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POÈMES POLITIQUES
(395-398)

LES BELLES LETTRES

PARIS
POÈMES POLITIQUES
(395-398)

LES BELLES LETTRES

PARIS
COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE
publiée sous le patronage de l'ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ

ClAUDIEN
ŒUVRES
TOME II, 1
POÈMES POLITIQUES (395-398)

TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT


PAR

Jean-Louis CHARLET
Professeur à l'Université de Provence

PARIS
LES BELLES LETTRES
2000
AVANT-PROPOS

Comme il avait été annoncé dans l'avant-propos


Conformément aux statuts de l'Association Guillaume du tome I, ce second volume présente les grands
Budé, ce volume a été soumis à l'approbation de la poèmes politiques écrits par Claudien de 395 à
commission technique, qui a chargé Jean-Michel Poin- 398. La tradition manuscrite nous a transmis ces
sotte d'en faire la révision et d'en surveiller la correc- œuvres dans des ordres différents dont aucun ne
tion, en collaboration avecJ-L. Chadet. remonte au poète lui-même. Aussi l'ordre chrono-
logique a-t-il semblé le plus approprié pour des
ouvrages liés à l'actualité: comme les auditeurs de
Claudien au IV' siècle, le lecteur moderne pourra
suivre ainsi l'évolution d'une pensée politique en
fonction des développements de l'histoire.
L'introduction comprend quatre points :
contexte historique et signification politique de ces
poèmes; genre littéraire (rapports du panégyrique
hexamétrique avec l'épopée) ; tradition manus-
crite ; bibliographie. La bibliographie ici présentée
comprend d'abord un complément à la bibliogra-
phie générale du t. I (p. LXX à LXXXIII) ; la mise à
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation jour de la liste des éditions (j'en ai déjà trouvé plu-
réservéspour tous les pays. sieurs et ne doute pas d'en découvrir de nouvelles)
et de la bibliographie spécifique au De raptu Proser-
© 2000. Sociétéd'édition Les Belles Lettres, pinae sera faite au t. IV, pour lequel je réserve la
95, bd Raspail 75006 Paris.
bibliographie concernant la survie de Claudien et,
bien sûr, les carmina minora. Ensuîte, la bibliogra-
ISBN, 2-251-01416-0 phie spécifique aux poèmes contenus dans le
ISSN, 0184-7155 volume, dans l'ordre chronologique comme pour
VIII AVANT-PROPOS

l'édition, avec d'abord les éditions isolées et les


commentaires, dans l'ordre de publication, puis les
études spécifiques, par ordre alphabétique des
auteurs. Je rappelle que le style de Claudien et la
survie de son œuvre seront présentés dan~ le qua-
trième et dernier volun1e.
Les principes de traduction ont été exposés dans
l'avant-propos du premier tome. Pour les vers INTRODUCTION
lyriques des Fescennins (poèmes 11 à 14), j'ai res-
pecté autant que possible le nombre de syllabes du
mètre latin : hendécasyllabe pour la première
pièce (11) ; octosyllabe pour les anacréontiques et Contexte historique et signification des poèmes
vers de quatorze syllabes (coupé 6-8 ou 8-6) pour politiques de Claudien (395-398)
les tétramètres choriambiques de la pièce 2 (12) ;
pour la troisième (13), écrite en dimètres anapes- Dans les premiers jours de janvier 395, Claudien
tiques avec substitution possible du spondée à récite à Rome le Panégyrique d'Olybrius et Probinus.
l'anapeste, j'ai adopté le décasyllabe, sauf pour le La commande par la famille des Anicii à un jeune
dernier vers, dimètre anapestique pur qui ne pou- poète venu d'Alexandrie (peut-être déjà rendu
vait être rendu que par un alexandrin. C'est aussi célèbre par le premier chant du De raptu Proserpi-
l'alexandrin que j'ai retenu pour traduire les nae) 1 d'un panégyrique en hexamètres, alors que
douze syllabes de l'asclépiade mineur dans la pièce jusque-là les panégyriques étaient écrits en prose,
4 (14). pour célébrer le consulat de deux jeunes gens qui
Le conspectus siglorum du t. I (p. LXXXIX-XC) n'avaient pour tout mérite que leur famille, répond
est toujours valable. peut-être au caractère insolite d'une nomination
Je remercie vivement Jean-Michel Poinsotte qui a adaptée à une situation politique très particulière'.
relu mon travail avec beaucoup d'attention et de Le choix des deux jeunes Anicii pour l'année
patience. J'espère avoir su tirer profit de ses 395, juste après la bataille du Frigidus qui avait vu
conseils et suggestions. la victoire de l'empereur chrétien Théodose sur
l'usurpateur Eugène et ses partisans païens (5 et
Jean-Louis Charlet
Aix-en-Provence, septembre 1997 1. Si l'on admet la chronologie proposée au t. I, p. XXXII.
2. Sur le contexte historique et politique, voir Koch 1889,
Moore 1910, Cameron 1970, Gnilka 1976, P.L. Schmidt 1976,
Dôpp 1980, Moroni 1982, Duval 1984 et des ouvrages généraux
comme E. Stein, Histoire du Bas-Empire. Édition française par
JR Palanque, tome I, De l'état romain à l'état byzantin, Bruges
1959; Demougeot 1951 et Lafonnation de l'Europe et les Invasions
barbares, Paris 1979; A. Demandt, Die Spdtantike. ROmische Ges-
chichte von Diocletian bisjustinian, München 1989.
X INTRODUCTION INTRODUCTION XI

6 septembre 394), n'est certainement pas dû an tinople. Le jeune âge des deux princes (et peut-
hasard. En choisissant au sortir d'une guerre civile être leur incapacité à gouverner) explique qu'ils se
« fratricide » deux êtres neufs, deux frères d'une trouvent sous la « tutelle » de Stilicon, demi-bar-
même famille sénatoria_lechrétienne, Théodose vou- bare, magister utriusque militiae de Théodose et mari
lait signifier à l'aristocratie romaine dont bien ?es de sa nièce et fille adoptive Sérène, pour
membres avaient choisi, avec Nicomaque FlaVIen Honorius; de Rufin, d'origine gauloise, consul en
(désigné consul sine collega pour 394), le parti de 392 et préfet du prétoire en orient, pour Arcadius.
l'usurpateur Eugène, et qui pouvait douter des Mais les troupes orientales, emmenées par Théo-
intentions du vainqueur <<oriental», qu'il y avait dose pour combattre Eugène, se trouvent encore,
encore une place pour elle dans l'Empire, mais à pour la plus grande partie, en Italie. Des Huns pro-
la condition, comme les Anicii ainsi honorés de fitent de l'occasion pour envahir d'une part la
manière insigne, d'être chrétienne. La place don- Thrace, d'autre part, l'Asie Mineure orientale, par
née dans le poème à Rome et à son entretien avec les défilés du Caucase et de l'Arménie. L'invasion
Théodose, ainsi que l'insistance récurrente sur le des Huns en Thrace chasse Alaric, général goth au
lien fraternel qui unit les deux jeunes consuls en service de Théodose, dont les troupes avaient payé
masquant leurs éventuelles différences' et auquel un lourd tribut lors de la bataille du Frigidus, de ses
répond, pour les célébrer, l'union du Sénat après la cantonnements dans cette province. À la tête de ses
guerre civîle (v. 231 « unanimes fratres zuncto su- troupes, Alaric prend alors la direction de Constan-
pante senatu »), sont à cet égard hautement signifi- tinople (février ou mars) en ravageant les territoires
catives. Bon nombre d'aristocrates comprendront qu'il traverse (Ruf 2,36-60) et il vient jusque sous les
le message et se convertiront au christianisme 4 • murs de Constantinople pour se faire donner, sinon
Théodose meurt à Milan le 17 janvier 395. L'Em- des regna, du moins de nouveaux cantonnements. Y
pire est partagé entre ses deux fils : Honorius, né eut-il un véritable siège comme l'écrit Claudien
le 9 septembre 384 et Auguste depuis le 23 janvier (Ruf 2,54 sqq.) ? En tout cas, Rufina dû traiter avec
393, obtient l'occident avec pour capitale Milan; Alaric. Nul ne sait ce qu'il lui a promis en secret,
son frère Arcadius, né en 377 et Auguste depuis le mais il a certainement dû monnayer son départ.
19 janvier 383, l'orient avec pour capitale Constan- En dehors du problème barbare, Rufin avait
deux autres préoccupations politiques. Il voulait
3. v. 6; 64; 72; 142; 231; 233; 266-7; 277; comparaison récupérer au profit de la partie orientale les dio-
implicite avec Romulus et Rémus, v. 96-99, explicite avec Artémis cèses de Dacie et de Macédoine (Illyricum orien-
et Apollon, v. 183-91, puis Castor et Pollux, v. 236-46. Sur le
réseau étroit de correspondances thématiques et lexicales qui
tal) que Théodose, sans doute peu de temps avant
unit ces quatre paires fraternelles, voir éd. Taegert, p. 47-48. sa mort, avait, comme Valentinien en 364, ratta-
4. Cameron 1970, p. 32 et 189-90; Dôpp 1980, p. 48; Duval chés à la partie occidentale de l'Empire'. Or Arca-
1984; Gualandri 1989/91. Sur la conversion de Rome après la
bataille du Frigidus, Prudence, c. Symm. 1,506 sqq.; ses v. 551-3
mentionnent les Anicii comme l'une des premières familles chré- 5. Sur cette question controversée, voir notamment A. Alfüldi,
tiennes : Amniadum suboles et pignera clara Proborum. / Fertur enim Der Untergang der .Romerherrschaft in Pannonien, Berlin-Leipzig, t. 1,
ante alios generosus Anicius urbis / inlustrasse caput. 1924, p. 76 et 91 ; V. Grummel, « L'Illyricum de la mort de Valen-
INTRODUCTION XIII
XII INTRODUCTION

dius, nommé Auguste dix ans avant son cadet sait des troupes pour la majeure partie orientales
Honorius, pouvait, en tant qu' A ugustus senior, (Ruf 2,101-6). Sa marche fut retardée par une
revendiquer une part de l'Empire supérieure à la révolte de fédérés pannoniens, si bien qu'il n'éta-
seule préfecture du prétoire d'orient, qui ne repré:- blit le contact avec les troupes d' Alaric, dans le
sentait guère qu'un tiers de l'Empire. Devant le nord de la Thessalie, que vers le mois de sep-
refus de Stilicon, Kufin fit d'une pierre deùx coups tembre. Si l'on en croit Claudien (Ruf 2,124-219),
en obtenant d'Alaric qu'il se retire en Macédoine, il bloqua l'armée d'Alaric; mais, au moment où il
c'est-à-dire dans l'un des diocèses que Stilicon ne allait l'écraser, il reçut un ordre d'Arcadius inspiré
voulait pas donner (Ruf 2,70-85; Zos. 5,5; lord. par Rufin qui lui enjoignait d'évacuer l'Illyricum
summ. temp. 319). oriental et de renvoyer à Constantinople les
L'autre problème était plus personnel ; pour troupes orientales. Rufin craignait probablement
asseoir sa position politique et confirmer son que l'intention véritable de Stilicon fût de contrô-
influence sur Arcadius, Rufin voulait lui faire épou- ler tout l'Illyricum, voire de marcher sur Constan-
ser sa fille. Nous savons par Zosime (5,3) que ce tinople pour imposer sa politique à la partie orien-
projet fut contrecarré par le praepositus sacri cubi- tale (Ruf 2, 130-40). Stilicon obéit et Alaric
culi, le vieil eunuque Eutrope, dont les intrigues s'échappa avec son armée (Ruf 2,197-256). Peut-
aboutirent le 27 avril au mariage d'Arcadius avec être, en réalité, s'est-il échappé parce que Stilicon,
Aelia Eudoxia, fille du franc Bauton, personnage son ancien collègue, l'avait bien voulu. À quelles
qui avait été influent à la cour de Valentinien II et motivations Stilicon a-t-il obéi ? Le sens de la fidé-
Justine. Il est significatif qu'Eutrope ait choisi pour lité et de l'obéissance (cf. Gild. 289-90; Stil. 2,78-
Arcadius une jeune fille élevée dans la maison du 99) ? La crainte pour ses enfants qui se trouvaient
général Promotus, ami de Stilicon et ennemi de encore à Constantinople (Ruf 2,54 et 95) ? Le
Rufin, tué en Thrace par des barbares (Ruf 1,317), désir de bonne entente avec l'orient (Eutr. 2,539-
dans une embuscade que Zosime dit avoir été sus- 52), en gardant au moins l'Illyricum occidental et
citée par Rufin (4,51,3). L'échec de Rufin sur un en jouant la carte d'Eutrope contre Rufin? En
point aussi important prouve qu'il se heurtait à tout cas, son retrait signifiait la reconnaissance de
une forte opposition à Constantinople, donnée la souveraineté orientale sur les deux diocèses
politique que masque Claudien. contestés. Mais l'occident gardait les deux Panno-
Au printemps de 395, Stilicon s'était mis en nies.
marche pour mettre Alaric à la raison ; il condui- L'armée orientale s'en retourna à Constanti-
nople sous les ordres du maître des milices Gaïnas,
un Goth ami de Stilicon. Le 27 novembre (Socrate,
tinien 1er (375) à la mort de Stilicon (408) », llli"Byz 9, 1951, 5-46
(en particulier p. 32-34) ; Cameron 1970, p. 59-62; Dëpp 1980, hist. eccl. 6, 1,3-4), la Cour vint à sa rencontre à
p. 71-72; E. Demougeot, "Le partage des provinces de l'Illyricum l'entrée de Constantinople, à l'Hebdomon. Rufin y
entre la pars occidentis et la pars orientis de la tétrarchie au fut lynché par les soldats (Ruf 2,277-92 et 348-
règne de Théodoric», Colloque de Strasbourg 6 (1979), La géogra- 417; Zos. 5,7,4-6). Ce lynchage fut-il spontané ou
phie administrative et politique d'Alexandre à Mahomet, Leyde
1981, 229-53 (en particulier p. 230).
bien commandité par quelqu'un ? On pense à Sti-
XIV INTRODUCTION INTRODUCTION XV

licon 6 ou .à Eutrope, qui travaillait à prendre la mode. Ce succès ne s'est pas démenti durant toute
place de Rufin. Peut-être même les deux compères l'antiquité tardive'.
se sont-ils entendus: d'après Zosime (5,3 et 8,1), ils Stilicon comprit le parti politique qu'il pouvait
ont travaillé ensemble à l'élimination de Rufin. On tirer du génie poétique de ce jeune poète alexan-
ne peut apporter aucune preuve de ce coffiplot, drin et, dans le courant de 395, à une date qu'on
mais il est hautement probable : pour réussir, il fal- ne peut préciser, mais au plus tard à l'automne,
lait des complicités à la fois dans l'armée (Stilicon s'en attacha les services, puisque, dans les premiers
les avait) et au sein de la cour d'Arcadius: c'est là jours de janvier 396, Claudien récita à Milan le
que l'action d'Eutrope a dû être déterminante. De Panégyrique pour le troisième consulat d'Honorius. À
fait, c'est lui qui s'empara du pouvoir à la place de moins que Claudien, comme il le dit lui-même au
Rufin (Ruf 2,277-92; Hier. epist. 6,16,1). v. 16 de sa préface, n'ait été envoyé par Rome, c'est-à-
En Italie, Claudien s'était fait remarquer par la dire par l'aristocratie sénatoriale romaine. Tou-
récitation de son premier panégyrique, dont le suc- jours est-il que, dès ce premier panégyrique de
cès est attesté et par les Chroniques et par son imita- l'empereur, nous le voyons se faire le chantre de la
tion immédiate. D'une part Prosper ( chron. 1, politique de Stilicon.
p. 463, 1205 MGH), repris par Cassiodore (chron. 2,
Dôpp (1980, p. 59 et n. 62) a établi de façon irréfutable que c'est
p. 154, 1161 MGH), souligne que cette année 395 bien Licentius qui imite Claudien. Même la chronologie propo-
marque l'émergence du génie poétique de C!au- sée par J. Desmulliez (RecAug 20, 1985, p. 35-64) le permet: le
dien : hoc tempore Claudianus poeta insignis innotuit premier ou les tout premiers jours de janvier, Claudien récite à
(poeta insignis habetur Cassiodore). D'autre part, le Rome son panégyrique. Licentius, qui n'a pas suivi son ami
Augustin en Afrique, compose à Rome (cf. v. 71-74), immédiate-
Panégyrique d'Olybrius fut rapidement imité par un ment après cette récitation, un poème où il s'inspire servilement
jeune ami de saint Augustin qui se piquait de poé- de Claudien (voir les notes aux v. 55-57 (=? Lie. 132-4), 131-5 (=
sie: Licentius, fils du riche Romanianus 7. C'est l'in- Lie. 56-60); 160-3 (~ Lie. 152-3); 169-173 (~ Lie. 98-102). Il se
dice du succès immédiat d'un panégyrique qui a serait empressé d'adresser son œmrre à Augustin dès que la
dû être pendant quelque temps le poème à la reprise des relations maritimes régulières entre l'Italie et
l'Afrique le lui a permis, c'est-à-dire à partir du 10 mars 395.
Augustin a donc pu recevoir ce poème à partir de la fin mars et
6. Mis en cause par Zos. 5,7,4-6. Faut-il prendre pour un aveu il l'a joint à sa lettre 27, confiée à son messager Romanianus, par
de la responsabilité de Stilicon la parole que Claudien met dans laquelle il recommandait Licentius à son ami Paulin de Nole (été
la bouche de celui qui porte le premier coup à Rufin ( R:uf 2, 402- 395). Mais les objections de D. E. Trout (REAug 37, 1991, 237-60;
3) : « Stilicon te frappe par mon bras » (cf. Gild. 304-5) ? voir aussi CPh 86, 1991, p. 43-47) m'ont convaincu: la lettre 27
7. En revanche, il est difficile de dire si Claudien a inspiré la d'Augustin a été apportée à Paulin durant l'été 396 et donc la
Vita Probi de l' Histoire Auguste ou si au contraire il s'en est chronologie est moins serrée : Licentius a composé son poème
inspiré: Dôpp (1980, p. 59 et n. 63) réfute à juste titre Chasta- en 395 ou au début de 396.
gnol 1970. Sur Claudien et !'Histoire Auguste, voir Den Hengst 8. Taegert (éd., p. 252-4) a commodément rassemblé dans un
1991. La question des rapports entre Licentius et Claudien a sus- appendice les imitations de ce poème de l'antiquité tardive
cité des prises de position contradictoires (Birt, éd. p. LXXVIH ; (Lîcentius, Rutilius Namatianus, Sidoine Apollinaire, Dracontius
A. K. Clarke, « Licentius, Cannen ad Augustinum 11.45 seqq., and et Venance Fortunat) jusqu'à la Renaissance et l'époque
the Easter Vigil», StudPatr 8, Berlin 1966, p. 171-5 et Clarke moderne. Ces références, complétées par d'autres, seront signa-
1968; Cameron 1970, ?· 219). Mais l'excellente mise au point de lées à leur place dans mes notes.
XVI INTRODUCTION INTRODUCTION XVII

