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Titre du projet :
MADAME SAIDI!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!........
Genre documentaire de création, essai
Support de tournage (ex : HD, 16, 35, 2k, 4k, DVCAM, Super 8!) : !HD!!!!!!!!!!
Auteur(s) du projet
Réalisation
Bref résumé du film (3 lignes maximum - destiné à être diffusé sur le site internet du CNC pour
les projets bénéficiaires) :
A Ali Abad,, tout le monde connaît Madame Saidi, l'une des nombreuses mère de martyr de ce
quartier populaire du sud de Téhéran. Il y a peu, à 70 ans passé et à la surprise générale,
Madame Saidi est devenu une actrice de cinéma. Ce film est son portrait.
Déclare(nt) avoir pris connaissance des dispositions du décret du 24 février 1999 relatif au soutien financier
de l’industrie cinématographique et de l’arrêté du 22 mars 1999.
LIENS
Vous pouvez indiquer sur cette page des liens (youtube / viméo / dailymotion / etc.) vers
tout élément aidant à préciser l’expression visuelle choisie pour le projet (essais, film précédent, photos,
éléments graphiques, volumes, maquettes!)
- !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
- !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
l’atelier documentaire
l'atelier documentaire
75 rue Camille Sauvageau!
33 800 Bordeaux!
09 51 35 28 08 / 06 12 50 18 00!
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SYNOPSIS
À Téhéran, dans le quartier d’Ali Abad, tout le monde connaît Madame Saïdi.
C'est l'une des nombreuses mères de martyr de ce quartier populaire du Sud
de la ville, ces mères qui ont perdu leurs enfants sur le front de la guerre
Iran-Irak.
Il y a quelques années, à 70 ans passé, bravant l'incrédulité générale et le
qu'en dira-t-on des bigots, Madame Saïdi a réalisé son rêve inavoué : elle est
devenue une star de cinéma. Elle, l'analphabète qui n'était jamais allée au
cinéma. Elle qui, depuis son enfance villageoise, a toujours cru en sa bonne
étoile.
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bien pendue qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Nous
l’entendrons affirmer, et répéter, qu’elle peut « tout jouer » parce qu’elle a
déjà été, au cours de sa vie, « épouse, mère de martyr, couturière,
infirmière, sage-femme, conseillère de quartier ».
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BIOGRAPHIE
Enfance
Née au début des années 40, à Ziaabad, un village de la région turcophone
de Ghazvin, Halimé Saïdi est la troisième fille et le sixième enfant d’une
famille de petits agriculteurs. Les femmes de son milieu ne vont pas à l’école,
c’est donc sa mère qui s’occupe de son éducation : couture, cuisine, piété.
Dans son village, il n’y a ni télévision, ni cinéma. On vit à la lumière des
lampes à pétrole. On se couche tôt. Halimé Saïdi nourrit très vite un rêve :
devenir actrice. À cette époque le Shah d’Iran, inspiré par Atta Turk, se lance
dans sa grande « politique de modernisation » de la société. Dans les
grandes villes, il essaie d’imposer l’occidentalisation des mœurs, tente
d’interdire le port du voile. Les provinces restent à l’écart. En 1953 le
gouvernement nationaliste de Mossadegh est renversé par un coup d’Etat
soutenu par la CIA.
Adolescence
A 14 ans, Halimé Saïdi est « prête à marier ». Elle est déjà connue au-delà de
son village. Dans la maison de famille, c’est la valse de prétendants. Elle
impose son choix : Ali Lashgari, un jeune homme qui a déjà immigré en ville.
Après la fête de mariage, ils vont s’installer ensemble dans un faubourg de
Téhéran, Ali Abad. Là encore, très vite, elle devient connue de tous. Elle
exerce successivement les métiers de couturière, de sage-femme,
d’infirmière, dans ce quartier lointain qui ne possède ni eau courante ni
électricité. Elle devient aussi mère au foyer, donnant le jour à sept enfants
dont trois meurent en bas âge. Avec son mari, ils mènent une vie humble et
nourrissent le rêve de faire le pèlerinage à la Mecque ensemble.
Mère de martyr
Madame Saïdi a 40 ans lorsque la Révolution Islamique éclate. Engagée corps
et âme dans l’événement, à l’image de son quartier, elle parcourt 50
kilomètres à pied pour accueillir le retour de l’Ayatollah Khomeiny en 1979
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au grand cimetière de Téhéran, Behecht Zara. En 1980, dès les premiers jours
de la guerre Iran-Irak, ses fils se portent volontaires. Deux d’entre eux
reviendront mutilés. Son fils Résa meurt en martyr. C’est l’époque des
bombardements, des tickets de rationnement, l’époque où le quartier pleure
régulièrement la mort de ses enfants au cours de cérémonies de propagande
spectaculaires. Madame Saïdi reçoit son diplôme officiel de mère de martyr.
La comédienne.
Le métier auquel elle rêve depuis si longtemps est, dans cette nouvelle
société, dans son milieu en particulier, mis à l’index, jugé de « mœurs
légères ». Mais Madame Saïdi, avec la complicité de son mari, tente sa chance
en participant à des tournages comme figurante. Après de longues années
passées dans l’ombre, un jour, il y a deux ans, on lui donne un rôle dans une
série télé très populaire. Un grand quotidien national vient lui rendre visite et
titre son article : Madame Saïdi, superstar d’Ali Abad.
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DIALOGUE
Chez Madame Saïdi. Dans son salon. En 2007.
Madame Saïdi, en train de nous montrer des photos de son fils Résa, mort
au front : …Qu’il était jeune… Mon Dieu qu’il était jeune… Elle referme
l’album pour aller préparer le thé dans la cuisine. Après quelques allers et
venues : Le problème dans ce métier, c’est l'irrégularité. Un jour on t’appelle,
un autre jour on t’appelle plus… Pourtant je suis une grande comédienne.
Dieu m’est témoin. Vos soi-disant ingénieurs, spécialistes, en vérité je joue
mieux qu’eux ! Seulement voilà les gens ne savent pas ce qu’ils veulent…
Nous : Vous étiez à l’enterrement de Mohamed Dastvaré ? (un autre martyr
du quartier, mort au 1984)
Madame Saïdi : Oui.
