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Marion Jean. Les trésors monétaires de Volubilis et de Banasa. In: Antiquités africaines, 12,1978. pp. 179-215;
doi : https://doi.org/10.3406/antaf.1978.1004
https://www.persee.fr/doc/antaf_0066-4871_1978_num_12_1_1004
par
Jean MARION
II convient d'abord de préciser la signification que nous donnons à l'expression « trésor monétaire »,
que l'on a tendance, semble-t-il, à prendre dans un sens trop large. C'est ainsi, pour ne citer que quelques
exemples, que R. Etienne estime qu'il « faut au moins trois monnaies pour que nous puissions retenir
l'appellation de trésor» \ et que P. Salama écrit, à propos des « monnaies de fouilles» : «ces dernières
étant à mon avis et sauf exception, de même nature que les « trésors», c'est-à-dire des dépôts extraits de
leurs récipients et répandus dans le sol par des agents naturels ou artificiels » 2.
« Trésor », à notre sens, sous-entend deux conditions : le groupement intentionnel de monnaies
thésaurisées, pour s'en servir dans un besoin déterminé (comme les pièces rassemblées dans une tirelire)
ou enfouies pour les mettre à l'abri des dangers d'une guerre ou d'une révolution, et l'importance de ce
groupement.
Que l'on songe aux nombreuses occasions que l'on a de perdre une, deux, trois pièces de monnaie,
surtout pour des gens dont les vêtements n'avaient pas de poches comme les vêtements modernes. Que
l'on songe aussi à l'extrême dispersion dans laquelle se présentent souvent les « monnaies de fouilles »,
dispersion qu'a pu remarquer quiconque a assisté à des fouilles archéologiques.
Enfin il convient de tenir compte d'une part d'une homogénéité, toute relative évidemment, des pièces
contenues dans les trésors, homogénéité plus ou moins grande évidemment selon les cas, mais cependant
en général assez sensible, d'autre part de l'état de conservation des pièces des trésors, très supérieur dans
la grande majorité des cas — au moins pour ceux que nous étudions ici — à celui des pièces trouvées
isolément. On a vraiment l'impression que l'on a choisi avec soin, pour les thésauriser, des pièces belles,
ou tout au moins relativement belles, ceci n'étant vrai d'ailleurs que jusqu'à Gallien inclus.
représenté par un nombre de pièces variant de 1 à 6, sauf Hadrien 14, Antonin 10, dont 1 posthume, Marc Aurèle 10, Sévère
Alexandre 16, Gordien III 10, Gallien 1 1, Claude il 9. Dans ce véritable bric-à-brac s'étendant sur au moins trois siècles et demi,
il est difficile de voir « des dépôts extraits de leurs récipients et répandus dans le sol par des agents naturels ou artificiels ».
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Dans le sens que nous donnons à ce mot, il n'y a à Volubilis que trois trésors :
Io celui contenu dans le bracelet-bourse trouvé au sud de l'aqueduc en décembre 1970 et signalé,
mais non publié par A. Ruhlmann l (105 deniers, tous très beaux, même presque tous à fleur de coin),
2° celui trouvé le 13 décembre 1950 dans la maison à l'est de l'édifice appelé Palais de Gordien,
maison dite « à l'autel de la Discipline», sous un escalier menant à un kardo secondaire, plus exactement
entre l'escalier et le mur du bas de la porte est de cette maison, et publié par R. Thouvenot 2,
3° celui signalé par cet auteur, mais non encore publié 3.
Par contre, et pour les raisons indiquées ci-dessus, je néglige le « trésor» de 5 monnaies trouvé dans
le Palais de Gordien, pièce 42, le 1er juin 1949 (1 GB d'Antonin le Pieux C. 508 ou 510, 1 G et 1 MB de
Faustine jeune à revers illisible et deux GB de Gordien III, tous deux C. 51) et celui de 5 pièces également,
trouvé dans la pièce n° 3 de la Maison des Quatre Saisons, sondage de la canalisation côté est, et signalé
par R. Etienne 4 (1 denier de Commode C. 120, 1 denier de Septime Sévère C. 744, 1 denier de Caracalla
C. 600, 1 GB de Julie Marnée, C. 62 et 1 GB de Maximin C. 38).
Quoiqu'il ait déjà été signalé, nous croyons utile de le décrire ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent,
A. Ruhlmann n'ayant donné qu'une liste très sommaire sans catalogue des monnaies, sauf pour celles
d'Hadrien.
Il est d'ailleurs curieux qu'il mentionne 115 deniers soit 10 de plus (1 pour la République romaine,
1 pour Vespasien, 2 pour Domitien, 5 pour Trajan et 1 pour Hadrien) qu'il n'y en a au médaillier du
Musée de Rabat et qu'il n'en figure dans les catalogues anciens du même musée.
Quoiqu'il en soit, voici le catalogue des pièces contenues dans ce trésor, tel que nous avons pu
l'examiner.
1 Denier anonyme de la sixième période (89 à 54 av. J.-C.)
(Babelon, t. I, p. 77, n° 226 : monnaie émise vers 89. Sydenham, p. 114, n° 723 : 85-84 av.
J.-C, atelier de Rome ?)
2 Q. Antonius Baibus, préteur en 82 av. J.-C.
R/ Victoire dans un quadrige au galop (denier dentelé). (Babelon, gens Antonia, n° 1 monnaie
frappée en Sardaigne en 82 av. J.-C. Sydenham, p. 1 19, n° 742 monnaie émise dans un atelier
:
1 Ruhlmann (Α.), Le bracelet-bourse romain de Volubilis (Maroc) Revue numismatique, 1933, p. 51-59.
.
2 Thouvenot (R.), Trésor de monnaies impériales romaines trouvé à Volubilis. Hespéris-Tamuda, t. 11, 1970, p. 83-93.
3 ID., ibid, p. 83, η. 1 « Un deuxième trésor plus important, mais moins bien conservé a été trouvé par la suite sous le
même escalier, mais un peu plus bas. Il sera publié dans le B.A.M. VIII » (il faut lire B.A.M. IX, 1973-75, p. 342-357).
:
4 GALBA R/ Livie
(C. 55, R.Í.C. 4) (68-69)
5-6 :
VESPASIEN R/ la Paix assise
: (C. manque, R.I.C. 10) (69-71) 2 exemplaires
7-8 ID. R/ instruments de sacrifice
(C. 43, R.I.C. 30) (70-72) 2 exemplaires
:
9 ID. : R/ Victoire
(C. 618 var., R.I.C. 52) (72-73)
10-12 ID. R/Vespasien assis
(C. manque, R.I.C. 65) (fin de l'année 73) 3 exemplaires
:
La légende rongée ne permettant pas de déterminer s'il faut lire COS VI ou COS VII, la pièce a pu être frappée
sous Titus ; dans ce cas ce serait la pièce R.I.C. Titus 45 (80).
25-26 TITUS R/ éléphant
(C. manque, R.I.C. 22 a) (1er semestre 80) 2 exemplaires
:
27 ID. R/ foudre ailé sur un trône ou plutôt sur une table drapée
(C. 316, R.I.C. 23) (1" semestre 80)
:
28 ID. : R/ trône
(C. 311, R.I.C. 24 b) (1" semestre 80)
29 ID. R/ ancre
(C. 309, R.I.C. 26) (1er semestre 80)
:
30 ID. R/ trépied
(C. 321, R.I.C. 27) (1er semestre 80)
:
il doit s'agir de C. 208 où l'indication IMP XIIII est presque certainement un lapsus. R.I.C. , pour la
quatrième émission de l'an 96 correspondant à la titulature de la pièce de Volubilis ne donne, n° 87,
que Pallas sur un vaisseau).
51 NERVA : R/ deux mains jointes
(C. 25, R.I.C. 3) (96)
52 ID. R/ la Fortune
(C. 59, R.I.C. 4) (96)
:
60 ID. R/ Victoire
(C. 241, R.I.C. 59) (101-102)
:
61 ID. R/ l'Eternité
(C. 3, R.I.C. 91)(1O3-111)
:
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 183
77 ID. : R/ Mars
(C. 378, R.I.C. 161) (103-111)
78 ID. : R/ Victoire
(C. 425 var., R.I.C. 194 var. : le buste sur la pièce de Volubilis, est lauré avec l'égide et non drapé
comme l'indiquent Cohen et R.I.C.) (103-111)
79 et 80 ID. : R/ la Via Troiana couchée à terre
(C. 648, R.I.C. 266) (112-114) 2 exemplaires
81 ID. : R/ Mars
(C. 372, R.I.C. 269) (112-114)
82 ID. R/ la Félicité ou la Paix
(C. 404, R.I.C. 271) (112-114)
:
et drapé) (114-117)
86 ID. R/ id.
(C. 154, R.I.C. 318) (114-117)
:
87 ID. : R/ Mars
(C. 190, R.I.C. 331) (114-117)
88 et 89 ID. : R/ id.
(C. 270, R.I.C. 337) (114-117) 2 exemplaires
90 ID. : R/ La Paix ou la Félicité
(C. 278. R.I.C. 343)(114-117)
91 ID. : R/ id.
(C. 280, R.I.C. 345) (114-1 17)
92, 93 et 94 ID. R/ Génie debout à gauche
(C. 276, R.I.C. 347) (114-117) 3 exemplaires
:
95 ID. R/ id.
(C. manque, R.I.C. 349) (114-117)
:
96 ID. R/ La Providence
(C. manque, R.I.C. 361) (114-117)
:
:
100 ID. R/ Victoire
(C. 1131, R.I.C. 101) (119-122)
:
101 ID. R/ L'Eternité
(C 131, /?./.C 115) (119-122)
:
Les nos 101 à 105 étant datés par R.I.C. de 1 19 à 122, et aucune pièce plus récente n'étant représentée,
la date de l'enfouissement du bracelet-bourse doit être postérieure de quelques années à 122.
Les monnaies paraissent choisies à dessein pour leur parfaite conservation ; en tous cas elles n'ont
pratiquement pas circulé. Si l'on ne tient pas compte des deux monnaies républicaines (qui ne sont
d'ailleurs qu'assez belles), au premier abord aberrantes dans un tel ensemble, mais prouvant que les deniers
républicains circulaient encore sous Hadrien,1 la trouvaille est fort homogène et couvre moins de 60 ans,
le denier de Néron, non daté, étant de 63 à 68.