Claudien n'a sûrement pas attendu les derniers entre Stilicon et Théodose, qui aurait été conscient
jours de décembre pour composer un panégyrique de sa fin prochaine (v. 142-62). D'après Claudien,
(même court) qui devait être récité le premier ou l'entretien fut un tête-à-tête: on ne peut donc
les tout premiers jours de janvier. Sa rédaction a confirmer son témoignage. Claudien lui-même a dû
commencé à l'automne; avant la chute de Rufin, croire (ou faire semblant de croire) sur parole Stili-
dans une période de grande tension entre les deux con : Ambroise déclare que Théodose n'a pas fait
cours. Dans ce contexte, l'insistance sur le thèn1e de testament (De obitu Theodosii 5 : qui non communi
du porphyrogénète (v. 13-15) prend une résonance iure testatus sit). Cet entretien, si lourd de consé-
particulière : Honorius partage le consulat avec quences pour les relations entre les deux parties de
Arcadius ; si Arcadius a par rapport à Honorius la l'Empire romain qui - les contemporains ne pou-
précellence de l'âge et de l'accession à l'Empire (il vaient en avoir pleinement conscience - s'achemi-
est consul prior), Honorius peut s'enorgueillir d'être naient vers une séparation définitive en deux
né fils d'empereur, alors qu'Arcadius est né fils de empires distincts, a suscité bien des controverses 9 •
simple citoyen, puisque Théodose n'était pas encore Les termes précis de Claudien doivent être notés,
empereur à sa naissance (cf. 4 cons. 121-7). De car ses déclarations ultérieures sur ce point capital
même, Claudien présente de façon tendancieuse (et évolueront avec le temps, au gré des circonstances
païenne : voir ad loc.) la victoire du Frigidus : elle politiques. Stilicon, présenté comme gendre de
serait due au (très jeune) consul de 394, Honorius Théodose, se voit confier, et lui seul (solus, v. 152), la
(v. 87-98) ; Claudien passe sous silence que l'autre charge de protéger, après l'apothéose de Théodose,
consul de 394 était ... Arcadius !, et donc que la vic- ses deux fils (v. 152-3) et d'être leur gardien (custos,
toire pouvait être placée sous les auspices des deux v. 159) 10_Dès janvier 395 Stilicon a donc eu des pré-
fils de Théodose. Il avait insisté l'année précédente tentions sur les deux parties de l'Empire, mais le
sur Je fait que Je consulat avait été conféré à deux contenu juridique de cette protection n'est pas
frères. En janvier 396, il ne dit même pas qu'Arca- encore clairement défini en janvier 396.
dius, comme en 394, est l'autrè consul ! Cette pré- Sous le voile de la mythologie, Claudien évoque
sentation tendancieuse (voire polémique ?) des faits les menaces que certains pourraient faire peser sur
est quelque peu voilée par l'insistance finale sur le
thème de la concorde entre Honorius et Arcadius 9. Duval 1984, p. 147-8 et bibliographie n. 35. Ajouter Dôpp
(v. 189 sqq.). Mais il s'agit d'une concorde 1980, p. 62-68.
«armée», fraîchement (et temporairement!) 10. En 4,59,1 Zosime, qui dépend alors d'Eunape, qualifie Sti-
retrouvée. On est tenté de voir dans cet épilogue un licon d' epitropos du jeune Honorius; mais en 5,34,6, où il dépend
d'Olympiodore, il parle comme Claudien des deux fils de Théo-
infléchissement donné par Claudien après J'an- dose. Ambroise (De obitu Theodosii 5) dît que les deux fils de
nonce à Milan de la chute de Rufin. Stilicon pense Théodose ont été confiés (il emploie le verbe commendare) à Stili-
alors pouvoir faire entrer dans ses vues Eutrope, son con leur parens, ce qui correspond comme ici à une charge plus
probable complice dans l'assassinat de Rufin. Les morale que juridique. La concordance des témoignages d'Am-
broise et de Claudien, tous deux dans l'ambiance milanaise,
vues de Stilicon, Claudien nous les fait connaître laisse penser qu'ils reflètent la version officielle mise alors en cir-
dans sa relation d'un entretien (réel ou fictif?) culation à la cour par Stilicon. Voir Gualandri 1989/91.
INTRODUCTION INTRODUCTION XIX

l'Empire, mais il « prédit» leur chute face à Stili- parties de l'Empire?) qu'il embarque pour le Pélo-
con (v. 159-62). Comment ne pas voir dans ces vers ponnèse avec des troupes relativement peu nom-
une « prophétie » 11 post euentum de la chute de breuses, en se gardant bien de traverser l'Illyricum
Rufin? Il n'eût sans doute pas été séant de parler oriental qu'il venait de céder à Arcadius.
explicitement de sa mort a1_1morr._ient<:~__. les deu_x Le scénario de 395 se reproduit. Stilicon
parties de l'Empire semblaient reconnhees ; mais débarque à Corinthe ( 4 cons. 464-5), chasse les
une mise en garde discrète à l'usage de ceux qui Goths d'Arcadie, les repousse en leur infligeant,
pouvaient être tentés, co~n:e Rufin, -~e s'op~?s~r d'après Claudien (4 cons. 474-9; Stil. 1,173 sqq.),
au dessein politique unitaire de Stilicon n eta~t de lourdes pertes et les bloque dans lss monts Pho-
peut-être pas inutile. Une telle mise en garde expli- loé, à la limite entre l'Arcadie et !'Elide ( 4 cons.
querait que Claudien n'ait pas modifié la présenta- 479-483; Zos. 5,7). La suite des événements est
tion tendancieuse dont nous avons parlé. incertaine et la présentation qu'en donne Claudien
Mais contrairement à l'attente de Stilicon, varie selon ses œuvres. Le Panégyrique du quatrième
Eutrop; joue sa carte personnelle. Rapidement, il consulat (cf. pr. Ruf 2; Stil. 1,181-7) suggère une
écarte Timasius et Abundantius, deux généraux victoire totale. En fait, Alaric a pu s'échappsr avec
loyaux de Théodose, et mène sa propre politique. des troupes non négligeables et va ravager !'Epire.
Les invasions des Huns en Thrace, Asie Mineure et Comment a-t-il rompu le blocus de Stilicon ?
Syrie reprennent en 396 et 397 (Hier. epist. 60): Claudien n'en parle pas dans la préface du second
Occupé par elles, Eutrope laisse le champ hhre a livre Contre Rufïn. A. Cameron (1970, 172 sqq.) suit
Alaric qui avait été frustré par le non-respect de la version de Zosime (5, 7 ; cf. aussi Philostorgios
l'accord conclu avec Rufin. Il franchit les Thermo- 12,2) : le blocus n'a pas été efficace à cause de l'in-
pyles à la fin décembre 395 ou au_ début janvier discipline des troupes de Stilicon (soudoyées par
396 et se met à piller la Grèce : Athenes, Cormthe, l'or d'Alaric ?) ; mais Zosime est très défavorable à
puis le Péloponnèse (Ruf 2,186--91 ; Cet. 183-93 ; Stilicon. Généralement 13, on pense que Stilicon n'a
Zos. 5,5,5-7). Ce pillage durera impunément pen- pas cherché à exterminer les Goths : Alaric avait
dant plus d'un an (Hier. epist. 60,16,4). Stilicon est été général de Théodose et Stilicon ne désespérait
occupé à défendre les frontières du Rhin . et _du sans doute pas de le voir se remettre au service
Danube ( 4 cons. 440-59 ; Stil. 1,189-233) et a reta- des Romains qui avaient besoin de ses troupes ;
blir l'ordre en Pannonie, où il s'entend avec les il l'aurait donc laissé partir, peut-être même en
Marcomans (Stil. 2,191-217). Ce n'est qu'au prin- concluant avec lui un traité secret, auquel Claudien
temps 397 12 que, sans en avoir été prié par Arcadius, ne fera allusion que plus tard ( Cet. 496--7). Orose
mais, selon Claudien ( 4 cons. 460), à la demande (7,36--37) considère Stilicon comme un traître pour
d'Honorius (au nom de la solidarité entre les deux avoir pactisé avec son ancien collègue. Faut-il
accorder crédit aux insinuations tardives de Clau-
dien (Eutr. 2,214-21 ; Stil. 2, 79-81 ; Cet. 514-8) selon
Il.Je reprends ici une expression de Duval 1984, p. 149. Potz
1990 (Gestalt) pense que les v. 185-8 renvoient à la mort de Ru:fin.
12. Le 4 avril 397, il est encore à Milan: uit. Ambr. 45. 13. C'est par exemple l'avis de Dôpp 1980, p. 106-9.
XX INTRODUCTION INTRODUCTION XXI

lesquelles la fuite d'Alaric serait due à une trahison gui donne un fondement juridique à ses exac-
de la cour de Constantinople qui, sous couvert des tions. C'est la rupture entre les deux parties de
lois, aurait protégé Alaric ? La campagne de Stili- l'Empire. Eutrope va soutenir, sinon susciter, la
con en Grèce, sans l'accord d' Arcadius, avait ravivé révolte du comte d'Afrique Gildon. On entre
les querelles entre les deux parties de l'Empire. Il dans une grande crise qui ne se dénouera qu'en
est peu probable que Claudien fasse allusion aux avril 398.
tractations entre Eutrope et Alaric qui aboutiront À quel moment placer la composition des deux
plus tard à la nomination de ce dernier comme livres In Rufinum? Assurément entre la mort de
magister militum en Illyrie 14 ou à la trahison de Gil- Rufin et, au moins pour la préface du second livre,
don, postérieure au retour de Stilicon en Italie. après la campagne de 397 en Grèce. Avant Came-
Faut-il alors penser avec Stein (p. 231) qu'Eutrope, ron, on pensait généralement que les deux livres
craignant comme jadis Rufin que Stilicon ne pro- avaient été composés ensemble et récités au milieu
fite de sa campagne en Grèce pour étendre son de 397. Une telle date surprend. Pourquoi avoir
pouvoir en orient, l'a fait alors proclamer ennemi attendu 18 mois avant de célébrer la mort de
public (avec confiscation de ses biens en orient), Rufin ? Koch explique que, Stilicon ayant été
ce qui l'aurait contraint à s'en retourner avant occupé par ses campagnes, le poème n'avait pas pu
d'avoir exterminé Alaric ? Mais Stilicon ne semble être récité avant. Mais la préface du livre 1 montre
avoir été déclaré hostis publicus qu'après sa retraite, que Stilicon n'était pas là quand elle a été lue et,
et peut-être même à cause d'elle, puisque cette pendant ces 18 mois, Stilicon est passé à Milan au
retraite qui laissait le champ libre à Alaric a pu être moins deux fois 17 . Pour Fargues 18 , les deux livres
interprétée en orient comme une trahison succé- auraient été récités au début de 396 avec la pre-
dant à une agression 15 . Eutrope a-t-il obtenu d'Ar- mière préface, en l'absence de Stilicon ; puis une
cadius, comme Rufin en 395, un ordre arrêtant Sti- nouvelle fois au milieu de 397, en sa présence, avec
licon qui n'avait juridiquement aucun droit à la seconde préface. Mais, objecte Cameron (1970,
intervenir en Grèce ? En ce cas l'orient était mal p. 77), pourquoi la seconde préface a-t-elle été
fondé à lui reprocher de n'avoir pas écrasé Alaric. affectée au seul livre 2 ? Claudien aurait pu rempla-
Toujours est-il que durant l'été (Cameron 1970, cer la première préface par la seconde ou ajouter à
p. 93) ou à la fin de l'été ou au début de l'au- la première les éléments nouveaux de la seconde,
tomne (Dôpp 1980), Eutrope fait déclarer Stili- en particulier une apostrophe à Stilicon. Aussi
con hostis publicus par le sénat de _Constantinople 16 Cameron propose-t-il de dater le livre 1 et sa pré-
et traite avec Alaric retiré en Epire. Alaric re- face du début de l'année 396, le livre 2 et sa pré-
çoit le titre de magister militum per Illyricum, ce face de l'été ou l'automne 397 (cf. Kurfess 1941).
Mais le livre 1, qui annonce la chute de Rufin,
14. Eut1: 2,214 sqq. laisse entendre qu'Alaric a ravagé l'Épire semble appeller un livre 2. C'est pourquoi Dôpp
avant de recevoir ce commandement; voir aussi Cet. 535-43.
15. Mazzarino 1942, p. 262 n.3; Demougeot 1951, p. 172.
16. Zos. 5,11,1~2, qui présente explicitement la chose comme 17. Demougeot 1951, p. 162-3.
antérieure à la trahison de Gildon. 18. 1933, p. 15-16.
XXII INTRODUCTION INTRODUCTION XXIII

revient à la position traditionnelle 19 en supposant frères » (v. 17) implique une bonne entente entre
que les deux livres ont été écrits ensemble et réci- les deux parties de l'Empire, donc la période qui a
tés en 397 à Milan avec la première préface avant immédiatement suivi la mort de Rufin : le livre 1 a
le retour de Grèce de Stilicon ; la seconde préface été récité assez vite après 3 cons. dont il reflète la
aurait été écrite pour une nouvelle lecture en pré- tonalité. JY!aistrès rapidement le contexte politique
sence de Stilicon revenu. La place de cette seconde change. A partir du moment où le saccage de la
préface devant le De hello Gildonico dans un grand Grèce par Alaric est connu en occident, il devient
nombre de manuscrits serait un indice en faveur délicat d'évoquer les conditions dans lesquelles Sti-
de cette thèse ... à moins qu'elle ne reflète un amé- licon a laissé s'échapper celui qui met alors la
nagement postérieur, à un moment où l'on n'a Grèce à feu et à sang. Stilicon a eu intérêt à
plus senti le lien politique entre cette préface, qui demander à Claudien d'attendre qu'il ait rétabli la
parle de la campagne de 397, et le livre 2 qui ne situation en Grèce pour compléter son premier
rapporte que les événements de 395. Mais nous ver- livre. Peut-être Stilîcon pensait-il pouvoir intervenir
rons que les classes de manuscrits qui semblent dès 396. Le contexte militaire occidental en a
remonter aux textes diffusés du vivant de Claudien décidé autrement et il n'a pu mener son expédi-
la mettent à la bonne place 20 . En fait, le livre 1 tion qu'au printemps 397 22 . Au retour de Stilicon
forme une unité et a très bien pu être lu seul 21 , ce en Italie (mai ou juin compte-tenu de la brièveté
qui ne veut pas dire que Claudien ne pensait pas à de la campagne), il devient en revanche urgent de
raconter les événements de 395, mais la composition revenir sur les événements de 395 : Stilicon tombe
du livre 2 a été différée pour des raisons politiques. sous le soupçon d'avoir pactisé avec Alaric en 397
La préface du premier livre donne bien l'impres- comme en 395. Le disculper pour les événements
sion d'avoir été écrite peu de temps après la mort de 395 en chargeant Rufin de l'accusation de collu-
de Rufin (janvier 396 ?) et l'allusion aux « Augustes sion avec les barbares (ce qui justifiait son assassi-
nat), c'était écarter le même soupçon à propos
19. 1980, p. 94. Pour une conception unitaire, voir aussi des événements de 397... et il était plus facile et
P. L. Schmidt 1976 (avec des nuances) et Potz 1990 (Ruf) qui, efficace de modifier la présentation des événe-
réagissant contre Funke 1984 (Ruf I sauf les 24 premiers vers et ments de 395 dix-huit mois après, en donnant le
la préface aurait été écrit en 395 avant la mort de Ru:fin ; Ruf 2,
entre le début 396 et le début 397), insiste sur la cohérence des
beau rôle à Stilicon, seul vainqueur du monstre
deux livres et revient à la position de Fargues. Rufin (complètement « dépersonnalisé » : Gualandri
20. Pour le problème codicologique, voir le troisième point de 1989/91) et protecteur contre les barbares, que de
cette introduction. braquer l'attention sur les événements qui
21. Voir analyse ad loc. Nesselrath 1991, pour qui la structure
venaient de se produire et dont la présentation pou-
de Ruf 1 est une structure fermée séparée du second livre, pense
que le premier a été composé en 395-396 et que le second a été ':_aitêtre immédiatement contestée par des témoins.
présenté avec sa préface au retour de Stilicon à l'été 397. Je ne A défaut de pouvoir célébrer de façon précise une
pense pas que Claudien ait eu le temps de travailler à l'Jn Rufi-
num entre le moment où la mort de Rufin fut connue à Milan et
la récitation de 3 cons. Mais il a commencé à l'écrire aussitôt 22. Au t. I, p. x:xxn, j'ai supposé que Claudien avait repris la
après cette récitation. rédaction du De raptu Proserpinaeau début de 396.
INTRODUCTION XXV
XXIV INTRODUCTION

pour affaiblir la position de Stilicon et obtenir son


victoire au __ demeurant douteuse, il était indispen- renvoi (Stil. 1,335 sqq.) ; Gildon n'aurait pu résister
sable de repondre aux accusations de la partie aux sollicitations de la cour de Constantinople l'in-
onentale, et une réponse indirecte était en l'occur- vitant à prêter allégeance à Arcadius au lieu d'Ho-
rence pl~s efficace. C'est du moins ainsi que Stili- norius. E. A. Olechowska défend la première ver-
con a du ra1son'1er. Le livre 2, avec sa -préface, sion de Claudien ( Gild. 258 sqq.) : ce serait Gildon,
forme une unité (voir analyse ad lac.) et constitue profitant de la position de faiblesse de Stilicon. En
une apologie de la politique de Stilicon en Grèce : fait, les intérêts d'Eutrope et de Gildon se rencon-
la préface célèbre de façon elliptique la victoire de traient: Gildon profitait du conflit entre les deux
Stilicon, _libérate,.ur de la Grèce ; les six premiers cours pour conserver son blé et obtenir une plus
vers. du '.ivre 2 reaffirment le bien-fondé de sa pré- grande indépendance : Constantinople, plus éloi-
ten,t10?-.a veiller sur la maiestas des deux empereurs gnée que Rome, aurait plus de mal à le contrôler.
et a dmger les deux armées de l'Empire ; les v. 186- En la coupant de l'Afrique, Eutrope affamait
194 font allusion aux ravages d' Alaric en affirmant Rome, puisque,_ depuis la fondation de Constanti-
que _sans l' ':rdre arraché à Arcadius par Rufin, nople, le blé d'Egypte était réservé à cette dernière
pmais la Grece n'aurait été pillée. La chronologie
et _que donc seule l'Afrique ravitaillait Rome, en y
proposée par Cameron est donc la bonne : le second creant des troubles pour affaiblir Stilicon. La séces-
livr_ea été composé puis récité durant l'été 397. sion de l'Afrique représentait en outre une perte
A la fin de l'automne, au moment où Stilicon est de prestige. Peut-être la pression serait-elle assez
en position de faiblesse (que pense l'aristocratie forte pour amener Honorius à se séparer de Stili-
romaine de cet « ennemi public >> aux yeux d 'Arca- con. Eutrope ne pourrait-il pas reprendre à son
dius et des ré_sultats douteux de sa campagne hasar- compte l'ambition qu'avait Stilicon d'être le
deuse en Grece ?) , le gouverneur civil et militaire « régent» de tout l'Empire ? Il y a donc eu
d_e l'Afrique Gildon (cames et magi.sterutriusque mili-
c?njo_nctio11 d:intérêts et Zosime dit qu'Eutrope
tzae per Ajrica":) décide de retenir à Carthage la s est JOmt a Gildon (5,11). Mais, en l'absence de
flotte annonaue qui aurait dû arriver avant le témoignage,5 contemporains impartiaux, on ne
10 novembre, date de clôture de la période de peut savoir qui a pris l'initiative de la manœuvre.
secura nauigatio 23 • Qui a pris l'initiative de cette tra- Gildo? était le fils d'un prince maure fédéré,
hison? Pour Cameron (1970, p. 93), c'est Eutrope, Nubel. A la mort de ce dernier, le comte d'Afrique
Romanus se mêla de la succession et favorisa Sam-
2~. Gild. 66; Symm._epist. 4,54. Sur les problèmes de l'Afrique
et <?'Ildon : E. H. Warmmgton, The North African Province from Dio- rriac, fils d'une concubine, au détriment des autres
clet:an to the Vanda[ Conques!, Cambridge 1954 ; H. J. Diesner, fils (Firmus, Gildon, Mascezel ... ). Sammac fut
« G1ldos Herrschaft und die Niederlage bei Theueste (Tebessa) », assassiné et l'on accusa Firmus. L'attitude hostile
Klio 40, 1962, p. 178-86; Oost 1962; T. Kotula, "Der Aufstand de Romanus poussa Firmus à se révolter contre les
des Afrikaners_ Gildo und seine Nachwirkungen », Altertum 18,
1972, p. 167-76; Y. Modéran, « Gildon, les Maures et l'Afdque »,
Romains (372). Tous ses frères le soutinrent, sauf
MEFRA 101, 1989, p. 821-72; H.J. Jaïdi, L'Afrique et le blé de Rome Gildon, qui se mit sous les ordres de Théodose
aux IV' et V siècles, Publications de la Faculté des Sciences comes, père du futur empereur, et aida ce dernier
humaines et sociales de Tunis, 1990.
XXVI INTRODUCTION INTRODUCTION XXV!!

