et c'est en discutant de tout et de
rien que nous sillonnons les rues de Miami. J'ai la drole d'impression que je
viens de me faire un tres bon ami. Ca me fait sourire car je ne suis pas du
genre a m'attacher facilement aux autres.
39
Jarred
Lou quitte le studio, plus belle que jamais, les joues rougies. J'aimerais lui
courir apres, l'attirer dans mes bras, plonger mon regard dans le sien et y lire
tout l'amour qu'elle me porte. Jamie me ramene a la realite en un claquement
de doigts.
-- Jarred, je sais que t'es heureux de l'avoir retrouvee, mais j'ai besoin que
tu restes avec moi. Deeclan peut nous coller un proces. Nous devons
absolument trouver une solution.
-- Qu'il aille se faire voir ! C'est lui qui est parti. Nous ne l'avons pas mis a
la porte a ce que je sache, alors il peut bien s'etouffer avec son proces.
-- Cette collection est importante et tu dois t'investir autant que moi. Je sais
que Lou a beaucoup de place dans ta vie. Je dois avouer que c'est une nana
geniale, mais c'est difficile de gerer tout l'air qu'elle deplace, si je peux me
permettre.
-- Jamie, je l'aime et nous l'avons choisie pour une bonne raison. Regarde
ses photos, ne viens pas me dire qu'elles ne sont pas sublimes. Tu etais aussi
persuadee que moi qu'elle etait le bon choix.
Je tourne vers elle l'ordinateur portable et l'oblige a regarder les cliches que
nous avons pris. Elle inspire longuement et ferme les yeux quelques
secondes. Je connais suffisamment Jamie pour savoir que ce n'est pas de la
mechancete, non, elle a peur pour la collection. Nous avons passe tellement
d'heures sur ce projet que c'est presque impossible de les compter.
-- Oui, je te le concede, mais j'ai peur que le projet finisse par capoter.
-- Jarred, je ne sais pas si c'est une bonne idee, tu es trop implique et... vous
deux... ca degenere tellement rapidement...
Elle s'assied sur la chaise devant l'ordinateur et fait defiler les photos de
Lou en les etudiant d'un oeil critique. Discretement, je jette un coup d'oeil
par-dessus son epaule ; cette proximite, ce desir qui emane de ces cliches est
presque sexuel, mais elle ne peut nier qu'elles sont sublimes et feront fureur.
Elle inspire puis leve les yeux vers moi.
-- Vous avez une alchimie magnifique, je l'admets. Y a juste une chose qui
me chiffonne...
Laissant sa phrase en suspens, elle reporte son attention sur l'une des
photos. Lou est devant, moi derriere, nos regards sont soudes. On peut y lire
tout le desir qui nous habite, mais aussi l'amour.
-- Toi !
-- Jamie, tes cadrages sont parfaits. Ce serait une perte d'argent d'engager
quelqu'un pour un job que l'on peut faire nous-memes.
Je hausse les epaules, j'en ai aucune idee. Elle est l'etre le plus enigmatique
de cette planete.
-- Je sais pas, je crois qu'elle le prend plutot bien compte tenu de tout ce
qui se passe dans sa vie, et du fait que je lui ai cache une partie importante de
la mienne, mais je l'aime et je sais qu'elle aussi.
-- Peut-etre que c'est la raison pour laquelle elle reagit si bien, vous etes
faits pour etre ensemble.
-- J'en sais rien, mais elle ne fonctionne pas comme les autres filles et en ce
moment, je ne l'ai jamais sentie si forte. J'ai l'impression de me trouver face a
un roc, tandis que moi, je m'ecroule.
-- T'as pas besoin d'etre toujours aussi fort, t'as le droit d'avoir des
faiblesses. Et tu sais, Lou, ce n'est pas Sidney. Elle a un truc que ma soeur
n'avait pas.
-- Ouais t'as raison, et moi, je dois retourner chez moi regler mon divorce
et aussi verifier qu'Anton ne jette pas toutes mes affaires dans la piscine ou
qu'il ne mette le feu a la baraque.
-- Ouais tu peux le dire, notre divorce, et ouais ca ne se passe pas tres bien.
Il ne prend pas la chose de gaite de coeur.
-- T'as besoin que j'aille lui rendre une petite visite ? demande-je.
-- Je ne me fous pas de toi, c'est juste que de nous deux, c'est toujours moi
qui te viens en aide, mais la, c'est le contraire, c'est toi qui tentes de jouer les
gros bras pour moi.
-- C'est parfait.
Sans dire un mot de plus, elle sort du studio d'un pas rapide, me laissant
seul devant l'ordinateur. J'ai a peine eu le temps de regarder les cliches de
Lou et moi. Je les fais defiler tranquillement, analysant le moindre de nos
gestes, la position de nos corps. Lou est magnifique, et moi j'ai l'air d'un
pequenaud avec mon t-shirt des Sex Pistols et mon jeans troue.
Est-ce que je viens d'avoir une idee de genie ? Wow ! Je crois bien que oui.
-- Wow mec, t'as mis un moment pour reagir, mais tu savais qui s'etait
passe un truc entre Elie et moi, une fois...
-- Ne me prends pas pour un con, tu la laisses miroiter avec des <<< peut-
etre >>> et ensuite tu fais ce numero-la avec ta petite psychopathe cinglee.
J'accuse le coup et pose mon appareil sur la table pour m'avancer vers lui.
Il reagit au quart de tour.
Avant que je n'aie le temps de terminer ma phrase, son poing vient percuter
ma machoire. Aussitot, une douleur vive se diffuse jusqu'a mon oreille
gauche. Par reflexe, je pose mes mains sur son torse pour le repousser.
-- Et hier ?
-- Bon sang, mec, tu ne crois pas que j'ai assez de problemes avec Lou
comme ca ?! Pas besoin d'ajouter ta soeur par-dessus le marche.
-- Je... Ouais...
-- Alors, tu restes ?
-- Ouais.
-- Hey Deeclan ?
-- Elie, je ne sais pas ce qui se passe dans ta petite tete, mais il n'y aura rien
entre nous. Je suis amoureux de Lou, et ca, tu ne pourras jamais le changer.
-- Jarred !!!
Elle geint, mais je ne lui laisse pas le temps de me supplier et mets fin a
l'appel. Nerveux, je passe ma main dans mes cheveux, je dois prevenir Lou,
ne plus lui mentir et ne plus rien lui cacher. Je compose son numero et c'est
une petite voix chantante qui me repond.
-- Oui ?
-- C'est Sloane ?
-- Tu sais pourquoi ?
-- Je sais pas, elle m'a dit que c'etaient des histoires d'adultes, mais je ne
suis pas idiote, je sais comment ca fonctionne.
-- Ce sera a celui qui impressionnera le plus Lou. Mais je pense que t'as tes
chances !
-- A cause de sa soeur Elie. Elle a pleure dans ses bras comme quoi je lui
aurais fait de fausses promesses et quand elle nous a vus ensemble, elle a pete
un cable. Deeclan est venu me remettre les pendules a l'heure et ma machoire
en a pris un coup.
-- Tu vas bien ?
-- Ouais, t'en fais pas. Ca te pose un probleme si Jamie vient diner avec
nous ?
-- Pas du tout.
-- Que tu peux emmener les filles au studio, elles ont promis d'etre sages,
m'explique Jamie.
Je regarde Sunshine, qui ne pipe pas mot et se leve de table pour rejoindre
la terrasse par la porte vitree. Je regarde ma soeur qui se leve pour la suivre,
mais lui intime de se rasseoir.
-- C'est difficile pour elle, ne lui en veux pas. Je vais aller voir ce qu'elle a.
Ses pleurs redoublent et son petit corps est secoue de spasmes. Passant un
bras autour de ses epaules, je l'attire contre moi pour qu'elle se laisse aller.
Lorsqu'elle releve la tete, j'essuie ses larmes avec mes pouces.
-- J'avais peur de partir seule de la maison, elle m'a promis que vous
reviendriez me chercher.
-- Si, elle me l'a dit, mais je t'en veux, t'etais pas la...
-- Bebe, c'est vrai, je n'etais pas la pour te proteger, mais ne m'en veux pas,
je ne savais pas comment gerer cette merde.
-- Je le deteste, grogne-t-elle.
-- Je te promets que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour ca.
Elle se blottit contre moi et nous restons un moment ainsi, bercees par le
silence et le bruissement des feuillages agites par la brise. Nous avons vecu la
meme merde et etre l'une contre l'autre apaise nos souffrances, quelque part.
-- Je sais, moi aussi, mais je vais aussi apporter mon temoignage sur ce qui
m'est arrive. Il doit payer pour ce qu'il nous a fait.
Sunshine leve ses grands yeux verts vers moi, ils sont remplis
d'incomprehension.
-- Tu vois un psychiatre ?
-- Ouais, depuis peu en fait. Il est doue et c'est le seul qui ait survecu.
-- Comment ca ?
Elle secoue la tete et ses longs cheveux auburn volent dans tous les sens. Je
pose un baiser sur son front avant de poursuivre :
Ma petite soeur se leve et file vers la cuisine. Jarred prend place a mes
cotes, nouant ses doigts aux miens. Je pose ma tete contre son epaule et
inspire son parfum reconfortant.
-- C'est Sunshine...
-- Hein ?
-- Sloane est pleine de vie, elle te taquine sans arret, Sunshine est plus
renfermee. Et la tristesse dans ses yeux ne trompe personne.
-- Je crois que tu esperais tellement que Sunshine soit a l'abri de tout ca que
tu refusais de voir la verite en face.
-- Donc, je peux te dire que j'ai envie de passer ma langue sur ta queue ?
Mon index descend sur son torse et va tapoter son sexe dans son jeans qui,
rapidement, devient dur. Ses bras noues autour de ma taille resserrent leur
etreinte pour me presser toujours plus contre lui.
J'explose de rire tandis que Jarred lui hurle dessus. Elle retourne a
l'interieur et ni mon amant ni moi ne bougeons, continuant de nous observer.
Ses doigts s'enfoncent dans mes cheveux, qu'il caresse doucement. Sa bouche
s'empare de la mienne et nous nous embrassons avec tellement de passion
que j'ai du mal a canaliser mon desir. Encore une fois, il ajoute a mon
supplice en me repoussant, chose qui me fait grogner de mecontentement.
-- Allez ! Excuse-toi !
-- Non !
-- Jamais !
Il stoppe et me balance sans menagements sur son epaule. Des rires amuses
s'elevent de la terrasse. Je releve la tete et vois mes soeurs et Jamie en train de
rire.
-- OK ! OK ! Je m'excuse, clame-je.
-- T'es fachee ?
Posant mes mains sur sa tete, je tente de l'enfoncer dans l'eau, mais rien n'y
fait, il ne bouge pas et se contente de rire de moi.
-- T'es pas assez forte, rigole-t-il.
Je murmure cette phrase pour que lui seul l'entende. Il me fait les gros
yeux, accompagne d'une adorable moue avant de se laisser couler. Lorsqu'il
remonte, il m'attire vers lui et me chuchote au creux de l'oreille :
-- Va te changer, ordonne-t-il.
Je lui souris et file vers la chambre. J'ouvre mon sac et y prends un short
noir et ainsi qu'un haut bleu ciel. Je vais encore avoir froid la-dedans, je leve
les yeux vers la penderie de Jarred et m'avance avec une idee bien precise :
lui voler un pantalon de jogging et un t-shirt. Retirant mes vetements trop
legers, j'enfile ceux de mon amant le plus rapidement possible. Au meme
moment, il entre dans la chambre, change et habille d'un pantalon noir et
d'une chemise grise. Il se seche les cheveux a l'aide d'une serviette. Je ne
peux m'empecher de le detailler, j'ai envie de fondre sur lui pour l'embrasser
tellement il est beau.
Il plisse les yeux en s'avancant vers moi d'une demarche exagerement sexy.
Ses longs bras entourent ma taille et il me colle contre lui.
-- Dis toujours.
-- T'es bete, je n'ai meme pas ete capable de te mettre la tete sous l'eau !
-- Ca, c'est parce que t'es une femme, c'est-a-dire, le sexe faible.
Je le repousse et file vers le salon, lui sur les talons. Les filles sont
installees devant la television et nous attendent.
-- Oh Lou ! Ne le prends pas comme ca, c'etait une blague.
-- Vous ne devinerez jamais ce qu'il m'a dit ! Il a dit que nous, les femmes,
etions le sexe faible.
-- Les enfants, je vous laisse, declare Jamie. Je rentre voir si mon ex-mari
n'a pas mis le feu a la maison.
-- Alors, on regarde quoi les filles ? demande-je en tapant dans mes mains.
-- Ouija !
-- Vous etes sures ? C'est un film d'horreur, hein !
-- Pretes ?
Je crois que de ma vie, j'ai rarement autant hurle de peur ! Mais les filles
ont aime ca, c'est tout ce qui compte.
41
Lou
Le film enfin termine, les filles ont rapidement trouve refuge dans la
chambre d'ami. Elles se sont serrees l'une contre l'autre dans l'immense lit.
Tellement adorables ! Elles etaient tellement claquees de leur journee, que si
je n'avais pas hurle a la mort tout le long du film, elles auraient entame leur
nuit il y a un bout de temps deja.
J'ai rejoint la chambre avec mon amant, main dans la main. Et cela me fait
un drole d'effet. D'habitude, nous passons nos nuits chez moi. C'est une
premiere.
-- Je vais verifier que tout est bien ferme, je l'ai promis a Sunshine,
m'explique-t-il.
Il depose un rapide baiser sur le bout de mes levres et file avec le sourire. Il
est si beau, si plein de vie a cet instant. Plus jamais son sourire ne doit
disparaitre. Car lorsqu'il illumine son visage, c'est toute ma vie qui s'eclaire.
J'attrape mon sac sur le sol et le pose sur le lit, j'en fais rapidement le tour
pour sortir un truc plus sexy, des dessous transparents rose et noir. Je me
depeche d'enfiler le tout et remets le t-shirt de Jarred avant de me glisser sous
les couvertures fraiches.
Ses doigts courent sur mon epaule et descendent le long de mon bras.
-- Oui, enfin...
Ma voix n'est qu'un murmure, alors que mes doigts poursuivent leur
descente vers son boxer. Je tire doucement sur l'elastique et le relache en
riant.
-- Je...
Parfois, les mots ne sont pas necessaires pour exprimer une emotion, et en
ce moment, aucun ne l'est tant la tension sexuelle entre nous est palpable.
Notre relation ne repose pas uniquement sur le sexe, mais a cet instant, j'ai
tellement envie de lui que j'oublie le reste. Je glisse ma main baladeuse sous
l'elastique et empoigne fermement son sexe. Aussitot, il se met a grogner et
se mord la levre inferieure.
Tellement sexy !
Sans lacher sa queue, je releve la tete vers lui et lui souris. M'attrapant sous
les aisselles, il me releve et m'installe a califourchon sur lui. Je vais
commencer a hair quand il fait ca.
-- Non ! Je...
-- Oh bon sang de merde ! T'es belle, t'es sexy comme personne et merde...
Tu voulais me cacher ca ?
Il plonge la tete entre mes seins qu'il parseme de baisers humides, tout en
me maintenant contre lui. Dans la position que nous sommes, son sexe frotte
contre le mien, provoquant des decharges electriques partout dans mon corps.
La friction est delicieuse, la peau de son penis si douce. Je releve la tete, un
sourire diabolique aux levres. Jarred glisse ses doigts dans ma petite culotte et
part a la recherche de mes plis. Il les malmene, les fouille, me procurant un
plaisir salvateur. Il me fixe, guettant la moindre de mes reactions. Et le
spectacle doit lui plaire car je le sens grossir de seconde en seconde.
Son sexe entre et sort en moi a un rythme delirant que j'ai du mal a suivre.
Il me souleve de nouveau, sortant completement de moi et me place a quatre
pattes sur le lit. Ses mains caressent mes fesses, mes cuisses et le bas de mon
dos, je suis a mille lieues de cette chambre. Jarred s'enfonce profondement en
moi et il reste ainsi plusieurs secondes. Je sens sa queue si loin en moi que
c'en est presque irreel. Il me redresse, son torse contre mon dos. Nous
sommes en sueur, haletants, et presque a bout de souffle. Une de ses mains
s'agrippe a mes seins tandis que l'autre descend jusqu'a mon clitoris qu'il
frotte avec tant de ferveur que je jouis presque tout de suite dans un rale
guttural. Mais il n'en a pas fini, il me repose sur le lit et s'amuse a s'enfoncer
en moi de facon anarchique. Tantot avec fougue, tantot avec une langueur
insupportable. Il joue de mon desir, essaye des rythmes plus ou moins
cadences afin de faire durer notre plaisir. Il est doue, c'est le moins que l'on
puisse dire et ce n'est pas moi qui vais m'en plaindre !