1 En Grande-Bretagne aussi les deniers républicains de bon argent et d'un poids substantiel conservèrent leur place
dans la circulation monétaire jusqu'à Hadrien, mais pas au-delà, malgré la réduction par Néron du poids du denier, et —
conséquence de cette mesure — le retrait de la circulation des deniers pré-néroniens. Cf sur cette question Robertson (Anne S.),
The numismatic evidence of Romano-British coin hoards. Essays in Roman Coinage presented to Harold Mattingly. Oxford,
1956, p. 272. Cf aussi Colbert de Beaulieu (J.-B.), Epilogue numismatique de la question d'Alesici. Mélanges d' 'Archéologie
et d'Histoire offerts à André Piganiol, Paris, 1966, p. 325 « il suffit de consulter le solide ouvrage de M. Sture Bolin, State
and Currency in the Roman empire, Stockolm, 1958, pour constater, par le tableau de la p. 53, la survivance prolongée des
:
deniers romains [de la République] dans la circulation depuis les origines jusqu'à l'époque de Trajan (98-1 17). Sous les Fla-
viens la proportion des deniers de la République atteignait encore 64,1 % ».
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 185
:
8 GALLIEN (règne de Gallien seul) : R/ L'Abondance ; dans le champ, à gauche, Β
(C. 5, R.I.C. 157) (sans date)
9 ID. R/ L'Equité
(C. 25, R.I.C. 159, sans date, atelier de Rome ou R.I.C. 464 atelier de Milan, sans date)
:
10-1 1 ID. R/ Centaure à gauche ; à l'exergue : H pour un exemplaire ; pour l'autre, exergue illisible
(C. 73, R.I.C. 164 (sans date) 2 exemplaires
:
12 ID. : R/ Gallien debout tendant la main à une femme agenouillée ; dans le champ, à droite, XII
(C. 144, R.I.C. 171 a) (sans date)
13 ID. R/ Cerf à droite ; à l'exergue X
(C. 157, R.I.C. 178) (sans date) ou peut-être C. 160, R.I.C. 179 (sans date)
:
20, 21 et 22 ID. : R/ Panthère à gauche ; à l'exergue : Β (pour deux pièces) ; exergue illisible pour la troisième
(C. 586, R.I.C. 230, atelier de Rome (sans date) ou 574, atelier de Siscia) (sans date) 3 exemplaires
23-24 ID. : R/ Mars ; dans le champ, à gauche, H
(C. 617, R.I.C. 236) (sans date) 2 exemplaires
25 ID. R/ La Paix, dans le champ, à droite, Δ
(C. 719, R.I.C. 252) (sans date)
:
27 ID. R/ La Providence
(C. 855 ou 862, R.I.C. 267) (sans date)
:
28-30 ID. R/ La Sécurité ; dans le champ, à droite, H
(C. 961, R.I.C. 280, atelier de Rome (sans date) ou 516, atelier de Milan (sans date) 3 exemplaires ; les
: A sont informes à la légende de l'avers pour l'un des exemplaires.
31-33 ID. R/ Pégase à droite ; à l'exergue, H pour deux exemplaires ; exergue illisible pour le troisième
(C. 979, R.I.C. 283) (sans date) 3 exemplaires
:
40 SALONINE : R/ La Fécondité
(C. 39, R.I.C. 5 var. ; il n'y a aucune lettre ni dans le champ ni à l'exergue, alors que la pièce R.I.C. 5.
indique Δ ou E lunaire dans le champ ou Δ à l'exergue (sans date, règne de Gallien seul).
41-42 ID. R/ Junon
(C. 60, R.I.C. 28, atelier de Rome, 257-258 ou R.I.C. 58, atelier de Milan, 256-257 ou R.I.C. 76, atelier
:
46 ID. R/ Femme debout à gauche, tenant une corne d'abondance, probablement Annona
(C. ?, R.I.C. ?)
:
50 ID. R/ La Félicité
(C. 79 var., R.I.C. 32) (sans date)
:
63 ID. R/ Personnage debout à gauche, tenant un sceptre ou une haste ; dans le champ, à droite, X
(C. ?, R.I.C. ?)
:
74 ID. : presque certainement d'après le style (petite tête, grand buste, cuirasse) R/ illisible
(C. ?, R.I.C. ?)
75 NUMERIEN R/ Mercure ; à l'exergue ΚΑΛ
(C. 57, R.I.C. 416, atelier de Rome ; flan très large et ovale de 27x22 mm) (fig. 2, a)
:
La liste queje donne ci-dessus est établie d'après les relevés que j'avais effectués. Elle diffère quelque
peu de celle publiée par R. Thouvenot. Celui-ci donne deux exemplaires de mon n° 13, un seul exemplaire
de mes nos 17 et 18, comme de mes nos 40 et 41, par contre il donne une Salonine (R/... NO AVG (?) :
déesse tenant une corne d'abondance et des épis) (ce doit être mon n° 46), et une Salonine à revers illisible,
ce qui ne modifie pas le total de 7 Salonine. R. Thouvenot ne donne, pour Claude II, ni mon n° 52, ni
mon n° 53 ni mon n° 63, mais il donne deux exemplaires de GENIVS EXERCI (?) C. 114, R.I.C, 48
Rome, sans date et une incertaine de Claude II (?) le total reste le même : 15 pièces. Mais il faut signaler
que le n° 2 (Antonin le Pieux) est indiscutablement un as et non une pièce d'argent. Ce type de revers
:
1 Quelques-unes des références à C. ou à R.I.C. que donne R. Thouvenot sont inexactes : il s'agit certainement de
coquilles d'imprimerie.
188 J. MARION
de vue du laps de temps qu'il recouvre (35 ans), et même moins, R. Thouvenot faisant remarquer très
justement que « le propriétaire du trésor a commencé à thésauriser assez tard, puisque la série des
monnaies ne commence à être importante qu'à partir de Gallien. Elle s'arrête avec Numérien (284), ce qui
fait à peu près un intervalle d'une trentaine d'années : une génération».
On notera avec un certain étonnement qu'il n'y a que trois Divo Claudio λ sur 75 pièces, et on se
reportera pour d'utiles comparaisons avec des trésors d'Afrique du Nord enfouis à des dates très voisines,
à l'article de J.P. Callu et P. Salama cité plus haut 2, et notamment aux p. 524, 525, 536-538 : à Thamu-
sida trésor d'Elagabale à Quintille, 44 Divo Claudio sur 88 pièces, à Gasr Selim, en Libye, au moins 676
Divo Claudio sur 874 pièces ; à Ténès, de Valerien à Quintille, 195 sur 740 ; à Tipasa, de Gallien à Tetricus
fils, 39 sur 94 ; à Ouled Khalifa, de Gallien à Tetricus fils, 1 374 sur 1 475 ; à Tigzirt, de Gallien à Claude II
posthume, 108 sur 1 16 ; dans la région de Sétif-Bordj bou Arreridj, de Gallien à Quintille, 134 sur 239 ;
à Fadhiline, près de Thapsus, d'Elagabale à Hélène, 4 122 sur 4 633, etc.
Et pourtant les monnaies de consécration de Claude II sont très abondantes au Maroc, au moins
en ce qui touche les monnaies de fouilles. En ce qui concerne les monnaies de l'empire romain il n'y en a
que 265 sur 6 396 à Volubilis (4, 14 %), mais 732 sur 4 673 à Banasa (15, 66 %), 287 sur 1 471 à Thamusida
(19,51 %) et, pour l'ensemble du médaillier du Musée de Rabat, 1 699 sur 14 895 (11,49 %) 3.
Qu'est-ce à dire, sinon que, au moins à Volubilis — on verra plus loin qu'à Banasa on retrouve,
dans les trésors enfouis à peu près à la même date, une proportion normale de Divo Claudio — , ces
monnaies de consécration ont été systématiquement éliminées par le personnage qui a constitué le trésor dont
nous parlons. Quand eut été « épongée » la masse énorme mise en circulation de ces piécettes de 2 g
environ et d'un diamètre qui peut tomber jusqu'à 9 ou 10 mm ! et que furent arrivées de meilleures espèces,
plus larges, plus lourdes et plus voisines comme aspect des meilleurs antoniniens de Gallien, 4 Probus
et 1 Numérien ont été considérés comme valables et dignes d'être mis de côté.
Ce trésor est le plus récent du Maroc intérieur, et c'est la raison de son importance.
Carus a élevé ses deux fils au rang d'Augustes, Carin d'abord, Numérien ensuite ; ce n'est que dans
la deuxième année du règne de Carus que l'atelier d'Alexandrie commence à émettre pour Numérien
Auguste, donc au début de septembre 283, et Numérien mourut en septembre ou novembre 284 4.
Postérieurement à Numérien, on ne trouve plus à Volubilis, toujours isolément, que 1 Maximien
Hercule, 1 Maxence, 1 Licinius fils, 2 Constantin (1 au nom de la ville de Rome, 1 au nom de la ville de
1 Sur la date de ces monnaies posthumes de Claude II, cf Bastihn (P.) et Pklaum (H. -G.), La trouvaille de monnaies
romaines de Thibouville (Eure), Gallia, t. 19 (1961), fase. 1, p. 104 : ces auteurs classent les antoniniani de consécration de
Claude II après le monnayage de Quintille, estimant avec juste raison qu'« il semble difficile d'admettre que la masse énorme
de ces pièces ait pu être frappée durant le règne très court de Quintille ». D'après l'opinion courante, il aurait en effet régné
17 jours en mai 270, mais d'après Zosime un ou deux mois, et pratiquement c'est presque la même chose. Ils poursuivent
« Aurelien, en émettant à son avènement des antoniniani au type Divo Claudio, honorait la mémoire de Claude tout en y
:
rattachant son règne », puisque le bruit courait que Claude en mourant avait désigné Aurelien comme son successeur (Homo (L.),
Essai sur le règne de l'empereur Aurelien, p. 41) et ils rappellent fort à propos que déjà A. Alföldi avait prouvé que les monnaies
de consécration de Claude II frappées à Siscia et à Cyzique devaient être reportées au règne d'Aurélien, et qu'il a dû en être
de même à Rome, où a vraisemblablement été émise la plus grande partie des pièces en question.
D'ailleurs, même s'il faut encore rajeunir de quelques mois la datation de ces pièces en admettant, ce qui paraît
vraisemblable, qu'une masse aussi énorme de numéraire n'a pas pu être frappée en quelques semaines dès l'avènement d'Aurélien
et qu'il convienne d'étaler cette émission sur un an au moins, jusqu'au milieu ou même à la fin de l'année 271 , nos hypothèses
sur les événements qui ont pu justifier et expliquer, à Banasa, l'enfouissement des trésors où elles figurent, n'en seront en aucune
façon modifiées.