dans sa longue et difficile répression de la révolte Il avait à faire face aussi au malaise politique
(372 à 374 : voir Amm. 29,5; Zos. 4,16). Cette atti- résultant de cette situation. Pour obtenir l'appui
tude loyale envers Rome lui valut d'être nommé des grands, il fit déclarer la guerre à Gildon par I.e
comte d'Afrique, en 385 si l'on suit Claudien :• en Sénat, geste de déférence auquel les sénateurs
Gild. 154, Gildon est présenté comme cames depuis n'étaient plus habitués (Stil. 1,326-32; Symm. epist.
douze ans au moment de sa révolte. En 387-8, 4,5; CIL IX,4051; cod. Theod. 7,8,7). Il donna
l'Afrique soutient l'usurpation de Magnus Maximus aussi aux sénateurs la possibilité de payer au lieu
en le ravitaillant (Paneg. 12,38). Claudien passe d'envoyer des recrues: la disposition du Code
sous silence cette trahison de Gildon envers Théo- Théodosien 7,13,13 (24 septembre 397), donc
dose. Selon Cameron (1970, p. 104), il veut mas- antérieure à la rupture avec Gildon, est renouvelée
quer le manque de perspicacité de Théodose, qui le 12 novembre, au moment où la crise éclate, et
aurait dû révoquer Gildon et qui, au contraire, s'al- étendue aux domaines de la res priuata (ibid.
lie à lui en concluant un mariage entre Salvina 7,13,14).
(fille de Gildon) et Nébridius, neveu de sa femme Restait enfin le problème militaire : comment
Bacille (Hier. epist. 79,2). Le silence de Claudien mater la rébellion ? L'expérience avait montré que
sur ce point est éloquent. Pendant l'usurpation les expéditions militaires en Afrique n'étaient pas
d'Eugène (392-4), Gildon envoya du blé à Eugène faciles et il était délicat de faire la guerre à quel-
et refusa à Théodose l'aide que celui-ci lui deman- qu'un qui pouvait apparaître comme un loyal fonc-
dait ( 6 cons. 108-10) ; mais il refusa aussi d'envoyer tionnaire d'Arcadius. Comment réagiraient Eutrope
des troupes à Eugène ( Gild. 246-52). Après la mort et Arcadius si Stilicon, « ennemi public », interve-
de Théodose, Gildon conserva cette attitude d'indé- nait en Afrique? Du panégyrique de Stilicon, il res-
pendance (Oros. 7,36,2-3) : il retarda ses envois de sort qu'Eutrope fit déclarer ennemis publics ceux
blé ou en diminua la quantité (Symm. epist. 4,54,2). qui aideraient les adversaires de Gildon (1,275-8)
La rupture avec Rome à la fin de l'automne 397 et envoya une ambassade pour réclamer l'Afrique
marque le point d'aboutissement de cette politique. (3,81-83). N'était-on pas au bord d'une guerre
Constantinople accepta l'allégeance de Gildon. civile?
Stilicon devait faire face à un problème de ravi- Selon certains 25 , le départ de la flotte chargée de
taillement: l'absence du blé africain, au moment où soumettre Gildon aurait eu lieu à ce moment pré-
les troupes revenues de Grèce aggravaient les diffi- cis, en novembre 397. Ils se fondent sur les v. 497-8
cultés d'approvisionnement, provoqua une famine qui font allusion aux averses des Chevreaux, aux
( Gild. 17-25) et des émeutes (Symm. epist. 7,38). Sti- Hyades pluvieuses qui conduisent le Taureau et à
licon destitua Florentinus à la fin décembre 24 et ras- Orion qui descend dans la mer. De fait, dans la tra-
sembla une flotte pour aller chercher du blé en dition antique, le lever et le coucher de ces constel-
Espagne ; il en fit chercher aussi en Gaule (Eutr. lations s'accompagnent de tempêtes en mer : ils
1,401-9; Stil. 1,314; 2,392-6; 3,91-98).
25. Demougeot 1951, p. 179 n. 315 et 183 n. 337; Cameron
24. Voir t. 1, p. XXIV. 1970, p. 95, 109-10 et 114 n. 38; Olechowska, éd. p. 182.
XXVIII INTRODUCTION INTRODUCTION XXIX

annoncent les tempêtes d'équinoxe 26 . Ce point de nople. Il y a sûrement eu des tractations politiques
vue se heurte à deux objections. Les v. 327-8 pré- entre les deux cours, peut-être transposées poéti-
sentent Honorius couché avec sa femrne Marie. et quement par l'intervention des deux Théodoses.
le mariage du prince est postérieur au Panégyrique Engager les hostilités sans préparation ni militaire
pour I.e quatrième tansulat, récité début janvier 398 ; ni diplomatique risquait de les faire traîner et de
or cette scène est antérieure au départ de la flotte. permettre à Eutrope de réagir. Si Mascezel part en
Cameron et Olechowska pensent que Claudien a novembre, comme il n'arrive pas en Afrique avant
antidaté le mariage, ce qui est peu vraisemblable. la fin février (Cameron 1970, p. 95), il ne peut
Comment antidater un événement aussi spectacu- bénéficier de l'effet de surprise.
laire et officiel que le mariage d'un prince En fait, on peut interpréter au sens large les
quelques mois seulement après l'événement? Les indications astronomiques de Claudien, qui du
lecteurs de Claudien n'auraient pu le suivre : il reste ne concordent pas rigoureusement: le cou-
serait apparu comme un falsificateur et aurait cher matinal des Hyades (Pléiades) est compris
perdu toute crédibilité, ce qui est la faute suprême entre le 26 octobre et le 11 novembre 27 ; le coucher
pour un homme qui s'occupe de politique. En d'Orion, vu d'Italie, peut se placer le 3 décembre 28 •
outre, l'allusion au mariage est tout à fait inci- D'autre part, les mêmes phénomènes météorolo-
dente, anecdotique et gratuite. Claudien n'en tire giques avaient lieu au coucher matinal des Che-
pas le moindre argument politique : pourquoi vreaux, en décembre 29 . Pourquoi ne pas considérer
aurait-il sans raison falsifié la chronologie ? que ces indications, approximatives au demeurant,
En second lieu, la trahison de Gildon date de la veulent dire de façon poétique que le départ de
fin de l'automne ( Gild. 66-67: sub fine cadentis Pise se situe en hiver? Ce départ peut donc se pla-
autumni) et il a été proclamé ennemi public à I' ap- cer en février 30, juste après le mariage d 'Honorius
proche de l'hiver (v. 16). Comment Stilicon aurait- (premiers jours du mois, voir plus loin) et avant le
il pu envoyer une expédition dès le mois de début du printemps, le 9 février 31 .
novembre ? Il a attendu la déclaration de guerre Quel est le rôle de Claudien durant l'hiver 397-8?
du Sénat (Stil. 1,325) et une telle entreprise se pré- Il écrit d'abord le Panégyrique pour le quatrième
pare, tant sur le plan militaire ( Gild. 415-23 et sur- consulat d'Honorius, récité à Milan dans les premiers
tout Stil. 1,314 sqq. qui laisse entendre qu'on a
construit des navires et qu'on a levé des troupes 27. Colum. 2,8,2; Plin. nat. 18,113. Voir J- Carcopino, REL 6,
fraîches) que sur le plan diplomatique : Stilicon a 1928, p. 190.
dû sonder les intentions de la cour de Constanti- 28. Carcopino, art. cit., p. 198.
29. Voir Germanicus Aratea, éd. A. Le Bœuffle, p. 12 n. 2.
30. Fargues 1933, p. 78 suppose le départ au début de 398 ;
26. Arat. 158 sqq. à propos de la Chèvre et des Chevreaux ; Mazzarino 1942, p. 266 n. 5, conclut à juste titre contre Koch
Cie. Aral. Jrg. 24-28 (voir éd. J. Soubiran, p. 200 n. 8) ; Germ. 1889, p. 584, Birt, éd. p. XXXII et Seeck, Gesch. 5, p. 290, que le
Arat. 169-73; Auien. Arat. 416-39. Le thème est traditionnel: départ de Pise est postérieur au mariage ; cf. aussi Kotula, art. cit.
Theocr. 7,53; Verg. Georg. 1,205; Aen. 1,743 et 535; 3,516; 4,52; et Dopp I 980, p. 114.
9,668; Hor. carm. 1,3,14 et 28,21 ; 3,1,28; Ou. fast. 5,165-6 et 31. Ou. fast. 2,149-150 et note de i'édition H. Le Bonniec,
495; met. 14,711; Plin. nat. 2,106; 18,278; Rut. Nam. 1,633-8. Catania 1969, p. 90.
XXX INTRODUCTION INTRODUCTION XXXI

jours de janvier. Ce poème a un double but: gran-


dir Honorius qui a perdu du prestige du fait de la J·ouer le rôle de tutor._,mais seulement de curator, ce
• d e pouvoir·s211'
qui lui donne beaucoup mom~ .. , n a
révolte de Gildon et faire l'éloge de Stilicon en plus le droit d'agir à la place d Hono1;u~ qm, a i:ar-
présentant sous un jour favorable la douteuse Cam- tir de 14 ans, peut prendre seul ses deosions. C est
pagne de Grèce (le v. 460 dégage sa responsabilité pourquoi il lui fait précipitamment épouser sa fi_lie
en soutenant qu'il agit sur l'ordre d'Honorius). ainée Marie, âgée de 12 ans. Devemr le beau-pere
Mais il ne nomme pas la cour d'Orient pour ne de l'empereur, c'est conserver son emprise sur
pas envenimer la situation. Il ne nomme pas non Honorius et renforcer sa position politique ( cf.
plus Gildon : il ne faut pas lui faire trop de publi- Jesc. 3, d'une portée politique considérable). Les
cité. On remarquera pourtant qu'aux v. 392 sqq. poèmes nuptiaux de Claudien ( nupt. et fesc.) mas-
l'Afrique ne figure pas dans la liste des territoires quent ce calcul politique en présentant le mana_ge
contrôlés par Honorius et que les v. 621 sqq. font comme prévu de longue date et voulu par Th_eo-
allusion au fait que Théodose a remporté des vic- dose: Marie est une promissa uirgo; c'est la passion
toires chaque fois qu 'Honorius a été consul (en d'Honorius pour elle qui fait avancer la date_ du
386 et 394), ce qui laisse entendre que le qua- mariage, alors que Stilicon, d'après Claudien,
trième consulat verra une grande victoire d'Hono- aurait préféré attendre que les fiancés fussent un
rius. Est-ce une allusion précise à Gildon, comme le peu plus mûrs. Les premiers vers de fesc. 2_placent
pense Cameron (1970, p. 95-96) ? Ce n'est pas sûr, ce mariage juste avant le printemps, pmsque le
car Claudien parle du Rhin pour Honorius et de poète demande à la terre de revêtir sa parure prin-
Babylone pour Arcadius. Si le poème ne contient tanière, donc avant le 9 février, probablement dans
aucune allusion à l'expédition contre Gildon, c'est les premiers jours du mois 33 , puisque c'est juste
peut-être qu'aucune décision militaire définitive n'a après le mariage, mais encore en hiver, qu'il fa~t
été prise (on en serait au stade de la concentration placer le départ de Pise de la flo_tte commandee
des troupes) ... ou qu'on ne veut pas la rendre par Mascezel. Le mariage a pu laisser crmre que
publique avant son exécution : la mention du Rhin l'expédition était remise au printemps, au mome~t
pourrait endormir Gildon et son allié Eutrope. En de la reprise du trafic maritime (10 mars). En la fai-
revanche, Claudien annonce le mariage d'Hono- sant partir avant le 9 février, Stilicon se révèle un
rius et y prépare l'opinion publique sans préciser la redoutable tacticien : il surprend Gildon et l'orient.
date ni le nom de la future épouse : il ne veut pas Mais la précarité de sa position politique l'err_ipê-
dévoiler prématurément la manœuvre politique de chait de s'éloigner de la cour en prenant hn-meme
Stilicon (Cameron 1970, p. 98 n.l). Les v. 650-1 la tête d'une expédition à l'issue incertaine : il
annoncent même son épithalame : il a sans doute aurait pu être victime d'une intrigue en son
déjà commencé à y travailler. absence. Or un heureux concours de circonstances
Stilicon ne peut s'appuyer sur le seul Claudien
pour affermir une position d'autant plus faible et
menacée qu 'Honorius est dans sa quatorzième 32. Olechowska éd., p. 179 qui se fonde sur dig. 26,8.
33. Cameron 1970 place le maliage en février; Dôpp 1980, fin
année. Il a atteint la pubertas. Stilicon ne peut plus février ou début mars.
xxxn INTRODUCTION INTRODUCTION XXXIII

lui fournissait l'homme de la situation. Mascezel, début avril 35 , il remporte la victoire de Théveste,
frère de Gildon, avait dû s'enfuir d'Afrique et se pratiquement sans combat, mais grâce à une inter-
réfugier à Rome 34 . On ne sait pas avec exactitude vention divine selon Orose 36 . Claudien passera tota-
les raisons de la querelle (personnelle? politique?) lement sous sîlence la dimension religieuse de la
qui avait opposé les deux frères. Selon Orose, Mas- bataille dans son panégyrique de Stilicon (1,347-
cezel n'aurait pas approuvé les menées -séparatistes 57). Gildon s'enfuit à Tabraca pour s'y embarquer
de Gildon. De plus, ils s'opposaient au plan reli- (Oros. 7,36,11; Eutr. 1,410; Stil. 1,358-60), mais son
gieux: Mascezel était catholique (Oros. 5,36,5) navire est saisi en haute mer (Orose) ou des vents
alors que Gildon était favorable aux Donatistes contraires le rejettent à la côte (Stil. 1,360). Selon
(Aug. c. Parm. 2,2,24). Cette dimension religieuse Orose, il est étranglé quelques jours après ; d'après
du conflit est passée sous silence par Claudien. Tou- Zosime (5,11), il se suicide. Claudien reste confus
jours est-il que Gildon avait fait assassiner les deux sur ce point: il subit un châtiment mérité (Eutr.
fils de Mascezel restés en Afrique ( Gild. 389-414; 1,410) ; il a été captif à Tabraca (pr. Eutr. 2, 71) ; il
Oros. 7,36,5 ; Zos. 5,11). Stilicon a donc sous la s'attend à être jugé (Stil. 1,360-2) ; il subit en pri-
main l'ennemi juré de Gildon. De plus, Mascezel a son le sort de Jugurtha ( 6 cons. 381-2) 37. Une loi du
l'expérience de la guerre; il connaît parfaitement Code Théodosien qui prouve le rétablissement de
le terrain africain, peut obtenir des appuis locaux l'autorité d'Honorius en Afrique (9,39,3) porte la
(notamment de la cavalerie, dont Claudien ne parle date du III id. mart. (= 13 mars), que Seeck corrige
pas dans l'énumération des troupes qui s'embar- en III id. mai. (= 13 mai). Si cette date est exacte, la
quent à Pise) et, par son crédit personnel, entraî- victoire de Théveste doit se situer au début du
ner des défections dans le camp de Gildon, notam- mois de mars (!raidi 1963-4) ; ma chronologie
ment chez les catholiques. II est donc tout désigné (départ de la flotte de Pise au plus tard le 7 ou le 8
pour commander le corps expéditionnaire romain. février) ne s'y oppose pas. Cameron (1970, p. 95)
La flotte quitte Pise et Mascezel aborde l'île de note que cette victoire éclair a empêché toute
Capraria, entre la Corse et l'île d'Elbe (cf. Rut. intervention de l'orient. La remarque n'est valable
Nam. 1,439), pour y rencontrer des moines (Oros. que si la flotte de Mascezel a quitté Pise en février:
7,36,5). Orose insiste sur les prières et les jeûnes si elle est partie en novembre et est restée bloquée
du pieux Mascezel. Il n'est pas indifférent que
Claudien n'en souffle mot: de Pise, il passe direc- 35. Dans les semaines qui suivent son arrivée, selon Cameron
tement en Sardaigne où la flotte s'arrête en atten- 1970, p. 95; Dôpp 1980, p. 114-5 parle de fin mars ou début
dant des vents favorables ( Gild. 504-26). Là s'achève avril; cf. aussi Eames 1978.
36. 7,36,6-10. Mascezel disposait de 5 000 hommes contre
le poème qui nous est parvenu. 70 000. Mais saint Ambroise lui apparut dans une vision nocturne
La campagne de Mascezel sera une campagne et lui annonça la victoire trois jours plus tard. Mascezel passa ces
éclair ( Gild. 9-l O et 16 ; Stil. 1,3-7) : en mars ou au trois jours à prier et à chanter des hymnes, puis il marcha sur
l'ennemi: le gros des troupes romaines se rendit sans combattre
et les barbares, voyant cette reddition, s'enfuirent.
34. Oros. 7,36,4. Cameron 1970, p. 94, suppose qu'il s'est réfu~ 37. La Chronique de Ravenne place sa mort le 3ljuillet; voir
gié à Rome peu avant 397. Demougeot 1951, p. 186 n. 356.
XXXN INTRODUCTION INTRODUCTION XXXV

en Sardaigne jusqu'en février, l'orient a eu le d'un scribe qui a bien vu que ]a narration était
temps d'agir. incomplète. Il est plus économique de penser, avec
On peut supposer que Claudien a commence a Dôpp, que ce poème n'a jamais été récité et qu'il
écrire le De bello Gildonico dès l'annonce de la vic- est resté inachevé pour les raisons indiquées. Mais
toire à Milan (mars-avril). Mais, peu après son Clau di en a pu faire circuler la partie achevée ... et
retour en Italie, Mascezel tombe en disgrâce; il politiquement présentable 41 . Et il est revenu sur
tombe même d'un pont et se noie 38 • D'après cette guerre dans le Panégyrique de Stilicon.
Zosime (5,11,4-5), Stilicon aurait aidé sa" chute": Pour N.H. Baynes 42 , suivi par Cameron ( 1970,
il pouvait être jaloux de lui et désireux d'éliminer p. 122), le De bello Gildonico tenterait de réconcilier
un gêneur devenu désarmai~ inutile 39 • Dès lors, Honorius avec Arcadius en rejetant la responsabi-
tout le mérite de la restitution de l'Afrique revient lité du conflit sur Gildon. Mais, avec Dôpp (1980,
à Stilicon ... mais il devient impossible à Claudien, p. 146-9), j'interprète les v. 430-1 plus comme un
chantre officiel de Stilicon, de chanter la cam- avertissement que comme une tentative de conci-
pagne contre Gildon : il lui faudrait rappeler les liation. En outre, une réconciliation avec l'est signi-
mérites de Mascezel. L'ouvrage est-il resté fierait à cette date une réconciliation avec Eutrope.
inachevé ? Après Birt, Cameron pense que le livre Or plusieurs passages du poème le mettent de côté
qui nous est parvenu a été récité à Milan aussi vite ou le déprécient. Il s'agit donc plutôt d'un avertis-
que possible après l'annonce de la victoire (en sement amical: l'entente est possible si l'orient
avril?). Mais en ce cas, pourquoi le texte s'arrête+ reconnaît Stilicon comme gardien du monde théo-
il sur une coupure qui n'est pas satisfaisante pour dosien (v. 321-4). Claudien veut donc montrer que
le sens 40 ? Et quelle curieuse épopée qui ne raconte Stilicon est l'homme de la situation (Mascezel
pas la victoire ! Dans cette hypothèse, il faut suppo- passe au second plan : on ne parle pratiquement
ser l'existence d'un second livre qui aurait été que du massacre de ses enfants sans rien dire de
retiré de la circulation dès la disgrâce de Mascezel ses qualités) et que sa politique, contrairement à ce
et non retenu lors de l'édition des poèmes de que pourrait faire croire sa désignation comme
Claudien (par les soins de Stilicon ? Nous en parle- ennemi public par l'orient (dont Claudien ne
rons plus loin). L'un des meilleurs manuscrits (R) parle pas), peut rencontrer des échos favorables à
parle de liber I, ce qui suppose l'existence Constantinople. La non-intervention de l'orient
d'autre(s) livre(s). Mais il peut s'agir de la notation (dans le poème, Arcadius obéit à Théodose) appa-
raît comme une reconnaissance de la politique de
Stilicon, sinon comme une marque de sympathie.
38. Juillet-août? Voir Dôpp 1980, p. 136.
39. Il pouvait réclamer la place de son frère et devenir à ·son
tour un danger pour Rome. A-t-il cherché à s'appuyer sur le fort
parti catholique de Milan que Stilicon commençait à s'aliéner
(Cameron 1970, p. 116) ? Orose (7,36,13) voit dans sa mort un
effet de la justice immanente : après sa victoire, il a profané une 41. L'absence de préface est un indice supplémentaire, mais
église en n'y respectant pas le droit d'asile. non une preuve, de la non-récitation.
40. Quoi qu'en pense Romano 1958, p. 91-92. 42. Byzantine Studies and Other Essays, London 1960, p. 335.
XXXVI INTRODUCTION INTRODUCTION XXXVII

