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Des maux d’amour

Quand l’amour est à son paroxysme, on en perd les


mots, tout devient rose. La vie, le monde, les engins, les
bêtes, tout semble se figer dans le temps pour ne laisser
place qu’à ces deux êtres qui s’aiment. Et là, c’était nous.
C’était lui et moi. Notre amour était si fort qu’il pouvait
tout surmonter dans ce bas-monde.

Tu sais, lorsque l’amour guide les pas, rien ne paraît


impossible, chaque défi devient l’occasion de grandir et
d’apprendre à aimer encore plus fort. Du moins, c’est ce
que je croyais. Mieux…J’en étais même sûre. Je nous
savais unis, forts et inséparables. Oui, inséparables. Je
l’aimais et il m’aimait…il m’aimait?…Non! Je ne sais
plus trop. Peut-être que…oui, au début! Oublie!

J’en étais où déjà ? Voilà, je nous savais forts et


inséparables. Revenons-y. Notre amour était comme une
forteresse imprenable, il semblait indestructible, hélas je
me fourvoyais au sujet de cet amour qui s’est étiolé
comme une fleur fanée. Ce n’est plus qu’un lointain
souvenir estompé dans les tréfonds de nos mémoires et
laissant derrière lui des regrets éternels.

Je sais ce que tu dis là : «Mon Dieu, mais cette


bonne fille, qu’a-t-elle bien pu traverser pour paraître si
dramatique? L’amour, le vrai n’est-il pas fait pour elle? La
pauvre.»

Je sais !

Mais détrompe-toi… Bien de fois, on croit qu’aimer


signifie la même chose pour tout le monde; pourtant c’est
si différent pour chacun. Mon histoire n’est pas la tienne.
Mon cœur n’est pas le tien. Ma douleur encore moins !

Bon au diable tes réflexions! Garde-les pour toi et


écoute plutôt ce que j’ai à te dire. Tu en sauras peut-être
plus sur le gouffre sans fond que peut créer une personne
lorsqu’elle entre dans ta vie. La chamboule puis s’en va.

Je suis confuse, je ne sais par où commencer. Le


début ou la fin? Le coup de foudre ou la rupture ? Les
baisers peut-être? Non, les balades idylliques sur le
boulevard du 30 Juin. Ah! Ce boulevard qui en savait sur
nous mieux que personne. Nos premiers moments, nos
baisers fougueux, nos sombres querelles, il n’ignorait rien
de nous. Et lui, contrairement au reste du monde, ne nous
jugeait pas. Il n’attendait rien de nous et nous non plus.
J’aurais tant aimé qu’il soit de ma famille ce fichu
boulevard!

Dis donc, je me perds. Tu n’as pas besoin d’entendre


tous ces détails.
Voilà, nous nous sommes rencontrés lors d’une
soirée à Gombe, dans l’un de ces night-clubs à la noix,
pleins de pervers friqués. Ce soir-là, j’avoue que j’étais au
trente-sixième dessous. Je ne sais plus pourquoi mais le
moral était à zéro, pas trop la tête à faire la fête et mon
petit doigt me disait de quitter cet endroit le plus vite
possible. Si seulement je l’avais écouté ce petit doigt… Je
ne serai pas là à jouer la victime en pleurant mes malheurs,
comme si j’étais la seule à avoir vécu une peine d’amour.

Excuse-moi ! Me voilà répartie encore dans ces


détails indus, pourtant j’avais promis de t’en épargner.

Décidément c’est plus fort que moi.

Revenons-en au fait. J'essaierai d’être moins


bavarde cette fois... J’essaierai!

J’étais là, assise près du bar à cocktail avec des


amies, de vraies mégères ces filles. On faisait ce qu’on
savait faire de mieux : les commères. Et pour nous servir,
la pièce était remplie d’un monde fou, il y avait donc de
quoi papoter toute la soirée.

Au milieu de toute cette foule, de nos babillages et


de la rumba qui infusait dans nos oreilles, une écurie de
beaux étalons se distinguait malgré les lumières disco: des
hommes comme on en voit que dans les films. De
véritables dieux grecs, bien bâtis et pleins aux as. Bref,
comme on les aime toutes.

Une seule idée, attirer l’attention de nos proies.

Je me lève, je danse sur la musique, et je finis par


quitter la table dans ma petite robe noire direction le bar.
Sans que je ne le veuille ma démarche change, je bouge un
peu trop tu sais quoi… Arrivée au bar, je commande trois
cocktails. Le barman met du temps. Je m’impatiente.

Soudain j’entends derrière moi: «et si je vous offrais


ces cocktails?»

Là, deux possibilités s’étripent, me retourner ou


ignorer complètement. Mais laisse-moi te dire que le ton
cette voix était si envoûtant que je me sentais sous
l’empire d’un puissant sortilège qui m’obligeait à me
retourner.

J’hésite un peu. Puis je me retourne… Vas-y, devine


la suite.

Un dieu grec en plein dans mes yeux. Il me fixait si


fort que j’en étais paralysée, je ne savais plus où donner la
tête que sur ses belles lèvres.