Et lorsqu'il juge que c'en est assez, il me pilonne avec fougue, butant
toujours plus profondement au fond de moi. Rapidement, un troisieme
orgasme, plus puissant que les precedents, me happe avant qu'il ne
m'accompagne dans l'extase. Haletant, il s'affale sur moi, son corps recouvert
d'une fine pellicule de sueur.
-- Je t'aime, me coupe-t-il.
-- Lou ? Tu dors ?
-- Presque, pourquoi ?
Je retire les derniers lambeaux du t-shirt qui tenait en place par je ne sais
quel miracle et passe le short et le haut que j'ai apportes. Lorsque je reprends
place dans le lit, il m'ouvre ses bras et je viens m'y blottir a nouveau. Je
trouve adorable ce besoin qu'il a de toujours devoir me toucher.
-- Oui, je crois...
-- J'ai connu Ethan, j'avais, je crois, quatorze ou quinze ans. C'etait un peu
avant que les abus de Dustin ne commencent. J'avais peu d'amis, tu sais, et
lui, il est venu s'asseoir avec moi. Je ne parlais pas beaucoup, mais il est
revenu chaque jour jusqu'a ce que je daigne lui adresser la parole.
-- Pourquoi il a fait ca ?
-- J'en sais rien, il m'a toujours sauvee avant meme que je sache que je
devais l'etre. Et puis, toutes les filles au lycee etaient folles de lui. Il etait
quarterback pour l'equipe de football, il avait des tas de potes et le fait qu'il
choisisse d'etre le mien me laissait croire que j'avais un truc de special.
-- C'est l'une des raisons, mais aussi parce qu'elle semblait differente des
autres.
-- Elle l'etait. Tu sais, je crois que je t'en ai pas parle parce que j'avais peur
que tu sois jalouse.
-- Ca, c'est votre passe, ce qui lui est arrive est horrible, mais... Tu sais,
Jarred, jamais je ne te demanderai de te taire quand tu auras envie de parler
d'elle, mais ne pense plus jamais que je suis jalouse d'elle. Je crois meme
qu'au fond, je suis triste pour elle. Meme si je ne la connaissais pas, j'aimerais
qu'elle soit encore parmi nous.
Les yeux brillant de larmes, il m'attire contre lui et me serre fort dans ses
bras. Nous restons ainsi un moment et je decide de lui faire une confidence.
-- Par contre, je dois t'avouer que je suis morte de jalousie d'une autre fille.
-- Qui donc ?
-- La soeur de Deeclan, et je te jure que si elle tente encore de te mettre le
grappin dessus, elle ne se rappellera plus de son prenom !
Je m'etire et plante un baiser sur ses levres tout en enfoncant mes doigts
dans ses cheveux.
Je lui donne une tape sur le torse, roule des yeux et fais glisser mon index
sur sa clavicule.
-- Jarred ?
-- Heum ?
Il rigole en posant un baiser sur ma tete. Puis, il me dit quelque chose que
je n'entends pas et plonge dans un sommeil profond.
42
Lou
Ce matin, ce n'est pas facile. Sunshine est nerveuse comme jamais et je
dois avouer que je ne suis pas d'un calme olympien. Jarred fait son possible
pour nous apaiser, car il sait bien qu'aujourd'hui, les filles et moi allons
devoir faire preuve de courage. Nous allons prendre le taureau par les cornes
et reprendre le controle de nos vies. Mon amant pose devant moi une assiette
de pain grille et de fruits frais que je repousse immediatement en froncant les
sourcils.
Je leve les yeux vers les jumelles qui semblent calquer leurs
comportements sur le mien. J'attrape une tranche de pain et mords dedans en
forcant un sourire. Je prends sur moi malgre mon estomac qui n'a de cesse de
se contracter. Le traitre se retourne et je dois me lever d'un bond pour foncer
vers l'evier. De la bile me remonte dans la gorge. Jarred attrape mes cheveux
et caresse doucement mon dos.
-- Ca va aller ?
En silence, elles se dirigent vers la chambre d'ami. Je fonce alors sur mon
petit ami et m'ecroule dans ses bras. Il me serre fort contre lui, je respire son
odeur et cela parvient a me calmer.
-- Je serai la.
-- Je sais plus !
Un dernier baiser rapide sur ses levres et je file retrouver ma petite soeur
dans la chambre. Les deux ont etale toutes leurs fringues sur le lit et c'est le
fouillis.
-- Comment vous faites pour foutre le bordel dans une piece que vous
occupez depuis moins de vingt-quatre heures ?
Leurs affaires sont dans un sale etat. Certaines fringues sont trouees,
d'autres usees par le temps. Cette constatation me serre le coeur et renforce
mon desir de les garder a l'ecart de Dustin et de notre mere.
-- Lou ?
Je tourne le regard vers Sunshine qui tremble comme une feuille. J'inspire
profondement, a plusieurs reprises.
Je lui souris du mieux que je peux et lance le haut que je tiens dans mes
mains sur l'amas de vetements.
-- Je dois bien avoir un t-shirt ou deux a vous preter dans mon sac et
lorsque j'aurai un moment, on ira faire un peu de shopping.
-- Ouais !
-- Alors les filles, vous etes pretes ? Jamie m'a telephone, je dois passer
plus tot que prevu au studio.
-- Ca va aller ?
-- Dis pas de sottises, je t'ai promis que je t'amenerais, ce n'est qu'un petit
detour !
Pour le faire taire, je crochete mes bras autour de son cou et l'embrasse
passionnement.
Je ris contre ses levres et plonge mes yeux noisette dans ses prunelles
grises.
-- T'en fais pas, s'il y a quoi que ce soit, je t'appelle et tu accoueras tel un
preux chevalier.
Il secoue la tete, amuse par le ton de ma voix exagerement aigue. Les filles
sortent de leur chambre et nous rejoignent dans le salon, habillees et pretes a
partir.
-- Non, mais vous passez tout votre temps dans les bras l'un de l'autre ou
quoi ? s'ecrie Sloane.
-- Vous etes tous les deux completement gagas l'un de l'autre, replique
Sunshine en enfilant ses tongs.
Et c'est dans une atmosphere un peu plus legere que nous nous dirigeons
vers la voiture. Je sais bien que ca n'enleve rien au stress et a l'angoisse qui
nous habitent toutes les trois, mais une chose est sure, etre ensemble rend la
tache moins difficile. Jarred nous conduit au cabinet de mon psychiatre en
tentant quelques blagues.
Je suis nerveuse de laisser les filles seules dans la salle d'attente, mais je
n'ai pas d'autre option et comme dit mon petit ami : <<< Elles ont treize ans,
ce ne sont plus des bebes >>>. J'aimerais tant reussir a me dire qu'il a raison.
-- Venez, on entre.
Ma voix est si chevrotante que c'en est presque surrealiste. Les filles
m'accompagnent sans dire un mot a l'interieur, d'un signe de tete, je leur
demande d'aller s'asseoir dans la petite salle d'attente. Je me dirige d'un pas
hesitant vers la secretaire.
-- Salut Anita.
-- Ca va pas ?
-- Je... Non.
Elle leve les yeux vers Sloane et Sunshine, assises cote a cote, les mains
jointes sur leurs cuisses, sages comme des images.
-- Oui, t'en fais pas. Tu peux te rendre dans le bureau du docteur Andrews,
je m'occupe d'elles.
Avec un sourire radieux, elle se leve et part les rejoindre. Je leur jette un
dernier regard et fonce vers le bureau du psychiatre. Je toque a la porte et
attends quelques secondes avant d'entrer.
Je sursaute et pose la main contre mon coeur. Je tremble comme une feuille
et manque de m'effondrer. Le docteur me rattrape in extremis et m'aide a
m'asseoir sur l'une des chaises de service. Il prend ensuite place derriere son
bureau.
-- Je... Je...
Je redresse la tete et visse mon regard apeure dans le sien. L'espace d'un
instant, j'y decele de la stupefaction, mais il se reprend rapidement et me
demande :
-- Il a recommence...
Ma voix n'est que murmure et les mots que j'ai prononces sont si
douloureux... Non, en realite, ce ne sont pas les paroles qui font mal, mais la
verite qu'elles renferment.
-- Il a recommence avec vous ?
-- Ma soeur... Sunshine...
-- Il a abuse d'elle ?
-- Oui, j'etais pas la pour prendre soin d'elle. Si j'avais parle avant, elle
n'aurait pas eu a vivre ca. Je... Je...
J'enfonce mon visage dans mes mains pour etouffer mes sanglots, mais je
n'y arrive pas, ils ne font que redoubler d'intensite. D'une patience legendaire,
il me laisse me calmer, ce qui me prend plusieurs longues minutes.
<<< ...
-- Ouaip, a demain !
Il continue son chemin alors que je rentre chez moi. La maison me fait un
peu honte, je n'y invite jamais personne, Ethan est le seul a qui je permets de
venir. L'herbe est toujours jaunie et rarement tondue, contrairement a la
parfaite petite pelouse de nos voisins. La cloture est en morceaux et la
peinture est ecaillee. Sans parler des fenetres et des volets. D'ailleurs, il en
manque au salon, Dustin repete constamment qu'il va s'en charger, mais ne
le fait jamais. En plus, si l'on ne fait pas attention et que l'on pose le pied sur
la deuxieme marche menant au porche, il y a de fortes chances que l'on se
coince la jambe en tombant. Je deteste cette maison ! En fait, je la hais
surtout depuis que maman s'est remariee avec ce con, il ne fait que me hurler
dessus et me traiter d'idiote ou de bonne a rien. A force, j'ai fini par me dire
que c'est a cause de ca que je n'ai pas d'amis.
Sa main s'abat sur ma joue avec une telle force que tout mon visage se met
a bruler. Mon souffle se brise et je reste figee un instant. Du bout des doigts,
je touche, tremblante, l'endroit ou il m'a giflee.
Aujourd'hui, plus que les fois precedentes, il semble enerve. Il hurle si fort
que j'en ai mal aux tympans. Je ne comprends pas sa colere, mais je
deguerpis comme un lapin devant un chasseur. Je grimpe l'escalier tellement
vite que je ne sais meme pas si mes pieds se posent sur les marches. A bout
de souffle, je claque la porte derriere moi et me laisse tomber sur mon lit. Les
pas de Dustin qui viennent vers ma chambre m'inquietent et je suis plus
effrayee que jamais lorsqu'il entre dans la piece.
... >>>
Une main se pose sur mon epaule, je sursaute vivement. Mes larmes
redoublent et mon corps est parcouru de spasmes douloureux. Il me touche
encore, je me sens sale comme jamais. J'entends une voix, mais ne parviens
pas a l'identifier. Je ne vois que le visage de mon beau-pere, son sourire
narquois qui me veut du mal. Ma respiration se coupe, mon coeur s'arrete, les
souvenirs se fracassent les uns contre les autres pour creer des scenes
auxquelles je ne me souviens plus avoir participe. Tout se melange, mon
esprit est un vrai champ de bataille.
Je ne sais plus...
Un cri strident dechire la piece. C'est moi. Des mains se posent sur mon
visage, une voix, differente de celle qui hante mes cauchemars, elle me
parle...
Mes yeux se promenent dans la piece. Ce n'est pas Dustin qui se trouve
devant moi, mais mon psychiatre. Je n'ai plus quinze ans, mais vingt-six. Ses
yeux bleu ciel me sondent, il va me poser des questions auxquelles je ne veux
plus repondre. Il se leve et prend un pichet d'eau pour remplir un verre qu'il
me tend ensuite.
-- Buvez ca.
J'execute son ordre et bois d'un trait tout le liquide. Le docteur Andrews
reprend sa place a mes cotes et me laisse quelques minutes pour me calmer.
-- Lou, je sais ce qu'il s'est passe dans votre enfance, mais j'ai besoin de
savoir ce qui vient de declencher cette crise. Je dois savoir pourquoi vous
reagissez si violemment aujourd'hui.
-- Je dois le faire maintenant, pour les sauver de cet enfer. Je vais aller voir
la police, tout dire...
-- Ouais, je sais...
-- Parce que toute plainte pour abus sexuel est suivie d'une enquete et qu'il
est preferable que vous soyez accompagnee d'un avocat pour vous suivre et
vous conseillez dans vos demarches.
-- Je... Je... n'y avais pas pense.
-- Oui...
D'instinct, mon regard se pose sur le reste de la piece, tout est saccage. Mes
appareils ne sont plus que des pieces detachees, les ordinateurs sont exploses
sur le sol et les toiles sont litteralement eventrees. Je glisse nerveusement mes
mains dans mes cheveux et m'avance vers ma meilleure amie qui semble
aussi deroutee que moi.
-- Jarred...
Je ne l'ecoute plus et fonce vers la loge de Lou. Tout y est saccage, les
miroirs sont eclates au sol, les vetements ont subi tellement de dommages
qu'il est impossible de les retaper.
-- Monsieur Dwyer, madame Michelle m'a dit que vous etiez le dernier a
avoir quitte le studio hier ?
Je me retourne vers un officier de police d'une quarantaine d'annees aux
cheveux noirs. Il semble imperturbable et attend patiemment que je reponde a
sa question.
-- Oui, c'est moi, j'ai verifie que tout etait bien verrouille. Je ne comprends
pas comment ils ont pu entrer... Je fais toujours attention a ce genre de detail
!
Heureux de m'arracher a tout ce que je vois dans cette piece, je le suis pour
rejoindre Jamie et le second officier.
-- Levi ? Il va bien ?
-- Oui, t'en fais pas, il est parti aux urgences par mesure preventive, il a
recu un coup sur la tete.
-- Oui, bien sur. Mon associee peut-elle rentrer chez elle ? Elle est
legerement secouee, elle a besoin de repos.
-- Oui, nous en avons termine avec madame Michelle. S'il y a quoi que ce
soit, nous vous recontacterons. Souhaitez-vous qu'un officier vous
raccompagne ?
Je lui lance un regard lourd de sens. Elle est tetue et peu importe ce que
nous pourrons dire, si elle veut rester, elle restera.
-- T'es mignonne Jamie, mais t'as besoin de repos. Tu vas craquer sinon...
Croisant les bras sur sa poitrine, elle me defie. Sidney avait la meme lueur
de determination dans les yeux.
-- Je dirais aux alentours de 15 heures 30. Nous avons eu des petits soucis
hier, et nous avons tout arrete au milieu de l'apres-midi. Jamie et moi avons
discute un moment, ensuite elle est partie.
-- A quelle heure avez-vous quitte les lieux, madame Michelle ?
-- Je vous l'ai deja dit. A 16 heures 20. Je le sais, car mon ex-mari m'a
appelee et qu'on s'est engueules, ensuite je suis rentree a la maison.
-- Non, il ne prend pas bien le divorce, mais jamais il n'aurait fait une
chose pareille !
-- Ouais.
-- Deeclan etait en colere, car j'ai euh... il y a quelque temps, j'ai eu une
relation d'un soir avec sa petite soeur et elle s'est fait des idees sur nous deux.
Deeclan est venu mettre les points sur les i.
L'ordre du premier officier tombe sur moi comme une tonne de briques.
L'autre agent hoche la tete et fait signe a Jamie de le suivre. Elle me lance un
regard inquiet, elle souhaite mon approbation, je la connais, elle s'inquiete de
la suite des evenements.
Un peu d'air frais me fera le plus grand bien. Rester ici et contempler ce
desastre me fout un peu les boules. Nous marchons en silence vers la sortie et
une fois a l'exterieur, il se tourne vers moi et me demande :
-- J'en sais rien, Jamie dit qu'il ne prend pas bien le divorce, Anton a ses
defauts, mais j'ai du mal a croire que c'est lui.
-- Vous etes parti tout de suite apres le depart de madame Michelle, c'est
bien ca ?
-- J'ai jete un nouveau coup d'oeil aux photos et j'en ai imprime une pour
l'offrir a Lou.
-- Lou est ma petite amie, ce n'est pas elle qui a fait ca, nous avons passe la
nuit ensemble.
-- Nous allons quand meme l'interroger. Nous devons le faire avec chacun
de vos employes.
-- Je m'en doute, mais je peux vous demander d'y aller mollo avec elle ?
-- Jarred, si vous voulez que je fasse quelque chose pour vous, je dois
absolument tout savoir.
-- Lou a subi des abus sexuels durant son adolescence. Ses soeurs ont
debarque chez elle recemment pour chercher du reconfort suite a ce que leur
pere leur a egalement fait subir.
-- C'est ce qu'elles font en ce moment, sinon elles seraient ici avec moi.
-- C'est pas grave. Ce qui m'enerve le plus, ce sont les centaines d'heures
que nous avons passees a bosser qui ont ete reduites en fumee.
