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Lorsque l’éditeur Michel Brûlé m’a demandé si j’étais disponible pour écrire une
biographie non autorisée du chanteur Éric Lapointe, je me suis aussitôt rappelé
un incident qui s’est déroulé il y a plusieurs années. Mon gendre, le mari de ma
fille, un personnage sympathique, mais un peu baveux et téméraire, rencontre
Éric lors d’un soir de beuverie dans un bar. Les deux sont éméchés. Stéphane
— c’est le nom de mon gendre — ne veut pas quitter le bar avant d’avoir
terminé sa bière, même si l’heure de fermeture a sonné. Les doormen ont beau
insister, il n’y a rien à faire ; Stéphane revient sur place et répète qu’il ne partira
pas avant d’avoir terminé sa bière. Une bagarre éclate entre les deux. Éric
n’entend pas à rire. Il a beau être petit de taille, il a le bras long, et paf ! Il assène
un direct à la mâchoire de mon gendre, qui est, disons-le, déjà dans un état
d’ivresse fort avancé. Fin de la bagarre. Il est jeté à l’extérieur de
l’établissement, la face ensanglantée. Stéphane se retrouve ensuite au poste de
police tout près pour porter plainte, mais des policiers poursuivent le travail de
démolition d’un gars éméché. Fin de l’anecdote.
Je n’ai pas hésité longtemps avant d’accepter, mais je me suis dit : « J’espère
qu’Éric ne m’en voudra pas de faire ainsi intrusion dans sa vie, privée et
publique ; je ne voudrais pas qu’il m’assène un direct au menton. » Puis j’ai
pensé qu’il ne pourrait pas m’en vouloir, puisque nous sommes tous deux du
même côté de la barricade et que tout ce que je m’apprête à raconter a été public.
Donc, aucun secret, aucune révélation juteuse, aucun ragot — je n’ai rien
inventé —, mais un portrait le plus juste possible de l’homme et de l’artiste.
Je me suis souvenu qu’il avait fait un petit clip pour appuyer la candidature de
Pierre Karl Péladeau à la direction du Parti québécois, et je suis allé le visionner
de nouveau. « Enfin, un qui se mouille », je me suis dit. Peut-être que je me
trompais, mais il m’a alors semblé être le premier de la longue liste d’artistes et
de personnalités du milieu culturel qui allaient appuyer PKP par la suite. Je
pense qu’il est comme ça, Éric : il n’a pas peur de se mouiller. Du moins, je peux
l’affirmer après coup, après avoir parcouru, année après année, cette
histoire brève de sa vie mouvementée.
Voici ce qu’en disait l’aspirant chef à la direction du Parti québécois sur son
site web: « Le Québec est un Pays, Éric est son Rock.
C’est en pensant à son mentor, Pierre Bourgault, qu’Éric Lapointe a décidé de
m’appuyer.
Je suis Fan de la première heure du rockeur qui a vendu plus d’un million
d’albums, reçu la médaille de l’Assemblée nationale, des Félix, des records en
masse et qui soulève les foules en liesse.
De Terre promise à son dernier opus Jour de Nuit, Éric, avec ton soutien, nous
serons
gonflés à bloc.
Avec toi, dans Le Ciel de nos Combats, nous irons jusqu’au bout!»
J’ai toujours su qu’Éric était souverainiste. Comment d’ailleurs pourrait-il en
être autrement, avec toutes les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste qu’il s’est tapées
depuis des années ? Je ne l’ai jamais vu chanter lors d’un 1er juillet pour la fête
du Canada, comme l’ont fait quelques-uns de nos fleurons nationaux pour des
cachets qui en valent sûrement la peine. Mais ce n’est pas pour notre Éric
national, qui m’a toujours semblé être un homme de principes qui ne se laisse pas
acheter. Ne s’est-il pas entouré d’artistes qui n’ont jamais caché leurs options
politiques en faveur de la souveraineté du
Québec, que l’on parle de Michel Rivard, Richard Desjardins, Paul Piché,
Patrick Huard ou encore Luc Plamondon?
Ce que je savais de ce chanteur venait de ce que les journaux à potins et la
rumeur publique en ont toujours dit : un alcoolique et un polytoxicomane
inguérissable, un écumeur de bars à la recherche de sensations fortes, un
bagarreur prompt à réagir lorsqu’on l’insulte — et surtout, un homme à femmes
qui jouit d’un confortable statut de rock star. Une personnalité, donc, qui n’est
pas sans rappeler celle d’un autre chanteur, Serge Gainsbourg. Aussi, bien sûr, je
savais que c’était un immense artiste à succès reconnu à travers tout le Québec,
ce que les ventes de ses albums ne démentent pas. Qui peut se vanter d’avoir
vendu plus d’un million d’albums en si peu de temps et de voir chacun de ses
albums figurer en tête du palmarès des meilleures ventes ?
Alors, j’ai plongé, moi aussi, dans les rumeurs, dans les journaux et dans les
coulisses du showbiz pour tenter de dresser un portrait aussi fidèle que possible
de cet homme qui rêve grand, que ce soit pour lui-même ou pour le Québec.
1. 1994, l’année où tout a commencé
Marche ! Ou tu crèves
Faut que tu frappes le premier
Pas d’amis, pas de pitié
Cash ! Ou tu crèves
À genoux pour supplier
La grande idole en papier
Marche ou crève
(Éric Lapointe/Éric Lapointe, Stéphane Dufour)
Éric n’a que vingt-cinq ans lorsque le succès lui tombe dessus sans qu’il s’y
attende. Son album rock Obsession se vend à cent mille exemplaires. Et autant
sinon plus d’admirateurs se pressent aux portes des salles où il se présente. Il n’a
« aucune idée » de la raison de ce succès, affirme-t-il au journaliste Alain Brunet,
de La Presse, venu l’interviewer sur cette popularité inattendue pour un chanteur
rock québécois qui n’en est qu’à ses premiers balbutiements. Le rock québécois
est-il en manque de chanteurs emblématiques et de textes évocateurs de nos
désarrois et de ces peines d’amour que nous vivons tous, un jour ou l’autre ?
L’autre chanteur à la voix rauque, Gerry Boulet, est mort quatre ans plus tôt, et il
ne fait aucun doute qu’on s’en ennuie. « Nul n’est à l’abri/de ce mal sans merci »,
chante-t-il. Ce mal, sans le nommer, c’est l’amour, c’est cette passion dévoreuse
d’énergies, cette maladie d’amour que l’alcool n’arrive jamais à noyer. Cette
année-là, Kurt Cobain, du groupe Nirvana, un symbole du rock international, est
retrouvé mort chez lui. On connaissait sa dépendance à l’héroïne. Il s’est suicidé
à vingt-sept ans. Un mal aussi soudain que profond dont nul n’est à l’abri…
Éric Lapointe, lui, avec sa bouille de jeune poète maudit à la Rimbaud, rêve de
percer, de prendre sa place, quitte à bousculer ceux qui lui barrent la route.
D’ailleurs, ne chante-t-il pas, dans sa chanson Terre promise, qu’il n’a rien dans
les poches, qu’il marche au gré du vent le long des autoroutes, où « la bohème
n’appartient qu’à l’horizon » ? Me viennent quelques bribes du poème Ma
bohème, du jeune Arthur Rimbaud : « Je m’en allais, les poings dans mes poches
crevées ; mon paletot aussi devenait idéal ; j’allais sous le ciel, Muse, et j’étais
ton féal ; oh là ! là ! Que d’amours splendides j’ai rêvées ! » Rimbaud, comme une
sorte d’Éric Lapointe du XIXe siècle, brûlait lui aussi la chandelle par les deux
bouts. Même la fameuse toile de Fantin-Latour, Un coin de table, où l’on voit un
Rimbaud romantique et rêveur assis aux côtés de Verlaine, me rappelle la bouille
de notre adolescent rockeur, car à vingt-cinq ans, il nous semble encore empêtré
dans
l’adolescence, avec ses valses hésitantes, ses rêves immenses, ses descentes aux
enfers et ses coups de poing solennels, le tout orchestré en une mise en scène très
théâtrale. D’ailleurs, Éric l’a dit : « L’exil et la bohème sont des thèmes bien
adolescents.»
***
***
En février de cette année 2000, dans un sondage réalisé par SOM pour le compte
de La Presse et qui concerne, entre autres, les personnalités artistiques les plus
populaires, Éric Lapointe arrive en quatrième place avec 6,1 % des votes,
derrière Céline Dion (49,2 %), le Cirque du Soleil (11,1 %) et Claude Meunier
(9,8 %). Il devance à ce moment-là Julie Snyder, Jean Leloup et Luc Plamondon,
entre autres. En fait, les jeunes idolâtrent totalement la jeune rock star. Une
émission de Radio-Canada, Enjeux, se penche justement sur le phénomène de
l’idolâtrie et du fanatisme, et Éric Lapointe y est interviewé. Voici ce qu’en dit
Louise Cousineau, la chroniqueuse télé à La Presse : « Le cas d’Éric Lapointe
provoque une idolâtrie qui frôle le délire. Vous verrez une jeune femme dont
l’enfant est mourant. Les murs de la maison sont couverts de photos d’artistes :
c’est ça, dit la mère, qui a empêché le petit de mourir plus tôt. Il y a 50 ans, les
murs auraient été couverts d’images saintes. […] Aujourd’hui, elle persuade son
petit d’accepter les traitements en lui promettant qu’il va voir Éric Lapointe. Le
chanteur avoue qu’il ne sait pas quoi faire de tels appels, très nombreux.
“J’essaie de me sauver moi-même, je ne peux pas sauver les autres”, dit-il. Il
raconte qu’il lui arrive de signer des autographes sur la peau et qu’il a eu la
surprise de revoir son autographe tatoué. »
On s’arrache même son t-shirt (était-ce celui qu’il portait lors de sa dernière
performance au Spectrum ?) lors d’un encan vestimentaire à l’hôtel Marriott
Château Champlain à Montréal. Cet événement est organisé pour venir en aide
aux personnes handicapées en recherche d’emploi. Puis c’est au tour du
populaire anthropologue Serge Bouchard d’inviter Éric Lapointe à son émission
Histoire de chansons, à Télé-Québec, pour qu’il nous parle de son
processus créatif. Quel cheminement!
Pour le spectacle de la Fête nationale de l’année 2000, la plus grosse
production depuis les vingt-cinq dernières années, on réunit une trentaine
d’artistes au parc Maisonneuve, dont Luce Dufault, La Chicane, Louise
Forestier, Daniel Boucher et Éric Lapointe. Il y a de fortes chances pour que ce
spectacle soit marqué par la politique et orienté vers la promotion des idées
indépendantistes. Deux artistes du groupe n’ont jamais caché leur parti pris en
faveur de l’indépendance du Québec : Daniel Boucher, pour qui « il ne faut pas
avoir peur et le dire », et Éric, qui avoue d’emblée qu’il n’irait jamais « chanter à
la fête du Canada ». Seule Louise Forestier manifeste quelques réticences : « Les
Québécois ne sont pas tous nécessairement souverainistes », lance-t-elle, comme
si ce n’était pas évident. Le spectacle du 24 juin, qui est retransmis à la
télévision de Radio-Canada et diffusé également par TV5, est un mélange
vitaminé de folklore, de chansons québécoises et de rock.
Les artistes, énormément sollicités en cette période faste de l’année, ont à
peine le temps de reprendre leur souffle avant que le Festival d’été de Québec les
interpelle, avec une programmation très diversifiée, « une fête avec des couleurs
bien à elle, québécoise dans son esprit et internationale dans sa programmation »,
selon le nouveau directeur général du festival, Jean-Pier Doucet. On annonce
qu’il y aura plus de mille artistes provenant de vingt pays. Le groupe La Chicane
et Éric Lapointe s’affrontent sur les plaines d’Abraham pour le spectacle
d’ouverture. Les gens se demandent s’ils assisteront à un affrontement entre Val-
d’Or et Montréal, avec pour arbitres Michel Pagliaro, Gilles Vigneault, Plume,
Claude Léveillée, Luce Dufault, Kevin Parent, Sylvain Lelièvre, Les Cowboys
Fringants et bien d’autres ? Au terme de ce 33e Festival d’été de Québec, on
remet le prix Miroir Radio Énergie à Éric, le seul prix à être attribué à la suite
d’un scrutin populaire. Mais un peu avant, le jeune rockeur fait un saut en
Beauce pour participer à la sixième édition du Woodstock de Saint-Éphrem,
avec comme complices Claude Dubois, Daniel Boucher et les Frère à Ch’val. On
se dit que ça va brasser à coup sûr, alors que les organisateurs attendent plus de
60 000 joyeux campeurs.
Alors que la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de
musique (SOCAN) remet à Éric Lapointe, Roger Tabra et Éric Pineault une
plaque commémorative pour souligner le fait que la chanson Mon ange soit
restée à la tête du palmarès radio au cours des derniers mois, les organisateurs
des FrancoFolies 2000 donnent, pour la première fois, carte blanche à Éric
Lapointe, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, ainsi qu’un budget
pharaonique pour l’industrie d’ici, obtenu grâce aux droits de diffusion de
Radio-Canada : 400 000 $ ! On y voit et entend, entre autres, Nanette Workman,
Roger Tabra et Laurence Jalbert, ses complices de toujours. Ils interprètent une
vingtaine de chansons durant un spectacle d’une durée
prévue de deux heures.
Pour ce petit rockeur de l’est de la ville, c’est une première présence sur une
scène de la Place des Arts, et il se fait plaisir. « Un petit bout d’homme coincé
dans un semblant de smoking, sur fond de rideaux bordeaux tachés par un halo
de lumière. Figure angélique aux favoris rebelles, les lèvres à peine pressées sur
le micro. À ses côtés, un joueur de guitare d’allure flamenco, nœud papillon de
cabaretier. La Bohème, version Éric Lapointe. […] Une soirée “carte blanche”
somme toute réussie. Son armée de fans remplissant la salle — ainsi qu’une
partie de la scène transformée pour l’occasion en “bar” fumant —, Éric Lapointe
s’est fait plaisir à son premier passage à la PDA. […] Lapointe, armé de
musiciens inspirés (Luc Lemire au saxophone), avait la forme. […] Le rockeur
emblématique a livré l’essentiel d’un répertoire plus rock que ballade. […] La
mise en scène de Denis Bouchard nous aura fait oublier pendant deux heures la
froideur légendaire de la PDA, les danseuses ondulantes de Tendre fesse y étant
peut-être pour quelque chose », rapporte le journaliste de La Presse. La
testostérone est à l’honneur.
Le rockeur à la voix rauque participe également au spectacle de clôture en
hommage à Gerry Boulet, décédé il y a dix ans. Il y interprète, entre autres,
Ayoye. La formation mythique rock Offenbach est réunie pour cette occasion
avec Pierre Harel, McGale, Weso et Willi, comme au bon vieux temps, mais
d’autres chanteurs sont également sur scène pour mettre en valeur l’héritage de
Gerry, dont son fils, Justin Boulet, Claude Dubois, Daniel Boucher et Nanette
Workman, « la reine des rockeuses », qui entonne Georgia avec Vic Vogel au
piano. Le spectacle sera plus tard diffusé à Radio-Canada, dans le cadre des
Beaux Dimanches.
Ensuite, le Théâtre Hector-Charland, une institution très active dans le milieu
culturel de L’Assomption, dans la région de Lanaudière, invite une flopée
d’artistes de la chanson pour animer ses soirées, dont Éric Lapointe, Sylvain
Cossette, Lynda Lemay, Claude Dubois, Paul Piché, Jean Leloup, Claire
Pelletier, Zachary Richard et bien d’autres parmi les valeurs sûres.
Les 29, 30 et 31 août, Éric Lapointe, aux côtés de Lara Fabian et Sylvain
Cossette, est invité à participer aux trois spectacles que donne le chanteur
français Johnny Hallyday au Théâtre Saint-Denis, à Montréal. Il chante en duo
avec le rockeur français l’une de ses chansons favorites. Une grande absente :
Nanette Workman, qui a été à une époque l’amoureuse de Johnny. L’événement
Halliday a pour but de marquer les 40 ans de carrière de cet artiste habitué de
chanter devant des foules immenses en Europe.
Au début du mois de septembre, c’est le combat tant attendu entre le poète-
boxeur Stéphane Ouellet et le dur de dur Dave Hilton. L’humble poète prend le
dessus sur la brute, au grand plaisir des 18 000 spectateurs et plus qui se sont
donné rendez-vous au Centre Molson. Parmi ces spectateurs, un chanteur, Éric
Lapointe, ne passe pas inaperçu. Il n’a jamais caché ses sympathies pour Ouellet.
Il se serait même fait tabasser par un partisan de l’autre clan (certains parlent de
quelques motards). Résultat : une petite « souris » sur l’œil. Il se fait soigner par
le médecin de Stéphane Ouellet, qui doit lui faire deux ou trois points de suture
en haut de l’œil. L’affaire fait énormément de bruit. On se demande pourquoi il a
été ainsi agressé. Pour avoir ridiculisé un partisan du boxeur perdant ou pour
avoir affirmé que lui, il n’aurait jamais accepté de chanter à un mariage des
Hells, comme l’ont fait d’autres chanteurs ? Quoi qu’il en soit, Éric Lapointe doit
annuler la conférence de presse, prévue quelques jours après le combat de boxe,
où il est censé annoncer plusieurs projets. Mais il part tout de même pour le
Sénégal, où son disque À l’ombre de l’Ange est distribué et tourne à la radio.
Accompagné de cinq musiciens et six techniciens, il se produit le 23 septembre
au Théâtre national Daniel Sorano de Dakar.
À son retour d’Afrique, Éric donne un nouveau concert au Spectrum de
Montréal. Y a-t-il un lien avec ce qui s’est passé au gala de boxe au Centre
Molson ? Toujours est-il qu’une bagarre éclate entre un groupe de spectateurs à
la fin du spectacle. Éric Lapointe semble y avoir pris part. Coups de poing et
chaises volent dans les airs. Une victime doit même être transportée à l’hôpital,
souffrant d’une commotion cérébrale. Cette fois-ci, le chanteur est épargné, fort
heureusement. Mais il se peut fort bien qu’il s’agisse d’une nouvelle tentative
d’intimidation de la part de motards, tant et si bien que le second spectacle,
censé avoir lieu quelques jours plus tard, doit être annulé ; les billets ne se
vendent pas.
Selon La Presse du 26 octobre 2000, « seulement une centaine de billets
auraient été vendus pour son spectacle de samedi prochain, dans une salle qui
peut accueillir jusqu’à 1200 personnes. La dictature des motards ferait-elle fuir
les admirateurs ? Les deux faits sont-ils nécessairement liés ? Après une
vingtaine de concerts au Spectrum, Lapointe aurait-il tout simplement fait le tour
de la grande région montréalaise ? Serait-ce une combinaison de tout ça ?
Beaucoup de questions et bien peu de réponses. Une certitude toutefois : Éric
poursuit sa tournée québécoise automnale, qui le mènera du Tops de Laval au
Stirling de Joliette (20 décembre) et dont les meilleurs moments devraient
aboutir sur un album live. »
D’après ce qu’on raconte, exaspéré par toute cette publicité non désirée,
Lapointe aurait même bousculé un journaliste et un caméraman de TVA qui
faisaient le pied de grue devant chez lui. La scène a été filmée, mais n’est pas
diffusée au complet. Il s’agit d’une atteinte à la vie privée de l’artiste, invoque-t-
on en haut lieu. C’est la première fois, en quatre cents spectacles, qu’un tel
événement malheureux se produit. Éric se défend d’être lié au milieu des
motards criminels, et il ne peut tout de même pas contrôler les entrées à la porte
de ses spectacles. Mais sa réputation de rebelle lui colle toujours à la peau, et
Nathalie Petrowski, journaliste à La Presse, ne se gêne pas pour questionner le
chanteur : « Éric Lapointe n’est pas le premier chanteur à s’identifier à l’image
rebelle et romantique des Hells ni à les fréquenter en dehors des heures de
bureau. On pourrait même dire que la fréquentation purement récréative des
motards est un classique de la culture rock’n’roll. […] Ces liaisons dangereuses
s’expliquent aisément. Les motards projettent une image de rébellion et de non-
conformisme que les rockeurs comme Lapointe partagent. Mais surtout les
motards ont toujours du bon stock gratuit et abondant et ils peuvent toujours
compter sur le soutien “moral” d’une armée de pitounes qu’ils prêtent volontiers
à leurs amis. Comment y résister ? L’ennui, c’est que la fréquentation, même
purement récréative, des motards, n’est pas sans périls.»
Est-ce un geste d’apaisement, un signal de fumée pour faire la paix de la part
du chanteur ? Toujours est-il que pour la première fois, Éric Lapointe accepte
l’offre du magazine Sept Jours de poser avec sa blonde, son « ange » avec qui il
vit depuis cinq ans, et même de révéler son nom.
Pour le 22e Gala de l’ADISQ, animé par Guy A. Lepage le 5 novembre en
direct du Théâtre Saint-Denis, Éric Lapointe est en lice avec sept nominations,
dont celles d’interprète masculin de l’année (choisi non pas par l’industrie, mais
par le public), d’album rock de l’année, de chanson populaire de l’année (choisie
par vote téléphonique le soir du gala), avec Mon ange, et de spectacle de l’année.
Il mérite le Félix pour le meilleur vidéoclip de l’année avec Mon ange. Puis, à la
soirée de la remise des prix, Éric repart les bras remplis par trois autres Félix :
album de l’année/meilleur vendeur (avec des ventes de 220 000 exemplaires
pour À l’ombre de l’Ange), album de l’année/rock et spectacle de l’année/auteur-
compositeur-interprète.
Éric esquive les questions des journalistes à propos des derniers événements
que l’on connaît. Concernant le Félix du meilleur vendeur pour la chanson À
l’ombre de l’Ange, il parle d’un trophée « statistique » qui revient « à toute la gang
qui a permis d’en faire un succès ». Puis, il ajoute : « J’espère que le feu est éteint
et que ce soir, les médias sont assez énervés de même. » On sait tous qu’Éric
n’est pas doué pour les discours, « mais écoutez les premiers accords d’intro de
Mon ange, et vous allez arrêter tout sauf le disque. Zéro pour la parlotte, Éric
Lapointe, mais tout là pour la chanson qui vous chavire le cœur, qui vous
transporte», nous dit la journaliste de La Presse Louise Cousineau.
Loin de se retirer dans ses terres pour célébrer son triomphe à l’ADISQ, Éric
Lapointe plonge sur la patinoire. Il est de la distribution des Boys III, avec
Patrick Huard, Marc Messier, Rémy Girard et d’autres joueurs de hockey. Les
deux premiers volets des Boys ont rapporté beaucoup, plus de six millions de
dollars pour le premier et cinq millions et demi pour le second.
De la patinoire givrée au tapis vert feutré de la table de billard, il n’y a qu’un
pas à franchir, et Éric le fait allégrement. Il annonce en grande pompe le premier
Classique Éric Lapointe, un tournoi de billard qui servira à amasser des fonds
pour le Refuge des jeunes, la grande cause de Dan Bigras. Le tournoi se déroule
le 6 décembre 2000 au Mont-Royal Billard, avenue du Mont-Royal Est, sur le
Plateau. Des vedettes de la communauté artistique ont été invitées à participer à
ce tournoi amateur, et plusieurs sont présents pour soutenir cette noble cause,
mais aussi pour se mesurer au « Petit Roi du rock ». Il y a Dan Bigras, bien
évidemment, puis Daniel Boucher, Yvon Lambert, et Patrick Huard. Surprise :
Gilles Vigneault est présent, ainsi que quelques autres joueurs. Soixante-quinze
pour cent des frais d’inscription vont au Refuge des jeunes, et l’autre partie est
remise au grand gagnant du tournoi. Dans l’éventualité où Éric Lapointe
remporterait le tournoi, il s’engage à remettre alors son prix à Dan Bigras, pour
le Refuge.