Épopée historique et panégyrique épique Avant Claudien, les panégyriques officiels latins
sont pratiquement toujours écrits en prose 46 et c'est
D'Ennius à Lucain et Silius Italicus, les Romains une innovation importante dont la littérature latine
ont toujours apprécié les épopées inspirées pat leur lui est redevable que d'avoir imposé l'usage du
histoire nationale et même par l'actualité politique. panégyrique en hexamètres en lui donnant un sta-
Selon son propre témoignage, avant de convertir sa tut particulier qui associe l'éloquence d'apparat,
Muse, la poétesse Proba avait chanté la guerre _de avec sa rhétorique traditionnelle, à la poésie épique.
Constance II contre l'usurpateur Magnence (3ë>l- Il a ainsi créé une forme poétique nouvelle appelée
353). Auteur d'une épopée mythologique éditée à se développer dans l'antiquité tardive et au delà:
dans notre t. I, Claudien a composé aussi deux épo- Je panégyrique épique, ou plutôt, en raison de sa
pées d'actualité : le De hello Gildonico, inache_vé briéveté, l'épyllion panégyrique. Certains critiques
comme nous l'avons vu (398), et le De hello Getzco, se sont efforcés de mettre en évidence la structure
qui sera édité dans le troisième volume (~02). Par rhétorique de ces panégyriques, avec leur série de
leur dimension (526 v. pour Gzld. macheve; 647 v. kephalaia 47 : prooemion, genos, genesis, anatrophe, epite-
pour Cet.), ces poèmes correspondent à ce que l_es deumata, praxeis, epilogos (précédé éventuellement
modernes appellent depuis le XIX" s. des epyllza. d'une synkrisis).
Mais à des éléments typiquement épiques (machme- En ce qui concerne l'invective (psogos), la chose
rie ,;,ythologique : assemblée des dieux, interven- est plus délicate. Levy (1946, p. 65) s'est efforcé de
tions divines, présages, prodiges ; combats, ekphr~- mettre en évidence des éléments de ce schéma rhé-
seis, catalogues, discours ; style épique : :ompara1- torique dans l' In Rufinum, tout en reconnaissant la
sons de type homérique ... ) 43, ces deux poemes '."'so- présence d'éléments panégyriques (laus Stiliconis:
cient des éléments épidictiques, d'éloge ou de blame. 1,259-300) et d'une structure narrative (et donc
Ainsi dans le De hello Gildonico, les paroles de Théo- épique), surtout dans le livre 2: prooemion (1,1-24);
dose' tournent à la louange de Stilicon (v. 288-310; anatrophe ( 1,92-111), incluant les epitedeumata
318-20) et la longue introduction du _Dehello_Getico (v. 101-11) ; praxeis (1,176-258) ; synkrisis (1,259-
(v. 1-172) développe les mérites de Stilicon etJusufie 300); praxeis (1,301-31 et 354-87; 2,7-100 et 130-70
sa conduite (cf. aussi v. 430-49) 44 • Inversement, de et 293-383) ; epilogos (2,454-527). Mais on peut
nombreux autres passages tournent à l'invective trouver un peu abusif d'absorber dans les praxeis
contre Gildon: Gild. 139-200; 241-83; 392-404; 444- un véritable récit épique qui constitue la trame du
50. Comme le constatait déjà Nissen, Claudien mêle
donc f' épique et l' épidictique dans ses epyllia poli-
tiques, au point de constituer un genre mixte 45 • 46. Exceptions (réelles ou apparentes) : Ps. Tib. 3,7 = 4,1 ;
Laus Pis. ; Stat. silu. 4, 1.
47. Parravicini 1905 et 1909; Struthers 1916 et 1919;
43. Alberte 1978. Morawski 1917; Fargues 1933 et éd. de 4 cons.; Levy 1946 et
44. Barth allait jusqu'à considérer ce poème comme le qua- 1958 (et éd. de Ruf). Le panégyrique 4 cons. est un exemple
trième livre du panégyrique de Stilicon. presque parfait de cette structure rhétorique. La structure rhéto-
45. Nissen 1940; cf. aussi Cameron 1970 (chap. X) et Ole- rique des invectives (Ruf, Eutr.) a été souvent contestée: par ex.
chowska 197 4. Barr 1979.
XXXVlll INTRODUCTION INTRODUCTION XXXIX

second livre 48 , même si le topos des praxeis permet- ep1que devient louange et le panégyrique prend
tait d'introduire une narration dans le schéma épi- une tonalité héroïque. La condition du poète et
dictique. Quant à l' In Eutropium, même Lé\"j recon- son rapport au public expliquent en partie cette
naît qu'il n'a pas un schéma rhétorique, mais fusion (qui évite la monotonie d'un schéma rhéto-
plutôt narratif (surtout dans le livre 2). C'est pour- rique répété). Claudien, comme bien d'autres
quoi de nombreux critiques ont rapproché les poètes de son époque (Cameron 1965), est au ser-
deux « invectives )) de Claudien de ses épopées vice d'un puissant protecteur; il s'est fait poète de
politiques, en constatant qu'elles incluent aussi des cour et la récitation de ses poèmes s'inscrit dans un
éléments d'éloge à côté du blâme ou de la satire 49 ; certain cérémonial. Pour chanter son protecteur
nous trouverons ce groupement dans une branche comme un héros, seul le ton épique peut convenir
de la tradition manuscrite. et le point commun qui réunit, dans leur diversité,
Les panégyriques aussi intègrent des éléments le mécène, le poète et les différents éléments de
épiques : invocation à la Muse, intervention des son public (diversité religieuse, politique ... ), c'est
dieux, personnifications, discours, catalogues, style l'idéologie patriotique de Roma aeterna 51 .
épique (comparaisons homériques ... ) ... Et il en est Faut-il alors, avec P. L. Schmidt (1976), Fo (1982)
de même pour l'épithalame hexamétrique ( nupt.) et surtout Hofmann ( 1988), confondre totalement
où, à côté d'éléments qui renvoient à la topique ces deux formes littéraires en un seul genre nou-
spécifique de ce sous-genre épidictique (éloge des veau, l'epos panégyrique ? S'il est vrai que les
mariés, notamment Marie [v. 229-37; 241-50; 259- seconds livres des deux invectives, dans leur struc-
75] et de leur famille, surtout le beau-père Stilicon: ture narrative, sont pratiquement assimilables à
v. 300-41) 50 , on rencontre des discours, des ekphra- de l' epos (mais non leurs premiers livres, dont la
seis, des interventions divines et un style épique. structure reste épidictique), en revanche, les pané-
On voit donc combien l'épopée politique et gyriques conservent une forte structure rhéto-
l' épyllion panégyrique se rapprochent : le récit rique, alors que celle des epyllia politiques est
bien narrative : on a pu établir un parallèle précis
48. Je partage l'analyse littéraire de Cameron (1970, p. 79-84) entre la composition du De bello Getico et celle du
qui présente le livre 1 comme une invective (avec presque tous les
topai rhétoriques), sans préoccupation chronologique (Claudien premier chant de Lucain 52 . Chacun des deux
cherche seulement à relever les faits qui établissent la cruauté et
les trnpitudes de Rufin en se contentant d'allusions claires pour les 51. Même à Milan, c'est Rome que chante Claudien: voir Char-
contemporains des événements), alors que le livre 2 a une struc- let 1994. Comme je l'ai écrit ailleurs («L'épopée latine aux ive et
ture narrative et chronologique, donc de tonalité épique même si V" siècles», Aspetti della poesia epica latina, Lugano 1995, p. 207-225,
on y décèle encore quelques pointes d'invective: il rapporte les en particulier p. 218-24), l'ensemble des grands poèmes politiques
événements de la mort de Théodose au meurtre de Ru.fin. de Clauclien peint une immense fresque épique : Claudien chante
49. Kurfess 1941; H. Schweckendiek (Claudians lnvektive gegen la geste de Rome, la grandeur d'un Empire qu'il ne peut conce-
Eutrop (ln Eutropium). Ein Kommentar, Hîldesheim-Zürich-New voir, lui le poète venu d'Alexandrie, qu'uni sous la préséance occi-
York, 1992) considère que l' ln Eutr. est un genre mixte, mais avec dentale. Stilicon, qui a reçu de Théodose la mission de sauvegarder
un continuum narratif, ce qui donne à l'invective un tour plus l'Empire menacé, est le véritable héros de cette fresque épique.
épique qu'épidictique. 52. M. Balzert, Die Komposition des Claudianischen Gotenkriegsge-
50. Nous verrons que jèsc. 4 correspond au kateunastikos. dichtes c. 26, Spudasmata 23, Hildesheim-New York 1974.
XL INTRODUCTION
INTRODUCTION XLI

genres inclut des éléments d~ l'autre, m~is garde jungle, comme l'écrit Hall 51 , du moins un maquis
sa structure propre 53 et Perrelli (1992) a bien mon- dans lequel il est assez difficile de se retrouver.
trê comment, à l'intérieur d'un poeme, un peut Le premier à avoir tenté un classement de ces
prooemium joue le rô!e ~e signal pou_r indique~. le manuscrits - et c'est un grand mérite - est L. Jeep,
passage d'un gP,nre a 1 autre : concrete.J;Tient, l 1n- qui a travaillé sur le texte de Claudien de 1869 à
sertion d'un développement épique dans un cadre 1893. On lui doit deux découvertes importantes,
épidictique ou inversement. Cette volonté d' è,~ter l'une pour les Carmina maiora: le ms. G; et l'autre
que le lecteur ou l'auditeur prenne les panegy- pour les minora: le ms. Ve (Hall D). Sa reconstruc-
riques ( et le premier livre de chacune des deux tion de l'histoire du texte part d'un examen des
invectives) comme de véritables épopées corres- carmina minora, où il distingue deux classes : d'une
pond au statut du panégyrique officiel dans l' anti- part Ve et Fl ; de l'autre, R et K. La première
quité tardive : ce panégyrique s; prétend histo- aurait plus de valeur à cause de l'ancienneté de Ve
rique et, comme tel, ne peut etre ~ot~leme1;1:t (VIII' s.) ; dans la seconde, R, plus ancien, a plus
épique, bien qu'il recherche le s;Yle hero1que. S 11 de vaJeur que K. Le manuscrit S (IX' s., découvert
y a donc mélange des genres, c est toujours avec en 1873), qui contient la Gigantomachia (c. min.
un genre dominant, qui est l' épidictique, sauf pour 53), occuperait une position intermédiaire entre
les épopées politiques ( Gild., Cet. ams1 que Ruf 2 ces deux classes. F2 et W seraient liés à l'ancêtre S
et Eutr. 2). de S, puisqu'ils omettent comme lui le v. 125 ;
mais tous deux, ainsi que G, seraient aussi liés par
La tradition manuscrite du Claudianus maior des leçons communes à R. Il y aurait donc en défi-
nitive deux ancêtres du VIIIe ou du IXe siècle, l'un
Pour l'essentiel, les poèmes de Claudien nous pour Ve et Fl, l'autre pour R K S F 2 W G, qui déri-
sont parvenus par trois ou quatre canaux d~fféren~. veraient d'un archétype écrit au plus tard au
Nous avons vu au t. I que le De raptu Proserpznae avait VII' siècle. Jeep regroupe dans une quatrième
sa tradition propre, souvent sous l'appellation de classe des manuscrits qualifiés de recentiores, parmi
Claudianus minor. Nous étudierons plus bas la trans- lesquels il retient J (première moitié du XIII').
mission particulière du Panegyricus dictus Olybrio et Mais il n'explique pas clairement comment G et F 2
Probino coss. Les autres poèmes, c'est-à-dire ceux que se relient à S (classe 3), ni comment S se relie à la
nous appelons carmina maiora (moins Ol.) et cam:,ina classe 2 (RK). En outre, les leçons communes sur
minora, nous sont parvenus assez souvent g:oupes et lesquelles il se fonde pour établir des liens de
constituent, selon la dénomination médiévale, le parenté sont parfois bonnes, et ne prouvent donc
Claudianus maior: Cet ensemble constitue, sinon une rien, et le nombre de manuscrits qu'il retient pour
établir le texte est trop limité (R et G, mss. incom-
53. Sur le mélange des genres dans la poésie latine tardiv,e,
voir les études de J- Fontaine et mon article « Aesthetic Tr~nds :n
54. 1986, p. 66. Pour des raisons de clarté évidentes, dans la
Late Latin Poetry », Philologus 132, 1988,1, p. 74-85. Sur epopee
discussion qui suit, les manuscrits seront désignés par mon
et panégyrique, voir aussi Cienfuegos Garda 1990. propre sigle (voir liste ci-dessous).
XLII INTRODUCTION INTRODUCTION XLIII

plets; F, J Exc. FI. et Exc. Fris.). D'une façon - Series V: Ruf, Cild., Stil., 6 cons., Eutr., 3 cons.,
générale; en disciple de Lachmann, il a cherché à 4 cons., Theod., c. rnin., Cet., c. min., fesc., nupt. (W)
déterminer le (ou les) meilleur(s) manuscrit(s), - Series VI : Ruf, 3 cons., 4 cons., fesc., nupt.,
en principe le plus ancien, sans faire l'histoire de Theod., Cild., Eutr., Stil., Cet., 6 cons. Il s'agit d'un
la tradition. ordre à peu près chronologique (14 mss., dont
Pour son édition de 1891, T. Birt a eu le mérite 9 antérieurs au x,re s.).
d'élargir l'enquête de Jeep et surtout de prendre Le manuscrit Gest à part, car il ne contient, dans
en compte, en sus des leçons individuelles, l'ordre l'ordre, que Ruf, Eutr., Cet., Cild., ce qui corres-
dans lequel sont transmis les poèmes. Il distingue pond à la fois au manuscrit que possédait Charle-
six seriespour les carmina maiora : magne (catalogue contenu dans le Bern!. D.B.S.
- Series I: Ruf, Cild., Eutr., fesc., nupt., 3 cons., 66) et à un manuscrit qui figure dans un catalogue
4 cons., Theod., Stil., 6 cons., Cet. Il s'agit d'un ordre de Lobbes (vers 1060) 55 • Les vers contenus dans les
rhétorique : les invectives (y compris Cild.), les Exc. Fris. (XI' s.) sont tirés des quatre mêmes
poèmes de mariage, les panégyriques et enfin poèmes et présentent des leçons très proches de
l'épopée politique Cet. Au total, 52 mss., dont celles de G.
46 antérieurs au XV' s., plus les Exc. Fl. qui présen- Pour les Carmina minvra, Birt a recensé aussi six
tent le même ordre, sauf en ce qui concerne Gild., serzes:
qui avait été rapproché de l'autre épopée politique - Series A: ordre identique à celui de la series B,
Cet., mais dont le texte a été perdu ( on y lit Explicit sauf présence interpolée en tête d'un fragment de
de bello gotico. Incipit de bello Cildonico). l'Aetna (v. 272-87) et l'insertion en avant-dernière
- Series II : Ruf, Cild., Cet., gig. (c. min. 53), Stil., position de c. min. 52 De lanario (un seul témoin FI,
Eutr., Jesc., nupt., 3 cons., 4 cons., Theod., 6 cons. (ms. copie de la fin du XV"s. du ms. perdu dont sont
L; cf. aussi K catalogue et V4 du XV"siècle). tirés les Exc. Fl.) 56 .
- Series III : Ruf, fesc., nupt., Cild., Stil., 6 cons., - Series B: c'est l'ordre adopté, de 1 à 53 (moins
Eutr., 3 cons., 4 cons., Theod., c. min., Cet., c. min. 52), par les éditions modernes; la pièce 1 n'est
(10 mss., en incluant P 8 , incomplet, dont 8 anté- autre que fesc. 3 (27 manuscrits, dont 19 antérieurs
rieurs au XV' s.). P. L. Schmidt (1989, p. 403) a rai- au xve s., plus, dans une certaine mesure, F 12).
son de faire observer que cette series con1porte en - Series C: c. min. 33 à 51 ; 53; 10 à 12; 22, 20,
fait deux variantes: l'ordre signalé par Birt, avec 27, 29, 32, 31, 30; 2 à 9; 13 à 19, 21, 23 à 26, 28,
Cet. au milieu des c. min. (P, F 2,Rw Ma) ; tous les avec une variante qui rejette la partie des minora
c. min. à la fin, après Cet. (L 3 , F 6 ). Mais je ne vois inclus dans les maiora (de 33 à 29) après les autres
pas sur quel critère il se fonde pour affirmer que la minora (9 mss., dont 7 antérieurs au xve s.
première disposition, celle décrite par Birt, serait [F4 incomplet], plus, dans une large mesure, W).
secondaire et résulterait d'un transfert de Cet. dans
les c. min. ; l'inverse paraît plus probable. 55. E Dolbeau, Rec. Aug. 13, 1978, p. 3-36.
- Series 1V: (fesc.), Ruf, nupt., Cild., Stil., 6 cons., 56. Selon Birt et Hall, ce que conteste P. L. Schmidt 1989,
c. min., Theod., Eutr., c. min. (R et son apographe R,,9 ). p. 401-2 et 1992, p. 654.
-------,

INTRODUCTION INTRODUCTION XLV


XLIV

Deux sous-groupes (éléments VIII = 22, 20, 27, 29 dition 1nanuscrite, qui résulte selon moi de la
et IX = 26, 28 de Birt) se retrouvent dans la series E. volonté de placer en tête des minora (après les
- Series D : c. min. 29, 9, 17, 18, 20, 22-23, 50, 49, maiora) ceux d'entre eux qui, par leur nature et
app. 1, 51, 19, 40-41, 32, 27 et Phoenix de Lactance, leur longueur, se rapprochent des maiora: le Pané-
3, 6, 10 à 16, 21, 31, 53, app. 2, 46 à 48, 45 (un gyrique de Sérène (30), auquel s'associe naturelle-
seul témoin, Ve). • ment l'épître à la même Sérène (31) et parfois,
- Series E : 22, 20, 27, 29, 26, 28, 23, 53, 32, 18, comme sur L 3 , la 9igantomachie (53) ou, comme
43-44, 52, 50, 42, app. 3A, 24, 49, 31, 48, app. 4, 45, dans la series F, 1'Epithalame de Palladius et Célé-
46, 47, 30, 40, 41, Theod., Eutr., app. 5, 51, app. 6-8, rine (25). On comprend que quelques scribes aient
33-35, 39, 36-38, 25, app. 9-10. Deux mss. : R et son cédé à ce genre de tentation. Mais le fait que ce
apographe R,,9 , plus K f'l03r-12lr, qui a le même type d'arrangement, plus satisfaisant pour l'esprit,
corpus, mais a supprimé les maiora inclus dans les ait pris des formes différentes (ordres 31-30 [très
minora -ils figuraient déjà dans sa première partie-, rare, KF4] ou 53, 31, 30 [L3] ou 25, 30, 31 [cata-
déplacé c. min. 31-30 pour les mettre en tête, et logue K] voire 32, 31, 30 [F6]) et soit resté très
porté un blanc après c. min. app. 7,10, ce qui cor- marginal dans la tradition manuscrite prouve qu'il
respond aux deux vers manquant à cette pièce et à ne reflète pas un ordre originel.
l'absence d' app. 8. Du f 12lv à 123v, le corpus
0
Quand les manuscrits de la series l des maiora ont
incomplet de E a été complété grâce à un témoin aussi les minora, ceux-ci suivent la series B (23 mss.),
de la series B; mais, avant d'en suivre scrupuleuse- avec seulement deux exceptions : P 7 , dont les
ment l'ordre (2 à 17), le scribe a placé 24 minora suivent la series C, et K (voir supra). Or les
(répété !, mais avec cette fois au v. 3 une variante carmina maiora sont les grands poèmes politiques
significative étrangère à la series E), 21 et 19. qui chantent Stilicon (d'où l'absence d'Ol. qui ne
- Series F: c. min. (53 dans les maiora), 25, 30, 31, parle pas de lui), et la series B des minora ( qui
40, 41, 22, 19, 50, 43, 44, 23, 13, 14, 32, 27, 29, 33-39 mêlent poèmes de circonstances, pièces politiques
(présentés comme un seul poème de 42 v.), 26, 28, 9, comme l'éloge de Sérène, et poèmes purement lit-
17-18, 42, 45-49, 51, 10-12, 20, 2, 4, 6, 7, 8, 21, 3, 24, téraires) commence par la reprise d'un des maiora :
15-16 (présentés comme un poème de 4 v.), 5, Ol., fesc. 3, pièce exclusivement consacrée à louer Stili-
52, app. 3, 5-10, 14, 11, 16-17, 15, 18, 19A, 19 B (cata- con. Pourquoi un scribe médiéval aurait-il déplacé
logue contenu au f' 124 de K; V4 s'en rapproche). cette pièce pour en faire la figure de proue des
~e manuscrit P 8 contamine les series B et E. L3 minora 57 ? Aussi Birt a-t-il supposé que Claudien
presente un ordre inhabituel, mais aussi des
lacunes par suite de la perte de feuillets, ce qui le 57. Contra P. L. Schmidt 1992, p. 654-5. Hall (1986, p. 69). qui
rend inclassable. Cet arrangement me semble for- ne croit pas à une édition voulue par Stilicon, admet néanmoins
que " the unknown editor was governed by an ahnost blind devo-
tuit et je ne pense pas que dans l'ordre originel tion to the memory of the defunct laureate ». Mais qui, aprèsl'exé-
des minora, s'il n'en exista qu'un, les pièces 31-30 cution de Stilicon, aurait osé faire une édition à sa gloire et com-
aient été placées en tête: P. L. Schmidt (1992) a ment cette édition serait-elle alors devenue la « vulgate » ? Pour un
tort de privilégier un ordre mal attesté dans la tra- homme du moyen âge, ce me semble encore plus invraisemblable.
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::y