-- Co... Comment ?
Elle enfonce sa main droite dans la poche de son pantalon en lin, en ressort
un morceau de papier froisse et me le tend. Je le prends delicatement dans
mes mains et le deplie.
-- Ils viennent de detruire tout ce que nous avions cree et ca, en l'espace de
quelques minutes !
J'ai peine a croire que Jamie refuse de montrer ce putain de bout de papier
a l'inspecteur. J'ai envie de lui hurler qu'elle est folle, mais elle me lance un
regard furieux.
-- C'est Lou, il parle d'elle dans le message, c'est certain. Quitte la Jarred !
Je t'en supplie.
Je secoue la tete, plus decu que jamais par ma meilleure amie. Sa reaction
me met un sacre coup au moral et je recule.
-- Si, bien sur que si ! Ne pense pas que je suis un connard, mais ce sont
des menaces et je ne vais pas m'y soumettre. Je ne vais pas sacrifier ma
relation avec Lou...
-- T'es comme une soeur pour moi, tu es aussi ma meilleure amie, mais je
dois montrer ce papier. Ce sont des menaces...
-- Fais-le.
-- Montre-leur, murmure-t-elle.
Je n'attends pas plus longtemps et rentre au pas de course. Je file droit vers
l'inspecteur qui est au telephone et lui met sous le nez le papier. Il ne prend
meme pas la peine de saluer son interlocuteur et fourre son portable dans sa
poche pour prendre du bout des doigts le message contenant les menaces
ecrites a l'encre noire.
-- Ou avez-vous eu ca ?
-- C'est moi qui l'ai trouve, Levi et moi avons eu peur que ca recommence
alors...
-- Mademoiselle Cassidy !
Je me retourne et apercois Lou venir vers moi, le visage gonfle, les yeux
rougis et tremblant de tout son etre.
Je m'avance vers elle d'un pas rapide et la prends dans mes bras. Du coin
de l'oeil, j'apercois Jamie prendre en charge les jumelles. J'enfonce mon
visage dans les cheveux de ma belle et en respire le parfum de jasmin.
Immediatement, je me sens mieux.
-- Jarred ?
-- Quelqu'un est entre par effraction cette nuit. Je vais tout te raconter, mais
avant, comment vas-tu ?
-- Pourquoi donc ?
Estomaquee par ses paroles, je tire une chaise pour m'asseoir. Je pose la
main a plat contre la table et souffle.
-- Pourquoi ?
-- Ce n'est pas contre toi, je ne savais plus quoi faire pour eloigner cette
menace qui plane sur ce que j'ai mis des mois a creer.
Je pince les levres et n'arrive plus a prononcer le moindre mot. Je reste la,
stoique, bafouillant des mots que meme moi je ne comprends pas. Tout le
respect que j'avais pour cette femme est ebranle et ca, ca me fait mal. J'avais
l'impression qu'en entrant dans la vie de Jarred, j'avais une nouvelle famille,
moins nevrosee que la mienne.
-- Tu ne peux pas dire de telles choses, Jamie, pas apres avoir m'avoir
defendue envers et contre tous...
-- Ce n'est pas moi qui ai demande a ces personnes de saccager mon lieu de
travail.
-- Je sais, mais la menace venait de toi. Je m'en veux, Lou, je n'ai pas
reflechi.
Je fais un effort considerable pour lui sourire. J'ai envie d'envoyer valser la
table et lui hurler que je me fous pas mal de son honnetete.
D'un bond, je me leve et file vers la cuisine. J'ai la tete dans le frigo lorsque
mon petit ami debarque.
-- Ne t'en prends pas a moi. Jamie surveille notre diner, toi tu me suis, on
va discuter dans la chambre.
Desserrant son emprise sur mon membre, il me laisse passer devant lui.
-- Ca va me detendre.
C'est a mon tour de hurler contre lui, mais ca ne semble meme pas le
perturber, alors que moi, je tremble de tout mon etre.
-- Tu crois vraiment etre un paquet de problemes pour moi ? T'es pas bien
la !
-- Ne me dis plus jamais que je ne suis pas bien, sinon la prochaine fois, je
te refais le portrait.
Je m'assieds sur le rebord du lit et attends qu'il vienne prendre place a mes
cotes avant de lui exposer mes plus sombres pensees.
Ce que je deteste le plus dans les revelations, ce sont les silences qui
suivent. Car ils sont pesants et il est difficile d'en sortir. Jarred me fixe, les
yeux grands ouverts.
-- Je sais ce que t'es en train de faire. T'as eu une dure journee, c'a ete la
merde d'un bout a l'autre, et la, tu te sens mal, tres mal meme, et ton seul
mecanisme de defense est de detruire ce qui te rend heureuse. Lou, t'as le
droit de pleurer, de crier, t'as le droit d'etre en colere contre l'humanite, mais
ne m'abandonne pas, car si toi, tu n'as pas besoin de moi pour vivre, ma vie a
moi n'a aucun sens sans toi.
-- Pourquoi ?
Je hausse les epaules et, avant que je ne puisse dire un mot, il murmure au
creux de mon oreille :
Il me souleve et me pose sur ses cuisses, son visage plonge dans mes
cheveux, son nez chatouillant mon cou et ses levres embrassant doucement
mon lobe d'oreille en murmurant qu'il m'aime.
-- Jamie a fait bruler les steaks ? demande Jarred en venant vers nous.
-- Elle a un peu de mal avec moi, malgre les efforts que je fais pour la
mettre a l'aise.
Incertaine de ses paroles, mais voulant y croire de tout mon etre, je lui
souris. L'amour, je l'ai toujours fui, de peur de devoir subir des adieux. Enfin,
jusqu'a lui. Il est toujours la, malgre tout ce qu'il a subi a cause de moi.
-- Ca va Lou ?
Je hoche la tete, passe mes bras autour de son cou et me hisse sur la pointe
des pieds pour l'embrasser.
Je file vers la cuisine avec Jarred sur mes talons. J'ouvre la porte du frigo et
attrape des cocas. J'en profite egalement pour remettre le vin, que mon petit
ami m'avait confisque plus tot, au frais. Je me retourne vers lui.
Je pouffe tandis qu'il secoue la tete. Il fait un pas vers moi, referme la porte
d'un coup de pied et me pousse contre le frigo. Il s'empare des cannettes que
j'ai dans les mains et les balance presque sur le comptoir. Je le regarde faire,
amusee, alors qu'il se penche pour me donner un baiser sauvage. Il joue de sa
langue sur la mienne et le plaisir me gagne. Mais, il s'eloigne comme ca, d'un
coup ! Je grogne de mecontentement.
Je passe devant elle en evitant son regard, mais elle me retient par le bras.
J'utilise le meme ton qu'elle, afin qu'elle comprenne bien qu'entre son
meilleur ami et moi, c'est du serieux.
-- Vous etes des nanas, on ne sait jamais combien de temps vous pouvez
papoter.
L'atmosphere s'est allegee, bien que je sente les filles preoccupees. Elles
reussissent a rigoler aux conneries de Jarred et Jamie qui passent leur temps a
se chamailler comme des gosses.
Elle fouille dans mon sac a la recherche d'un pyjama potable. C'est qu'avec
tout ce qui s'est passe aujourd'hui, nous n'avons pas eu le temps de faire du
shopping.
-- Bien sur que je m'inquiete bebe. Aujourd'hui, c'etait eprouvant pour nous
trois.
Je leur souris et les laisse se glisser sous les draps en leur faisant promettre
de dormir et de ne pas papoter toute la nuit. Elles m'offrent d'immenses
sourires en guise de reponses.
Je passe une main dans mes cheveux. Dans le cabinet de mon psychiatre,
j'ai perdu la notion du temps. Je n'etais plus Lou, la jeune femme de vingt-six
ans, mais l'ado perdue de quinze ans que j'ai jadis ete.
-- Ensuite, le docteur m'a pose des questions, mais je crois qu'il avait
devine avant que je ne lui avoue. Il m'a conseillee de prendre un avocat, il m'a
aussi gentiment recommande un ami a lui qui est arrive dans l'heure. Et selon
lui, remplir une declaration a deposer devant un juge sera plus efficace que
d'aller au commissariat.
-- Demain. Etant donne qu'on bosse pas, on aura tout le temps necessaire.
-- Merci, murmure-je.
Que puis-je dire de plus ? Rien du tout. Il est la, comme il me l'avait
promis. Je me blottis contre son torse et il caresse mes cheveux avec douceur.
45
Jarred
<<< ...
Une main glisse sur mon torse nu. Des levres se posent au creux de mon
cou. J'immerge tranquillement de mes reves, la nuit a ete courte, je n'ai pas
beaucoup ferme l'oeil. Cette situation est en train de me rendre dingue, je ne
sais plus quoi faire... Mais l'amour que j'eprouve pour Sidney est fort,
presque impossible a detruire. Des l'instant ou mes yeux se sont poses sur
elle, j'ai su, je l'ai ressenti jusqu'au plus profond de mon ame : c'est elle et ca
le sera toujours.
J'ouvre subitement les paupieres, une vive douleur se repand dans mon
torse. Sidney est penche sur moi et me frappe de nouveau. Je ne comprends
pas ce qui se passe ni pourquoi nous sommes passes de la pipe matinale au
<<< je vais te tuer mon salaud ! >>>. Je tente de parer les coups, mais rien
n'y fait, elle s'acharne en me hurlant des paroles incomprehensibles.
La plupart des crises que Sid fait sont le fruit de son imagination
debordante et je reussis generalement a la calmer en quelques minutes, mais
je dois admettre que je l'ai rarement vue dans une telle fureur. J'ai
l'impression d'etre face a un dragon cracheur de feu.
C'est toujours la meme rengaine. Elle pense que j'en aime une autre et que
je vais la laisser tomber. Avec mon depart, je me doutais qu'elle ferait des
crises, et je suis meme impressionne qu'elle n'eclate que maintenant.
Je sors du lit et enfile mon jeans. Je me place face a elle, les mains sur ses
epaules pour tenter de la calmer.
-- Calme-toi !
Hier, je l'ai glissee dans mon sac de voyage, dans le but de la detruire une
fois a l'autre bout du pays, afin qu'elle ne tombe jamais dessus. J'ai eu un
moment de faiblesse, j'ai failli lacher prise... Et visiblement, elle a mis la
main sur ma lettre.
-- Sidney...
-- Tu veux me quitter ?
-- Tu m'as toujours dit que les coups durs n'entacheraient pas notre
relation, me coupe-t-elle.
-- Tu dis toujours que tu seras fort pour nous deux. Tu me mens sans arret
! m'interrompt-elle a nouveau.
Elle se releve d'un bond et se place face a moi, ses grands yeux noirs me
fixant durement.
Je la connais trop bien : lorsqu'elle est dans cet etat, je ne peux rien faire
pour la calmer, alors je fais mon sac en le remplissant de choses sans
importance, des choses que je choisis au hasard, pour donner l'illusion de
plier bagages. Ce n'est pas la premiere fois que l'on se retrouve dans cette
situation et d'habitude, avant meme que j'aie passe la porte, elle me court
apres en s'excusant et en m'assurant qu'elle ne veut pas que je la quitte.
Cependant, la, elle semble imperturbable.
-- T'as jamais dit des mots qui depassaient ta pensee ? Tu veux me quitter
au moins trois fois par semaine, mon bebe.
Elle hoche la tete, je m'avance vers elle et pose un baiser sur son front.
Un faible sourire se dessine sur ses levres alors que je me dirige vers la
salle de bain pour enfiler un t-shirt et mettre les vetements que j'ai laves hier
dans mon sac.
Un sourire amuse sur les levres, elle s'avance et s'assied sur le lavabo.
L'orage est passe, enfin pour l'instant... Je soupire de soulagement en
m'avancant vers elle pour l'embrasser.
... >>>
Je roule sur le dos avant que de fins doigts aux ongles rouges et noirs se
posent sur mon torse. Ses cheveux bruns me chatouillent le cou lorsqu'elle
pose sa tete sur mon epaule. Ma main part a la rencontre de la sienne et entre
deux petits grognements, elle murmure mon prenom comme une douce
melodie. Le parfum au jasmin de Lou me titille les narines. Bon sang, je
l'aime et la vie est tellement plus facile depuis qu'elle est la ! Elle a chasse
beaucoup de mes mauvais souvenirs et malgre ses crises, je me sens leger,
vraiment heureux. Bien qu'elle croie que la vie a ses cotes est comme l'enfer,
moi, je me sens bien.
Des pas legers et lents se font entendre, je tends l'oreille. Ce n'est pas Lou,
je reconnaitrais sa demarche entre mille. Elle se deplace toujours comme si
elle etait pressee d'aller etrangler quelqu'un. Donc, j'en conclus qu'il doit
s'agir de l'une de ses soeurs. Je leve la tete et apercois Sunshine a l'entree de
la piece.
-- Tu ne dors pas ?
-- Non, j'ai apercu de la lumiere, je pensais que c'etait Lou... Je ne vais pas
te deranger plus longtemps.
-- Reste, viens t'asseoir. Puis, tu sais bien que si c'etait ta soeur, toute la
maison saurait qu'elle est reveillee, rigole-je.
Un petit sourire nait sur ses levres, elle me parait hesitante, presque
nerveuse.
-- T'es pas obligee de l'accepter, mais Lou m'a explique pour votre
probleme de fringues.
Je lui designe le t-shirt d'un geste du menton. Elle fronce les sourcils et ses
yeux me lancent un millier de questions. Devant son air circonspect, j'ajoute
immediatement :
-- C'est qui la fille sur les photos ? demande-t-elle avec un signe de tete
vers l'album pose sur la table basse.
-- Sidney. C'etait ma femme...
-- Je suis desolee...
-- Ne le sois pas. Sur cette photo, nous etions en terminale, quelques jours
avant le bal de fin d'annee. Sid m'avait traine de force dans pres de vingt
boutiques pour trouver la robe parfaite. Tu sais ce qui est bete dans cette
histoire ?
Secouant la tete, elle pose son regard vert sur moi, je ne peux m'empecher
de sourire.
Sunshine pouffe, alors que je tourne la page de l'album et lui montre une
photo de Sidney et moi a ce fameux bal. Elle porte une robe noire, tombant a
mi-cuisses, aux coutures pailletees et au col rond. Sans manches, la tenue
laisse voir ses epaules.
-- Oui, elle l'etait. Je n'ai jamais vu une personne aussi belle qu'elle.
-- Et Lou ?
Comment expliquer a une ado de treize ans la difference entre Lou et Sid ?
Je vois a l'etincelle de peur qui brille dans ses yeux que je ferais mieux de
trouver une reponse valable et rapidement.
-- Que faites-vous ?
A-t-elle senti qu'il y avait de l'eau dans le gaz entre sa soeur et moi ?
-- Je sais pas... J'ai essaye, mais peut-etre que tu ne m'entendais pas ou que
je ne viens que de comprendre tout ca.
-- Je me pose une question depuis hier, tu trouves que ca va trop vite entre
nous ?
-- J'aimerais bien te dire que oui, mais non. Parfois, j'ai l'impression de te
connaitre depuis des annees, mais d'autres fois, j'ai le sentiment que nous ne
sommes que de vagues connaissances.
Elle se blottit contre moi, la tete au creux de mon epaule, je la souleve pour
l'asseoir sur mes cuisses, tandis qu'elle passe ses longs bras autour de mon
cou.
-- Oui.
-- Ouais, mais a cote d'elle, n'importe qui l'aurait. Elle est belle.
-- Je sais que tu n'es pas avec moi pour me sauver, ca, ca va, mais je t'en
prie, je ne veux jamais etre en competition avec l'autre femme de ta vie.
-- Vous auriez fait une belle paire et m'auriez rendu completement barge !
-- Je t'accompagne.
Encore une fois, nous regagnons la chambre main dans la main, presses de
nous blottir l'un contre l'autre.
46
Lou
Des eclats de rire me tirent de mon sommeil. J'ouvre les yeux et tourne la
tete a la recherche de Jarred. Sa place dans le lit est vide, il n'est plus dans la
chambre. Un mal de tete me terrasse, c'est si lancinant que j'ai l'impression de
sentir mon sang pulser dans mes tempes. Tremblante, je frotte mes yeux avec
mes poings avant de sortir du lit et d'enfiler un peignoir. Un petit passage a la
salle de bain s'impose pour me passer un peu d'eau fraiche sur le visage. Je
verrouille la porte derriere moi, un vertige m'assaille et je dois me retenir au
lavabo pour ne pas m'effondrer. Je souffle en attrapant un gant de toilette que
je mouille et passe sur ma peau moite. Tantot sur le visage, tantot sur les
epaules et le cou.