Nous : Vous pourriez nous rejouer ce moment ?
Madame Saïdi : Oui… Elle sort du salon. Revient vêtue du tchador noir de
circonstances. Commence à se lamenter. « Oh Dieu, Dieu tout puissant !
Pourquoi nos enfants tombent-ils au sol comme des pétales… Oh Dieu, Dieu
tout puissant… Quels péchés avons-nous commis pour que nos enfants
quittent cette terre ainsi… Oh Dieu, Dieu tout puissant… » Elle s’arrête,
relève la tête vers nous. Après un temps : « Ce jour-là, les gens sont venus
me voir. Ils me demandaient pourquoi je n’avais pas pleuré le jour de
l’enterrement de mon fils, alors que je pleurais pour l’enterrement de ce
jeune. Je leur ai dit : « Pour ne pas montrer de signe de faiblesse à l’ennemi.
Pour lui briser la nuque ! » Voilà… Ça c'est passé comme ça.
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ORIGINES
Mère de martyr et comédienne ?
Nous avons rencontré Madame Saïdi en 2007. Nous étions à Téhéran en train
de tourner un documentaire autour d'une fresque de propagande dédiée à
trois frères martyrs de la guerre Iran-Irak1. A Ali Abad, quartier aux 72
martyrs, où le régime est censé avoir ses plus fidèles soutiens, nous avions
rencontré de nombreux parents de martyrs. Avec toujours l'impression d'une
prise de parole stéréotypée, impersonnelle. Les parents s’en tenaient le plus
souvent à un discours sur la fierté et le sacrifice, celui qu’on entendait dans
les cérémonies officielles et dans les reportages de propagande diffusés à la
télévision. Un matin, alors que nous filmions à la sortie de la mosquée, une
femme s'est détachée d'un groupe de mère de martyrs. Elle s'est
discrètement approchée de nous et nous a glissé dans un mélange de malice
et de réserve : « Vous savez, je suis comédienne. Je suis disponible si vous
avez besoin de moi. Je suis Madame Saïdi... ».
D’abord incrédules, nous sommes allés lui rendre visite quelques jours plus
tard. Elle nous a reçu dans l'intimité de son modeste salon. Nous découvrons
une femme drôle et vive. Nous comprenons que sa carrière de comédienne
se limitait à quelques figurations. Et tout en nous servant le thé elle s'est
mise à nous convaincre de l'engager dans notre film. N'est-elle pas
comédienne ? N'est-elle pas de mère martyr aussi ? Piqués par son audace,
nous avons décidé de jouer le jeu. Nous lui avons demandé de rejouer ce
qu'elle avait fait lors de l'enterrement des trois frères représentés sur la
fresque du quartier.
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il s'agit du film Les murs ont des visages. vous pouvez voir la scène décrite avec Madame Saidi au lien suivant :
http://www.youtube.com/watch?v=0_UT5PRt7Jk
la bande annonce du film :
http://www.youtube.com/watch?v=0XBz2uJeEMQ
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parents de martyrs rencontrés jusqu’alors. Non seulement l'artifice du jeu
avait permis le jaillissement de l'émotion, à la fois feinte et sincère. Mais il
avait aussi révélé la part de jeu, le mélange inextricable de sincérité et de
convention imposé aux parents de martyrs.
Madame Saïdi venait de donner corps à une phrase que nous avions souvent
entendue en Iran: « Pour vivre, ici, il faut savoir jouer la comédie ». Cette
phrase, nous l'avons comprise comme une manière de pointer une société de
faux-semblants, où le contrôle social est très fort et l'idéologie à tous les
coins de rue. Société où il faut savoir prétendre, tenir un rôle. Et ce n'est pas
par hasard si de nombreux films iraniens prennent le motif du cinéma, de
l'acteur, comme prisme pour regarder la société. C’est l’exemple d’Abbas
Kiarostami qui dans Close-up reconstitue l’histoire vraie de l’imposteur qui
s’était fait passer pour le réalisateur Mohsen Makhmalbaf. Ou encore le
Salam Sinama, du même Makhmalbaf, qui organisait un casting géant pour
convoquer les Téhéranais et les questionner sur le cinéma : art de l’illusion
ou possibilité de fuir la réalité ?
À regarder Made Saïdi vivre, jouer, passer de la légèreté aux larmes, nous
avons senti qu'il y avait une dimension transgressive chez elle. Son désir de
jouer était plus important que celui de témoigner. Pour exister dans notre
film, elle était prête à jouer avec son propre rôle.
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conséquent dans une série télé à grande audience, celui de « Tata Gazi »,
figure burlesque de la matrone des quartiers sud, elle enchaînait les séries et
les seconds rôles dans les longs-métrages. Elle avait maintenant sa page
facebook et ses milliers de fans. Sa conviction, sa gouaille, son personnage
l’avait emportée : elle était devenue star de cinéma.
Nous sommes revenus à Téhéran en janvier 2013 pour la voir. Chez elle,
Madame Saïdi nous a montré ses nombreux prix et coupures de presse ;
pendant que son fils Djalal, devenu l’agent de sa mère, nous parlait des
terrains qu’ils avaient récemment achetés dans le nord du pays, près de la
mer Caspienne. Le mari, force tranquille du foyer, était assis à sa place, à
côté du poêle. Il ponctuait la conversation de quelques soupirs et de
questions sur le cours de l’euro. Nous avons félicité Madame Saïdi, avant
d’engager la conversation sur notre projet de film. Djalal essayant de faire
comprendre à sa mère la notion de « portait » - Biographie lui disait-il - le
mari nous demandant s’il nous serait possible de payer en euros, tout ou
partie. Madame Saïdi, elle, surenchérissait d’anecdotes de tournage, nous
montrait la pile de scenarii qu'elle ne pouvait pas lire.