Une cause n’attendant pas l’autre, Éric et Tabra s’unissent pour produire un
CD d’une chanson, à l’initiative du Centre pour hommes opprimés et colériques
(CHOC), un organisme d’aide pour hommes violents qui célèbre son quinzième
anniversaire. La chanson s’intitule Papa, pourquoi tu cries ? et parle du problème
de la violence conjugale et
familiale.
Par ailleurs, Yves-François Blanchet, l’agent et l’imprésario d’Éric Lapointe,
annonce que son agence, YFB, représentera désormais d’autres artistes comme
Laurence Jalbert, Nancy Dumais et Mélanie Renaud. Nancy Dumais, qui lance
un deuxième CD au début de 2001, fait la première partie des prochains
spectacles d’Éric Lapointe, au Club Soda, cette fois du 28 au 30 mars 2001.
Quelques jours avant le jour J, Éric invite ses admirateurs à une session de
clavardage sur le site Web du Club Soda. Éric, on le sait, a toujours été très
présent pour ses admirateurs.
***
C’est l’été, et le jeune rockeur est toujours aussi en demande. Son étoile est
loin de pâlir, comme certains le craignaient à la suite des événements violents
survenus plus tôt. Il n’a guère le temps de songer à la paternité ou à des vacances
avec sa blonde. Un soir, on le trouve à Saint-Hyacinthe pour chanter avec sa
joyeuse bande à l’occasion d’un méga party pour l’association des célibataires, et
un autre soir, il est dans le Vieux-Beloeil pour le Festibel, en compagnie de Yelo
Molo et Plume Latraverse, recevant la visite surprise de Patrick Huard. Une
autre fois, il est sur le sable de la plage de Rawdon, en compagnie de Daniel
Boucher et Laurence Jalbert, pour le EauShow, ou alors aux FrancoFolies, invité
sur la scène par le trio Dubmatique en compagnie de La Orchestra Cubana. Puis
il se retrouve au parc Jarry, devant 10 000 spectateurs de La Fureur animée par
Véronique Cloutier, où Éric est accompagné à la guitare par le gardien de but
José Théodore. Et ça, c’est quand il n’écrit pas une nouvelle chanson avec Tabra
pour un jeune prodige, Matt Laurent, qui s’est fait connaître surtout avec le
personnage de Quasimodo dans la comédie musicale Notre-Dame de Paris, ou
pour Mélanie Renaud, la choriste d’Éric lors de l’enregistrement de Mon ange,
ou alors pour Luce Dufault avec son nouvel album, Au-delà des mots, ou encore
pour Caroline Néron, qui entend mener une nouvelle carrière de
chanteuse «libre et respectée».
Éric foule le tapis rouge à l’occasion de l’ouverture du restaurant Le Lychee,
sur le boulevard Saint-Laurent, auquel s’est associé Garou. Il participe de
nouveau à une émission télévisée, invité par Maman Dion, qui concocte toutes
les semaines ses fameux brunchs. Et un autre soir, il est au 34e Festival d’été de
Québec pour rendre un hommage à Dédé Fortin des Colocs, en compagnie de
nombreux autres chanteurs. Il fait deux chansons : Mauvais caractère et Juste
une p’tite nuitte. Ouf ! Juste avant lui, Manu Chao a soulevé la foule des
festivaliers rassemblée sur les plaines d’Abraham en interprétant ses principaux
succès, dont Babylon et Esperanza.
Les 4es Jeux de la Francophonie ont lieu dans la région de Hull-Ottawa, du 14
au 24 juillet. Il s’agit d’un événement important, voire gigantesque, qui dispose
d’un budget de plusieurs millions de dollars. Ces jeux à caractère olympique
comportent leur volet culturel compétitif, avec chansons, danse, littérature,
peinture, sculpture, photographie et arts de la rue. Le 14 juillet, c’est la soirée
d’ouverture, ainsi qu’un point culminant, puisque c’est également la Fête
nationale des Français. Dominic Champagne en assume la conception et Ginette
Laurin, la chorégraphie. Alexis Martin se charge des textes, qui sont lus par le
comédien Pierre Lebeau, tandis que l’organisation est confiée à un spécialiste
qui en a vu d’autres, Guy Latraverse. Ce dernier en dira plus tard qu’il s’agissait
de sa plus grosse production à vie.
De très nombreux artistes y participent, et tous les énumérer ici serait trop
long, mais mentionnons Éric Lapointe, Robert Charlebois (qui ne peut participer
à la fête à cause d’un léger malaise), Claude Dubois, Diane Dufresne, Jean-
Pierre Ferland, Daniel Lavoie, Roch Voisine et Isabelle Boulay, nommée
ambassadrice de ces jeux. Luc Plamondon est mis à contribution pour la chanson
officielle de ces 4es Jeux de la Francophonie. C’est dans de telles circonstances
que naît la chanson L’un avec l’autre, une sorte de We Are the World en français.
Isabelle Boulay en est l’interprète, mais elle est accompagnée par la voix
d’autres chanteurs de la francophonie, comme Khadja Nin, Hélène Ségara,
Natasha St-Pierre, Patrick Fiori, Garou, Véronic Dicaire et Éric Lapointe, entre
autres.
Le spectacle tant attendu, le dernier bébé du producteur Guy Latraverse, a pu
voir le jour grâce à un budget de trois millions de dollars. On n’a pas lésiné sur
les effets spéciaux, les contrastes et les grosses vedettes. Il y a Diane Dufresne,
Jean-Pierre Ferland, Isabelle Boulay, Roch Voisine, Marie-Jo Thério, Zachary
Richard, Daniel Bélanger Véronic Dicaire, Loco Locass et plusieurs autres. Ils
ont tous livré de puissantes performances. Mais les chefs d’orchestre, qui ont
assuré la couverture musicale du spectacle extraordinaire et qui ont travaillé dans
l’ombre de cette gigantesque organisation, sont à féliciter tout autant. Dominic
Champagne à la mise en scène, Alexis Martin à l’écriture des très beaux textes
narrés avec professionnalisme par Pierre Lebeau, et Ginette Laurin à la
chorégraphie, ont accompli un travail de haut calibre. Le spectacle retraçait en
chansons, en danses, en acrobaties, les 400 ans d’histoire de la langue française
au Canada, depuis l’arrivée de Jacques Cartier jusqu’aux déchirements
linguistiques d’aujourd’hui, en passant par la déportation des Acadiens. La scène
a
littéralement vibré lorsque Diane Dufresne a chanté Mon pays, lorsque Marie-Jo
Thério a interprété un déchirant Mummy Daddy, lorsqu’Isabelle Boulay et Jean-
Pierre Ferland ont uni leurs voix pour chanter Un peu plus haut, lorsque les
effets spéciaux ont cédé le pas à la simplicité pour que les artistes entonnent Ils
s’aiment, de Daniel Lavoie. Et des moments d’énergie pure également, avec la
présence des uniques Loco Locass qui ont rappé Malamalangue, de France
D’Amour et de Luck Mervil (C’est un mur), d’une Diane Dufresne égale à elle-
même avec Oxygène, et d’Éric Lapointe semant ses Bombes à tous vents.
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Éric est un grand amateur de boxe, c’est connu, et on le voit presque toujours
lors des grands galas de boxe. Le samedi 9 octobre, le réseau des sports de TVA
pense l’inviter comme analyste pour commenter les combats principaux, l’un
opposant Joachim Alcine à Fernando Hernandez et l’autre opposant Alain
Bonnamie à Martin Berthiaume. Il s’acquitte de cette mission avec brio.
En novembre, l’agent d’Yvon Deschamps lance un coffret CD qui renferme
les grands moments de la carrière de l’humoriste. Pour lui rendre hommage, on
demande à une trentaine de chanteurs et à une quarantaine d’humoristes de
chanter une petite phrase de la chanson phare de Deschamps, Aimons-nous
quand même, écrite en 1970. Éric Lapointe est du nombre, aux côtés de Louis-
José Houde, Marc Labrèche, Stéphanie Lapointe, Jean-Pierre Ferland, Gilles
Vigneault, Céline Dion, Ginette Reno et bien d’autres. Désormais, personne ne
peut nier qu’Éric Lapointe, le rockeur, fait partie de la grande famille des artistes
québécois les plus appréciés.
8. L’infatigable oiseau de nuit Coupable, je plaide
l’homme facile
Coupable, oui, j’ai blessé des femmes fragile
Coupable, enchaîné à la beauté, incapable [de résister Prisonnier de leurs corps pour
l’éternité
Coupable
(Éric Lapointe/Éric Lapointe, Stéphane Dufour)
***
C’est déjà le temps des 18es FrancoFolies, et on annonce une ambiance festive
des plus contagieuses. Luck Mervil est désigné pour inaugurer les festivités,
tandis qu’Éric Lapointe, « LE bum du Québec », pour reprendre l’expression de
la journaliste Émilie Côté, assure la clôture de ces FrancoFolies des plus
colorées. On lui donne la carte blanche pour le choix de ses invités. Il est tout de
même du spectacle d’ouverture à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts,
en compagnie de Loco Locass, Boom Desjardins, Marco Calliari, Monique
Fauteux, Marc Déry, Stéphanie Lapointe et le groupe Mes Aïeux.
Cette année-là, les FrancoFolies rendent hommage à Serge Fiori. À propos de
sa carte blanche, Éric garde le secret jusqu’au dernier moment. La seule
contrainte : ses invités doivent chanter ses chansons à lui. Il n’y a qu’une seule
exception, « parce qu’il me fait l’honneur de venir sur mon stage, et j’en suis très
honoré », précise-t-il d’un ton respectueux au journaliste de La Presse.
Impossible de savoir de qui il s’agit. Il raconte au même journaliste, Alexandre
Vigneault, que lorsqu’il montera sur la scène des FrancoFolies, ce sera vraiment
un moment très émotif pour lui, car il se souviendra que sa carrière a débuté un
même jour, en 1994, et qu’il a alors commencé à croire que sa vie pourrait être
coulée dans le rock. « Depuis, poussé par le vent de popularité qui ne se dément
pas, il sillonne le Québec en tous sens et, à chaque spectacle, des centaines ou
des milliers de “quelqu’un” l’attendent. Il a beau avoir l’impression de lancer les
dés à chaque nouveau disque, Éric Lapointe est l’un des rares artistes d’ici que le
succès n’a jamais quittés. Au train où vont les choses, il franchira avant
longtemps le cap du million d’albums vendus. Son bassin de fans lui est fidèle,
mais il n’ose pas le tenir pour acquis. Il est du genre qui doute. Il ose tout au plus
se sentir privilégié de faire partie de la vie de ces gens », écrit Vigneault dans La
Presse.
Il raconte aussi qu’il va chanter, comme il le fait lors de chaque spectacle
depuis 12 ans, sa chanson porte-bonheur, Terre promise. « Nul n’est à l’abri/De
ce mal sans merci/De l’appel de la patrie/Que j’entends aujourd’hui. » « Je n’ai
jamais passé un show sans la faire. Ce n’est pas parce que je suis superstitieux,
mais… C’est un peu comme un porte-bonheur. Et j’espère que les gens vont me
faire le bonheur de la rechanter avec moi », assure-t-il. Il révèle aussi que pour
son prochain album, il n’y aura que des textes écrits par des femmes. Il a
demandé à des poètes, des politiciennes, des parolières, des femmes journalistes
de lui écrire des chansons, et il choisira les textes qui l’inspirent le plus. Il veut
avoir un autre point de vue que le sien ou celui des hommes, car il est persuadé
que les femmes ont une façon différente d’aborder les grands thèmes comme
l’amour, la vie, la mort et l’amitié.
Finalement, le Jour J arrive, et Éric Lapointe, qui doit fermer le bar des
FrancoFolies en ce dimanche 18 juin, appelle des renforts. On voit apparaître sur
scène ses vieux chums, Daniel Boucher et Kevin Parent. Le Vent, la Mer et le
Roc sont de nouveau réunis, comme il y a trois ans. C’est une grosse surprise :
personne ne s’y attendait. Il y a également Steve Hill, Mélanie Renaud,
Sébastien Plante et Pascal Dufour, du groupe Les Respectables. Lapointe lance :
« Ça va, la gang ? Ostie que vous êtes beaux à voir. Êtes-vous prêts pour un
party? Y a-tu du monde stone icitte à soir?»
« Déjà les spectateurs avaient le poing en l’air et roulaient des hanches au son
de Marie Stone. […] On connaît Lapointe, il ne le fait pas à moitié, son métier.
Hier, ses musiciens et lui ont une fois de plus donné un spectacle haut en
décibels et en intensité. […] C’est après avoir demandé au public : “Avez-vous
du fun, câlisse ?” que Lapointe a accueilli sur scène Kevin Parent et Daniel
Boucher au son de Terre promise : “Poussé par le vent/Rien dans les poches j’me
promène/Au gré des saisons/Poussé par le vent/Au chemin je m’accroche, la
bohème/N’appartient qu’à l’horizon.” Inutile de préciser que ça criait et que ça
tapait des mains devant la Place des Arts », rapporte la journaliste Émilie Côté,
dans La Presse.
Puis le clou de la soirée arrive enfin : Pagliaro en personne, avec ses éternels
verres fumés noirs, et il est accompagné de sa femme, Stephend. Il est le seul
autorisé à chanter autre chose que du Lapointe. Sans se faire prier, il entonne
aussitôt Dangereux : « Allumé dans la tronche/On va jusqu’au bout/C’est
dangereux/C’est un jeu dangereux. » Là encore, les gens crient et tapent des
mains. « Un vrai party de 18 ans [comme les FrancoFolies de Montréal]. Qui de
mieux qu’Éric Lapointe pour fermer le bar?» conclut la journaliste.
Pendant ce temps, la chroniqueuse télé de La Presse, Louise Cousineau, une
admiratrice avouée du rockeur à la gueule d’ange, nous apprend que le nom
d’Éric Lapointe est mentionné à quelques reprises dans la section « Qui aimeriez-
vous avoir comme père ? », selon un sondage organisé par KARV, l’anti-gala de
la chaîne VRAK-TV. Mais de toute évidence, Éric Lapointe n’est pas choisi
comme modèle de père cette année-là. L’année précédente, l’humoriste Louis-
José Houde a été élu dans cette section. Lors de chaque édition, le public est
appelé à voter dans une quinzaine de catégories.
Peu après, Éric Lapointe doit démontrer, si c’est vraiment nécessaire, sa fierté
d’être Québécois en participant à la Fête nationale au parc Maisonneuve, en
compagnie de Garou, Nanette Workman, Mélanie Renaud, Chloé Sainte-Marie,
Ariane Moffatt et Pierre Lapointe, entre autres, ainsi que d’un orchestre de douze
musiciens. Normand Brathwaite anime, pour la troisième année consécutive,
cette grande fête de notre fierté nationale, qui est diffusée à la télé de Radio-
Canada. Interviewé par la journaliste Isabelle Massé, pendant les répétitions,
Lapointe avoue qu’il a beaucoup voyagé, en Europe et en Afrique, et qu’il en est
venu à la conclusion que le plus beau pays au monde, c’est le Québec.
Le comédien Raymond Bouchard fait la lecture d’un texte patriotique devant
quelque 250 000 personnes, face à une mer de drapeaux fleurdelisés. « Plusieurs
pots-pourris ont ensuite rendu hommage à la carrière d’artistes québécois
d’adoption ou de naissance. […] Éric Lapointe a présenté un potpourri de ses
titres très rock’n’roll : Priez ! (“Nuit de fous/Rush d’adrénaline/Rendez-
vous/Pour les jeux sublimes”), Terre promise, La Bartendresse (“C’est une
princesse vraiment unique/c’est la sirène des alcooliques/On lui parle comme
une amie/C’est une déesse de la nuit…”) et Bobépine, tandis que les
DobaCaracol ont interprété quatre de leurs chansons aux rythmes africains et aux
textes en français, accompagnées par une Ariane Moffatt très en forme. Question
Solo, Ariane Moffatt (Retourne chez elle), Pierre Lapointe (La forêt des mal-
aimés) Éric Lapointe (Coupable) et Garou (Je suis le même) ont présenté des
titres de leurs plus récents albums. […] En fin de soirée, Normand Brathwaite,
Pierre Lapointe et Éric Lapointe ont poussé la chansonnette et esquissé quelques
pas de danse sur la Bitt à Tibi pour le plus grand plaisir du public. […] Éric
Lapointe a chanté les louanges des nuits de Montréal », rapporte la journaliste
Anabelle Nicoud, dans La Presse.
Le 6 juillet, Éric Lapointe se produit sur les plaines d’Abraham, à l’occasion
du 39e Festival d’été de Québec. Plus de 30 000 spectateurs se sont massés
devant et le réclament, chantant ses chansons et dansant, les poings en l’air.
C’est le spectacle d’ouverture, et le rockeur à la gueule d’ange casse la glace
avec un orchestre de trente musiciens. Sa performance est telle que le public lui
remet par la suite le Miroir du spectacle le plus populaire. L’autre Lapointe,
Pierre de son prénom (aucun lien familial), reçoit le Miroir de la chanson
française pour la qualité de sa composition, de son interprétation et de
l’originalité de son œuvre. Les prix sont assortis d’une bourse de 2 000 $.
En attendant la suite, Laminé Touré, le fondateur du festival Nuits d’Afrique,
à Montréal, se donne une mission : il rêve de faire connaître Éric Lapointe aux
Africains en l’invitant à faire une tournée panafricaine. Pourquoi pas ? S’il a été
capable d’amener au Québec des groupes africains, pourquoi le contraire serait-il
impossible ? « Les Africains ne seraient pas très impressionnés par nos artistes
qui jouent leurs styles musicaux. On veut des artistes plus représentatifs du
Québec et du Canada. Je pense à Éric Lapointe, à Sylvie
Desgroseilliers et à Michel Cusson », avoue Touré.
Lorsqu’on le sollicite pour aider une bonne cause, Éric n’hésite jamais. Aussi,
il accepte de participer au Mixaide, une soirée de financement pour Médecins du
Monde Canada, organisée par le docteur Réjean Thomas à la salle Loft du
Musée Juste pour rire. Cette ONG est engagée dans la lutte contre le sida un peu
partout dans le monde et dans l’aide humanitaire en cas de catastrophe. De
nombreuses personnalités des milieux culturel et politique acceptent d’y
participer dans la bonne humeur, puisque les participants sont invités à se
maquiller en arrivant sur place et même à effectuer quelques pas de danse sur
des rythmes technos ou autres, selon les DJ qui se succèdent à la console et dont
fait partie justement Éric Lapointe.
Au mois d’août, comme tous les ans à pareille date, l’International de
montgolfières de Saint-Jean-sur Richelieu ouvre son ciel au grand public venu
de tous les coins du Québec et d’ailleurs. Et encore une fois, de gros noms du
showbiz québécois foulent les planches, à l’ombre des montgolfières. Pour le
« show du ciel », Garou invite deux de ses amis, Natasha St-Pierre et Éric
Lapointe. Ce dernier n’en est pas à ses premières armes à cet événement des plus
courus, où les organisateurs accueillent toujours avec beaucoup
d’empressement les artistes invités.
Quelques jours plus tard, on le retrouve au Centre culturel de Joliette, pour la
continuation de sa tournée de Coupable. Entre-temps, Éric a écrit et enregistré
une chanson thème intitulée Tattoo pour le film Bon Cop Bad Cop, dans lequel
joue son ami Patrick Huard. « Danse comme si t’avais la rage/Viens cracher
devant ma cage/Danse pour lécher la mort/Donne-moi les clés de ton corps. » La
chanson est mise en nomination au 27e Genie Awards, à Toronto. Mais qu’on se
rassure, Éric demeure à Montréal, et il participe au spectacle du 15e anniversaire
du groupe Les Respectables, au Centre Bell, devant 7500 admirateurs. D’entrée
de jeu, Les Respectables entonnent la chanson On fait c’qu’on veut, en duo avec
Éric : « C’est à l’époque où l’on voyageait/La tête en fête et pleine de projets/Le
tour du monde dans un camion minable et désuet… » La fête vient de
commencer, et d’autres artistes invités s’y greffent. Le Cirque du Soleil a même
délégué quelques acrobates pour accompagner la chanson Plaisir : « Plaisir, qui
suis-je pour te fuir/Serait-ce un autre manque d’intuition/Ou l’angoisse d’une
autre désillusion ?»
Jean-Pierre Ferland a nettement moins de chance, car un AVC le terrasse alors
qu’il est en pleine répétition pour ce qu’il a qualifié de dernier spectacle de sa
vie. L’incident se produit un vendredi 13 octobre au Centre Bell, alors qu’on
affiche complet. Le spectacle est censé se dérouler devant huit mille spectateurs,
dont des centaines d’invités et d’amis : Gilles Vigneault, Éric Lapointe, Isabelle
Boulay, Kevin Parent et Claude Dubois, pour ne nommer que ceux-là. Mais le
spectacle est tout simplement reporté, le temps que Ferland se remette et
récupère. Sur le carton d’invitation du premier spectacle de sa tournée d’adieu,
qui commençait par le Casino de Montréal, il a écrit : « Je ne veux pas vous dire
adieu, mais je vous avoue que je suis sur mon départ. » À la suite de son AVC, il
doit subir une intervention chirurgicale, car ses médecins ont diagnostiqué un
rétrécissement de son artère carotidienne droite.
Au Gala de l’ADISQ, en octobre 2006, Éric est invité à participer à un
hommage à Diane Dufresne. Outre Lapointe, il y a quatre autres chanteurs :
Daniel Lavoie, Daniel Boucher, Vincent Vallières et Pierre Flynn. Accompagnés
par Benoît Brière et tous vêtus de noir, ils sont invités à chanter la chanson Que
de Diane Dufresne : « Rien n’est impossible, je veux bien y croire pour des
années/Je tourne la page au marchand de sable le plus redouté/Mes nuits
d’enfant sage ont tellement changé que sur l’oreiller/Je regarde un ange endormi
sur mon cœur… » C’est une chanson extrêmement difficile à interpréter et que la
Diva a chantée en 2002, lors du concert Liberté surveillée.
Au début du mois de novembre, les 20es Coups de cœur francophones ont lieu.
Pour démarrer en beauté, on a pensé à organiser une soirée en hommage à Plume
Latraverse, au Spectrum de Montréal. Malheureusement, comme il fallait s’y
attendre, le principal intéressé, Plume, brille par son absence. Comme les absents
ont toujours tort, la soirée d’hommage est des plus enlevantes et originales. On y
voit même Gilles Vigneault et Éric Lapointe réunis sur une même scène. On a
droit à des duos inespérés, comme ceux de Damien Robitaille et Pierre Lapointe,
Marc Déry et Louise Forestier, ou Thomas Hellman et Romulo Larrea. Une
bonne partie du répertoire du « grand flan mou » y est interprétée. Éric Lapointe
chante pour sa part Les pauvres avec toute l’intensité qu’on lui connaît : « Les
pauvres ont pas d’argent/Les pauvres sont malades tout l’temps/Les pauvres
savent pas s’organiser/Sont toujours cassés… » Au même moment, à l’approche
des Fêtes de fin d’année, Lapointe sort une nouvelle compilation intitulée
N’importe quoi (1994-2006). Elle atteint rapidement le top du palmarès des
disques. Puis, au début de décembre, il participe au 30e Téléthon de la recherche
sur les maladies infantiles, en direct du Complexe sportif Claude-Robillard, en
compagnie de Nicola Ciccone, Dany Bédar, Wilfred LeBouthilier, Marie-
Chantal Toupin, Jonas, Annie Villeneuve, etc.
L’événement est diffusé sur les ondes de TQS.