XLVI INTRODUCTION INTRODUCTION XLVII

n'avait pas lui-même édité l'ensemble de son œuvre, altérations dans l'ordre des mots. Comme Birt, elle
mais seulement rendu publics ses poèmes un à un, croit à l'existence d'un archétype, mais suppose
au fur et à mesure de leur composition, et qu'il y trois hyparchétypes du X" siècle : a, b, g. La branche
aurait eu une édition posthume à l'instigation de issue d' a (sa classe II) ressemble à la branche x de
Stilicon ou pour lui complaire (donc entre 404/ 405 Birt (en feraient partie R, P, mais aussi F 2 ) ; la
et 408, date de sa disgrâce et de sa mise à mort), branche issue de b (sa classe I) correspond à la
rassemblant les poèmes de Claudien qui concer- branche w de Birt; quant à g, il aurait donné nais-
naient ou pouvaient concerner le « régent>>, donc sance à trois manuscrits atypiques, G, F 3 et P 6 . Une
sans 0/. qui n'en parle pas, ni le De raptu, d'inspira- classe III résulterait d'une contamination des classes
tion mythologique. Tous nos manuscrits dérive- I et II. Mais, comme l'observe Hall (1986, p. 65),
raient de cette « vulgate officielle», dont l'agence- son stemma ne fonctionne pas vraiment et il est
mept aurait été parfois perturbé au moyen âge. souvent difficile de préciser la nature des relations
A partir de ces series,des variantes et des lacunes, que met en évidence l'analyse statistique. Dans une
Birt établit un stemma partant d'un archétype 0, à tradition aussi contaminée que celle de Claudien, il
deux branches principales dont les modèles x et y est difficile de raisonner en terme de stemma. Mais
remonteraient au VIe siècle, la branche y se subdivi- son choix de manuscrits est assez judicieux. Peut-
sant elle-même en w et z. Le meilleur témoin de la être peut-on lui reprocher d'avoir exclu N.
branche x serait R (S et RI' qui ne donnent respecti- La théorie de Hall (1985 et surtout 1986)
vement que c. min. 53 et 28, se rattacheraient à cette conteste la notion d'archétype. Il est difficile de
branche), l'autre témoin P étant contaminé par w. définir objectivement les fautes qui remonteraient à
Les meilleurs témoins de z seraient G et les Exc. Fl. ; l'archétype: Birt en relève 41, dont Scaliger n'avait
P 2 résulterait d'une contamination entre w et z. reconnu pour telles que 5 ! Hall n'en relève pas
Comme représentants de w, Birt a retenu N et~- plus d'une quinzaine, ce qui, rapporté aux
Au total, comme le remarque Hall (1986, p. 62), 7 000 vers environ du Claudianus maior, lui semble
le stemma de Birt ne diffère guère de celui de insuffisant pour prouver l'existence d'un archétype.
Jeep : les différences portent essentiellement sur la Aussi suppose-t-il que la plupart des poèmes de
place de G et S. Par ailleurs, Birt lui-même a été Claudien ont été « publiés » individuellement, soit
conscient des limites de ce stemma, compte tenu qu'ils aient fait l'objet d'une lecture publique (c'est
du caractère contaminé de la tradition manuscrite, le cas de la plupart des maiora), soit qu'ils aient été
et son choix des témoins est contestable et trop adressés individuellement à un ami ou persoi:nage
limité: pourquoi éliminer F2 et J, retenus à juste public (c'est le cas de beaucoup de minora). A par-
titre par Jeep, et retenir ~ (son A), du XV' siècle? tir d'un matériel flottant se sont constituées des col-
E. M. Olechowska (1978), dans la perspective du lections et des éditions antiques, selon des critères
De hello Gildonico, ne s'est occupée que des maiora, de choix et de classement différents qui se retrou-
dont elle a classé les manuscrits à partir de trois cri- vent dans les diverses series. Celles-ci ne peuvent
tères : l'ordre des poèmes, une analyse statistique s'expliquer à partir de I et B: pourquoi aurait-on
des variantes (concordances et divergences) et les remplacé un classement relativement cohérent (au
XLVIII INTRODUCTION INTRODUCTION XLIX

moins pour I) par un ordre chaotique ? Elles ne une édition posthume par les soins de Stilicon : le
pourraient pas non plus s'expliquer par des disloca- panégyrique d'Olybrius aurait fait partie d'un corpus
tions accidentelles. Mais Hall ne pense pas qu'il y ait de panégyriques et de poèmes de fête, dont le
eu une édition officielle voulue par Stilicon ( 1986, meilleur représentant serait la seriesVI qui l'aurait à
p. 69) : Stilicon n'aurait pas souhaité ou autorisé l'origine contenu ; par la suite, certains de ses repré-
une collection aussi inepte dans son arrangement sentants l'auraient perdu et inversement quelques
des minora, avec des poèmes obscènes ( c. m_in. 43- témoins des seriesI et III l'auraient inséré par conta-
44). En outre, en raison de contaminations à tous mination. En observant les données de la tradition
les stades de la transmission, les series, même si cha- médiévale, il constate l'existence d'un recueil de
cune remonte à une « édition ,, distincte, ne sau- minora seuls au VIIIe siècle (Ve) et un rameau carolin-
raient être considérées comme des familles au sens gien représenté par l'exemplaire de la bibliothèque
propre. Pour établir le texte, Hall s'est donc fondé impériale d'Aix-la-Chapelle, ancêtre du manuscrit
sur une méthode éclectique (ce qui le rapproche répertorié dans un catalogue de Lobbes qui lui-
bien souvent d'Heinsius), en sélectionnant des même serait à l'origine du manuscrit de Gembloux
témoins privilégiés dans chacune des series. (G, écrit entre 1021 et 1050) et des ExcerptaFrisingen-
P. L. Schmidt critique vivement l'éclectisme de sia (XIe s.) 59 . Cette branche de la tradition ne
Hall ; il lui reproche à juste titre de ne pas avoir regroupe que quatre œuwes : Ru/ l et 2 ; Eutr. l et
tenu compte de l'histoire de la transmission du 2 ; Cet. et Gild. (= REGG).
texte au moyen âge et d'avoir sous-estimé les possi- À partir de ces deux constatations indubitables,
bilités de modifications que des médiévaux ont pu Schmidt émet l'hypothèse d'une édition originelle
introduire dans cette transmission; en outre, Hall de Claudien en quatre parties :
a supposé, sans en apporter la preuve, un grand - le groupement REGG, c'est-à-dire les deux
nombre d'éditions distinctes de Claudien dans invectives et les deux épopées historiques, attesté
l'antiquité tardive, ce qui ne correspond pas à ce par le rameau carolingien dont G est issu 60 ;
qu'on sait des conditions d'édition à cette époque 58 • - les poèmes de fête, panégyriques (y compris Ol.)
Schmidt conclut (p. 398) qu'en se rattachant à Hein- et poèmes pour le mariage d'Honorius, groupement
sius (1650), la critique «postmoderne» telle que la dont serait témoin un catalogue de Cluny du XII' s.61 ;
pratique Hall, revient à la critique « prémoderne ».
Que propose-t-il? Il conteste l'hypothèse de Birt sur 59. Il ne fait aucun doute que ces quatre témoins appartien-
nent à un même rameau de la tradition. Mais il me semble hasar-
58. 1989, p. 414-5. Schmidt recense toutes les combinaisons de deux de vouloir établir des filiations, dans la mesure où les deux
series en associant les maiora et les minora, ce que Hall n'avait pas premiers ne sont pas conservés : on ne peut comparer le texte
fait: dans le système de Hall, on peut supposer que certaines que des deux derniers. Il pourrait s'agir de neveux ou de cousins,
combinaisons «hybrides» sont d'origine médiévale. Le stemma non nécessairement de fils.
reconstitué par Schmidt (p. 398), qui suppose 3 + 9 voies de trans- 60. Birt pensait au contraire que le ms. de Gembloux repré-
mission pour les maiora et 9 + 1 pour les minora, soit 13 au total, sentait un raccourcissement médiéval (hypothèse en soi non
est excessif. Schmidt juge invraisemblable, pour un auteur qui invraisemblable).
n'est pas Virgile, qu'un tel nombre de manuscrits de l'antiquité 61. Cité p. 409 : Claudianus de consulatibus uersifice. Ce titre
tardive soit parvenu au XIIe siècle ; on peut supposer des relais. correspond bien aux panégyriques, qui de fait concernent des
INTRODUCTION INTRODUCTION LI
L

- les Minora, qu'on retrouve seuls dans le plus Comment expliquer un tel accident dans la trans-
aucien ms. Ve (VIII" s.) ; mission manuscrite? Pour Schmidt, l'interpolation
- le De raptu 62 • appartient à la series I, où Gild. suit immédiatement
Ce n'est qu'au "'CIIe siècle, l' aetas claudiariea qui Ruf, et elle serait secondaire dans la series VI où les
fleurit d'abord en France, entre Paris et Orléans, poèmes sont rangés par ordre chronologique ( Gild.
que ces parties séparées auraient été progressive- y est loin de Ruf). Le groupement REGG aurait eu
ment réunies en corpus: d'où les 64 manuscrits du deux configurations : un ordre rhétorique et géné-
xne ou XIIIe siècle qui nous sont parvenus. Comme rique, attesté par G, qui serait originel, et un ordre
arguments en faveur d'une séparation originelle chronologique ; c'est cette seconde disposition qui
des maiora et des minora, Schmidt invoque l' exis- aurait été insérée dans la series VI63 . En considérant
tence de Ve, d'un grand nombre de manuscrits des globalement les series, Schmidt (1989, p. 406-7) en
maiora sans les minora, de certains groupements ori- arrive à un stemma qui fait dériver les series II et III
ginaux entre les series des maiora et des minora (I-C ; de la series I, et la series 1V de la series III. Mais com-
VI-B ; VI-C), et de deux series qui mêlent maiora et ment faire dériver la series 1V de la III qui elle-même
dériverait de la I (constituée au XII' s.) quand cette
minora.
En ce qui concerne le groupement REGG se pose series IV est représentée par le plus ancien manuscrit
le problème de la préface du deuxième livre de l' In des maiara après G : R ( début XII°), dont tous les
Rufinum. En effet, la majorité des manuscrits la éditeurs modernes reconnaissent l'excellence (ce
place devant le De bello Gildonico et l'on y lit au v. 12 qui permet de supposer qu'il remonte à un état du
Gildonis au lieu de et Geticam. Or cette préface texte meilleur que celui de la series I) ? Schmidt lui-
concerne manifestement Rufin et non Gildon. même reconnaît (p. 407-9) que les rares manuscrits
qui ont pr. Ruf 2 à sa place sont de qualité ; il en
déduit que le déplacement de cette préface est
consulats, mais n'inclut pas les poèmes de noces. Si l'on suppose
qu'il est elliptique, pourquoi le ms. en question n'aurait-il pas récent. Mais, étant donné par ailleurs la qualité de
contenu, outre les poèmes de noces, les invectives ou les deux la series VI (notamment dans la conservation de cer-
épopées politiques ? Par ailleurs, Schmidt suppose que la place tains vers : voir plus loin), ce déplacement ne sau-
d'Ol. à la fin de deux manuscrits de la series VI serait due à une rait être trop récent. Et la qualité des témoins qui
influence française, ces deux manuscrits étant d'origine fran-
çaise. Mais si, comme il le dit, c'est la series I qui représente la
vulgate française, comment cette vulgate, qui n'a pas Ol., a-t-elle 63. P. 405. Mais tous les mss. de la series VI ont l'interpolation
pu influencer sur ce point la series VI? . de cette préface devant Gild. Elle semble donc originelle et non
62. Sur la transmission indépendante du De raptu, tous les en- secondaire. Par ailleurs, on pourrait supposer que le groupement
tiques sont d'accord, sauf Jeep. Cette indépendance, qui ressort REGG, dans son ordre rhétorique, ait été défait lors de son inté-
de l'examen de la tradition manuscrite, est confirmée par le gration dans les panégyriques et poèmes de fête de la series VI,
témoignage des catalogues carolingiens (Schmidt 1989, p. 399). dont l'ordre est chronologique: cette intégration se serait faite
Comme indice de cette quadripartition originelle de l'œuvre de conformément au principe (chronologique) du recueil le plus
Claudien, Schmidt cite, avec prudence, un catalogue de Bobbio important. En outre, si, comme le dit Schmidt après Hall, les
du IXesiècle où on lit : libros claudiani poetae quatuor. Mais ce variantes de la series VI sont souvent proches de celles de G, c'est
témoignage doit être utilisé avec circonspection : rien ne prouve un signe que cette series remonte à un état du texte antérieur à
qu'il renvoie à un Claudien complet en quatre volumes. celui qu'attestent nos témoins de la series I.
INTRODUCTION INTRODUCTION LIii

ont à la fois pr.Ruf 2 à sa place et un ordre des raient venir soit de la seriesII (L, analogue au cata-
poèmes spécifique ( seriesII, IV, certains témoins de logue annexé à K), soit d'un témoin plus complet
III-V; G) incite plutôt à penser qu'ils représentent de la seriesIV, qu'il a contaminé avec un modèle de
d'autres rameaux de la tradition que la seriesI. la seriesI. C'est aussi un phénomène de contamina-
Pour les panégyriques et poèmes de fête, Schmidt tion qui doit expliquer la présence de ces deux
examine les vers qui n'ont été conservés qué par un vers dans la marge de P 6 , manuscrit de la seriesI.
petit nombre de manuscrits et en déduit la valeur Une nouvelle fois est mise en évidence la valeur
de la series VI (p. 409). Mais l'examen de ces vers des seriesII, IV, VI qui ne sauraient dépendre sur ce
peut aboutir à une autre conclusion : point de la series I qui nous est parvenue (vulgate
- 4 cons. 14: LN q dans le texte; K F 3 F5 J P 6 en interpolée et mutilée). Au sein de la series VI, F5
marge; semble représenter le meilleur témoin ; or il place
- 4 cons. 315: LA q P 10 dans le texte; K F3 F 5 J N OZ. après les maiora, ce qui constitue une nouvelle
P 6 W en marge; objection à l'hypothèse de Schmidt selon laquelle
- 4 cons. 432 : Ise ; ce panégyrique aurait originellement appartenu à
- 4 cons. 509 : Ise ; F5 en marge ; la seriesVI, entre Ruf et 3 cons.
- 4 cons. 636-637 : seule Ise a les deux vers. La critique des positions de Schmidt amène à
Si l'on met provisoirement à part le cas de une synthèse entre les deux thèses apparemment
l'Isengriniana, dont l'authenticité du témoignage contradictoires de Birt et Hall, en tenant compte
( au moins dans le dernier passage) a été mis en de l'examen de la transmission médiévale sur
cause par Heinsius 64 , on constate que les deux pre- laquelle Schmidt a eu le mérite d'attirer l'atten-
miers vers sont donnés non seulement par des tion : le nombre de seriesréellement individualisées
témoins de la series VI (N q J F 3 F 5 ), mais par est moins grand que ne l'avait cru Birt, suivi par
l'unique témoin de la seriesII (L) et par K, manus- Hall.
crit de la series I, mais contaminé par la series IV-E L'hypothèse d'une édition officielle et posthume
(ses minora le prouvent). Or 4 cons. n'est pas des poèmes politiques et de circonstance de Clau-
conservé sur R, seul témoin ancien direct de la dien émise par Birt paraît hautement vraisem-
seriesIV. Les deux vers supplémentaires de K pour- blable. Elle explique l'absence du Panégyrique d'Oly-
brius, seul panégyrique officiel non commandité
64. On notera les liens entre l'Isengriniana et F 5 • Or ce par Stilicon. L'association des carmina minora aux
manuscrit se trouvait à Bâle en 1509, comme le prouve son ex- << grands » poèmes officiels ne surprend qu'à pre-
libris (voir catalogue des mss.) et il a été vendu à Genève en
1632. Il y a de grandes chances pour que Bentinus l'ait utilisé en mière vue, car certains d'entre eux ont une portée
préparant l'lsengriniana qui sera publiée après sa mort à Bâle, politique (Ser. = c. min. 30), et le fait de leur pré-
en 1534. Les vers particuliers que Bentinus y a lus l'auraient-ils fixer la pièce 3 des Fescennins, tout entière à la
poussé à conjecturer ailleurs ( 4 cons. 432 et 636-7) des lacunes, et gloire de Stilicon, transforme ces pièces de circons-
à les combler? L'hypothèse de Schmidt (p. 404) selon laquelle
l'un des mss. utilisés pour l'Isengriniana aurait présenté le grou-
tance en une célébration des temps de Stilicon.
pement REGG-rapt (comme à la cour d'Aix-la-Chapelle) est gra- Hall insiste sur l'aspect disparate du recueil des
tuite. minora. J'y reviendrai dans le quatrième volume ;
LIV INTRODUCTION INTRODUCTION LV

mais des maladresses étaient inévitables dans une Honorio Augusto a Serena) et qu'avec Cameron et
édition posthume. Ces maladresses montrent que d'autres je crois authentique 65 .
Claudien n'est pas lui-même l'auteur du corpus Reste que l'interpolation de pr. Ru/ 2 devant Gild.
transmis par la series A-B. Mais il est impensable, doit être, comme nous l'avons vu, fort ancienne.
politiquement, qu'nn tel recueil, placé par sa pre- Comme P. L. Schmidt,je pense qu'elle s'explique au
mière pièce sous le patronage de Stilicon, ait été sein de la se ries I, oû l' In Rufinum est placé juste
constitué après 408 (voir supra). Le barbare Stili- avant le De bello Gildonico. Le rapport de cette pré-
con était-il suffisamment cultivé pour être choqué face avec le second livre Contre Rufin n'étant pas
par certaines disparates de ce recueil ? J'en doute. (apparemment) très étroit, on a pu être tenté de la
Seul comptait pour lui l'impact politique d'une faire glisser, en l'adaptant, devant le De bello Gildonico
telle publication à sa gloire, qui représentait pour qui n'avait pas de préface. Cette interpolation est
lui le seul moyen d'occuper encore le monde cul- antérieure à la constitution de la series VI qui,
turel de l'aristocratie après la mort de son chantre. comme nous le verrons ci-dessous, est un remanie-
Je pense donc que Stilicon a voulu la publication ment de l'édition officielle (series I et A/B). Ainsi
de ce recueil, et qu'il a dû le vouloir vite après la s'explique le déplacement de cette préface dans une
disparition de Claudien. Cette précipitation expli- seriesqui dissocie l' In Rufinum et le De bello Gildonico.
querait certaines incohérences de la « vulgate » des Comme Hall, je crois qu'on ne peut pas expli-
minora. Quant aux poèmes obscènes, il faut une quer toutes les autres series par des dislocations de
sensibilité post-tridentine pour y prêter attention : cette édition: l'ordre des minora et la présence en
Catulle, Martial, Ausone en ont écrit; et Claudien leur sein d'autres poèmes (authentiques ou inter-
lui-même, dans la quatrième pièce des Fescennins polés) ainsi que la valeur des témoins conservés de
écrits pour le mariage du dévot Honorius, n'a pas certaines de ces series plaide pour une origine
craint d'évoquer de façon crue le dépucelage de la antique distincte de la vulgate officielle. En marge
jeune épouse. Pourquoi Stilicon aurait-il prêté de celle-ci, puisque chaque poème de Claudien a
attention à deux épigrammes obscènes dans la tra-
dition de Catulle, Martial et Ausone ( c. min. 43-
65. Hall lui-même (1985, apparat ad lac., p. 416) écrit: carmen
44) ? Pourquoi s'en serait-il offusqué ? Le caractère Jortasse genuinum. Je reviendrai en détail sur les particularités de
officiel de cette édition explique le caractère domi- la tradition manuscrite des minora dans l'introduction au t. IV.
nant des series I et B dans les témoins qui nous sont Outre les réserves déjà faites, je conteste le stemma de
parvenus, ce dont Schmidt ne tient pas compte. P. L. Schmidt (place de F; curieuse filiation A-B : je vois l'in-
verse), sa reconstitution de la series C ou la prééminence de K
Mais cette vulgate à la gloire de Stilicon a dû s' ac- (manuscrit contaminé) sur R dans la series E. En revanche,je suis
compagner d'une censure politique et a pu négliger pleinement d'accord avec lui sur le fait que la series A-B ne sau-
certaines pièces de circonstances (alors disper- rait être considérée comme la meilleure ni comme l'étalon de
sées?). C'est pour des raisons politiques que j'ex- l'authenticité des minora. D'autres series peuvent contenir des
poèmes authentiques et seul un examen au cas par cas fondé à la
plique l'exclusion d'une pièce comme c. min, fois sur des critères codicologiques, métriques, linguistiques et
app. 4 (De zona a Serena Arcadio Augusto missa), qui stylistiques peut permettre de trancher. Pour moi, le corpus des
est le pendant de C. min. 48 (De zona equi regi.imissa minora est un corpus ouvert (Charlet 1989, p. 22-24).
INTRODUCTION LVII
LVI INTRODUCTION