2 Ci supra, note 2 p. 179.
3 Marion (J.), Note sur la eontribution de la numismatique à la connaissance de la Mauritanie Tingitane. Antiquités
africaines, t. 1, 1967, p. 105.
1 R.I.C., vol. 5, part 2, London, 1933, p. 122.
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 189
* *
Les trésors sont plus nombreux à Banasa — et plus importants au point de vue de la quantité de
numéraire.
Le plus considérable est le trésor de la Boulangerie : 497 pièces d'argent, dont 2 deniers (les deux
pièces de Maximin) et 495 antoniniens, renfermées dans une petite cruche découverte le 10 septembre
1943 dans l'ensemble formé par le macellum et les bâtiments voisins, secteur nord-ouest de la ville. Ce
trésor a été publié sommairement (sans catalogue des monnaies) par R. Thouvenot 3. Vient ensuite
le trésor de la maison de Fonteius (51 pièces d'argent, dont 7 deniers et 44 antoniniens) découvert le 22
mai 1946 dans une pièce au sud du tablinum de la maison de Fonteius, donc dans le même ensemble de
bâtiments que le trésor précédent, et publié sommairement (sans catalogue des monnaies) par le même
auteur 4.
Thouvenot signale encore 6 trésors à Banasa :
1) « une cachette contenant 1 10 pièces où elles [les monnaies de consécration de Claude II] figurent
pour une forte proportion prouve que le propriétaire de ce petit trésor l'enfouit peu de temps après leur
émission, avant que lui fussent parvenues les pièces frappées en l'honneur des nouveaux empereurs 5 ».
2 et 3) dans le quartier du macellum, en 1947, « deux petits trésors de monnaies de bronze : l'un de 5
moyens bronzes et 28 petits bronzes ; l'autre de 8 moyens bronzes, tous du IIIe siècle, s'échelonnant de
Sévère Alexandre à Philippe » 6.
4) dans le quartier méridional, en 1953, « un petit trésor de 9 moyens bronzes comprenait des mon-
naies d'Antonin, Faustine Jeune, Commode, Julia Mammaea, Maximin, Gordien III, Philippe» '.
Jl s'agit en réalité de grands bronzes (sesterces).
5 et 6) « les deux petits trésors trouvés dans la maison au diplôme de Domitien : le premier
comprenait vingt-six petits bronzes qui avaient été renfermés dans un vase : deux de Gallien, sept de Claude le
Gothique dont trois avec légendes DIVO CLAVDIO et CONSECRATIO ». (Plus exactement 5 Gallien,
19 Claude II dont 17 de consécration et 2 illisibles). « Le deuxième, trente-trois monnaies dont une pièce
d'argent de Sévère Alexandre, dix-neuf petits bronzes de Claude le Gothique dont trois CONSECRATIO ».
(Plus exactement 1 Sévère Alexandre, 1 Gallien, 24 Claude II dont 22 de consécration et 7 illisibles)2.
De ces trésors les trois premiers ne peuvent être publiés, les monnaies qui les composaient ayant été
groupées avec les autres monnaies de Banasa dans le médaillier général sans indication permettant de les
retrouver, les trois derniers seront publiés ci-après.
Enfin j'ai retrouvé dans les médailliers, trois petits trésors inédits qu'on avait heureusement pris
soin d'empaqueter séparément : deux seront publiés ci-après, le troisième, découvert en février ou mars
1952, près d'un four dans le secteur sud-ouest, comprenant trop de pièces illisibles pour qu'une étude
fructueuse puisse être entreprise (1 sesterce de Marc-Aurèle, 1 antoninien de Gallien, 11 antoniniens de
Claude II, 27 antoniniens posthumes de Claude II, et 39 illisibles sur un total de 79 pièces !).
en réalité 214 à 217, puisque c'est en 214 qu'ont été émis les premiers antoniniens
2-3 CARACALLA : R/ Sérapis
(C. 349, R.l.C. 280 e) (216) 2 exemplaires
4-5 ID. R/ Venus Victrix
(C. 608, R.Ì.C. 310 c) (213-217) 2 exemplaires
:
9 ID. : R/ La Santé
(C. 254, R.l.C. 138) (sans date)
10 ID. R/ La Victoire
(C. 291, R.Í.C. 155) (sans date)
:
12 ID. R/ La Victoire
(denier, C. 108, R.l.C. 23) (groupe II, janvier 236 à mars-avril 238)
:
:
14-16 ID. R/ Jupiter
(C. 105, R.I.C. 2) 3 exemplaires
:
21 ID. R/ La Victoire
(C. 357, R.I.C. 5)
:
Les nos 13 à 23 sont de l'atelier de Rome, lere émission, 238-239, le n° 20 pouvant être à la rigueur
d'Antioche, style local, sans date {R.I.C. 193), de même que les nos 21 {R.I.C. 202) et 22 à 24 {R.I.C. 205).
26 ID. : R/ La Paix
(C. 203, R.I.C. 17)
27-29 ID. : R/ La Providence
(C. 196, R.I.C. 18) 3 exemplaires
30-32 ID. R/ La Victoire
(C 199, R.I.C. 19) 3 exemplaires 2
:
33 ID. : R/ La Valeur
(C. 194, R.I.C. 20)
Les nos 25 à 33 sont de l'atelier de Rome, 2e émission, fin juillet 239 à la fin de l'année 239 (?), les
nos 27 à 29 pouvant être à la rigueur d'Antioche, style local (239-240) {R.I.C. 172).
Les nos 34 à 44 sont de l'atelier de Rome, 3e émission a, (1er janvier à mars 240 (?) ), les nos 34 à 38
pouvant être à la rigueur d'Antioche, style local {R.I.C. 177).
1 La Valeur tient une haste renversée sur deux exemplaires, comme l'indiquent C. et R./.C.. Mais sur le troisième
exemplaire la haste ne porte de pointe ni en haut ni en bas et ressemble plus à un sceptre qu'à une haste. Le cas se reproduira assez
fréquemment d'ailleurs sur d'autres pièces qui seront signalées au fur et à mesure.
- Sur un des trois exemplaires la couronne que tient la Victoire est mal dessinée, rectiligne à gauche et en bas, et ouverte
en haut au lieu d'être fermée comme elle devrait l'être normalement.
:i Mars tient une haste, soit renversée, soit sans pointe d'aucun côté ; il en est de même pour les n°s 49 à 51 et 70 à 72.
Quand la haste est renversée, les ailerons latéraux qui forment la pointe sont parfois très petits, presque invisibles, et placés
très loin de la pointe elle-même, parfois presque à la moitié de la hauteur.
192 J. MARION
:
48 ID. R/ La Concorde
(C. 53, R.I.C. 52)
:
49-51 ID. R/ Mars
(C. 386, R.I.C. 56) 3 exemplaires
:
Les nos 45 à 51 sont de l'atelier de Rome, 3e émission b (mars à mai (?) 240).
1 Dans C. et dans R.I.C. la corne d'abondance que tient la Libéralité est double ; sur les quatre exemplaires de Banasa
elle est simple, variété qui semble inédite.
2 La jambe droite du Soleil debout à gauche est parfois légèrement fléchie et le corps un peu de côté au lieu d'être bien
vertical.
3 La couronne que tient la Joie est tantôt lisse et faite comme d'un fil, tantôt constituée de petits grains comme un
chapelet ou de feuilles « opposées » longues et pointues (olivier certainement et non laurier).
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 193
Les nos 73 à 146 sont de l'atelier de Rome, 4e émission (1er janvier 241 à fin juillet 243).
Les nos 147 à 192 sont de l'atelier de Rome, 5e émission, début de l'automne 243 à l'été 244, les nos
167 et 168 pouvant être à la rigueur d'Antioche, style local (R.I.C. 194).
Les nos 193 à 196 sont de l'atelier d'Antioche, style romain (242 à 244).
Les nos 197 à 228 sont de l'atelier de Rome, lcrc émission (244), mais le type de la Sécurité assise
est commun à la lere et à la 2e émission (R.l.C. loc. cit. p. 57) et les pièces nso 218 à 222 peuvent donc
appartenir à Tune ou à l'autre.
Les nos 229 à 251 sont de l'atelier de Rome, 2me émission (245).
1 La Valeur est assise sur une cuirasse derrière laquelle on voit quelquefois un bouclier ce bouclier apparaît sur un des
deux exemplaires de Banasa.
;
2 Philippe fils est accompagné par un soldat ; ce soldat porte une lance que Cohen n'a pas signalée ( R.l.C. loc cit., p. 95,
note). Ce type avec soldat accompagnant Philippe fils est peut-être un peu plus ancien que le type sans soldat (R.l.C. loc. cit..
p. 57).
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 195
Les nos 252 à 334 sont de l'atelier de Rome, 3e émission, 245 à 247 (les nos 277 à 279 de l'an 245,
les nos 280 à 285 de l'an 246 et les nos 286 à 288 de l'an 247) mais R.I.C. fait diverses remarques
:
1) les nos 277 à 279, de l'an 245 peuvent appartenir à la 2e émission et il conviendrait de mettre au
contraire dans la 3e un des types de la 2e (loc. cit., p. 58).
2) le type de Rome assise à côté d'un autel (nos 299 à 301) est commun aux 3e et 4e émissions {loc.
cit., p. 57-58).
3) les nos 302 à 314 d'Otacilia sont placés par R.I.C. en 246-248 (p. 83), mais entre 245 et 247, puisque
c'est en 245 qu'il place le remplacement de la légende longue MARCIA OTACIL SEVERA AVG par
la légende courte M OTACIL SEVERA AVG. (p. 56).
4) le n° 315 est placé par R.I.C. après 247 puisque c'est à cette date qu'est adoptée la légende très
courte OTACIL SEVERA AVG (p. 56), mais entre 248 et 249 (p. 84), le type des nos 314 et 315 étant
d'ailleurs commun à la 3e et à la 4e émission (R.I.C. loc. cit., p. 58), d'où une certaine indécision dans
l'attribution à une époque déterminée.
1 Le sol sous la chaise curule sur laquelle est assis Philippe est marqué par une ligne horizontale pour 2 exemplaires ;
pas de sol marqué pour le 3'1.