Noël approche, et c’est le retour des parties du temps des Fêtes. Fidèle à son
habitude, c’est la 7e année consécutive qu’il organise son party des fêtes, lequel
est devenu une véritable tradition, et pour ne pas décevoir ses admirateurs, Éric
réserve à nouveau le Métropolis pour le 31 décembre. Comme s’il avait besoin
d’une répétition générale, il se retrouve au même endroit quelques jours
auparavant, soit le 26 décembre. Ainsi, personne ne peut trouver une excuse
raisonnable pour ne pas avoir assisté et surtout participé au party d’Éric Lapointe
à Montréal. Auparavant, il s’est réchauffé la voix le 23 décembre à Québec, au
Grand Théâtre, puis au Palais des sports de Jonquière le 28.
À ses côtés pour faire la fête, il y a Andrée Watters. Au journaliste Alain de
Repentigny, de La Presse, il dit à propos d’elle que c’est une « fille tellement
sweet, simple, professionnelle. Elle, tu ne te poses pas de question, tu lui
demandes n’importe quoi et quand elle arrive le lendemain, c’est fait avec un
professionnalisme incroyable. En plus, elle performe, elle est belle à voir aller
sur le stage. » De Daniel Boucher, il dit : « Il a un charisme évident. Un autre
professionnel qui n’est pas compliqué et qui a une signature que personne ne
peut imiter. Daniel est là pour longtemps. Un autre qui va s’imprégner dans le
code génétique des Québécois. D’une certaine façon, je suis tombé en amour
avec ce bonhomme-là la première fois que je l’ai rencontré. » Son frère Hugo
Lapointe est également sur scène : « J’ai changé ses couches et je lui ai donné sa
première guitare, une des miennes. Je l’adore. Il a un talent fou. Le monde a
toujours tendance à nous comparer alors qu’on est deux gars très différents. » Il
ajoute que de toute façon, il a toujours fait à sa tête. De Martin Deschamps, il
raconte : « Il est spectaculaire. Avec lui, il n’y a jamais de problème. Il a
surmonté des obstacles crissement plus gros que ça. Il a une voix large comme la
planète, tu lui fais faire du rock, de la ballade, des harmonies, il a une oreille de
fou, il m’impressionne chaque fois. Écoute, voir quelqu’un jouer de la basse
avec un moignon aussi bien que quelqu’un qui a cinq doigts… Il a toujours le
sourire, c’est un grand bonhomme. Envoie donc un fax à Jeff Fillion pour lui
dire ça ! (Rires). » Et finalement, à propos de Marjo, l’autre comparse en cette
veillée de fin d’année, il dit : « C’est une icône, elle fait partie de nos vies. Elle
sait ce qu’elle veut et ce qu’elle ne veut pas. Je suis comme ça, moi aussi. […]
Quand le premier accord de guitare décolle, elle redevient adolescente et elle se
met à briller. J’ai vu son dernier show, on dirait qu’elle a vingt ans. »
« On va faire beaucoup de Marjo, de Corbeau, comme l’année passée on faisait
beaucoup de Paul Piché, parce qu’ils font partie de nos vies, ils sont imprégnés
dans notre code génétique », explique-t-il au journaliste Alain de Repentigny. Il
ne veut pas que ses invités en profitent pour lancer leurs nouvelles chansons ; il
préfère que tout le monde chante ses chansons les plus connues et ses succès.
Comme ça, les gens pourront chanter avec eux. Il faut au moins trente-cinq
chansons, selon lui, pour remplir l’espace musical de la soirée. Cette année, son
ami Patrick Huard n’est pas présent, car il est épuisé. Alors, c’est Lapointe qui
doit voir à tout, « jouer à la police » et voir à la mise en scène. Il doit mettre les
bouchées doubles, et c’est visiblement épuisant.
D’ailleurs le chanteur s’en explique à Alain de repentigny : « Comment je fais
ça ? La réponse est toute simple : je ne dors pas. À occuper plusieurs chaises, tu
deviens épuisé. Cette année, je trouve ça un peu plus rough, parce que je suis
vraiment tout seul. Pat (Huard) a vraiment le sens de la mise en scène. Dans mes
shows à moi, il n’y a jamais eu de mise en scène. J’ai toujours voulu que ce
show-là soit instinctif. On m’a proposé de le faire en télé, j’ai refusé parce que
ça gâcherait tout.. »
« Ces spectacles des Fêtes bouclent une belle année de tournée pour Lapointe,
soulignée par la parution de 1994-2006 : N’importe qui, un CD et un DVD
regroupant ses grands succès », poursuit le journaliste.
Lors du même entretien, Éric continue : « J’avais peut-être envie de faire le
bilan. Tout s’est passé tellement vite, j’ai l’impression que ça vient de
commencer. J’ai bâti une belle équipe, on est tous rendus des vieux chums, des
pères de famille — je ne parle pas pour moi. Il ne s’agit pas de faire un virage,
mais peut-être juste de faire le point parce qu’on n’a jamais arrêté. Quand on
arrêtait, c’était pour entrer en studio, faire des albums ou de la musique de film,
écrire des tounes pour les autres. De toute façon, je n’ai jamais voulu prendre un
break, c’est là que je vire fou. »
Au début du mois de janvier 2007, Éric part en vacances aux Îles Turques-et-
Caïques, où il demeure un mois et demi. Il en profite pour travailler sur son
nouvel album et pour choisir des textes de femmes qu’il a demandés à gauche et
à droite. C’est à ce même endroit qu’il s’est fiancé, dans le plus grand secret, il y
a quelque temps, et il apprécie beaucoup le calme de la villa où il séjourne. Pas
de nightlife, pas de nécessité d’aller en ville voir ce qui se passe, pas de
véritables tentations. « J’ai besoin de ne pas avoir la hantise de manquer le last-
call», confie-t-il.
Son cœur est partagé entre la cabane dans le bois et la villa au bord de la mer.
Mais dans les deux cas, il faut qu’il soit coupé du reste du monde ; c’est la seule
chose qui importe, car il y va pour travailler. Si au terme de ses vacances, il n’a
pas terminé ses devoirs, il ne stressera pas pour autant. Il mettra tout simplement
les bouchées doubles, car il a hâte que paraisse son nouveau disque pour pouvoir
ensuite partir en tournée et donner de nouveaux spectacles. Il ne peut imaginer sa
vie autrement que sur une scène, sur un « stage », comme il aime le dire. « S’il y a
une place où je suis vraiment bien sur la Terre, c’est sur un stage, raconte-t-il au
journaliste de La Presse. J’ai passé ma vie à être malheureux sans savoir
pourquoi, je suis un mélancolique chronique, mais tous ceux qui me connaissent
— ma femme, ma mère —, quand je suis sur un stage, ils voient dans mes yeux
que je suis bien. Ces deux heures sur le stage, c’est mes nuits de sommeil, c’est
là que je me repose le cœur. Un stage, c’est un ring, moi j’ai toujours envie de
me battre. Heureusement, toute la violence que j’ai en moi passe par là. Je n’ai
pas besoin de psychiatre, de psychologue, ma thérapie, c’est le stage, quand je
débarque de là, crisse que je suis bien. Je vole. J’aime voir un spectateur, les
yeux fermés, le poing en l’air, qui chante comme s’il était sur le stage. Tabarnak,
c’est sa vie qu’il chante, ça donne un sens à ma job ! Je n’ai jamais voulu être
une star, je veux faire de la musique. C’est un besoin
physiologique. »
On a vraiment l’impression que le rockeur s’est vidé le cœur, qu’il s’est
déculotté pour nous montrer à quelle enseigne il loge, celle de l’authenticité, de
la transparence. Pour ce «mélancolique chronique», la scène est très
certainement un passeport pour l’éden.
Le 26 décembre, les gens n’attendent pas minuit pour célébrer. Des coulisses
surgit la petite voix d’Andrée Watters, qui entonne un pieux Ave Maria. On
allume les lumières, puis on chasse vite le religieux pour faire place à la célèbre
et païenne Bobépine. C’était parti pour plus de deux heures.
Si la performance des rockeurs peut sembler à la baisse, lors du party des Fêtes
du 26 décembre au Métropolis, cela peut fort bien se comprendre. Les artistes
arrivent de deux nuits endiablées à Gatineau et à Québec. Ils n’ont guère eu le
temps de reprendre leur souffle, et le lendemain de veille se fait terriblement
sentir chez ces êtres de chair et de sang, un peu comme lorsque les Canadiens de
Montréal reviennent d’une tournée dans l’ouest. Mais l’âme est à la tendresse,
pourtant, et
l’esprit est résolument à la fête. « Les vacances, ce sera pour plus tard »,
semblent-ils tous se dire, acteurs comme spectateurs. C’est maintenant le
moment de lâcher son fou entre amis, et il ne fait aucun doute que les gens vont
beaucoup s’amuser.
Les filles, cependant, semblent gonflées à bloc, et elles indiquent au reste de la
troupe la voie à suivre, celle de la démesure. « De toute évidence, Andrée
Watters et Marjo avaient ces derniers jours économisé de l’énergie pour fouetter
avec bagou le public du Métropolis et montrer aux boys de quelles bûches de
Noël elles se chauffent. La matriarche du clan, en resservant ses classiques, a fait
preuve d’une fougue exemplaire, alors que son héritière occupait la scène
comme si c’est elle qui nous recevait. Leurs interprétations de Dépendre de toi
(Andrée Watters) (“Attache-toi à mon cou/Ne lâche jamais ma main/Respire au
rythme de mon pouls/Fais de moi ton dessin…”), Illégal (en duo) (“Illégal/Tu
m’fais faire des bêtises/Dans les rues de Montréal/Quand y faut que j’me
maîtrise…”), J’lâche pas (“Tu m’avais dit/Qu’tu m’aimerais toujours/J’aurais dû
savoir que tu mentais…”) et Provocante (Marjo) (“Provocante/Tu fais
exprès/Quand tu t’émoustilles/Devant ses beaux yeux…”) resteront parmi mes
meilleurs moments de cette généreuse soirée », rapporte le journaliste présent sur
les lieux, Philippe Renaud.
Le clou de cette soirée de veille est sans aucun doute le moment où deux
mamans montent sur scène, celle d’Éric et celle du guitariste Stéphane Dufour.
Elles ont un cadeau à leur remettre : un disque d’or qui souligne la vente de
50 000 exemplaires du CD de compilation N’importe qui, lancé il y a quelques
semaines à peine. L’émotion est palpable.
« La “famille élargie” de Lapointe a mélangé ses succès personnels aux airs de
circonstances et autres reprises. Le vent soufflait mes pellicules de Boucher
(“Tout partout dans l’air/J’avais l’air d’avoir fait affaire avec un coiffeur/preneur
de pilules…”), à Célibataire de Lapointe junior (“Célibataire/J’commence à m’y
faire/À sortir tous les soirs…”), entrecoupées des Ma porte de shed de Plume
(“A m’dit qu’a m’aime pis a m’fait des coups bas…”) et 23 décembre d’une
autre époque (“J’ai dans la tête un vieux sapin, une crèche en d’ssous/Un Saint-
Joseph avec une canne en caoutchouc…”) […] Et dans ce beau moment de gros
fun, alors que la gang s’est
rapprochée des cuivres flamboyants, tout l’esprit de ce spectacle éclatait. Éric
Lapointe le rassembleur, l’éternel hédoniste, toujours prêt à célébrer la
communion des Fêtes, un micro dans une main, une bière dans l’autre. Dans ces
moments-là, forcément, on range le calepin et le stylo et on fait comme tout le
monde : on se commande un verre. Le party des Fêtes ne supporte pas la critique,
tant l’intention est généreuse et le plaisir est palpable. […] Le 31, les Boys
reviennent défoncer l’année au
Métropolis», poursuit le journaliste.
***
***
La mère d’Éric Lapointe est-elle en train de faire une maman Dion d’elle-
même ? Une chose est certaine : Doris Lapointe aime bien apparaître en public
pour appuyer son fils. Elle est sa plus grande admiratrice et assiste à presque
tous ses spectacles. Éric, qui ne se plaint pas de cette proximité, ne se présente
jamais chez elle sans un bouquet de fleurs. Le 31 décembre, elle reçoit chez elle
plusieurs membres de la famille élargie des Lapointe : Jean Lapointe, Jean-Marie
Lapointe et aussi Lisette Lapointe, la conjointe de Jacques Parizeau. Aux
fourneaux, il n’y a nulle autre que Suzanne Lapointe. Et grâce à la magie de la
caméra, celle de TVA, nous pouvons participer, nous aussi, aux agapes festives
de fin d’année, en compagnie d’Éric Salvail, qui anime l’émission populaire On
n’a pas toute la veillée. Pourtant, Lapointe a composé cette chanson, Moman, où
il prévient sa génitrice : « Moman, laisse pas ton petit gars devenir une rock
star/Tiens-lé loin des guitares, des Harley/Des beaux chars, loin des bouteilles de
fort/Moman, laisse pas ton petit gars devenir une rock star/Ça finit tout seul d’un
bar ou dans sa loge saoul mort/Pendant que la foule gueule encore… » Paroles
prémonitoires?
À la fin du mois de janvier, on annonce une bonne nouvelle pour les chanteurs
québécois. Et le journaliste Philippe Renaud en explique la portée dans La
Presse : « Depuis mardi dernier, Éric Lapointe, Mes Aïeux, Jean Leclerc et une
foule d’autres musiciens d’ici sont désormais sur iTunes grâce à une entente
survenue entre les bureaux d’Apple à Toronto et DEP Distribution, l’un des plus
gros distributeurs indépendants du Québec. […] L’arrivée progressive du
catalogue de DEP Distribution représente la première véritable percée d’un
groupe québécois sur la populaire plate-forme d’Apple. […] À cause de
l’omniprésence de la plate-forme d’Apple et de l’écrasante popularité du
baladeur iPod, la présence d’artistes québécois sur iTunes est capitale si
l’industrie veut se
positionner à long terme dans le marché de la musique en ligne.»
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Fidèle au poste, le 28 février, Éric organise encore une fois son tournoi de
billard au Boul Noir, sur l’avenue du Mont-Royal Est. Environ cent personnes et
artistes, dont Jean-Marc Parent et Marie-Chantal Toupin, participent au
Classique Éric Lapointe, et les profits sont versés, comme précédemment, au
journal L’Itinéraire. Cette année-là, Claude Doyon, le directeur de la promotion
de la station Rythme FM, remporte le tournoi. Éric peut ainsi verser la somme de
2 600 $ à l’organisme à but non lucratif.
Il s’envole ensuite pour les Îles Turques-et-Caïques, son repaire secret, avec sa
fiancée, Marie-Pier, qu’il épouse sur place, sans crier gare. Ce mariage n’a pas
été annoncé, et il se fait dans la plus grande confidentialité. Malheureusement, à
peine un an plus tard, Marie-Pier et Éric se séparent, sans qu’on sache trop
pourquoi. Éric garde le secret le plus total sur sa vie privée, qui a été trop
longtemps étalée à la une des journaux. Il vit cette séparation péniblement, et il
se lance dans le travail pour éviter de broyer du noir chez lui. Le stage est sa
planche de salut. Par la suite, certains médias affirment que Lapointe entretient
peut-être une liaison avec Lucie Laurier, mais Lapointe s’en défend, affirmant
que c’était une bonne copine et que leur amitié dure depuis une dizaine d’années.
Même s’il vit une période difficile, Éric est toujours très sollicité, et il
participe à un
projet intitulé Défi pour la Terre à la fin du mois de mars 2007. C’est un gros
spectacle engagé, qui a lieu au Métropolis et qui est organisé par K. Cette
dernière en est également la conceptrice et la promotrice. Elle a demandé à
plusieurs personnalités de différents horizons, comme les membres de RBO,
Patrick Huard, Éric Lapointe, Marco Calliari, Jorane, Jocelyne Blouin, Josée di
Stasio et Caroline Dhavernas, pour ne nommer que ceux-là, quelle cause les
touchait tout particulièrement. En entrevue avec La Presse, elle explique : « Les
réponses allaient de l’accumulation des déchets à l’eau et à la pauvreté. Ensuite,
on a identifié douze organismes qui s’y attaquent. Tous les profits de la soirée
leur seront versés. » Sur scène, chacun y va d’un petit numéro : sketch, chanson
ou vidéo. Toute l’organisation est pensée en fonction d’un minimum de
gaspillage. On favorise le covoiturage pour se rendre au spectacle, et on décide
qu’une fois qu’on aura calculé la quantité totale d’émissions de CO2 générées
par le spectacle, les organisateurs iront planter des arbres pour les annuler. Cette
émission est ensuite diffusée à Radio-Canada à l’occasion du Jour de la Terre,
dans le cadre de l’émission On n’a pas toute la soirée.
Lapointe participe également au projet de CD Duos Dubois, où douze
chansons, parmi les plus connues de Claude Dubois, sont interprétées par autant
de chanteurs, dont Gilles Vigneault, Garou, Francis Cabrel, Céline Dion et
Richard Desjardins. Éric y chante, en duo avec Garou, Chasse-Galerie : « À
force de rester dans la forêt à s’ennuyer/Le diable est venu les tenter… » C’est
une chanson assez difficile à interpréter. Le DVD du groupe Les Respectables
paraît également presque au même moment, et Éric y interprète une chanson. La
captation a eu lieu au Centre Bell, pour leur 15e anniversaire, à l’automne
précédent. Puis, comme un projet n’attend pas l’autre, les patrons du réseau
Énergie (94,3 FM) décident de fêter le départ des Grandes Gueules, José Gaudet
et Mario Tessier, en invitant au Métropolis une pléiade d’artistes, dont Éric
Lapointe, Jean-Marc Parent, Frédérick De Grandpré, les Denis Drolet et de
nombreux autres. Ce duo d’humoristes a animé pendant quinze ans une
quotidienne d’humour, collée à l’actualité québécoise, en parodiant souvent des
personnalités d’ici.
Pour le Mondial choral Loto-Québec, qui en est à sa troisième édition,
Grégory Charles, qui en est le président et directeur artistique, décide d’innover
en organisant, au Centre de la nature de Laval, quatre grands événements parmi
les trois cents au programme. Quatre artistes connus, mais aux parcours et styles
différents (Gilles Vigneault, Marie-Michelle Desrosiers, Loco Locass et Éric
Lapointe) chantent accompagnés d’un chœur. L’originalité est garantie. L’année
précédente, 500 000 personnes ont participé à cette fête du chant de chorale qui
se déroule aux quatre coins de Laval.
S’ennuyant sans aucun doute du stage et de la communion avec ses
admirateurs, Éric s’offre le Spectrum pendant deux soirs en juin. Cette année-là,
pour la Fête nationale, pas de grande scène au parc Maisonneuve ni de fête sur
les plaines d’Abraham. Éric est à Laval, au Centre de la nature, en compagnie du
grand Gilles Vigneault, ainsi que des groupes Les Charbonniers de l’enfer et
Mes Aïeux. Éric a été choisi pour clore en beauté la soirée de ce 23 juin.
Bienvenue aux oiseaux de nuit.
Un autre projet, semblable à Défi pour la Terre, est en train de voir le jour. Ici,
c’est Montréal sur terre, mais ailleurs, on appelle l’événement Live Earth, sous
le patronage d’Al Gore. On prévoit qu’un million de spectateurs et deux millions
de téléspectateurs pourront voir ces concerts-bénéfices, qui seront présentés en
simultané le 7 juillet (07-07-07) dans différentes grandes villes de la planète :
Londres, Tokyo, New York, Shanghai, Johannesburg, Sydney, Rio de Janeiro,
Hambourg, Montréal et possiblement Toronto. Plusieurs artistes de renom
acceptent de chanter bénévolement pour
sensibiliser la population aux problèmes de la planète.
À Montréal, nous voyons et entendons Zachary Richard, Garou, DJ Champion,
Éric Lapointe, Jorane, Dan Bigras, Daniel Boucher, Marilou, Pascale Picard et
quelques autres, et l’animateur est Steven Guilbeault, le porte-parole de
Greenpeace. Le concert, qui se veut grand public, a lieu au quai Jacques-Cartier,
dans le Vieux-Port de Montréal. Ailleurs, on a annoncé que Madonna, The
Police, Genesis, Bon Jovi, Duran Duran, Metallica, Rihanna, Lenny Kravitz,
Enrique Iglesias, Shakira et Melissa Etheridge, pour ne nommer que ces noms,
seront en concert dans les différentes capitales sur tous les continents. Ce sont
plus de cent cinquante artistes qui se mobilisent dans les neuf concerts officiels
afin de susciter une nouvelle prise de conscience sur le réchauffement climatique
et l’environnement. Et le Québec fait partie de ce vaste mouvement planétaire
grâce à la générosité de nos artistes d’ici, qui se font ainsi les porte-voix de tous
ceux et celles qui demandent des changements. Au Québec, les profits amassés
sont remis à la Fondation Sedna, de Jean Lemire.
Si, par le passé, Éric Lapointe a déjà invité Marjo à ses parties sur scène, c’est
maintenant au tour de Marjo d’inviter, à l’occasion des FrancoFolies de
Montréal, « ses » hommes, dont font partie Éric Lapointe, Éric Goulet (Les
Chiens), Marco Calliari et le Français Calogero (qui finalement se retire au
dernier moment). La fête, qui se déroule sur la scène extérieure principale et qui
est animée par neuf musiciens, est censée commencer à 21 h 00 le 30 juillet et se
termine à l’épuisement des artistes. Malheureusement, à la dernière minute, il
faut changer de programme. Marjo s’est blessée au pied en tombant de la scène à
Saguenay, quelques jours avant le rendez-vous des FrancoFolies, et elle a été
opérée d’urgence. Alors qu’elle tendait son micro à quelqu’un dans la salle,
pendant un rappel, elle a trébuché. Les organisateurs doivent donc annuler la
présence de Marjo tout en maintenant le rendez-vous, qui s’est entre-temps
transformé en spectacle-hommage à la rockeuse, anciennement de Corbeau. Pour
ce faire, ils peuvent compter sur une flopée de chanteurs et de
chanteuses appelés à la rescousse : Laurence Jalbert, Annie Villeneuve, Sébastien
Plante (Les Respectables), Angel Forrest et l’auteure-interprète Mireille Matte. Il
semble donc qu’il faut cinq artistes pour
remplacer une Marjo!
Il ne reste qu’à savoir si Marjo va tout de même se présenter, en béquilles ou
en fauteuil roulant. Marjo ne veut certainement pas tout perdre. Finalement, en
coulisse, assise sur un fauteuil roulant, elle assiste au spectacle. Tout au long du
spectacle, Laurence Jalbert semble nettement dominer et contrôler la scène. Éric
Lapointe a des trous de mémoire à deux reprises, lorsqu’il chante S’il fallait
(tirée de Bohémienne) et J’lâche pas. Mécontent, il repart en coulisse, où il lance
son micro par terre alors qu’il est toujours ouvert, et tous les spectateurs
entendent la colère d’Éric Lapointe.
Marco Calliari reprend rapidement les choses en main, sans que cela paraisse
trop. Éric revient malgré tout à la fin pour chanter Provocante en duo avec Annie
Villeneuve:
« Provocante/Tu fais exprès/Quand tu t’émoustilles/Devant ses beaux yeux… »
On raconte que les gens de la sécurité, craignant du brasse-camarade en coulisse,
auraient alerté la police. En réalité, des policiers ont bel et bien été appelés sur
les lieux, mais à leur arrivée, tout était rentré dans l’ordre. Les organisateurs des
FrancoFolies ont pu s’expliquer rapidement avec le chanteur, qui s’est senti lésé
par ces pannes. Un peu plus tard, Lapointe a admis qu’il avait mal réagi, mais il
s’est défendu en disant qu’il ne gérait pas toujours très bien son adrénaline et
qu’il était incapable de jouer la comédie.
