Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
HISTOIRE DU DROIT
DES PERSONNES ET DES BIENS
PROFESSEUR JEAN PAUL ANDRIEUX
LICENCE 1
SEMESTRE 2
PANTHÉON-ASSAS
HDPB 2
TITRE I - L’ESCLAVE
TITRE II - LE CITOYEN
HDPB 3
TITRE IV - LA MISÉRICORDE
HDPB 4
INTRODUCTION
Ce cours s'articule sur deux piliers fondamentaux du droit, les personnes et les biens. La distinction est assez étanche
entre les deux, on distingue clairement ce qu’est une personne et ce qu'est un bien. Il peut pourtant y avoir des
intersections entre ces deux domaines.
Exemple : Un cadavre peut être considéré comme un bien ou comme une chose. Si on considère que c’est une
personne les volontés post-mortem du de cujus du défunt devront être absolument respectés. Si on considère que le
cadavre est une chose, la volonté ne peut pas être suivie et ne peut pas s’appliquer.
De cujus :
Expression latine dont la formule désigne celui de la succession duquel on débat.
En dépit de quelques dif cultés de distinction, il y a une distinction essentielle entre les personnes les biens.
L’esclave : De l'antiquité à la période moderne et contemporaine avec l'abolition de l’esclavage. Les différentes
modalités dans l’antiquité, les aménagements, les restrictions et les abolitions de l’esclavage.
Le citoyen : De l'antiquité jusqu'à nos jours. L'antiquité romaine et l'antiquité grecque connaissent la notion de
citoyenneté avec des valeurs différentes des nôtres. Le citoyen étant aujourd'hui dé nit par les constitutions, de la
première constitution Française de 1791 jusqu'à notre actuel constitution.
Le roi : Depuis l'antiquité jusqu'à la royauté de Charles X en France. Le roi paraît gé dans l’histoire, le dernier roi en
France Charles X a fait partie de la période contemporaine et la monarchie est un régime encore appliqué dans
plusieurs pays européens.
Par la suite, l’étude d'un bien d'ordre public qui est la justice, qui sera présentée dans différentes modalités.
La miséricorde : Sans s’attacher forcément à la justice, la miséricorde est une notion qui apparaît dès la plus haute
antiquité. Dans la bible avec des exemples très explicites de miséricorde, notamment avec le jugement et la justice du
roi Salomon. Cela permettra de faire le lien entre la personne et le bien puisque nous aurons quitté la question de la
personne du roi pour rentrer dans la miséricorde qui est l'œuvre l'œuvre royale par excellence.
La justice : Un sujet en plusieurs étapes, avec la question de la justice antique et la justice médiévale étudiée à travers
la justice ecclésiastique et la justice laïque. Ces différentes justices se trouvent ensuite reprisent et contrôlées par la
justice royale. Etude de la justice médiévale du Moyen-âge jusqu'à l'époque moderne et la justice contemporaine, à
partir de la révolution, mais également la justice révolutionnaire jusqu'à la seconde guerre mondiale, des justices que
l'on peut trouver lors de la l'occupation de la France et au moment de la libération, des justices assez radicales.
fi
fi
fi
HDPB 5
TITRE I - L’ESCLAVE
§1 - EN GRÈCE
Première personne dans l'étude que nous menons, la personne de l’esclave qui peut-être étudié dès la plus haute
antiquité. Au XVIII ème siècle, avant Jésus Christ dans le code d’Hammurabi, des dispositions concernent déjà le statut
de l’esclave.
LE CODE D’HAMMURABI
Le code d’Hammurabi reprend les différentes personnes que nous allons étudier, c’est vraisemblablement le premier
document juridique de grande ampleur connu dans l’antiquité. Un exemplaire de ce code d’Hammurabi gure au
musée du Louvre, au département des antiquités orientales. C’est une pierre de basalte noire sur laquelle se trouve
gravé avec des caractères cunéiformes (écritures en forme de clous) des dispositions juridiques qui concerne l'orient
ancien.
Vers 1750 avant Jésus Christ, nous trouvons des dispositions dans ce code qui concernaient déjà le statut de l’esclave.
Ces dispositions gurent parmi les mesures de contrôle de différentes professions. Le code d’Hammurabi évoque
les professions libérales, agricoles, artisanales et serviles. Le code envisage aussi les esclaves pour dettes et les
esclaves prisonniers de guerre.
Avec ces quelques informations, nous avons déjà sur la personne de l'esclave trois séries d’information :
Première série d’informations, sur la personne de l’esclave, une catégorie sociale. L'esclave est considéré comme
une catégorie sociale dé nie par une profession.