2 Philippe fils tient une haste renversée ; le haut de la haste sépare les deux premières lettres de I - WENT (légende du
revers PRINCIPI IVVENT) ; une seule fois il sépare le I qui finit le premier mot et le I qui commence le deuxième. Les
ailerons latéraux qui forment la pointe de la haste renversée sont parfois tout à fait en bas, parfois très haut ; ils manquent une
:
fois et sont réduits trois fois au seul aileron de droite, placé très haut.
3 Le haut de la haste sépare les deux premières lettres de I-VVENT. Deux fois les aileron·; latéraux sont placés assez
haut, quatre fois ils sont réduits à l'aileron de droite, assez haut.
196 J. MARION
:
343 ID. R/ La Victoire Carpique
(C. 238, R.I.C. 66)
:
344-345 PHILIPPE II : La Paix
(C. Philippe fils 23, R.I.C. Philippe 231 c) 2 exemplaires
Les nos 346 à 362 sont de l'atelier de Rome, 5e émission, l'émission spéciale des SECVLARES AVGG
émise en 248 pour le millénaire de Rome.
5 D'après R.I.C. la pièce doit avoir dans le champ F ou O. Les exemplaires de Banasa portent dans le champ, à
gauche : Γ.
(i L'éléphant est monté par un cornac qui d'habitude tient un javelot et une baguette, mais sur l'exemplaire de Banasa,
le cornac ne tient pas de baguette ; son bras gauche est replié contre le corps.
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 197
Les nos 396 et 397 sont de l'atelier d'Antioche, première émission ; encore l'attribution du n° 397
à Antioche n'est-elle que probable (R.I.C. loc. cit., p. 83, note infrapaginale et p. 84).
398 OTACILIA : R/ La Concorde assise à gauche
(C. Otacilia 14, R.I.C. Philippe, 143)
Cette pièce est de l'atelier d'Antioche, émissions postérieures à la première émission ; portant la
légende très courte OTACIL SEVERA AVG, elle est postérieure à 247 (R.I.C. loc. cit., p. 56). Enfin
R.I.C. classe cette pièce parmi les hybrides, le revers ne s 'accordant pas bien avec l'avers.
399 TRAJAN DECE R/ Trajan Dèce à cheval
(C. 6, R.I.C. 1)
:
1 Sur le fronton du temple, les trois statues, une au sommet et une de chaque côté de la base du fronton, sont réduites
ici à trois minuscules rectangles, en hauteur, guère plus gros que des points.
2 La huitième émission est en relation avec les graves événements du printemps à l'été 249 et porte directement sur le
danger soudain qui s'élève au nord-est (rébellion de Trajan Dèce) et sur les tentatives faites par Philippe pour l'affronter ;
d'où les types FIDES EXERCITUS (nos 374 à 376) qui renouvelle et varie l'adjuration faite à l'armée de ne pas rompre
son serment, FORTUNA REDUX (n° 377) qui accompagne l'Empereur quant il marche à la rencontre de son adversaire,
:
FELICITAS IMPP (nos 371 et 372) qui insiste sur la bonne fortune des deux Augustes, même quand le désastre menace, enfin
LIBERALITAS AVGG III (n°s 389 à 395) pour assurer la loyauté des masses populaires à Rome.
198 J. MARION
Les n°" 403 à 437 sont de l'atelier de Rome, groupe II (249 à 251).
Les nos 442 à 444 sont de l'atelier de Milan, émission des « Divi » (250-251 (?) ).
Les nos 445 à 460 sont de l'atelier de Rome, sans date, mais les nos 453 à 460 pourraient être à la rigueur
de l'atelier d'Antioche, sans date (R.I.C. Traj. Dèce 65 a). Le type de la Pudeur debout (nos 448 à 452)
paraît avoir précédé celui de la Pudeur assise (nos 453 à 460) (R.I.C. /oc. cit. p. 111-112). Les types de la
Fécondité (nos 445 et 446) et de Junon (n° 447) seraient au contraire de la fin du règne, à l'époque où Heren-
nius Etruscus devint Auguste.
IIS TRESORS MONETAIRES DE VOLUBILIS LI DL I5ANASA 199
très différent de la face qui est d'un très beau style 1) I TAS au lieu de PIETAS (fig. 2, b)
464 ID. R Instruments de sacrifice
:
Les nos 470 à 482 sont de l'atelier de Rome, 2e émission, (septembre à décembre 251). Je suis la
nouvelle répartition entre les 2e et 3e émissions, proposée par R.I.C. dans une note traditionnelle de la p. 189.
Cet auteur précise dans la même note que les types avec étoile précèdent les types sans étoile et que cette
étoile se rapporte probablement à la mort d'Hostilien, comme une vague suggestion d'une consécration
qui ne lui fut pas complètement accordée.
483 TREBONIEN GALLE : R/ Apollon
(C. 20, R.I.C. 32)
484 ID. R/ la Félicité
(C. 41, R.I.C. 34 A)
:
Les nos 488 à 492 sont de l'atelier de Rome, 4e émission (janvier à mai 253).
493-494 VOLUSIEN R/ la Valeur
(C. Vol. 133, R.I.C. Tréb. Galle 206) 2 exemplaires
:
Les nos 493 et 494 sont de l'atelier de Milan, lere émission (?).
495 VOLUSIEN R/ la Félicité
(C. Vol. 32, R.I.C. Tréb. Galle 205)
:
:
497 GALLIEN R/ la Valeur
(C. 1288, R.I.C. 181) l
:
Les nos 496 et 497 sont de l'atelier de Rome (254), règne conjoint de Valerien et Gallien, le n° 497
pouvant être de Viminacium, R.I.C. 301 (même date).
Comme on Ta dit plus haut, en dehors de 2 deniers de Maximin I, la totalité des pièces composant
ce trésor sont des antoniniens. Les pièces antérieures à 238 sont très peu nombreuses 1 Julia Domna,
:
4 Caracalla, 5 Elagabale, 2 Maximin ; notons, comme l'avait fait Thouvenot, l'absence « assez singulière »
de monnaies d'Alexandre Sévère. On pourrait peut-être expliquer ce fait qui paraît assez étonnant. Julia
Domna, Caracalla et Elagabale, ne sont représentés dans ce trésor que par des antoniniens, quoique leurs
deniers soient beaucoup plus communs. On peut donc penser que, les antoniniens ayant une valeur
théorique de 2 deniers, le possesseur de ce trésor a dû les considérer comme seuls dignes d'être thésaurises et a
éliminé systématiquement les deniers 2. Alexandre Sévère et Maximin n'ayant pas émis d'antoniniens,
leurs monnaies n'ont pas été admises dans ce trésor, les deux deniers de Maximin n'y figurant
probablement que par inadvertance.
La date d'enfouissement de ce trésor a été fixée par Thouvenot « après 255, mais peu de temps
:
après... alors que les espèces frappées sous Valerien et Gallien n'étaient pas encore arrivées en grand nombre
à Banasa » 3.
La pièce la plus ancienne étant un antoninien de Julia Domna, postérieur à 214, puisque c'est à cette
date que fut émise pour la première fois cette unité monétaire, ce trésor est donc parfaitement homogène
et couvre une période de 40 ans.
11 est aussi parfaitement représentatif de la circulation monétaire à cette époque de l'histoire de
l'Empire Romain 26 monnaies des règnes conjoints de Trébonien Galle et Volusien, 71 monnaies du règne
:
de Trajan Dèce (avec une absence complète et inexpliquée de pièces d'Hostilien) sont ce qu'on peut attendre
par comparaison avec les 184 pièces de Gordien III et les 202 pièces du règne de Philippe, chiffres tout à
fait naturels, vu la quantité considérable d'antoniniens émis par ces deux empereurs.
A peu près tous les antoniniens ordinaires de Gordien III provenant de l'atelier de Rome figurent
dans ce trésor (en dehors de ceux que R.I.C. signale comme rares et irréguliers, qui ne semblent pas faire
partie des émissions courantes et dont certains sont d'ailleurs de faux anciens). C'est déjà moins sensible
pour Philippe I dont ne figurent ici que 42 types d'antoniniens sur 63 émis à Rome (dont 4 d'ailleurs émis
à Rome de la plus extrême rareté). Par contre pour Trajan Dèce il n'y a plus que 12 types d'antoniniens
sur 28 émis à Rome.
On ne voit apparaître que sporadiquement dans ce trésor des pièces de l'atelier de Milan (7 Trajan
Dèce et 3 Volusien), et moins encore de pièces émises à Antioche (4 Gordien III, 1 Philippe I et probable-
1 La Valeur tient une haste renversée (Cohen), une lance (R.I.C), ce qui est plus exact ; l'exemplaire de Banasa n'a
pas d'ailerons latéraux à la pointe de la haste.
2 Contrairement à ce qui s'est passé en Grande-Bretagne pour la grande majorité des trésors (non compris bien entendu
le trésor de Dorchester dont il sera parlé plus bas). Anne S. Robertson (loe. cit., p. 267) signale qu'en Grande-Bretagne les
deniers d'argent étaient préférés aux antoniniens et que ceux-ci ne furent pas inclus dans les trésors monétaires avant Sévère
Alexandre ; les trésors composés uniquement de deniers se rencontrent encore à une époque aussi tardive que le règne de
Philippe ; quand deniers et antoniniens étaient thésaurises ensemble, les deniers étaient nettement plus nombreux que les
antoniniens encore jusqu'au règne de Gallien.
;ì Thouvenot (R.), Pubii. Serv. Ant. Maroc, i. 9, p. 187.
202 J. MARION
ment 1 Otacilia auxquelles il faut ajouter éventuellement 15 Gordien Ili qui peuvent être soit de Rome,
soit d'Antioche, mais beaucoup plus vraisemblablement de Rome '.
D'intéressants rapprochements peuvent être faits entre le trésor de Banasa et celui — considérable
(plus de 22 000 antoniniens) — trouvé un peu avant la dernière guerre à Dorchester en Angleterre et
publié par Mattingly 2. Ces rapprochements permettront d'utiles aperçus sur la circulation monétaire
dans deux provinces extrêmes de l'Empire romain, sensiblement à la même période, puisque le trésor de
Dorchester, dont les séries commencent à Gordien III et finissent à Trébonien Galle, est antérieur d'une
quinzaine d'années à celui de Banasa.
