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Fragile

(titre provisoire)

un documentaire de
Marie-Francine Le Jalu et Gilles Sionnet

Aide à l’écriture du CNC,


Prix « Brouillon d’un rêve » de la SCAM,
Programme de soutien à la production de films de la Fondation du Japon
(Ministère de la Culture Japonais).
Fragile
Sommaire

Demande de contribution financière……………………………. p 1


Sommaire…………………………………………………………. p 2

Le projet

Synopsis…..……………………………………………………….. p 4
Scénario……………………………………………………………. p 5
Note d’intention des réalisateurs………………………………… p 33
Iconographie……………………………………………………….. p 36
- Les personnages………………………………………….. p 37
- Osamu DAZAÏ..……………………………………………. p 41
- Tsugaru et le Japon d’aujourd’hui………………………. p 43

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Fragile
Le projet

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Fragile
Synopsis

De jeunes japonais essaient de construire leur propre vie. Face à la


violence de la société contemporaine, ils vont puiser la force de survivre
dans l’œuvre ambiguë et contestataire de Osamu DAZAÏ, cet écrivain
culte suicidé en 1948. Ce film est un regard sur l’humanité et les
interrogations de cette jeunesse fragile.

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Fragile
Scénario

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Un intérieur luxueux, mêlant avec goût le style art déco et des meubles de l’ère
Meiji. Un vieil homme asiatique au visage émacié est assis dans un fauteuil, il est
très élégamment vêtu d’un costume trois pièces :

“ Quand nous avons appris sa disparition, ça a été un tremblement de


terre. Tout le monde connaissait son caractère sombre, de là à imaginer
qu’il se noie avec sa maîtresse… ”

Le vieil homme parle lentement. Après un instant :

“ Le pire a été qu’ils ont complètement disparu. Les gens venaient sur les
berges du canal pour essayer de les repérer. La police faisait des
sondages pour les localiser. Rien, le temps passait. On les a retrouvés six
jours plus tard. Par une macabre coïncidence, c'était le 19 juin, le jour de
son anniversaire. Il aurait eu 39 ans. ”

Sa voix semble maintenant lasse, le regard presque absent :

“ Ils s’étaient attachés par un lien. Nous nous y sommes mis à trois pour
les retirer de l’eau. Ils étaient lourds, serrés l'un contre l'autre. Les chairs
étaient si gonflées qu’elles tendaient l’étoffe et la rendaient luisante. Le
corps de Osamu DAZAÏ était disloqué. Ses jambes s’étaient enfoncées
dans son abdomen. ”

Titre sur fond noir : Kenichi NOHIRA.

Il poursuit :

“ A sa mort, il y a même eu un flash spécial à la télévision, vous vous


rendez compte, en 1948 ! J’étais à l’époque un jeune éditeur. Quand je l’ai
rencontré, il me confia un manuscrit, c’était Soleil couchant. J’avais 24 ans
et je tenais entre les mains un chef d’œuvre !... Ce fut tout de suite un
immense succès. Plus de cent rééditions depuis 60 ans ! ”

Photo noir et blanc plein cadre : Osamu DAZAÏ. Off, voix masculine :

“ Ma petite sœur. Rien à faire. Je m’en vais. Pourquoi


continuerais-je à vivre ? Je n’en vois pas du tout la
raison. Seuls ceux qui ont envie de se maintenir en vie
peuvent le faire. De même que l’homme a le droit de
vivre, il doit avoir le droit de mourir… ” (1)

(1) Tous les textes soulignés en italique sont extraits des


œuvres de Osamu DAZAÏ. Ils sont dits off par un comédien.

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Générique :

FRAGILE

Des milliers et dizaines de milliers de gens dans le hall de l’immense gare de


Shinjuku à Tokyo. Ils se pressent dans un vaste mouvement désordonné. Parmi
eux, une jeune femme habillée “ gothique ”, robe en dentelle noire sur jean, un
piercing à l’oreille, les cheveux longs relevés haut en arrière, le regard affirmé,
passe les barrières d’un pas décidé. Elle fend la foule et disparaît dans l’escalier.
On la retrouve debout dans le train, serrée parmi les passagers, le bras levé
tenant une poignée (on aperçoit sur son avant bras une série de fines cicatrices
blanches).
Autour d’elle, des hommes en costume noir, des femmes habillées très
classiquement, des écolières en uniforme, jupes plissées courtes. Certains
s’épongent le front dans cette chaleur estivale. Beaucoup sont penchés vers leur
téléphone portable. La jeune femme est concentrée, séduisante.

Titre sur fond noir : Misaki TAKANO.

Nous sommes maintenant dans le minuscule studio de MISAKI : un matelas


posé à même le sol, tout juste un passage où poser les pieds. L’ensemble est
habité de nombreux objets et bibelots colorés.
Elle raconte avec simplicité qu’elle a perdu sa mère à 17 ans. Elle a du aller vivre
chez son père qu’elle ne connaissait pas, elle s’est enfuie. Elle nous montre la
photo d’une femme d’une quarantaine d’années, souriante. Une ombre passe sur
son visage :

“ C’est ma mère. ”

Pendant deux, trois ans, elle a vécu à droite à gauche, chez des amis, parfois
dans la rue. C’est alors qu’elle a découvert DAZAÏ. Elle a lu ses textes et tout ce
qui a pu être écrit sur lui. C’était une véritable boulimie. Ses mots étaient pour
elle, la concernaient elle personnellement : cette solitude, cette difficulté à
trouver sa place.

“ La vie de DAZAÏ est comme la mienne, chaotique et dramatique. ”

Un jeune homme en costume coloré, lunettes roses et borsalino sur la tête,


traverse une salle de rédaction où s’activent beaucoup de pigistes. Il s’arrête
devant un bureau, sort quelques feuilles manuscrites de sa sacoche et s’installe.

Un homme s’approche et lui. La conversation s’engage sur le traitement que


KANAME souhaite donner à son reportage sur une série de cafés. Il sort une
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liste des cafés style année 40 et 50 qu’il faudrait prendre en photo. Le petit
homme parle très vite, les mots sortent de sa bouche comme par salves, tandis
qu’il accompagne son discours de gestes très vifs.

Titre sur fond noir : Kaname YANAÏ

Un écran LCD indique les cours de la bourse. L’écran surplombe un immeuble


au-dessus du grand carrefour de Shibuya. Un quartier commerçant de larges
immeubles modernes. KANAME dénote dans la foule qui se presse sur les
trottoirs. Il emprunte une passerelle au dessus de la rue et disparaît derrière un
panneau publicitaire : un jeune couple moderne et souriant avec un enfant, une
image de bonheur.

Une placette devant une gare de banlieue. KANAME passe devant un petit café
vieillot puis devant un étal de primeurs, comme au marché. Il s’assied au
comptoir d’une échoppe de bois en plein air. Derrière lui, un homme prépare
avec dextérité des yakitoris. Des hommes boivent en grignotant. KANAME boit
une rasade de bière et explique que ce petit bar à yakitoris est resté à peu près
identique depuis avant guerre. DAZAÏ y traînait avec ses amis écrivains, il en
parle dans ses nouvelles.
KANAME s’emballe :

“ Il est génial ce type ! Imaginez, on est dans les années 30, c’est un fils de
grand bourgeois, eh bien il tire du fric à sa famille, leur ment, devient
communiste, il boit, il se drogue, flirte avec des hôtesses de bar. La fille
avec laquelle il tente pour la deuxième fois de se suicider ? Il l’a rencontrée
quelques jours plus tôt. Il se rate encore et par provocation envers sa
famille, il épouse à 21 ans une jeune geisha de son pays. ”

KANAME sort un paquet de cigarettes vert olive :

“ Elles sont difficiles à trouver, mais ce sont celles que fumait DAZAÏ. ”

Il allume une cigarette et tire dessus avec excès.

Des éructations tonitruantes de slogans politiques. Sur une petite place, un


drapeau japonais flotte au-dessus d’une camionnette qui tourne en rond. Sur ses
côtés, un rond rouge et des panneaux de slogans. Près du chauffeur un homme,
la cinquantaine, un bandeau autour du front façon kamikaze, harangue les
passants dans le micro :

“ Le Japon est en pleine décadence ! Il faut réagir ! Restitution des îles


Sakhaline ! Pour l’autonomie de la patrie ! Pour l’Empereur ! ”

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La voix cède la place à un chant nazi. Indifférents, les gens vaquent à leurs
occupations et disparaissent dans les ruelles de ce quartier populaire.

KANAME poursuit :

“ DAZAÏ se sert d’une institution sociale, le mariage, pour aller contre les
conventions et sa famille. Il leur fout la honte. Ca, c’est du grand art ! ”

Sur l’écran de son téléphone portable, il montre une photo de DAZAÏ adolescent
qui prend la pose, l’air mauvais. Il prend la même expression et se marre.

Autour de lui, les clients dialoguent avec vivacité. Le serveur interpelle les
passants. Le feu des yakitoris illumine le fond de la boutique. La caméra s’élève
au dessus de l’échoppe. Derrière, un immeuble moderne contraste avec cette
atmosphère surannée.

KANAME grimpe maintenant quatre à quatre les escaliers d’une passerelle


métallique. On entend les annonces de la gare hurlées par des haut-parleurs.
Arrivé en haut, il enfile son manteau, ôte le borsalino de sa tête et prend la pose
en s’accoudant à la balustrade. Il est tout joyeux et part d’un éclat de rire. Il
redevient sérieux et se prend en photo avec son portable. Plein cadre, la photo
de KANAME telle qu’il vient de la prendre. Puis une photo de DAZAÏ en contre
plongée, la trentaine, amaigri, le regard perdu au loin, dans la même position sur
ce pont.

Une minuscule librairie, saturée de livres et d’affiches, avec une baie vitrée
donnant sur une rue arborée. Une jeune fille de 18 ans est assise à une petite
table et fouille dans une boite contenant des CD. La libraire, une petite femme
sans âge, vêtue d’une robe à fleurs, range des livres dans les rayonnages.
Des photos sont punaisées sur une étagère, notamment l’image lumineuse d’une
très belle jeune femme en kimono clair qui sourit. Son visage est doux et velouté.
Off, la jeune fille commente :

“ C’est SHIMEKO, la jeune femme avec qui il a essayé de se suicider sur


une plage en 1930. Ils avaient 20 ans. Lui a survécu. ”

Titre sur fond noir : Aïmi NAKANO.