Mais la success story de Madame Saïdi cache une autre histoire, plus
mouvementée : l'exode rurale, la révolution, la guerre... Elle nous l'a racontée
par bribes, à chacune de nos visites : l'enfance villageoise en province,
l'arrivée à Téhéran avec son jeune mari, la longue marche pour accueillir le
retour de Khomeiny, la mort en martyr de son fils Résa... Comme de
nombreuses femmes de son quartier Madame Saïdi avait été une figurante
dans la grande histoire.
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INTENTIONS
Avec ce film se prolonge une collaboration débutée en 2007 avec Les murs
ont des visages. Nous nous étions rencontrés quelques années plus tôt aux
Langues Orientales, en cours de Persan, langue que nous parlons tous les
deux. Nous avons ensuite régulièrement séjourné en Iran, nouant des liens
d’amitié avec des gens de notre génération impliqués dans le milieu du
cinéma, et renouant avec des liens familiaux. Ce premier film à quatre mains
avait pour sujet trois frères soldats, morts au front, puis portés au rang de
figures héroïques. Ce film portait déjà en son cœur la question de la
représentation, de la mise en scène, de l'étrange jeu de miroir entre politique
et cinéma... En réalisant cette fois un film autour d'une figure féminine du
Téhéran populaire, nous désirons approfondir ce travail commencé il y a une
dizaine d'année.
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Ce qui nous interroge chez Madame Saïdi, c'est l'improbable mélange des
genres qu'elle incarne : la figure pieuse et la figure de « Tata Gazi ». À
l’image de ces deux cadres accrochés sur le mur du salon de Madame Saïdi :
son diplôme officiel de « mère de martyr », et juste à côté, son prix
d'interprétation pour son second rôle dans le film « l'Or et le cuivre ».
A bien des égards nous avons rencontré avec Madame Saïdi un archétype
féminin : celui de la femme des quartiers populaires, traditionnels et
conservateurs. Mère courage éprise de sacrifice, exemple de pudeur et de
ferveur religieuse. À sa façon, Madame Saïdi fait tout pour être une mère de
martyr exemplaire.
Avec Madame Saïdi nous avons aussi rencontré une femme « hors norme ».
Une femme qui a un âge avancé s'est inventée un destin improbable pour
une femme de son milieu, celui de comédienne au profil comique quand la
société voulait la confiner au rôle de pleureuse. Jouer la comédie, sans
remettre en cause directement l'ordre des choses, c'est sa manière à elle de
faire bouger les lignes.
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A l'extérieur, dans le quartier et sur les plateaux, c'est la manière qu'elle à de
se mouvoir avec les autres que nous regarderons. Par expérience, nous
savons que Madame Saïdi, parce qu'elle est filmée, parce qu'il s'agit de son
film, n’oubliera pas complètement la présence de la caméra. Elle saura
l'utiliser à son avantage. Elle fera tout pour être une bonne comédienne, pour
bien incarner son rôle. Quitte à faire de l'ombre aux autres et à en faire plus
que d'habitude. Ce que nous voudrions saisir, c'est jusqu'où Madame Saïdi
est prête à aller, par ce désir de cinéma, par ce désir de tenir son rôle.
Comment elle creuse, avec liberté, un écart entre la personne et le
personnage.
Dans MADAME SAÏDI, Madame Saïdi jouera à être Madame Saïdi. Et d'une
certaine manière nous jouerons à être ses metteurs en scène. Pas tant pour
approcher l'idée théâtrale que dans la vie tout est jeu, mais plutôt pour
mettre en scène le paradoxe du comédien, qui est aussi celui du cinéma :
l'art de faire du vrai avec du faux, de masquer pour mieux montrer. De la
même manière que la propagande est l'art de faire du faux avec du vrai. Ce
motif de la mise en scène trouvera des échos dans les différentes situations
que Madame Saïdi traverse : à la mosquée sous la direction du mollah, sur
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les plateaux sous la direction du réalisateur... A chaque situation ses codes,
ses textes, ses répétitions, sa manière de se mettre en scène.
Comme dans tout portrait sensible, l'image obtenue en dira autant sur celle
qui est regardée, que sur ceux qui la regardent. Qu'est ce qui anime le désir
de cinéma de Madame Saïdi ? Jusqu'où notre désir commun peut nous
emmener ?
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TRAITEMENT
L'équipe
Nous travaillerons en équipe réduite, dans la même configuration que pour
notre film précédent. À l’image, nous serons tous deux au cadre, en
alternance. La caméra sera le plus souvent sur pied, en plan fixe. Cela
permettra une homogénéité de style mais également de faire ressortir les
choix de cadrage. Nous chercherons un cadrage sobre et précis soutenu par
un regard patient et attentif. Au son, nous serons accompagnés par le même
ingénieur du son iranien Farokh Fadai. Outre la finesse de son travail, il
possède une connaissance intime du milieu dans lequel se tourne le film
pour avoir lui-même grandi dans cette culture religieuse des quartiers
populaires. Il saura être à l'écoute.
Un portrait
Le motif du portrait sera un élément central du film. Le film aura pour axe
narratif principal la réalisation d'un film-portrait. Il s'ouvrira sur
l' « engagement » de Madame Saïdi.
Dans la progression du film, nous verrons le portrait de Madame Saïdi
apparaître par touches, sous le pinceau d’un peintre du quartier, Mansour
Elahi. Rencontré lors de nos voyages précédents, cet ancien peintre de
propagande s’est aujourd’hui reconverti dans les affiches de cinéma. Âgé
d’une cinquantaine d’années, cet ancien combattant de la guerre Iran Irak a
grandi à Ali Abad. À l’époque, il avait réalisé des portraits de ses camarades
morts en « martyr » à l’attention des familles du quartier, qui les
accrochaient dans leur salon.
Nous lui proposerons de réaliser l’affiche de notre film avec, en son centre, le
portrait de Madame Saïdi. Nous lui rendrons visite avec Madame Saïdi qui
viendra poser dans son atelier. Il la questionnera sur le sujet du film, le ton,
le genre, le rôle principal et les personnages secondaires, tout en esquissant,
au crayon gris d’abord, les grandes lignes du visage de Madame Saïdi.