-- Bebe ? Ca va ?
-- Ca va Lou ?
-- T'en as ?
-- J'espere que mon initiative ne sera pas mal prise, mais j'ai remarque que
les filles n'avaient pas beaucoup de vetements alors j'ai fouille dans ma
collection pour ado et leur ai apporte quelques trucs. Ca date de la saison
derniere, mais...
Elle pose les deux enormes bagages sur la table, enfonce la main dans son
sac a main en cuir mauve et en ressort une boite blanche et bleue qu'elle me
tend. Je me laisse choir sur la chaise a cote de Jarred et me prends la tete
entre les mains.
Jamie ouvre une armoire et en sort un grand verre qu'elle remplit d'eau et
pose devant moi.
-- Merci, marmonne-je.
Elles se lancent sur les sacs avec tellement d'entrain que je suis surprise
qu'elles aient pu patienter jusque-la. Les vetements volent dans tous les sens
sous des <<< oh ! >>> et des <<< ah ! >>> d'extase. Malgre mon mal de
crane accablant, je ne peux reprimer un sourire. La main de Jarred se pose sur
la mienne et il la presse pour m'intimer de terminer mon assiette. Je refoule
un grognement et mords dans une tranche de pain grille. Une fois mon petit-
dejeuner termine, mon mal de tete a presque disparu et les filles sont allees
dans la chambre pour ranger leurs nouveaux vetements.
-- Merci Jamie ! T'as besoin d'aide ? Parce que Jarred et moi n'avons rien
de prevu aujourd'hui.
-- Et moi qui croyais qu'on allait passer une journee ensemble, bougonne-t-
il.
-- He, mon coco, tu ne vas pas laisser ton associee se taper tout le travail.
Elle prend une voix aigue et continue avec des paroles que Jarred lui a deja
dites :
-- On est une team ! On fait tout ensemble ! Si t'as des problemes, moi
aussi j'en ai. Je suis la pour toi.
Je pouffe, ce qui encourage Jamie a se moquer de son ami qui lui fait des
grimaces.
-- Si vous voulez une soiree en amoureux, je peux prendre les filles chez
moi ce soir, propose-t-elle.
-- Je...
-- Pas moyen d'avoir raison dans cette maison ! Je vais m'habiller, lorsque
vous m'aimerez dignement, vous me trouverez dans ma chambre.
Il se leve, pose un baiser sonore sur mes levres et quitte la salle a manger
en feignant de bouder. Jamie s'assied a mes cotes et visse son regard dans le
mien.
-- Si quand meme, mais je le fais parce que je vous aime beaucoup les
jumelles et toi.
-- Je vais aller les voir et les aider a trouver leurs tenues pour la journee.
-- Oui maman !
Je roule des yeux et me leve a mon tour pour rejoindre Jarred dans sa
chambre. Mais lorsque j'ouvre la porte, je constate qu'il n'y est pas.
Lentement, je me dirige vers la salle de bain attenante. Bingo ! Il est la, torse
nu, et se rase. Je baisse la lunette des toilettes et m'y assieds. Pendant
quelques minutes, je l'observe en silence. Il me lance des petits regards
amuses au travers du miroir.
Une fois le bas de son visage parfaitement lisse, je m'avance vers lui et
grimpe sur le lavabo. J'attrape son doux visage entre mes deux mains et
caresse sa peau. C'est si agreable... Ses yeux gris comme l'acier me
transpercent et s'insinuent en moi pour reveiller mon bas-ventre. Je perds tous
mes moyens. Sa bouche s'empare alors de la mienne, sa langue s'immisce
entre mes levres et entame une danse sensuelle avec la mienne.
Je fremis, mon coeur bat a toute allure, faisant pulser a toute vitesse mon
sang dans mes veines. Mes mains glissent sur sa chair, le long de son corps
jusqu'a son pantalon que je m'acharne a vouloir lui enlever. Le repoussant
legerement en posant une main contre son torse, je me glisse en bas du lavabo
et le lui retire enfin. Sa queue est a quelques centimetres de mon visage et elle
me semble dure comme de la pierre.
-- Ouais ? Quoi ?
-- Tres bientot !
Ma langue lape sa hampe avec delice, je prends mon temps dans le but de
lui offrir la meilleure fellation de toute sa vie. Il n'essaie plus de m'en
empecher, non, il baise litteralement ma bouche en me tenant par les
cheveux. Il ondule du bassin, desireux de s'enfoncer toujours plus. Je savoure
son gout masculin et la douceur de cette peau fine.
-- Jarred ?
Il grogne et enfonce un peu plus ses doigts dans ma tignasse. Son sexe
entre et sort de ma bouche si rapidement que j'en perds le souffle, je tente de
reprendre le controle de la situation et le repousse legerement pour ne pas
m'etouffer. Ses doigts desserrent leur emprise dans mes cheveux et il me
laisse imposer le rythme que je souhaite. Moi qui ne souhaitais, a la base, que
lui offrir un peu de plaisir buccal, je suis rapidement soulevee et mes
vetements me sont arraches avec empressement. Il me retourne, me forcant a
prendre appui sur le lavabo, les deux mains fermement cramponnees a la
faience. De sa main droite, il frictionne mon clitoris et je mouille plus que de
raison. Il plonge rapidement un doigt en moi, comme pour me preparer a
recevoir quelque chose de plus gros. Puis, lorsque je suis suffisamment
glissante, il s'enfonce en moi, accompagnant son intrusion d'un delicieux son
rauque. Je ne suis plus qu'un pantin entre ses mains et il fait de moi ce qu'il
veut, pour mon plus grand plaisir.
Mes seins bougent au meme rythme que son bassin. L'une de ses paumes
est posee sur mon ventre et il me redresse. Mon dos bute contre son torse. Et
nous nous observons au travers du miroir. Je ne suis pas du genre voyeuse,
narcissique ou autre, mais l'image que me renvoie la glace m'excite tellement
que lorsque Jarred descend sa main le long de mon corps pour venir la glisser
entre mes cuisses, je ne peux retenir mon orgasme. Je me mords l'interieur de
la joue jusqu'au sang et me contorsionne dans tous les sens, essayant de me
soustraire a la caresse de ses doigts. Je ne vais pas y survivre... Mais son autre
main, toujours sur mon ventre, me maintient avec force contre lui. Il continue
de me masturber, mon sexe est en feu. Je le sens en moi, sur moi. Il accelere
et mon bas-ventre est douloureux de plaisir. J'entends sa respiration dans mon
oreille et cela m'excite d'autant plus. Il va me tuer... Je grogne, me cambre et
gemis jusqu'a un deuxieme orgasme. Mes jambes me supportent a peine
lorsqu'il recommence a s'enfoncer en moi. Il est insatiable et moi, je ne suis
plus qu'une boule de plaisir qui en redemande encore et encore.
Des coups portes a la porte nous derangent une seconde fois. Jarred
grogne, mais ne repond pas, s'affalant contre mon dos pour lacher un rale
etouffe. Son poids contre moi en plus de mes jambes flageolantes vient a bout
de mes dernieres forces, nous nous affalons sur le carrelage froid,
completement nus.
-- Petite joueuse, va !
Je sens son regard dans mon dos, mais je suis trop enervee pour lui faire
face. A la place, je plonge la tete sous les jets d'eau et mouille mes cheveux,
je tends la main pour attraper le shampoing, mais le fait tomber. Putain !
Jarred le ramasse et me le tend.
-- Je comprends pas pourquoi t'es en colere, Lou. T'es fachee parce que j'ai
toujours envie de toi ?
Je me retourne.
Son sourire s'affaisse et l'expression que je lis sur son visage reflete la
deception et la colere. Instinctivement, je recule.
-- T'es serieuse la ?
Oui...
Non...
-- Oui !
Il secoue la tete et sort de la douche, sans un mot. Je reste la, les bras le
long du corps, l'eau ruisselant sur mon corps. Mon cerveau est passe en mode
off, mon coeur, lui, explose et une petite voix interieure me repete que je ne
suis qu'une idiote. Rapidement, je sors de la cabine et seche mes cheveux.
J'enfile des vetements propres et cherche Jarred dans la maison. Je le trouve
apres un moment sur la terrasse. Il a l'air toujours aussi enerve.
Jarred apparait au bout du couloir, droit comme un piquet, les bras croises
sur le torse.
-- Tu crois vraiment que c'est a cause de ca que je suis avec toi, parce que
t'es bandante ?
Je m'egosille, tandis que mon corps tremble comme une feuille. Ses yeux
se posent dans les miens, il me sonde, tente de voir en moi.
-- T'es tellement bete parfois ! Je t'aime, et je ne sais plus quoi dire pour
que tu le comprennes.
-- Non !
-- Babe, tu penses trop, ca cree des problemes qui n'ont pas lieu d'etre.
-- Je crois bien...
-- Lou, je ne vais pas te faire de grand sermon sur ce que doit etre l'amour,
parce que t'aimer n'a rien de conventionnel. T'aimer, c'est plutot comme etre
au milieu d'une tornade.
Je me mets a bouder comme une enfant tandis qu'il prend place sur l'un des
canapes du salon.
Il se leve et fait les cent pas devant moi, puis il stoppe et se retourne.
-- Je...
-- Je blesse les gens que j'aime parce que je suis trop impulsive, mes
emotions en dents de scie n'arrangent rien. Mais c'est ainsi. Cependant,
j'essaie tellement fort de faire des efforts quand je suis avec toi. Parce que je
t'aime comme je n'ai jamais aime personne dans ma vie.
Je tente un bref sourire. Il sait bien que ma maladie est un desordre des
emotions et que je dois me battre chaque minute contre les impulsions que
cela entraine. C'est dur pour lui, mais ca l'est egalement pour moi.
-- Peut-etre qu'on pourrait prendre quelques jours pour nous, chacun de son
cote..., je propose.
La honte me submerge d'un seul coup, elle est si vive que j'enfouis mon
visage entre mes mains et lui tourne le dos. Je me sens comme la derniere des
idiotes, pourquoi j'ai reagi ainsi ? Je m'en veux tellement...
Je tente de sourire, mais c'est difficile. Jarred releve mon menton avec son
index et visse son regard dans le mien.
-- Ouais, j'ai dit une connerie et je m'en veux. Je ne peux pas vivre sans toi.
En fait, je le sais depuis la reception chez Jamie, mais parfois, on a besoin
d'une piqure de rappel. Tu me pardonnes ?
Quelle conne !
Je pose ma tete contre le dossier, puis la tourne vers lui avant de prendre la
parole.
-- Je ne rumine pas. J'ai juste honte de ce que j'ai fait, j'ai l'impression
d'etre une enfant qui dit <<< non, je n'aime pas >>> sans meme avoir goute...
-- T'es bete !
Je pouffe en lui donnant un coup sur le bras alors que nous penetrons dans
le studio. Il fait mine d'avoir mal et Jamie s'avance vers nous en secouant la
tete, amusee par nos gamineries.
Il fait rouler ses sourcils de facon assez suggestive, ce qui me fait rire, mais
son amie secoue la tete et s'ecrie :
-- Non, aucun.
-- Ca va mes cheries ?
Elles sont magnifiques avec les vetements que Jamie leur a donnes. Sloane
porte un haut ample legerement ouvert dans le dos de couleur violet et un
short noir, tandis que Sunshine a choisi une tenue plus classique : short en
jean et haut blanc. Elle me fait de plus en plus penser a moi a cet age.
Je me penche pour le sortir des debris. Et la, mon coeur a un rate. Il s'agit
d'une montre, dont le bracelet est en argent noir. Je connais bien ce bijou. Ce
n'est pas possible... Tremblante, je retourne le cadran et vois ce que j'aurais
prefere ne pas voir. Un nom y est grave : celui d'Ethan.
Comment cette montre a-t-elle pu atterrir ici ? Il n'a jamais mis les pieds au
studio ! De plus, il ne s'en separe jamais... J'ai beau retourner ca dans tous les
sens, il n'y a qu'une explication possible : il est venu ici. Pourquoi ? Voulait-il
me voir ? Puis, ca devient comme une evidence. Mon souffle se coupe ;
aurait-il pu saccager cet endroit ? Aurait-il pu tout detruire avec autant de
violence ? Est-ce que je le connais suffisamment pour affirmer que non ?
Comment a-t-il pu faire ca ?
-- Lou ?
Ils sont deux, il n'a pas fait ca tout seul. L'idee doit etre de Tommy. Oui,
c'est ca, il me deteste et voulait m'en faire baver en s'en prenant aux
personnes qui comptent pour moi. Il a entraine Ethan dans un plan
completement insense...
Pour l'une des rares fois depuis que je le connais, la presence de mon petit
ami ne me rassure pas. Lorsque je lui montrerai ce j'ai decouvert, il entrera
dans une colere terrible et cela m'effraie.
-- Quoi ?
-- C'est a Ethan...
Je pose la montre dans sa main, incapable de dire quoi que ce soit pour le
rassurer.
J'ai besoin qu'il me dise que si, qu'ils se sont disputes. J'ai besoin de lui
trouver une excuse, un alibi qui prouveraient qu'il n'a rien a voir dans tout ca.
Mon ami de toujours n'a pas pu faire ca...
-- Pas a ma connaissance.
L'homme que j'ai toujours considere comme mon meilleur ami, celui que je
pensais au-dessus des autres... a detruit le studio ? Pourquoi ? Je ne
comprends pas.
-- Lou, tu pleures ?
Ma petite Sunshine me fait remarquer que mon visage est humide. Du bout
des doigts, je touche mes larmes et tente de les essuyer avec la paume de ma
main. Mais les pleurs continuent d'affluer.
Jamie apparait dans mon champ de vision et emmene les jumelles avec
elle. Je ne sais pas comment il fait, mais il m'entraine dans la salle de bain,
celle ou nous avons presque baise il y a quelques jours. La piece est tout aussi
saccagee que le reste du studio, ca me fait mal de voir mes souvenirs ainsi
reduits a neant. Je me retrouve assise sur le lavabo, Jarred devant moi, son
regard gris dans le mien. Il me sonde, se demandant sans doute si je vais bien.
-- Je veux rentrer a la maison, je veux dormir dans tes bras. J'en peux
plus...
-- Oui bebe. C'est ce que nous allons faire, mais pour l'instant, nous devons
attendre l'inspecteur. Tu peux faire ca pour moi ?
Je me contente de hocher la tete. Oui, je peux faire ca pour lui et ce, meme
si mon monde s'ecroule. Avec la supposee trahison d'Ethan, j'ai le sentiment
que ma vie n'est qu'une vaste mascarade. Mais au centre de ce champ de
bataille, il y a Jarred. Et malgre toutes les guerres que nous avons essuyees, il
reste present. C'est mon roc, le seul sur lequel je peux reellement m'appuyer.
Non, je ne vais pas mieux, non ca n'ira pas mieux. Ce qu'il a fait est
impardonnable. Mon desespoir fait place a la colere, mes larmes cessent
immediatement de couler et je serre les poings. Jarred ressent mon malaise et
prend mon visage en coupe. Je n'ai qu'une envie, hurler et eclater la tete
d'Ethan contre l'asphalte !
Ses yeux cherchent les miens, mais je les evite soigneusement. Ils
pourraient me faire flancher.
-- Tu veux quoi ? Que je lui tape dans la main pour ce qu'il a fait ?
-- Jarred, je m'en veux... Sans moi, vous n'en seriez pas la.
-- T'as probablement raison, mais jamais je regretterai d'avoir pose les yeux
sur toi a cette soiree. Si c'etait a refaire, je le ferais encore. Sans toi, je serais
encore le pauvre mec que j'etais.
-- Ma cherie, ce n'est pas ca qui va nous eloigner l'un de l'autre. On est bien
plus forts que ca.
-- T'es prete ?
Une fois l'interrogatoire termine, Lou s'est tournee vers moi et a fondu en
larmes dans mes bras. Les vannes etaient ouvertes et elles etaient impossibles
a fermer. Suite a ca, Jamie et moi avons convenu de nous en tenir au plan
initial, car si Lou a ete d'une force incroyable, elle a aussi besoin de se
reposer. Alors comme nous l'avions prevu, les filles vont dormir chez Jamie
ce soir et moi, je vais tacher de prendre soin de ma belle.
-- Jarred ?
Levi, le coiffeur que nous avions engage pour la collection, s'avance vers
moi d'un pas decide. Il traine sur le visage un coquard qui tourne au vert. Il
semble tout aussi epuise que nous par les evenements recents. Je le connais
depuis environ cinq ou six ans, il a debarque un soir a l'une des soirees de
Jamie, et il n'est plus jamais reparti.
-- Ca va mec ?
Je l'interromps :
-- Comme je l'ai dit aux policiers, ils etaient masques. Jarred, cette histoire
est insensee, mais j'ai peur qu'ils s'en prennent a Lou, directement tu vois ?