Avec solennité, AÏMI raconte que la mort de SHIMEKO a bouleversé DAZAÏ. Il en


parle dans son premier livre, pétri d’un sentiment de culpabilité mêlé de honte.

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Une autre photo sur l’étagère : DAZAÏ l’air mélancolique, le visage penché
appuyé sur la main gauche. Voix off :

“ Plongé dans une culpabilité mortifiante, le mépris de moi-même et la


terreur, j’écrivais… ”

Plusieurs rayonnages sont entièrement consacrés à DAZAÏ : non seulement les


diverses éditions de ses œuvres, parfois anciennes, mais aussi des photos, des
articles de presse, des magazines récents en couleur, etc.

“… je ciselais une série de nouvelles que j’appelais “ testament ”. Je


pariais ma vie sur ces écrits. J’ai la conviction que ce recueil de récits, Mes
dernières années, devrait petit à petit pénétrer dans vos yeux et dans votre
cœur. Je suis né pour créer ce volume. ”

Sur un quai de métro à Tokyo, des gens attendent en file indienne, respectant
les signes tracés au sol. On peut lire notamment « women only ». Dans les haut-
parleurs une voix criarde annonce l’arrivée du train. La rame entre en gare dans
un fracas. Une foule de gens en descend. Parmi eux la fine AÏMI descend d’une
voiture remplie uniquement de femmes.
Vêtue d’une robe rose légère, un grand sac à l’épaule, elle enfile un casque de
walkman et active son lecteur. La voix off commence tandis qu’on la suit qui
circule au milieu de la foule. Les visages des gens qu’elle croise : la modeste
vieille femme à laquelle elle achète un sandwich dans un kiosque, les gens en
costumes dans les escaliers, deux jeunes filles vêtues de manière voyante de
robes en dentelles couleur bonbon, l’homme qui salue mécaniquement à la sortie
de la station… :

“ Il y a des gens qu’on appelle des réprouvés, des oiseaux de nuit. Ces
mots semblent indiquer parmi les humains des êtres pitoyables, des
vaincus, des vicieux. Cependant, depuis que je suis né, je me suis senti
porté vers ces êtres ; quand j’en ai rencontré un que le monde montrait du
doigt comme tel, je me suis toujours senti de la compassion pour lui... ”

La voix off se poursuit tandis qu’AÏMI, venant vers nous, marche dans un quartier
très vivant de petits immeubles, boutiques et cafés :

“… Il existe aussi des coupables conscients. Je me range parmi ceux-là et


j’ai été torturé toute ma vie par cette conscience que j’avais de mes fautes.
Cependant, la douleur qui me venait de cette blessure était pour moi
comme une sensibilité qui vivait, ou comme le murmure d’un amour. ”

La voix se termine sur le visage opalescent d’AÏMI en gros plan.

Un bâtiment aux larges fenêtres. Une pancarte indique “ Université féminine ”. A


la porte, quelques jeunes filles sont en pleine discussion.
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AÏMI est maintenant assise dans une salle de classe remplie de jeunes filles. Un
professeur officie au centre sur l’estrade. Au mur, différentes cartes du corps
humain. Dans le coin de la pièce, près de l’estrade, est suspendu un écorché
grandeur nature : les couleurs des muscles et des réseaux sanguins sont
saturées.

Le détail d’une estampe : le visage rubicond d’un personnage diabolique. La


caméra glisse le long du rouleau aux couleurs brunes et rouges et s’arrête en
bas sur une scène : un monstre poursuit les corps ensanglantés de ses victimes
affolées.
Plusieurs rouleaux dans les mêmes teintes sont déroulés sur le mur d’un vaste
temple shinto. Au centre de la vaste pièce parquetée, un autel doré aux
draperies rouges.

On retrouve AÏMI assise à la même place. La salle de cours s’est vidée. Elle
explique qu’elle prépare un diplôme d’assistante médicale, elle voudrait
s’occuper des autres. Elle raconte qu’elle a découvert DAZAÏ à l’école, comme
tout le monde, avec Cours Mélos.

“ Plus qu’une histoire d’amitié, pour moi, c’est l’histoire de Judas. ”

Elle est allée à l’école protestante pendant six ans, et avec DAZAÏ son point de
vue sur la Bible a changé. Il décrit Judas comme quelqu’un de très humain avec
ses doutes et ses faiblesses. DAZAÏ est comme Judas.
Elle est très sérieuse, réfléchit calmement avant de parler :

“ Le courage de DAZAÏ, c’est de faire des choses que les autres n’osent
pas faire, tout en se demandant tout le temps s’il a raison. Pour moi, il est
vraiment remarquable, car il vit en admettant sa fragilité. C’est pour cela
qu’il nous aide. Quand on le lit, on découvre que l’on n’est pas seul, que
chacun est fragile et sale et malheureux, et qu’il faut savoir vivre avec cela.

Toujours sérieuse :

” Mais il est puni pour cela. Il ne peut pas s’aimer lui-même, donc il ne peut
que mourir. Il a essayé de se suicider cinq fois. ”

Elle reprend, la voix hésitante :

“ Logiquement, je devrais suivre le même chemin. ”

Mais AÏMI veut s’aimer elle-même, même si c’est difficile.


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“ Si on est né sur cette terre, notre devoir est de vivre. ”

Sur un écran d’ordinateur des photos de chats, des images naïves. Puis des
photos de poignets sanguinolents, de sang dans un lavabo… pour finir sur la
photo d’un visage de femme en très gros plan : les yeux hagards, la bouche
entrouverte.
La même femme est assise chez elle devant un ordinateur dans l'angle d'une
pièce en désordre. Ses traits sont épais, ses cheveux trop longs lui tombent dans
les yeux ; sa voix est rocailleuse, presque masculine :

“ Je suis border line. En ce moment ça va mieux, mais je me bourre de


médicaments. Je survis par à-coup. ”

Elle explique qu'elle cherche du boulot, dans les relations humaines, mais
personne ne veut d’elle ; alors elle passe ses journées enfermée chez elle à
surfer sur le net.
Titre sur fond noir : Yumiko ANDO.

Penchée sur sa table, elle continue à mettre à jour son blog, ajoutant quelques
lignes à son journal :

Ces derniers temps, je grossis, j’ai du subir une opération.


A l’hôpital, j’ai lu L’étranger de Camus. Je vous le
conseille, c’était vertigineux. Le néant !

Elle est à la fois habile dans sa rapidité, et brusque, les gestes lourds. Elle se
lève subitement et disparaît dans le couloir.
Dans la pièce à côté, agenouillée, elle cherche un sac plastique qu'elle trouve
sous une pile d'autres sacs et sort une quantité de livres de DAZAÏ.

“ C’est La déchéance d’un homme que je préfère. C’est une véritable


descente aux enfers. ”

Après un temps, les yeux dans le vide :

“ … c’est comme un murmure délicieux à mon oreille, comme une voix


douce qui m’accompagne. ”

Elle lève les yeux vers nous et reste là en silence, le regard perdu. Le temps est
suspendu. Voix off :

“ Je pensais mourir. Le jour de l’an, je reçus un rouleau de tissu à kimono.


C’était pour mes étrennes. L’étoffe de lin, au tissage très fin, était à petits
carreaux gris souris. Sans doute un kimono à porter l’été… ”

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YUMIKO se lève et disparaît subitement. On reste sur la pièce vide.

“ … Je décidai de vivre jusqu’à l’été. ”


Photo de DAZAÏ debout, en kimono élégant. Off, YUMIKO reprend :

“ C’est moi qui fabrique mes vêtements. ”

YUMIKO est de nouveau assise devant son ordinateur. Les pages défilent,
découvrant des photographies de tee-shirt et blouses maladroitement
confectionnés.

“ Il y a aussi beaucoup d’humour dans les textes de DAZAÏ, surtout dans


ses nouvelles. J’aime beaucoup son autodérision. Par exemple le moment
où il va admirer le mont Fuji. Ce jour-là, il y a du brouillard. Alors
l’aubergiste se plante devant lui avec une grande photo très nette de la
montagne en plein soleil ! ”

Au-dessus de l'ordinateur trône le diplôme d'une institution privée : un certificat


de psychanalyste au nom de YUMIKO !

Un certificat de psychiatre est encadré sur un mur. Dans un cabinet médical, une
jeune femme élégante, vêtue d’une blouse blanche sur un pull pastel, est assise
derrière un bureau parfaitement ordonné.

“ … DAZAÏ, dans Pays Natal, égrène la liste de tous ces écrivains qui se
sont suicidés avant lui. Le ton qu’il adopte est sérieux. En réponse on lui
assène un « on souffre ? » particulièrement dérisoire ! ”

Titre sur fond noir : Fumio KOKAÏ.

Sérieuse et aimable, FUMIO triture un crayon avec un sourire “ positif ” :

“ Ces écrivains ont tous connu cette difficulté à vivre, cette impossibilité à
comprendre le monde. Entre nihilisme et romantisme, ils décident d’en
finir. ”

Sur ses mots, un extrait du film de Yukio MISHIMA, “ Yukoku ” (“ Rites d’amour
et de mort ”) : MISHIMA mime lentement les gestes du “ seppuku ”, ce suicide
rituel au sabre qu’il accomplira quelques temps plus tard.

Elle poursuit, un sourire énigmatique aux lèvres :

“ Le grand écrivain AKUTAGAWA, le modèle de DAZAÏ, avant d’avaler des


médicaments, trace deux idéogrammes qui demeurent encore aujourd’hui
une énigme : “ une vague inquiétude ”. Quel panache !... ”

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Pendant qu’elle parle, on aperçoit en contrebas par la fenêtre, des patients qui
déambulent dans le jardin accompagnés par des gardes-malades en uniformes
impeccables. Elle explique off que les suicides ont une fonction sociale de
catharsis : contrairement à ce qu’on croit, il n’y a pas plus de suicides au Japon
qu’ailleurs dans le monde. Cette mort volontaire concerne souvent des artistes
célèbres.