Les murs du quartier sont recouverts des portraits des héros de la
Révolution, les murs de l'appartement possèdent également les leurs. Par le
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cadrage, nous déclinerons les différentes valeurs du portrait : portraits
intimes, officiels, individuel ou de groupe. Par le montage, c’est autant de
visages qui seront mis en regard dans le film.
Au jour le jour
Le portrait de Madame Saïdi se fera au fil des visites que nous lui rendrons
plusieurs fois par semaine. Venir prendre des nouvelles et continuer le film
se feront dans un même geste. Ce rythme sera notre méthode de travail, il
donnera au film son caractère intime. Le tournage s'étalera sur plus de deux
mois. Le temps de trouver nos marques avec Madame Saïdi mais aussi le
temps de se fondre dans la vie du quartier. De manière générale, il s'agira de
ne pas imposer un dispositif trop rigide, mais de savoir travailler dans la
complicité, s'ajuster à notre personnage.
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La Maison de Madame Saïdi
La maison est à l'image des autres maisons du quartier : modeste et
familiale. Un rez-de-chaussée et un étage donnant sur une cour pavée.
Madame Saïdi habite au premier étage avec son mari. Le rez-de-chaussée a
été laissé à leur fille cadette et sa famille.
On y pénètre par seuil : de la rue à la cour (après avoir soulevé un
traditionnel rideau qui « protège » des regards extérieur), du vestibule où
l'on dépose les tenues d'extérieur au salon, passant ainsi progressivement,
selon un rituel établi, du public à l'intime.
En Iran, et d'autant plus dans un quartier traditionnel, l'attitude publique et
domestique diffèrent. Madame Saïdi se recouvre de son tchador noir dès
quelle quitte le pas de la porte de la cour. À l'intérieur, elle ne porte qu'un
foulard coloré. Avec ses changements de costume, les passages de ces
différents seuils seront ressentis dans le film.
Le salon
C’est la pièce principale. Au sol, trois grands tapis. Un poêle à gaz et une
cheminée. Le seul meuble de la pèce est une petite commode sur laquelle est
posée une télévision.
Tout le monde s'assoit à même le sol. Sur le rebord de la cheminée sont
posés les seuls éléments de ce modeste décor : une pendule, un vieux
transistor, le portrait de leur fils martyr, le diplôme de « mère de martyr »
délivrée par la « Fondation des martyrs ». Une photo officielle de l’ayatollah
Khomeiny. À ce petit décor, sont venus s'ajouter les prix d'interprétation
gagnés par Madame Saïdi dans divers festivals de cinéma en Iran. Ces
quelques objets et images racontent à leur manière le personnage qu'est
Madame Saïdi, le mélange des genres qui l'anime. Nous filmerons ces objets.
Ils serviront à notre portrait. Ils seront également utilisés par Madame Saïdi
comme des accessoires de jeu. C'est elle qui ira les prendre lorsqu'elle
voudra nous expliquer quelque chose où illustrer un moment de sa vie.
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Un récit en actes
En notre présence, Madame Saïdi transforme son salon en un petit théâtre.
Elle fait des allers retours dans la chambre d'à côté et en revient par la porte
à la manière dont on passe des coulisses à la scène. Ce dispositif scène /
coulisse, avec ses entrées et ses sorties, c'est elle qui nous l'a proposé –
« imposé » - dés la première visite que nous lui avons faite. Nous occupons
la place des invités et celle du public. La caméra est placée sur pied à notre
niveau, dans l'axe de notre regard. À chaque fois que Madame Saïdi fait une
sortie, la caméra reste sur le cadre de la porte, attendant sa prochaine
apparition sur la scène restée vide.
Madame Saïdi ne se contente pas de répondre à nos questions. Elle déploie
tous ses talents de comédienne. Elle passe, dans un même mouvement, du
récit oral au style direct, se lève et se met à rejouer une scène, disparaît et
revient vêtue d'un « costume », fait les questions et les réponses...
Dans son salon, elle nous racontera des épisodes de son histoire : l'enfance
villageoise, la valse des prétendants lorsqu'elle était une belle jeune fille
courtisée et le choix qu'elle a fait de son mari. Elle nous racontera son
engagement dans la Révolution, son rôle dans les comités de quartier, le
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martyre de son fils... Nous la questionnerons sur sa carrière de comédienne.
Depuis quand rêve-telle de devenir comédienne ? Comment a-t-elle débuté ?
Qu'est-ce que cette célébrité tardive a changé dans sa vie ? Ses rôles les plus
marquants ? Elle évoquera des épisodes de sa carrière, rejouera certaines
scènes, répétera les phrases « cultes » qui l'ont rendu célèbre.
Son mari, sera toujours là en notre présence – un homme pouvant
difficilement laisser sa femme seule avec deux personnes étrangères à la
famille. Le mari apportera vraisemblablement un contrepoint flegmatique, le
fils Djalal, lui, à sa façon coachera sa mère. Ils compléteront certains
souvenirs concernant la vie de Madame Saïdi. Et la vie des plateaux, puisqu’il
leur arrive régulièrement de l’accompagner, et parfois même d’avoir des
rôles de silhouettes ou de figuration sur les films dans lesquels elle joue.
Le petit écran
Comme chez de nombreuses familles, la télévision tient une place centrale
dans le salon. Elle y est allumée une grande partie de la journée. Qu'on la
regarde ou pas, elle agit comme un bruit de fond. Pour le film, elle sera une
ouverture sur le hors champs. On saisira par bribes les événements tels qu'ils
sont évoqués par les chaines nationales.
La télévision du salon va progressivement devenir un accessoire jouant. Dans
le cadre de celle-ci, nous montrerons des extraits de la télévision
d’aujourd’hui : la série « Les biens assis » dans laquelle Madame Saïdi joue
son rôle de Tata qazi, des reportages de propagande consacré aux parents
de martyr, des images de la Révolution...
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Madame Saïdi se racontera avec ces images. Elles pourront servir de point de
départ pour une de ses histoires. Elles permettront de creuser les situations,
en nous faisant apprécier les similitudes et les différences entre la personne
de Madame Saïdi, et le personnage porté à l’écran. De voir comment un
drame intime se raconte en tête-à-tête, et comment il est mis en scène pour
une chaîne de télévision nationale.