-- Je sais pas, je n'avais fait face a un tel degre de violence auparavant. J'ai
peur que ces deux-la s'en prennent a vous de la meme facon...
Il n'a pas tort. S'ils s'en sont pris a lui, ils pourraient s'en prendre a Jamie.
Peut-etre n'est-ce pas la bonne chose de les laisser, elle et les jumelles, seules
? Je ne supporterai pas que quelqu'un s'en prenne a elle.
-- Non ! Enfin...
Il se tait, croise les bras sur son torse et secoue la tete, sans lacher un mot
de plus.
Bien decide a savoir ce qu'il se passe, je hele Jamie qui vient vers nous
immediatement. Elle nous regarde a tour de role, mais chaque fois que ses
yeux se posent sur notre ami, elle lui sourit, quant a moi, je ne recolte que de
droles de grimaces. Bon, qu'est-ce que j'ai fait de mal ?
Je croise les bras sur mon torse et contemple Jamie d'un air amuse. Il m'en
a fallu du temps pour comprendre que les deux idiots devant moi s'aiment
plus que bien.
Je m'avance vers elle et pose mes mains sur sa taille, aussitot, elle me
repousse legerement. Je fronce les sourcils et la laisse m'entrainer a l'ecart.
-- Ca va Lou ?
-- Merci, je vais verifier aupres des filles que tout est OK pour elles.
-- Une fois a la maison, je te ferai couler un bain bien chaud. Puis, pendant
que tu te prelasseras dans la mousse, je preparerai le diner. Ensuite, on
regardera un film dans le lit, d'accord ?
Elle acquiesce et s'agrippe tellement fort a moi que j'ai l'impression qu'elle
va craquer d'un instant a l'autre. Jamie s'avance vers nous, accompagnee de
Levi et des jumelles.
Lou fait promettre a ses frangines d'etre sages. Je crois que c'est beaucoup
pour elles en ce moment, elles semblent autant sur le point de flancher que
leur ainee. C'est decide, des vacances s'imposent, elles ont toutes les trois
besoin de souffler.
Elle designe Levi d'un signe de tete, un air amuse sur le visage. Comment
j'ai fait pour ne rien voir avant ? Ils sont proches, trop proches pour n'etre que
de simples amis. Je me demande quand ca a commence. Est-ce pour ca que
Jamie a ressenti le besoin de mettre un terme a son mariage avec Anton ? Est-
ce pour cette raison qu'il est si en colere ?
Lou hoche la tete et vient se blottir contre mon corps, je passe mon bras
autour de ses epaules, tandis que les siens entourent ma taille.
Elle secoue la tete, guere amusee par ma reflexion un poil taquine. Lou me
donne un coup dans le ventre qui me fait legerement grimacer, mais qui fait
rire tout le monde.
Elle secoue la tete et ses cheveux lui fouettent le visage. Je presse mes
levres contre son front, elle me serre un peu plus contre elle.
-- Je t'aime.
-- Je sais, mais j'ai envie de voir un sourire sur ton visage. Peu importe
l'heure de la journee.
Un sourire force etire ses levres, je sens qu'elle bascule tranquillement dans
une espece de culpabilite impossible a freiner. Elle sort du vehicule et se
dirige vers la maison sans meme m'attendre, je ne peux m'empecher de serrer
les dents de colere. Ce connard d'Ethan et ses conneries destinees a faire de la
vie de Lou un enfer commencent serieusement a me gonfler. Je sors a mon
tour et la suis a l'interieur.
Une fois dans le salon, je ne la trouve nulle part, je fais rapidement le tour
en commencant par la chambre. Je suppose que c'est un reflexe, Sidney
trouvait toujours refuge dans le lit lorsque ca n'allait pas.
-- Lou ? l'appele-je.
Lasse, elle tourne la tete vers moi, ses yeux sont vides de tout sentiment,
elle semble si fatiguee...
-- Ca va ?
J'ai droit a un sourire force qui semble vouloir me signifier que j'en fais
trop.
Elle depose un rapide baiser sur mes levres et quitte la terrasse sans
attendre une seconde de plus. Si j'etais de nature suspicieuse, je dirais qu'elle
tente de me fuir. Je lui emboite donc le pas pour lui demander des
explications.
Lorsque j'entre dans la chambre, elle est sagement assise sur le lit, les
jambes croisees et les mains sur les genoux.
-- Rien, sauf que mes amis ont lachement saccage ce que tu as mis des
mois a creer. Ca me bouleverse...
-- Tu t'attends a quoi Lou ? Parce que la, tu me repousses alors que tout a
l'heure, tu m'assurais que tu m'aimais, et je ne comprends plus tes reactions.
-- T'es pas le seul qui a du mal a gerer ca. Je ne sais plus comment reagir.
Je t'aime Jarred, n'en doute jamais.
-- Ouais, mais je ne sais pas si c'est ma maladie ou si c'est moi qui suis
ainsi, mais a force de me chercher, je me perds.
Je soupire.
Je m'agenouille devant elle et prends ses mains dans les miennes. Sa peau
est douce et froide a la fois.
D'un geste desespere, j'attrape son visage entre mes mains et l'embrasse
avec passion. Elle m'attire vers elle.
-- Ouais, tu dois te dire que j'ai eu beaucoup d'hommes dans ma vie, et c'est
vrai, mais je n'ai jamais voulu etre en couple avec quelqu'un. Je n'ai jamais
aime assez fort pour ca, mais avec toi, c'est different et je crois que j'ai
quelques lacunes. Parfois, je ne sais pas comment je dois me comporter. Et
d'autres fois, j'ai besoin de me retrouver seule avec moi-meme.
Je l'attire contre moi et nous nous etendons sur le lit, dans les bras de
l'autre. Du bout des doigts, elle caresse mon bras, provoquant une decharge
electrique dans mon corps.
Une fois dans le couloir, une odeur de tomate et d'ail parvient jusqu'a moi.
Mon ventre se met immediatement a grogner et a reclamer de la nourriture.
C'est si rare pour moi de ressentir la faim que je suis etonnee. En fait, les
troubles alimentaires sont une autre pathologie de ma maladie. Je crois qu'il
n'y a pas grand-chose que les personnes ayant une personnalite limite
n'experimentent pas, l'alcool, le sexe, la drogue, les medicaments, l'anorexie,
la boulimie, la mutilation, moi il y a que la drogue qui me fait peur. Que des
putains d'addictions, de faux moyens de se sentir bien et je ne m'en rends
compte que maintenant.
Lorsque j'entre dans la cuisine, Jarred est devant les fourneaux, torse nu, il
porte un jeans et un tablier noir. Je le detaille du regard, sans pouvoir
m'arreter. Ses muscles bougent doucement sous sa peau legerement bronzee.
Je remarque une fine cicatrice longue de quatre centimetres qui court sur ses
cotes. Je me demande comment il l'a eue. Je me mords la levre, reprimant une
envie de passer mes doigts dessus. Aucun doute, c'est l'homme le plus
seduisant que j'ai croise et le voir ainsi me redonne ma bonne humeur.
-- T'es malade, c'est bouillant ! Puis on ne trempe pas son doigt sale dans la
nourriture.
-- Je t'ai regardee dormir. T'etais belle, si calme. T'avais l'air d'un ange.
C'est peut-etre idiot, mais j'ai eu envie de toi. J'avais envie de te faire
tellement de choses...
-- Et j'ai imagine que je caressais ton ventre juste pour le plaisir de te voir
te tortiller.
-- Et si je te le montrais plutot...
J'attrape les rubans de son tablier entre mon pouce et mon index en
pouffant de nouveau.
-- Ca te va trop bien !
-- Lou... Je...
Il n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'il explose dans ma bouche. Son
liquide chaud se repand dans ma gorge. Je me releve et me rince rapidement
la bouche dans l'evier de la cuisine. Lorsque je me retourne vers lui, il est
appuye contre l'ilot, toujours grise par sa jouissance. Je m'avance vers lui et
me hisse sur la pointe des pieds pour poser un rapide baiser sur ses levres.
Ses doigts experts s'activent, fouillant mes trefonds avec minutie afin que
je puisse profiter de chaque sensation. Son pouce se presse contre mon
clitoris gonfle et j'explose. Je hurle mon excitation avant qu'un delicieux
orgasme me happe. Cependant, il continue sa torture jusqu'a ce que je crie
son nom si fort que les murs de la maison en tremblent.
Je saute en bas de l'ilot, attrape mon t-shirt que j'enfile et cours vers la
porte menant a la terrasse pour l'ouvrir. Mon petit ami ne semble plus savoir
ou donner de la tete. Ne pouvant plus me retenir, j'explose de rire si fort que
je dois me tenir les cotes. Un torchon a la main, il attrape la casserole et court
avec jusqu'a l'evier.
Il leve les yeux vers moi, et son air ahuri et depasse me fait de nouveau
exploser de rire. Lachant la casserole dans l'evier, il vient vers moi avec une
lueur vengeresse dans les yeux. Je leve les mains en signe de reddition, mais
rien ne semble vouloir le calmer.
-- Tu te moques de moi ?
-- Tu courais nu comme un ver pour sauver notre diner brule, avoue que
c'est plutot comique.
Baissant les yeux vers sa nudite qu'il semble avoir oubliee, il releve la tete
avec un sourire amuse.
-- Oups.
Je pince mes levres pour retenir un rire, alors qu'il s'avance vers moi et
capture ma nuque entre ses mains pour m'attirer vers lui. Je me hisse sur le
bout des orteils et l'embrasse avec passion.
C'est son tour d'exploser de rire. Je tourne les talons et fonce vers la
chambre.
-- Lou ? m'interpelle-t-il.
-- Ne le prends pas comme ca, c'est toi qui as dit que mon penis te
derangeait.
Mensonge !
-- Regarde-moi !
D'un pas rapide, je me dirige vers la chambre. Je fouille dans mon sac et
cherche un pantalon. Bon sang ! Je n'ai plus rien a me mettre ! Je vis dans
mes putains de valises, j'en peux plus. Mon chez-moi me manque, ma
tranquillite, ma folie aussi. Je n'ai plus mes reperes.
En ai-je deja eu ?
Il s'assied sur le sol et m'attire contre lui. Je le laisse me hisser sur ses
cuisses et pose ma tete contre son torse chaud. Ses bras protecteurs
s'enroulent autour de moi, il chuchote des choses supposees me rassurer, mais
rien n'y fait. Ma respiration est hachee, mon coeur bat dans un tempo
impossible a freiner. Un cri, mon cri, aussi aigu que torture envahit la
chambre. Jarred sursaute et resserre son etreinte, il ne semble pas pret a me
lacher. Ca me dechire et ne fait qu'augmenter ce truc qui me torture en ce
moment. Que m'arrive-t-il ? Peut-etre que je pose juste trop de questions...
C'est plus fort que moi. Et ca me donne envie de mourir.
Est-ce que je veux vraiment mourir ?
Oui !
Non...
Partir et les laisser, Jarred et les jumelles ? Pas question. Pourtant, j'ai
mal... Si mal...
-- Tu vas apprendre, c'est tout nouveau pour toi. Elles ont debarque un peu
sans prevenir dans ta vie. Il faudra un peu de temps, mais tu verras, tu t'en
sortiras.
Il prend mon visage entre ses mains et essuie avec ses pouces les dernieres
trainees laissees par mes larmes.
-- T'es sure ?
Bordel de merde ! Comment reussir a garder la tete hors de l'eau avec tout
ca ?
N'importe quelle personne sensee craquerait. Lou a ete d'une force a toute
epreuve, mais elle s'ecroule tranquillement et ca me fait peur. Elle tente de
me rassurer, mais je ne suis pas dupe. A force, meme moi je ne sais plus ou
donner de la tete. <<< Aussi longtemps que tu seras a mes cotes, j'irai bien. Je
t'aime >>>, qu'elle dit.
Oui, elle m'aime, mais ca ne veut pas dire qu'elle va bien pour autant et je
pense que ma presence a ses cotes n'y change pas grand-chose. Je me sens
impuissant, j'avais ce meme sentiment avec Sidney et je deteste ca.
La soiree que nous devions passer en amoureux s'est revelee plus chaotique
que prevu. Le diner a brule a cause d'une partie de jambes en l'air, ensuite, la
pizza a mis presque quatre-vingt-dix minutes a arriver. Lou etait a fleur de
peau, s'accrochant a moi de peur de sombrer encore plus. La voir aussi
vulnerable me touche tellement... J'en perds la tete.
J'attrape la note et me dirige vers le salon. Lou dort encore a poings
fermes, mais tremble un peu ; depuis quelques jours, meme le sommeil ne
semble pas venir a bout de ses tourments et ca m'effraie. Je prends le plaid
sur l'autre canape et l'etends sur son corps frele. Sur la table basse du salon, je
pose la note et embrasse sa joue. Elle gemit et se tourne sur le dos.
D'un pas rapide, je sors de la maison, car je sais que si elle se reveille, elle
ne me laissera pas mettre mon plan a execution.
Il bombe le torse et redresse les epaules. Il se degage une telle fureur dans
son regard que meme le plus brave des hommes se sentirait petit.
-- Pourquoi ?
Parler... Voila ce que je dois faire tout en maintenant une certaine distance
entre nous deux. Si je me battais avec lui et que je prenais un coup, Lou
perdrait a nouveau pied.
-- Parce que toi, tu en sais plus peut-etre ? T'es un peu derange, mais t'es
pas un criminel.
-- Alors ? Suis-je assez fou pour t'eclater la tete contre un mur ? Ou suis-je
assez intelligent pour maquiller ca en suicide selon toi ?
Je ne reponds pas.
-- Ethan ne voulait pas qu'on saccage sa loge, mais lorsque j'ai vu ton
materiel trainer et les photos sur l'ecran de l'ordinateur, je n'ai pas pu m'en
empecher. Avant de tout casser, j'ai efface toutes les photos de ton disque
dur. Ensuite, j'ai fait voler dans tous les sens ce qui me tombait sous la main.
-- Tu vas souffrir.
-- Tommy, lui, il a saccage mon studio. C'est l'inspecteur Reynolds qui est
sur l'affaire, vous devriez le contacter.
-- Ou avez-vous mal ?
-- Ca va aller.
-- Ca va, mais je dois aller retrouver Lou. Elle va paniquer si je suis trop
long.
-- Merci inspecteur.
-- Une fois que j'en aurai fini ici, je passerai prendre votre deposition.
-- Entendu.
Lorsque j'arrive chez moi, la maison est toujours plongee dans le noir, rien
ne semble avoir bouge. J'avance avec prudence a sa recherche. Je la trouve
dans le salon, toujours endormie dans la meme position. Je m'assieds sur la
petite table du salon et lui caresse la joue. Elle ouvre doucement les yeux et
sursaute en me voyant. Elle se redresse d'un coup et me regarde avec ses
grands yeux noisette remplis de questions.
Elle se penche vers moi et caresse mes levres couvertes de sang seche.
-- Jarred ?
-- Je suis alle chez toi, je voulais te rapporter des affaires, mais quelqu'un
est venu avant moi.
Je prefere etre honnete avec elle. Avec Lou, j'ai appris que mentir etait la
pire des erreurs.
Je tente un peu d'humour, mais Lou ne semble pas trouver ca amusant. Elle
me toise de son regard le plus mauvais.
-- Quand je suis arrive, j'ai entendu des bruits de casse, je suis entre et j'ai
trouve Tommy en train de tout detruire chez toi. Il etait en colere et passait
ses nerfs sur ce qui lui tombait sous la main. Il m'a ensuite avoue que c'etait
bien Ethan et lui qui ont saccage le studio.
-- Ouais ! C'est ca !
Ressentant pour la premiere fois depuis notre rencontre le besoin d'etre loin
d'elle, je me leve et sors du salon pour rejoindre la salle de bain. J'attrape un
gant de toilette que je passe sous l'eau froide, puis sur mon visage. Le reflet
que me renvoie le miroir me fait presque peur. Mes levres abimees sont
couvertes de sang et mes yeux sont rougis. Je souffle et enleve mon t-shirt
que je lance dans le panier a linge sale. Je ne prends meme pas la peine de
desinfecter mes blessures, ca attendra. Je claque les portes et m'enferme dans
ma chambre. Blotti sous les draps, la fatigue m'assaille. Mais le vain espoir
que Lou vienne me rejoindre parvient a me tenir eveille.
C'est vrai et je ne vais certainement pas lui courir apres. Je ne sais pas si je
trouve le sommeil, ou si je ne fais que somnoler, mais lorsque j'ouvre les
yeux de nouveau, le soleil se couche.
Pas plus avance qu'au moment ou je me suis mis au lit, je roule sur le dos
et fixe le plafond. Ma tete me fait legerement mal, mais c'est supportable.