Quant à Marjo, la fêtée, elle apparaît sur la scène en fauteuil roulant, au
moment des rappels, pour chanter avec toute sa bande Les yeux du cœur. Ce
n’est que quelques moments plus tard qu’on a apprend que ces « trous de
mémoire » d’Éric Lapointe étaient dus à une défaillance du télésouffleur où
devaient défiler les paroles des chansons que le rockeur devait interpréter.
Alors qu’Éric s’échine à chanter sur la grande scène des FrancoFolies, on
apprend une bien triste nouvelle. Le Spectrum, cette salle mythique de la rue
Sainte-Catherine, va fermer définitivement ses portes, après vingt-cinq ans de
loyaux services. Michel Rivard y a chanté plus d’une centaine de fois. Éric
Lapointe arrive en cinquième position avec 34 concerts, après Richard Séguin,
Daniel Bélanger et Marjo, mais devant Paul Piché.
Un peu plus tard, il participe pour la première fois à un défilé de mode à
l’occasion de la soirée des joueurs de la Coupe Rogers de tennis, qui se tient au
Reine Élizabeth le 5 août 2007. Autre innovation : le FestiBlues International de
Montréal invite un rockeur, Éric Lapointe, à casser la glace pour son dixième
anniversaire, au parc Ahuntsic, à Montréal. Malheureusement, au beau milieu du
spectacle, sa voix ne coopère plus. Ce n’est pas la première fois qu’une telle
chose se produit depuis qu’il a été opéré pour des polypes sur les cordes vocales.
Heureusement, le public, son public, celui qui l’adore, lui vient en aide et chante
avec lui. Une chose est certaine : le rockeur à la voix rauque doit apprendre à
soigner sa voix et à la laisser se reposer de temps en temps, ce qu’il ne fait pas,
malgré les avis en ce sens des médecins. Il lui arrive même très souvent de
chanter dans les bars qu’il fréquente, juste pour le plaisir, comme au Bistro à
Jojo, sur la rue Saint-Denis. Selon le principal intéressé, cet épuisement vocal est
dû au trop-plein d’émotions, et non pas à de soi-disant abus. Mais qu’il le veuille
ou non, dès qu’un pépin surgit dans la vie du rockeur, les journaux s’en
emparent et montent cela en épingle.
Quelques jours plus tard, vers la mi-août, Éric participe de nouveau au Festival
International de Montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui fête son
24e anniversaire. Comme chaque année, de nombreux artistes sont invités à se
produire sur scène, et personne ne se fait prier, car l’accueil est des plus
chaleureux. Cela va de Loco Locass à Raoul Duguay, en passant par Marie-Mai,
Stefie Shock, Les Cowboys Fringants ou Peter MacLeod. Éric Lapointe se
produit en compagnie de Dennis DeYoung, l’ex-chanteur de Styx, et bien malin
est celui qui pourrait détecter un quelconque malaise dans la voix du rockeur. Un
véritable miracle ? Sans doute pas. Mais Éric s’est reposé entre-temps et n’a
presque pas fait usage de la parole.
À la fin du mois d’octobre, dans le cadre du huitième Festival du monde arabe,
on rend hommage à Roger Tabra, qui est né d’un père algérien et d’une mère
allemande. Éric Lapointe, pour qui il a composé de nombreuses chansons, et
Michel Rivard, France D’Amour, Patrick Normand et Lynda Thalie chantent à
cette occasion, au cours d’une soirée animée par Monique Giroux. La présence
d’Éric Lapointe est des plus appréciées par Roger Tabra.
Noël approche, et pour une huitième année consécutive, Éric Lapointe
organise son fameux party de fin d’année. La tournée du temps des fêtes
comprend quatre étapes : Rivière-du-Loup, Québec (salle Albert-Rousseau),
Saguenay (Palais des sports de Jonquière) et Montréal (deux fois : les 26 et
31 décembre). À ses côtés, ses fidèles complices : Martin Deschamps, Les
Respectables et Paul Piché, pour qui c’est la troisième fois. Aussi, pour la
première fois, Nanette Workman, Gabrielle Destroismaisons, Marc Déry et Mike
Ward sont présents. Ces artistes sont un peu comme sa famille, comme il aime
souvent le répéter. Et la famille, c’est important dans le temps des Fêtes. Si le
programme de la soirée demeure plus ou moins secret, on sait que le répertoire
est constitué de chansons populaires que le public connaît en général par cœur et
chante avec les artistes sur scène. Paul Piché et Éric disent plus tard en entrevue
que le spectacle commençait au ciel et se terminait en enfer.
Paul Piché se confie au journaliste de La Presse, Alexandre Vigneault : « Le
public chante pendant tout le show. C’est une grosse fête et c’est relax pour nous
aussi. Quand ce sont toutes des tounes connues, on peut chanter facilement tous
ensemble. » Et Éric rajoute : « On mise justement sur les chansons que tout le
monde connaît, parce qu’on est là pour chanter avec le monde.»
Pour faire la promotion de sa tournée des Fêtes, Lapointe accepte de participer
à la populaire émission du dimanche soir à la télé de Radio-Canada, Tout le
monde en parle, animée par Guy A. Lepage. C’est toujours risqué d’accepter de
participer à cette émission ; il faut en effet être bien préparé, mais on est assuré
d’une grande écoute à travers tout le Québec, et c’est ce que vise le rockeur,
puisque sa mini tournée touche plusieurs régions du Québec. Détendu et souriant
pendant l’émission, Éric tient à rassurer ses admirateurs. Il leur dit qu’il va bien
et qu’il est en grande forme, car il s’entraîne maintenant quotidiennement avec
un entraîneur privé. Il parle de ses parties des Fêtes et du fait qu’il aime se
retrouver sur scène le plus souvent possible, car il a peur que ses admirateurs
l’oublient. Il parle aussi de son prochain album, qui est censé sortir en 2008,
peut-être même au printemps. Il aborde brièvement sa situation matrimoniale,
confirmant qu’il s’est séparé de sa femme, Marie-Pier, et qu’il est maintenant
célibataire. L’animateur souligne alors le côté torturé de sa personnalité.
Mais célibataire, Éric ne le restera pas longtemps, car dans les premiers mois
de 2008, il rencontrera Mélanie Chouinard, qui lui
donnera deux enfants. (On y reviendra plus tard.)
Questionné sur les paroles blessantes que l’écrivain Christian Mistral a tenues
à son endroit — celui-ci l’a traité de « vidange » sur ce même plateau de
télévision —, Lapointe ne se laisse pas désarçonner. Il dit même :
« Ironiquement, avant de chanter, j’étais vidangeur. Christian Mistral m’a
proposé plusieurs chansons que j’ai refusé de chanter. Il me doit encore 50 $.
Moi, je n’ai pas de casier judiciaire, et j’ai toutes mes dents.»
Alors, comme prévu, le 26 au soir, au Métropolis, c’est jour de répétition
générale devant public : Éric et sa bande de joyeux lutins du bonheur sont
présents, comme pour dire : « Vous n’avez encore rien vu, ma belle gang !
Attendez de voir ce qui va se passer le 31 décembre !»
Le journaliste Alexandre Vigneault écrit : « L’habit ne fait pas le moine.
Encore moins quand c’est Éric Lapointe qui porte la robe. Or, c’est revêtu de ce
costume religieux et en chantant Ave Maria que le rockeur a donné le coup
d’envoi de son spectacle du temps des Fêtes dans un Métropolis bien rempli.
Personne ne s’attendait à un concert pour enfants de chœur. Lapointe voulait un
party et il s’est arrangé pour que ça lève. […] Tout n’était pas parfait, mais ce
genre de spectacle ne vise justement pas la perfection. Ni à dérouter d’ailleurs.
… Une bière à la main, un micro dans l’autre, Lapointe fête et il fête fort. Tout
en tenant le haut du pavé. Il a beau partager sa scène avec des artistes de calibre,
celui qui brasse le plus, qui en demande le plus et qui en donne le plus, c’est
toujours lui. On ne songe pas une seconde à se demander pourquoi c’est lui qui
reçoit. Ôtez-vous de là quand il va défoncer l’année. »
Comme il fait souvent en début d’année, lorsqu’il sent le besoin de se retirer et
de s’isoler après sa virée du temps des Fêtes, Éric part pour les Îles Turques-et-
Caïques. Il veut finaliser son projet de nouvel album, dont le titre est déjà choisi :
Ma peau. Il retourne à sa table de travail pour mettre un point final à l’écriture
de son nouvel album. Comme Céline a sorti un CD intitulé D’Elles, Éric
abandonne son idée d’avoir uniquement des textes écrits par des femmes. Il
conserve le thème des femmes et de la souffrance amoureuse, mais il s’entoure
de nouveaux collaborateurs, comme Michel Rivard, Jean-Pierre Ferland, à qui il
a déjà emprunté Qu’est-ce que ça peut ben faire, Luc Plamondon, qui lui a donné
D’l’amour, j’en veux pus, Jamil, qui est à l’origine de Bartendresse, et
l’incontournable Roger Tabra, bien sûr.
Bien s’entourer est important pour lui. Il explique à Alexandre Vigneault : « À
un moment donné, c’est l’angle qui devient difficile à trouver. Peut-être que j’ai
trop le nez dans ma vie pour écrire 12 chansons ces temps-ci. J’en ai écrit, mais,
c’est drôle à dire, j’ai besoin d’un regard extérieur pour voir ma vie. Rivard m’en
a écrit une écœurante. On a juste jasé, je lui ai raconté ce qui s’est passé dans ma
vie cette année… et il a parlé à ma place d’une façon extraordinaire. » Rivard
semble avoir réussi à cerner le problème, à mettre le doigt sur le bobo, comme
on dit familièrement. Cette chanson s’appelle Avalanche : « Les images se
mélangent/Dans la poudre et le sang/La mémoire me démange/C’t’à quelle
heure/Le présent?»
Oui, beaucoup de choses se sont produites dans sa vie, en cette année 2007 qui
se termine. Il s’est séparé de sa femme, Mari-Pier. Son guitariste et complice
depuis treize ans, Stéphane Dufour, est parti, lui aussi. Lapointe avoue : « Je suis
en train de tourner une page de ma vie. Vivre deux peines d’amour dans la même
année… Ça me pousse ailleurs et c’est peut-être une bonne affaire. Qu’est-ce
que ça va donner ? Je ne sais pas. Ça va peut-être être extrêmement mauvais.
Mais à ce jour, ça sent bon. »
***
Quoi qu’il en soit, Éric est bien déterminé à passer à autre chose et à suivre sa
route sans regarder en arrière et sans s’apitoyer sur son sort. Car ce qu’il
souhaite, c’est rencontrer l’amour de sa vie le plus rapidement possible. Mais
cette situation de fragilité lui permet peut-être de piler sur son orgueil et l’incite
à appeler lui-même son parolier et ami, Roger Tabra, avec qui il s’est brouillé
depuis un certain temps. Il a besoin de son aide. Il lui dit quelque chose comme :
« Toi qui connais le chagrin et la solitude, peux-tu écrire pour moi ? » Tabra, de
son côté, est des plus heureux de retrouver son vieux complice des soirs de
spleen et d’ivresse, mais il estime que c’était à Lapointe à faire les premiers pas.
On se souvient que cette collaboration Lapointe-Tabra a produit sans doute ses
plus belles chansons, comme Mon ange, N’importe quoi et Loadé comme un gun.
Lapointe se défend d’avoir mal agi, mais il reconnaît que Tabra a sans doute pris
trop de place dans son processus d’écriture. En fait, il reconnaît que ce n’est pas
la faute de Tabra, mais bien de la sienne, car il a été trop paresseux — et que
cela a fini par créer un malaise. Mais c’est chose du passé, et ce nouveau disque
le prouve de belle façon.
9. Les années d’affirmation Danse comme si t’avais
la rage
Viens cracher devant ma cage
Danse pour lécher la mort
Donne-moi les clés de ton corps
Tatoo
(Éric Lapointe, Jamil/Éric Lapointe, Stéphane Dufour)
L’année 2008 est censée être un peu plus reposante que 2007. Du moins, c’est le
souhait du rockeur de 38 ans, qui prépare fébrilement son nouvel album, bien
entouré par les paroles de ses amis collaborateurs. Entre deux sessions de studio,
il multiplie les apparitions à la télévision, surtout à Flash, l’émission culturelle
de TQS. Son emploi du temps chargé ne l’empêche pas d’organiser, en
mars 2008, pour la cinquième année consécutive, son Classique Éric Lapointe au
profit du journal L’Itinéraire, à la salle Boul Noir, sur l’avenue du Mont-Royal
Est. C’est à cette occasion qu’Éric s’affiche publiquement pour la première fois
aux côtés de sa nouvelle flamme, Mélanie Chouinard. Quelques centaines d’amis
et d’artistes répondent à l’appel du rockeur, qui peut ainsi amasser la somme de
3000 $, remise à ce journal des itinérants. Le gagnant du tournoi n’est nul autre
que Michel Désautels, l’animateur connu à la radio de Radio-Canada. À
l’ouverture du tournoi, Éric Lapointe déclare à un journaliste de L’Itinéraire :
« Ça me touche de voir que ce magazine-là permet à du monde de travailler et de
s’exprimer dans la dignité et avec une équipe professionnelle. »
Le nouvel album, intitulé Ma peau, n’est pas encore lancé officiellement que
déjà, les demandes d’entrevues affluent. Il s’agit de son cinquième album studio
en quatorze ans de carrière. Les journalistes ont déjà reçu des copies de presse, et
la présentation matérielle, unique et absolument hors de l’ordinaire, fait déjà
jaser — en bien, naturellement — et fait des envieux. Le boîtier est en métal (et
non pas en plastique, comme cela se fait habituellement) et est recouvert de
similicuir embossé avec une gravure de serpent, ce même serpent qu’Éric porte
tatoué sur sa peau. Pour absorber les coûts supplémentaires de ce modèle de
boîtier spécial fabriqué en Chine, il a fallu en commander au moins
100 000 exemplaires, ce que le rockeur n’a pas hésité à faire. Bref, Éric a pris un
gros risque pour que son nouvel album se fasse remarquer en magasin, pour qu’il
ne passe pas inaperçu. Mais n’allez pas croire qu’il s’agit d’une édition de luxe
que seuls ceux qui ont de grands moyens peuvent se payer. Non, ce serait mal
connaître Éric: il s’agit d’une
édition normale, accessible à tout le monde et qui est vendue au même prix
qu’un autre CD.
La grosse machine promotionnelle s’est mise en marche il y a quelques jours,
et elle tourne désormais à plein rendement. La veille de son lancement, il lance
sa nouvelle tournée et « casse » ses nouvelles chansons, comme on dit dans le
jargon du métier. Le booking va bon train, et le cahier des rendez-vous est plein
jusqu’au mois de novembre, incluant, bien évidemment, une présence obligée au
Métropolis, sa deuxième maison, dans le cadre des
FrancoFolies de Montréal à la fin de juillet.
Le lancement officiel a lieu au Club Opéra, sur la rue Sainte-Catherine Ouest,
près du boulevard Saint-Laurent, devant mille personnes. C’est un lancement
digne des grandes vedettes internationales. Luc Plamondon présente le rockeur
au public en délire. Entouré de son musicien Steve Hill et d’un autre rockeur,
Martin Deschamps, Lapointe chante, entre autres, Le Mari Pop : « Le jet-set, la
clique qui s’éclate/Les soirées trash de taches/C’est ben beau/Mais penses-y
comme y faut… » Puis il s’attaque à Va-t’en : « Je t’ai dit va-t’en/J’l’ai pensé
pour un instant/Je t’ai dit va-t’en inconsciemment/Avec des mots déments/Qui te
rentrent dedans… » Enfin, il chante Belle dans’tête : « Brûle ta langue sur sa
peau, perds la vue dans sa voix/Fais-la rire, tiens-la au chaud, aime-la mieux que
moi/Tous les drames près de toucher son âme/Si tu la touche, t’as plus le
choix… »
Déjà, le journal La Presse titre : « Terre natale, souris, car demain, ton enfant
de 38 ans revient. Avec un nouvel album dans les mains. » Dans une entrevue
accordée à Marie-
Christine Blais, de La Presse, à quelques jours de son lancement, il lance :
« ‘’L’inspiration, ça n’existe pas, c’est les autres qui t’inspirent’’, à propos des
nombreux textes autobiographiques et crus qu’il signe sur son cinquième album
studio, Ma peau. […] Magané, le gars Lapointe ? Non, plutôt enfin dans son
élément : la scène, la musique. Là où l’amour du public le guérit tranquillement
de nouvelles blessures. »
Avec la journaliste, il aborde brièvement la question de ses deux séparations
douloureuses survenues en 2007. Pour Marie-Pier, on le sait déjà, c’est sorti dans
les journaux, mais sans trop de détails, car Éric ne se livre pas facilement quand
il s’agit de sa vie privée. Cependant, pour ce qui est de son vieux complice,
Stéphane Dufour, on en apprend un peu plus. « Sur les albums précédents, j’étais
aussi devenu un peu dictateur : avec Stéphane, on leadait tout à deux, mais
j’avais l’impression d’être passé du côté patronal et que les musiciens étaient des
employés qui n’avaient pas grand-chose à dire. Le départ de Stéphane, ça m’a
permis de retrouver l’esprit de band, de me rappeler que j’étais d’abord un gars
de gang et de faire le disque en gang. Et pour le moment, il y a un malaise entre
Stéphane et moi. Et puis, pour ce qui est de ma peine d’amour… Qu’est-ce que
tu veux que je te dise ? J’ai appelé cet album-là Ma peau parce que je m’y mets à
nu, je me montre sans pudeur ; ce n’est pas un personnage, c’est juste moi, je me
chante des chansons pour moi. Je ne suis pas un poète, j’écris au premier degré,
mais disons que là, j’ai 38 ans et je sais que je ne peux plus mettre le blâme sur
le dos des autres. J’aurais pu écrire des chansons où la fille est la bitch et moi le
seigneur trompé. J’ai décidé de dire plutôt : c’était moi le trou du cul, des fois…
J’ai pas fait ce disque pour faire plaisir. Je me soigne avec lui. J’ai écrit des
chansons d’amour, mais je pense que c’est la première fois que je le fais sans
colère, sans rancœur. Tsé, la chanson Laisse-moi pas guérir de toi ? C’est la
chanson que j’avais écrite pour le mariage ; j’ai juste eu à changer “quand t’es
arrivée” par “quand t’es partie” » (« Quand t’es partie/J’avais pu rien à perdre/À
part ma vie pis une vieille guitare désaccordée/Quand t’es partie/j’avais juste
envie d’me perdre/J’me suis perdu/À force de te chercher… ») Visiblement émue
— elle affirme qu’elle a envie de consoler le chanteur —, la journaliste le
questionne ensuite sur sa collaboration avec Michel Rivard. « Je regardais des
photos dernièrement et j’ai trouvé une photo de moi sur mon premier stage, à
11 ans, avec une guitare plus grosse que moi et sais-tu ce que je chantais ? Le
phoque en Alaska de Michel Rivard ! Bon, j’ai pas gagné le concours, mais je
suis le seul à avoir eu un rappel (rires). Tu peux
imaginer l’honneur que ça représente, pour moi, que Michel accepte de m’écrire
une chanson. Et tu peux imaginer que ça m’a pris un petit peu de guts pour lui
demander s’il acceptait, en plus, de jouer de la guitare sur la toune et de faire des
back vocals !»
Sur le disque, on trouve aussi une chanson écrite par Luc Plamondon,
Toucher : « Aimer/Comme j’tai aimé/J’pensais pas que ça se pouvait/J’savais pas
que ça existait/T’aimer/Comme j’tai aimée… » Plamondon lui a également
permis de reprendre un classique, L’amour existe encore, une chanson écrite
pour Johnny Hallyday et popularisée par Céline Dion. Lapointe a déjà interprété
cet hymne à l’amour aux FrancoFolies de 1996, lors de La fête à… Berger-
Plamondon. « Quand je m’endors contre ton corps/Alors je n’ai plus de
doute/L’amour existe encore/Toutes mes années de déroute/Toutes, je les
donnerai toutes/Pour m’ancrer à ton port… » Il y a également une chanson
composée par Louise Forestier et Daniel Lavoie, 1500 milles, une road song à
l’image du rockeur : « Dans mes bagages, deux t-shirts blancs, un coup d’été/Un
peu de vent et tout mon temps dans le coffre à gant… » Tabra, qui a dû rentrer en
France pour renouveler son visa de travail, comme l’exige Immigration Canada,
y va de trois contributions : Ciel de Carbone (« Le soleil se détache dans le ciel
de carbone/Et la laideur se cache sous les voiles des madones… »), Le cuir de ma
vie (« Tu as toujours dit oui à l’amour… ») et Les malheureux (« Y’a des soirs
comme ça/On a peur de la folie/Des fois on sait qu’il ne faut pas/Se noyer seul
dans la nuit… ») Et puis, bien sûr, il y a cette chanson écrite avec Dennis
DeYoung, de Styx, One hundred years from now, qui parle de l’environnement
et de la guerre : « Tell me, how do we begin this tragic tale/When centuries of
fear and hate have left a bloody trail ?… » En français, cela donne ceci : « Dis-
moi comment nous avons fait pour que débute cette tragique histoire/Quand des
siècles de peur et de haine ont laissé une traînée de sang ?… » Il existe d’ailleurs
sur le web une très belle interprétation de cette chanson, en duo Lapointe-
DeYoung, à l’Espace Dell’Arte, à Montréal.
Lapointe raconte ensuite à la journaliste que la plupart de ces chansons, que
l’on parle des paroles ou des musiques, ont été composées alors qu’il se trouvait
aux Îles Turques-et-Caïques en compagnie de son « power trio » : Dan Georgesco
à la guitare, Martin Bolduc à la basse et Bruce Cameron, multi-instrumentaliste
et réalisateur. Il poursuit : « On n’avait que ça à faire, des chansons, alors on en a
fait. Bon, c’est vrai que quand on est revenus, il a fallu augmenter la vitesse des
chansons, elles étaient un peu trop “îles”, relax, mollo, mais sinon, ça allait
(rires).»
Éric raconte qu’une fois de retour à Montréal, il a travaillé dans son studio,
qu’il a installé dans son sous-sol à la maison. Les chansons y ont été entièrement
enregistrées, sauf pour ce qui est de la batterie. « Un des avantages de ma cave,
c’est qu’elle est extrêmement sombre, on ne sait jamais si c’est le jour ou la nuit.
Pendant deux mois, on a travaillé là tout le temps. Bruce (Cameron) dormait
dans la chambre d’ami. Et Glen Robinson, qui avait fait le mix de À l’ombre de
l’Ange [le troisième album d’Éric], en 1999, se trouvait en ville. Alors, on
travaillait au disque avec Bruce la nuit, et avec Glen le jour. Et comme c’est
toujours une auberge espagnole chez moi, ben tous les copains musiciens qui
passaient finissaient par y faire quelque chose. Je me suis fait du bien, en faisant
ce disque-là. Comme j’aime les cordes, j’ai engagé des violonistes et je les ai
installés dans ma cave et on en a mis en masse ! C’est mon rêve, faire un show
de rock symphonique. Parce que le rock, c’est pas un ampli poussé à fond, c’est
dans les propos, dans l’attitude que se trouve le rock. Je le sais, que j’ai une
étiquette de rockeur collée dans le front. Moi, je pense que tous ceux qui font de
la musique vivent à peu près comme moi. Bon, je suis peut-être un peu plus
intense (rires).»
Éric a prévu un premier tirage de plusieurs milliers d’exemplaires. Si tout va
bien, comme il le prévoit, ce cinquième album lui permettra de dépasser la barre
du million d’exemplaires vendus, tous disques confondus. C’est un exploit
qu’aimerait bien atteindre ce rockeur à l’âme sensible et au cœur en compote au
moment de lancer ce nouvel album.