Rituels et répétitions.
Le quotidien de Madame Saïdi s'organise autour de ses obligations
religieuses de mère de martyrs et de ses relations de voisinage. Elle se rend
plusieurs fois par jour à la mosquée. Dans ce quartier où tout le monde se
connaît, surtout parmi les anciens, c'est à ce moment que s'échangent les
salamaleks de circonstance, que l'on commente les nouvelles du jour. À ce
petit rituel social Madame Saïdi est en général assez active.
Chaque semaine, les jeudis, « jour des morts », les familles de martyrs sont
emmenées en bus jusqu'au grand cimetière de Behecht Zahra. L'ambiance est
spectaculaire, entre la musique lancinante diffusée par des haut-parleurs, les
drapeaux volant au vent, les nombreuses vitrines où sont exposés les
portraits des jeunes martyrs. Une fois par semaine, Madame Saïdi se rend au
Hosseinié du quartier pour y suivre avec un groupe d'autres femmes des
cours d'alphabétisation, basé sur l'apprentissage et la répétition de leçons de
morale.
Ce quotidien sera filmer de manière plus distancié. Contrairement à ce qui se
passe dans l'intimité du salon, nous nous effacerons, nous serons dans une
posture d'observation. En filmant ces scènes, nous chercherons à saisir une
interaction, pointer les codes du cérémonial.
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Sur les plateaux
Madame Saïdi se rend régulièrement sur le tournage de la série Les bien assis
réalisé par Reza Attaran. Toujours en position d'observateur, nous filmerons
les équipes au travail. Nous verrons comment ce monde « professionnel »
compose avec le côté autodidacte de la comédienne. Nous serons attentifs à
l’interaction entre Madame Saïdi et les autres acteurs. Nous verrons comment
son réalisateur contourne les refus de Madame Saïdi, de dire telle chose ou
de faire telle autre pour rester « digne » ; comment il façonne ce personnage
populaire qu’elle incarne. Mais au-delà de la description des turpitudes de la
vie de tournage, nous chercherons à présenter le cinéma dans ce qu'il a
d'artisanale et factice : comédiens, décors, mouvements de caméra, lumière,
prise, répétition. C'est finalement notre propre démarche dont nous ferons le
portrait.
En voiture
Nous découvrirons la ville de Téhéran lors des déplacements de Madame
Saïdi. Vers le sud et ses paysage désolés lorsqu'elle se rend au grand
cimetière de Behesht Zara. Vers le nord et ses grattes ciels lorsqu'elle se rend
sur les plateaux. Les paysages urbains défileront au travers de la fenêtre de
la voiture. Ces moments seront une manière de dessiner un portrait d'une
ville pleine de contraste. Cela sera aussi l'occasion de moments
d'introspection ou de discussion imprévue avec les autres passagers.
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Un jeu de regard
Le film se construit dans un jeu de regard. Le regard que nous portons sur
Madame Saïdi, le regard qu'elle porte sur elle-même et le regard que les
autres (peintre, réalisateurs, proches...) portent sur elle. Le montage viendra
bousculer la linéarité. Il faudra veiller à rendre au personnage toute sa
complexité. Ne pas la ramener à un archétype mais la laisser déborder du
cadre. Faire s'entrechoquer les différentes facettes, mettre en résonance les
situations, les idées.
À l'image de Madame Saïdi, il faudra naviguer entre le cinéma documentaire
et son désir de fiction afin de tenir le spectateur en alerte en le faisant
s'interroger constamment sur ce qu'il voit et ce qu'il entend.
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SEQUENCES
Le salon de Madame Saïdi est vide. Au mur, on aperçoit une série d'images
encadrées : le portrait du « martyr » Reza, un portrait officiel de Khomeiny,
des photos de famille... On entend des bruits de vaisselle venant d'à côté.
Après un moment Madame Saïdi apparaît dans le cadre de la porte. Elle porte
un foulard coloré. Après nous avoir servi joyeusement le thé, elle finit par
s'asseoir, face à la caméra.
MADAME SAÏDI
Et voilà. Prenez une sucrerie !
On en était où déjà ?
NOUS
On disait que vous avez fait une belle carrière depuis notre
dernière visite, il y a sept ans. Vous êtes célèbre maintenant.
Les amis chez qui nous logeons dans le nord de la ville vous
connaissent, le chauffeur de taxi avec qui nous sommes venu
aussi...
MADAME SAÏDI
Attendez. Il faut que je vous montre quelque chose. Des
journalistes sont venus me voir. Attendez...
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Madame Saïdi se lève et tire une pochette plastique de derrière le poste de
télévision. Elle est bourrée à craquer. Elle en sort, un par un, les prix
d’interprétation qu’elle a reçu, en énumérant les séries télé et les films. Les
prix, disposés au sol, recouvrent une bonne partie des tapis. Pour finir, elle
prend le trophée, sur la télé, passe un coup de chiffon dessus et le pose à
côté des autres.
MADAME SAÏDI
Vous pouvez lire ce qui est écrit là ? En nous désignant une
coupure de presse.
NOUS
« Madame Saïdi... Superstar d'Ali Abad »
MADAME SAÏDI
Regardez ce que j'ai reçu. Des scénarios. Mais
malheureusement je ne peux même pas les lire. Je ne sais
pas.
NOUS
Madame Saïdi, On est revenu vous voir parce qu’on voudrait
vous engager dans un film.
MADAME SAÏDI
Je suis à votre disposition.
NOUS
C’est un film où vous tenez le premier rôle. Votre portrait en
quelque sorte.
MADAME SAÏDI
Je dirai ce que vous voudrez. S’il faut pleurer, je pleure. S’il
faut rire, je ris.
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NOUS
Cette fois-ci, c’est un peu différent. C’est un film
documentaire, il n’y a pas de scénario. L’histoire, c’est la
vôtre. Elle se passe ici, chez vous, et dans le quartier.
MADAME SAÏDI
C'est plus facile à la maison. Se rendre dans les studios, c'est
fatiguant. Et puis il faut toujours attendre des heures. En
plus, tous mes costumes sont ici.