“ Pourquoi se suicider si on le fait, et de quelle manière !, à votre place?”

Pendant qu’elle parle, la caméra la quitte pour s’attarder sur quelques détails : le
bureau de verre, les papiers bien rangés, la photo des deux enfants dans un
cadre.

La façade d’un bâtiment clair à l’aspect léger et inoffensif. Quelques personnes


et infirmiers en blouse blanche entrent et sortent. Sur une plaque on peut lire :
Hôpital psychiatrique. La voix d'abord off de MISAKI (la jeune femme gothique) :

“ J'ai été internée six mois dans cet hôpital. Des draps blancs. Des murs
blancs. Des cris. ”

MISAKI, dans la rue, fait face au bâtiment :

“ J’avais 20 ans. Je n’étais pas folle. J’ai toujours envié les gens qui sont
réellement fous, au moins ils sont arrivés quelque part. ”

Elle raconte qu’elle avait trouvé un petit boulot, mais il y a eu un gros problème,
une rivalité. Elle était seule, personne dans sa vie. Elle a craqué. Elle s’est
tailladée les veines.

MISAKI s’avance vers l’entrée et s’arrête à la limite. Elle fait face au poste de
garde où un vigile se tient immobile dans sa cahute. Il regarde droit devant lui et
ne rend pas son regard à MISAKI.
Elle explique qu'ils ne voulaient plus la laisser sortir. Alors elle s’est évadée. Elle
a écrit aux autorités pour dénoncer ce qui s’y passait : plutôt que de les soigner,
ils devenaient des animaux. Personne ne lui a jamais répondu. Elle a alors écrit
à des fanzines qui l’ont publiée.
Voix off :

“ Sans objection, sans résistance, j’étais entré dans l’auto ; on m’avait


emmené ici et j’avais été classé comme fou… ”

Devant l'hôpital, MISAKI monte sur son vélo.

“ … Je pouvais maintenant sortir de l’hôpital :… ”

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Pendant qu'on la suit qui s'éloigne dans les rues à vélo, la voix poursuit :

“ … j’aurais toujours au front l’étiquette de fou, pis, d’incurable.


Déchéance d’un homme.
Désormais je ne comptais plus dans l’humanité. ”

Le bruit d’un avion de chasse déchire le calme de la banlieue. MISAKI traverse


un vaste espace un peu désert, l’herbe jaunie par le soleil, longé d’un immense
chantier de construction. Elle s’arrête en bas d’un petit immeuble de deux étages
juste à côté de la voie ferrée. Elle accroche son vélo près de l’escalier de métal
rouillé :

“ Maintenant, j’ai un chez moi ! ”

Panoramique depuis le 40è étage d’une tour sur une vaste banlieue jusqu’à la
baie vitrée d’un appartement moderne. On aperçoit derrière la vitre une jeune
femme assise à un bureau, visiblement occupée.
Voix off féminine :

“ En général, je travaille pour des magazines pour « salary men ». ”

A l’intérieur, la femme est en train de dessiner. Une lampe éclaire sa table.


Derrière elle, quelques meubles de rangement remplis de livres. Des
reproductions de tableaux célèbres (Picasso, Matisse…) sont accrochés sur le
devant du bureau. Off :

“ … . Je viens de terminer une histoire qui se passe dans un hôpital, avec


des infirmières. “

Titre sur fond noir : Hiromi HIRANO

Elle prend sur l’étagère à côté d’elle une revue de petit format. Tandis qu’elle
feuillette, on découvre un dessin de lignes claires, des infirmières de type
occidental vêtues de blouses. Plus loin une scène érotique.

HIROMI à son bureau explique :

“ J'avais envie de faire une biographie en "manga", de dessiner


profondément sur quelqu’un. J’ai tout de suite pensé à DAZAÏ, mon
écrivain préféré. Son histoire m’était familière. Enfin, c’est ce que je croyais
à l’époque…”

On découvre la planche de manga sur laquelle elle travaille. Dans la vignette,


elle est en train de dessiner un DAZAÏ visiblement tourmenté. Off :
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« DAZAÏ a rarement connu la paix. Je crois qu’il a été heureux quelques
temps, avec sa seconde femme, Michiko. Ils vivaient à Mitaka, là où je suis
née. »

HIROMI dessine maintenant un DAZAÏ regardant une femme tenant un bébé


dans les bras. Devant elle, un livre ouvert présente la photo qui lui sert de motif :
DAZAÏ regarde Michiko et leur bébé. A côté, une photo des deux jeunes gens
accroupis dans l’herbe. Sur ces images:

“ Le soir après dîner, nous allions au cinéma ; au retour nous entrions dans
une maison de thé ou bien nous achetions une plante fleurie. J’avais plaisir
à regarder les mouvements de cette jeune épousée. Est-ce que, par
hasard, je ne pourrais pas devenir peu à peu un homme comme les autres
?”

La voix se termine sur une photo de DAZAÏ seul, souriant.

MISAKI, son piercing à l’oreille, assiste au mariage d’une amie. Le décor est de
stuc aux couleurs guimauve. MISAKI est élégante dans une robe bleue. Elle
nous dit que le rêve de bonheur ordinaire de DAZAÏ avec MICHIKO n’a pas
vraiment fonctionné, qu’il a rapidement pris des maîtresses, et enfin TOMIE celle
avec qui il va réussir à se suicider.
Tout autour de MISAKI, la fête bat son plein, les gens dansent et rient.

MISAKI s’est rapprochée de la balustrade au dessus de la mer. Des cris aigus de


jeunes femmes retentissent. Elle raconte que deux fois DAZAÏ tente de se
suicider seul ; mais à trois reprises, il va entraîner une femme dans son désir de
mourir.

“ Beaucoup de femmes aiment DAZAÏ. C’est bizarre parce qu’il les


entraîne dans ses suicides. Mais c’est tellement romantique et
passionné ! ”

Elle revient vers la salle de réception où c’est le moment des discours des jeunes
mariés. Chacun se lève à son tour pour prendre la parole au micro.
MISAKI sourit. Pour elle, TOMIE est à la fois la femme traditionnelle et la femme
moderne, la femme aimante et la femme fatale. Plein cadre, la photo en noir et
blanc d’une jeune femme étonnamment actuelle, simplement élégante, portant
des lunettes rondes cerclées de métal, une robe serrée à la taille. MISAKI
réapparaît en fondu enchaîné (la ressemblance entre elle et TOMIE est patente).

“ J’aurais voulu être TOMIE. Il est malade, elle le soigne. Il est célèbre
mais toujours aussi torturé. Il n’y a qu’elle qui sait l'écouter et le
comprendre. Elle va avec lui jusqu’au bout. C'est l'amour absolu ! ”
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MISAKI s’amuse et danse maintenant au milieu des convives.

“ La lutte commence.
Je ne pourrais rester indéfiniment plongée dans mon chagrin. Il est une
chose pour laquelle j’ai absolument besoin de lutter. Une nouvelle éthique.
Non. Le seul usage de ce mot est hypocrisie. L’amour. Cela et rien
d’autre. ”

Tokyo, une passerelle enjambe la rivière. C’est un tunnel uniquement composé


de deux immenses trottoirs roulants. Le silence n’est troublé qu’à chaque
extrémité par des haut-parleurs qui demandent aux gens de faire attention en
quittant le tapis, en japonais et en anglais : “ please, watch your step ”. C’est la
fin de la journée, les visages sont tendus, fatigués. Dans un sens, les employés
de bureau se pressent les uns contre les autres, sans un mot, sans un geste.
Dans l’autre sens, le tapis est désert à l’exception de KANAME (l’homme au
borsalino) :

“ Tous les soirs, j’étais comme eux à me demander ce que je faisais de ma


vie. La cohue dans le métro, sur cette passerelle, au bureau pour un travail
de gestionnaire dans la pub : mortel. Sortir comme un zombie quand il ne
fallait pas supporter le chef de bureau jusque dans un bar à aligner le
saké, l’entendre chanter faux des chansons sirupeuses de sa jeunesse
devant les images mièvres d’un karaoké, rentrer ivre à 4 heures du mat,
pas fier de soi et se lever deux heures plus tard pour recommencer. ”

KANAME est sorti du trottoir roulant. Debout, son imper et son chapeau sur la
tête, il regarde le haut de l’immeuble. Off, il raconte que son bureau était au
trente septième étage. Il y passait les trois quarts de sa vie. Les 35 heures
légales, il ne les a jamais vues. Comment avoir une vie dans ces conditions ?

KANAME poursuit, alors que le flot de travailleurs continue à se déverser


derrière lui :

“ J’ai tout quitté il y a deux ans à 36 ans. C’est à ce moment là que j’ai
redécouvert l’oeuvre de DAZAÏ. Quand j’ai relu Mes dernières années, j’ai
senti que pour la première fois cette littérature avait traversé mon corps,
chose qui ne s’était pas produite quand j’étais plus jeune. ”

KANAME se place devant les employés, hommes en costumes et femmes


tailleurs. Il se prend en photo devant eux avec son téléphone portable.

Le vaste hall d’immeuble aux vitres fumées, un comptoir d’accueil avec deux
hôtesses, un flot d’employés sort des ascenseurs. Un vigile se tient debout à la
porte dans un uniforme quasi militaire. Le regard haut, le menton autoritaire, les
yeux cachés par une visière descendue trop bas, il répète
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inlassablement, réellement tel un automate : “ Au revoir et à demain ”, qui
résonne dans le hall.

KANAME s’éloigne de l’immeuble. Près des berges aménagées en promenade,


une femme jardinier en tenue de paysanne entretient un jardin luxuriant. La
végétation a quelque chose d’incongru dans cet univers minéral. Voix off :

" Sincérité ? Vérité ? Pureté ? Tout cela mensonges.