circulé après sa lecture ou sa déclamation dans la


crits, cinq donnent les minorai dont quatre selon
la series B. Pour les maiora, leur arrangement est à
bonne société, ont pu se constituer dès l'antiquité
ou dans le haut moyen âge d'autres collections peu près chronologique. Hall (1986, p. 68) estime
invraisemblable que ce travail ait été fait au
dont nous voyons des traces dans certains manuS-
crits parvenus jusqu'à :Oous. Encore faut-il sou- moyen âge. Ce serait plausible, du moins pour
l'époque carolingienne, puisqu'on décèle plu-
mettre à un examen critique toutes les series
décrites par Birt et acceptées par Hall. sieurs inexactitudes dans ce classement approxi-
Tout d'abord, le fameux Lucensis dont sont issus
matif (Ruf avant 3 cons.; Theod. avant Gild.). Mais
la qualité des témoins qui la représentent (notam-
les Exempta Florentina est à rattacher à la vulgate :
pour les mawra, seul le De bello Gildonico avait été ment pour 4 cons.) incite à voir en elle un rema-
niement antique de la series I. Ce rameau isolé,
déplacé pour être associé à l'autre épopée politique
( Get.). Pour les minora, la prétendue series A ne se
que j'appellerai classe lb, dépend d'un meilleur
original que les actuels représentants de la series I
distingue de B que par l'adjonction d'un fragment
de l'Aetna en tête du corpus et, en avant-dernière (= classe la).
En revanche sont nettement caractérisées comme
positi:>n, de deux vers qu'on ne retrouve que dans
la smes E et le catalogue de la series F ( c. min. 52) 66 . indépendantes de la vulgate les series suivantes :
- Classe II, qui correspond à la series II de Birt.
La première adjonction est une interpolation
médiévale ; la seconde prouve que le Lucensis (ou sa Aux maiora mentionnés plus haut ( qui intègrent
Gig.), L n'ajoute que deux minora (25 et 32). Mais,
source) a été contaminé par un témoin de la series
E ou d'une autre branche de la tradition 67 . étant donné la très grande ressemblance de cette
0
series avec le catalogue contenu au f 124 de K
La series VI ne me semble pas indépendante de
la vulgate (~ classe 1)68 • Sur ses quatorze manus- (après rapt., même série des maiora incluant de
façon originale Gig. entre Get. et Stil. ; la seule dif-
férence consiste dans l'inversion finale de Theod. et
66. Mais, sur le ms. collationné par Gyraldus, c. min. 52 se
trouvait après 44, comme dans la seriesE. 6 cons.) et le fait que L fasse suivre le dernier
~ 67. P?ur Schmid: a~ssi le Lucensis perdu (ou l' antiquus B) poème majeur de !'Épithalame de Palladius
r~sul~e dune contammatmn (p. 412). Mais je ne suis pas sûr qu'il ( c. min. 25) qui précisément ouvre la series F (et
ait ra.1son, contre Hall (1986, p. 36-37) et Birt (p. LXXXVI), d'estimer
elle seule) des minora, on peut supposer que le
les Exc. Gyr.supérieurs aux Exc. Fl. (p. 400-2). Les annotations de
Gyraldinus ne proviennent pas toutes du Lucensis et certaines sont
catalogue conservé dans K correspond à la même
des conjectures. Par ailleurs l'attribution par Gyraldus de ce manus- classe que L, mais que dans ce dernier on a consi-
crit à Pétrarque n'est pas matière de bréviaire. Les bonnes leçons dérablement abrégé les minora, en ne retenant que
conservées par les Exc. Fl. (essentiellement dans l'Jn Rufinum le premier de la série et le poème chrétien De
d'après Birt et Hall) prouvent qu'il dérive d'un témoin fort ancien
Saluatore ( c. min. 32). Les liens évidents entre le
de la seriesI-B, ou qu'il a contaminé un représentant de cette series
par un excellent manuscrit d'une autre sedes (E ?) ; mais certaines recentior V4 et les deux series II et F confirment cette
de ses leçons peuvent être de simples conjectures humanistes. hypothèse : V 4 est un manuscrit contaminé qui
68. J'emploie le terme de «classe», et non de «famille», en dépend pour une part d'un manuscrit de ce que
raison de la contamination généralisée de la tradition manuscrite j'appelle la classe Il.
de Claudien.
LVIII INTRODUCTION INTRODUCTION LIX

- Classe III : le cas des series III et V doit être tion semble donc avoir travaillé sur les matériaux
examiné ensemble. En effet, la series V n'est repré- donnés par la vulgate et d'après elle, sauf pour les
sentée que par W et, pour les maiora, elle ne dif- éléments VIII et IX de Birt, communs avec la
fère de la III que par le rejet à la fin des poèmes series E. Mais il en va autrement pour les maiora,
de mariage (Jesc. et nupt.), que la series III intercale dont l'ordre est, lui, indubitablement original. On
entre !'In Rufinum et le De hello Gildonico. En peut donc supposer l'association d'un témoin origi-
revanche, pour le reste, l'ordonnancement est nal pour les maiora avec une réorganisation volon-
identique, avec la même intercalation originale et taire, mais limitée, de l'édition officielle des minora.
significative (du moins dans une branche de la Pourquoi ne pas supposer un simple remaniement
series III) de minora entre le Panégyrique de Theodorus volontaire de l'ensemble de la vulgate? L'absence
et le De hello Getico. En outre, sur les sept témoins de certains vers en 4 cons. pourrait aller en ce sens.
anciens de la series C, six donnent aussi les maiora, Mais l'analyse des problèmes liés à la préface du
et cinq d'entre eux selon la series III [exception F 4]. deuxième livre de !'In Rufinum s'y oppose 71 . Sur les
Il y a donc un lien entre series III et C, même si les huit manuscrits qui ont cette préface à sa vraie place
effets de la contamination nous obscurcissent un avec la bonne leçon, deux seulement appartiennent
peu la vue. Or, pour les minora, l'ordre de W est à la series I (P 3 et F9 , ce qui peut s'expliquer par un
très proche de celui de la series C. Il est donc licite travail critique ou une contamination) ; les autres
de supposer que W ne représente qu'un léger appartiennent aux seriesII (L = classe II), III-V (F2 L3
remaniement des series III et C, et non pas une W = classe III), IV (R = classe IV), ou il s'agit du
series originale et autonome 69 . Nous grouperons manuscrit atypique G (= classe V, voir infra). La
sous le nom de series Illb les manuscrits qui regrou- source de l'erreur est donc dans la vulgate et les
pent tous les minora. series qui représentent des classes distinctes en
Reste à déterminer si cet assemblage des series III remontant à des éditions indépendantes ont, sauf
et C constitue bien une classe. En effet, la series C contamination, conservé la bonne leçon et la bonne
pourrait n'être qu'un remaniement critique de la place. Donc, pour les maiora, la series III (à laquelle
series B : le corpus est le même, moins la troisième il faut lier V) remonterait bien à une édition indé-
pièce des Fescennins, induement placée en tête de pendante et on peut en faire une classe. En
la vulgate et qui pourrait avoir été par la suite revanche, nous trouvons là une confirmation que la
expulsée. Pour le reste, on a quelques déplace- seriesVI ne représente pas une classe indépendante,
ments de groupes, mais à l'intérieur de chacun des mais un simple remaniement de la vulgate.
groupes l'ordre des pièces est presque toujours res- - Classe IV : le manuscrit R, le plus ancien après
pecté 70 . Pour les minora, le responsable de la collec- G pour les carmina maiora, présente à la fois un

69. Schmidt 1989 (p. 403) est arrivé, de son côté, à la même 71. Hall 1986, p. 70-71, présente une autre explication. Même
conclusion. si son explication du déplacement de cette préface n'est guère
70. Le tableau général de Birt (p. CXXXV)le fait bien appa- vraisemblable (cf Schmidt 1989, p. 407), il n'en reste pas moins
raître. Les seuls déplacements à l'intérieur d'un groupe concer- que cette interpolation est caractéristique des seriesI et VI (ma
nent les pièces 20 à 29, et 30-32 sont en ordre inverse. classe la et lb).
LX INTRODUCTION INTRODUCTION LXI

ordre ( series IV et E) et un choix de poèmes origi- toutes les autres : par exemple, pour Ruf 2,375 sa/-
naux : certains maiora manquent ; certains minora tus / siluas; 417 cadit / perit; 433 œrtant / flagrant.
aussi; en revanche il en contient d'autres qu'on ne Mais, étant donné la contamination horizontale
lit pas dans la vulgate. Quelle que soit l'authenti- des manuscrits, de tels cas sont très rares.
cité de ces _t>oèmës, ce manuscrit atypique reflète À ces cinq classes, il faut en ajouter une autre,
une édition originale, ce qui peut expliquer, attestée seulement pour les minora. Le manuscrit
comme dans la classe II ( series F), la présence de Ve (VIII' s.) ne donne qu'une collection de minora
ces poèmes originaux : une édition atypique peut, dont l'ordre (series D) et les choix sont originaux.
par erreur, inclure des poèmes d'un autre auteur ; Sa situation est donc comparable à celle de R, mais
mais elle peut aussi avoir conservé des poèmes uniquement pour les minora. Il représente une
exclus de l'édition officielle ou oubliés par elle. sixième classe, limitée sans doute à une édition des
Les copistes des manuscrits contaminés K et P 8 (ou minora. L'éditeur viennois Camers (1510) a eu
de leurs modèles) ont eu accès à un témoin de accès à un témoin apparenté à cette classe, puis-
cette classe. On arrive à la même conclusion pour qu'il a le premier imprimé deux poèmes ( c. min.
P quand on examine ses leçons et variantes. app.l et 2) qui ne figurent actuellement que dans
Pour les maiora, nous avons vu que le plus ancien Ve. Le cas particulier des manuscrits S (pour Gig.),
témoin conservé G, qui donne une collection aty- S 1 et Pa (pour c. min. 14 var.), V1 (pour c. min. 32),
pique 72, est apparenté au manuscrit de la cour d'Aix- ~ (pour c. min. 28) et ~ (pour c. min. 12) sera
la-Chapelle, à celui du catalogue de Lobbes et aux examiné dans l'introduction du tome IV.
Exc. Fris. Il représente une des branches de la tradi- En ce qui concerne les maiora, ma méthode s'ap-
tion du texte à l'époque carolingienne, remontant parente à celle que j'ai mise en œuvre dans le pre-
probablement elle aussi à une édition antique, mier tome: j'ai retenu au moins un témoin de cha-
comme le montrent ses leçons et ses orthographica, cune des cinq classes concernées et tous les
et doit être considéré comme la classe V. manuscrits qui, après examen approfondi, m'ont
Si l'on se fonde sur l'examen des leçons, cer- semblé nécessaires à l'établissement du texte,
taines affinités se dégagent entre G et R (classes V notamment ceux qui peuvent, par leur contamina-
et IV) d'une part, L F 2P (classes II et III) d'autre tion, contenir des traces de certaines classes mal
part. Si la vulgate ( classe I) correspond bien à une attestée ou même non attestées pour certains
édition posthume et les autres classes à des groupe- poèmes.
ments de textes ayant circulé après récitation du
vivant de Claudien, on ne peut exclure que cer- Manuscrits retenus dans l'ordre de citation:
taines leçons soient des variantes d'auteur (ou G ( = C Birt; G Hall) : Bruxelles, Bibliothèque
d'éditeur), notamment quand la classe I s'oppose à royale 5381, entre 1021 et 1050 (provenance:
Gembloux). 33 vers à la page. Du f'4lv au f'91
72. L'assemblage des deux invectives avec les deux épopées poli-
contient Ruf, Eutr., Cet., Gild. (classe V).
tiques était d'autant plus tentant que les seconds livres des deux P 2 (= P Birt): Paris, Bibliothèque Nationale, lat.
invectives sont en réalité des épopées historiques (voir supra). 8082; XIII° (a appartenu à Pétrarque). 104 f. de
LXII INTRODUCTION INTRODUCTION LXIII

40 vers à la page ; contient rapt. (classe b), puis emi Genevae 1632 ». Source probable de l'Isen-
c. mai. selon la series I (classe Ia); Ruf 2,55-115 griniana.
se lit deux fois, la seconde, après Ruf 2,42 J (= Vo Birt; J 3 Hall) : Leyde, Bibliotheek der Rijksu-
(=P'2). niversiteit, Voss. lat. O. 39 (précédemment 294) ;
K (= M Birt; K,, Hall) : Milan, Biblioteca Arnbro- première moitié du XIII' (origine française?). 132
siana M 9 sup.; XII-XIII' (vient d'Avignon). 31 à f. de 37 vers à la page. Contient c. mai. selon la
36 vers à la page. Du f'l à 102v (écrit par un seriesVI (classe lb), avec Ol. inséré entre Ruf et 3
Andreas; un cahier de quatre feuillets déplacé) cons. ; c. min. selon la serie, B ; rapt. (classe a).
contient c. mai. selon la series I (classe la) ; du N (= B Birt; n 1 Hall) : Naples, Biblioteca Nazionale
f'l03r à 12lr (écriture différente?), c. min. de IV. E. 4 7 ; fin Xff ( origine italienne). 80 f. de 4 7
la series E légèrement modifiée (voir supra) ; du à 49 vers à la page. Contient c. mai. selon la
f'l2lv à 123v, c. min. 24, 21, 19, 2 à 17 (tirés de series VI (classe lb), avec Ol. inséré entre Ruf et
la series B) ; f 124 catalogue des œuvres de
0
3 cons. ; puis c. min. 32.
Claudien ( rapt. ; c. mai. selon la series II légère- L ( = Bs Birt) : Londres, British Library Burney
ment modifiée ; c. min. selon la series F, incluant 167; XIII'. 111 f. de 33 vers à la page. Contient
O[). c. mai. selon la series II ( classe II), puis c. min. 25
P 6 (= Ho Birt; P 10 Hall) : Paris, Bibliothèque Natio- et 32.
nale, lat. 18551 ; XII-XIII' (vient de la biblio- F 2 (= L Birt) : Florence, Biblioteca Medicea Lau-
thèque Jacob Saint-Honoré). 38 à 41 lignes à la rentiana, S. Marco 250; XII-XIII" (origine ita-
page. Contient c. mai. selon la series I ( classe la) lienne? a appartenu à Niccolô de' Niccoli). 133
avec des lacunes : manuscrit mutilé qui com- f. de 36 vers à la page. Contient c. mai. selon la
mence à Ruf 1,323 et s'arrête à Cet. 367 au series III (classe IIIa) et c. min. selon la series C ;
f'70v. puis rapt. (classe b) .
F3 (= Cl Birt; F Hall) : Florence, Biblioteca Medi- P : Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 18552; XII-
cea Laurentiana, Acquisti e Doni 672 (aupara- XIII' ( originaire de la région de Beauvais ? a
vant, Cheltenham, collection Philipps 16304) ; appartenu à Antoine Loisel, puis à la biblio-
XII-XIII' ( origine italienne). 71 f. de 45 vers à la thèque de Notre-Dame). 42 f. contenant deux
page. Contient c. mai. selon la seriesVI (classe colonnes de 50 vers chacune. Contient c. mai.
lb), avec Ol. inséré entre Ruf et 3 cons. ; s'arrête selon la series III (classe IIIa) et c. min. selon la
à Cet. 311. series C.
F 5 (= FI, F Birt; F 17 Hall) : Florence, Biblioteca R (= V Birt) : Vatican, lat. 2809 ; début XII' ( origine
Nazionale Centrale, Magl. cl. VII 144; début française selon Bischoff, italienne selon M. Fer-
XIII' ( origine française ?) . 92 f. de 37 à 40 vers à rari). La première partie (f' 1-39, scriptura caro-
la page. Contient c. mai. selon la seriesVI (classe lina ; deux colonnes de 44 vers chacune à la
lb), puis Ol. etc. Min. 32 et 50. Porte l'ex-libris page, sauf le premier f', de trois colonnes, qui
"Jani Alialdi Massilianensis Galli Basileae Raura- remplace un f perdu) contient c. mai. et min.
0

corum Anno 1509 >>, puis « Ioannes Pricaeus selon les series IV et E ( classe IV) ; certaines
LXIV INTRODUCTION INTRODUCTION LXV

lacunes (parties effacées du f' 5r à 19r) ont été non spécifiées) qui ont été collationnés (= exc.
complétées au XV' s. (selon A. Campana, par Pie- FI.a, exc. F1.b).A la fin de Ruf 2, on lit en marge:
tro Odi da Montopoli, successeur de Valla au stu- "in antiqua .B. [= exc. Fl.b] sequitur liber In Eutro-
dio de Rome et professeur de Pomponio Leto) '= pium Semiferos artu.s etc et hoc elegidion pr( a)ecedit
Rmr. La second~ (f' 40-71, milieu XV") etla troi- librum Jam post domitas "· Et comme à la fin de
sième (f' 72-81, début XV') parties (R,6 Hall) ont Cet. on lit "Explicit de hello gotico. Incipit de bello
été réunies à la première par Odi (donc avant Gildonico », l' antiquus B s'apparente donc à G
1463, date de sa mort) et contiennent respective- (ordre RECC) et pourrait être le fruit d'une
ment 01., 3 cons., 4 cons., fesc., Cet. [omis, sauf contamination entre les classes I et V. Devant
fesc., dans la première partie], et rapt. (descrip- Cild. (dans l'ordre de Vic), l'annotateur a écrit:
tion détaillée chez Hall 1986, p. 23-25 et 27). (< hinc emendatus cum b tantum ». Mais les colla-
Exc. Fl. (= E, Em Birt) : exemplaire de l' editio j,rin- tions ou corrections sont inexistantes pour Gild.
ceps ( Vic, 1482) actuellement conservé à la Elles reprennent avec Eutr. (avec des signes de
Biblioteca Nazionale de Florence (A. 4. 36) renvoi et parfois la croix) et concernent aussi les
contient la collation de plusieurs mss. par plu- 25 premiers vers d' Ol. Les c. min., qui ne figu-
sieurs mains. Cette collation commence à Ruf l : raient pas dans la Vicentine ont été transcrits sur
on lit en marge à la hauteur du v. 20 « Hinc coepi des feuillets originellement reliés à ce volume
con/erre cum uetustissimo codice amici cuiusdam (voir Flor). Heinsius attira l'attention sur cette
Lucensis geminis punctis . . nota tuens quae illinc collation. Voir Birt, p. LXXXII-XCII ; F.R.D. Goo-
ernendabo». On trouve donc à partir de ce vers dyear, éd. de l'Aetna, Cambridge 1965, p. 6 sqq.;
des collations ou corrections avec . . (= exc. Fl..) Hall 1986, p. 121-8; P.L. Schmidt 1989, p. 400-2.
et d'autres sans les deux points (= exc. Fl.). Les Exc. Gyr. (= e Birt) : collation probablement de la
premières donnent des variantes souvent com- même source que le précédent (un uetustissimum
munes avec G, parfois avec R ; les secondes sont exemplar transmis par un certain Aeneas Gerardi-
plus difficiles à caractériser, même si elles s'ac- nus) reportée par Gyraldus (Giglio Gregorio
cordent parfois avec N, F2 ou F 5. Mais au v. 252, Giraldi) sur un exemplaire de l'édition aldine
on lit en marge : « ubi erit hoc sig;num [une croix (Venise 1523) actuellement conservé à Leyde
qui accompagne les deux points pour la variante (Bibl. univ. 757. G. 2). En 1579, cet exemplaire
trunca ; = exc. Fl.t J in antiqua dubia fuerit lectio fut acquis par Livineius qui, en 1581, ajouta ses
de/.etis aliquando uerbis ab improbis emendatoribus ». propres collation,' (probablement à partir de R,9 ,
Ce qui signifie que ce «vieux>> ms. a été annoté copie de R et d autres sources ou conjectures).
et corrigé par plusieurs mains (médiévales ou Voir Birt p. LXXXV-XCI; Hall 1986, p. 129 ; P. L.
humanistes?) ; il pouvait donc contenir des Schmidt 1989, p. 401-2 et 1992, p. 654.
leçons provenant d'autres mss. ou des conjec- Exc. Fris. : extraits de Ruf, Eutr., Cet., Cild. conte-
0
tures. À partir de Ruf 2,10 apparaît le sigle a; nus aux f 116-7 du ms. Munich, Bayrische
puis, à partir du v. 18 le sigle b. Ce sont donc au 1 Staatsbibliothek 6292 (XI' s.), apparenté à G
moins deux mss. (sans compter les corrections i (classe V). Voir Jeep 1874; Birt, p. CLXXV.
1
INTRODUCTION LXVII
LXVI INTRODUCTION