Cependant, le fait que Lou ne soit pas venue m'attriste. J'avais besoin d'elle,
mais elle n'a pas repondu a l'appel, alors que moi j'ai toujours ete la. Je sors
de mon lit, bien decide a avoir une discussion avec elle.
Je panique, ouvre les portes les unes a la suite des autres en esperant la
trouver dans un coin, avec ce sourire que j'aime tant. J'entre en coup de vent
dans la chambre d'ami et la vois sur le lit, roulee en boule. Elle se redresse
subitement, son visage est gonfle, ses yeux rougis d'avoir trop pleure. Ses
cheveux sont ebouriffes, elle semble avoir passe les pires heures de sa vie.
Elle saute du lit et court vers moi, ses mains attrapent mon visage, sa tete se
pose contre mon torse et elle est de nouveau secouee par des sanglots. Moi, je
reste la, ebahi, surpris par cet elan de desespoir. Elle s'accroche si fort a moi
que mon cou me fait mal. Je l'entraine donc vers le lit ou nous prenons place.
-- Je m'excuse Jarred... J'ai eu peur pour toi... Je... Je... pas te perdre.
-- Partons avec les filles, prenons quelques jours ensemble, loin de tout ca.
-- Je t'aime Jarred.
Nous nous levons et elle s'enfuit vers la douche tandis que je vais repondre.
51
Lou
J'ai traine sous la douche plus longtemps que prevu. Je n'ai pas envie de
repondre aux questions que l'inspecteur pourrait me poser sur ma relation
avec Tommy.
Je ne veux pas avoir a expliquer que baiser avec cet idiot etait un exutoire,
surtout si Jarred est la.
Dans le miroir, la buee s'evapore petit a petit alors que je fixe mon reflet.
Mes yeux sont cernes, rougis et ils trainent un leger voile de tristesse.
Je crois que ce serait le moment ideal pour une seance avec mon
psychiatre.
Je secoue la tete a cette pensee, mes cheveux virevoltent dans tous les sens
et me fouettent le visage. Je les regarde tourbillonner autour de ma tete et
bien que me faire une simple queue de cheval en sortant de la maison me
manque, je crois que j'aime bien la coupe imposee par Jamie. Elle a raison, ca
adoucit les angles de mon visage.
Oh non !
Je detourne les yeux et rejoins la chambre pour m'etendre sur le lit frais.
Jarred prend place a mes cotes et noue ses doigts aux miens.
-- T'es bete. J'essaie de t'avouer quelque chose qui me torture, et c'est pas
facile.
-- Tu sais, lorsque tout ca se sera tasse, ca ira mieux. Tu verras que je peux
etre terriblement ennuyant et je vais realiser que t'es pas si chiante que ca !
-- Oui, tes fesses sur ma queue me font de l'effet, mais ca ne veut pas dire
que j'ai envie de te baiser maintenant. Je t'ecoute et ca me touche que tu te
confies a moi. En ce moment, de nous deux, c'est toi l'obsedee.
Je redresse la tete, nos visages ne sont plus qu'a quelques centimetres l'un
de l'autre.
Jarred hausse les sourcils et un sourire amuse se dessine sur ses levres.
Jamie secoue la main pour lui signifier de ne pas continuer sur cette voie,
mais il est tetu et se leve pour s'avancer vers son amie.
Elle tourne les talons et fonce vers la cuisine. Nous la suivons. En entrant
dans la piece, elle se stoppe si subitement que mon petit ami entre en
collision avec elle et je le percute de plein fouet. Elle pousse un cri de
surprise devant l'etat de la cuisine.
Je n'ai pas le souvenir que nous avions laisse un bordel aussi enorme. La
casserole qui contenait la sauce brulee traine dans l'evier trop rempli. Une
cocotte pleine d'eau trone sur la gaziniere ainsi que quelques pots d'epices
renverses. Un plat rempli de legumes est vulgairement pose sur l'ilot et ca
sent le crame. Mais la chose qui attire le plus mon attention est mon string
rose sur le plancher. Mes joues s'empourprent lorsque Jamie se retourne vers
nous les yeux ronds.
-- On peut dire que vous vous etes amuses pendant l'absence des filles. Et
puis Jarred, qu'est-ce qui est arrive a ton visage ?
Jarred se touche rapidement le visage et fait une grimace lorsque ses doigts
passent sur sa bouche meurtrie. Il expose rapidement les faits a Jamie qui se
decompose peu a peu, mais Jarred la rassure en lui disant qu'il va bien et que
cette histoire sera bientot derriere nous.
-- Je... Ah, puis zut ! Qu'est-ce que tu croyais ? Qu'on allait jouer au
scrabble ? demande-je.
Mon cheri pouffe et m'attire dans ses bras, Jamie serre les levres. Je ne sais
pas si elle a envie de retenir un rire ou ses paroles.
-- J'ai de super maillots pour toi ! Et il y en avait pour les filles dans les
vetements que je leur ai donnes.
Jarred regarde l'echange entre sa meilleure amie et moi d'un oeil amuse.
Jamie me tend le sac avec un sourire et je file dans la chambre.
-- Non ! C'est toi qui as voulu faire des trucs sur l'ilot...
-- Je peux entrer ?
Assises l'une en face de l'autre, elles discutent a voix basse. Sloane hoche
la tete et Sunshine se contente de me sourire. Je prends place entre elles.
Parfois, je me sens tres proche d'elle, mais d'autres fois, comme en ce
moment, j'ai l'impression qu'elles me bloquent l'acces a leur monde. Je crois
que ce doit etre un truc de jumelles.
-- Comment ca s'est passe chez Jamie ? demande-je.
Je me tourne vers Sun et lui souris, en l'attente d'une reponse qui ne vient
pas.
-- Et toi Sunshine ?
-- Ca va ! me repond-elle joyeusement.
-- Je crois que j'ai un peu peur que vous ne trouviez pas vos marques. Mon
appartement est grand, mais vous partagez la meme chambre. Mais sachez
que ce n'est que provisoire. Je vais nous trouver un endroit plus grand, vous
aurez chacune votre chambre et...
-- Tout ce qu'on souhaite, c'est etre avec toi, loin de papa, enchaine
calmement la seconde.
Contre toute attente, Sunshine passe ses bras autour de moi et me serre
contre elle. Ce geste me reconforte. Est-ce la preuve que je ne suis pas une
grande soeur merdique ?
Je me retourne pour les regarder : elles ont joint leurs mains et battent des
cils pour m'amadouer.
-- Si vous parlez encore une fois de ces bikinis, vous allez porter des sacs
de jute pour le reste de vos vies.
Sans un mot, il s'avance vers moi, ferme la porte derriere moi et me plaque
contre elle. Sa bouche s'empare de la mienne et ses mains s'agrippent a mes
hanches. Sa langue entre dans ma bouche et glisse avec passion et fougue
autour de la mienne. Je laisse tomber le sac de toile de Jamie au sol et
enfonce mes doigts dans ses cheveux. Nous sommes tous les deux haletants
lorsqu'il met fin a ce baiser. Avec douceur, il pose la tete contre mon front et
murmure :
-- Je...
-- Je ne sais pas... J'aimerais dire oui, mais je dois leur demander avant. Je
ne suis plus seule, tu le sais bien.
Reflechis, reflechis...
Une fois sous le jet d'eau tiede, je me detends et reste un moment les mains
posees a plat contre le carrelage. Un mouvement discret derriere moi ainsi
qu'un leger bruit me font sourire. Des paumes trouvent mes fesses qu'elles
malaxent. Je profite quelques instants de cette sensation et me retourne. Ces
grands yeux noisette me fixent avec une intensite hors du commun. Elle a
beau etre nue, souriante et belle a damner un saint, ce n'est pas ce qui retient
mon attention. Non, au plus profond de son regard, je vois ce petit truc. Cette
jeune femme a su me toucher. C'est elle. Je le sais, comme j'ai su pour
Sidney.
Je pose mes mains sur ses hanches et fais un pas en avant. Je me penche
pour etre a sa hauteur et susurre quelques mots au creux de son oreille :
-- Epouse-moi...
-- Oui !
J'ai du mal a comprendre... Ou alors, je suis si choque que mon cerveau est
passe en stand-by.
-- Oui !
Elle hoche la tete, souriante, les yeux brillants d'emotion. Elle se pend a
mon cou et je la souleve pour la plaquer contre la paroi de la douche. Je
m'empare de sa bouche avec empressement, j'ai ce besoin douloureux de
sentir ses levres contre les miennes. Elle rejette la tete en arriere, haletante. Je
baisse la tete vers son cou et aspire sa peau. Resserrant son emprise autour de
mes hanches, elle ondule legerement du bassin. Mon sexe frotte doucement et
douloureusement contre le sien.
-- Baise-moi Jarred.
Comment refuser une telle demande ? Lorsque je la pose par terre, ses
jambes tremblent un moment, mais elle se reprend en prenant appui contre la
paroi. Mes mains caressent avidement son sublime corps que j'aime tant. Je
pince ses tetons, ce qui la fait grogner. Ses doigts fins s'emparent de ma
queue et dessinent un lent mouvement de va-et-vient. J'aime cette sensation,
mais j'ai envie de plus. Mes baisers glissent sur sa peau et remontent vers son
cou puis jusqu'a son oreille. Je mordille son lobe et murmure :
A bout de souffle, je m'ecroule et elle me suit. Assis tous les deux a meme
le receveur de douche, je halete en la fixant. Certain qu'elle n'a pas eu le
temps d'avoir un orgasme, je place ma main contre son sexe et avec mes
doigts, je la masturbe. Elle se cambre, comme si elle ne s'attendait pas a cette
caresse. Inconfortable, je change un peu ma position pour enfoncer deux
doigts en elle et caresser son clitoris avec mon pouce. Je le presse, dessine de
petits cercles rapides juste au-dessus de son point le plus sensible. J'aime la
facon dont son corps reagit, ces petits frissons qui couvrent sa peau malgre la
chaleur de l'eau, ces tremblements qui secouent son bas-ventre tandis que je
m'active en elle. Sa bouche s'entrouvre et elle pousse un long rale de plaisir.
Rapidement, elle se met a trembler de tout son etre et dans un grognement
rauque, son plaisir explose sur ma main. D'une voix encore hachee, je lache :
Je l'embrasse avec ardeur et elle repond a mon baiser avec tant de ferocite
que mon excitation remonte. La fraicheur de sa langue decuple mon plaisir et
mon sexe se remet a gonfler. C'est hallucinant ce pouvoir qu'elle a de me
donner toujours envie !
Lou se met a rire et donne une legere tape sur mon bas-ventre.
-- Pourquoi ? C'est pas mon genre de sortir ce genre de chose sans etre
serieux.
-- C'est juste que... Ca ne fait pas longtemps que l'on se connait... C'est
soudain...
-- Allons retrouver Jamie et les jumelles, j'ai dit que j'allais chercher des
sodas il y a un moment deja, annonce-t-elle joyeusement.
Elle sort de la douche et s'enroule dans une serviette, puis elle m'en lance
une et seche ses cheveux avec une autre. Je ne peux detacher mon regard
d'elle alors qu'elle enfile un bikini tres sexy turquoise et blanc.
Son rire cristallin se repand dans la salle de bain. C'est si fort que tout le
monde doit l'entendre.
-- Tu veux parier ?
-- Parier quoi ?
Elle fait quelques pas vers moi, bien consciente de ses charmes, et pose un
baiser excessivement sensuel sur le bout de mes levres. Mon corps fremit a ce
contact. Et lorsque ses doigts effleurent ma hampe par-dessus ma serviette, je
dois me faire violence pour ne pas la baiser a meme le sol. Je me ressaisis
juste a temps et enfile rapidement mon maillot.
Elle me rend fou...
-- J'en sais rien... Mais la meilleure chose a faire serait de reconstituer une
collection. Quelque chose d'encore plus fabuleux.
-- On a encore tous nos plans et patrons dans l'atelier. Va falloir s'y mettre
bientot, elle s'exclame.
-- Ouais, t'as raison. Je sais que j'ai passe enormement de temps avec Lou
dernierement, mais...
-- C'est un ami, Jarred ! Je l'aime bien, mais pour l'instant, ce n'est que...
-- Anton fait trainer les choses. Il me menace, veut toujours plus, exige la
moitie de mes biens sous pretexte que c'est moi qui ai mis fin a notre relation.
Je decouvre une nouvelle facette de sa personnalite et ca me peine.
-- Il s'en doute, mais je ne lui ai jamais confirme. Je crois que c'est ce qui le
fait rager le plus.
-- Je suis la si tu as besoin.
Je me retourne, elle est degoulinante et met de l'eau partout sur le sol. Elle
nous toise a tour de role. J'ai comme l'impression que cette jolie demoiselle
est jalouse. C'est assez surprenant.
-- Oui, reponds-je.
-- Je ne te crois pas.
Ses mots sortent de sa bouche sur un ton rauque, alors que sa main caresse
doucement mon sexe qui decide de repondre present.
J'ai bien conscience que je suis faible, mais bon sang, j'en ai envie ! Je
peux sentir, a travers le tissu trempe de son bikini, ses tetons durcis. Ils
frottent contre mon torse et me rendent fou. Je suis incapable de reflechir et
me concentre sur cette sensation. Cependant, elle se detache bien vite de moi
en riant.
Elle se dirige vers le frigo et prend une bouteille d'eau, ce qu'elle n'a pas
prevu, c'est que je la suive et le plaque contre celui-ci. Mes mains effleurent
son ventre et remontent vers ses seins que je serre avec peu de douceur entre
mes doigts. Elle gemit et se mord la levre, je penche la tete vers elle et
murmure a son oreille :
-- Pourquoi tu souris ?
-- Un peu comme avec Sid, y a des jours avec et des jours sans.
-- Tu sais que tres peu de filles accepteraient ton passe avec Sidney.
-- Je sais, Lou est une perle. Nous avons prevu un week-end avec les filles
loin de tout. Ca te dirait de te joindre a nous ? Levi est le bienvenu aussi.
-- Je crois que nous avons tous besoin d'un break, Jamie. C'est Lou qui a
propose que tu nous accompagnes.
-- J'ai toujours mon chalet a cinq heures de route d'ici, on pourrait s'y
rendre tous les six, propose Jamie.
-- C'est un idiot.
Je roule des yeux, ce qui la fait rire. Puis sans reflechir, je lache :
Rapidement, elle enleve ses lunettes de soleil. Ses yeux sortent de leur
orbite et sa bouche s'arrondit sous l'effet de surprise.
-- Je... Je l'aime Jamie, c'est toi qui me dis sans arret que je dois continuer
ma vie malgre l'absence de Sidney.
Sans un mot, elle prend ma main dans la sienne et une larme roule sur sa
joue.
-- Mais non, idiot ! Je suis juste si heureuse pour toi. Dis-moi qu'elle a dit
oui...
-- Vous venez vous baigner ou vous allez papoter toute la journee ?! s'ecrie
ma belle depuis l'exterieur en agitant les bras.
Il est ainsi ; Jarred est la gentillesse incarnee. Il n'y a que lui dans ce monde
pour pouvoir supporter deux cinglees dans le genre de Sidney et moi.
Touchee comme je ne l'ai jamais ete dans ma vie, je pose ma main sur sa
joue et embrasse le bout de son nez.
-- Ah bon ! Et pourquoi ?
-- Elle a fait partie de ta vie. Elle est aussi une grosse partie de toi. Jamais
je ne te demanderai de te taire lorsque tu ressentiras le besoin de parler d'elle.
Je me tais, la voix nouee par l'emotion. J'enfouis ma tete dans son torse et
colle mon corps contre le sien. Ma jambe s'enroule autour de la sienne.
-- T'es pas mal non plus dans ton genre. Au fait, j'ai parle aux filles
concernant tes deux demandes lorsque je suis allee les border.
Il se redresse en s'appuyant sur son coude. Ses yeux entrent en moi, tentant
de deviner la reponse avant meme que je ne l'aie prononce.
A mon tour, je me laisse tomber sur les oreillers et ferme les yeux. Je
frissonne en sentant le contact de ses levres sur mon epaule denudee. Il
remonte tranquillement vers ma clavicule et embrasse ma gorge. Je gemis de
plaisir, puis me mets a rigoler.
-- T'es en train de perdre ton pari. Tu sais qu'avec les filles et moi chez toi,
tu vas avoir du travail mon coco.
-- Je demande a voir.
-- Embrasse-moi, exige-je.