Deuxième série d’informations, sur l'existence de l'esclave pour dette. Un esclave endetté a été en réalité
antérieurement un citoyen. Le citoyen endetté devient esclave pour dette, le citoyen lorsqu'il est endetté perd son
statut civil. Cela signi e qu'il y a la possibilité de passer d'un statut de citoyen à un statut d'esclave et
vraisemblablement, si l’esclave parvient à régler ses dettes, le passage peut se faire dans l'autre sens et l'esclave peut
redevenir citoyen.
Troisième série d’informations, l'esclave peut-être assimilé aux prisonniers de guerre. Le prisonnier de guerre
c'est d’abord un étranger, et le mot français esclave garde cette idée car ce mot serait apparu au moyen-âge à Venise
où la plupart des esclaves étaient des Salaves des Balkans, une terre lointaine et étrangère.
LA BIBLE
A la même époque que le code d’Hammurabi nous avons également un document essentiel très utile pour l'histoire
du droit qui est la Bible. Dans la bible, une importante réglementation s’applique à la vie collective en tribu.
En effet le peuple d'israël vit en différentes tribus (12), et la bible s'applique à organisé la vie interne et les
rapports entre les tribus, mais cette réglementation biblique peut également viser le droit privé des personnes.
Dans une société foncièrement patriarcale, où la polygamie est permise à l’homme, la condition de la femme n'est pas
pour autant oublier. Le texte biblique reconnaît à la femme une capacité juridique pour les actes de la pratique.
Cette capacité juridique de la femme vient du fait qu'elle dispose d'esclaves et servantes attachés à sa personne et à
son service. La détention d'esclaves permet donc à la femme la reconnaissance juridique.
fi
fi
fi
fi
HDPB 6
L'histoire de l'esclavage connaît différentes époques, qui chacune présente une pratique originale et les
comparaisons sont dif ciles à établir car que les pratiques sont très différentes. Distinction chronologique, les
modalités antiques de l'esclavage et les modalités médiévales de l’esclavage.
§1 - EN GRÈCE
Dans la Grèce ancienne, le droit trouve sa signi cation dans le cercle restreint de la famille qui est tenu par le chef de
la maisonnée. Le droit concerne les affaires domestiques relevant du quotidien ou de l’exceptionnel, les temps
exceptionnels ou extraordinaire étant par exemple le temps du mariage des alliances ou du combat.
Le droit garantit ainsi au sein de la famille, la réception d'un esclave et de cette réception une conclusion
fondamentale pour la Grèce antique peut être tirée, l'esclave est une personne.
L’ILIADE D’HOMÈRE
Dans l'Iliade d’Homère, les esclaves sont souvent pris comme butin de guerre, ce sont le plus souvent des femmes,
pour les hommes des rançons sont demandés. Dans le palais d’Ulysse, peut-on lire dans l’Iliade, on compte une
cinquantaine d’esclaves, essentiellement des femmes.
En Grèce, l'esclave accompagne son maître ou sa maîtresse au marché ou en société lors de ses déplacements. Se
déplacer sans accompagner d’un esclave est très mal vu, seuls les avares ou les misérables se rendent seuls au
marché. L'esclave valorise la condition sociale du maître ou de la maitresse.
L'esclave est une personne qui peut-être véritablement respecté et considéré comme divin, il béné cie, de la même
épithète que les héros grecs. C'est vous dire la valeur que la Grèce antique attache, à la personne de l'esclave.
En Grèce, c'est au moment où s’établissent les bases de la démocratie que s'impose l’esclavage, qui ne contrarie
absolument pas le régime de la cité démocratique. Cette intégration de l'esclave en Grèce, ne se retrouve absolument
pas à Rome.
fi
fi
fi
fi
fi
HDPB 7
§2 - À ROME
LES INSTITUTES DE GAÏUS
Dans ces institutes, les manuels de droit à destination des étudiants, le jurisconsulte Gaïus décrit l'action en
revendication. Nous avons de nombreux textes juridiques de Rome mais il il s'agit ici d’un manuel d'éducation pour
les étudiants en droit.
Gaïus :
Né vers 120 et mort vers 180, juriste et professeur de droit, originaire de l’Est de l’Empire romain, ayant vécu
au iie siècle, sous le règne de l’empereur Hadrien.
Dans ce manuel, Gaïus présente des notions juridiques étayées par des exemples, or les textes juridiques de la
période romaine et de l'empire romain (les compilation de Justinien, le digeste, le code, les novelles), ne donnent pas
d’explications, nous n'avons pas les illustrations des notions juridiques utilisées dans ce manuel de Gaius.