Le matériel recuilli à Dorchester est d'environ 44 fois plus considérable que celui recueilli à Banasa,
45 fois si l'on ne tient compte à Banasa que des pièces des empereurs qui figurent à Dorchester. Les Gordien
sont proportionnellement un peu plus abondants à Dorchester (environ 50 fois plus à Dorchester qu'à
Banasa). Pour les autres empereurs le pourcentage est à peu près constant : 34 fois plus de Philippe et de
sa famille à Dorchester 3, 32 fois plus de Trajan Dèce et de sa famille 4, et 39 fois plus de Trébonien Galle
et de Volusien 5 à Dorchester : les chiffres sont étonnamment voisins.
Dans l'ensemble donc, et dans la mesure évidemment où, compte tenu des hasards de sa constitution,
un trésor peut être considéré comme valablement représentatif, le matériel monétaire en circulation en
Grande-Bretagne et en Maurétanie tingitane à la fin du règne conjoint de Trébonien Galle et Volusien
était sensiblement le même. Les mêmes pièces arrivaient aux deux extrémités occidentales du monde
romain, et dans des proportions sensiblement identiques — même en ce qui concerne le volume des diverses
émissions.
Si l'on pousse un peu plus loin les rapprochements, on s'aperçoit qu'à certaines dates le parallélisme
est presque total. Ainsi en est-il par exemple pour le règne de Trajan Dèce (sauf pour Hostilien dont
l'absence dans le trésor de Banasa a déjà été signalée).
1 Sur les 5 types pour lesquels il peut y avoir un doute, I est rare et 4 sont communs pour l'atelier de Rome alors que
tous les 5 sont rares pour l'atelier d'Antioche. Or, dans le trésor de Banasa, il y a très peu de pièces rares.
2 Mattingly (H.), The great Dorchester Hoard, Numismatic chronicle, 1939, p. 21 et suiv. Je n'ai pu consulter cette
revue et j'ai dû me contenter des chiffres, pas toujours complets donnés par R.I.C., vol. 4, part. 131, London, 1949, p. XVI et
passim. Je ne peux, de ce fait, donner des pourcentages absolus, mais seulement des pourcentages approchés, bien suffisants
d'ailleurs pour mon propos.
3 Exactement 35 fois plus de Philippe père, 40 fois plus d'Otacilia Severa, 27 fois plus de Philippe II.
4 Exactement 31 fois plus de Trajan Dèce, 32 fois plus d'Etruscilla, 30 fois plus d'Herennius, 28 fois plus de « Divi ».
Il convient de rappeler J'absence totale — et inexpliquée — à Banasa de monnaies d'Hostilien, le deuxième fils de Trajan Dèce.
5 Exactement 70 fois plus de Trébonien Galle et 25 fois plus de Volusien à Dorchester. Il convient de signaler un très
curieux décalage à Banasa au profit de Volusien et au détriment de Trébonien Galle.
LES TRESORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 203
Le parallélisme est presque aussi net pour le règne de Philippe, au moins en ce qui concerne les pièces
émises par l'atelier de Rome.
II y a donc une remarquable constante dans la circulation monétaire de l'empire romain au milieu
du IIIe siècle dans des provinces aussi éloignées l'une de l'autre que la Grande-Bretagne et la Mauretanie
tingitane. Malgré des déchirements, l'Empire est toujours un.
6 ID. R/ la Joie
(C. 71, R.I.C. 94) antoninien (sans date)
:
8 ID. R/ l'Abondance
(C. 27, R.I.C. 187) (228-231)
:
'
11 ID. R/ la 2e Libéralité
(C. 132, R.I.C. 66) (3e émission, mars-mai 240 ?)
:
12 et 13 ID. R le Soleil
(C. 41, R.I.C. 83) (4e émission, 1er janvier 241 à fin juillet 243) 2 exemplaires
:
14 ID. R/ Jupiter
(C. 109, R.I.C. 84) (4e émission, 241-243)
:
Pour les dates des diverses émissions, voir plus haut ce qui concerne les monnaies du trésor de la Boulangerie.
1
204 J. MARION
15 ID. R/ Hercule
(C. 404, R.l.C. 95) (4e émission, 241-243)
:
16 ID. R/ la Félicité
(C. 71, /Î./.C. 140) (5e émission, début de l'automne 243 à l'été 244)
:
17 ID. : R/ id.
(C. 72, R.l.C. 141) (5e émission)
18-19 ID. R/ id.
(C. 81, R.l.C. 141) (5e émission) 2 exemplaires
:
21 ID. R/ la Providence
(C. 296, R.l.C. 148) (5e émission)
:
23 ID. : R/ l'Abondance
(C. 25, R.l.C. 28 c) (3e émission, 245-247)
24 ID. : R/ la Fidélité
(C. 49, R.l.C. 61) (7e-8e émissions, fin de 248 à 249)
25 OTACILIA SEVERA R/ la Pudeur assise
(C. Otacil. 53, R.l.C. Philippe 123 c) (2e émission de Philippe, 245)
:
1 La Fortune tient un gouvernail, mais celui-ci est déformé toute la partie inférieure n'en a pas été gravée.
:
2 Sur ce type, voir ce qui a été dit plus haut à propos du trésor de la Boulangerie (n°s 218 à 222).
3 Sur ce type, voir ce qui a été dit plus haut à propos du trésor de la Boulangerie (nus 453 à 460).
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 205
47 ID. : R/ la Concorde
(C. 129, R.I.C. 132) (Rome, 254)
48 ID. : R/ Jupiter
(C. 351, /?./.C. 143) (Rome, 254-255)
49 ID. R/ la Paix
(C. 754, Λ./.C. 155) (Rome, 253)
:
50 ID. R/ la Valeur
(C. 1288, R.I.C. 181, Rome, ou 301 Viminacium) (tous deux en 254)
:
51 ID. R/ la Joie
(C. 439, R.I.C. manque) l'attribution de cette pièce sera discutée un peu plus bas.
:
En dehors des nos 1 à 4, 5, 7, et 8 qui sont des deniers, toutes les autres pièces sont des antoniniens.
La détermination de la date d'enfouissement de ce trésor se heurte à une petite difficulté. Thouvenot
la situe exactement à la même époque que le trésor de la Boulangerie en se fondant sur le n° 50 « frappé
en 254» et sur le n° 51 « frappé à la même époque»2 . R.I.C. date bien, d'après la légende de la face,
lelater»3
n° 50 . approximativement
Mais pour la piècede n°253-254,
51, unemais
petite« occasionnellement
erreur matérielle ded'une
Thouvenot
date plusluitardive,
donne, occasionnaly
à la face, la
légende IMP C Ρ LIC GALLIENVS AVG (qui la rangerait en effet dans les séries de 253-254), alors qu'il
faut lire en réalité GALLIENVS AVG — indiscutablement, quoique la pièce soit usée et que les trois
premières lettres soient illisibles. Mais elles sont assez largement espacées et l'espace libre avant... LIENVS
ne permet absolument pas qu'il y ait IMP ou quoi que ce soit d'autre avant le cognomen de l'Empereur
(fig. 2, e ; diamètre 20 à 20,5 mm). Or cette légende courte ne se rencontre qu'à Milan, dans toute la série
des légions, en 257-259 et plus tard, sous le règne de Gallien seul, dans tous les ateliers indifféremment 4.
1 Sur les deux exemplaires de Banasa (fig. 2, c et d), un représente Valerien barbu, l'autre Valerien imberbe, avec une
tête beaucoup plus large et nettement plus jeune, quoique la date soit la même (253-254) ; la légende de la face, le type et la
légende du revers sont identiques, mais il est difficile d'admettre que l'on ait voulu représenter le mêrns personnage. B.M. Fel-
letti Maj, Iconografia Romana Imperiale. Roma, 1958, p. 216 et pi. XXXIX. n°s 125-126, signale que l'on distingue deux
manières différentes de représenter Valerien dans l'iconographie monétaire. Dans la première période prédomine un type barbu
qui a ses racines dans les coins de Trébonien Galle (ibid., pi. XXXVII, n" 110). J'ajouterai en ce qui concerne la première
monnaie de Banasa (effigie barbue) et plus encore de Volusien (ibid., pi. XXXVII, nos 1 16 et 1 17) la ressemblance avec notre
pièce est frappante, la deuxième manière apparaît à partir de la fin de 254 (donc à l'extrême fin de la même émission monétaire ?)
:
Quant à l'effigie imberbe de Banasa, les traits sont mous, empâtés, le nez est rectiligne, l'art est extrêmement médiocre. Par
contre les revers des deux pièces sont tout à fait semblables.
2 Thouvenot (R.), Publi. Serv. Ant. Maroc, op. cit., p. 187 et notes 1 et 2.
3 R.I.C, loc. cit., vol. 5, part 1, p. 66.
4 R.I.C, loc. cit., p. 66. La légende Gallienvs Avg ne se rencontre à Rome que sur un quinaire d'argent en 257-258
(R.I.C, 191, p. 83). Par contre elle se retrouve à Milan sur un quinaire d'argent de 258-259 (R.I.C, 415, p. 100), sur un anto-
niniende259(/?./.C.,309, p. 92) et sur la série complète des légions et des cohortes de 257 à 259 (R.I.C, 314 à 372, p. 92 à 97).
L'aspect général de la pièce de Banasa (portrait, forme de lettres) plaide aussi en faveur de son attribution à l'atelier de Milan
les lettres sont moins bonnes qu'à Lyon, mais meilleures qu'à Rome : le V notamment de Gallienvs est pointu et les deux
:
barres en sont à peu près jointes à la base, ce qui est caractéristique de l'atelier de Milan où « V is well pointed and joined »
(R.I.C, loc. cit., p. 21).
206 J. MARION
Le métal de cette pièce, d'autre part, est un mauvais billon alors que les autres pièces de Gallien de ce
trésor ont beaucoup plus belle apparence et sont certainement d'une plus forte teneur en argent. La qualité
du métal et la légende empêchent absolument de la faire remonter, comme les autres, jusqu'en 253-254.
D'autre part la légende du revers LAETITIA AVGG se rapporte au règne conjoint des deux Augustes
:
et interdit absolument de la faire descendre plus bas que la mort de Valerien (260). Il doit donc s'agir
d'une pièce, très probablement de l'atelier de Milan, des années 257 à 260, et plus vraisemblablement
258 à 260 '.
L'enfouissement de ce trésor est donc certainement postérieur de 4 ou 5 ans à celui du trésor de la
Boulangerie.