Le courageux témoignage du Dr Faust : un sourire de jeune fille a plus de
prix que l'histoire, la philosophie, l'éducation, la religion, la loi, la politique,
l'économie et toutes les autres branches du savoir. "

Des tours de bureaux émergent derrière les arbres. Un vaste parc boisé en plein
centre de Tokyo. Le Japon éternel : des fleurs aux teintes délicates ornent un
vaste étang recouvert de lotus.
La caméra s’enfonce sous les arbres pour découvrir des abris en toile plastique
bleue. Il s’agit de clochards qui se sont regroupés dans ce parc. Un homme pas
rasé, les cheveux longs, est en train de faire cuire quelque chose sur un brasero
de fortune. Un autre homme se joint à lui en silence. L’un des abris est entouré
de panneaux verticaux couverts de textes en japonais qu’on imagine très
vindicatifs. Les gestes sont ralentis, le temps est aboli.

Voix off d’homme :

« Ce n’est pas possible. »

Un homme feuillette rapidement les planches de dessins déposées devant lui et


poursuit :

« C’est trop compliqué pour un manga… Ce qu’il nous faut c’est un DAZAÏ
farceur, débonnaire, ridicule si vous voulez... pas cette sensiblerie. DAZAÏ
était un séducteur, pourquoi ne pas aller dans cette direction ? »

Une pièce saturée d’armoires et débordant de dossiers. HIROMI est assise sur le
bord d’un des deux fauteuils face au bureau, penchée vers la table. Elle écoute,
le visage légèrement bougon. L’homme explique qu’il ne s’agit pas de faire une
biographie mais de faire plaisir au lecteur. Il faut adopter un point de vue.

« Par exemple, il y a un mystère sur sa mort. Même si l’on connaît les


circonstances de sa disparition, la cause exacte de son suicide n’a jamais
été révélée… »

18
HIROMI réagit à cette idée et explique qu’elle essaie de la révéler à sa façon…
La conversation est âpre, on sent que HIROMI doit se soumettre à la vision de
l’éditeur. Elle l’écoute sérieusement en essayant d’aller dans son sens.

En sortant du bureau, elle se baisse pour saluer l’éditeur d’un cérémonieux


« merci ». Elle s’éloigne dans les couloirs, soucieuse et un peu décomposée.
Dans l’ascenseur, elle explique:

“ C’est devenu vraiment compliqué pour moi... D’un côté, je tiens à faire ce
manga sur DAZAÏ. Et puis d’un autre côté, je suis obligée de tenir compte
de ce que me demande mon éditeur… ”

Elle penche la tête de côté :

“ …c’est un compromis… Tout le monde connaît cette histoire de fleur


d’onagre comme symbole de l’opposition de DAZAÏ à toute l’institution
littéraire de son époque. ”

Flashes successifs : L’image archétypale du mont Fuji sur fond de ciel bleu dans
une lumière printanière. Il s’agit d’une carte postale qui sert de modèle à
HIROMI. Sa main est en train de dessiner une petite fleur sur une longue et fine
tige apparaît progressivement au premier plan, derrière elle se dresse le mont
Fuji. Puis la planche de manga dans son entier en train de se colorer en
accéléré. Off :

“ En choisissant la fragile fleur d’onagre plutôt que le puissant mont Fuji, il


choisit les faibles contre les puissants… DAZAÏ choisit toujours le camp
des victimes. Pendant toute la fin de Soleil couchant , il n’arrête pas de
répéter ce mot : “ victime ”, “ victime ”, “ victime ”…“

Sa voix se poursuit tandis qu’elle sort de l’immeuble :

“ … Cette fleur d’onagre, frêle et intrépide… c’est un peu moi face à mon
éditeur… ”

Elle s’éloigne sur le trottoir, son dossier sous le bras tandis que sa voix adopte
un ton plus affirmé bien que plaintif :

“ DAZAÏ est un personnage beaucoup plus complexe que ce qu’on me


demande. “

Images d’archives muettes en noir et blanc : des policiers pénètrent dans un


local anonyme. Ils saisissent des tracts en quantité et procèdent à l’arrestation
brutale des quelques hommes présents. Sous-titre : “ Années 30 : La police
arrête des communistes clandestins. ”

19
Un petit bar sombre en sous-sol. La décoration date des années 30. Au mur,
plusieurs photographies encadrées. L’une d’elle est la célèbre photographie de
DAZAÏ sur un tabouret de bar. Nous sommes au « Lupin ».
Derrière le comptoir, deux serveurs, un homme et une femme d’une soixantaine
d’années, portent gilet de costume et nœud papillon sur leurs chemises
blanches. Quelques personnes sont accoudées au comptoir devant un verre.
D’autres sont installées dans quelques boxes mi-clos avec banquettes. KANAME
est en grande conversation avec des amis, notamment le jeune M. AGATA,
passionné lui aussi de DAZAÏ.
Ils parlent avec animation de l’écrivain et de son passage au Parti Communiste,
de son goût pour la clandestinité, de son individualisme et de son amour des
gens simples.

Dans une ruelle, l’enseigne « Le Lupin » surplombe une petite porte. KANAME et
ses amis en sortent éméchés. Ils se séparent bruyamment devant la porte.
KANAME s’éloigne dans la ruelle et rejoint une large avenue. C’est le quartier de
Ginza, avec ses boutiques de luxes et ses vitrines chic éclairées toute la nuit. Le
son d’un haut-parleur se fait pressant, une voiture de police traverse le carrefour
à tout allure, exigeant le passage à tue tête. Il n’y a pourtant aucune circulation.
Plus loin, KANAME croise une jeune fille à vélo qui s’arrête devant une épicerie
de quartier. A l’intérieur, deux jeunes gens en uniforme de vendeur tiennent la
boutique. KANAME s’éponge le front. Il s’éloigne d’un pas volontaire et parfois
titubant.

Les néons éclairent un magasin de CD/DVD. Une employée fait le tour des
rayons répétant de façon mécanique, presque chantée, la fermeture imminente.
Derrière le comptoir, MISAKI (la jeune gothique) est fatiguée. Sur ses vêtements
noirs, l’uniforme de la chaîne de magasins : une blouse blanche sans manche.
L’horloge indique deux heures. Elle regarde sortir les derniers clients pendant
que sa collègue plus âgée ferme les portes.
Dans le vestiaire, les deux femmes échangent quelques mots tandis qu’elles
ôtent leur blouse et se préparent à partir. Elles sont marquées par la fatigue. Off,
MISAKI raconte que cela fait déjà un moment qu’elle survit avec ce travail à
horaires variables. Sans aucune qualification, elle n’a pas le choix. Mais c’est
seulement un « petit boulot », sans aucune couverture sociale : ni assurance
maladie, ni chômage.

“ Tant que je n’aurais pas un travail stable, je serais une marginale. ”

Elle est comme beaucoup de japonais depuis la fin de la bulle économique. Elle
espère sortir de cette impasse. Elle apprend l’anglais toute seule pour trouver
d’autres possibilités… Pour MISAKI, c’est toujours un combat.

Dans la rue, MISAKI achète un plateau repas au kiosque du coin, et le cale dans
le panier de son vélo. Voix off :

20
“ Je trouve étrange, extraordinaire, que pas une seule fois elle n’ait dit :
« Je me sens seule sur terre ». Ces mots auraient certainement éveillé en
moi de la compassion, mieux qu’un déluge de lamentations sur la destinée
des femmes…”

Elle s’éloigne et disparaît au coin de la rue.

“ … Cependant, bien que ces mots de solitude ne soient jamais sortis de


ses lèvres, tout son corps était enveloppé des effluves d’un isolement
affreux. ”

Une table recouverte d’une nappe sur laquelle sont exposés de nombreux livres
de DAZAÏ. Nous sommes dans un vaste hall, tapisseries et moquette rouge. Par
une porte à doubles battants, nous pénétrons dans une immense salle de
réception. Une foule de gens est réunie, un verre à la main. Presque uniquement
des hommes, vêtus de costumes noirs. Un travelling parcourt l’enfilade des
tables où trônent croques en bouche, petits fours colorés et autres victuailles,
tandis que, off, une femme discourt :

“ La Ville de Mitaka et les Editions Chikuma Shobo ont le plaisir et


l’honneur de remettre cette année le Prix Osamu DAZAÏ à la jeune
romancière… ”

Une jeune femme se tient debout sur l'estrade surmontée d’un grand portrait de
DAZAÏ. Elle s’incline devant Sonoko TSUSHIMA (la fille aînée de l’écrivain), en
tailleur gris, qui lui remet une gerbe de fleurs.
Les gens applaudissent avant de se diriger vers le buffet. D’accortes serveuses
en uniforme circulent des plateaux à la main. De l’autre côté de la baie vitrée, on
aperçoit en contre bas la verdure du parc tout autour du palais impérial. Voix off :

“ Il m’est impossible à présent de retourner dans ces salons que j’ai


quittés. L’intolérable politesse des salons de la classe huppée
m’écœure… ”

“ …D’autre part, en ce qui concerne les gens du peuple, je suis pour eux
un homme affecté qui les considère comme inférieurs. Jamais ils ne
cesseront de s’incliner devant moi, jamais ils ne seront vraiment à leur aise
avec moi. ”

La voix se poursuit sur un paysage de bout du monde : une avancée dans la


mer, âpre, découpée. Un village de pêcheurs, coincé au pied des montagnes,
écrasé de soleil. Les maisons sont pauvres et délabrées le long de l’unique rue.
Le dessin d’un phénix au-dessus de la porte d’un ancien café aujourd’hui

21
fermé. Quelques hommes aux visages burinés par le soleil sont accroupis sur le
port. Un fichu sur la tête, les manches de chemise retroussées, ils remaillent un
immense filet rouge.

Sur la place du village, des boutiques récentes, seuls témoignages de modernité,


vendent des souvenirs à l’effigie de DAZAÏ : tee-shirt, cartes postales, etc. Sur
l’étiquette d’une bouteille de saké, la silhouette de l’écrivain en kimono léger, une
main sur la hanche. La voix off d’un homme raconte que la ville a décidé de créer
un musée pour le cinquantième anniversaire de la mort de l’écrivain.
Dans un jardin qui domine la place, un curieux chalet de bois. Le maire, un petit
homme endimanché, au visage marqué par les embruns, explique qu’il s’agit
d’un musée dédié à TAKE, la bonne qui a élevé DAZAÏ. Elle a vécu dans ce
village toute sa vie après avoir quitté le service de la riche famille TSUSHIMA.