Actiones in personam :
Actions personnelles, c'est-à-dire relatives à une personne. Actions par lesquelles le demandeur réclame du
défendeur l'exécution d'une prestation. Le fondement de ces actions est une obligation préexistante du
défendeur vis-à-vis du demandeur.
Actiones in rem :
Actions réelles, c'est-à-dire relatives à une chose. Actions par lesquelles le demandeur af rme qu'il a un droit
sur une chose possédée par le défendeur. Le fondement de l'action étant un droit sur la chose elle-même,
l'action peut être dirigée contre quiconque empêche le demandeur d'exercer son droit. En outre, les actions
réelles n'impliquant pas de responsabilité du défendeur, celui-ci peut à son gré s'opposer à la prétention du
demandeur ou abandonner la chose pendant la phase in iure du procès.
Pour illustrer la revendication d'une chose actio in rem, Gaïus prend l’exemple de l’esclave :
Gaïus considère que la revendication d'une chose peut porter sur un esclave, ceci montre parfaitement que
l'esclave a la différence des modalités grecques, était considéré comme une chose et non plus comme une personne.
L’esclave n'est pas une personne car Gaïus aurait alors utilisé l'action en revendication de personnes l’actio in
personam. Pour un esclave, l’actio in personam n'est pas envisageable. L'esclave n'est donc pas juridiquement
considéré comme une personne mais comme une chose et c'est là une réelle dévalorisation par rapport à toute la
tradition grecque.
Selon les termes de cette loi, dans la Rome primitive en cas d’insolvabilité du débiteur, le créancier peut
s'emparer de la personne du débiteur et le placer dans une prison privée. On pense que le créancier se servait pour
cela d'un coin de sa maison.
fi
HDPB 8
Toutes les trois semaines le créancier met son débiteur au marché, et la population est averti de cette présentation
pour que ses parents et ses amis payent pour lui. Au bout de trois présentations, si personne n’est intervenue pour
racheter la dette ou payer en faveur du débiteur, Le créancier semble pouvoir disposer du débiteur comme il
l’entend.
Il est possible alors pour le créancier de faire travailler le débiteur comme esclave et nous avons là l'exemple du
citoyen devenu esclave à cause de ces dettes. Dans ce cas-là le créancier le fait travailler comme esclave jusqu'à ce
que la dette soit éteinte. Il est possible également pour le créancier de passer la frontière pour revendre ce débiteur
comme esclave, et se payer ainsi sur le prix obtenu.
Mais la loi des XII tables propose une autre disposition plus effrayante encore, dans le cas ou le débiteur a
plusieurs créanciers. Si le débiteur a plusieurs créanciers, la loi dispose je cite : « Au troisième marché, qu'il soit coupé
en morceaux, si le partage est mal fait cela n’est pas grave ». Dans ce cas-là chaque créancier peut recevoir la loi des XII
tables l'écrit explicitement, chaque créancier peut recevoir un morceau du corps du citoyen débiteur.
Le citoyen débiteur devenu esclave devient de la viande a découpé, nous retrouvons dans cette disposition le fameux
thème de la livre de chair que veut prélever le créancier sur son débiteur. C'est un thème que Shakespeare va
reprendre dans le marchand de Venise avec le créancier Shylock, qui aiguise son couteau pensant qu'il va pouvoir
prélever sur son débiteur la livre de chair qu'il a promise.
Cette dévalorisation de l'esclave à Rome tranche sur la tradition grecque, mais cette tradition romaine va
malheureusement, l'emporter et inspirer la dévalorisation de la notion de l'esclave tout au long du Moyen-âge qui va
poursuivre la pratique de l’esclavage, sur le modèle romain mais avec des modalités originales.
Si ce même paysan est installé sur une villa romaine ou gallo-romaine, il sera appelé villain (orthographe
correcte, villain pour villa), Une désignation nullement péjorative, Ce terme est issu de la villa sur laquelle il réside, le
villain n'est pas celui que l'on croit, ce n'est à l’origine que l'habitant d'une villa.
À l'époque carolingienne, les rapports sociaux distinguent toujours la personne libre de la personne asservi, un
conseiller de Charlemagne a eu la formule suivante je cite : « On est serf ou libre, rien d’autre ». La notion de servage
remplace donc celle d’esclavage.
HOMINES DE POTESTATE
Si l'histoire de la servitude semble marquer par l’état d'esclave puis de servage, le servage connaît lui-même diverses
évolutions, avec la quali cation de homines de potestate. Cette quali cation peut recouvrir la qualité de serf mais
aussi la qualité d'homme libre dépendant et soumis à un seigneur.