Avec un sourire ravi, il se place au-dessus de moi, tout son poids reposant
sur ses coudes sur lesquels il prend appui. Son souffle chaud contre mon cou
manque de me faire defaillir et lorsque sa bouche s'empare enfin de la
mienne, sa langue se glisse entre mes levres entrouvertes et vient s'amuser
avec la mienne. Elle quitte ma bouche apres un long baiser passionne, il
aspire doucement ma levre inferieure.
-- Je sais que tu es en mesure de te controler, mais cette fois, c'est moi qui
prends le controle.
Je souleve les hanches et fais glisser sa queue dans mon sexe trempe. Il
pousse un long soupir de contentement tandis que je monte et descends sur sa
hampe. Il agrippe mes seins et les serre dans ses mains, la douleur que cela
provoque est exquise. Ses pouces jouent avec mes tetons, les malmenent,
repandant des decharges electriques dans mes mamelons. Je grogne pour lui
signifier qu'il y va un peu trop fort. Comprenant le message, il se redresse et
depose une multitude de baisers sur ma poitrine. Je tente d'accelerer les
mouvements de mon bassin, mais je suis tellement obnubilee par ses caresses
que je ne parviens pas a me concentrer.
Tout a coup, il m'attrape par les hanches et me presse contre son bas-ventre
avant d'exploser en moi, repandant sa semence entre mes cuisses.
Je me laisse retomber contre lui, son sexe toujours en moi, secouee par cet
orgasme fulgurant. Nous restons dans cette position un moment, jusqu'a ce
que, epuisee, je souleve les hanches et me glisse a ses cotes. Jarred vient
instinctivement se blottir contre moi.
-- Je t'aime bebe.
Sa tete se niche dans mon cou et son souffle chaud caresse ma peau.
Rapidement, sa respiration devient plus reguliere a un point tel que je me
demande s'il ne s'est pas endormi. Je le pousse un peu, il grogne, marmonne
et roule sur le dos.
Ah oui ! Vraiment ?
-- Non ! Non ! T'as raison ! N'hesite surtout pas, j'ai faim moi aussi. T'as
trouve un truc interessant ?
-- Ouais, t'as raison, mais les courbes c'est tres sexy aussi, dis-je en
m'asseyant pres d'elle.
-- Je ne sais pas Sunshine, mais je vais tout faire pour que ca n'arrive pas.
Tu ne feras pas les memes erreurs que moi. On va consulter un psychiatre,
voir des gens pour que tu en parles...
-- Si, mais je crains qu'il n'y ait plus grand-chose dans le frigo, je peux
m'en passer.
Sunshine hausse les epaules et saute de son tabouret pour ouvrir les
placards. Elle se retourne vers moi avec un paquet de farine. A mon tour, je
descends de mon tabouret et plonge le bras par-dessus la tete de ma soeur
pour en ressortir un pot de sirop d'erable.
-- Je...
Mon petit ami apparait dans la cuisine en baillant, vetu de son jogging gris.
Il s'avance vers nous.
-- J'y vais.
Sunshine repond si rapidement que j'en suis surprise et Jarred aussi. Elle
file vers la chambre et me laisse seule avec mon cheri.
-- Qu'est-ce qu'elle a ?
-- Tu sais Lou, t'as pas besoin de jouer a la maman avec nous. T'as qu'a etre
notre soeur.
Je me retourne sur mon cheri et ma petite soeur qui semble mal a l'aise. Je
souhaite sincerement qu'elle trouve la paix interieure. J'aimerais qu'elle voit
un psychiatre...
-- Je pensais a un truc... Etant donne que vous allez venir vivre ici avec
Lou, je me disais que ce serait bien que vous ayez un endroit a vous. Du
coup, j'ai pense qu'on pourrait amenager le sous-sol.
Comme deux fusees, elles foncent vers l'endroit indique par Jarred, qui lui
se leve et vient pres de moi.
-- Je ne voulais pas te mettre devant le fait accompli. Je... Je crois que j'ai
voulu leur faire plaisir.
-- Bonjour Anita !
-- Merci.
-- Je vais me renseigner.
-- Merci.
D'un pas rapide, je tourne le dos a Anita et file vers le bureau de mon
psychiatre. Ca me rend triste d'admettre que je connais le chemin sur le bout
des doigts. J'ouvre la porte et prends place dans l'un des fauteuils en cuir
clair. La nervosite me gagne, je souffle et me leve pour arpenter la piece de
long en large. Sur le bureau, un dossier attire mon attention.
C'est le mien ? Ca doit forcement etre le mien...
Mes doigts tremblent tandis que je tourne les pages. Je tombe finalement
sur une feuille, redigee a la main, qui me retourne l'estomac et me donne
envie de vomir.
Une therapie cognitive avec notion d'acceptation devra etre mise en place
pour aider la patiente a etre en mesure de mieux faire face aux imprevus et
ainsi apprendre a controler sa colere et son impulsivite. Cependant, il sera
primordial de creer un climat de confiance avec la patiente. L'objectif est
d'amener madame Cassidy a comprendre et attenuer le sentiment
d'incompletude et la psychasthenie qui l'habite.
La patiente ne sera pas facile d'approche, il doit y avoir un juste equilibre
de douceur et de fermete. Madame Cassidy est aussi tres intelligente et
l'amener a se poser des questions pourrait la faire evoluer dans sa maladie.
Elle doit aussi prendre conscience qu'elle a besoin d'un tuteur, dites personne
ressource, dans sa vie pour s'epanouir pleinement. >>>
Prise en faute, je bondis sur mes pieds et tente de sortir de la piece, mais le
docteur Andrews pose sa main sur mon epaule.
Il me tutoie...
-- Je t'en prie.
Il me fait signe de la main et, comme une enfant qui se fait reprimander, je
m'execute et prends place sur la chaise situee face a son bureau.
-- Louann, vous ne devez pas croire que je suis votre ennemi. J'essaie
seulement de bien cerner la personne que vous etes pour vous aider au mieux.
Il me vouvoie a nouveau...
Ces paroles me font mal. Chaque fois que je les prononce, une vive
douleur s'eveille en moi, mais en ce moment, c'est encore pire.
-- Je crois que vous l'etes, mais je crois aussi que vous avez envie de vous
en sortir, non ?
Son sourire est assez revelateur, a un point tel que je me pose des questions
sur ce qu'il en est.
-- Vous avez laisse mon dossier la pour que je le voie, pas vrai ?
Je ne sais plus, j'en perds le fil. Ma respiration se coupe, mes yeux evitent
les siens.
-- Et vous l'etes ?
Le suis-je ? Non, plus maintenant... Plus depuis que Jarred est entre dans
ma vie. Enfin, je le suis moins. Il n'attend pas ma reponse et continue :
-- Oui, souffle-je.
-- J'ai quelque chose a vous proposer Lou, pour vous aider a regler ce
probleme de colere. Tous les mardis soir, j'offre a des patients tels que vous
une seance d'une heure durant laquelle j'enseigne des techniques pour
controler la rage en eux. Ensuite, il y a des echanges entre nous, nous
discutons librement et sans jugements.
-- Je sais pas... Autrefois, j'avais la sensation d'etre enchainee a une vie que
je ne voulais pas.
-- Je sais que vous allez desapprouver, mais lui. Simplement lui. C'est
comme s'il m'etait dedie. Il n'a pas peur de ma maladie, il sait me calmer, il
est exceptionnel.
-- Merci mademoiselle.
-- Je te connais, lache-t-il.
N'ayant pas trop envie de faire causette, je lui reponds un peu sechement :
Je ne reponds pas et leve les yeux pour regarder a quel etage nous sommes.
Heureusement, les portes s'ouvrent au rez-de-chaussee et je me depeche de
sortir pour me soustraire a l'attention de cet homme. Je fonce a l'exterieur
comme une deratee et jette un regard circulaire dans le parking. Aucune trace
de Jarred. Bon sang de merde !
-- Quoi qu'il ait pu se passer entre nous, il serait peut-etre temps que tu te
decides a passer a autre chose.
-- Tu avances ou quoi ?
T'es plus cette fille-la ! Tu dois te rendre a l'evidence que t'as fait des
choses pas toujours recommandables dans ta vie, mais tu es passee a autre
chose. Tout le monde a le droit a une seconde chance, toi, y compris. Secoue-
toi...
J'ouvre les yeux et lui tends un billet de 20 $ pour ensuite sortir sans
demander la monnaie. Je grimpe jusque chez moi en faisant taire mes pensees
malsaines, et en essayant de me convaincre que je suis une bonne personne
malgre tout.
-- Lou ?
Jarred !
Je souffle, soulagee de savoir que c'est lui et qu'encore une fois, il vient me
sauver. Il entre dans la salle de bain et me regarde, surpris. Sans un mot, il
prend place a mes cotes et noue ses doigts aux miens.
-- J'etais en retard, j'ai tente de t'appeler, mais ca n'a pas repondu donc j'ai
contacte la secretaire qui m'a dit que tu etais partie depuis pres de vingt
minutes.
-- Comment ?
-- Je crois que c'est pour juger si tu es apte ou non a t'occuper des jumelles.
Tu t'attendais a quoi ? Laisser deux gosses a une cinglee comme toi, c'est
completement absurde !
Nerveuse, je tords mes doigts dans tous les sens, Jarred me prend la main
et tente de m'apaiser, mais en ce moment, rien n'y parviendrait. Je crois ne
jamais avoir ete aussi stressee de toute ma vie. La musique qui emplit
l'habitacle m'enerve, je m'etire donc pour eteindre la radio avec une rage
incontrolable. Il me lache un regard surpris et s'apprete a dire quelque chose,
mais se ravise aussitot. Apres d'interminables minutes, il gare finalement sa
voiture dans l'allee et se tourne vers moi.
J'aimerais pouvoir lui sourire et lui assurer que ca va bien se passer, mais je
n'y arrive pas. Il detourne la tete et regarde devant lui en froncant les sourcils.
Il semble agace, ce qui ne laisse rien presager de bon.
-- Que se passe-t-il ?
-- Rien du tout. Ecoute Lou, je sais que tu es nerveuse, je sais aussi que ce
sera difficile pour toi d'entrer dans la maison et de sourire, mais je te
demande de le faire. Je te demande de repondre a leurs questions avec calme
et honnetete.
-- Ces gens sont venus evaluer si tu es apte a avoir la garde des filles. Car
bien sur, la garde sera retiree a Dustin et ta mere, mais c'est la procedure
normale. Je t'en prie Lou, garde ton calme. Pour leur bien.
Je hoche la tete, pas certaine d'y arriver. Je tremble de tout mon etre et
lorsqu'il lache ma main pour sortir du vehicule, j'ai l'impression que le vide
en moi s'intensifie. J'inspire profondement et sors a mon tour de l'habitacle.
Une fois aux cotes de Jarred, je prends sa main dans la mienne et nous
entrons.
Jamie vient vers nous, une lueur d'inquietude dans les yeux.
-- Je... Apres le depart de Jarred, un agent les a emmenees pour les mettre
temporairement dans une famille. Je n'ai rien pu faire pour les en empecher...
Je m'excuse...
Faisant fi de ma question, elle s'avance vers moi et me tend une main que
je prends mollement dans la mienne. Elle a le sourire un peu faux de la
femme qui a trop vu de sevices chez les enfants.
-- Mais je ne comprends pas bien puisque la cause n'a pas encore ete
entendue.
-- Oui, c'est vrai. Mais en premier lieu, nous devons nous assurer que vos
soeurs sont bien et dans un environnement securitaire. Le juge a decide
qu'elles seraient placees dans une famille d'accueil pour une periode de trente
jours.
D'un geste rapide, elle sort un paquet de feuilles de sa mallette et les pose
devant moi.
-- Vous pouvez faire une demande a la famille qui les accueille, mais vous
devez d'abord passer par moi. Tout est explique dans les papiers que je vous
ai remis.
-- Merci...
-- Je vous laisse, voici ma carte. Si vous avez des questions, n'hesitez pas a
m'appeler.
Elle se leve et tend la main vers Jarred puis vers moi, je la prends dans la
mienne mollement. Maintenant qu'elle a annonce qu'elle partait, j'ai
l'impression que je vais flancher. Jarred me prend par le bras et m'intime de le
suivre pour raccompagner l'agent des services sociaux. C'est probablement
l'une des choses les plus penibles que j'ai eues a faire dans ma vie : la
remercier, lui sourire faussement et refermer la porte derriere elle, tout ca,
sans meme piquer une crise.
Je ne lui reponds pas, ouvre les robinets a pleine capacite pour couvrir le
bruit de sa voix qui me fait irremediablement culpabiliser. J'ouvre l'armoire a
pharmacie pour en eplucher le contenu, je fais tomber les flacons de pilules
un a un sur le lavabo. Rien ne correspond a ce dont j'ai besoin en ce moment.
Du revers de la main, j'envoie valser tout ce qui se trouve sur le comptoir et
finis par me laisser choir sur le sol. Instinctivement, et pour me proteger de je
ne sais quelle menace, je remonte mes genoux sous mon menton. Parcourue
de spasmes, je passe les bras autour de mes jambes pour tenter de me calmer,
mais rien n'y fait.
Sa voix n'est que peur et sanglots, je lui fais du mal. J'etire le bras et
entrouvre la porte pour le laisser entrer. En l'espace de quelques secondes, il
est au sol avec moi et m'attire contre lui.
-- Ca me fait mal ! J'ai mal partout ! Ma peau, j'ai mal, je perds la tete, c'est
la meme douleur que j'ai ressenti pendant mon adolescence et...
-- Non ! Lou, ne fais pas ca, je t'en supplie. T'es forte. Respire et regarde-
moi dans les yeux.
Lachant mes poignets, il me souleve et m'assied sur ses cuisses. Ses mains
s'emparent de mon visage et il visse ses yeux dans les miens.
-- Regarde-moi Lou !
-- Juste une seconde, pose tes yeux dans les miens une petite seconde.
-- Oui ! Oui !
-- Je vais aussi leur montrer que je veux aller mieux. Je vais aller a mes
rendez-vous avec mon psychiatre et prendre serieusement mon traitement.
-- C'est une bonne idee. Je crois que tu devrais emmenager ici rapidement.
Je me leve et lui tends la main pour l'aider. Il la prend avec un petit sourire
et nous partons nous etendre dans son lit. Sans un mot, je pose ma tete sur
son torse.
56
Lou
Je me suis endormie dans les bras de l'homme que j'aime, mais ce ne fut
pas facile. L'apres-midi a ete long et charge de larmes que j'ai deversees sur
lui. Jamais ca n'a semble le deranger, bien au contraire. Chaque fois, il se
montrait rassurant, cependant, a certains moments, il m'a semble aussi affecte
que moi par le depart des jumelles. Nous avons aussi parle une partie de la
journee de la procedure a suivre pour recuperer mes petites soeurs. Qu'il soit
aussi motive que moi pour regagner leur garde me rejouit.
Je roule sur moi-meme et me heurte a son corps inerte. Il dort sur le dos, la
bouche entrouverte, un bras pose sur son front. Je me mets a detailler son
visage, la courbe de sa machoire, ses longs cils chatains, l'arete fine de son
nez, sa barbe qui commence a recouvrir son menton et ses joues. Mes yeux
descendent jusqu'a son cou, j'ai soudainement envie d'y plonger la tete pour
respirer son odeur. Du bout des doigts, je caresse son torse tout en me
blottissant contre lui. Il grogne doucement et passe son bras autour de moi.
Sa voix est rauque et endormie, elle me fait l'effet d'un electrochoc qui
lache une nuee de frissons dans mon corps. Ma tete se niche naturellement
dans le creux de son cou et ma main glisse sur son ventre.
-- Merde Lou !
-- Tu trouves ca marrant ?
Ses yeux gris deviennent plus sombres sous le coup de l'excitation. Il retire
mon pantalon, puis le sien, avec une rapidite inimaginable. Sans attendre plus
longtemps, il s'enfonce en moi, m'arrachant des hurlements de plaisir. Ses
levres me goutent alors qu'il me defonce litteralement. Il me pilonne comme
un furieux, agitant mon corps dans tous les sens. Je plante mes ongles dans
ses epaules et lui mords le cou, guidee par un appetit sexuel presque animal.
Un melange de douleur et de plaisir me submerge. Je ne peux rien faire, rien
maitriser, tant cette sensation est exquise.
A bout de souffle, il s'ecroule sur moi et roule sur le dos, m'entrainant avec
lui. Je ferme les yeux, epuisee, mais sereine. J'ai peine a croire que nous
avons atteint l'orgasme aussi rapidement et que j'ai hurle aussi fort.
D'habitude, je fais plus attention, car les filles sont la.
-- Ca va ?
-- Je...
-- T'as voulu baiser, c'est fait... T'as pas pense que j'en aurais peut-etre pas
envie.
-- Lou, c'est toi qui as commence, pas moi.
-- Pas du tout. Nous sommes deux adultes consentants et aucun de nous n'a
force personne.