Avant, il faut que vous parliez avec mon fils Djalal, c'est lui
qui s'occupe de tout. Il ne va pas tardez. Attendez, je
l'appelle...
NOUS
Madame Saïdi, comment êtes-vous devenue comédienne ?
MADAME SAÏDI
Voilà l'histoire : Il y a quelques années, une voisine est arrivée
et m'a dit « Tu veux jouer pour Séda o Sima ? ». J'ai dit :
« C'est quoi Séda o Sima ? ». Elle m'a dit : « C'est notre
télévision nationale ». J'ai dit « oui ». Je suis allée sur le film Le
jour de l'exil de Kianoush Ayari. Là-bas, j'ai refusé de porter
les habits qu’on me donnait. Ils voulaient nous habiller en
aristocrates à la mode du Shah ! Le foulard noué dans la
nuque ! J'ai fait tellement de bruit que le réalisateur m'a
remarqué. Il a pris mon nom. Quelques mois plus tard, le
.27
téléphone sonne. C'était Reza Atarran, un autre réalisateur. Il
m'a dit : « Vous voulez être comédienne ? ». J'ai gardé le
silence et pendant ce temps je me disais en moi-même : « j'y
vais ? J'y vais pas ? J'y vais ? » Finalement j'ai dit : « Je viens ».
Mon mari était resté à me regarder. Il m’a demandé : « C'était
qui ? ». Je lui ai répondu : « Un réalisateur de cinéma. On me
veut comme comédienne ». Je lui ai demandé l’autorisation. Il
a eu la gentillesse de me la donner… C'est Dieu qui m'a
donné la force et le courage de devenir comédienne. C'était
écrit...
Des bruits de pas se font entendre dans l'escalier. Djalal pénètre dans le
salon, nous salue et viens s'asseoir aux côtés de sa mère. Il nous raconte
qu’il a fermé sa boutique de téléphones mobiles pour se consacrer
entièrement à la carrière de sa mère.
DJALAL
Je suis directeur artistique maintenant. Voilà ma carte.
ll m'arrive de jouer des petits rôles. L'autre fois j'étais un
policier. C'est ma mère qui me trouve les rôles… Alors vous
voulez Madame Saïdi pour un film ?
Vous entendez Mère ! (Avec une pointe de malice dans le
regard)
Cette fois-ci, vous allez recevoir des euros !
Nous lui expliquons qu'il ne s'agit pas d'une production de fiction et qu'en
conséquent la question du salaire ne se pose pas dans les mêmes termes.
Nous lui expliquons la démarche. « Un portrait ? Très bien». Il expose l'idée à
sa mère. Le détail du portrait, ou de la biographie, ne semble pas intéresser
Madame Saïdi outre mesure. Djalal, lui, parait content de faire sa première
« production étrangère ».
.28
DJALAL
Une fois Dubaï nous a contacté pour un film, mais ils n'ont pas
voulu verser l'argent à l'avance. J'ai refusé.
MADAME SAÏDI
Par quoi commence-t-on ? Je suis prête.
NOUS
Alors on dirait que le film a déjà commencé.
Nous sommes chez le peintre Mansour Elahi. Il nous raconte que depuis
notre dernière visite il a été contraint de vendre sa maison pour s'installer au
quatrième étage de cette nouvelle construction. L'ancienne maison lui
manque mais avec la crise économique il s'estime encore chanceux. Nous lui
demandons s'il peint toujours.
LE PEINTRE
Les commandes sont rares. Je peins surtout pour moi
maintenant. Des natures mortes, des paysages. Quelque
chose qui exprime la recherche d'une certaine sérénité. Si je
pouvais, je partirais vivre hors de la ville.
NOUS
Nous voudrions que vous réalisiez l'affiche du film. Pourriez-
vous nous montrer des images de votre travail ?
.29
Il ramène un album dans lequel il garde une photographie de chacune des
ses œuvres. Se côtoient portraits des leaders de la révolution, visages de
martyrs et visages grimés des stars de cinéma. Il feuillette l'album. Les
visages défilent.
LE PEINTRE
Celui-ci, c'était à l'époque de la guerre, des martyrs... Là,
c’est un portrait de l'Imam, une commande du ministère de la
défense… Là, c'est l'actrice Niki Karimi pour le film « Je me
meurs ! ». J'aime le travail des couleurs...
Dans son salon, le peintre finit d'installer une toile blanche sur un vieux
chevalet en bois. La toile fait environ un mètre cinquante sur deux mètres.
Madame Saïdi est assise en face de lui, sur le tapis. Le peintre lui demande
de bouger un peu sur la droite et de regarder derrière lui. Madame Saïdi
s'exécute. Une discussion s'engage à propos du film. Un portrait ? Mais
quelle histoire ? Quels sont les autres personnages ? Qu'est-ce que doit
mettre en avant l'affiche ? Madame Saïd lui explique le film à sa façon. Puis la
conversation change de sujet.
LE PEINTRE
Je me souviens de votre fils Résa, que Dieu ait son âme. Il
était quelques classes au-dessus de moi. J'ai peint beaucoup
de portraits pour les mères de martyr du quartier. À chaque
fois je leur ai demandé la permission. Dans mon sommeil,
leurs visages m'apparaissaient. J'ai parlé avec eux. Faire un
portrait, c'est peindre ce qu'il y a à l'intérieur. Ces garçons
avaient le cœur pur. C'est ce que j'ai voulu montrer.
.30
MADAME SAÏDI
Il n'y a pas de mots pour exprimer la douleur de nos cœurs.
Un tournage-intérieur jour
Aux studios de Séda o Sima, une équipe est réunie pour le tournage d'un
épisode de la série Les biens assis. Dans un décor de salon, Madame Saïdi
fait face à une jeune femme. La conversation est animée.
.31
MADAME SAÏDI
Ecoute-moi bien ma fille. Je te l'ai déjà dit des centaines
de fois. Ce garçon n'est pas pour toi. Il n'a pas de métier.
Pas de maison. Pas de voiture. Si je le revois par ici, je le
mets dehors et lui fais une manchette !