tian Philipps 9155); fin Xff (origine italienne,


Fior. Gall. : florilège représenté par plusieurs mss.,
généralement d'origine française (dont Par. lat. étroitement lié à N). II + 74 f. de 43 vers à la
page. Contient c. mai. selon la series VI, Ol.
764 7 et 17903, Arras 65, Escorial Q. I. 14,
([° 3v-7r) et c. min. 32.
Oxford Bodl. Add. A. 208) ; XII' s. ; voir
F3 ( = Cl Birt; F Hall ; F2 Taegert) : voir supra. Ol. :
J. Harnacher, Fiorilegi,um Gallicum, Frankfort am f' llv-14 v.
M. 1975. F5 ( = F Birt; F 17 Hall ; F 3 Taegert) : voir supra. 01. :
Les manuscrits G et R ne donnant pas le texte f' 89r-92r.
(difficile) de 4 cons., j'ai ajouté pour ce_poème à J (= Vo Birt; J, Hall ; L 1 Taegert) : voir supra. Ol. :
ma sélection le manuscrit g décrit plus lom. [° 13r-16v.
J6 ( = Ld Birt ; L2 Taegert) : Leyde, Bibliotheek der
La tradition manuscrite du Panégyrique d'Olybrius Rijksuniversiteit, BPL 116; XIII'. 88 f. de 42 vers
à la page. Contient c. mai. selon la series I, avec
Le Panégyrique d 'Olybrius et Probinus occupe une 0/. inséré entre Eutr. I et II ([° 24v-27v).
position originale dans la ~radition manuscrite de Z (= T, Tu Birt; z1 Hall) : Zürich, Zentralbiblio-
Claudien 73 . Il n'est transmis que par un nombre thek, Car. C 134 ; XIII'. 80 f. de 39 ou 40 vers à
relativement restreint de manuscrits: 20, dont 12 la page. Contient c. mai. selon la seriesI, puis 0/.
antérieurs au xve siècle : ([° 77r-80r).
Ar (= R, Ars Birt ; q Hall) : Arras, Bibliothèque F4 ( = L, St Birt; F3 Hall; F 1 Taegert) : Florence,
Municipale 438 ; fin XII° (provenance : Samt- Biblioteca Medicea Laurenziana, 33. 4; Xl!F. 157 f.
Vaast). 67 f. de 42 à 49 vers à la page. Contient de 31 vers à la page. Contient c. mai. selon la
c. mai. selon la series III jusqu'à Theod. compns, seriesVI, puis c. min. selon la series C var. incom-
puis 0/. (fO 65r-67r), dont le texte est mal plète (31, 30, 2-9, 13-19, 21, 23-26, 28, 32, 22, 33-
conservé : 60 premiers vers perdus ; passages 51, 53), puis 0/. ([° 135r-139r) et rapt. (classe b).
mutilés. Pm (= P, Pm Birt, P Taegert; Z Hall) : Parme,
N (= B Birt; n 1 Hall) : voir supra. Ol.: fO llv-14v. Biblioteca Palatina 2504 ; XIII' (pour la première
q (= Ct Birt; Ab Taegert) : Nat10nal L1brary of partie). 95 f. de 40 à 42 vers à la page. Contient
Wales 21589 C (auparavant, Cheltenham, collec- rapt. (classe c), c. mai. selon la series I, puis 0/.
([° 92v-95v). La seconde partie (20 f., XV-XVI')
73. Birt, p. CLIX--CLXII; J.B. Hall, dans L. D. Reynolds, Texts ~"}d contient c. min. selon la seriesB.
Transmission. A Survey of the Latin Classics, Oxford 1983 (reed. A ( = W Birt ; A, Hall ; An Taegert) : Anvers,
1986), p.143-5; et 1986, p.109-11; W. Taege:t, _1988_-p. 53-61; Museum Plantin-Moretus, M 17. 1 (Denucé
contra P. L. Schmidt 1989 (voir supra). Le succes 1mmedrnt ~e. ce 193) ; XIV". 96 f. de 44 vers à la page. Contient c.
panégyrique (voir supra) explique_ :iu'il a_it eu :1ne tran!1:11ss10n
propre, en particulier dans les m1be~x se~atona1:1~ chreuens. Il mai. selon la seriesVI, avec OZ. inséré entre Ruf
est mentionné sous le titre panagencus [sic] amcwrum dans le et 3 cons. ([° llv-14v) et rapt. (classe c) après 6
catalogue donné au f" 124 (v) de K, au milieu_ ~es c. ~in. cons. Une seconde partie du XVI' s. (21 f. de
(seriesF) : c'est une preuve supplémentaire de sa p~s1t1,o_n_ particu- papier) contient c. min. selon la seriesB.
lière, à l'écart des autres panégyriques qui parlent ae St1hcon.
LXVIII INTRODUCTION INTRODUCTION LXIX

F (= F Hall· F Taegert) : Florence, Biblioteca rentés par cette lacune et dérivent d'un même
9 21 ' 4 e
Medicea Laurenziana, San Marco 245 ; XIV archétype fautif, qui serait le manuscrit retrouvé en
(v. 245-79: XV'). 76 f. de 48 lignes à la page. Italie au xne siècle. Mais si ces quatre vers sont
Contient c. mai. selon la series I, pnis Ol. (f' 73v- interpolés, l'hypothèse d'une origine commune
76r). devient beaucoup plus improbable, car le nombre
de fautes ou de corruptions communes est infime :
En outre, il s'insère, parfois d'une autre main, à - l'orthographe du nom du frère de Probinus:
des places variables dans la série des autres poèmes Olimbrius au lieu d' Olybrius (v. 30 et 243) ;
politiques de Claudien, souvent dans la series VI. Il - peut-être une corruption aux v. 49-50 (mais un
semble donc avoir d'abord été transmis individuel- texte plausible peut être établi à partir des manus-
lement, avant d'être intégré au corpus des Carmina crits) ;
maiora à une date relativement tardive (XII° s. ?) . - peut-être au v. 208, où Gronovius a corrigé en
J.B. Hall suppose qu'un exemplaire de ce panégy- tonuerunt la leçon des manuscrits tenuerunt (mais
rique aurait été redécouvert dans le nord ou le cette leçon peut être conservée) ;
centre de l'Italie au XII° siècle et que tous les - au v. 237, la bonne leçon évidente Spartane ne se
manuscrits conservés dériveraient de cet exem- lit que dans deux recentiares,où elle est probablement
plaire aujourd'hui perdu ; attesterait de cette ori- le résultat d'une conjecture ; mais la leçon spartaue
gine commune le petit nombre de divergences sub- ou spart(h)eue, bien attestée, en est très proche.
stantielles. Or l'authenticité des v. 201-4 est contestée
Cette hypothèse apparaît fragile. D'une part, les depuis Del Rio (1571). Les partisans de leur
divergences importantes entre les manuscrits authenticité expliquent leur disparition par la simi-
conservés sont beaucoup plus nombreuses que ne litude des initiales des v. 201 (femineis) et 204 (feli-
l'affirme Hall : le lecteur en jugera par l'apparat cem) : voir Bücheler apud Birt, apparat, p. 11. Mais
critique. D'autre part, si trois des plus anciens des arguments thématiques et stylistiques ont
témoins (N, q et F 3 ) sont bien d'origine italienne, conduit Birt (avec hésitation) et Gnilka (1975,
le quatrième provient du nord de la France (Samt- p. 55-58) 74, suivi par son élève W. Taegert, à athéti-
Vaast près d'Arras). En fait, l'hypothèse de Hall se ser ces quatre vers : de fait, il est surprenant et de
fonde essentiellement sur l'absence, dans tous les mauvais goût que Proba soit comparée à Thétis
manuscrits conservés, de quatre vers publiés pour (v. 201-2), alors qu'elle vient de l'être à Pudicitia et
la première fois .slans l'édition Isengriniana, à Bâle, à Junon (v. 195-6). Après un tel parallèle, il n'y a
en 1534, puis corrigés à partir d'un <<autre» plus place pour une autre comparaison, et la réfé-
manuscrit (?) par Claverius dans son édition pari- rence aux noces de Thétis et Pélée relève de la
sienne de 1602: les actuels v. 201-4. Si ces vers sont topique de l'épithalame (voir pr. nupt. l sqq.) plu-
authentiques, comme le croit Hall en supposant tôt que de celle d'un panégyrique : ici, elle est
que l'éditeur de l'Isengriniana a disposé d'un
manuscrit venant d'Alsace ou du Palatmat et 74. Jeep (éd. 1876) les a lui aussi athétisés. Koenig (éd. 1808)
aujourd'hui perdu, tous nos manuscrits sont appa- ne tenait pour authentiques que les v. 201-202a.
LXX INTRODUCTION INTRODUCTION LXXI

déplacée. Sur le plan stylistique, Birt observe que milieu _du,XV' s.) 75. Taegert (p. 59) suggère que N
Claudien n'emploie jamais l'accusatif après a pourrait etre le modèle de q, son contemporain,
(leçon de Claverius; mais rapt., 2,260) ou en avec une autre source. Il paraît aussi vraisemblable
(conjecture d'Heinsius), au v. 203. A ces arguments de le supposer jumeau de N, avec des traces de
thématiques et o;;tylistiques, s'ajoutent de_s raisons contamination (par exemple au v. 41). De ce
codicologiques: si les v. 201-4 sont authentiques, groupe, que j'appellerai !, font encore partie les
l'éditeur de l'Isengriniana a disposé d'un manus- Exc. Fl. et Cyr. Les Exc. FL ne concernent que les
crit représentant une branche indépendante de la 25 premiers vers (f' 13 r et v, jusqu'à la correction
tradition manuscrite et remontant à un modèle z~bar au v. 25), et non les seuls ll premiers comme
antérieur à celui des autres manuscrits, puisque 1 affirme Taegert (p. 55 n.4) ; sur les six variantes
plus complet. Or Hall lui-même reconnaît qu'hor- apportées, la deuxième et la cinquième (correction
mis les v. 201-4 l'Isengriniana ne donne dans son du n()m de famflle de~ jeunes c~nsuls) les apparen-
texte ou ses variantes marginales aucune leçon ori- tent a N. De meme, Birt a releve de très nombreux
ginale digne d'être retenue: pas plus les deux accords significatifs entre les Exc. Cyr. et N (v. 8 ;
leçons communes avec la Juntine (Florence, 1519) 21; 39; 41; 121; 167; 225; 267 et aussi 141). Les
et les Excerpta Laeti (v. 29 Jata ; v. 125 acri) que tro'.s seules discordances qu'il note s'expliquent
celles qu'elle partage avec la Vicentine (1482: ~1sement .= au v. 99, pingunt peut être une correc-
v. 187 cretam) ou l'édition de Camers (Vienne, tlon ~e tzngunt; au v. 104, quin semble une conjec-
1510: v. 264 referta) ou que ses quatre autres leçons t~re a partir de quem (N q), leçon originale qui
originales (v. 4 rubeant; v. 33 obscura; v. 50 rimatur; s oppose au qua des autres manuscrits ; au v. 253, le
v. 81 mittit), qui sentent la conjecture érudite. z de nget_est une bévue manifeste de Gyraldus. Les
C'est pourquoi, comme pour le De raptu Proserpi- Exc. Cyr.ignorent eux aussi les v. 201-4.
nae ( t. I, p. LIII-LIV), je ne pense pas que l'Isengri- Par ailleurs, Hall indique, mais de façon moins
niana ait utilisé ici un manuscrit d'une valeur parti- appuyée à partir de la seule variante du v. 261 cele-
culière et j'estime inauthentiques les prétendus bretur in, la parenté des manuscrits F 31 F4 F et Pm
v. 201-4. Quant au texte corrigé qu'en donne Clave- Je ~rois moi ~u--ssià l'existence de ce ,gr~upe 2:
rius, il semble être le résultat d'un travail de cor- Mais Pm ~ ete _fortement contaminé par le
rection par conjectures, car cette édition, pas plus groupe 4 defim _ci-dessous, et F4 semble avoir été
que l'Isengriniana, n'apporte aucun élément nou- cop~e par un scnbe savant qui s'est permis des cor-
veau intéressant pour l'établissement du texte. rection~ ~u des conjectures 76 • Et peut-être est-il
Des traces évidentes de contamination (variantes contamme par le groupe 3 défini ci-dessous (voir
interlinéaires ou marginales) sont perceptibles par exemple v. 42 et 58). Noter les fautes corn-
dans presque tous les manuscrits, sauf probable-
ment Ar et N. Néanmoins, on peut déterminer cer-
tains groupements. Hall (1986, p. ll 0) souligne à 75. Grand nombre de fautes typiques communes : e. g. v. 28 ;
38: 62; 104: 152: 174: 199: 210 ...
juste titre l'étroite liaison entre N, q et son R,6 76. v. 96 ~at; v. 167 j)udeat; v. 168 Jalsasque ... gentes; v. 191
(~ V Taegert : deuxième partie de R, copiée au luctu ; v. 200 zlla ; v. 207 genitamque ; v. 239 horruit.
2
t"

LXXII INTRODUCTION INTRODUCTION LXXIII

munes à F 3, F 4 , F 5 (v. 278-9 scribunt ... ducunt) ; à F3 , que J 6 et A sont particulièrement liés, avec un
F5' Pm.
(v 237 que) et à F , F (v. 257 sulphurea;
• 3 5 •
ascendant apparenté à Ar, mais ayant introduit
v. 262 recolatur). F 4 est le père de deux manuscnts quelques fautes nouvelles. Bien que plus récent, A
du xve s. : Florence, Laur. Plut. 33.3 (F 8 Hall; F5 a mieux conservé les leçons typiques du groupe ;
Taegert) et Vaticéln, PaL lat. l 71~ (~ 3 !fall; ': 3 _!ae- en revanche, 1 6 les a assez souvent corrigées par des
gert) ; il est aussi, avec F 21, l'ancetre d un troisieme leçons venues d'ailleurs. Ar, témoin important,
manuscrit du xve : Florence, Laur. Plut. 33. 1 (F13 puisque le plus ancien d'un groupe ( originaire
Hall ; F Taegert). Peut-on déduire d'une seule d'Europe du Nord ?) qui, globalement, est sans
5
faute commune à F 3, F 4 , F 5 , Pm et N, q (v. ~48 doute le meilleur, est malheureusement mutilé et,
niueo ... coetu) que les groupes 1 et 2 ont un ancetre en outre, gâté par un assez grand nombre de
commun ? Ce serait peut-être hasardeux. En fautes propres qui ressemblent fort à des conjec-
revanche, F 21, contaminé, dérive P?u,r l'essenti~l tures savantes 79 .
des deux groupes 1 et 2, avec une legere contami- Étant donné les qualités et les défauts des
nation du groupe 3 défini ci-après (voir v. 45 ; ?2 ; manuscrits conservés, il est difficile de faire un
102 ; 248) et vraisemblablement quelques conJec- choix. Birt, approuvé par Taegert et non sans rai-
tures (v. 36 Maeotida ; v. 121 bellique). . . sons, a privilégié Ar, A et N. Mais un tel choix
Le groupe 3 correspond à 1 et Z qm, bien que délaisse deux groupes de la tradition manuscrite,
contaminés (particulièrement 1), présentent une et les autres uetustiores ne sauraient être de prime
lacune commune (v. 233) et plusieurs fautes carac- abord exclus, à moins d'être ensuite réintroduits
téristiques 77 . Noter en outre les fautes fatale (v. 149, au coup par coup là où leur témoignage est inté-
avec N) et hoc (v. 159, avec A1 6 ). Z sembl~ avoir été ressant. Je n'ai donc écarté que q, frère consanguin
plus fidèle à leur sou:ce com:11~ne, tand~s que 1 a de N, et F 9 , tardif et fortement contaminé, qui
assez souvent corrige ou reJete en vanantes les n'apportent rien à l'établissement du texte, pas
leçons spécifiques de cette source commune. De la plus que le florilège de type français O ( Oxford,
seule faute commune exacto (v. 113), peut-on Bodleian Library, Ms. Add. A. 208 [SC 29224],
conjecturer que les groupes 1, 2 et 3 descendent seconde moitié du x1ue, f° 16 r-v). Aucun des recen-
du même ancêtre ? tiores du xvesiècle ne mérite d'être retenu, même
Enfin, Ar, 1 6 et A forment le groupe 4. On ;el~ve si deux d'entre eux ont rétabli, par une conjecture
dix fautes caractéristiques 78 dont on peut dedmre facile, la bonne leçon Spartane au v. 237: ~' cité
par Birt, Hall et Taegert; mais aussi le Laurentia-
77. v. 13 requires; v. 45 densos nimbas (Jp. c.) ; v. 120 h(a)emo nus plut. 33. 1, f° 142r (Eurotas spartane). Aux cinq
(Ju.l.) ; v. 126 an ( 1a. c.) ; v. 191 letior (Ju.l.) ; v. 249 totam Jrontem recentiores précédemment cités, ajouter:
(Js.1.). . Erlangen, Universitatsbibliothek 626 (Fischer,
78. v. 56 multifideque (J6 A; def. Ar) ; v. 63 orbus /-bz (A ] 6 a.c. ;
eui Ar) ; v. 87 nulla (A 16 a.c.) ; v. 87 coercens (A ] 6 a.c.) ; ;· 135
861 Irmscher), 1469 (e 2 Hall ; E Taegert) ; Vatican,
Merope /-rape (avec Pm); v. 135 (h)ebrum (Ar A) ; v. 191 fietu ~~r A 79. v. 64 tulit; v. 78 agentem; v. 86 cruento; v. 87 capillos; v. 113
1 a.c.) ; v. 216 gramina colla (Ar A; et1 6 a.c. ?) ; v. 230 conspexzt; v. mil,es; v. 155 grandeuo; v. 162 gentes; v. 208 aspera; v. 220 cquoreum;
6
239 a ratibus (J6 A; def Ar). v. 250 mellefluant; v. 273 fioribus.
p

LXXIV INTRODUCTION INTRODUCTION LXXV

Vat. lat. 2808, proche de J 6 ? (R 13 Hall ; V 1 C 1 ( = C, Birt) : Cambridge, Corpus Christi College
Taegert) ; et V4 • 228 ; x1ue ; C. mai. selon la series I ; C. min. selon
Parmi les uetustiores, seul Pm ( et peut-être J 6 ) la series B ; rapt. (classe b) .
porte un titre écrit de la première main. De plus, les E 1 : Escorial O. III. 25 ; xme ; c. mai. selon la
titres ajoutés à des dates variables, et parfois diffi- seriesI ; rapt. (classe b) .
ciles à déterminer, ne concordent pas. On peut en E 2 : Escorial S. III. 29 ; xme ; rapt. (classe c) ; c. mai.
conclure qu'à l'origine ce panégyrique n'en portait selon la seriesVI.
pas. Par souci de clarté, j'ai repris le titre proposé E 3 : Escorial P. III. 24 ; xme ; c. mai. selon la seriesI
par Hall, à partir de Pm corrigé par le témoignage jusqu'à Stil. 3,366.
de J 6 et d'autres témoignages externes : la forme. e 3 (= Er Birt) : Erlangen, Universitatsbibliothek 384
Olybrius est bien attestée par Ve, R et Flor en c. mzn. (Fischer = 298 Irmscher) ; début XIW; c. mai.
40,17, ainsi que par l'épigraphie; en outre, Olybrius selon la series I.
ayant été consul prior, il vaut mieux placer son nom Ed (= s Hall) : Edinburgh, National Library of
avant celui de son frère, comme l'ont fait un lecteur Scotland 18. 5. 13 ; début XIW ; c. mai. selon la
deJ et un autre, de Pm (Hall 1986, p. lll n.l). series I à partir de Gild. 464 (nombreuses
lacunes).
Manuscrits uetustiores non retenus et recentiores F 6 ( = r Birt; F 19 Hall) : Florence, Biblioteca Medi-
cités : cea Laurentiana 33. 5 ; XIW; c. mai. selon la
seriesIII ; c. min. selon la series C variante ( tous à
~ (= W Birt; A Hall) : Anvers, Museum Plantin- la fin en commençant par 31-30).
Moretus M 185 (Denucé lll) ; XIVe; c. mai. F7 (= F Birt; F 20 Hall) : Florence, Biblioteca Medi-
selon la series I. cea Laurentiana 33. 6; XIW; c. mai. selon la
B 1 ( = Bg Birt) : Berne, Burgerbibliothek 4 72 ; xn- series Ijusqu'à 6 cons. 543.
x1ue ; c. mai. selon la series I et c. min. selon la F 12 (= En Birt) : Florence, Biblioteca Medicea Lau-
seriesB. rentiana Bibl. Aedil. Flor. Eccles. 203 ; xve ;
B 2 : Berne, Burgerbibliothek 633 ; xue ; conüent au rapt. et c.. min. plus ou moins selon la series B.
f° 17 Ruf 1,1-161 et au f° 18 4 cons. 256-417. Flor (= E Birt) : Florence, Bibl. Medicea Lauren-
b 1 (= Bo Birt) : Bologne, Biblioteca Unive~sitaria tiana 33.9 ; papier, 1482 ou après. Contient c.
2221 ; XIVe; contient aux f° 86-152 c. maz. selon min. selon la series A. Copié par la main princi-
la series I et c. min. selon la series B, et aux pale (non identifiée) qui a collationné les exc.
f° 15 2v-l 60 rapt. (classe b) . Fl. et relié à un exemplaire de l' editio princeps
Bx (= G 1 Hall) : Bruxelles, Bibliothèque Royale pour le compléter (A. 4. 36 : voir exc. Fl.) ; il en
997 4-6 ; XIW ; c. mai. selon la series I ; c. min. a été ensuite séparé. Contrairement à Birt et
selon la series B jusqu'à 15,5. Hall, P. L. Schmidt (1989, p. 401-2 et 1992,
C (::c:J Birt) : Cambridge, Trinity College O. 3. 22 p. 654) ne pense pas que les exc. Fl. et Flor pro-
(ll94) ; XII-XIIIe; c. mai. selon la series l; c. min. viennent d'un seul et même manuscrit; Flor
selon la series B. viendrait d'un ms. ayant appartenu à Pétrarque
LXXVI INTRODUCTION INTRODUCTION LXXVII