“ Ce musée nous amène quelques milliers de touristes tous les ans… ”

La caméra s’éloigne vers une statue de bronze : un DAZAÏ pensif est


nonchalamment assis près d’une vieille femme agenouillée. Voix off :

« Je suis le fils de Take. L’enfant d’une servante ? Eh bien, oui. Et alors ? Je puis
le dire bien haut. Je suis le fils de Take. »

L’intérieur d’une habitation modeste : l'entrée / cuisine ouvre sur une unique
pièce. Une seule fenêtre qui donne sur un mur. Des étagères remplies de livres,
de disques et de magazines. KANAME est agenouillé, en jean et chemise, les
cheveux en bataille, comme mal réveillé. Sur la table basse devant lui des
feuilles de papier griffonnées et un crayon.
Il explique qu’il est un“ freeter ” (1); comme d’autres, il veut être indépendant. Il a
épuisé ses six mois de chômage. Il est conscient des risques qu’il prend, mais
même s’il accumule les dettes, au moins il se bat pour autre chose.

“ Depuis une quinzaine d’années, on voit des gens se suicider parce qu’ils
n’ont plus de boulot, en ce qui me concerne c’est plutôt une renaissance ! ”

Il va chercher dans ses étagères et en sort une épaisse revue “ The Sun,
monthly deluxe ”. La couverture qui montre DAZAÏ avec sa cape noire est un
détail de la photo sur la passerelle de Mitaka (où KANAME imitait l’écrivain).
KANAME parle de DAZAÏ qui a vécu dans la misère pour avoir le temps de se
consacrer à l’écriture. Il parle de la honte de l’homme mais aussi de son espoir
de devenir un jour un grand écrivain. Et quand il l’est devenu, qu’est-ce que ça a
changé ? Il s’est suicidé à peine deux ans après…

(1) « Freeters ” : “ Free-arbeiters ”, ces diplômés qui refusent d’entamer une carrière,
préférant des petits boulot qui leur laissent du temps libre.

22
KANAME, lui aussi, veut affirmer ses choix. Il commence tout juste à écrire, des
critiques littéraires. Il sort d’autres magazines et montre les articles qu’il a
rédigés. Mais il n’est pas encore payé pour cela. Pour survivre, il est obligé de
donner des cours supplémentaires dans une école de bachotage.

Voix off de FUMIO (la psychiatre) :

“ DAZAÏ est un auteur pour adolescents… ”

On retrouve FUMIO dans son bureau :

“ … On le lit quand on se sent seul, incompris, avec toutes ces questions


sur la vie qui vous tournent dans la tête. Quand on rechigne à devenir
adulte… ”

Tout en parlant, FUMIO ouvre un dossier dans lequel sont soigneusement


empilées des coupures de journaux.

“ … C’est pour cela qu’il séduit la jeunesse révoltée de toutes les époques.
Il est devenu un modèle pour ces jeunes. A tel point qu’on a parlé de
DAZAÏ quand on a retrouvé quatre ados suicidés dans une voiture au petit
jour…”

Elle montre un article (sous-titre du titre de l’article: « Macabre rendez-vous dans


une voiture. »). Elle lâche, ironique :

“ Peut-être une forme moderne du « shinju » ou suicide à deux ? ”

FUMIO enlève sa blouse, sort de son bureau et ferme la porte à clé. On suit
dans les couloirs de l’hôpital cette femme élégante que les infirmières saluent
respectueusement. Pendant ce temps, elle explique off que la littérature de
DAZAÏ est facile à lire. Chaque lecteur y trouve ce qu’il a envie d’y trouver au
moment où il le lit. Il y a quelques années, lors d’un colloque universitaire
consacré à DAZAÏ, un écrivain s’est écrié que même les collégiens incultes
pouvaient le lire.

FUMIO monte dans sa voiture et démarre. Les rues de Tokyo défilent dans le
rétroviseur tandis qu’elle poursuit :

“ Son style est très fluide. Proche d’une écriture parlée ! En fait, cet
écrivain critique était surtout envieux d’une littérature qui touche les gens
les plus simples. ”

23
YUMIKO (la jeune femme au blog Internet) est assise sur le sol, les jambes
repliées sous elle, le regard rivé sur un téléviseur dont on ne voit pas l’écran. Le
visage de YUMIKO est immobile, seuls ses yeux semblent vivants.
Sur l’écran du téléviseur, un téléfilm : Un jeune homme et une jeune femme en
kimonos s’asseyent sur un rocher. En gros plan, une main verse des comprimés
dans une autre. Ils avalent tour à tour en buvant directement à une bouteille. Ils
sont maintenant allongés sur le rocher au pied d’une falaise.

Sous-titre : “ Le comédien Kôji YAKUSHO interprète Osamu DAZAÏ dans


le téléfilm Goodbye. ”

FUMIO est maintenant installée dans un salon moderne à l’européenne, aux


meubles clairs. Elle regarde le même téléfilm sur un grand écran 16/9. Elle prend
la télécommande et éteint le téléviseur.
Sur la table basse du salon, un enfant s’applique à écrire des idéogrammes. Elle
s’approche de lui et l’aide patiemment à faire ses devoirs.

Puis, elle s’assied dans le canapé, jambes croisées. A la fois affirmée et mal à
l’aise :

“ J’ai lu tout DAZAÏ alors que j’étais adolescente. Je voulais l’absorber tout
entier. ”

Elle explique qu’il était présent dans le manuel scolaire. Son professeur lui a
demandé de faire un exposé. Elle a travaillé sur Les cent vues du mont
Fuji. Mais après avoir tout préparé, elle a demandé à ne pas le présenter. Elle
voulait le garder pour elle, c’était trop personnel.
Tandis qu’elle parle, elle se penche en avant, les mains jointes sur un genou.
Elle rit d’elle-même :

“ Maintenant, j'ai presque honte de le dire ! J'étais un peu comme les


jeunes filles d’aujourd’hui, amoureuse de DAZAÏ. ”

Après un instant, elle raconte avec une certaine sécheresse qu’elle considère
maintenant DAZAÏ comme un irresponsable, un être faible qui affiche avec
complaisance ses faiblesses pour mieux s’en délecter. Elle reprend à son
compte la célèbre phrase du prix Nobel de littérature Yasunari
KAWABATA : “Votre vie de scandale nuit à votre génie !”.
Pour toutes ces raisons, il est honteux de dire qu’on aime DAZAÏ. Les jeunes ne
l’affirment que par provocation. Adulte, on doit prendre ses responsabilités. On
ne peut que s’en éloigner.

Elle s’adoucit avec un sourire :

“ Néanmoins, je dois reconnaître que c’est grâce à lui que j’ai décidé de
devenir psychiatre. Je voulais comprendre la nature humaine. ”
24
Par la baie vitrée, on découvre la ville à l’extérieur, en contrebas de l’immeuble
moderne. Voix off :

“ Je suis devenu un bouffon. C’était mon ultime demande d’affection que


j’adressais aux hommes. Tout en les craignant au plus haut point, je crois
que je n’étais pas résigné à tout supporter d’eux. Et puis par mes
bouffonneries, un fil me rattachait encore un peu à mes semblables.
Extérieurement, le sourire ne me quittait jamais ; intérieurement, en
revanche, c’était le désespoir. ”

L’écran se remplit de multiples photos de DAZAÏ adolescent où l’on sent la pose :


vêtu d’un kimono, il est charmeur, nonchalamment assis ; il grimace maintenant
un sourire arrogant ; DAZAÏ est seul ou avec des amis, chez lui ou au lycée, en
kimono ou en uniforme de lycéen… Pour finir sur un autoportrait dans le style de
“ Le cri ” de Edward Munch.

Un paysage suburbain de HLM et d’usines défile dans la lumière d’un après-midi


d’été. Dans un train, HIROMI est assise, en train de lire un livre posé sur les
genoux. Une voix aigue annonce :

“ Mitaka desu. Miataka desu. ” (Le train entre en gare de Mitaka)

Une banlieue pavillonnaire résidentielle avec antiquaires, restaurant italien…


HIROMI marche pensive le long d’un canal arboré, le livre à la main. Peu de
voitures. C’est l’été, la végétation est foisonnante.
Pendant qu’elle avance, on entend off sa voix qui raconte :

“ Chaque fois qu’une question me vient, je relis son œuvre, et encore lors
d’une autre question... Je vais ainsi un peu plus loin à chaque fois dans la
complexité de son personnage… En faisant ces recherches, le profil
complet de DAZAÏ se dessine peu à peu en moi. Des images s’imposent…
DAZAÏ n’était pas seulement un génie, mais aussi un gros travailleur, avec
des exigences énormes… Cela devient de plus en plus difficile d’en faire le
personnage dérisoire et pathétique que reproduisent indéfiniment les
média… ”

HIROMI est maintenant arrêtée sur un petit pont qui surplombe le canal. Elle
regarde au-dessous d’elle l’eau qui s’écoule silencieusement. Elle explique
qu’elle a passé son enfance à Mitaka. Tous les 19 juin, les chaînes télévisées
venaient filmer le canal, lieu du suicide de DAZAÏ. Parfois ils demandaient à
filmer du toit de chez elle. Elle avait l’impression que DAZAÏ était toujours proche
d’elle.

25
HIROMI est assise dans l’herbe au bord du canal en train de lire. Elle redresse la
tête et explique que ce livre a été écrit par un ami de DAZAÏ, un livre sur lui. Elle
voudrait nous faire partager cette réflexion qu’elle trouve à la fois profonde et
complexe:

“ En pensant à la mort de Osamu DAZAÏ, je suis persuadé que son suicide


était nécessaire à l’accomplissement abstrait de la littérature. ”

Elle reste un moment songeuse puis relève la tête :

“ L’accomplissement de la littérature… ”

Elle referme le livre:

“ DAZAÏ est un artiste… J’ai beaucoup lu ses essais et sa correspondance.