De Ma peau, la journaliste Marie-Christine Blais dit : « Éric Lapointe n’a
jamais fait dans la sobriété, au propre comme au figuré. Sur son nouvel album,
notre excessif préféré beurre donc toujours aussi épais, avec sa voix, la guitare
dans le tapis et sa vie de bum des grands chemins — avec en plus des violons en
masse. Mais ce disque souligne surtout le droit fil qui court dans l’œuvre de
Lapointe depuis 14 ans. C’est en écoutant son tout premier album (Obsession,
1994), puis son tout dernier que la chose frappe : même puissance
d’interprétation, même rock classique fait sur mesure pour lui (et sur les deux
albums, Stéphane Dufour était absent…), mêmes thèmes simples et
fondamentaux (l’amour, le sexe, l’alcool, la liberté, le désespoir), et surtout,
surtout, même intensité charnelle. Ce n’est pas de la répétition, c’est de l’Éric
Lapointe, reconnaissable entre tous. […] Mais ce sont les chansons de Lapointe
lui-même qui accrochent le plus (Belle dans’tête : “Brûle ta langue sur sa
peau/Perd la vue dans sa voix…” et Le diable m’en veut : “Quand je t’ai vue,
c’est elle que j’ai reconnue/Peut-être que je voulais me mentir…”) tant il assume
totalement ce qu’il est. De nos jours, c’est une vertu.»
Le journaliste du Devoir, Sylvain Cormier, est tout aussi enthousiaste — voire
délirant — en faisant la critique du dernier album du rockeur : « Atteint. Plus
qu’atteint. Ouvert à vif, au couteau. Ma peau, le nouvel album d’Éric Lapointe,
son premier en quatre ans, le
premier que j’écoute plus d’une fois au complet depuis… sans doute depuis
Obsession, au tout début, en 1994, est si terrifiant d’honnêteté crue qu’il me tue.
J’exagère. Me touche, à tout le moins. Excusez la lapalissade, Ma peau est un
album tactile, palpable. Pas seulement à cause du boîtier de métal recouvert
d’une couche de similicuirette imitation épiderme rugueux mais parce que le
gars qui chante là-dessus est nu. Terriblement nu. Bien sûr qu’il y a des murs de
guitares, des riffs marteau-piqueur en masse, et même des lits de cordes, mais
pour l’essentiel, c’est rien de moins que la fouille complète, le passage aux
aveux. Sans avocat. La catharsis, en plein public. Effarante transparence. Les
chansons prêtent tellement flanc qu’on a le goût de se dévoiler soi-même. Même
à moi, ça fait mal, tellement il y a de douleur révélée là-dedans. Ce n’est pas rien
: je me tiens loin d’Éric Lapointe depuis longtemps. Dans l’autre siècle, nous
avons eu des heurts, je l’ai un jour blessé dans une critique purulente de
mauvaise foi (qu’il peut citer à la demande), je m’en suis excusé, on a fait la
paix, chacun est parti de son côté, je me suis arrangé pour ne plus l’avoir dans le
collimateur. Et le revoilà. En pleine face, en plein ventre. Chantant, criant,
hurlant le drame de sa vie d’ado éternel, incapable de vivre seul, incapable de
vivre en couple, incapable d’être bien dans sa peau autrement que sur scène ou
avec les copains au bout de la nuit rock’n’roll. Clichés ? Oui et non. Cette fois-ci,
la vérité que tente d’exprimer Éric Lapointe, chanson forte après chanson forte,
déshabille les clichés.»
En entrevue avec le même journaliste du Devoir, Éric raconte un peu
l’aventure de ce cinquième album : « Jusqu’à cet album-là, je me donnais le beau
rôle. Je me fabriquais un personnage. Là, j’ai laissé faire le personnage. Là, c’est
moi. C’est mes torts. C’est mes constats sur moi-même, sur mes relations
affectives. Y a pas de hargne, pas de rancœur, pas d’amertume là-dedans. C’est
moi qui me rends compte que si toutes mes histoires d’amour ont avorté, c’était
peut-être moi, le problème. Je pense que j’étais rendu là, à 38 ans. Strip-tease
total. Besoin d’exorciser mes démons. Je te dirai pas que j’ai pas braillé en
chantant les tounes ou en les
écrivant, mais je sais qu’une fois le lancement fait, je me suis senti léger comme
un oiseau. Le gros moton que j’avais en dedans, je l’ai sorti. J’ai tourné une page
de ma vie. Je pense que je suis en train de sortir de l’adolescence.»
À propos de ses collaborateurs, il dit : « Ils sont venus enregistrer ça chez nous,
j’écoutais comme un enfant émerveillé. J’adore les cordes, je m’en suis payé une
traite. Je ferai peut-être un album juste avec des cordes. Mon rêve a toujours été
de jouer avec un orchestre symphonique. Ç’a jamais adonné. Mais ça va arriver
un jour. C’est vrai que là, je suis content. Je sais que je vais remonter sur scène
avec un nouveau show, je recommence à avoir peur, je me sens vibrer. Je suis
content du trip de gang qu’a été l’album, avec Steve Hill, mon chum Bruce
Cameron, Dan Georgesco. Je suis content d’avoir retrouvé [Roger] Tabra et
Plamondon, j’en reviens pas des tounes que Michel Rivard, Louise Forestier et
Daniel Lavoie m’ont faites. Mais le bonheur ? J’ai jamais cru au bonheur comme
un état permanent. C’est un frisson qui te passe dans le dos. Je suis un éternel
mélancolique, Victor Hugo disait que c’est la joie d’être triste. Je me trouve
chanceux d’avoir la musique pour exprimer ça : autrement, je pense que je serais
mort.»
Le journaliste conclut : « La quarantaine en vue, ça tient de l’exploit pour un
gars qui ambitionnait de coiffer Jim Morrison au poteau d’exécution.»
Puis le mot de la fin revient à Éric : « Je me surprends à avoir envie de rester à
la maison le soir. Me faire à manger. Je me surprends à m’entraîner. Adulte, je
pense que ça me tente. »
À peine une semaine après sa sortie publique, son album Ma peau se trouve au
19e rang du top 100 des ventes d’albums au Canada effectuées sur le site d’achat
en ligne iTunes. Il est le seul francophone à y figurer. C’est tout de même pas
mal, pour un éternel mélancolique. Mais ce qui est encore mieux, c’est que dans
le même laps de temps, 100 000 exemplaires de ce même disque se sont écoulés
jusqu’à maintenant, de sorte que désormais, Éric Lapointe fait partie du club des
millionnaires. En 14 ans, depuis la sortie d’Obsession, en 1994, il a vendu un
million d’albums ! Il a rejoint ainsi, dans ce club sélect, les deux seuls artistes
québécois qui y figurent : Céline Dion et François Pérusse. Une telle
performance mérite d’être soulignée en haut lieu, et ce n’est rien de moins que
l’Assemblée nationale qui convoque un Éric Lapointe bien sapé au Salon bleu
afin de le féliciter et l’applaudir chaleureusement pour cet exploit. Qui aurait pu
prévoir une telle ascension pour ce rockeur romantique que rien ne prédestinait à
de tels honneurs ? C’est à l’occasion de cette cérémonie que la première ministre
Pauline Marois aurait approché l’imprésario d’Éric, Yves-François Blanchet, qui
accompagnait son protégé, pour lui proposer de se présenter à l’investiture dans
la circonscription de Drummond. Rappelons que Blanchet a rencontré Éric alors
qu’il militait au Parti québécois, bien avant qu’il ne devienne une rock star, et
que le 25 octobre précédent, Éric a participé au spectacle organisé pour le
40e anniversaire du Parti québécois.
On voit ensuite Éric au gala de boxe du Grand Prix de la Formule 1 de
Montréal. Il se dit davantage attiré par le côté réception et cocktail de
l’événement international que par la course elle-même. Cette année-là, Éric
célèbre la Fête nationale au parc Wilfrid-Laurier, à Saint-Jean-sur-Richelieu, en
plein territoire des Patriotes, puis il est présent à deux événements aux
FrancoFolies de Montréal, qui débutent le 24 juillet. Il participe au lancement du
DVD mettant en vedette les trois rockeurs qui ont fait l’ouverture extraordinaire,
en juillet 2003, des 15es FrancoFolies, Kevin Parent (Le Vent), Daniel Boucher
(La Mer) et lui-même, Éric Lapointe (Le Roc), lors d’un spectacle gratuit sur la
grande scène extérieure, dans une mise en scène de Patrick Huard. Les
organisateurs ont, à l’époque, qualifié cette performance d’« événement
historique », et soixante mille personnes les attendaient sous les étoiles. Ce DVD
capte les moments mémorables où l’on voit trois vrais chums sourire et avoir du
plaisir à chanter ensemble et à rocker. C’est, pour Éric, l’occasion de retrouver
ses deux complices, qu’il n’a pas vus depuis un certain temps.
Le 26 juillet, invité aux FrancoFolies, il donne un spectacle au Métropolis, où
il joue, à guichets fermés, les chansons de son nouvel album. En pleine forme, il
fait taire les rumeurs selon lesquelles il est en congé forcé, inapte à chanter.
C’est son premier véritable concert montréalais depuis le lancement de la
tournée Ma peau. Le public répond bien à ses coups de gueule. Il fait une entrée
en scène très spectaculaire au milieu de ses musiciens, avec ses lunettes noires et
son blouson de cuir noir sur lequel est imprimé « Lapointe-Ma peau ». Ses
cheveux sont relevés à la Elvis, et il chante de sa voix toujours aussi rauque et
romantique : « Quand t’es partie, j’avais plus rien à perdre/À part ma vie pis une
vieille guitare désaccordée/Quand t’es partie, j’avais juste envie de me
perdre… » Le public en redemande, et il n’est pas déçu. La journaliste de La
Presse Anabelle Nicoud affirme : « Il faut dire qu’Éric Lapointe sur scène se
démène pour donner aux spectateurs ce qu’ils veulent, du brut, de la sueur, du
Éric Lapointe. […] À peine plus tard, pour Tendre fesse, il dénoue la boucle de
sa ceinture et pose une main virile sur son entrejambe, ce qui ne manque pas
d’échauffer une spectatrice qui lui lance son soutien-gorge. Le sous-vêtement
passera le reste du concert délicatement accroché au pied du micro de Lapointe :
cela ne s’invente pas. […] Sans temps mort, Éric Lapointe décline un show on ne
peut plus professionnel. Qu’on l’adore ou l’abhorre, il faut reconnaître qu’il a
ceci de parfaitement louable : au moins, il ne fait pas les choses à moitié. Quitte à
se casser la voix, ou à casser les oreilles des spectateurs les moins avertis. »
Un nouveau festival a lieu du 6 au 10 août à Joliette, dans la région de
Lanaudière. Appelé Les Dyades, ce festival, à mi-chemin entre Halloween et
Woodstock, met en vedette cinq artistes — Éric Lapointe, Claude Dubois, Boom
Desjardins, Sylvain Cossette, ainsi qu’un groupe d’enfants — dans autant de
spectacles différents. Il s’agit d’un mélange entre la mythologie, le cirque et la
chanson populaire. Chaque soir, de nouvelles créatures fantastiques (loups-
garous, trolls, elfes et spectres) évoluent sous les étoiles, en compagnie d’un
chanteur, chaque fois différent. Pour Éric Lapointe, c’est le cycle des loups-
garous, et son concert s’intitule donc Le sabbat des loups-garous. Les créatures
fantastiques se réunissent à la pleine lune pour retrouver l’animalité en elles, et
elles sont accompagnées de cracheurs de feu et de tambours tribaux. Tout cela
est censé symboliser « l’énergie presque animale en Éric Lapointe », affirme
Bryan Perro, le concepteur des spectacles et auteur de la série pour adolescents
Amos Daragon. Mais c’est le rockeur qui donne le coup d’envoi de ce festival
avec un spectacle où il offre ses dernières compositions, ainsi que ses grands
succès. Il est entouré de cracheurs de feu et accompagné d’un des meilleurs
guitaristes du Québec — sinon le
meilleur —, Steve Hill.
Le 16 août, il est de retour à Expo Québec pour un spectacle en plein air
devant une foule imposante. Une bière dans une main et un micro dans l’autre, il
entonne plusieurs chansons de son dernier album, Ma Peau, avant de chanter ses
succès les plus connus avec la foule, qui les réclame et qui les chante avec lui :
Mon Ange, N’importe quoi, Le Screw, Bobépine et d’autres chansons de son
répertoire. Il lance : « Vous êtes le meilleur public au monde », puis il exhibe un
soutien-gorge qu’une admiratrice vient de lui lancer.
Le 22 août, il est de nouveau à Québec, sur les plaines d’Abraham, cette fois,
dans le cadre des célébrations du 400e anniversaire de la ville. On a donné carte
blanche à Céline Dion, qui a décidé d’inviter plusieurs de ses amis chanteurs.
Quelques jours auparavant, elle s’est produite au Centre Bell, à Montréal, devant
22 426 spectateurs, et Éric Lapointe y était comme spectateur. Sur le coup, il
s’est étonné de cette atmosphère fébrile, même s’il y est habitué : « Chaque fois
que Céline se présente quelque part, commente-t-il, il y a toujours un
engouement spectaculaire. Mais je ne pensais pas que ce serait tant que ça »,
confie-t-il à Alain de
Repentigny.
Une dizaine d’artistes répondent à l’invitation de la diva : Jean-Pierre Ferland,
Claude Dubois, Éric Lapointe, Marc Dupré, Nanette Workman, Zachary
Richard, Dan Bigras, le groupe Mes Aïeux, Garou et la Famille Dion, ainsi
qu’une invitée surprise (mais la surprise n’est pas de longue durée) : Ginette
Reno. Son spectacle, intitulé Céline sur les Plaines, se déroule exclusivement en
français, et elle chante en duo avec chacun de ses invités, devant plus de deux
cent mille personnes, sans parler des milliers d’autres qui n’ont pu entrer et qui
assistent au concert devant des écrans géants installés autour du site.
Un peu avant le spectacle, Éric, à la fois excité et en pleine possession de ses
moyens, se confie à La Presse : « Céline est toujours impeccable. Je ne suis pas le
premier à le dire. Céline, c’est la plus grande chanteuse du monde. C’est
tellement un plaisir de chanter avec elle. Elle est tellement généreuse avec les
gens avec qui elle travaille. C’est une technicienne. Elle n’est pas seulement une
chanteuse, c’est une musicienne. Elle a un vrai sens musical. On s’est rencontré
à plusieurs reprises, mais on ne s’appelle pas pour aller souper. C’est toujours
ben l’fun de la rencontrer… Dans la vie de tous les jours, on a des conversations
en dehors du métier. Céline et René m’ont déjà laissé un message de la Floride
après une prestation télévisée. Je n’avais pas répondu, mais si je l’avais fait,
j’aurais cru que c’étaient Les Grandes Gueules… Il y a plusieurs chansons de
Céline que j’adore, mais celle que j’aime le plus, c’est celle que je vais faire ce
soir, L’amour existe encore. Luc Plamondon a le don d’écrire des choses
profondes avec des mots simples. Tous les numéros avec les invités, ce sont des
happenings, ce sont des moments spéciaux, Ce sera un show à la hauteur de ce
qui avait été annoncé. L’amour existe encore, je le reprends sur mon dernier
album. Ça prend une autre dimension, chanté par un gars. Je suis bien fier de la
faire avec Céline. Le mélange de ma gravelle et de la pureté de la voix de Céline,
tout ça mélangé avec la
chanson, c’est génial.»
Ce spectacle passe à l’histoire, au même titre que les spectacles sur le Mont-
Royal, comme J’ai vu le loup, le renard, le lion, il y a une trentaine d’années. La
foule crie, chante avec Céline et les autres artistes, pleure quand Céline pleure
sous le coup d’émotions fortes, trépigne de joie, etc. C’est quelque chose comme
une apothéose sous le ciel de Québec. Et malgré toute son expérience, Céline a
le tract et est nerveuse avant de monter sur scène. Éric chante en duo avec Céline
L’amour existe encore, la chanson de Plamondon et Cocciante. Puis il interprète
Chasse-galerie avec Garou et Claude Dubois, et il chante Toucher et Mon Ange
en solo.
Le journaliste de La Presse Alain de Repentigny écrit, au lendemain du
spectacle mémorable : « Les larmes de Céline étaient des larmes de joie, celle
d’avoir pu toucher à la beauté d’aussi près en compagnie d’une grande dame
[Ginette Reno] qui n’a jamais cessé de l’habiter. Des grands moments, cette
soirée d’été idéale nous en a offert plusieurs. Je pense au
plaisir tangible et communicatif de Céline dansant et chantant Dégénération avec
Mes Aïeux (“Ton arrière-arrière-grand-père il a défriché la terre…”). À cette
grande rencontre avec Zachary Richard, le plaisir qu’éprouvait Céline en
blowant sur L’arbre est dans ses feuilles, mais surtout leur communication sur le
thème de la patrie dévastée par l’ouragan Katrina. […] Éric Lapointe chante
toujours comme s’il fouillait dans ses plaies les plus profondes. Hier soir, quand
il a chanté avec Céline le chef-d’œuvre de Plamondon et Cocciante, L’amour
existe encore, il était plus intense que jamais, mais comme en paix avec lui-
même, serein presque. […] Tout ce beau monde n’a pas seulement été à la
hauteur de cet événement, il s’est carrément surpassé. […] Céline Dion est une
grande. Elle l’a prouvé de la plus belle façon qui soit, hier soir. »
Croyez-le ou non, les 29 et 30 août, le premier Festival de la Poutine a lieu à
Drummondville, bien évidemment, qui revendique le statut du lieu d’invention
de ce mets très calorifique. C’est le groupe musical Les Trois Accords qui a pris
l’initiative d’organiser ce festival de la « frite-fromage-sauce », et ils ont invité un
chanteur aussi populaire que la poutine, Éric Lapointe, parmi d’autres artistes
moins connus à l’échelle nationale, comme Pépé et sa guitare, Kodiac,
Omnikrom, le Pascale Picard Band et Shilvi (pour les enfants amateurs de
poutine). Ce premier festival est un véritable succès, car 15 000 personnes sont
venues sur place, non pas pour se sucrer le bec, mais bien pour se le saler et
écouter le rockeur.
Après le Festival de la Poutine de Drummondville, Éric doit courir — question
de bien digérer tout ce gras qu’il a dû ingurgiter — dans la région de Lanaudière
pour participer au Festival de Saint-Donat, qui allie musique et fine cuisine. La
bouffe, on n’y échappe pas ! Cette fois-ci, il est jumelé à Sylvain Cossette, le
temps d’un spectacle au Centre civique Paul—Mathieu, alors que la diva Diane
Dufresne est
accompagnée d’un quatuor à cordes à l’église de Saint-Donat.
Le 30e Gala de l’ADISQ, qui a lieu cette année-là le 2 novembre, est présenté
exceptionnellement au Centre Bell. On y rend hommage à Céline Dion, qui
reçoit donc le Félix hommage. Elle détient le record, avec 39 Félix. À l’époque,
il y a 10 ans, Céline Dion a animé le 20e gala en compagnie de Jean-Pierre
Ferland, André-Philippe Gagnon et René Simard, et c’est justement au Centre
Bell, appelé à l’époque Centre Molson, qu’a eu lieu l’événement qu’on veut
rappeler. Éric Lapointe est en lice dans la catégorie de la chanson populaire de
l’année, pour sa chanson 1500 Miles : « 1500 miles sur des routes de pluie me
séparent encore de toi/1500 miles je reviens ma vie, seras-tu encore là pour
moi ? » Cette chanson a été écrite sur mesure pour Éric Lapointe par Daniel
Lavoie et Louise Forestier. Selon le principal intéressé, cette chanson raconte
l’histoire d’un gars qui revient vers sa blonde. C’est le public qui est appelé à
voter, et le vote a lieu par téléphone, dans les deux semaines qui précèdent la
présentation du gala. Il est aussi en nomination pour le spectacle de l’année, avec
son party des Fêtes du 31 décembre. Lors du gala, il est sur scène et chante, tout
comme Robert Charlebois, Claude Dubois, Alfa Rococo, Les Cowboys
Fringants et plusieurs autres. Même l’orchestre
symphonique de Montréal rend hommage à Céline.
Peu après, Éric publie un DVD qui expose six mois dans la peau du rockeur,
intitulé 6 mois dans ma peau. On peut suivre les péripéties d’Éric et de sa
joyeuse bande au cours des six premiers mois de l’année 2008. On y voit ses
nuits blanches dans le studio qu’il a monté chez lui et les musiciens qui
l’accompagnent dans ses séances d’enregistrement au studio de la rue
Parthenais : Steve Hill, Dan Georgesco, Bruce Cameron aux guitares. On y voit
également ses séances d’écriture aux Îles Turques-et-Caïques, le lancement du
disque Ma Peau, le tournage du clip 1500 miles, des instants de sa tournée, des
sessions de tatouage et des séances photo. Bref, on voit Éric Lapointe dans son
intimité comme on ne l’a jamais vu, sans censure. C’est un documentaire
touchant, impudique, provocant, brut, sans retouches ni gadgets — et sur fond
musical intense.
10. La lente descente aux enfers J’ai le cœur qui
claque
Et j’en connais la cause
Pris la main dans l’sac
J’ai un peu forcé sur la dose
Messieurs les corbeaux
Qui attendez ma mort
J’vous dis que bientôt
Vous danserez sur mon corps
Partir en paix
(Éric Lapointe/Éric Lapointe, Stéphane Dufour)
Depuis quelques mois, de nombreuses personnes, parmi ses amis, trouvent
qu’Éric ne va pas très bien, qu’il abuse de l’alcool et de certaines substances
chimiques. D’ailleurs, son look s’est transformé et subit les contrecoups de cette
vie débridée. On note que son visage est boursoufflé et qu’il sourit moins. En
novembre, il donne une entrevue à Benoît Gagnon, qui anime l’émission Le
retour sur les ondes de TQS. Éric Lapointe est dans un état assez avancé. On ne
sait plus si c’est l’effet de l’alcool, de substances chimiques ou d’une
combinaison des deux. Mais l’entrevue est un fiasco total. On y voit un Éric
Lapointe qui cafouille et qui sue abondamment. Son agent nie catégoriquement
qu’il était sous l’effet de l’alcool et se borne à dire qu’il était grippé ce soir-là,
que c’est la faute à l’intervieweur, qui n’a pas su prendre sa défense et l’aider,
étant donné son état. Quant à Benoît Gagnon, il multiplie les entrevues à la suite
de cette rencontre avec le rockeur, affirmant que cela a été extrêmement difficile
et qu’il a dû gérer « une crise nationale ». C’est ce qu’on appelle tirer la
couverture de son côté.
Cette entrevue suscite une multitude de commentaires négatifs et méprisants
sur le web. Mais il y a également un courant de sympathie qui se dessine et qui
presse le chanteur de se faire soigner avant qu’il ne soit trop tard. On doit même
annuler un spectacle qu’il devait donner à Rimouski, invoquant le fait qu’Éric a
la grippe. À Rivière-du-Loup, il arrive en retard, et il est visiblement en état
d’ébriété. Son spectacle est écourté et ne dure que 45 minutes. Il faut dire que
son agent, Yves-François Blanchet, l’a quelque peu abandonné à lui-même, car il
tente sa chance comme candidat à l’investiture péquiste dans la circonscription
de Drummond ; il ne peut donc plus être son agent. Malgré cette triste nouvelle,
Éric semble vouloir demeurer près de son ami. Pour l’encourager, Éric assiste à
l’assemblée d’investiture de son agent avec Loco Locass et quelques autres
artistes.