§ 1 - LE SERVAGE
Le serf est la chose d'un maitre qui dispose de son corps et de ses biens. On retrouve dans la tradition médiévale,
tout l'apport des modalités et de la tradition romaine de l’esclavage. Au Moyen âge le serf n’est pas convoqué à l’ost,
c'est-à-dire à l’armée. Il n'est pas invité à siéger aux assemblées judiciaires ni au conseil auprès du seigneur.
COLIBERTI
Entre le serf et la qualité de libre, on peut trouver un certain nombre d’états intermédiaires comme celui de
coliberti (non libre) que l'on trouve dans le droit coutumier du nord du royaume de France.
fi
fi
fi
fi
fi
HDPB 9
Avant le XII ème siècle, le statut de non libre se caractérise par divers critères :
- La condition juridique de serf se transmet héréditairement, un critère essentiel et fondamental.
- Les serfs se soumettent à la justice du seigneur et à une surveillance sur leur résidence et sur leurs déplacements.
- Les possessions des serfs sont beaucoup plus précaires que celle des hommes libres
- Les aliénations des biens d’un serf, sont très fréquemment frappés d’opposition.
ADALBÉRON DE LAON
Vers 1025, Adalbéron de Laon, évêque de Laon, décrit dans un poème au roi Robert la société de son temps, et
dans le tableau qu'il dresse de cette société autour de l’an mil, il montre que le serf s'oppose dans la loi humaine,
au noble.
La servitude est considérée comme une souillure, Il n'y a pour les serfs, pas de n à leur plaintes ni à leur larmes.
C'est une peinture impitoyable de la dernière des conditions sociales qui marque l'affaiblissement de la condition
servile.
Même s'il est toujours admis dans la communauté chrétienne, le serf est condamné par le mépris et il est diminué
par son statut. Il perd de nombreuses prérogatives reconnu aux autres personnes. Il ne peut pas par exemple
témoigner en justice.
Le seigneur tend à empêcher les serfs de sa seigneurie, de gagner des lieux où il pourrait acquérir une liberté ou une
franchise (comme les villes par exemple). A n de garder intacts les liens personnels et de maintenir les
obligations, l'interdiction de quitter la seigneurie s’impose progressivement. Les fuyards s’exposent à la
con scation de leurs meubles et de leurs terres. Les serfs doivent répondre aux obligations qui s'inscrivent dans la
catégorie des incapacités.
§ 2 - LES INCAPACITÉS
Deux incapacités essentielles pèsent sur les serfs :
- Une première incapacité dite de main morte. Le serf n'est pas habilité à transmettre à sa mort, son patrimoine aux
membres de sa famille, l’usage veut qu'il est pour héritier son propre seigneur. Le serf, du point de vue
successorale, a la main paralysé, il ne peut pas passer la main d'où le nom main morte donné à cette incapacité. La
main morte désigne ce droit par lequel le seigneur exige à la mort d’un serf le bien de ce dernier.
Contre cette pratique, qui menace directement le patrimoine des serfs de la seigneurie, une certaine solidarité
s'est développée parmi les serfs, par la constitution de communautés dite taisibles. Ces communautés taisibles
sont des communautés rurales et serves, regroupant plusieurs ménages apparentés qui vivent ensemble sans
formulation juridique c'est c'est-à-dire de façon silencieuse d'où le terme de taisible et par cette pratique
collective les serfs vont mettre en commun leur patrimoine.
Cela va permettre de contrarier le droit de main morte car la reprise du seigneur ne va pas pouvoir se faire.
En effet, le patrimoine de chacun dans ses communautés taisibles est impossible à identi er dans la masse des liens
de la communauté, et le droit de main morte va dès lors commencer à décliner.
- Une deuxième incapacité date de formariage. Cette incapacité vise l'interdiction faite au serf de se marier
hors de la seigneurie. Cela évite au seigneur de manquer de bras pour exploiter le domaine.
Ces incapacités vont prendre une force obligatoire, qui ne vient plus tellement du pouvoir assez limité du seigneur,
cette obligation va venir de l'usage qui est suivi et qui en est fait. La valeur de ces usages vient de la constance dans
le temps de leur application et on va commencer à parler de coutume.
fi
fi
fi
fi
HDPB 10
Ces incapacités qui pèsent sur la personne du serf vont résister pendant des siècles, pratiquement jusqu'à la
révolution française, ou lors de la révolution, il sera question de revenir sur les usages féodaux nés au cours de ce
Moyen âge.
Ces usages liés à la servitude rendent très dif cile toute évolution du servage. Sous l'ancien régime, pourtant, le
serf va commencer à régresser dans la métropole et permettre de comprendre les premières restrictions de
l’esclavage.
fi