Cela m’a beaucoup aidée dans mon travail, pour écrire des scénarii…”

Elle parle lentement et réfléchit, laissant ses phrases en suspens :

“ Je sens à quel point Osamu DAZAÏ aimait la littérature, il l’aimait jusqu’à


se tordre de douleur…”

Elle détourne la tête, pudique, avant de nous regarder droit dans les yeux :

“ Je pense que moi-même je devrais aimer le manga à ce point-là… ”

La nuit commence à tomber. Un petit immeuble modeste à un étage dans une


ruelle pavillonnaire. On aperçoit au fond de la rue une fine cheminée d’où sort de
la fumée. Voix off :

“ La destruction est tragique et pitoyable et magnifique. Le rêve de


détruire, de reconstruire, de perfectionner. Peut-être même, une fois qu’on
a détruit, le temps de perfectionner peut ne jamais venir… mais par
passion pour l’amour, je dois détruire. Je dois lancer une révolution.”

KANAME sort de l’immeuble et s’éloigne entre les maisons. Il tient à la main une
petite bassine en plastique rose qui contient une serviette éponge et du savon.

L’entrée d’un établissement de bains publics. KANAME disparaît à l’intérieur. On


le retrouve au vestiaire : il est en train de se dévêtir. Il pose un à un ses
vêtements qu’il plie dans un panier en osier, sa chemise, qui dévoile son torse
nu, son pantalon, son caleçon. Par-dessus le tout, il repose son borsalino.

KANAME est assis de dos sur un petit tabouret de bois en train de se laver dans
une pièce tapissée de mosaïque. L’atmosphère est humide, vaporeuse. Autour
de lui d’autres hommes. Il se lève et entre dans le bassin que surplombe une
mosaïque représentant le mont Fuji. KANAME est sérieux.
26
Photo de DAZAÏ debout dans un bain.
DAZAÏ attablé, la mèche en bataille, se servant à boire.
DAZAÏ fatigué, assis près d’un canal, le front ridé. Sur ces images :

“ J’ai le sentiment d’avoir mené jusqu’à ce jour un combat solitaire. Il me


parait de toute façon promis à l’échec, et l’inquiétude qui m’habite m’est
devenue insupportable. ”

AÏMI, l’étudiante, vêtue d’un strict tailleur jupe noir et d’un chemisier blanc
impeccable boutonné jusqu’en haut, salue très bas à plusieurs reprises tout en
reculant vers une large porte vitrée.

On retrouve AÏMI dans un train, assise sur une banquette de velours rouge. Il y a
peu de monde à cette heure tardive. Plusieurs personnes sont assoupies,
certains travaillent, d’autres jouent dans leur coin avec leur téléphone portable,
quelques uns feuillettent des mangas.
AÏMI est assise les jambes jointes sur son siège. Elle explique qu’elle avait un
entretien d’embauche en fin de journée : ses études touchent à leur fin, elle
commence à chercher du travail. Il s’agissait d’une clinique privée qui a besoin
d’une secrétaire médicale. Elle a rencontré le directeur administratif et l’infirmière
en chef, elle était très impressionnée.
AÏMI, très raisonnable, poursuit :

“ Ca s’est bien passé, mais je suis très jeune, et c’est autre chose qu’un
petit boulot. J’espère que je serai à la hauteur. ”

Elle opine plusieurs fois de la tête, et reste silencieuse.


AÏMI est fatiguée. Dehors il fait nuit. Elle cligne des yeux et s’abandonne elle
aussi doucement au sommeil. Sa tête dodeline en suivant les mouvements du
train.

Un bar du quartier chic de Roppongi, architecture moderne, baies vitrées


ouvertes sur la rue. Sur le trottoir, de nombreux jeunes gens discutent debout, un
verre de vin à la main. Beaucoup de gens branchés, la plupart de type européen.
Quelques japonais, surtout des femmes. On découvre parmi eux MISAKI, la
jeune gothique, qui tient sérieusement une conversation en anglais.

MISAKI marche maintenant sur l’avenue. Elle dépasse trois hommes titubants,
l’un soutenant l’autre. Ils portent des costumes sombres et ont défait leur
cravate. Ils sont silencieux, la scène est étrangement calme. Elle croise deux
filles, habillées telles des poupées Barbie aux formes généreuses débordant de
leurs robes en dentelle colorée. La nuit est percée de leurs rires bruyants. Au

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coin de la rue, un policier monte la garde devant le “ Koban ”, traditionnel poste
de police de quartier.

MISAKI bifurque dans une rue sombre, percée de néons aux couleurs vives. Elle
avance entre les salles de jeux, les sex-shops, les “ love hôtels ”.

Sur ces images, voix off :

“ Je dois continuer à vivre. Et, bien que ce soit enfantin de ma part, je ne


peux vivre en ne faisant que me soumettre. Dorénavant, je dois lutter avec
le monde… ”

Elle passe à côté d’une roulotte en plein air où un chinois prépare des plats à
emporter. Il lui fait un petit signe amical tandis qu’il sert des clients. Deux jeunes
femmes en kimono accostent des passants… MISAKI les salue discrètement.

“ … Je songeais que mère était peut-être la dernière de ceux qui peuvent


finir leur vie de manière triste et belle sans lutter avec quiconque, sans
détester ni trahir personne… ”

Une adolescente en uniforme d’écolière fait les cent pas tout en téléphonant, elle
a remonté sa jupe plissée qui lui couvre juste le haut des cuisses. Un ballet
incessant de taxis déverse des hommes seuls, en groupe, que des jeunes
femmes attirent dans les clubs. MISAKI s’éloigne dans la rue.

“ … Le monde à venir n’aura plus de place pour de tels êtres. Les


mourants sont beaux ; mais vivre, survivre – cela me semble en quelque
sorte hideux et sanglant. Je m’enroulai sur le plancher et essayai de me
lover dans la posture, telle que je me la rappelai, d’une vipère enceinte
creusant un trou. ”

La voix s’achève dans un murmure.

Film d’archives de 1948 en noir et blanc : un présentateur de télévision annonce


la mort de Osamu DAZAÏ. Un corbillard chargé de fleurs s’ébranle dans une rue
ancienne. Une famille en deuil. Le canal de Mitaka où l’on a retrouvé les corps.
Sur ces images, voix off :

“ C’est indéniable, tu pleureras quand tu apprendras la nouvelle, mais si tu


veux bien essayer de penser que je serai heureux d’être complètement
libéré de la souffrance de vivre et de cette haïssable vie elle-même, je
crois que ta tristesse se dissoudra d’elle-même. ”

Silence. Une fleur d’onagre dans un pot se balance doucement au gré du vent
dans la lumière envahissante de cette image d’archives vieillie.
28
Oto-ki, commémoration de la mort de DAZAÏ. Un grand cimetière, champ de
pierres verticales clairsemé d’arbres. On aperçoit au loin une foule entre les
tombes. D’autres personnes arrivent et se faufilent dans les sentiers pour
rejoindre le groupe. Des jeunes gens seuls ou à plusieurs, classiques, grunge ou
rock. Un vieillard dans une chaise roulante poussée par une dame âgée. Tous
les genres et les générations se mêlent.

Tout le monde est tourné vers une tombe. Sur deux stèles sont gravés en
japonais les noms de Shûji TSUSHIMA (Osamu DAZAÏ) et de son épouse
Michiko TSUSHIMA. Les gens sont silencieux. Quelques-uns prennent des
photos. Une jeune femme s’approche, un bouquet à la main. Elle prend une
louche de bois, la remplit d’eau dans un baquet et en verse sur les deux stèles.
L’émotion est palpable. Elle s’agenouille et dépose le bouquet, puis baisse la tête
et ferme les yeux un instant dans une attitude de recueillement. Elle s’écarte,
laissant la place à quelqu’un d’autre. Dans la foule, on aperçoit quelques visages
connus : MISAKI, AÏMI, KANAME... Discrètement assise sur une tombe en face,
HIROMI est en train de croquer la scène.

Proche du cimetière, une grande salle ouverte sur l’extérieur accueille


progressivement les gens. Une estrade avec micro. Un moine bouddhiste est là
et semble organiser les choses. Un vieil homme raconte d’une voix basse mais
enjouée un pique nique avec Osamu DAZAÏ, son maître en littérature. Les haut-
parleurs diffusent la voix du vieil homme.

Plus loin, devant la tombe, KANAME ouvre une bouteille de whisky et se prend
en photo tandis qu’il en verse le contenu sur la tombe. Il dépose la bouteille
vide ; au pied de la tombe, des bouquets de fleurs, des cerises, des bouteilles,
de l’encens qui brûle, des cigarettes plus ou moins allumées… KANAME allume
une cigarette qu’il dépose aussitôt à côté des autres objets.

Retour à l’estrade où une foule remplit maintenant la salle jusqu’à l’extérieur. La


voix dans le haut-parleur parle d’un DAZAÏ aimable et sincère. Voix Off de
femme:

“ Vous n’y comprenez rien ! Moi, je comprends DAZAÏ ! Moi, je comprends


!”

Le visage fin et régulier d’une femme aux longs cheveux noirs est immobile sur
fond de ciel. La voix poursuit off :

“ C’est ce que j’ai crié en montant à la tribune. J’avais 14 ans, je m’étais


enivrée sur la tombe de DAZAÏ. Je venais de le découvrir et je comprenais
tout. ”
29
Titre sur fond noir : Miri YU, écrivaine, Prix AKUTAGAWA 1997.

La lumière du jour naissant est douce, rasante. Une vaste crique enserrée entre
deux falaises, plantés sur le sable, plus loin, quelques abris de pêcheurs en tôle
ondulée. Sur ces images, off :

“ Au lever du jour, on trouva le corps de la femme déposé par la mer sur la


plage de Tamoto. Ses cheveux, dégradés sur la nuque, luisaient, noirs ;
son visage était enflé, blanchâtre. ”

Vue du haut de la falaise, MIRI, nue, émerge des eaux. Off, sa voix raconte que
SHIMEKO est morte ici dans sa tentative de suicide avec DAZAÏ en 1930. Lui, a
survécu.