Il me sourit et repose sa question :


– Je peux vous offrir un verre ?

– Merci mais non merci.

Je lui réponds avec un ton glacial et me retourne


vers le bar. Il fallait que joue les filles dures. Quoique dans
mon cœur, c’était tout le contraire.

Il reste là à me jeter un regard affamé.

Cerise sur le gâteau, le DJ balance Marlène à fond


dans nos oreilles. Je me mets à chanter… «Marlène tala na
miso na ngai okomona… on dit les yeux ne mentent
jamais… bla-bla-bla-bla…» la suite je sais plus.

Tu suis j’espère ? Marlène…Fally Ipupa? Eh!


Apprends à sortir faire la fête s’il te plaît. Bon, laisse
tomber.

Juste pour te dire que mes yeux ne mentaient pas ce


soir-là. Ils brillaient de mille feux à la vue de cet homme.
J’avais l’occasion de choper le gros lot de la soirée mais je
m’obstinais à jouer mes dures.

Donc, je me tourne encore une fois et je change de


discours:

– finalement, je veux bien…


– Quoi?

Le salaud voulait me faire croire qu’il n’avait pas


compris mais j’étais obligée de jouer son jeu:

– Je veux bien de ce verre.

–D’accord! Si vous insistez autant. Me répondait-il


avec un léger sourire sarcastique, histoire de se venger
pour l’avoir presque ignoré.

– Vous ne manquez donc pas de manière vous?


Gardez-le votre verre!

– Waouh! Le second degré n’est pas qu’une


température, vous savez! Je plaisantais seulement. Mais
bon…excusez-moi.

Je reste muette un moment. Dans mon cœur je me


dis : «mais qu’est-ce qui m’empêche de remettre cet
homme à sa place ».C’était comme s’il m’avait jeté un sort
pour de vrai.

Enfin je lui réponds:

–Hum! Je vous pardonne, seulement parce que je


veux que vous m’offrez mon verre et c’est tout.

– c’est tout ? Sûre ?


–hum!

– Je peux m’asseoir à tes côtés si tu permets. Euh, on


peut se tutoyer?

– Si tu insistes...là je le piège dans son propre jeu.

Après qu’il s’est assis, il s’est présenté à moi et m’a


dit ce qu’il faisait dans la vie. On a parlait si longtemps
que j’en avais oublié mais copines. Je lui trouvais un
charme fou. Il m'apparaissait comme le plus bel homme
de la terre, le jackpot. On riait si fort que les mégères (mes
amies) étaient jalouses. Un moment, j’aurais juré qu’on se
connaissait depuis bien des années, tellement il me
comprenait.

Là, je succombe à ce foudroyant coup de foudre.


C’est sûr…j’avais trouvé mon âme sœur. J'étais loin de
savoir qui il était vraiment!

Je sais. C’est assez rapide pour deux parfaits


inconnus mais qu’est-ce que tu veux, on y peut rien à ces
choses-là. C’est comme ça. C’est tout !

Un moment, je jette un coup d’œil à mon poignet,


1h30… il fallait que je rentre mais mes copines n’étaient
plus là. Il s’est donc proposé de me raccompagner chez
moi.
Au retour, dans sa voiture– à Kinshasa, en plein ville,
tout le monde a une voiture – il m’a demandé mon numéro
et nous nous sommes entendus pour un prochain
rendez-vous.

Voilà, tu sais maintenant tout de nos débuts. Je paris


que tu te demandes certainement comment une histoire
peut si bien débuter mais se finir en eau de boudin? Eh ben!
Garde ton calme et écoute.

Cette histoire que je raconte, ne la garde pas que


pour toi, partage la à toutes ces jeunes femmes, qu’elles ne
se laissent pas berner comme je l'ai été. Ces peines
d'amour-là nous marquent pour la vie et peuvent nous
amener vers des chemins qu'on n'avait vraiment pas
imaginé prendre. J’ai vu tous mes projets d’avenir
s’effondrer en à peine quelques minutes.

Bon, revenons à notre histoire.

Après cette première rencontre en boîte, il s’en est


suivi plusieurs autres. On a appris à mieux se connaître.
Notre amour ne cesser de croître et on a enfin décidé
d’affirmer cette relation. Les parents, les amis, tous étaient
au courant et tous me reprochaient d’être allée trop vite en
besogne.

Notre vie de couple a donc débuté à la française. J’ai


emménagé chez lui et deux mois plus tard, j’apprenais que
j’étais enceinte. Il a semblé aussi content que moi… Il a
semblé !

Plus ma grossesse avançait et plus il s'éloignait de


moi. Il faisait des jours sans donner signe de vie. Ce n’est
pas tout, le pire est à venir…

Mais pourquoi tu me regardes avec ces yeux?


Arrête ! Je ne suis pas une femme naïve, cela aurait pu
arriver à n’importe qu’elle autre femme. Arrête s’il te
plait !

Si même toi, à qui je me confie, tu te mets à me


juger… à quoi ça sert de continuer ? Je m’arrête là, je ne
saurai plus!

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