Tu m'as entendu ?!...
LA FILLE
Mère ! J'aime ce garçon... Il n'est pas celui que vous
pensez. Si seulement vous la connaissiez vraiment. (...)
MADAME SAÏDI
C'est lui qui va apprendre à me connaître s'il remet les pieds ici !
REZA ATTARAN
Cut !
REZA ATTARAN
C'était bien. Mais vous avez encore changé une phrase !
MADAME SAÏDI
Le dialogue n’est pas naturel, c’est ça le problème ! Tous vos
grands acteurs suent à grosses gouttes pour apprendre leurs
dialogues. Moi, non. Il faut que ce soit naturel. Que ça vienne
de moi. Je sais comment il faut parler aux jeunes femmes.
Faites moi confiance. Sans moi, votre film perdrait de sa
saveur !
.32
REZA ATTARAN
Très bien. A l'équipe. On fait une pause et l'on reprend
dans quelques minutes. Tout le monde reste sur le
plateau. En direction de la maquilleuse
Vois si tu peux faire quelque chose pour Madame.
MADAME SAÏDI
Ma fille, tu me rappelles ma sœur quand elle avait ton âge.
Sauf qu'à mon époque, on aurait jamais osé ce maquiller
comme vous autres ! Sauf pour notre mariage. J'avais 14 ans,
ma belle.
LE CHAUFFEUR
Excusez-moi Madame, vous me permettez moi de vous
poser une question ?
MADAME SAÏDI
Je vous en prie, vous êtes comme mon fils.
.33
LE CHAUFFEUR
Qu'est ce que cela fait à une femme respectable comme vous
de devenir célèbre ?
MADAME SAÏDI
Vous croyez que je me laisse avoir par les flatteries des
courtisans ?
C'est mal me connaître.
LE CHAUFFEUR
Mais l'argent ?
MADAME SAÏDI
L'argent ne change rien, croyez-moi…Enfin, j'ai pu faire
mon pèlerinage à la Mecque deux fois. Ça coute cher, c’est
vrai…
LE CHAUFFEUR
Que Dieu vous garde sainte femme…
Vous savez Madame, comme vous me voyez là, j'ai l'air de
rien. Un simple chauffeur de taxi qui use sa vie du soir au
matin dans cette ville. Mais, j'ai beaucoup voyagé. Malaisie,
Japon, Russie... J'ai un diplôme d'ingénieur civil. J'opérais sur
les grands chantiers. A l'époque du Shah... Personne n'est
plus à sa place de nos jours...
MADAME SAÏDI
On dit : « Prince et mendiant ne sont-ils pas égaux devant la
mort ?».
LE CHAUFFEUR
(...)
.34
Appartement Madame Saïdi – fin de journée.
MADAME SAÏDI
Vous savez parfois je me dis que le monde est comme un
plateau de cinéma. Nous sommes tous comme des acteurs.
Hommes et femmes. Nous faisons nos entrées et nos sorties.
Et durant notre vie nous jouons plusieurs rôles. Moi j'ai tenu
tant de rôles : jeune fille, épouse, sage femme, mère de
martyr, comédienne... Certains trouvent que leur rôle leur
convient. D'autres non. Et dans ce grand film qu'est notre vie
nul ne connaît le scénario. Pour certains elle est une comédie,
pour d'autres une tragédie. Moi j'improvise... L'important
c'est de jouer...
C'est ça non ?
NOUS
Oui, c'était pas mal. On en fait une autre ?
.35
MADAME SAÏDI
Vous m'excuserez mais je dois préparer le diner. A la jeune fille
Zahra, fais la conversation à nos invités pendant ce temps.
La jeune fille nous salue et vient s'asseoir en face de nous, pause son
cartable à côté d’elle. Elle semble gênée. Nous laissons quelques instants la
télévisions occuper le silence. A la télévision, un speaker annonce que « la
marine nationale se prépare à exécuter des manœuvres dans le sud du pays
pour faire face à la menace ennemie ». Nous engageons la conversation.
NOUS
Nous faisons un documentaire sur ta grand-mère. Cela
t'arrive d'en regarder.
ZAHRA
Oui. Sur le satellite. Mais chez des camarades. Je préfère les
films étrangers.
NOUS
Le métier de comédienne t’intéresse autant que ta grand-
mère ?
ZAHRA
Le problème en Iran, c'est qu'au cinéma, les femmes n'ont
jamais de rôles intéressants. C'est toujours la même chose.
Soit c'est la gentille femme au foyer soit la maîtresse
perverse. Elles ne sont jamais de vraies héroïnes de cinéma
qui prennent leur vie en main.
Après un silence :
.36
une fortune maintenant.
Madame Saïdi fait son apparition. Un album photo à la main. Elle le tend à sa
petite fille.
MADAME SAÏDI
Tiens Zahra chérie. Tu peux leur montrer les photos de Résa
et du village. Fais bien attention de ne pas leur montrer les
photos « privées ».
ZAHRA
Ma grand-mère ne veut pas vous montrer les photographies
où elle ne porte pas le voile… Elle est de culture
traditionnelle, vous comprenez ?
MADAME
Mon cher ! Réveille-toi ! L'avion vient d'atterrir. Il est
revenu !
MADAME SAÏDI
L'Imam ! Mon Dieu, de qui veux tu que je parle ?
.37
Elle se dirige avec précipitation vers la fenêtre pour regarder ce qu'il se
passe.
MADAME SAÏDI
Les voisins sont dehors. Viens voir. Il faut que nous allions
l'accueillir. L'Imam est revenu.
Sur le poste de télévision, l'avion Air France vient de s'arrêter sur le tarmac.
La porte s'ouvre. Khomeiny sort doucement et salue la foule d'un geste lent.
Une fois sur place. Il y avait une foule énorme. Sur une
estrade l'Imam était là. Il a parlé.
NOUS
Qu'a-t-il dit ?
MADAME SAÏDI
On ne pouvait pas entendre. Il y avait trop de monde.
.38
LE MARI
On a entendu le discours plus tard en regardant la
télévision.