Gros plan sur son visage qui s’est animé :

“ J’ai tenté de me suicider au même endroit. Je voulais mourir avec lui à


mon tour. Mais comme lui, la mer m’a rejetée sur le rivage. ”

MIRI, le regard droit, poursuit :

“ J’ai surmonté ma honte. J’ai su à ce moment-là que je devrais écrire pour


survivre. J’avais 19 ans. … ”

Dans une petite pièce traditionnelle, MIRI est penchée sur une table de travail.
Elle écrit. Sur son bureau, des feuilles manuscrites dans tous les sens. Autour
d’elle, la pièce est vide, dépouillée. On l’observe qui poursuit son travail. La main
reste parfois longtemps en suspend, puis reprend brusquement. Sur ces images,
off :

“ Tout s’est brouillé devant moi. Dieu m’a fait mourir et, quand Il m’eut
transformée en une personne entièrement différente de celle que j’étais, Il
m’a rappelée à la vie. ”

Kôganecho, un quartier cosmopolite et populaire de Yokohama. MIRI marche


dans une ruelle longée d’échoppes, de boutiques et de snacks. Les devantures
sont colorées d’ampoules électriques recouvertes de cellophane rouge ou
violette. Off, MIRI explique que la littérature, c’est toute sa vie, qu’elle met tout
dans ses textes, sans aucun tabou. L’écriture de DAZAÏ aussi était largement
autobiographique.

30
“ Il ne proposait pas de solution, il posait juste des questions. ”

Une fille se tient parfois devant des bars ne pouvant accueillir plus de 4 ou 5
personnes; certaines sont visiblement étrangères. MIRI sourit à un vieil homme
qui la salue en se courbant profondément tandis que sa voix poursuit off : parfois
les gens détestent DAZAÏ à cause de sa vie chaotique.

“ Il s’est opposé à tout, souvent dans le désordre, mais peut-on faire


autrement ? ”

MIRI traverse un souterrain saturé de graffitis et parsemé des maisons de carton


de quelques sans abris. Sur ces images, off :

“ Vivre sa vie. Vivre. Entreprise d’une effroyable immensité devant laquelle


on ne peut que suffoquer d’appréhension. ”

Elle débouche de l’autre côté près de la gare et montre le pachinko où son père
travaillait. Gamine, elle venait souvent traîner par ici. C’est dans ce quartier
qu’elle a situé son roman “Gold Rush ”.

“ Ce livre a été un véritable scandale. J’ai reçu des menaces. On m’a


reproché la crudité des descriptions sexuelles et la cruauté des
personnages. Je me suis simplement inspirée de faits divers de la société
japonaise. En l’occurrence, il s’agissait du meurtre extrêmement sauvage
d’un père par son fils ! ”

Elle raconte comment sa situation s’est retournée quand, après la naissance de


son enfant, son écriture et sa vie ont commencé à changer. Elle a été agressée,
cette fois par des admirateurs. Ils n’acceptaient pas qu’elle choisisse de vivre et
parlaient de “ trahison ”.

“ Je crois que Osamu DAZAÏ a été lui aussi pris au piège de ses lecteurs,
de l’image qu’il avait lui-même créée. ”

Elle explique qu'il venait d’écrire en l’espace d’un an deux chefs d’œuvre, Soleil
couchant et La déchéance d’un homme, il avait atteint la reconnaissance, il était
en pleine possession de ses moyens. D’une certaine façon, il n’avait plus rien à
faire, il avait tout essayé. Quand il s’est suicidé, il était en train d’écrire un livre au
titre prémonitoire : Goodbye !
Son visage s’est altéré, elle affirme :

“ Je vais bientôt avoir 39 ans, l’âge auquel il s’est suicidé, et je crois que je
veux vivre. ”

Voix off sur son visage silencieux :


31
“ La révolution et l’amour sont en fait les biens les meilleurs et les plus
plaisants du monde… ”

Photo de DAZAÏ souriant et charmeur (Détail de la photo sur un tabouret de bar


qui est apparue au tout début du film).
“ … et nous découvrons que c’est précisément parce que ce sont des
biens précieux… ”

Face à la caméra, on découvre le comédien qui lisait Off les textes de DAZAÏ.
Les traits réguliers, les cheveux mi-longs, il émane de lui un charme évident. Il
s’agit du comédien Kôji YAKUSHO. Il poursuit à l’image, en s’adressant à nous :

“ …que les cerveaux vieux et sages ont, par mépris, écrasés sur nous les raisins
acides du mensonge. Voici ce que je veux croire implicitement : l’homme est né
pour l’amour et la révolution. ”

32
Fragile
Note d’intention

A l’origine de ce projet, il y a un long parcours avec la culture japonaise. Le cinéma


depuis toujours, et la littérature que nous lisons depuis plus de dix ans, avec une
attirance particulière pour Osamu DAZAÏ. Par son style extrêmement actuel et la
modernité des interrogations qu’il soulève, il est l’un des écrivains japonais du XXè
siècle les plus universels.
Cet homme « fragile », ambigu, à la fois riche et misérable, faible et indépendant,
sombre et d’un humour caustique, s’attaque aux fondements de la société. Torturé et
joyeux, il a tenté de se suicider cinq fois : en un mot un parfait japonais !

Peu connu en Europe, DAZAÏ est au Japon un écrivain culte avec des rééditions à des
millions d’exemplaires. Au fur et à mesure que nous tentons de l’approcher et que nous
rencontrons ses admirateurs, nous ressentons les failles de la société japonaise
contemporaine, des fêlures qui nous rappellent la nôtre : celles d’une société riche en
radicale transformation, que pointait déjà DAZAÏ au milieu du XXè siècle.
DAZAÏ est pour nous celui qui « murmure à l’oreille » de tous ceux qui se demandent
comment vivre en étant soi-même dans cette société en crise.

Au-delà des clichés sur le Japon et de l’icône qu’est devenu Osamu DAZAÏ, ce film est
un regard sur l’humanité de gens simples. Pour eux, son œuvre est d’une acuité vivante
et consolatrice.

INTENTIONS ARTISTIQUES

La dramaturgie des personnages


Il s’agit de jeunes gens emblématiques du trouble actuel, de cette déstructuration de la
société après la fin du « miracle économique ». Chacun d’eux se débat comme il peut
mais avec exigence : certains frontalement, d’autres en essayant de composer avec les
contraintes sociales ou en rêvant d’une autre vie… Tous puisent dans l’œuvre de
DAZAÏ la force de continuer, allant parfois jusqu’à s’identifier à l’écrivain.

Nous construirons avec eux la dramaturgie du film. Nous les suivrons dans leurs
tensions, leurs fragilités et leurs combats, collerons à leur existence présente,
susciterons leurs confidences, allant avec eux jusqu’à quelques dénouements.
Le spectateur va ainsi pouvoir entrer en empathie, les connaître et se sentir proches
d’eux.

Chacun d’eux est aussi un peu DAZAÏ, ce qui nous permet d’entrer directement dans
l’univers de l’écrivain. Par exemple, faute d’être armée pour la compétition au travail,
l’un de nos jeunes personnages a partagé la “ déchéance ” de DAZAÏ dans son
expérience psychiatrique. Elle se rêve comme la femme possible de l’écrivain, qui serait
morte avec lui. Les mots de DAZAÏ l’accompagnent en retour (dans sa vie comme dans
le film) dans ses interrogations et ses espoirs.

33
DAZAÏ aimait à se mettre en scène dans ses œuvres comme dans sa vie (de
nombreuses photographies en témoignent). Par sa force de dérision, KANAME, le
jeune « freeter » (1), joue à l’imiter jusque dans ses attitudes et ses costumes. Il tente
ainsi de fuir la vie uniforme des « salary men ». Comme l’écrivain, il va contre la morale
sociale et choisit ce qui fait sens pour lui, allant jusqu’à mettre en péril sa survie dans
cette société.

Plus encore que de son vivant, DAZAÏ continue à susciter les passions de la société
japonaise. FUMIO, la psychiatre, est un concentré de conventions. Ancienne
admiratrice (amoureuse romantique ?), aujourd’hui détractrice de DAZAÏ, elle porte un
regard critique, volontairement froid, sur l’auteur comme sur la culture du suicide au
Japon.

La mise en perspective
A travers détails et visions d’ensemble, scènes et gestes, les parcours de nos
personnages dans la ville seront l’occasion de porter un regard aigu sur le Japon
d’aujourd’hui : cet urbanisme échevelé et inventif, ce luxe, ces SDF « propres », ces
petits boulots à l’ancienne et systèmes D, ces hommes qui remplissent la même
fonction que l’automate à quelques mètres d’eux, etc. Ce sont des scènes ordinaires
qui révèlent le contraste entre une société fortement structurée et conservatrice, et nos
personnages qui y cherchent leur place.

DAZAÏ, une présence


Osamu DAZAÏ est le catalyseur du film. Objet d’identification, de fascination, nous le
découvrons ici à travers la vie de ses admirateurs, et aussi ses images et ses mots.
C’est un personnage sensible et romantique dont certaines photographies dévoilent les
fêlures. D’essence autobiographique, ses écrits parlent en même temps des
personnages du film, manifestant cette étrange connivence entre DAZAÏ et ses lecteurs.
Un dialogue va ainsi s’instaurer entre ses mots, sa voix (interprétés par un comédien) et
les jeunes gens d’aujourd’hui. Nous souhaitons qu’il devienne ainsi le personnage
fantomatique du film.

La composition
Le film se compose comme un tissage dynamique entre ces existences, les images de
la société actuelle et le regard de l’écrivain. Les scènes avec les personnages
s’enchaînent et se répondent dans un parcours qui nous fait entrevoir l’écrivain, ses
tourments et ses ambivalences, en même temps qu’il nous fait découvrir le Japon
actuel, certains de ses symptômes ou de ses tensions. Elles nous mèneront jusqu’à un
moment fort de la vie de chacun des personnages.

INTENTIONS TECHNIQUES

Voir vivre nos personnages, en être proches, est notre priorité. Nous les
accompagnerons et découvrirons leur environnement, chez eux, à leur travail, dans les
lieux qu’ils fréquentent et qu’ils partagent parfois avec DAZAÏ, etc.

(1) « Freeters » : « Free-arbeiters », ces diplômés qui refusent d’entamer une


carrière, préférant des petits boulots qui leur laissent du temps libre.