Pendant ce temps, au début de décembre, la copine d’Éric Lapointe, Mélanie
Chouinard, avec qui il entretient une liaison amoureuse depuis plusieurs mois,
sent le besoin d’intervenir publiquement pour défendre la réputation de son
chum. Cette lettre est envoyée par la principale intéressée au magazine web
People, qui la reproduit sur son blogue le 4 décembre 2008 : « Éric n’est pas un
débris, c’est l’homme le plus authentique et transparent que je connaisse. Un
homme romantique à fond qui rendrait n’importe quelle femme envieuse,
n’importe quel homme jaloux. […] Ça fait maintenant 11 mois que j’habite avec,
et il n’est même pas à un centième près des méchancetés que vous décrivez. […]
En passant, les trois quarts du temps, il est couché à 10 h 00 pm, se réveille le
matin pour faire le petit-déjeuner à mon fils, le reconduit à l’école…»
Quelques jours avant les élections, la police de Drummondville appréhende
Blanchet alors qu’il est assis dans sa voiture en état d’ébriété. Blanchet affirme
qu’il n’avait nullement l’intention de prendre le volant et qu’il s’est rendu dans
sa voiture pour y prendre des objets personnels, car il habite tout près, puis qu’il
voulait écouter ses messages sur son téléphone cellulaire alors que le moteur de
la voiture n’était pas en marche. Tout porte à croire que Blanchet aurait été
piégé. La nouvelle de son arrestation demeure secrète, car aucune accusation n’a
encore été portée contre lui, mais
malgré tout, l’information finit par être « coulée » aux médias. Le lendemain de
cet incident où il a échoué l’alcotest, Éric Lapointe lui envoie un courriel qui dit
à peu près ceci : « Bienvenue dans la vie d’Éric Lapointe », comme pour lui
rappeler que des crises de cet ordre, il en a connu plusieurs et qu’il sympathise
avec lui. En dépit de cet incident de dernière minute, Blanchet, l’ex-agent de
Lapointe, sera par la suite élu député de Drummond.
Mais pour Éric Lapointe, la vie continue. La fin de l’année 2008 approche, et
le rockeur, qui n’a plus d’agent, doit organiser malgré tout son party de fin
d’année, un must, avec sa belle « gang de malades », car on ne peut pas être
infidèle aux traditions qu’on a soi-même créées. L’année 2009 est l’année de ses
quarante ans, l’année des grands questionnements, la mi-temps d’une vie. Après
tout, il s’apprête à célébrer son neuvième party du temps des Fêtes, un
événement devenu incontournable, celui que tout le monde attend, et
particulièrement ses complices : Paul Piché, son frère Hugo Lapointe et Martin
Deschamps, ainsi que quelques nouveaux venus, comme Loco Locass, Marie-
Mai, Suzie Villeneuve et Jonas. Il y a un gros changement, cette année-là :
l’événement a lieu au Centre Bell, rien de moins, là où la bière est très chère,
mais où ça va rocker très fort. La scène du Centre Bell est ample et permet un
meilleur déploiement des musiciens : deux batteries, six cuivres et quatre guitares
— avec celle d’Éric. 3500 chauds partisans brassent la cage, une bière à la main,
et assistent au décompte de la fin d’année.
Comme d’habitude, la commande est de faire les chansons les plus populaires
du répertoire des artistes — les classiques — pour que le public puisse chanter
en même temps que les artistes. C’est tout le sens qu’Éric veut donner à son
party. Loco Locass a déjà été invité à ce party en 2004. Un des membres du
groupe, Chafik, a une explication à propos du fait qu’Éric les ait invités de
nouveau cette année, qu’il donne au journaliste Alexandre Vigneault, venu
assister à la répétition générale : « Il nous invite chaque fois que Charest est
majoritaire, parce qu’il aime beaucoup l’une de nos chansons qui traduit
exactement ce qu’il en pense, lui aussi. » Il fait allusion à Libérez-nous des
libéraux, bien évidemment. Quant à Paul Piché, il sait qu’il va chanter son
hymne typique du temps des Fêtes, Mon Joe (« C’t’aujourd’hui, l’jour de
l’An/Gaie-lon-la mon Joe ma lurette…»).
À propos de son ex-agent, Yves-François Blanchet, qui est devenu député du
Parti québécois dans la circonscription de Drummondville, Éric rappelle que
c’est maintenant à lui de donner des tapes dans le dos à son ex-agent, car celui-ci
a découvert comment il est difficile de vivre comme un grand livre ouvert et de
faire les manchettes avec des événements qui n’ont rien à voir avec la fonction.
Il est content qu’Yves-François ait été élu. Son départ ne l’inquiète pas outre
mesure, puisque la machine est bien huilée et que sa carrière se porte bien.
Ceux qui ont acheté des billets V.I.P. peuvent passer la soirée sur la scène, aux
côtés des deux batteurs. Un bar a été aménagé au fond du parterre. Mais à cause
de la vastitude des lieux, sans doute, la magie n’opère pas comme les années
précédentes au Métropolis, même si tous les artistes donnent leur 110 %. Le
journaliste Philippe Renaud, de La Presse, rapporte : « Mais le spectacle était
autant dans ce feu roulant de gros classiques du top 40 américain et québécois
que dans la mine béate d’Éric Lapointe, un micro dans une main, une bière dans
l’autre, se promenant sur scène comme dans son party de sous-sol, heureux de se
faire une fête entre amis comme lui seul sait les organiser. Reste que nous
aurions pris quelque chose d’un peu plus relevé qu’un duo d’Éric Lapointe et
Suzie Villeneuve (L’amour existe encore de Céline) pour passer les derniers
instants de 2008. Et c’est Biz de Loco Locass qui a investi la scène après le duo
pour nous informer que l’année 2009 était bel et bien arrivée, bises et accolades,
le traditionnel décompte (en retard !) puis un Minuit, chrétiens (version
éthylique) chaleureusement gueulé par les artistes et leurs fans, avant de repartir
sur la dérape rock pendant encore une bonne heure.»
En 2009, la station radiophonique Rythme FM 107,5 célèbre ses 10 ans, et elle
organise différents spectacles pour souligner l’événement, dont un avec Éric
Lapointe. Mais à la fin du mois de janvier, de retour d’un voyage à Cuba — où il
était en compagnie, entre autres, de Jonathan Painchaud (groupe Okoumé) et de
chanteurs du groupe Les Respectables pour y préparer un spectacle —, le
rockeur est hospitalisé d’urgence à l’hôpital Royal Victoria de Montréal. Il a
ressenti un malaise en s’entraînant dans le gymnase qu’il fréquente assidûment,
selon le communiqué officiel émis par son attachée de presse, Élizabeth Roy.
Gardé aux soins intensifs et maintenu dans un coma artificiel pendant plusieurs
jours, il est soumis à toute une batterie de tests, et il doit recevoir un traitement
pour atténuer les effets du sevrage d’alcool. Plus tard, on apprend qu’il a frôlé la
mort et que sa dépendance à l’alcool en est la cause, selon toute vraisemblance.
Il doit être mis en contention et rester plongé dans un coma artificiel pour
accélérer sa guérison. Le sevrage d’alcool et de drogue suscite, chez le rockeur,
un grave délire neurologique. Il est en proie à des hallucinations terrifiantes et
semble incapable de reconnaître ses proches. Les médecins ont peur pour sa vie,
car ils craignent une cirrhose. Pour l’instant, seule sa participation à l’événement
Harley-Davidson, organisé à l’aréna Maurice-Richard, est annulée.
La presse s’empare de la chose, et tout le monde y va de ses commentaires, de
ses mises en garde, de ses craintes. La blogosphère s’enflamme, et on suppute
les chances de rémission du rockeur, ses possibilités de s’en sortir ou sa
prochaine rechute. Mais Éric reçoit également des milliers de messages
d’encouragement de la part de ses admirateurs, ainsi que des fleurs, des toutous
et des lettres de soutien. Son hospitalisation se retrouve au deuxième rang des
nouvelles, selon Influence Communication, avant les déboires du club Canadien
et ceux de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Nathalie Petrowski, de La Presse, ne peut s’empêcher de rappeler, dans sa
chronique habituelle, qu’elle s’est entretenue avec lui cinq ans auparavant et
qu’Éric Lapointe lui est alors apparu en plein contrôle de lui-même, se croyant
même invincible. Elle affirme avoir toujours admiré le « rockeur sanctifié »
(reprenant l’expression de Lucien Francoeur). Selon elle, Éric est un être
généreux, sensible et ouvert, et elle ne l’a jamais jugé malgré ses excès. À une
époque, il lui semblait qu’Éric était sans doute le dernier des vrais, le dernier des
Mohicans, le dernier bad boy qui résistait à la tendance générale, à l’heure où
tous les vieux rockeurs prennent leur retraite et se recyclent en chanteurs de
casino ou en gentlemen-farmers. Mais Petrowski estime que là, Éric vient de
frapper un mur et qu’il devra sérieusement se questionner sur la suite des choses :
« Éric est désormais confronté à un choix : ou bien il revient dans le droit chemin,
avec le reste de l’humanité sobre et salariée, ou bien il en crève. Ou bien il fait
un Dan Bigras de lui-même ou bien il va rejoindre Gerry et Dédé au ciel. […] La
réalité à laquelle Éric Lapointe est aujourd’hui confronté, c’est que personne
n’est invincible. […] La réalité dans le cas d’Éric Lapointe, c’est qu’à sept mois
de ses 40 ans, la machine endurante et tenace de son corps qui a été soumise à
tous les excès commence dangereusement à s’essouffler et à voir le bout de ce
qu’elle ne croyait jamais atteindre: ses limites.»
Devant l’incertitude de son état de santé, bien qu’on sache que celui-ci
s’améliore et qu’il sortira de l’hôpital vraisemblablement dans quelques jours, on
n’a pas d’autre choix que d’annuler tous ses spectacles pour le mois de février :
Sept-Îles, Baie-Comeau, Saint-Lazare, Terrebonne et l’Assomption. Mais on
maintient toujours la sortie de son prochain album pour le 31 mars. Son attachée
de presse, Élizabeth Roy, affirme qu’ « il semblerait que l’origine de son malaise
ait été une grande fatigue générale, sa consommation excessive d’alcool et une
pneumonie».
Comme prévu, le 17 février, Éric Lapointe sort de l’hôpital après avoir
séjourné plusieurs jours à l’unité des soins intensifs de l’hôpital Royal Victoria
de Montréal. Il accepte de prendre plusieurs semaines de repos pour se remettre
sur pied. Il est suivi par une équipe de supervision spécialisée qui doit veiller à
ce qu’il cesse complètement sa consommation d’alcool, « complètement » étant le
mot magique, sans doute. L’endroit de sa retraite demeure secret afin qu’il n’y
ait aucune tentation possible, mais c’est un secret de polichinelle qu’il va
s’envoler avec sa compagne Mélanie Chouinard vers les Îles Turques-et-
Caïques, où il a ses aises et ses habitudes. Il a besoin de cette retraite pour
reprendre le contrôle sur sa vie. En frôlant la mort, il a compris qu’il tient à la
vie, qu’il ne veut plus tout risquer pour une image de rockeur insouciant et à la
vie déréglée. Il veut se prouver qu’il peut mener une vie plus rangée sans pour
autant sacrifier sa carrière de rockeur, ou sa bande d’amis, sans tomber pour
autant dans la routine des relations de 9 h 00 à 5 h 00.
Il confie la gérance de sa carrière à deux personnes responsables : Jean-Yves
Blais et Élizabeth Roy, qui tiennent son agenda à jour pendant son absence. La
machine à réservation continue de fonctionner, malgré la mise au repos du boss.
On pourrait même penser qu’elle s’emballe, tout le monde désirant avoir, sur son
plateau ou dans sa salle de rédaction, le rockeur qui revient d’un voyage outre-
tombe.
Ainsi, on annonce qu’Éric participera, le 25 avril 2009, au concert spécial Une
chance qu’on s’a, hommage à Jean-Pierre Ferland, qui aura lieu au Théâtre
Saint-Denis pour célébrer les 50 ans de vie artistique du Petit Roi. Éric sera aux
côtés de Ginette Reno, Marie-Élaine Thibert, Bruno Pelletier, Kevin Parent et
Natasha St-Pierre, et la mise en scène sera assurée par le comédien Denis
Bouchard.
Le 19 mars 2009, Michelle Coudé-Lord, qui couvre l’actualité culturelle au
Journal de Montréal depuis fort longtemps, réalise une première entrevue de
fond avec le rockeur à peine rentré de sa retraite des Îles Turques-et-Caïques.
Dans cette entrevue, publiée dans Le Journal de Montréal le
lendemain, s’intitulant « Éric Lapointe, entre l’ombre et la lumière », le rockeur
revient sur son accident, son séjour à l’hôpital et sa cure de désintoxication.
Le dimanche 22 mars, Éric le survivant, bien bronzé, fait sa première sortie
publique à la télé pour participer à l’émission Star Académie. Il appréhende ce
moment avec beaucoup de désir et d’anxiété à la fois. Éric n’y est pas seul.
Sylvain Cossette, Dany Bédar, Michel Rivard, Kent Nagano, son ami Patrick
Huard, et, bien sûr, Julie Snyder et le directeur de Star Académie, René
Angélil, le mari de Céline, l’accompagnent.
En l’apercevant, René Angélil ne peut empêcher l’émotion de l’étreindre : « Je
ne t’ai jamais vu aussi beau que ce soir et tu sais comment gros je t’aime. Je te
trouve fort. » Il est fort, certes, mais il a l’œil vif et sobre, surtout. Patrick Huard
est tout aussi ému et lui rappelle combien le monde l’aime en l’appelant « mon
estie ». Tel un boxeur qui revient de loin, Éric doit maintenant prouver que le
rockeur n’a rien perdu de sa force et de sa capacité de séduction, qu’il n’a plus
besoin d’alcool ni de drogue pour le pousser plus en avant. C’est le moment de
vérité. Le survivant, celui qui a frôlé la mort de près, attaque avec quatre
chansons : Terre promise, Les malheureux, Belle dans la tête et 1500 miles. On
crie et on applaudit. On pourrait le surnommer « Monsieur 100 000 volts »,
comme pour Bécaud, tellement il dégage de l’énergie brute. C’est ce dont il avait
besoin, ce contact presque charnel avec son public. Il est de nouveau consacré le
rockeur le plus populaire du Québec, et tout le monde semble lui dire : « Ne nous
refais plus jamais ce tour!»
Interrogé par Julie sur sa maladie, Éric n’est pas encore prêt à se confier
totalement. Même s’il demeure sur ses gardes, il répond à toutes les questions,
même celles qui lui rappellent de mauvais souvenirs. « À vingt ans, on veut
mourir, à quarante ans, on veut vivre », répond-il à une question venant de
participants de Star Académie, ajoutant que son histoire d’amour avec la
bouteille a failli le tuer. Plus de 2 291 000 personnes assistent ainsi au retour en
direct d’Éric Lapointe à Star Académie.
Devant l’immense succès de l’album Duos Dubois (250 000 exemplaires
vendus), auquel a collaboré Éric Lapointe, voici que le producteur Paul Dupont-
Hébert convainc Jean-Pierre Ferland de faire un album de chansons en duo avec
ceux qui vont lui rendre hommage le 25 avril. Ferland accepte, bien
évidemment, et ajoute au moins deux chanteurs qui ne seront pas présents lors de
l’hommage à Ferland: Gilles Vigneault et Linda Lemay.
Le 26 avril, Éric passe de nouveau à l’émission populaire de Radio-Canada
Tout le monde en parle. Le 28 avril 2009, il lance un nouvel album, Ailleurs,
Volume 1, une compilation qui comprend des chansons en duo, dont L’amour
existe encore avec Céline Dion, des chansons-hommages, des chansons puisées
dans le répertoire de ses amis et des collaborations spéciales, dont l’étonnante
interprétation de À toi, de Joe Dassin : « À toi, à la façon que tu as d’être belle/À
la façon que tu as d’être à moi/À tes mots tendres un peu artificiels
quelquefois… ». Bref, on y retrouve plusieurs chansons qui étaient éparpillées à
gauche et à droite depuis quinze ans et que les admirateurs sont contents de
retrouver, puisque 40 000 exemplaires de l’album sont écoulés en seulement
quelques semaines.
Le 2 mai 2009, il donne une nouvelle entrevue à Nathalie Petrowski, dans La
Presse, intitulée « La soif de vivre ». La rencontre a lieu dans un restaurant italien
du nord de la ville. Attablé devant la journaliste, un verre de Virgin Mary à la
main — Éric a promis qu’il ne toucherait plus à une seule goutte d’alcool pour le
reste de sa vie —, il répond avec un plaisir évident à ses questions. Il raconte
avec aplomb : « Quand je suis sorti de l’hôpital, je suis parti au bord de la mer
avec ma blonde et je n’ai pas dit un mot pendant trois semaines. Ma blonde
capotait. Elle ne m’avait jamais vu de même. Je lui ai dit de ne pas s’en faire.
J’étais seulement en train de réfléchir et de faire le bilan de ma vie. C’est bizarre,
mais j’ai toujours été convaincu que j’allais mourir jeune. Fallait que je trouve
autre chose. Mon histoire d’amour avec la dope, l’alcool et la nuit, c’était
romantique, rock’n’roll et très inspirant pour écrire des tounes, sauf que c’était
en train de me tuer. Je le savais, mais je continuais pareil parce que je suis un
excessif. Je suis allé jusqu’au bout de ça. Je ne regrette rien. J’ai vécu ce que
j’avais à vivre. J’ai eu ben du fun jusqu’au jour où ce n’était plus le fun pantoute.
La scène me faisait peur. Quand je regardais mes horaires de shows, je me
demandais chaque fois comment j’allais me rendre jusqu’au bout. J’avais encore
envie de faire plein d’affaires, mais la fille Vodka refroidissait mes élans à tout
coup… Je ne sais pas pourquoi je buvais autant. Tout ce que je sais, c’est que
boire de même, c’est clair que c’est un suicide calculé.»
Il raconte que lorsqu’il a reçu son congé de l’hôpital, le médecin ne lui a pas
interdit de boire. Il lui a seulement dit que s’il touchait à une goutte d’alcool, une
seule, il serait mort à la fin de l’année. Lapointe était déjà passablement ébranlé
par le calvaire physique qu’il venait de traverser. Cet avertissement n’a fait que
confirmer que c’était bel et bien fini entre la « fille Vodka » et lui — fini à jamais.
Il n’avait plus le choix: c’était l’abstinence ou la mort.
Lapointe remarque : « En y repensant, je me suis dit que si tout ça m’était
arrivé à 30 ans, j’aurais continué à boire pareil, mais avec mes 40 ans qui
approchent, y’a la maturité qui s’est installée. Et puis, à ma grande surprise, ne
plus boire, c’est plus facile que je l’imaginais. Tout ce que j’en retire est positif.
Je me réveille en forme. J’ai le double d’énergie. J’ai retrouvé des fréquences
dans ma voix que je croyais perdues. On me comprend quand je chante. J’ai le
goût de faire de la musique, des shows, toutes sortes d’affaires. Je refais
connaissance avec le kid que j’ai quitté à 25 ans pour la fille Vodka et ça me fait
le plus grand bien.»
Petrowski raconte que les derniers événements ont obligé Éric Lapointe à faire
le bilan de sa vie, à se pencher sur ce qu’il a fait depuis 1993. Et il s’est rendu
compte qu’épisodiquement, il sortait de chez lui pour aller à la découverte
d’autres voix, d’autres univers. C’est ainsi qu’il a découvert Céline Dion, Roger
Tabra, Elvis, Dan Bigras, Isabelle Boulay, Claude Dubois et Nanette Workman
pour ensuite chanter leurs chansons. Il a donc voulu en faire un album qui porte
bien son titre, Ailleurs, et a rassemblé ainsi 14 chansons diverses. Il y a aussi mis
une chanson, Le matou dégriffé, qu’il a composée en 2006, pour la série Annie et
ses hommes, où il avait un petit rôle, mais qui est toujours d’actualité : « Je suis
un bazou pas mal usé/Une vieille minoune aux ailes rouillées/J’ai trop roulé à
100 milles à l’heure/J’ai fait trois fois le tour du compteur/Mais fie-toi pas à
carrosserie/En d’dans, le moteur est pas fini. »
Petrowski continue : « Le mot résilience m’est venu plusieurs fois à l’esprit en
sirotant un Virgin Mary avec Lapointe. La résilience, on le sait, est une forme de
résistance positive aux chocs et aux traumatismes. Habituellement, elle survient
grâce à l’analyse ou à une forme d’encadrement. Mais Lapointe est un résilient
naturel. Il n’a vu un psy qu’une fois et n’a pas l’intention d’entrer chez les A.A.
Mieux encore : il continue de fréquenter les bars et jure qu’il n’a aucun problème
à être entouré d’amis qui boivent. Même qu’il
encourage son monde à boire pendant qu’il reste sobre.»
Mais Lapointe tient à préciser que cela ne veut pas dire qu’il n’a plus envie de
recommencer à boire : « Après tout, ça fait juste trois mois. J’ai encore des
instants très forts de soif. Mais c’est jamais avec les autres. C’est quand je suis
tout seul. Dans ce temps-là, je prends un Ativan pour me calmer les nerfs et ça
me passe. Reste qu’il y a une affaire dont je suis sûr : c’est pas dans mes plans de
rechuter. Vraiment pas. Je suis trop bien. »
Mais il rassure immédiatement la journaliste : il n’a pas « l’intention de devenir
un saint ni de laver plus blanc qu’un vicaire. » Petrowski écrit alors : « On peut
peut-être sortir la vodka du rockeur, mais pas le rockeur… du rockeur.»
Lapointe demande à la journaliste : « Sais-tu c’est quoi la définition du rockeur
dans le dictionnaire ? “Personne qui imite les comportements d’un chanteur
rock.” Ce qui veut dire que même le dictionnaire sait pas c’est quoi un rockeur.
Pour moi, un rockeur, c’est quelqu’un de vrai, pas un phony, quelqu’un qui joue
le jeu de la vérité, quitte à ce que ça se retourne contre lui. »
Puis, Petrowski conclut : « Pas de doute possible, Éric Lapointe est encore un
rockeur. Mais il est aussi un homme qui ne vit plus à l’envers de l’humanité, qui
partage son quotidien avec sa blonde et son fils de 6 ans, qui joue au hockey
bottine dans la ruelle avec le gamin et le reconduit le samedi matin à l’aréna, tout
cela entre une séance d’enregistrement avec les Lost Fingers ou Marjo
(prochainement), le lancement du nouveau CD, une série de concerts dans tout le
Québec, dont un à Montréal, au Métropolis le 16 mai, et la tranquille gestation
de nouvelles chansons. À ce tourbillon d’activités, il faut ajouter l’apprentissage
d’un bonheur sobre dont le seul excès pour l’instant est une rutilante moto
Harley-Davidson Low Boy noire, full chrome que Lapointe vient de s’acheter.
[…] Avant de quitter Lapointe, je lui demande où il se voit dans dix ans. D’un
air un brin provocant, il me cite un vieux proverbe chinois : Plus on s’élève, plus
dure sera la chute… »
Quelques jours auparavant, il accorde une entrevue à Michelle Coudé-Lord
pour le Journal de Montréal, à l’occasion de la sortie du volume 1 de l’album
Ailleurs. Il y tient plus ou moins les mêmes propos. La journaliste dit : « Sobre
depuis trois mois, Éric Lapointe apprivoise sa nouvelle vie au quotidien et se
surprend même à aimer la solitude sans avoir à ses côtés son ancienne blonde
nommée… Vodka. […] À l’aube de ses 40 ans, qu’il fêtera le 28 septembre
prochain, l’interprète a voulu rassembler, comme il le dit fort bien, “ces moments
de création et de générosité qui m’ont permis de briller avec de nombreuses
étoiles”. De Céline Dion, en passant par les Dubois, Ferland, Bigras, Isabelle
Boulay. Il nous donne rendez-vous dans un petit café de la rue Saint-Laurent…
en fin de matinée. Déjà bien différent de l’oiseau de nuit qui avait l’habitude de
rencontrer la presse dans les bars, et surtout pas avant la fin de l’après-midi.