-- Je... Je ne pouvais pas faire ca... Les jumelles sont parties, je leur avais
promis qu'elles pourraient rester avec moi, que je les protegerais. Je n'ai pas
le droit de m'amuser et d'avoir du plaisir.
-- Ne joue pas sur les mots, tu sais tres bien ce que je veux dire.
-- Non, alors la, non, je ne sais pas. Alors, tu vas m'expliquer ce que tu
essaies de faire parce que je suis completement paume.
-- J'ai l'impression de ne pas etre assez bien pour toi. D'un cote, j'aimerais
te trouver des excuses pour cette dispute, mais je n'en ai pas envie. Je ne crois
pas vraiment que ca puisse fonctionner nous deux si tu en viens a croire que
j'ai pu abuser sexuellement de toi. Je t'aime Lou, probablement plus que je
n'ai jamais aime dans ma vie, mais ca, je ne peux pas l'accepter.
Je secoue la tete, reprimant des flots de larmes alors que Jarred entre dans
la salle de bain. La seconde suivante, j'entends la douche couler et attrape
mon sac pour y fourrer toutes mes affaires. Ma tete me lance et mon coeur me
fait si mal que je dois appuyer ma main dessus pour calmer la pression. J'ai
presque rien apporte. Faut dire que je passe le plus clair de mon temps avec
les vetements de Jarred sur le dos, ses t-shirts ont une odeur qui me rassure,
du moins, aussi longtemps que mon parfum ne prend pas le dessus sur le sien.
Il veut que je parte, dans ce cas, je ne vais pas lui imposer ma presence
plus longtemps. Tremblante comme jamais, je me leve, attrape mon sac de
voyage et sors de la piece. Plus je m'eloigne, plus je me sens mal. Mon
monde vacille sans lui. La main sur la poignee d'entree, j'hesite. Je tourne les
talons et rejoins la chambre. L'eau de la douche coule encore. J'ai comme
l'impression qu'il n'est pas pres d'avoir fini. Je pose mon sac au pied du lit et
me dirige vers la cuisine.
Je n'ai pas envie de partir et m'en veux tellement de lui avoir dit ca... Je
dois me calmer et tenter de lui expliquer les raisons minables qui m'ont
poussee a agir ainsi. J'ouvre les placards un a un, il n'y a pas grand-chose
pour le diner. Si je cuisine pour lui, ca me donnera une raison de rester un
peu plus longtemps.
-- Desolee pour tout, j'ai fait de ta vie un enfer. T'es quelqu'un de genial
Jarred, je te souhaite ardemment de rencontrer quelqu'un de moins nevrose
que moi.
-- C'est faux ! C'est moi qui ai mal reagi. Je m'en veux, je m'excuse aussi.
Je sais que je ne peux pas effacer mes paroles, mais je m'excuse.
Je passe mes bras autour de son cou et m'accroche a lui avec desespoir.
-- Je... Je... J'ai fait du poulet et des pates. Je pensais qu'on aurait pu
discuter en mangeant.
-- J'accepte ta proposition.
Soulagee, je l'embrasse en lui disant que je l'aime plus que tout au monde.
Il me sourit et pose ses mains sur mes joues pour m'embrasser avec toute la
passion possible.
-- Je t'aime Jarred.
Je pose le sac sur la table et fouille dedans jusqu'a ce que mes doigts
entrent en contact avec le lycra d'un des maillots de bain offert par Jamie.
Malgre le fait qu'elle ait demande a Jarred de me quitter, je l'aime bien et
comprends qu'elle ait eu peur de tout perdre a cause de moi.
Je sors, l'air est encore chaud et pesant, l'humidite laisse presager un gros
orage. Je me dirige rapidement vers la piscine et plonge sans attendre. A la
minute ou mon corps fend l'eau, je me detends. Je fais plusieurs longueurs
pour me vider la tete. Puis je pars m'asseoir sur les marches pour reprendre
mon souffle. Bon sang, je ne suis plus aussi en forme qu'avant !
-- Non. Ton sac n'est plus dans la chambre, je t'ai cherchee partout.
-- Je suis en boxer...
-- Je sais, je crois que j'avais peur que si je le faisais, j'allais trop m'attacher
a toi.
Un air serieux sur le visage, il se releve et vient vers moi. Il prend mes
mains dans les siennes et visse ses yeux dans les miens. Il sent bon, un
melange d'eau de piscine, d'after-shave et de savon.
Je suis la, devant lui, degoulinante, avec le coeur qui bat la chamade.
J'inspire si fort que je dois presque m'en decrocher un poumon. J'aimerais lui
expliquer, mais j'ai peur qu'il trouve ma raison stupide. Parce que moi, je la
trouve stupide.
Je ferme les yeux, il lache mes mains et pose les siennes derriere ma nuque
pour caresser de ses pouces la courbe de ma machoire.
-- Avant toi, le sexe etait un moyen d'oublier tout ce qui me rongeait. J'ai
peur de retomber dans cette routine malsaine. J'ai peur de t'entrainer la-
dedans.
-- Toi, tu es effraye que je te quitte. Nous avons chacun nos peurs, mais on
ne doit pas les laisser nous detruire, si ?
-- T'as raison bebe. Serais-je en train de faire de toi une femme sensee ?
Je me hisse sur le bout des orteils et pose mes levres sur les siennes. Mes
bras s'enroulent autour de son cou et je me colle a lui si fort que nos corps ne
font plus qu'un. Un tremblement s'empare de moi, malgre la chaleur.
Un air faussement choque se dessine sur son visage. D'un geste rapide, et
que je n'ai pas vu venir, il me souleve et me depose comme un sac de patates
sur son epaule.
-- Tu fais quoi ? Tu te la joues homme de Cro-Magnon ?
-- Non, pas du tout, car je sais que t'es pas capable de m'attraper autrement
que par surprise.
Il avance d'un pas vers moi, tandis que moi je recule a vive allure.
-- Ne te sauve pas !
-- Mais je compte bien te faire oublier tous les autres, bebe ! Avec moi, ce
ne sera pas pareil.
-- Je ne disais pas ca parce que j'ai l'impression qu'avec toi c'est pareil. Au
contraire. Avec toi, c'est different, je n'ai jamais connu ca et j'ai peur que...
Je me tais et cherche mes mots. Je ne suis pas douee pour avouer ce qu'il y
a au plus profond de mon etre.
-- Tu m'aimes ?
-- Mais oui !
-- Alors je sais que ce sera different, parce que tu l'es et aussi parce que tu
te bats pour aller mieux. J'aime la femme que j'ai rencontree a la soiree, celle
qui m'a envoye sur les roses, et j'aime aussi celle que tu deviens depuis
quelque temps. Cette fois, ce n'est pas a nous que tu dois laisser une chance,
mais a toi.
Il se penche et m'embrasse tendrement, avec douceur, mais aussi avec
passion. Soudain, une premiere grosse goutte s'ecrase sur ma tete. Puis de
nombreuses s'ensuivent. Jarred leve la tete et inspecte le ciel.
-- Il va y avoir de l'orage.
Je grogne en me pressant contre son torse. Je suis bien ainsi et n'ai pas
tellement envie de regarder un film. Je prefere etre blottie dans ses bras,
respirer son odeur et sentir ses doigts s'enfoncer dans mes cheveux mouilles.
**
Je m'avance vers lui avec un sourire et passe mes bras autour de son cou.
-- J'ai eu peur que tu me dises qu'elle aimait le rouge et le noir. Je vais faire
un design assez cool pour incorporer les deux couleurs.
-- J'ai envie que tu sois heureuse et je sais que sans elles, tu ne le seras
jamais completement.
-- Merci !
-- Oui ! On monte, lui repond Jarred. Toi, n'oublie pas que ton allegeance
me revient, tu dois etre de mon cote.
-- Que se passe-t-il ? T'as enfin decide de nous avouer que t'aimes bien
Levi ?
-- Simplement pour que je puisse exulter mon plaisir et clamer haut et fort
que j'ai raison.
-- T'es pire qu'une fille ! Mais je ne suis pas ici pour ca, j'ai recu un appel
de mon avocat. Ethan est passe devant le juge, il s'en tire avec une amende
salee et beaucoup d'heures de travaux d'interet general. Tommy, lui, ecope de
trente-six mois de prison ferme, apparemment, il n'en serait pas a son coup
d'essai.
Je n'entends plus le reste de ses paroles, mais je sais qu'elles me font mal.
J'expulse tout l'air de mes poumons et ferme les yeux.
-- J'ai envie qu'ils paient pour ca, mais ca me fait bizarre de me dire que
c'est a cause de moi...
-- Si je n'avais pas ete la, votre collection n'aurait pas ete detruite.
Jarred sourit et pose un baiser sur ma tempe. Tous les trois, nous discutons
une partie de la journee de la future collection, mais jamais nous ne reparlons
d'Ethan et Tommy.
Épilogue
Lou
J'ouvre les yeux, l'eclairage des neons et la blancheur des murs me
pulverisent la retine. Incapable de le supporter plus longtemps, je presse mes
paupieres. Tout ca n'est rien compare a l'odeur d'antiseptique qui me fait
tourner la tete que j'ai peine a garder hors de l'oreiller. Je crois que je ne me
suis jamais sentie aussi faible qu'en ce moment. Il me faut plusieurs minutes
pour realiser ou je me trouve.
L'hopital.
-- Il est ou ?
Ma voix se casse, je ne trouve rien d'autre a lui dire. J'aimerais lui dire que
je l'aime, infiniment meme, mais la seule personne a laquelle je pense est
l'autre homme de ma vie.
-- J'ai eu si peur...
Il murmure en posant son front contre le mien, ses yeux gris s'emplissent
rapidement de larmes.
-- Je me rappelle qu'on est venus ici parce que j'avais des contractions. J'ai
cru que c'etait impossible, car il restait presque six semaines avant son
arrivee.
-- Oui, c'est ca, au debut ca se passait bien, mais lorsqu'il est sorti, le
placenta n'a pas suivi comme prevu. Le docteur l'a retire manuellement.
Je grimace a ce souvenir ; meme sous peridurale ce fut douloureux.
De grosses larmes coulent sur ses joues, je prends son visage en coupe et
lui souris.
-- Bonjour, j'ai un peu mal au ventre. Je peux voir mon fils ? demande-je,
tremblante.
-- Je...
-- Peu importe ce que vous allez dire, ca ne changera pas les ordres que j'ai
recus.
-- Quelle megere !
-- Jamie et Levi s'occupent d'elles. Elles voulaient venir te voir, mais j'ai
prefere attendre que tu sois reveillee pour ne pas les traumatiser plus.
-- Merci.
Je suis heureuse qu'il les ait empechees de venir me voir. Depuis qu'elles
ont ete placees en famille d'accueil, elles ont toujours peur que je parte ou
qu'elles soient obligees d'aller vivre ailleurs. Je leur ai promis un nombre
impressionnant de fois que nous ne serions plus separees, mais elles doutent
encore et je peux les comprendre.
-- Il est magnifique.
Je reflechis un instant en regardant mon fils, puis mon mari. Une idee folle
s'impose en moi.
-- Pourquoi ?
-- A sa facon, elle t'a marque et sans elle, tu n'aurais pas eu tout ce courage
pour m'aimer.
-- Ah non... pas une autre demande en mariage ! s'ecrie une voix dans notre
dos.
-- Je leur ai envoye un texto pour les prevenir que tu etais reveillee. Tu leur
manquais. Une journee sans toi et l'univers au complet est depeuple.
Ma petite Sun a vecu tellement de choses difficiles pour son age, mais elle
est tellement plus forte que moi adolescente. Elle a accepte d'aller voir mon
psychiatre, mais elle tenait a y aller sans sa soeur qui au depart, l'a pris
comme une trahison. Cependant, maintenant, elle comprend bien que sa
jumelle a besoin de parler a un professionnel. Elles ont entame leur deuxieme
annee au lycee International Studies Carter School. Le proces de leur pere fut
penible, mais elles ont super bien gere, parfois mieux que moi, mais moi,
j'avais Jarred pour m'aider a tenir bon. Il a ecope d'une peine de huit ans
d'emprisonnement. Pas suffisant selon moi. Pour ma mere, depuis que Dustin
n'est plus dans le decor, elle semble revivre. Elle a donne une seconde vie a la
maison. Les filles lui parlent presque toutes les semaines, tandis que moi,
j'evite encore les echanges avec elle. Je lui en veux beaucoup trop.
Elle est penchee vers l'incubateur et affiche un air beat. Jarred m'adresse un
clin d'oeil que je comprends immediatement. Il adore mon idee, mais a peur
de la reaction de son amie. Je dois avouer que maintenant que j'y pense, moi
aussi ca m'inquiete un peu. Ce serait legitime qu'elle n'approuve pas.
-- Quoi ? Ne me dites pas que ce petit va s'appeler bebe Dwyer toute sa vie
! Excuse-moi Jarred, ton nom de famille est horrible, ricane Levi.
-- Je ne sais pas ce que tu vas penser de mon idee, mais j'aimerais appeler
mon fils Sidney, comme ta soeur.
Elle ouvre la bouche pour parler, mais je leve la main pour lui signifier que
je n'ai pas termine.
-- Je sais que ca peut te paraitre etrange et peut-etre meme deplace, mais j'y
tiens. Ta soeur a eu une place importante dans la vie de Jarred et je suis
persuadee que sans elle, il ne serait pas l'homme merveilleux qu'il est
aujourd'hui.
Cette fois, elle est sans voix, ses yeux sont brillants de larmes et elle porte
une main a sa bouche.
Elle ne peut retenir ses pleurs. J'aimerais me lever pour la prendre dans
mes bras, mais je ne peux pas vraiment bouger tant mon ventre me fait mal.
Mon mari, cet homme incroyable, s'avance vers sa meilleure amie et l'attire
contre lui. Sloane prend ma main dans la sienne et me sourit.
-- Toi, t'en penses quoi ? Tu veux que ton bebe porte le prenom de ma
soeur ?
-- Alors oui !
Mon cheri s'assied sur une chaise aux cotes de Levi et sourit.
-- Pourquoi pas...
Je n'entends plus ce qu'ils se disent, car une pensee s'empare de moi. Il n'y
a pas si longtemps, la seule personne que j'aurais voulu comme parrain pour
mon fils, c'est Ethan. Parfois, sa presence rassurante me manque, tout comme
son amitie et le reconfort qu'il m'apportait. Cependant, c'est impossible pour
moi de lui pardonner ce qu'il a fait. Un soir, Jarred est revenu avec des
nouvelles de mon ancien meilleur ami, je suis entree dans une colere terrible.
Il a alors compris que j'avais mis Ethan dans un coin de ma tete et que je ne
voulais plus en parler.
Le rire de mes amis me ramene avec eux, mais aussi ma petite Sun qui
serre ma main dans la sienne en m'interrogeant du regard. Je me contente de
lui sourire, ce qui semble la rassurer.
Elle met tout le monde a la porte, ils m'embrassent tous rapidement avant
de sortir. Je reste seule avec Jarred et notre fils, plus heureuse que jamais.
Je n'ai jamais pense que ce serait facile et ma vie fut bordee d'evenements
chaotiques. Cependant, dans cet enfer, il y a ces petits moments de bonheur
infini que je choie et qui me permettent de garder la tete hors de l'eau. Et tout
ceci, je le dois a un seul et unique homme. Celui pour qui j'eprouve un amour
hors du temps. Nous avons panse nos blessures ensemble, surmonte des
obstacles et gravi des murailles de douleurs. Lorsque je l'ai rencontre, j'etais
persuadee que nous nous blesserions, c'etait ce que j'avais toujours connu de
l'amour. Comme quoi, l'amour peut rendre les gens meilleurs.
FIN
Remerciements
Cette fois, ce sera relativement court... Enfin... je vais essayer... mais avant
de commencer, j'aimerais dire un petit quelque chose sur cette maladie.
Je dois aussi remercier mes betas, je n'ai pas ete evidente, je crois avoir
remis en question chaque ligne, chaque mot. Merci Morgane, Justine et
Claude de m'avoir TELLEMENT supportee dans ce projet.
Merci a ma pomichou alias Eloise, t'es tellement cinglee qu'a tes cotes, je
me sens normale. Ma Cricri d'amour et sa gentillesse grosse comme l'univers,
je t'aime beaucoup.
Merci a ma Valou. Peu importe ce qui arrive, t'es la seule qui reste toujours
a mes cotes, peu importe la distance ou ce qui nous arrive.
{2}
Signifie « Réveille-toi ».
{3}
Le quarterback est un poste offensif au football américain.
{4}
Signifie « Allez ! ».
{5}
Signifie « putain ».
{6}
Signifie <<< Oh mon Dieu ! >>>
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