Assez homogène dans son ensemble (41 pièces depuis Gordien III jusqu'à la fin du règne conjoint de
Valerien et de Gallien), il n'en couvre pas moins un beaucoup plus grand espace de temps que le trésor
de la Boulangerie. En effet, la pièce la plus ancienne citée par Thouvenot est un denier de Vespasien,
mais il signale une pièce «indéchiffrable». Je suis parvenu à la lire il s'agit d'un denier de Tibère (au
:
revers Livie assise à droite, C. 16, R.I.C. 3, atelier de Lyon, sans date) : c'est le n° 1 de notre catalogue.
:
Dans le cas du trésor que nous étudions, il s'agit peut-être moins de pièces restées en circulation pendant
un long laps de temps 2 que de pièces thésaurisées, semble-t-il, car si les deniers de Tibère et de Vespasien
sont usés, celui de Marc-Aurèle est très beau, il date de décembre 163 à décembre 164 cette pièce serait
:
moins belle si elle était restée en circulation un bon siècle.
1 C'est précisément vers la fin du règne de Valerien (R.I.C, /oc. cit., p. 7-8), et plus précisément en 258 (ibid., p. 14,
note 1) que cet auteur place la disparition de l'antoninien fait d'un alliage d'argent et son remplacement par une pièce «
saucée » contenant une quantité parfois minime d'argent et recouverte d'une pellicule de métal blanc qui a disparu la plupart du
temps presque complètement : c'est bien ainsi que se présente la pièce en question. Cf aussi Grant (M.), Roman Imperia/
Money. London, 1954, p. 254, qui place, lui, en 260, au commencement du règne de Gallien seul la chute de 25 % (de 240 à
250) à 3 ou 4 % du taux de l'argent dans les antoniniens.
2 Ci supra p. 184 n. 1. On remarquera que c'est le seul denier prénéronien de ce trésor.
3 Thouvenot (R.), B.C. T. H., 1954, p. 53 à propos des fouilles de 1953 dans le quartier méridional de Banassa écrit
« Un petit trésor de 9 moyens bronzes comprenant des monnaies d'Antonin, Faustine jeune, Commode, Julia Mammaea,
:
Maximin, Gordien III, Philippe ». Or les pièces figurent au médaillier comme trouvées dans le secteur sud-ouest en janvier 1954
et ce sont des grands bronzes (sesterces). Il s'agit pourtant indiscutablement du même trésor.
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 207
:
8 PHILIPPE I R/ la Paix ou la Félicité
(C. 140, R./.C. 150 c) (247)
:
9 ID. R/ la Paix
(C. 1 10, R.f.C. 185) (sans date, d'après R./.C, donc de 244 à 249). Mais cette pièce date certainement
:
de la première émission (244) AVG et non AVGG indique que Philippe père émet seul, Philippe II
n'ayant pas encore été associé à l'empire. D'autre part le type de PAX AETERNA (la Paix marchant
:
à pas précipités à gauche, tenant une branche d'olivier et un sceptre) n'est attestée pour les antoniniens
que pour la première émission, tout à fait au début du règne.
L'espace de temps couvert par ce petit trésor est important, la pièce n° 1 étant de 140 à 141 et la pièce
n° 8 de 247.
un très court, à section de 6 mm de large, et, de l'autre côté, un triangulaire, long de 3 mm. large de
1 mm à l'extrémité (fig. 2, f)
3 ID. R/ la Fidélité militaire
(C. 238 var, R.I.C. 480) (atelier de Milan, sans doute règne de Gallien seul)
:
7 ID. R/ illisible
:
C'est le trésor le plus homogène, les pièces de Gallien étant postérieures à 260 (début du règne de
Gallien seul) et les pièces de consécration de Claude II ayant été frappées dans les quelques mois qui
suivirent la mort de cet empereur en juillet-août 270 2.
1 Les monnaies étaient contenues dans un petit vase trouvé dans les fouilles de la maison au Diplôme de Domitien
(secteur sud-ouest). Cf Thouvenot, Publi. Serv. Ant. Maroc, fase. 11, p. 55-56 et 58-59.
2 Pour la date d'émission des monnaies de consécration de Claude II, cf supra, note 1, p. 188.
208 J. MARION
VII. Trésor de 33 pièces (1 denier et 32 antoniniens) trouvées à Banasa dans la Maison au Diplôme de Domi-
tien en mars 1952 l
:
plutôt que 626-627 atelier d'Asie, sans date, de toute façon règne de Gallien seul) 2.
;
3 CLAUDE II R/ le Génie de l'Auguste ou le Génie de l'armée
(C. 109 à 1 16, R.I.C. 45 à 49) (sans date)
:
4 ID. : R/ illisible
5-18 CLAUDE II (POSTHUME) R/ consecratio, autel
(C. 48 à 54, R.I.C. 257 à 264) 14 exemplaires dont un porte au revers la légende ...ONSC... au lieu de
:
CONSECRATIO
19-26 ID. : R/ consecratio, aigle
(C. 41 à 46, R.I.C. 265-266) 8 exemplaires
27-33 ILLISIBLES 7 P.B. (antoniniens)
:
S'il n'y avait pas de denier d'Alexandre Sévère, daté de 222, ce trésor couvrirait exactement le même
espace de temps que le précédent.
VIII. Trésor (inédit) de 14 sesterces trouvés à Banasa dans une maison à côté des thermes nord, le 9 avril 1948
1 NERVA R/ illisible
:
2 TRAJAN R/ la Victoire
(C. 454, R.I.C. 528) (103-111)
:
3 ID. R/ illisible
:
4 MARC-AURELE R/ illisible
:
5 COMMODE R/ Apollon
(C. 26, R.I.C. 578) (190-191)
:
8 LUCILLA : R/ la Piété
(C. 53, R.I.C. Marc-Aurèle 1755) (sans date)
9 MAXIMIN I R/ la Santé assise
(C. 88, R.I.C. 64) (groupe I, mars 235 à juillet 236)
:
10 ID. : R/ la Victoire
(C. 100, R.I.C. 67) (groupe I, mars 235 à juillet 236)
11 ID. R/ la Fidélité militaire
(C. 13, R.I.C. 78) (groupe II, janvier 236 à mars-avril 238)
:
12 ID. R/ la Paix
(C. 38, R.I.C. 81) (groupe II, janvier 236 à mars-avril 238)
:
:
14 PHILIPPE I R/ l'Abondance
(C. 29, R.I.C. 168 d) (sans date d'après R.I.C., en réalité 245-247 d'après la correspondance entre le
:
type de revers (ANNONA AVGG l'Abondance debout à gauche, un modius à ses pieds) du sesterce
et de l'antoninien qui, lui, est de la 3e émission. La légende courte (IMP PHILIPPVS AVG)
:
n'apparaissant qu'en 247, ce sesterce doit être daté certainement de la fin de la 3e émission (été 247)
Quoique composé de peu de pièces, ce petit trésor couvre un grand espace de temps (plus d'un siècle
et demi). Il est curieux qu'en 249, avec des pièces de conservation passable ou médiocre et de petites pièces
très frustes (les nos 1, 3, 4, 6, 7) se rencontre un Trajan à fleur de coin (n°2). Comment une pièce de 103 à
110 pourrait-elle se trouver dans un pareil état de conservation dans un trésor enfoui environ un siècle
et demi plus tard, si elle n'avait pas été thésaurisée ? Nous avons donc affaire ici — pour une pièce —
à un cas de thésaurisation évident, comme ceux que nous avons signalés plus haut à propos du trésor de
la maison de Fonteius l.
IX. Trésor (inédit) de 64 antoniniens découvert près d'un four, dans le secteur sud-ouest de Banasa, en
février 1952
Il est très peu probable que parmi ces 24 P.B. il y ait des pièces antérieures à Gallien ; nous avons
donc ici encore, très vraisemblablement, un trésor homogène s'étendant sur une quinzaine d'années au
maximum, à supposer que l'un ou l'autre des 2 Gallien remonte au règne conjoint de Valerien et Gallien.
On remarquera que les plus récents des trésors de Banasa (nos VI, VII et IX) s'arrêtent invariablement
aux monnaies de Consecratio de Claude II. S'il n'y avait pas à Banasa des dédicaces à Aurélien 2 et à
1 « Un trésor récemment découvert dans le Nord de l'Italie contenait des pièces de bronze, de Galba aux premières
années d'Hadrien ; les pièces les plus anciennes montraient une usure considérable après une circulation de 50 ans,
particulièrement au revers, quoique l'identité de l'empereur et une bonne partie de la légende de la face soient d'habitude restées
nettes » (Kraay (CM.), The behaviour of early imperial contermarks, dans les Essays in Roman Coinage presented to Harold
Mattingly, Oxford, 1956, p. 131). Cet auteur, loe. cit., à propos des contremarques PRO et BON, estime qu'entre 30 et 50 ans
après leur émission, les pièces de bronze avaient besoin d'une contremarque les validant en quelque sorte et les maintenant
en circulation, tant elles étaient usées et risquaient de ce fait de devenir inutilisables. Or dans le cas du trésor de Banasa, il ne
s'agit pas de 50 ans, mais d'au moins 160 !
2 Thouvenot (R.), B.C.T.H., 1946-1949, p. 260 ; Euzennat (M.) et Marion (J.), B.A.M., t. 4, p. 566.
210 J. MARION
Ulpia Severina, son épouse 1, peut-être même à Carus 2, on pourrait croire que toute vie s'y était éteinte
dans les derniers jours de 270. En tout cas c'est bien de ces jours que date le péril qui a incité plusieurs
habitants à enfouir, en l'attente des jours meilleurs, ce qui constituait leur fortune — bien pauvre fortune !
On est frappé, en comparant ces « trésors» avec celui de la Boulangerie, enfoui 15 ans auparavant, à la
fois de l'appauvrissement des Banasitains et de l'étonnante rapidité de cet appauvrissement.
* **
A moins d'un concours de circonstances qui emporte la conviction, il est souvent hasardeux de
chercher à expliquer par une cause extérieure générale la raison d'un acte individuel qui peut être dû au
comportement plus ou moins passionnel de tel ou tel individu. Qu'Harpagon enterre sa cassette dans un coin de
son jardin, on en conclura qu'on a affaire à un maniaque qui a une peur maladive des voleurs, non pas que
Paris a été à cette époque sous la menace d'une invasion étrangère.
R. Turcan 3 a bien mis en lumière les difficultés de ce genre d'enquête qui a certainement donné lieu
à des abus quand on a voulu trouver à tout prix une explication historique à tous les dépôts monétaires.