L’homme est reposé, énergique, heureux et fièrement sobre. »
Le sage rockeur confie : « C’est moins pire que j’aurais pensé. J’ai du plaisir ;
plus de facilité à m’exprimer et à faire mon métier qui est ma raison de vivre, ma
passion. Je redécouvre mes amis, je ne pensais pas que j’en avais autant. Des
bons. Des vrais. J’ai dit à ma gang de musiciens et de techniciens qu’ils
pouvaient boire avant et après les shows s’ils le voulaient. Ils m’ont dit qu’ils
jouaient mieux à jeun. Je commence à croire qu’ils se relayaient chacun pour
boire avec moi, mais que ce n’était pas leur bag. C’est bizarre, on dirait que je
redécouvre un personnage qui s’appelle Éric Lapointe. Je ne le connaissais pas.
Sur scène, j’ai été nerveux, les premiers spectacles. Je titube encore un peu, de
vieilles habitudes d’un gars qui a performé parfois avec de la boisson dans le
corps. Je ne sais pas où placer mes mains, j’avais souvent une bouteille de bière
dans la main. Mais j’ai tellement plus de fun, avoue-t-il avec sincérité. Mon
adolescence fut longue, très longue. J’ai tout fait pour mourir jeune. Et là, ayant
atteint 40 ans, me voilà trop vieux pour mourir jeune. Je dois faire d’autres
plans, comme m’habituer à vivre le jour. Je me suis souvent demandé à quoi les
gens qui ne vivaient pas la nuit occupaient leur journée. Quoi faire de tout ce
temps ? J’ai eu des petits moments d’anxiété et là je prends mes pilules pour
m’aider. Ça ne m’est pas arrivé souvent. Je suis fier. […] J’ai tout ce que je peux
désirer dans la vie. Je vis de mon art, de ma passion, j’ai des fans incroyables,
j’ai dû ajouter deux dates au Métropolis, même en ces temps plus durs. Je suis
privilégié. »
Pour Éric, les artistes qui atterrissent dans ce métier sont en quête d’amour. Et
de l’amour, il en reçoit beaucoup de la part de ses admirateurs et de ses amis.
Des gens de tous les âges lui ont envoyé des témoignages d’encouragement et
d’espoir. Il avoue qu’il est complètement désarmé devant les femmes, qu’il ne
sait pas quoi dire. Il révèle : « C’est peut-être pour cela que j’ai commencé à
boire. J’ai vécu une histoire d’amour passionnée avec l’alcool. Ça m’a donné des
nuits folles d’intensité, des albums, des femmes incroyables que je n’aurais
jamais pensé avoir. Mais l’alcool me tuait. Je ne buvais plus par passion, mais
par besoin physique. Mourir ou changer de vie. J’ai décidé d’apprendre à vivre
le jour. »
À propos de son album Ailleurs, il confie qu’il aime vivre de beaux moments
avec des gens qu’il aime et qu’il respecte, que c’est un peu le sens de sa
démarche quand il chante quelques chansons d’auteurs ou d’interprètes qu’il
apprécie tout particulièrement. Il ajoute : « Ça me sort de ma bulle et me permet
d’aller dans l’univers d’un autre artiste. J’y vais d’instinct. J’apprends et je
grandis à travers ces expériences. Je ne le fais jamais pour me positionner. Ce
sont des coups de cœur.»
Puis il s’explique sur ses choix de chansons. À propos de L’amour existe
encore de Céline Dion, il dit : « Une chanson que j’affectionne. La plus belle de
Plamondon à mon avis. Je l’ai chanté pour la première fois lors d’un hommage à
Berger-Plamondon. Et l’été dernier, sur les plaines avec Céline. Un de mes
grands moments de carrière. Je remercie Céline de m’avoir permis de l’inclure
dans cet album. Une chanson que Plamondon avait écrite pour un gars, car c’est
une histoire de bum. On parle d’années de déroute… mais elles sont où les
années de déroute à Céline? Cette toune-là me colle plus à la peau.
« Le pitbull s’en vient. Ma chanson composée pour le film Les Boys 3. Je vis
une belle histoire avec cette gang-là. Et mon agent
m’appelle, depuis 20 ans, le pitbull. Une toune que
j’aimerais bien faire en show.
« À toi. C’est mon hommage à Joe Dassin. J’ai été initié par ma mère, qui était
une grande fan.
« Le matou dégriffé. C’est une chanson enregistrée pour Annie et ses hommes.
Un épisode dans lequel Claude Legault m’avait écrit une chanson. Je l’ai
arrangée. C’est une belle toune d’été. Et le matou dégriffé, ça me ressemble à ce
moment-ci de ma vie.
« Une chance qu’on s’a. Ferland, c’est l’ensemble de son œuvre qui
m’impressionne. Il a une plume et le talent que j’aurais aimé avoir. Je crois que
nous n’avons pas développé une amitié d’homme parce que je l’admire trop, ça
crée une barrière. Mais on se ressemble, c’est un bum et un
romantique dans l’âme. Je l’aime profondément.
« Un homme, ça pleure aussi. Elle est de Roger Tabra, et Dan Bigras et moi,
on la chante. Ça nous ressemble tellement tous les deux, Bigras et moi. Je n’ai
aucune pudeur à pleurer en public. Ça fait du bien de pleurer pour toutes sortes
de raisons. C’est la vie. Et Bigras et moi, on s’aime.
« Folle de nuit. L’album solo de Serge Fiori. Les arrangements laissaient à
désirer — excuse-moi, Serge (rires) —, mais Harmonium, j’en ai tellement
écouté, j’ai de la difficulté à choisir parmi leurs compositions. Tant qu’à prendre
une chanson, il faut que tu lui apportes quelque chose qui t’amène ailleurs.
« Si je savais parler aux femmes. Ça rejoint bien des hommes. Je suis très
maladroit pour cruiser une femme et la séduire. Sur scène, c’est fameux, tu en as
des milliers devant toi. Mais la femme me désarme, on ne vient pas de la même
planète.
« L’héroïne, cette histoire. Une demande d’Isabelle Boulay, de son premier
album. Quand on dit qu’un duo, une collaboration fait grandir. C’est un échange.
Isabelle t’apporte tout cela.
« Papa, pourquoi tu cries ? Une chanson très forte de Roger Tabra sur la
violence des hommes, que j’ai enregistrée au début des années 90 pour une
campagne de levée de fonds. Elle circule encore dans les maisons de thérapie.
C’est une superbe chanson qui me touche énormément. Pour moi, la violence
chez les hommes, c’est un manque de vocabulaire.
« Chasse-galerie. L’une des grandes chansons de notre répertoire. Un honneur
de chanter avec Claude Dubois et Garou. Je dis merci à Claude et à Sony de
m’avoir permis de la reprendre sur cet album.
« I want you, I need you, I love you. Je suis un fan fini d’Elvis Presley. J’ai une
collection incroyable de ses albums. À huit ans, je m’endormais avec sa
musique. J’avais enregistré cette chanson pour un magazine, Top CD, qui est
mort rapidement, donc la chanson n’a pas eu de rayonnement. J’ai décidé de
l’inclure dans cet album.
« Rock steady. C’est ma Nanette, mon fantasme. J’aime tout de cette femme.
Sa voix, son énergie. Participer à son album fut un grand honneur.
« Les uns contre les autres. Aucun homme ne l’avait jamais chanté. C’est
vraiment
l’ailleurs…»
Quelques jours plus tard, Éric Lapointe reprend son costume de chanteur des
causes humanitaires, et il est du spectacle organisé par Patrick Groulx, alias Pat,
au Théâtre Saint-Denis, pour venir en aide à l’organisme Entraide Grands
Brûlés. Il se retrouve en compagnie de Boom Desjardins, Jean-Michel Anctil et
plusieurs autres. Il pourrait passer son tour en alléguant qu’il revient de loin et
qu’il est toujours sous le choc à cause de ce qui lui est arrivé, mais non,
l’adrénaline de la scène lui manque, et il s’empresse d’accepter l’invitation pour
cette noble cause. Quelques jours plus tard, on le sollicite de nouveau. Cette fois-
ci, c’est pour une soirée-bénéfice au profit de la Fondation québécoise pour les
enfants malades du cœur, En Cœur, dont Jacques Demers est le porte-parole.
Plusieurs dizaines d’artistes et de personnalités sportives sont présentes, dont son
ami Michel Rivard et les boxeurs Éric Lucas, Joachim Alcine et Jean Pascal.
À la fin du mois de mai, les téléspectateurs voient à la télé quelque chose
d’insolite et de fascinant : deux Éric Lapointe. Le premier, c’est celui d’avant la
chute. Le 30 septembre 2008, il est monté à bord du train de Josélito Michaud. Il
était dans un état second. Le journaliste Hugo Dumas rapporte dans La Presse :
« Il digérait encore l’alcool ingurgité la veille, lors de sa fête d’anniversaire.
L’œil vitreux, le visage bouffi, le rockeur de 39 ans butait sur les mots et
bredouillait ses phrases avec la voix graveleuse d’un noctambule qui a écumé
tous les bars de Montréal en une seule nuit. Il buvait même de la vodka pendant
l’interview. » Au cours de la même émission, On prend toujours un train, on
peut voir une deuxième entrevue du même rockeur devenu sobre, effectuée
plusieurs mois après la première. Éric Lapointe vient alors de sortir de son long
coma artificiel, alors qu’il a été aux prises avec un delirium tremens
cauchemardesque. « Éric ne se souvenait même pas de notre premier entretien »,
raconte Josélito Michaud, le concepteur, animateur et producteur de ces grandes
entrevues qui explorent — avec douceur et tact — toutes les formes de deuil.
Puis le journaliste poursuit sa description de l’entretien : « Enfoncé dans sa
banquette, une cigarette à la main, l’interprète de Terre promise se raconte avec
une franchise désarmante. Sur sa relation quasi fusionnelle avec sa mère, Doris,
il confiera : “L’hôpital de l’âme, c’est ta mère.” Sur son corps qu’il a
passablement usé : “Mes médecins me donnent 15 ans de plus.” Sur son
hospitalisation, une sorte de suicide calculé : “Les médecins m’ont sauvé la vie.
Ils m’ont aussi sauvé le cerveau.” Sur ses vices : “Il ne me reste que la cigarette.
Les femmes, ç’a l’air que c’est bon pour la santé.” Sur sa rupture avec l’alcool,
son enfer paradisiaque : “Je ne m’en cache pas, j’adore l’ébriété. Ça va me
manquer jusqu’à la fin de ma vie.”»
11. La rémission Ils ont tous dans leurs larmes
quelque chose
[d’étrange
Un signal d’alarme qui désarme et séduit
[même les anges
Ils sont tous dans les yeux ce que tu ne vois pas Qui n’appartient qu’à eux qui n’appartient
[qu’à moi Le miroir
(Éric Lapointe, Roger Tabra/Éric Lapointe, Stéphane Dufour)
Le fait de le voir ainsi en pleine forme, avec le visage normal, sans les rictus
occasionnés par trop d’alcool et d’autres substances chimiques, avec sa baby
face, reposé et presque transparent, ne peut qu’encourager tous ceux qui luttent
avec les mêmes problèmes à persévérer. Il y a une lumière au bout du tunnel.
Heureusement pour Éric, il n’a pas le temps de se morfondre longtemps sur son
sort. Juin s’annonce très chargé. Le rockeur sera en concert à deux reprises au
Métropolis, les 12 et 16 juin, puis à l’Étoile du Dix30 de Brossard le 4 juin, ainsi
qu’un peu plus tard, le 15 octobre.
Une certaine bonne nouvelle semble parfaite pour remonter, s’il y a lieu, le
moral de notre rockeur national. Trois journalistes culturels de La Presse, Marie-
Christine Blais, Jean-Christophe Laurence et Alexandre Vigneault, se donnent
comme tâche de dresser la liste des 24 plus belles chansons du Québec moderne.
Le chiffre 24 s’impose, comme dans la date de la Fête nationale des Québécois,
le 24 juin. La chanson d’Éric Lapointe, Terre promise, arrive en deuxième place !
«Poussé par le vent/Rien dans les poches, je me
promène au gré des saisons/Terre natale, souris, car demain/Ton enfant revient. »
Les journalistes disent que dans cette chanson, il y a « toute la québécitude : le
goût de l’errance, du voyage et de l’ailleurs, toujours présent depuis l’époque des
coureurs des bois et des défricheurs de terres ». En première place se trouve celle
de Claude Gauthier, Le plus beau voyage : « Je suis Québec mort ou vivant. »
Daniel Boucher arrive en troisième place avec Chez nous. Félix est à la
quatrième place, mais aussi à la cinquième avec Le tour de l’île et La nuit du
15 novembre. Claude Léveillée le suit avec Mon pays, et Gilles Vigneault est en
huitième place avec Il me reste un pays.
Malgré ses déboires passés, il est de nouveau invité à faire la fête au parc
Maisonneuve, le 24 juin, à l’occasion de la Fête nationale des Québécois, aux
côtés d’Ariane Moffatt, Marie-Mai, Florence K et Karkwa. La Bottine souriante
et Zébulon réchauffent l’atmosphère avant le début du spectacle. Le concert est
animé pour la première fois par Guy A. Lepage, qui prend ainsi la relève de
Normand Brathwaite. Les gens et la population en générale gardent une image
positive d’Éric Lapointe, celle d’un gars qui est tombé et qui est capable de se
relever dans la dignité. Son ami Dan Georgesco, des Porn Flakes, avec qui il a
travaillé à plusieurs reprises, assure la direction musicale. Sous les étoiles,
devant 250 000 personnes et une mer de drapeaux bleus, les artistes s’en donnent
à cœur joie. Même le ciel bleu s’est mis de la partie durant la journée en
préparant le terrain à une nuit étoilée remplie de joie et de fierté. Le spectacle
commence avec la chanson J’ai l’rock and roll pis toé, d’Offenbach, chantée par
Éric Lapointe, Marie-Mai, Ariane Moffatt, Karkwa et Zébulon, puis se termine
quelques heures plus tard avec la chanson Terre promise, chantée par Éric. La
boucle est bouclée: mission
accomplie.
Dans une entrevue à la journaliste Michelle Coudé-Lord, du Journal de
Montréal, Éric avoue que chanter un 24 juin à l’occasion de la Fête nationale,
c’est un geste éminemment politique : « Bien sûr que ce sont des shows à
connotation politique. Voyons, faut dire les vraies affaires. Tu chantes pour ton
pays, et le mien c’est le Québec. Sur cette scène-là du parc Maisonneuve, le
24 juin, je suis un chanteur politique rockeur. […] Ça fait longtemps que je
milite. J’ai connu Yves-François Blanchet, maintenant député du Parti
québécois, il y a 20 ans, et il fut mon gérant, donc, oui, je n’ai pas honte de
chanter haut et fort mon pays. Et moi, les fêtes du Canada ne pourraient pas
m’attirer avec le double du cachet pour aller chanter le 1er juillet sur une scène à
Ottawa. […] La vue qu’on a de ces 200 000 personnes au parc Maisonneuve en
communion parfaite avec nous sur scène est un moment magique. Je suis ému à
chaque fois. »
Les FrancoFolies reviennent pour une 21e année. Parmi les onze grands
événements gratuits qui se déroulent entre le 30 juillet et le 9 août 2009, Éric
Lapointe est invité à se joindre au « duo d’enfer » formé par Marjo et Marie-
Chantal Toupin, qui seront réunies pour la première fois sur une même scène et
dans un même spectacle. Éric ne peut pas se plaindre d’être ainsi entouré par
deux bêtes de scène, à moins que ce soit plutôt Marie-Chantal Toupin qui se
retrouve entourée de deux bêtes de scène du rock’n’roll. Éric chante L’amour
existe encore en duo avec Marie-Chantal, puis Ailleurs avec Marjo. Ce sont des
moments vraiment touchants que les
milliers d’admirateurs apprécient.
Puis le FestiBlues prend la relève des concerts en plein air. Au parc Ahuntsic,
on peut entendre et voir Éric Lapointe, lors du spectacle de clôture, entouré des
Porn Flakes, de Patrick Bourgeois et d’Élizabeth Blouin-Brathwaite, entre
autres.
Les 12 et 13 septembre a lieu l’événement Le Moulin à paroles, sur les plaines
d’Abraham à Québec. Plusieurs artistes et personnalités diverses y lisent pendant
deux jours des extraits de textes de la littérature d’ici qui retracent les grands
moments de notre présence française en terre d’Amérique. Il y a, entre autres, le
député péquiste Maka Kotto, le maire de Québec Régis Labeaume, la
comédienne Andrée Lachapelle, l’ex-premier ministre du Québec Bernard
Landry, le syndicaliste Gérald Larose et l’auteur-compositeur-interprète Éric
Lapointe. L’événement est organisé par la metteure en scène Brigitte Haentjens,
Sébastien Ricard et Biz, du groupe Loco Locass. Le Moulin à paroles devient
une référence
incontournable dans les événements culturels à caractère politique.
Éric se réserve une plage horaire pour pouvoir célébrer son quarantième
anniversaire de naissance, le 28 septembre, qui coïncide avec ses 20 ans de
carrière musicale. Il exprime le souhait d’être sur scène avec ses amis et les
musiciens qu’il aime. La fête a lieu à L’Astral, une nouvelle salle située à la
Maison du Festival Rio Tinto Alcan. Quatre cents personnes répondent à l’appel
et viennent entendre le rockeur fêté chanter 26 de ses plus grands succès en
20 ans de carrière. Sa mère, Doris, et son frère, Hugo, sont bien sûr présents, tout
comme André Ménard, le patron des FrancoFolies, Yves Lambert, Franco
Nuovo, Martin Fontaine (Elvis Story) et Steve Hill, entre autres. Mais
auparavant, la station Rythme FM lui a également organisé une fête
d’anniversaire, le 16 septembre, à la Maison des arts de Laval, avec un spectacle
où le rockeur désormais
quarantenaire a été invité à chanter.
Le 19e Show du Refuge, le spectacle qui vient en aide aux sans-abris et qui est
organisé, année après année, par Dan Bigras, revient cette année-là le 7 octobre
au Théâtre Saint-Denis. On retrouve un chanteur toujours généreux de son
temps, Éric Lapointe, accompagné de Sylvain Cossette, Stéphanie Lapointe,
Annie Villeneuve, Lulu Hughes, Marjo et Kra-Z-Noize, ainsi qu’un orchestre de
quinze cuivres. Depuis le début de ce spectacle-bénéfice annuel, il y a 18 ans,
quelque 20 000 personnes y ont assisté, ce qui a permis d’amasser 2 671 950 $,
argent qui a été remis à l’organisme.
Entre-temps, notre Éric national ne chôme pas, et il multiplie les apparitions
sur différentes scènes aux quatre coins du Québec et à la télévision. Où trouve-t-
il temps et énergie ? Puisque les duos sont à la mode, Ferland sort, comme
promis par son producteur Paul Dupont-Hébert, son album, intitulé Bijoux de
famille, où Éric chante avec Kevin Parent et Ferland une chanson inédite de ce
dernier, Le chanteur est un menteur, puis Qu’est-ce ça peut ben faire. Trois
semaines seulement après la sortie du CD, il est déjà certifié or avec plus de
40 000 exemplaires vendus. Marjo se sent aussi inspirée, et elle publie un nouvel
album intitulé Marjo et ses hommes. On y retrouve dix chansons, et on peut y
entendre Éric et Marjo chanter Ailleurs, comme elle a été interprétée aux
FrancoFolies cet été-là. Même les frissons y sont reproduits ! Parmi les plus
belles voix masculines : Daniel Boucher, Richard Desjardins, Kaïn, Gilles
Vigneault, Mario Pelchat, Daniel Lavoie et plusieurs autres.
Ayant pu remettre enfin de l’ordre dans sa vie, Éric accélère la cadence, et il
nous revient vitement avec le volume 2 d’Ailleurs. La journaliste Marie-
Christine Blais part justement à sa rencontre, à l’occasion de la parution de ce
deuxième volume. Éric est alors en studio en train de répéter en duo avec Yves
Lambert la chanson traditionnelle L’ivrogne et le pénitent, qui doit paraître sur le
nouveau CD de Lambert, Bal à l’huile, et qui figure également sur le volume 2
d’Ailleurs. Le trad qui rencontre le rock, cela donne un heureux mélange des
genres. Si certains pensaient que le « Éric nouvelle mouture » allait s’assagir, ils
n’ont qu’à bien se tenir. Cet Éric nouveau genre donne une impression de force
encore plus grande qu’auparavant.
Il explique à la journaliste de La Presse : « Le projet de la compil Ailleurs n’est
pas évident depuis le début. Ce sont des duos et des reprises enregistrés à
différentes époques, ça aurait pu donner une mauvaise sauce à “spagate”. Mais
finalement, ça goûte bon. Pour le premier volume (lancé en avril dernier), j’étais
à l’hôpital, dans le coma, disons que ça choisit mal. Pour le deuxième, j’avais
peur de ne plus avoir de stock. Mais finalement, je pense que ça a donné un
meilleur disque, tellement il est diversifié : j’y chante en innu (avec Florent
Vollant), en italien (Caruso avec Nathalie Choquette), du trad (avec Lambert),
du jazz (Fever). Suspicion Mind de Presley, ça fait 15 ans que je la fais, quand je
vais au Bistro à Jojo, c’est rendu un running gag : quand je rentre là, les gars se
mettent à la jouer (rires). Je l’avais fait sur le disque de Carl Tremblay
(harmoniciste et pilier, lui aussi, du Bistro à Jojo). Mais j’avais eu l’occasion de
la chanter avec Martin Fontaine et les Porn Flakes et ça “fittait” tellement bien,
j’ai eu envie de la réenregistrer avec lui pendant un show à
L’Assomption.»
On y trouve aussi du Fiori et du Faulkner, de même que deux chansons qu’il a
moins faites, Les pauvres de Plume Latraverse, avec la musique de Steeve Hill et
son groupe The Majestics, et Le cœur au vif, déjà sur l’album À l’ombre de
l’Ange, enregistrée il y a dix ans. Il explique : « Je trouve que je l’avais “over-
producée”, je n’en ai jamais été content. Je l’ai donc recommencée. » Puis il en
profite pour parler de son show des Fêtes, son dixième — autant dire une
institution. Il y aura trois représentations du party des Fêtes de Lapointe : les 19
et 31 décembre au Métropolis de Montréal et le 23 décembre à la salle Albert-
Rousseau à
Québec. Tout ça devra se faire le plus sobrement possible, contrairement aux
années précédentes, où Lapointe, même s’il réussissait à performer, n’était plus
que l’ombre de lui-même, enfilant bière après bière.
Il explique : « Je me fais un cadeau avec ce show-là, je travaille juste avec le
monde avec qui j’ai envie de travailler. J’ai pas besoin des FrancoFolies pour me
payer une “carte blanche” (rires). Cette fois, par contre, j’ai moins d’invités que
les autres années. Marjo et Marie-Mai, plus son band, des cuivres et des cordes.
Comme ça, on va avoir plus de temps ensemble pour chanter. Pis on s’entend-tu
qu’elles ont quelques hits, mes deux fées des étoiles ? Des hits mais aussi une
super attitude, c’est du monde généreux, hyper travaillant, qui bouge bien, avec
du charisme… Disons que je vais devoir travailler fort pour pouvoir occuper le
stage.»