34
Parallèlement à cette proximité, nous souhaitons nous effacer devant la magie de la
relation qui s’établit entre l’écrivain et ses lecteurs, entre leurs vies, leurs interrogations,
et son regard, ses mots. C’est pourquoi nous souhaitons pour ce film une écriture à
deux caméras.
Plutôt que de renforcer la relation documentaire qui s’établit entre le personnage devant
la caméra, et le réalisateur, qui se tient derrière, le dispositif à deux caméras nous
permet de la relativiser. Nous laisserons ainsi la place à ce personnage fantomatique
qu’est Osamu DAZAÏ, cet ami, ce confident. La deuxième caméra permettra d’établir
une autre distance, parfois en symbiose avec ce qui est filmé, parfois au contraire plus
froide ou éloignée.

La palette des focales nous permettra de composer notre vision du Japon avec des
cadres larges (des lignes de force, des environnements) et des cadres plus serrés sur
des gestes, des détails et lorsque nos personnages se confient.
L’éloge de l’ombre de l’écrivain Junichirô TANIZAKI sera une inspiration utile en ce qui
concerne la lumière. Le jeu sur la pénombre est une des subtilités de l’architecture
japonaise. Autant les extérieurs pourront être lumineux, autant nous travaillerons sur la
pénombre en intérieur.

La présence de DAZAÏ s’affirmera au son : des fragments de ses oeuvres seront dits
(généralement off). En effet, le style même de son écriture est souvent très proche d’un
langage parlé. C’est une des raisons de sa popularité.
De la même façon que sa lecture est souvent perçue et décrite comme “ un murmure à
l’oreille ”, le travail sur la voix du comédien s’orientera vers une impression d’intimité, de
confidence.
Pour la version française, cette voix sera doublée en décalé, de façon à conserver la
musique du texte japonais tout en créant pour le spectateur les conditions d’une intimité
avec les mots de l’écrivain.

Les voix de nos personnages interviendront parfois off également. La confidence filmée
dans un endroit intime pourra se poursuivre alors qu’ils ont repris leurs activités, en une
espèce de discontinuité entre intériorité et extériorité. Tout le monde connaît le jeu sur
l’image de soi que construit chaque individu social. DAZAÏ l’a quant lui poussé à
l’extrême. De même qu’il a poussé à l’extrême la confession, jusqu’à de multiples
contradictions, dévoilant ainsi les faiblesses qu’un individu japonais (et pas seulement
japonais) ne doit jamais révéler. Comme lui, nos personnages feront le récit de leurs
propres doutes et interrogations.

Miri YU, Prix Akutagawa en 1997, est peut-être son héritière spirituelle. Avec cette
jeune femme forte et rayonnante, surnommée la « Salman Rushdie du Japon » suite
aux attaques de l’extrême droite, le dialogue entre DAZAÏ et ses lecteurs s’intensifie
jusqu’à une forme d’osmose.
Après avoir essayé de se suicider adolescente sur la même plage que lui, MIRI choisit
l’écriture comme un combat. Connue, comme DAZAÏ, pour une vie que la société
japonaise juge scandaleuse, elle utilise les mots pour stigmatiser l’ultra violence de ce
monde chaotique dans lequel elle nous emmène. Un combat difficile puisqu’elle avoue :
« J’aurai bientôt 39 ans, l’âge auquel DAZAÏ s’est suicidé, et je crois que je veux vivre. »

35
Fragile
Iconographie

36
Misaki TAKANO
Née en 1980

C’est sa propre image et sa propre histoire que retrouve MISAKI


dans ses lectures de DAZAÏ : sa souffrance et sa quête d’une vie
« normale ». Son rêve : être comme TOMIE, la dernière maîtresse
de l’écrivain.

TOMIE en 1947.

Sous des dehors assurés, se révèle une jeune


femme fragile et émouvante qui se cherche. Elle
s’épanche avec douceur et retenue, mais beaucoup
de non-dits demeurent qui ne demandent qu’à
s’exprimer lors du tournage.

Kaname YANAÏ
Né en 1969

Derrière un personnage de bouffon (Dazaï lui-


même s’est affublé de ce nom), KANAME
travaille sans relâche à comprendre le monde et
à y trouver une place digne à ses yeux. DAZAÏ
est le support qu’il a trouvé pour effectuer cette
“ renaissance ”. Il en fait une lecture précise,
politique, sociale, existentielle.

37
Fumio KOKAI
Née en 1972
Psychiatre, ancienne admiratrice de Osamu DAZAÏ

FUMIO s’est longtemps passionnée pour l’écrivain


au point de lui avoir lié son existence : c’est par
« amour » pour lui, pour le comprendre, qu’elle a
décidé de devenir psychiatre. Aujourd’hui honteuse
de ce penchant pour un « être immature », « un
irresponsable », elle porte un regard froid sur le
suicide.

H
i
r
o
m
i

H
I
R
A
N
O
HIROMI, née en 1964, prépare un manga (41sur DAZAÏ. Sa quête : ne pas trahir l’écrivain
« œuvre artistique ». Publié dans une revue à
et être capable de tout sacrifier à sonans)
partir de 2007, son manga devrait paraître sous forme de livre en 2008, pour le 60è
anniversaire de la mort de l’écrivain.

Aïmi
NAKANO
Née en 1987

AÏMI veut aider les autres pour pouvoir mériter sa


place sur terre. Sa culture chrétienne lui interdit le
suicide : elle va donc réfléchir avec DAZAÏ au sens de la vie mais surtout essayer de
vivre à tout prix. Cet exercice d’équilibriste n’est pas tous les jours facile et la fine AÏMI
peut-être pas si solide qu’elle veut bien le paraître.
38
Yumiko ANDO
Née en 1971

Son « blog » Internet semble une


véritable raison de vivre pour YUMIKO:
là, elle peut s’exposer, exister un peu.
Malgré ses tendances morbides, c’est
elle qui nous fera découvrir l’humour et
l’auto dérision de DAZAÏ.

M. Kenichi NOHIRA
Né en 1922

M. NOHIRA était un jeune ami ébloui de DAZAÏ.


Il nous fait entrer dans le drame de l’écrivain.
Toute sa vie aura été marquée par l’esprit de
DAZAÏ.

Miri YU
Née en 1968

En découvrant l'œuvre de DAZAÏ à quatorze ans


MIRI va trouver quelqu’un qu’elle comprend en
silence et qui la comprend.
De DAZAÏ, elle retiendra surtout un moyen de
survivre : l’écriture. MIRI continue aujourd’hui sa
quête et comme le personnage principal de Soleil
couchant de DAZAÏ, elle décide d’avoir un enfant et
de l’élever seule. C’est l’image d’une femme
assumée qu’elle tente désormais de promouvoir,
même si ses fans lui reprochent d’avoir perdu dans
ses écrits la veine violemment désespérée.

Ses écrits publiés en France :


- Jeux de famille, 2000, Ed. Philippe Picquier.
- Gold rush, 2001, Ed. Philippe Picquier.
- Berceau au bord de l’eau, 2002, Ed. Philippe Picquier.
- Poissons nageant contre les pierres, 2005, Ed. Acte Sud.
39
L’interprète de Osamu DAZAÏ
Kôji YAKUSHO
Né le 1er Janvier 1956
Acteur

Filmographie (extrait)

Retribution (2006) de Kiyoshi KUROSAWA


Babel (2006) de Alejandro Gonzales INARRITU
Lorelei (2005) de Shinji HIGUCHI et Cellin GLUCK
Dans « Babel »
Lakeside Murder Case (2004) de Shinji AOYAMA
Doppelganger (2003) de Kiyoshi KUROSAWA
De l'eau tiède sous un pont rouge (2001) de Shohei IMAMURA
Kairo (2001) de Kiyoshi KUROSAWA
Eureka (2000) de Shinji AOYAMA
Playboy (2000) de Kon ICHIKAWA
Charisma (1999) de Kiyoshi KUROSAWA
Tadon to chikuwa (1998) de Jun ICHIKAWA
License to Live (1998) de Kiyoshi KUROSAWA
Cure (1997) de Kiyoshi KUROSAWA
L’Anguille (1997) de Shohei IMAMURA, Palme d’Or Festival de Cannes 1997
Shall we dance? (1996) de Masayuki SUO
Goodbye: DAZAÏ Osamu que j’ai tué (1992) (TV) de Yukio FUKAMACHI
Tampopo (1985) de Juso ITAMI

Osamu DAZAÏ au bar Le Lupin Kôji YAKUSHO interprète


en 1946 DAZAÏ dans le téléfilm
« Goodbye »
40
Shûji TSUSHIMA dit Osamu DAZAÏ.

SHIMEKO, qui mourut dans la


tentative de suicide à deux de 1930 à Dazaï, sa femme Michiko et leur fille aînée,
Kamakura. Miri YU essaya de se Sonoko, en 1941.
suicider au même endroit.

41
Un des autoportraits peints par DAZAÏ.

Sur la passerelle de chemin de fer à Mitaka,


quelques semaines avant son suicide

Chaque année, le 19 juin : OTO-KI, commémoration de


la naissance et de la mort de DAZAÏ.

42
Dans la province de Tsugaru, pays natal de DAZAÏ, dans le nord du Japon.

Cap Tappi,
village de pécheurs.

Détails des estampes du temple Unshoji,


que TAKE fit découvrir à DAZAÏ enfant.

Le musée de Kodomari consacré à DAZAÏ et


TAKE, la domestique qui l’éleva.

Les produits dérivés à l’effigie


de Osamu DAZAÏ.

43
Quelques images du Japon d’aujourd’hui.

Le célèbre carrefour de Shibuya.

La gare de Shinjuku.

La passerelle de Harumi qui


traverse la rivière en direction des
bureaux où travaillait KANAME.

Un militant du parti d’extrême droite nippon


harangue les passants.

Un clochard aux pieds des tours de bureaux.

44
Quelques poupées Barbie à l’entrée du
métro de Harajuku à Tokyo.

Ecolières, jupe remontée dans une librairie de


nuit

Une salle de jeux ouverte


toute la nuit.

Une ruelle d’un quartier populaire


de Yokohama.

45

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