A propos de thésauriseur, Turcan écrit : « Même si sa précaution a été déterminée par le cours des
événements, la menace a pu rester longtemps imprécise, et rien ne permettra, dans ce cas, d'évaluer le laps de
temps qui a pu s'écouler entre le moment de l'enfouissement et celui où les envahisseurs ont massacré
le propriétaire — qui peut fort bien aussi être décédé dans l'intervalle sans livrer son secret. Cette
incertitude risque de rendre vaines les conjectures chronologiques tirées de l'examen des seules monnaies».
Mais nous suivrons plus difficilement cet auteur quand il considère l'enfouissement d'un trésor en
vrac en pleine terre comme la preuve essentielle d'une « menace soudaine et directe », alors que « lorsqu'on
trouve un dépôt de ce genre confortablement renfermé dans un pot ou un coffret 4, on peut penser que le
thésauriseur a eu tout le temps de mettre en lieu sûr ses économies et qu'il les a enfouies pour des raisons
personnelles impossibles à préciser». Même dans le cas d'une « menace soudaine et directe», rien
n'empêche, semble-t-il, le propriétaire de loger son dépôt dans « un pot ou un coffret » : une cruche quelconque
n'est pas difficile à trouver dans n'importe quelle maison à n'importe quelle époque. Nous serons par contre
entièrement d'accord avec les deux observations suivantes du même auteur : « la meilleure preuve que le
trésor n'a pas été enterré pour des raisons particulières au thésauriseur réside dans le fait qu'il ne s'agit
pas d'un cas isolé» 5 ; d'autre part « le moyennage courant, représenté dans le cas d'un enfouissement
hâtif, ne comprend jamais que les exemplaires usés des règnes antérieurs et les exemplaires neufs des
émissions immédiatement contemporaines » 6.
cas de « menace soudaine et directe », on aurait ramassé des pièces de circulation courante, donc moins belles, comme c'est
le cas pour les trésors enfouis vers 270.
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 211
Par conséquent quand tous les exemplaires sont très beaux (c'est le cas pour 103 pièces sur les 105
du bracelet-bourse de Volubilis), il ne peut s'agir que d'une thésaurisation.
En plus de l'état de conservation superbe des pièces de ce trésor, le fait qu'il est unique pour la date
envisagée conduit aussi à envisager qu'il s'agit bien dans ce cas de thésaurisation, donc d'un enfouissement
« pour des raisons personnelles impossibles à préciser».
Et pourtant la date (vers 122) ne laisse pas de retenir l'attention.
On connaît la période de troubles qui marqua en Maurétanie le début du règne d'Hadrien, entre 1 17
et 122, troubles dus à des tribus maures, probablement les Baquates. On ne songe nullement à retracer
ici le détail des événements, suffisamment étudiés par ailleurs '. On se contentera de rappeler brièvement
le commandement conféré à Q. Marcius Turbo, gouverneur de Maurétanie césarienne, dont l'action fut
rapide (du second semestre de 1 17 à février 118), et efficace, puisqu'une partie des troupes de Tingitane
obtint son congé, comme le prouve un fragment de diplôme militaire daté du 28 mars 118 et trouvé à
Thamusida 2. Malheureusement ce succès fut peu durable : un an plus tard Marcius Turbo fut rappelé
en Afrique, et cette fois avec un commandement plus important, comme procurateur prolégat des deux
Maurétanies. Ce qui s'était déjà passé une fois va se renouveler exactement de la même manière : succès
de Turbo, congé donné aux troupes en 121-122, attesté par deux diplômes militaires trouvés l'un à
Volubilis, l'autre à Banasa 3, et cette diminution des effectifs militaires incite une fois de plus les populations
en lutte contre Rome à reprendre les armes : la révolte se ranime et ne fait que s'aggraver pendant que
l'empereur était en Espagne dans l'hiver 122-123. Il n'est pas certain mais il est possible qu'Hadrien soit
alors passé, en 123, d'Espagne en Afrique pour prendre personnellement la direction des opérations
militaires. Le moment le plus critique de la révolte d'Afrique a donc duré de 1 19 à 123. Or les pièces les
plus récentes du bracelet-bourse sont datées par R.I.C. de 119 à 122.
Quels événements se passèrent à Volubilis et dans sa région pendant cette période de troubles ? Aucun
texte littéraire ou épigraphique n'y fait allusion, mais la possibilité qu'il se soit passé des événements
graves peut être envisagée. Je suis frappé en effet que A. Luquet, conservateur du musée de Volubilis
m'ait dit un jour avoir remarqué plusieurs fois des traces d'incendie dans des couches qui paraissent
pouvoir être datées du règne d'Hadrien, ce qui laisse à penser qu'il y eut des troubles ayant abouti à
l'incendie de quelques maisons.
Puis les Baquates firent leur soumission. On peut envisager raisonnablement que c'est à la suite de
cette soumission — et en quelque sorte pour la payer — que leur chef Tuccuda reçut le droit de cité romaine
et le gentilice Aelius qu'il porte sur la dédicace à Antonin qu'il éleva à Volubilis en 140 — à moins que
Rome n'ait remplacé alors le responsable des troubles de 1 17-122 par un nouveau prince doté du droit de
cité. De toute façon, c'est soit sous Antonin, soit « plus vraisemblablement, sous Hadrien » que Tuccuda
reçut le droit de cité romaine, ce qui mit fin à l'agitation des Baquates au moins pour quelques années 4.
1 Romanelli (P.), Storia delle province romane dell'Africa. Rome, 1959, p. 334-336 et les indications bibliographiques
données dans les notes par cet auteur. Sur la possibilité que ces Maures aient été les Baquates, Romanelli, p. 336. Cf aussi
Frezouls (E.), Les Baquates et la province romaine de Tingitane. Β. A. M., t. 2, 1957 (1959), p. 104.
¿ Thouvenot (R.), C.R.A.I., 1949, p. 336 = C.I.L., XVI, 166. Cf aussi Callu (J.-P.), Morel (J. -P.), Rebuffat (R.) et
Hallier (G.), Thamusida I. Paris, 1965, p. 189-191.
:i Châtelain (L.) et Thouvenot (R.), C.R.A.I., 1942, p. 141 sq. pour le diplôme de Volubilis ; Thouvenot (R.), ibid.,
1934, p. 1 1 sq. pour celui de Banasa. Discussion sur la date exacte de ces deux diplômes dans Romanelli (P.), loc. cit., p. 335,
note 2.
1 Sur les rapports entre les Baquates et les Romains sous les règnes d'Antonin et de Marc-Aurèle, cf Frezouls (E.),
loc. cit., p. 88 et 105-106.
212 J. MARION
Quant au deuxième trésor de Volubilis, son enfouissement est évidemment à mettre en relation avec
l'évacuation de la ville fin 284-début 285. Thamusida a été évacué entre 274 et 280, Banasa en 283-284.
« L'impression qui prévaut est celle d'un échelonnement dans l'évacuation. L'histoire connaît de tels
processus où l'on se replie de petits postes en villes plus importantes, jusqu'à ce que la capitale — dernier
point d'appui — soit abandonné à son tour» Κ L'évacuation n'a donc pas été faite à la hâte, sous la
pression d'une menace brutale qui provoque un exode plus ou moins désordonné, mais elle a lieu
méthodiquement. Les habitants ont eu le loisir d'emporter leur numéraire. Il s'en est trouvé un, plus optimiste
que les autres, qui n'a pas jugé bon d'emporter ses économies, persudaé, bien à tort, que le repli serait de
courte durée et qu'il reviendrait bientôt occuper à nouveau sa demeure.
*
* *
A Banasa les causes des enfouissements sont beaucoup plus difficiles à élucider qu'à Volubilis.
Les sept dépôts ont eu lieu tous dans une période relativement courte : 23 ans (247-279
approximativement). Il est quasi impossible de trouver pour chacun un fait précis correspondant à la date présumée
d'enfouissement : on a plutôt l'impression d'une longue insécurité, d'une peur plus ou moins diffuse,
entretenue par une longue suite d'événements qui à la longue usent le moral des habitants.
Pour les deux petits trésors de 9 et de 14 sesterces 2 enfouis tous deux à la même date (247 ou peu
après), et donc évidemment sous l'effet de la même peur, il faut reconnaître qu'aucun événement connu
n'apporte la moindre justification à cette crainte commune éprouvée par deux propriétaires différents.
Si la montée de la puissance Baquate paraît avoir suscité de sérieuses inquiétudes de 239 ou même de
235 à 245 3, précisément après cette date, et peut-être à la suite des entretiens qu'eut, en vue de raffermir
la paix, le procurateur M. Maturius Victorinus avec Sepemazin, entretiens rappelés sur une dédicace
du 22 avril 245 4, les rapports des Baquates avec Rome se sont modifiés et nettement améliorés pour
d'assez nombreuses années 5, mais peut-être cependant y eut-il, précisément entre 245 et 249, dans la
tribu même des Baquates, quelque trouble intérieur. Voici à quelle occasion : le princeps gentis Baquatium
en 245 porte le nom indigène de Sepemazin alors qu'en 277 le rex gentis Baquatium Julis Matif porte le
gentilice de l'empereur Philippe : de deux choses l'une : ou Sepemazin devenu persona grata a adopté
le gentilice impérial en recevant la citoyenneté romaine, ou, et c'est l'hypothèse vers laquelle penche E.
Frézouls 6 « un nouveau bouleversement » a placé à la tête des Baquates un prince qui avait ou qui
sut gagner la confiance de Rome, Matif lui-même ou l'un de ses ascendants. Ce « nouveau bouleversement »
est absolument hypothétique, mais si réellement il a eu lieu, on comprend qu'il ait pu être connu à Banasa
et provoquer une certaine inquiétude chez des gens qui venaient à peine de se remettre de celles qu'ils
avaient éprouvées pendant plusieurs années.
Si au contraire, il ne s'est rien passé, toute explication à cet enfouissement de 247 fait défaut : il ne
peut s'agir alors que d'un incident local qui n'a pas laissé de traces, qu'il s'agisse de troubles dans une
tribu proche de Banasa ou des exploits, dans la même ville, d'un groupe de cambrioleurs.