La journaliste ajoute : « C’est ingrat, mais c’est comme ça. Il semble qu’un
séjour ait fait le plus grand bien au rockeur, droit sur ses pieds, fort et juste en
voix, la guitare solidement maintenue, imposant et souverain sur scène. Même si
le bar ne dérougissait pas et que ses fans ont convergé vers le Métropolis avec la
même intention que les années précédentes, le Lapointe nouveau, lui, servait ses
fans, avant de se servir lui-même une couples de froides. Le Métropolis était
bondé et accueillait son Messie avec cris et réjouissances. C’était la fête dans la
foule et sur scène, avec son bataillon de musiciens — dont une puissante section
de cuivre de six instrumentalistes — et ses deux amours, Marie-Mai et Marjo,
celle-ci particulièrement en voix ce soir-là, applaudie avec l’honneur qu’on lui
doit lorsqu’elle entonnait Illégale, pour ne nommer que ce succès. Le party des
Fêtes de Lapointe était chaleureux, intense, alors que le rockeur, toujours aussi
près de ses fans, a offert une performance exemplaire. Généreux, Lapointe, faut-
il souligner : alors qu’au parterre, on levait son verre, lui, à sec, chantait fort pour
ses fêtards. On lui souhaite une bien meilleure nouvelle année. » Et la journaliste
souligne que ce party n’avait rien à voir avec celui de l’année dernière, au Centre
Bell, alors qu’Éric Lapointe avait peine à se tenir sur ses jambes, à tel point que
c’en était navrant.
Entre deux parties des Fêtes qui n’ont rien d’éthylique, Éric enregistre, dans le
plus grand secret, une chanson qui sera présentée lors de l’émission Tout le
monde en parle à Radio-
Canada le 31 décembre, à laquelle ont été invitées plusieurs personnalités de
différents milieux, d’André Sauvé et Véronic Dicaire à Xavier Dolan et Anne
Dorval, en passant par Mario Dumont, le maire Labeaume et Jean Pascal, pour
ne nommer que ceux-là. Cette année-là, Radio-Canada décide de ne pas
présenter de Bye bye, cette revue de fin d’année qui suscite toujours de vives
discussions au lendemain de sa projection à la télévision.
L’année 2010 arrive comme prévu après minuit alors que notre rockeur
national est demeuré ferme dans ses promesses de sobriété. Bien sûr, on le
taquine un peu partout, dans les revues de fin d’année, dans les dessins des
caricaturistes et dans les sketchs des humoristes. Ce n’est rien de bien méchant,
au contraire : c’est plutôt une preuve du fait que tout le monde est derrière Éric
Lapointe. Les producteurs de La série Montréal-Québec, où s’opposent à la
manière d’une téléréalité deux équipes de hockey, l’une de Montréal et l’autre de
Québec, lui demandent même de composer l’Hymne à Montréal : « C’est une
grande dame trafic rock and roll/Un drame sonore qui a du soul/On entend le
chant des sirènes downtown/L’enfer du décor underground/La belle Catherine a
mis son rouge à lèvres piments… » Le moins que l’on puisse dire, c’est que la
chanson, écrite par Lapointe et Tabra, a du swing ! Quant à l’hymne à la ville de
Québec, il est composé et chanté par Loco Locass. Peu après un CD sort, et l’on
y retrouve, outre les deux hymnes, des chansons de Marie-Mai, du groupe Les
Colocs, de Malajube, de Wilfred LeBouthillier et de Marc Déry.
Même si Éric ne prend pas souvent l’avion — sinon pour aller bien au chaud
dans le Sud —, il voyage à Vancouver, dans le cadre des Jeux olympiques
d’hiver qui se déroulent dans cette ville, le temps de faire une chanson ou deux
en compagnie du groupe Les Cowboys Fringants, à la Place de la Francophonie.
Il est de retour à Montréal à temps pour rejoindre Marjo au Centre Bell, le
26 mars, alors qu’elle présente son spectacle Marjo et ses hommes. Ils sont une
quinzaine de mâles, outre Éric : Yann Perreau, Jean Millaire, son ex, Daniel
Lavoie, Mario Pelchat, Jonathan Painchaud, Jonas, Martin Deschamps,
Sébastien Plante, du groupe Les Respectables, et Daniel Boucher, entre autres.
Richard Desjardins et Gregory Charles ont dû déclarer forfait, car ils avaient
déjà des
engagements ailleurs.
Le 20 mai, Guy A. Lepage présente, pour la troisième année consécutive, son
spectacle-bénéfice intitulé Charité bien ordonnée… commence par nous tous. Le
concert, auquel participent Éric Lapointe, Isabelle Boulay, Rachid Badouri, Les
Grandes Gueules, Antoine Bertrand et plusieurs autres, a lieu au Métropolis. Au
cours des deux premières années, 70 000 $ ont ainsi été amassés et donnés à la
Fondation du Dr Julien et au Club des petits déjeuners. Cette année-là, la vente
des billets permet d’amasser 35 000 $, une somme qui est par la suite doublée
par une grande famille des Cantons-de-l’Est proche d’un des musiciens des Porn
Flakes.
À la mi-août, Éric est de nouveau à l’International de Montgolfières de Saint-
Jean-sur-Richelieu, comme pour les années précédentes. Ce festival, qui au fil
des ans est devenu le cinquième en importance au Québec, accueille, année après
année, de nombreux artistes de qualité. Éric fait partie du spectacle Marjo et ses
hommes, en compagnie, entre autres, de Daniel Lavoie, Daniel Boucher, Antoine
Gratton et Jonathan Painchaud. Il participe également au disque Crossroads, de
Guy Bélanger, un joueur d’harmonica qui fait du blues. Ce dernier raconte à
Marie-Christine Blais : « Éric est un fou du blues. D’habitude, quand on travaille
avec lui, on laisse des choses dans sa boîte à lettres et il nous en donne des
nouvelles. Mais là, quand je suis passé chez lui, il a entendu le bruit de la boîte
aux lettres et il a ouvert sa porte… et on a passé deux heures à travailler sur la
chanson, avec sa guitare. Il est venu enregistrer les voix en studio, mais de retour
chez lui, il a enregistré d’autres voix pour les harmonies, qu’il m’a envoyées le
lendemain. Il s’est vraiment investi. Avec le solo de guitare de Steve Hill, ça fait
presque country punk. Disons qu’on est loin du blues classique. » Éric Lapointe
en bluesman ? Pourquoi pas ? Il a, après tout, participé quelques semaines
auparavant à l’enregistrement d’un autre CD intitulé Nos stars chantent le blues
à Montréal, lancé à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal.
La rumeur court depuis quelques semaines déjà que la compagne d’Éric,
Mélanie Chouinard, serait enceinte. Elle a déjà un fils, prénommé William, né
d’une union précédente. Éric a déjà déclaré aux médias qu’il n’était pas dans ses
plans en ce moment d’avoir un enfant, puisqu’il était déjà père par procuration.
La nouvelle vie de couple d’Éric, qui vit désormais le jour et se repose comme
tout le monde la nuit, doit très certainement jouer en faveur d’une vie familiale
normale.
Le 17 novembre, le Show du Refuge célèbre ses vingt ans. Dan Bigras porte à
bout de bras cette noble cause depuis ses débuts, et il a toujours fort
heureusement bénéficié du soutien du milieu artistique. Cette année-là, le
17 novembre, au Théâtre Saint-Denis, Dan concocte un mélange de nouveaux et
d’anciens, avec Éric Lapointe, Marie-Mai, Marie-Élaine Thibert, Michel
Louvain, Marc Hervieux, Nicola Ciccone, Marjo et plusieurs autres.
Tout en poursuivant sa tournée dans les différentes salles de spectacle du
Québec, Éric entre en studio pour enregistrer son nouveau disque, Le ciel de mes
combats, dont la sortie est prévue pour le 30 novembre 2010. De toute évidence,
ce nouvel album n’est pas très loin des problèmes qu’a vécus le rockeur au cours
des dernières années, et on peut imaginer que les vieux démons continuent de le
hanter la nuit et le jour. Car Éric n’est pas de glace ; ce n’est pas un saint qui veut
évangéliser ses semblables. Sa femme est enceinte et accouchera au début de
l’année 2011. Éric sera donc papa, et cela change un homme et la perception
qu’il a du monde qui l’entoure. Cette paternité nouvelle ne peut que lui donner le
courage nécessaire pour aller de l’avant et pour surmonter toutes les embûches,
jour après jour.
Le ciel de mes combats est le sixième disque studio d’Éric Lapointe. Il a
renoué, il y a quelque temps, avec Roger Tabra, son parolier préféré, qui n’en
mène pas large en ce moment : il souffre d’une cirrhose parce que lui aussi a
brûlé la chandelle par les deux bouts en se disant : « Advienne que pourra. » Il a
renoué aussi avec Stéphane Dufour, le guitariste de ses débuts. Tous les trois
étaient jadis très unis, peut-être trop. Chacun rêvait de faire son propre chemin,
et c’est ce qu’ont fait Tabra et Dufour. Le premier a publié un roman aux allures
autobiographiques, La Folitude, et il a écrit une comédie musicale, Dracula. Le
second s’est émancipé en publiant deux disques en solo et en signant un contrat
avec une compagnie de disques prestigieuse. Mais tous les trois devaient se
retrouver et travailler de nouveau ensemble, et c’est ce qu’Éric leur a demandé,
en accéléré. Quelques mois plus tard, le CD Le ciel de mes combats, avec ses
douze chansons — dont 10 originales —, est lancé à la TOHU, en présence du
gratin médiatique habituel. Et un mois plus tard, son nouveau CD est certifié
disque d’or, avec plus de 50 000 exemplaires vendus.
Invité de nouveau sur le plateau de Tout le monde en parle le 28 octobre 2010,
Éric semble reposé et calme. Il admet que c’est plus difficile de composer et de
se mettre à nu en chanson en étant sobre, mais il se contente de boire de la bière
à 0.5 % d’alcool, car il aime encore et toujours le goût de la bière. Il en boit
même en onde. Il admet qu’il a eu quelques rechutes, mais comme pour clore le
débat, il dit que ce combat se gagne en privé, et non pas en public. C’est une
belle façon de dire que ses problèmes d’alcoolisme ne concernent que lui. Il
parle aussi de la nouvelle paternité qui l’attend vers la mi-février. Il semble dire
qu’il apprendra sur le tas, avec l’aide de sa blonde, qui a déjà un fils et qui lui
fera part de son expérience, sans aucun doute. Il admet qu’il est plutôt timide
dans la vie, même si ça ne paraît pas, et qu’il n’aime pas tellement faire des
entrevues, qu’il considère comme un mal nécessaire.
Guy A. Lepage le questionne sur le Beach Party qu’il organise à Varadero, à
Cuba, en février, avec Loco Locass et Jonas. Éric a déjà organisé un party
semblable à Cuba deux ans auparavant. Comme cela a bien fonctionné, il a
l’intention de récidiver, avec une cinquantaine de musiciens et de techniciens qui
joueront pour leur bon plaisir et pour le plaisir de ceux qui feront le voyage pour
les entendre et les voir.
À l’occasion de la parution de son nouvel album, Lapointe se confie
également à la journaliste de La Presse Marie-Christine Blais, qui suit sa
trajectoire depuis fort longtemps. D’entrée de jeu, Éric explique la raison de ce
nouvel album : « Tu comprends, moi, j’ai un public qui revient. Quand il revient
pour la troisième fois, faut que tu lui donnes du nouveau, pis toi, faut que tu aies
un peu la chienne… J’ai callé le lancement du disque alors que j’avais juste deux
tounes écrites. Disons que je n’ai pas dormi pendant deux mois.»
La journaliste poursuit : « Lapointe a néanmoins relevé le défi, grâce à l’aide
de “ses deux vieux complices” : Roger Tabra (avec qui Lapointe signe les textes)
et Stéphane Dufour (réalisateur, arrangeur, compositeur et guitariste). Réfugié
dans son studio maison — un endroit étonnant, apaisant, tout en noir et rouge,
comme une matrice —, Lapointe a travaillé jour et nuit. Mis de la pression sur
son monde. Demandé à Corno de peindre à toute vitesse un tableau à partir de
son visage pour la pochette. Le tableau, rouge et noir (c’est Corno qui l’a décidé)
a carrément séché pendant son transport de New York à Montréal ! Dans sa
maison du bas de la ville, Éric Lapointe joue au piano l’intense Berceuse à
l’infidèle, qui clôt Le ciel de mes combats.»
Lapointe s’explique à propos de cette chanson : « Une toune de gars. L’histoire
d’un homme qui pile sur son orgueil parce que la femme qu’il aime lui revient…
Ça ne veut pas dire qu’il lui posera pas de question le lendemain matin, précise-
t-il en riant. Mais pour l’instant, il lui dit de se coller contre lui, on va essayer de
faire comme si de rien n’était… » (« Pose et repose encore jusqu’au matin/Pose
et repose ton corps/Contre le mien, tout va bien/Ferme les yeux, oublie/Ne pense
à rien/Ferme les yeux et fuis/Jusqu’à demain, tout va bien… ») Puis il parle
d’une autre chanson, Les années coups de poing, qui traite de son amitié avec
Tabra (« On fumait des rouleuses/Sur un sofa défoncé/Et déjà les filles
malheureuses venaient nous consoler/Ça s’oublie pas les années de poèmes/Je
chantais n’importe quoi, tu écoutais du Cohen… ») : « Quand on s’est connus,
j’avais 20 ans et Roger en avait 40. Cette chanson, c’est littéralement notre
histoire dans la période pré-Obsession (premier disque de Lapointe, en 1994).
Roger était barman à L’écume des jours à l’époque, il en avait les clés, on
ouvrait le bar à trois heures, on finissait endormis sur le plancher. On pensait
même pas qu’on collaborerait étroitement un jour, tous les deux. Roger avait sa
carrière, ses shows, sa cour. Tous les deux, on était le couple de petits fendants
dans le milieu des poètes !»
La journaliste poursuit : « Même longue collaboration avec Stéphane Dufour,
devenu guitariste dès la première tournée de Lapointe, au milieu des années 90.
Mais les excès des uns et des autres avaient jeté un froid entre les trois amis. En
2008, l’album Ma peau a été enregistré pratiquement sans Dufour et Tabra. »
Lapointe continue : « On s’est retrouvés où on s’était laissés. On est une équipe
de rêve : on se connaît, on a tellement travaillé ensemble, ça va tout seul. On
avait l’impression de retomber dans nos pantoufles… mais des pantoufles avec
des studs, disons.»
Marie-Christine Blais raconte que Tabra a même essayé de le convaincre de
chanter des chansons sur son futur enfant, mais que Lapointe a refusé. Éric
raconte : « Roger avait écrit un texte superbe à ce sujet, mais… Ça m’a fait
quelque chose quand j’ai senti l’enfant bouger, mais je ne peux pas dire que je
réalise vraiment… Je vais attendre, j’aime mieux faire quelque chose de senti. »
Pour la journaliste de La Presse, c’est pour ce genre d’honneur qu’on aime
Lapointe, « la même honnêteté un peu brutale qui anime la chanson Tu t’es laissé
tomber, écrite à l’intention d’un proche qui s’est suicidé. » (« Comme un glacier
qui craque/Une corde qui claque/Et la nuit qui plaque/Sont des accords
majeurs… ») Lapointe s’explique : « Pendant la production du disque, le frère de
mon meilleur ami s’est pendu. On le connaissait bien, en fait, on connaît bien
toute la famille, qui est très proche de la mienne, depuis des années : à tous les
réveillons de Noël, on mélange nos deux familles. J’ai donc traversé ce deuil-là à
travers mon meilleur ami, ses parents. Et on a décidé d’en faire une chanson.
Avec Roger, on a travaillé fort : on a écrit plusieurs versions de texte, on voulait
pas donner une vision romantique du suicide, comme il y en a tant. En même
temps, j’avais tendance à y aller trop fort : j’ai lu une version à la mère du défunt,
qui m’a dit : “T’as pas besoin de le déterrer, pis de le finir à coups de pelle.”
Fallait que je modère ma colère, mais que je l’exprime aussi, que
l’entourage puisse l’exprimer…»
Sur ce nouvel album, Lapointe reprend la chanson de Daniel Lavoie, Ils
s’aiment. Lapointe poursuit : « J’avais jamais pensé la reprendre, parce que je
trouvais l’originale parfaite. Et puis, un jour, mon trucker, le gars qui conduit
mon 53 pieds d’équipement (Pascal Bélisle), m’est arrivé avec cette idée-là. Je
croise ensuite Jonas, et comme j’aime beaucoup sa voix raunchy, je lui ai
demandé de venir la
chanter avec moi. »
La journaliste conclut : « Or, Jonas va faire partie du spectacle Le Party des
Fêtes à Lapointe qu’Éric monte pour la onzième année, avec Michel Pagliaro et
son frère Hugo. On espère que Lapointe chantera aussi, à cette occasion, Aimer
pour deux, chanson d’amour intense… entre le public et le chanteur, qui clame :
“Au pied du mur/Dans le coma/Par les temps durs/Par les temps froids/[…] Tu
m’as aimé comme un héros/Je t’ai aimé comme un
sauvage”.»
Éric reconnaît humblement : « Le public a toujours été ma thérapie. C’est
toujours en show que j’ai retrouvé confiance en moi, c’est toujours la scène qui a
repompé mes pneus… C’est le public qui m’a aimé à ma place.»
***
Mélanie refait sa vie avec l’écrivain Marc Fisher, avec qui elle se fiance. Sur
sa page Facebook, elle écrit : « J’ai eu la chance de rencontrer un homme qui fait
attention à mon cœur et à mon âme, avec qui je me sens bien de tout partager…
un homme protecteur, avenant et patient… un homme qui me fait rire aux éclats
et qui se paye ma gueule une fois de temps en temps avec de bonnes blagues, j’ai
trouvé mon complice, l’homme avec qui je veux passer ma vie parce qu’il me
rend heureuse et il traite l’amour que j’ai à donner comme la pierre la plus
précieuse et c’est magique!»
Quant à Éric, il confie à Échos Vedettes : « Je suis rendu à un âge où mes
années de folie sont passées. J’ai vécu plein d’histoires d’amour déchirantes et je
ne veux pas revivre la même chose. Tout ce que j’espère, c’est que la prochaine
avec qui je partagerai ma vie sera aussi la dernière. Pour l’instant, c’est le calme
plat en amour. Je ne suis pas pressé, j’attends que ça vienne. Je consacre surtout
mon temps à mon rôle de père, car mes fils Édouard (trois ans) et Christophe-
Arthur (quatre ans) sont pour moi le centre de mon existence. »
En janvier 2015, Éric récidive avec son sixième Show au Chaud. C’est sous le
chaud soleil du Mexique, au Club Med Ixtapa, que la fiesta bat son plein, du 23
au 31 janvier. Les Respectables, Marjo, son frère Hugo, Jonas, Valérie Lahaie et
Rick Hughes sont de la partie, de même qu’Yves Lambert, DJ Shortcut, Styves
Lemay et l’équipe de CKOI. Éric est présent sur place tous les jours, et les
vacanciers peuvent l’approcher.
Peu après son retour du Mexique, le 22 février 2015, pour ses 25 ans de
carrière, Éric se lance en affaires avec quatre partenaires : Gabriel Julien, le
gagnant d’Occupation double en 2007, Sébastien Lavallière, de la Brasserie
Rachel Rachel, Éric Lefrançois, le propriétaire du Diable vert, et Gabriel
Marsen, anciennement du Bistro à Jojo. Ensemble, ils ouvrent un bar-spectacle,
L’Exit, sur la rue Saint-Denis, dans le Quartier des spectacles. Leur but est
d’offrir, sur la rue Saint-Denis, au cœur du Quartier latin, un endroit où des
groupes musicaux, des groupes émergents, des chansonniers et même des
humoristes pourront se produire sans trop de contraintes, dans une salle qui peut
contenir 150 personnes. Pour l’ouverture, il y a foule, et Éric a convoqué ses
nombreux amis pour fêter le joyeux événement, dont Kevin Parent, Rick et Lulu
Hughes, son frère Hugo, Sébastien Laplante, les Porn Flakes, Simon Morin et
Valérie Lahaie, les deux protégés d’Éric à La Voix, ainsi que plusieurs autres.
Les rumeurs vont bon train à propos d’une liaison amoureuse entre Éric et
Valérie. Il a d’ailleurs collaboré à la production de son album Vertige, réalisé
avec la complicité de Stéphane Dufour, le guitariste d’Éric. Mais Valérie s’en
défend en affirmant qu’ils sont
simplement de bons amis.
Sa participation à La Voix se poursuit pour une deuxième saison, au
printemps 2015. C’est un Éric rassurant et rassuré que l’on voit maintenant sur la
scène télévisuelle. Il a pris de la confiance, et côtoyer d’autres coachs l’oblige à
se surpasser. On a l’impression que ce n’est plus l’Éric Lapointe un peu cabotin
que l’on a connu dans d’autres vies antérieures. La Voix, dont la finale a lieu le
12 avril 2015, reviendra à l’automne 2016 à l’antenne de TVA pour une
quatrième saison. Entre-temps, il faudra procéder aux différentes étapes de
préauditions et d’auditions des candidats à Montréal et à Québec.
Au mois d’août 2015, il se rend pour la première fois aux Îles de la Madeleine,
à Havre aux Maisons, plus précisément, pour un concert public dans le cadre du
concours des Châteaux de Sable des Îles de la Madeleine. C’est tout un voyage
en perspective. Éric n’est pas seul et chante en compagnie de Paul Piché et de
quelques groupes musicaux des Îles.
Il a aussi été invité au mariage de Julie Snyder et de Pierre Karl Péladeau,
célébré à Québec, le 15 août 2015. Il a chanté en compagnie de nombreux
artistes, dont Paul Piché, Michel Rivard, Jean-Pierre Ferland, Claude Gauthier,
Alexandre
Belliard et Marie-Mai.
Éric est indéniablement l’artiste québécois qu’on a le plus vu sur scène, là où
il dit vraiment vivre pleinement. C’est sur le stage qu’il se nourrit de l’énergie du
public, et sa passion n’a pas diminué avec le temps. Il a besoin de cette
adrénaline que lui procure ce contact avec la foule, et même après 20 ans de
métier, il a toujours le tract avant d’entrer en scène. Et d’ailleurs, il ne cesse de
répéter que lorsqu’il passe deux ou trois semaines sans chanter, il se sent
diminué, inutile, inintéressant. Son métier de chanteur est pour lui une fête, une
source de plaisir. Et ce plaisir, il le partage avec son équipe de 18 personnes, une
véritable PME de la culture.
Les paroles qu’il a lancées en début de carrière, il y a 21 ans, à Alain Brunet,
de La Presse : « Je ne suis pas arrivé à maturité. Je n’ai pas vraiment l’impression
d’être meilleur que les autres. Et j’ai la crainte de ne pas répondre aux attentes.
[…] L’inspiration, je la trouve dans la douleur, l’épuisement physique et moral »,
il pourrait les répéter aujourd’hui — bien que, pour ce qui est de la maturité, Éric
en a pris pendant ces 20 ans sur le « grill ». Mais il est toujours le même homme
timide et inquiet, craignant de ne pas être à la hauteur des attentes de son public,
qui a vieilli à ses côtés, mais qui s’est aussi renouvelé. Et son inspiration, il la
trouve toujours dans la douleur et l’épuisement physique et moral, mais avec une
petite dose de responsabilité paternelle qui lui va bien.
D’ailleurs, il lui arrive de se produire en spectacle en emmenant ses deux
jeunes enfants. Il les installe dans sa loge avec des lits de camp, et parfois, ils
viennent dans les coulisses pour voir leur père performer sur scène. Éric est
maintenant un autre homme, même s’il adore toujours faire la fête et est toujours
engagé envers la cause de l’indépendance du
Québec, ne ratant jamais une occasion d’en faire la promotion.