Sur le poste de télévision Khomeiny est assis face à la foule. On lui installe un
micro. L'ambiance est chaotique. Il ne bouge presque pas. Et commence son
discours d'une voix lente :
« Nous avons connu de nombreux malheurs, le malheur des femmes qui ont
perdu leur mari, le malheur des hommes qui ont perdu leurs enfants et le
malheur des enfants qui ont perdu leur père. Quand je regarde ces enfants
qui ont perdu leur père, j’ai le cœur lourd. Je présente mes condoléances à la
famille et au peuple. Nous avons fait tant de sacrifices. À quoi ont-ils servi ?
Qu'a fait le peuple iranien pour mériter ça ?... »
MADAME SAÏDI
C'est l'histoire. Revenez, je vous en raconterai encore
d'autres. J'ai tant vécu...
.39
Bijan Anquetil
Né le 26 juillet 1978
77 rue de Vitry 93100 Montreuil
06 03 45 80 69 - bijanquetil@gmail.com
Né à Paris d’un père français et d’une mère iranienne. Après des études de Philosophie et
d’Anthropologie visuelle, il réalise une série de films documentaires en Iran. Il prépare
actuellement un projet de film, suite du film La nuit remue.
Filmographie
2014
2013
2012
2011
.40
2007
2004
.41
Paul Costes
Né le 28 octobre 1977, à Tarbes
134 rue de Rosny
93100 Montreuil
paulcostes@hotmail.com
06 03 34 87 06
Réalisations
Co réalisation avec Bijan Anquetil. Play film - Documentary and experimental film center / Iran
Festivals : Lussas / France - Doc Point Helsinki / Finlande – Doclisboa / Portugal - Tiburon IFF /
U.S.A - Les écrans du réel / Beyrouth.
Festivals : FID Marseille 2006 / Ecran parallèle Les Sentiers. - Les écrans du réel / Beyrouth.
.42
Projets en cours
Films d’atelier
Chef opérateur
Formation
.43
l'atelier documentaire privilégie l'expression d'auteurs animés par un fort
EN COURS
l ' a t e l i e r d o c u m e n t a i r e
CATALOGUE
Festival Cinéma du Réel (Paris/Beaubourg), Visions du Réel (Nyon), Open City Docs Festival (Londres)
Mediteran Film Festival ("iroki Brijeg – Bosnie-Herzégovine)
l ' a t e l i e r d o c u m e n t a i r e
Et que ça saute ! de Jeanne Delafosse
Fiction. Achat France 3 court-métrage. 12 minutes. 2013.
Festival Côté court (Pantin), Festival Off-Courts Trouville, Résistances (Foix), Flying Broom International
Women’s Film Festival (Ankara-Turquie)!
Ils ont de 10 à 17 ans et vivent dans les rues de Rio. Pixote et ses
amis n’attendent rien de la minute suivante, mais s’aiment, se
disputent, dessinent des cœurs et des maisons, mendient, volent,
s’embrassent, dorment sous la même couverture, chantent, crient,
crachent et se jettent dans la mer.
Prix à la Qualité du CNC. Festival Cinéma du Réel (Paris), Festival Côté Court (Pantin), Festival de
Douarnenez, Festival de Vendôme, Festival International du Film de l’Environnement (Paris), Festival Images de
a diversité et de l’Egalité (Paris – Cité de l’immigration), Festival échos d’ici et d’ailleurs (Labastide), Rencontres
cinématographique de Cerbère, Les écrans documentaires (Arcueil), Filmer à tout prix (Bruxelles). Mois du film
documentaire, Institut Français (Turquie). Catalogue du Forum des images.
Catalogue Images de la Culture du CNC.
l ' a t e l i e r d o c u m e n t a i r e
Le Printemps d’Hana de Sophie Zarifian et Simon Desjobert.
Co-production TVM Est parisien. Avec le soutien de la Haute-Normandie,
du CNC. 55 mn. 2013
Festival Cinéma du Réel (Paris), FIDADOC (Agadir), Alcances (Cadiz), Festival Millenium (Bruxelles), Festival Films
femmes de méditerranée (Marseille), Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen Orient (Saint-Denis), Films de
femmes de Salé (Maroc), Festival intergalactique de Brest, Festival Le réel en vue (Thionville), Mois du film
documentaire. Label Images en Bibliothèque.
Festival dei Popoli (Florence), Festival International du Film d’Amiens, Festival de Douarnenez, Festival
Résistances (Foix), Bobines Rebelles (Creuse), Festival Ecollywood (Lille), Biennale du film d’action sociale
(Montrouge), Festival du Film Engagé (Clermont-Ferrand), Fifi (Saint-Germain-de-Salles), Festival Itinérances
Tsiganes (Lyon), Festival Avril Tzigane de Chinon, Festival Nomades (Bordeaux), Festival des Libertés de
Bruxelles (vidéothèque), Exposition Gabi Jimenez, Auditorium de l’Hôtel de la Ville de Paris, École Nationale
Supérieure de la Photographie d’Arles, Conseil Général de Moselle, Goethe Institut (Nancy), Mois du film
documentaire! Catalogue Vu d’Aquitaine.
Cinédivercité (Poitiers), La ville dans tous ses états (La Rochelle), Fipatel (Biarritz), Dirtmor (Trévise, Italie), Mois
du film documentaire, Utopia.
l ' a t e l i e r d o c u m e n t a i r e
Bakoroman de Simplice Ganou
Collection Lumière d’Afrique. Co-production avec Diam prod / Africalia
Tv Rennes. 62 mn. 2011. Avec le soutien de la Région Aquitaine, de
l’OIF, du CNC, de la Procirep – Angoa, du IFF de Goteborg.
l ' a t e l i e r d o c u m e n t a i r e
des Français sans Histoire de Raphaël Pillosio
Co-production avec 24 Images / Le Mans Télévision.
Avec le soutien du CNC, de la Région des Pays de la Loire, de la
Région Poitou-Charentes et du Département de la Charente, de la
Fondation pour la mémoire de la Shoah. 84 mn. 2009
l ' a t e l i e r d o c u m e n t a i r e