1 Callu (J.-P.), Morel (J.-P.), Rebuffat (R.) et Hallier (G.), loc. cit., p. 264.
2 Sur les trésors constitués par des pièces de bronze, cf Turcan (R.), loc. cit., p. 47 : « Dans l'histoire monétaire des
2e et 3e siècles l'enfouissement du bronze est directement proportionnel à l'avilissement de la monnaie d'argent. Les trésors
de sesterces se multiplient dans le courant du 3e siècle jusqu'au règne de Gallien, à mesure que Y antoninianus perd toute valeur
métallique, pour ne disparaître qu'avec l'interruption de la frappe des GB qui met fin à une situation monétaire anormale ».
3 Frézouls (E.), loc. cit., p. 111, 115.
4 Thouvenot (R.), Hespéris, t. 40, 1953, p. 244 ; Frézouls (E.), p. 70, nü 9.
5 Frézouls (E.), p. 92, 113, 115.
6 ID., ibid., p. 113.
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 213
Mais la même question se pose dans tous les cas : une fois le danger — réel ou imaginaire — passé,
voyant que le calme continuait à régner ou renaissait, pourquoi les propriétaires de ces deux trésors, s'ils
ne sont pas morts, ne les ont-ils pas récupérés ? On ne sait.
Pour les deux enfouissements suivants, assez rapprochés dans le temps (trésor de la Boulangerie
après 255 et trésor de la Maison de Fonteius vers 260) peut-on envisager une explication ?
Rien de nouveau du côté des Baquates depuis 247. A l'est par contre, on sait que la période 253-265
représente, pour la Sitifienne d'abord, une période profondément troublée par des soulèvements indigènes
qui avaient vite fait tache d'huile, s'étendant à la Maurétanie Césarienne et d'une façon générale à
l'ensemble des provinces romaines d'Afrique. Il ne s'agit pas de reprendre ici l'étude de ces rébellions l, mais
seulement de rappeler quelques dates : début des soulèvements des Bavares en 253, combats dans la région
d'Auzia en 254 et 255, succès militaires en Numidie à partir de 255 et à Aitava en 257 (la rébellion s'était
donc rapprochée assez dangereusement de la Tingitane), recrudescence des révoltes en 259, arrêt d'une
nouvelle offensive indigène à Milev en 259, capture de Faraxen en mars 260, mission de ramener l'ordre
dans l'ensemble des régions insurgées confiée en 260 à M. Cornelius Octavianus qui réunit sous son
commandement Afrique, Numidie et Césarienne et réussit assez vite à soumettre les révoltés de Sitifienne.
La pacification totale est proche, et le nouveau gouverneur de Césarienne, M. Aurelius Victor, peut
célébrer dès janvier 263 le retour à la paix et à la prospérité.
Les événements qui se sont déroulés de la Sitifienne à Aitava dans la décade 253-263 ont-ils été
ressentis avec assez d'intensité à Banasa pour provoquer l'enfouissement des deux importants trésors dont
nous nous occupons ? Leurs propriétaires ont-ils craint, vers 255-256 et vers 260, qu'ils n'aient une
répercussion sur le comportement des Baquates et que ceux-ci ne descendent de leurs montagnes pour se livrer
à une fructueuse razzia contre les villes de la plaine ? Le bruit en avait-il couru — bien à tort d'ailleurs ?
On a songé — et c'est une hypothèse hasardeuse, mais intéressante de M. Tarradell 2 — à rechercher
les causes de cette inquiétude, et donc de l'enfouissement des deux trésors, il le dit nettement, non à J'est,
mais au nord, dans la fameuse invasion germanique dont parle Aurelius Victor : « Cum Francorum
gentes, direpta Gallia, Hispaniam possiderent... pars in usque Africam permearet... » 3. Après avoir brisé
la barrière du Rhin, Francs et Alamans ravagèrent une partie de la Gaule et passèrent en Espagne sous
le règne de Gallien ; ils ravagèrent Tarragone, et, de là, seraient passés en Afrique (mais quand ? et où ?).
M. Tarradell, qui croit à l'invasion du Nord de la Tingitane par les Francs, s'appuie sur des bases
trop rares et trop fragiles pour emporter la conviction (par exemple, un trésor monétaire de Tabernae,
dans le Nord du Maroc, où la dernière monnaie du IIIe siècle est de Gallien, ou les destructions violentes
observées dans deux maisons de Lixus et qu'il date du règne de Gallien ou très peu après). Il insiste sur la
gravité des événements, au point, dit-il, que de toutes les localités du Nord du Maroc, « pas une seule
ne se sauve d'une destruction plus ou moins grave» 4. Il faudrait le prouver. Qu'il y ait eu des troubles
et des destructions dans quelques localités du Nord de la province, on peut l'admettre, mais doit-on
incriminer les Francs ? Tout cela est beaucoup trop incertain pour qu'on puisse voir un lien direct de cause
à effet entre une invasion germanique en Afrique et l'inquiétude ressentie à Banasa.
1 Voir le tableau d'ensemble de ces événements notamment dans Pavis d'EscuRAC Doizy (H.), M. Cornelius Octavianus
et ¡es révoltes indigènes du troisième siècle. Libyca, t. 1, 1953, p. 185 et 186 et les références bibliographiques données dans les
notes de ces deux pages ; cf aussi Romanelli (P.), loc. cit., p. 474-480.
2 Tarradell (M.), La crisis del siglo III de J.C. en Marruecos. Tamuda, t. 3, Tetuan, 1955, p. 75-105.
:i Aurelius Victor, Liber de Caesaribus, ΧΧΧΠΙ, 3.
4 Tarradell (M.), loc. cit., p. 87.
214 J. MARION
Mais même si ce n'est pas dans le Nord du Maroc que les Francs aient débarqué et qu'ils ne soient
pas directement responsables de l'enfouissement des trésors de Banasa, celui-ci peut être dû indirectement
à leurs incursions, d'une part par la terreur qui a dû les précéder et se répandre même bien loin au-delà
des territoires qu'ils menaçaient, d'autre part — et ceci a été bien mis en valeur par M. Tarradell ] — par
le fait que l'irruption des Francs a pu avoir de profondes répercussions sur la mentalité des Maures,
surtout ceux qui habitaient les régions montagneuses peu ou pas romanisées. Il ne s'agit pas forcément
des Baquates, qui, à ce moment-là ne font pas parler d'eux, mais il y a d'autres tribus Maures que les
Baquates 2, ne serait-ce que dans les Jbala ou « dans ce Rif dont, par temps clair, ils [les Banasitains]
apercevaient à l'horizon les premières collines» 3. Le passage des Francs ou simplement les nouvelles
alarmistes qui ne pouvaient pas ne pas se répandre, même loin de la zone qu'ils avaient envahie, fut une
incitation à attaquer et à piller les cités de la plaine. Les Francs furent malgié tout peu nombreux et M.
Tarradell incline à penser que leur action fut plus efficace comme élément de désordre, pour démontrer
aux indigènes la faiblesse du dispositif militaire romain que comme danger direct. Et c'est bien dans ce
sens que P. Romanelli parle 4 de l'invasion des Francs s'ajoutant à la révolte des indigènes de Maurétanie.
S'ajoutant ? ou la provoquant ou tout au moins l'excitant et la renforçant ?
Et la situation devait rester encore assez peu sûre pendant plusieurs années, au cours desquelles on
peut penser, toujours d'après P. Romanelli 5, que toute la Maurétanie a été périodiquement troublée
par la rébellion des tribus indigènes. Cela explique suffisamment l'enfouissement des trois derniers trésors
de Banasa, datés par les monnaies de consécration de Claude II, aussi bien que les autres trésors africains
assez nombreux, datés de la même façon, relevés, comme nous l'avons vu plus haut, par P. Salama. Ces
trésors ne sont pas d'ailleurs forcément strictement contemporains. La masse des Divo Claudio émis par
les différents ateliers monétaires a été, nous le rappelons, si considérable que pendant 2 ou 3 ans il n'a
presque pas circulé en Afrique d'autre monnaie. C'est ainsi qu'à Banasa 6 on ne retrouve, après les Divo
Claudio et avant l'évacuation de la ville, parmi les monnaies lisibles, que 3 Aurélien et 2 Probus.
Les trésors sont évidemment postérieurs à juillet-août 270, date de la mort de Claude II, mais ils
peuvent parfaitement s'échelonner jusqu'à 272-273 sans que leurs propriétaires aient eu en main un autre
numéraire.
Quand l'usurpateur Saturninus qui, sous Probus, fut acclamé empereur par les troupes en Syrie,
voulut magnifier ses précédents exploits militaires, il déclara « Ego a Mauris possessam Africain red-
:
didi » 7. P. Romanelli estime qu'on doit croire, malgré l'exagération de l'expression, que Saturninus a
combattu en Afrique contre les indigènes et qu'il semble qu'il s'agisse surtout des indigènes de Maurétanie.
D'après un calcul auquel il se livre, l'historien italien envisage de voir dans la déclaration de Saturninus
un terminus post quern pour la guerre en Afrique contre les Maures : 273. Quant au terminus ante quern
pour la campagne africaine, il propose, à titre d'hypothèse, « les années autour de 275 » 8.
le triomphe des Barbares au Maroc, on a peut-être succombé à la tentation de tout expliquer par le connu, en l'occurence par
les traces écrites, dans un monde où l'inconnu demeure sans doute de loin l'essentiel ».
3 Thouvenot (R.), Valentia Banasa, p. 63.
1 Romanelli (P.), loc. cit., p. 481.
5 ID., ibid., p. 488-490.
0 Marion (J.), toc. cit., p. 105.
7 Histoire Auguste, Vita Saturnini, 9, 5.
H Romanelli (P.), loc. cit., p. 490-491.
LES TRÉSORS MONÉTAIRES DE VOLUBILIS ET DE BANASA 215
Ainsi donc, pendant les années 270 à 272-3, l'Afrique aurait été entre les mains des Maures,
véritablement possédée par eux ! Même en faisant une très large part à l'exagération de la propagande de Satur-
ninus, il est inutile d'aller chercher ailleurs l'explication de la panique qui a saisi tant de gens à Banasa
comme en tant d'autres lieux.
Entre les dates extrêmes des trésors de Banasa (vers 247, vers 270 ou 272-3), il est très difficile et même
impossible de cerner à une année près, vu l'état de nos connaissances sur la Tingitane, des événements
qui sont en définitive toujours les mêmes : les révoltes maures dont la chronologie est souvent imprécise,
mais dont les conséquences psychologiques ont pu provoquer des remous brusques et soudains à leur
origine, mais très lents à s'apaiser au sein d'une population qui avait vécu pendant tant d'années dans une
sourde et démoralisante inquiétude.