(Gyraldinus, De Latinis poetis dialogus [1545] : L1 : Londres, British Library Egerton 2627 ; fin
« . . . codice qui Francis ci Petrarchae fuisse credi- xue ; c. mai. selon la series I ; c. min. selon la
tur »). Mais quel crédit accorder à ce creditur? series B ; rapt. (classe b) .
Ce ms. sera utilisé pour les c. min. ; ici, seule- L 3 ( = Br, D Birt) : Londres, British Library Additio-
ment pour fesc. 3 = c. min. l. nal 6042 ; déb. xme ; rapt. ( classe c) ; c. mai.
G 2 : Berlin, Staatsbibliothek Preussischer Kulturbe- selon la series III (pr. Ruf 2 bien placée) ; c. min.
sitz, lat. 8° 5 ; XIIIe ; c. mai. selon la series I, [à la fin] 53, 31, 30, 25, 29, 11, 32, 40, 41, 43-
jusque 4 cons. 83. 48, 51, 33-39, 49-50, 42, 10, 12, 22 jusqu'au
g (= Kr Birt) : Cracovie, Biblioteka Kapituly Kra- v. 32; un f° manquant; 27 v. 31-68; un f° man-
kowskiej 71 (précédemment LX) ; XIff; c. mai. quant; 28 v. 12 à la fin.
selon la series I ; c. min. selon la series B ; rapt. L 4 ( = Hl Birt) : Londres, British Library Harley
(classe b; complété au XIVe). Pour 4 cons., 2753 ; xme ; c. mai. selon la series I ; c. min. selon
retenu dans ma sélection. la series B ; rapt. (classe b) .
g 1 ( = Vr Birt) : Wroclaw M 1438 A ; xn-x1ue ? ; L 6 ( = Bu Birt; L 11 Hall) : Londres, British Library
c. mai. selon la series I ; c. min. selon la series B Burney 166; XIW; c. mai. selon la series I.
(détruit durant la seconde guerre mondiale). Ma (= z Hall) : Madrid, Biblioteca Nacional 10082
11 : Leyde, Bibliotheek der Rijksuniversiteit 385 (Voss. (auparavant Toledo 10218) ; XIW; c. mai. selon
Bet. 4) ; xme; c. mai. selon la series I; c. min. la series III à partir de Ruf 2,237; c. min. selon
selon la seriesB jusqu'à 30,35; rapt. (lacunaire). la series C.
13 ( = Ln Birt; J7 Hall) : Leyde, Bibliotheek der Rijks- Mo (= h Hall) : Moulins, Bibliothèque municipale
universiteit B.P.L. 131 ; XIff; c. mai. selon la 53 ; XIW ; C. mai.
series I (très mutilé). Mp (= µ Hall) : Montpellier, Bibliothèque universi-
15 : Leyde, Bibliotheek der Rijksuniversiteit Voss. Q. taire, médecine 330 ; déb. XIW (provenance :
126 ; xme ; c. mai. selon la series I ; c. min. selon Clairvaux) ; c. mai. selon la series I.
la series B. 0 1 (= Oy, B Birt; 0 3 Hall) : Oxford, Bodleian
~ (= Ar Birt; ~ Hall) : Milan, Biblioteca Ambro- Library MS auct. F. 2. 16 (SC 2077), mainte-
siana M 5 sup. ; XIff et XV [partie écrite par nant relié avec 0 2 ; vers 1200; c. mai. selon la
Gasparino da Barzizza] ; c. mai. selon la series I series I ; c. min. selon la series B ; rapt. (classe b).
jusqu'à Eutr. 2,125 ; Ol. et quelques c. min. 0 2 ( = Ox, A Birt) : Oxford, Bodleian Library MS
(dont 25) ajoutés. auct. F. 2. 16 (SC 2077), maintenant relié avec
~ (= So Birt; ~ Hall) : Biblioteca Ambrosiana H 0 1 ; xn-x1ue; rapt. (classe b, apparenté à P ) ; c.
57 inf. ; XIII-XIV ; fragments des c. mai. mai.. se l on la series I. 2

K4 (= Ab Birt; Kg Hall) : Milan, Biblioteca Ambro- 0 5 ( = Lt Birt; 0 7 Hall) : Oxford, Bodleian Library
siana L 105 sup. ; XIVe; c. mai. selon la series I. MS lat. class. c 11 ; fin XIW; c. mai. selon la
~ (= A Birt; K4 Hall) : Milan, Biblioteca Ambro- series I.
siana S 66 sup. ; milieu xve ; c. mai. selon la p (= Vp Birt; p 4 Hall) : Padoue, Biblioteca del
series I ; c. min. selon la series B ; rapt. Seminario 140 ; xme ; c. mai. selon la series I.
INTRODUCTION LXXIX
LXXVIII INTRODUCTION

(= g Birt; R31 Hall) : Vatican, Vat. lat. 3289 ;


(= Trl Birt) : Bibliothèque
XIIIe ; c. mai. selon la series I ; c. min. selon la
8080 ; XIff ; c. mai. selon la series I ; rapt.
series B.
terminé).
P3 (= Ti Birt) : Paris, Bibliothèque nationale,
(= S Birt ; R 3 Hall) : Vatican, Reginensis lat.
1540 ; XII-XIVe ; c. mai. selon la series I ; rapt.
8295 ; XIff ; c. mai. selon la series I (mais Eutr.
(classe b).
après Cet.) ; quelques c. min. ; rapt. (classe c).
R 9 ( = d Birt; R 4 Hall) : Vatican, Vat. lat. 2807 et
P4 (= Ut Birt) : Paris, Bibliothèque Nationale, lat.
Reg. lat. 2080 ; XIII-XIVe ; c. mai. selon la series
8296 ; XIff ; c. mai. selon la series I ; c. min. selon
VI ; rapt. ( classe b) .
la series B ; rapt. (classe c) .
R 10 (= Ve Birt; ~ 2 Hall) : Vatican, Vat. lat. 5157;
P 7 (= Nt Birt; P 11 Hall) : Paris, Bibliothèque Natio-
XIII-XIVe ; c. mai. selon la series III ; c. min. selon
nale, lat. 8079; XIW; c. mai. selon la series I; c.
la series C.
min. selon la series C.
R 29 (= b Birt; R 14 Hall) : Vatican, Vat. lat. 1660;
P 8 (= Lb Birt; P 12 Hall) : Paris, Bibliothèque Natio-
xve; copie de R avec contamination de N ou q
nale, lat. 5719; XIVe; c. mai. (incomplets) se
( classe IV) .
rapprochant de la series III ; c. min. contaminant
Ro ( = r Hall) : Rouen, Bibliothèque municipale
les series B et E.
1040 ; XII-XIW ; f' 55-109 c. mai. selon la seriesI ;
P 9 (= 01 Birt; P 13 Hall) : Paris, Bibliothèque Natio-
c. min. selon la series B.
nale, lat. 2908 ; XIVe; c. mai. se rapprochant de
S (= G Birt; S1 Hall) : Saint-Gall, Stiftsbibliothek
la series I; quelques c. min. en désordre.
273 ; IXe ; f' 49-57 c. min. 53.
P 10 (= Ai Birt; P 14 Hall) : Paris, Bibliothèque Natio-
S 1 ( = S2 Hall) : Saint-Gall, Stiftsbibliothek 397 ; IXe;
nale, lat. 7936; XW; c. mai. selon la series I.
p. 121 c. min. 14 var.
Pa (= P 15 Hall) : Paris, Bibliothèque Nationale, lat.
S2 ( = Gl Birt ; S3 Hall) : Saint-Gall, Stiftsbibliothek
8069 ; XIe ; contient au f' 1 c. min. 14 var.
191 ; xme ; c. mai. selon la series I ; quelques c.
Ptr ( = 1 Hall) : Saint-Pétersbourg, Publichnaja
min. (dont 1, 25, 30, 31).
Biblioteka im. M.E. Saltykova-Shchedrina, lat.
V 1 : Vienne, Ôsterreichische Nationalbibliothek
O. v. 3 (anciennement Petropolitanus Caesa-
751 (theol. 259) ; xe (origine allemande) ; c.
reus A. O. Sect. CIL n. 3) ; fin xue ; c. mai.
min. 32.
selon la seriesI (ajadis contenu rapt.)
V4 ( = Vi Birt; W Taegert) : Vienne, Ôsterreichische
R 1 (= G Birt; R 36 Hall) : Vatican, Reginensis lat.
Nationalbibliothek 3246 ; papier, xve ; c. mai.
123 ; 1056 (provenance : Santa Maria de
selon la series II (sauf Eutr. l intercalé entre
Ripoll) ; le f' 140v contient c. min. 28.
Cild. et Cet. ; et inversion 6 cons./ Theod.) ; c.
R 2 (= R35 Hall) : Vatican, Vat. lat. 639; XI-Xff; le f'
min. selon la series F (mais 5 après 4; et 14 et 32
89 contient c. min. 12,1-2.
manquent) ; Ol.
~ (= Ch Birt; R 45 Hall) : Vatican, Chig. lat. H. VI.
Ve (= R Birt; Li Hall) : Vérone, Biblioteca Capito-
212; XII-XIW; contient Ruf jusqu'à 2,474 (mais
lare 163 ; vrne (minuscule précaroline ; origine
sans pr. 2), Theod. 305-340, Stil. jusqu'à pr. 3,14,
véronaise ?) ; c. min. selon la series D.
4 cons. 198-656, Theod. 1-116. •
w

LXXX INTRODUCTION

Vo (= Voss. Hall) : Leyde, Bibliotheek der .... "-1.11'-0'-''-'--'--'·

versiteit Voss. 111 ; IXe ; ms. d'Ausone à


Lyon (île Barbe) ; le f°38 contient pr: 6 cons. 1-10.
W (= Gu Birt ; W 1 Hall) : Wolfenbüttel,
August Bibliothek, Gudianus lat. 220 (4525) ;
XIW ( origine française ?) ; c. mai. selon la series
V ; c. min. proches de la series ·c.
W 1 ( = He Birt; W 2 Hall) : Wolfenbüttel, Herzog BIBLIOGRAPHIE
August Bibliothek, Helmaestadi~nsis 538 (499) ;
xme (provenance : Arbroath, Ecosse) ; c. mai.
selon la series I ; c. min. selon la series B.
Études générales ou portant sur plusieurs poèmes ( com-
plément)

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LXXXII INTRODUCTION
INTRODUCTION LXXXIII

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LXXXVI INTRODUCTION INTRODUCTION LXXXVII

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Vitemberg 171 7. nina XI,l) », NAC 19, 1990, p. 273-85.
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texte établi, traduit et commenté, Roma aeterna 10:
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avec le texte latin, Paris 1816.
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Honorii Augusti, Einleitung und Kommentar, Beitr. L. Alfonsi, « Notes de lecture n° 177-178 », Latomus 25,
zur klass. Philol. LXX, Meisenheim 1975. 1966, p.143-4 [Gild. 504sqq.J.
R. Bertini Conidi, Fescennini e Epitalamio per le nozze di T.D. Barnes, « An Anachronism in Claudian », Historia
Onorio e Maria, intr., testo, trad. & note, Roma 1988. 27, 1978, p. 498-9 [Gild. 326-8].
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Voir Pavlovskis 1965. 27, 1975, p. 47 [Gild. 114].
R. Berchem, De Claudii Claudiani epithalamio in nuptias T. Halbertsma, Adversaria critica, Leyde 1896 [chap. XII
Honorii et Mariae, Progr. d. kath. Bürgerschaft, Cre- Ad Claudianum: Gild. 437],
feld 1861. M.S. Haywood, « Sorne Geographical Etymologising in
J-L. Charlet, « U~ exemple de la lecture d'Ovide par Claudian (B.G. 1,504-526) », Mnemosyne 40, 1987,
Claudien: l'Epithalame pour les noces d'Honorius et p. 425-7.
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LXXXVIII INTRODUCTION

M. Iraldi, « Il problema della datazione della campagna


di Mascezel contro Gildone alla luce di una nuova
analisi del De bello Gildonico di Claudiano », AAT
98, 1963-4, p. 85-108.
E. Komornicka, « De Claudii Claudiani poemate
bello Gildonico·» [polonais, résumé lat.J; 1v1.t;un.tu;1
26, 1971, p. 116-122.
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épique», REL 50, 1972, p. 23-24.
A. La Penna, « Sallustio, Rist. II,83 M.», RFIC 99, 1971,
p. 61-62 [cf. Gild. 509].
E.M. Olechowska [Komornicka], « Le De bello Gildo-
nico de Claudien et la tradition épique», MH 31, PANÉGYRIQUE
.._ D'OLYBRIUS
1974, p. 46-60.
S.I. Oost, « Count Gildo and Theodosius the Great»,
CPh 57, 1962, p. 27-30. ET PROBINUS
(carm. 1)
N.B. Certaines éditions associant les Lettres de Pline et
les Panégyriques latins contiennent aussi les panégyriques
de Claudien: celle de Genève 1610 (Iacobus Stoer)
donne dans l'ordre (p. 310-420) 3 cons., 4 cons., 6 cons.,
Theod., Stil., Prob. et des extraits de Ruf en l'honneur de
Stilicon (avec en marge les variantes de l'Isengriniana).
220 NOTES COMPLÉMENTAIRES

façon allopathique ; Claudien viserait ainsi le traître Rufin


(cf. 1,179 et 229) et préparerait son immersion dans l'abîme sous
le Tartare (v. 522-7).

Page 121:
1. Sur ces marques, Lu i.en caf 24 (Liu. 3,58,2 emploie l'ex-
pression inustam maculam en un autre contexte, à propos de la
tache que représente pour la gens Claudia l'incarcération d'Appius
Claudius). L'ampleur des fautes de Rufin fait hésiter Minos et
l'amène à choisir une peine d'un genre nouveau, non sans avoir TABLE DES MATIÈRES
préalablement évoqué les· châtiments les plus célèbres (v. 506-20 ;
voir note suivante) : comparer Sen. Apocol. 14; Lucien Cat. 28.
2. Énumération traditionnelle du châtiment des grands crimi-
nels aux Enfers (Rapt. 2,335-42) : voir W.H. Roscher, Ausführliches
Lexikon der griechischen und romischen Mythologie, Leipzig 1937, s.u. AVANT-PROPOS··················································· VII
Tityos, 1069-40. Le premier châtiment, dont la victime n'est pas
nommée (v. 507-8), rappelle Verg. Aen. 6,601-3 Quid memorem Lapi- INTRODUCTION...................................................... IX
thas, Ixiona Pirithoumque ? / Quos super atra silex iam iam lapsura Contexte historique et signification des
cadentique / imminet adsimilis. Le second (v. 508) désigne clairement
Ixion (Rapt. 2,335) : Verg. Georg. 4,484 et Aen. 6,616-7; Tib. 1,3,73-
poèmes politiques de Claudien ........ ...... ..... IX
74. Le troisième (v. 509-10) renvoie à Tantale (cf. v. 514; Rapt. Épopée historique et panégyrique épique.. XXXVI
2,336) : Tib. 1,3,77-78; Ou. Met. 4,458-9. Le quatrième (v. 510-1) La tradition manuscrite du Claudianus
concerne Tityos (cf. v. 515; Rapt. 2,338 et 341 ; c. min. 53,25-26) :
Verg. Aen. 6,595-600; Hor. Carm. 3,4,77-79; Tib. 1,3,75-76; Ou.
maior .............................................................. XL
lb. 183. La tradition manuscrite du Panégyrique
d 'Olybrius................ .................... ............. .. ..... LXVI
Bibliographie................................................. LXXXI

PANÉGYRIQUE D'ÜLYBRIUS ET PROBINUS (carm. 1). 1


Analyse........................................................... 3
Texte et traduction .. .. ..... ... ..... .. ......... .. ... .. .... 6
p ANÉGYRIQUE POURLE TROISIÈME CONSULAT D'HO-
NORIUS.................................................................. 25
Analyse .......................................................... 27
Préface ( carm. 6) .... .. .... .......... ... .. ......... ... .... .. 32
Texte et traduction ( carm. 7) .. .. .. ....... ... .. .... 34

CONTRERuFIN,livre premier (carm. 2-3) .......... 49


Analyse........................................................... 51
Préface ( carm. 2) .... .. .. .... ......... .. .. ... ....... .. ..... . 54
Texte et traduction ( carm. 3) .. ..... ...... ..... ..... 56
222 TABLE DES MATIÈRES

CONTRE RuFIN, livre second ( carm. 4-5) ........ .... 81


An.alyse .. ........................................................ 83
Préface ( carm. 4) ....................................... .... 86
Texte et traduction ( carm. 5) .................... ... 88

NOTES COMPLÉMENTAIRES...................................... 123

CE VOLUME,
LE TROIS CENT
CINQUANTE-HUITIÈME
DE LA SÉRIE LATINE
DE LA COLLECTION
DES UNIVERSITÉS DE FRANCE
PUBLIÉ PAR LES ÉDITIONS
LES BELLES LETTRES,
A ÉTÉ ACHEVÉ D'IMPRIMER
EN JANVIER 2000
PAR CORLET IMPRIMEUR S.A.
14110 CONDÉ-SUR-NOIREAU
N° D'IMPRIMEUR: 30565
DÉPÔT LÉGAL : FÉVRIER 2000

IMPRIMÉ EN U.E.

N° ÉDITEUR : 3784
CONTRE RUFIN

LIVRE PREMIER
(carm. 2-3)
ANALYSE
(sur l'analyse rhétorique de Lévy 1946,
voir introduction)

Préface. Claudien met en parallèle Apollon et


Stilicon. Phébus a libéré la Grèce en tuant le ser-
pent Python (v. 1-14). Aujourd'hui un autre
Python, Rufin, a succombé sous les traits de son
maître, Stilicon (v. 15-18).

Exorde (v. 1-24). Claudien se demandait s'il


existe des dieux qui se soucient de la terre ou si,
au contraire, le hasard régit notre vie (v. 1-19). Le
châtiment de Rufin a dissipé ses doutes : les
méchants ne s'élèvent que pour retomber plus
pesamment (v. 20-23). Le poète demande aux
Muses de lui révéler l'origine de ce fléau (v. 23-24).
Le conseil _des Furies aux Enfers (v. 25-122).
Jalouse, Allecto convoque aux Enfers tous les
fléaux et leur tient ce discours (25-44) : pour
empêcher Théodose de rétablir l'âge d'or, il faut
imaginer quelque chose d'abominable (v. 45-65).
Elle achève son discours en secouant sa chevelure
de serpents (v. 65-7), tandis que l'assemblée s'agite,
indécise (v. 68-73). Alors se dresse Mégère, instiga-
trice des grands forfaits (v. 74-84) : pour perdre le
monde, elle peut introduire à la cour le monstre le
plus redoutable, Rufin, qu'elle a élevé et nourri,
52 CONTRE RUFIN LIVRE 1

mais qui désormais la dépasse (v. 86-115). Elle est


acclamée et s'envole pour mener à bien son
(v. 116-22).
Réalisation du projet ,criminel de Mégère
353). La venue de Mégère sur terre perturbe
l'ordre du monde (v. 123-33) Elle prend l'aspect
d'un vieillard pour aborder Rufin (v. 134-39) :
« pourquoi rester ainsi dans l'oisiveté, alors qu'on
te prédit que tu domineras le monde» (v. 140-61) ?
Pour le convaincre, elle métamorphose sa demeure;
aussi cupide que Midas, Rufin lui obéit (v. 162-71).
Il se rend à la cour de Constantinople (v. 171-5). [CONTRE RUFIN]
Aussitôt le droit s'en va et triomphent la vénalité et
la cupidité : il dépouille le monde entier (v. 176-
95). Claudien l'apostrophe pour lui rappeler que
la cupidité ne saurait être rassasiée et oppose à la
quête des richesses un idéal de vie simple à la cam-
pagne (v. 196-219). Mais la soif de Rufin s'accroît
et l'amène aux pires sévices ; tout le monde se tait
de peur (v. 220-58).
Seul Stilicon ose se dresser contre la « bête
rapace» qui prend la fuite (v. 259-72). Claudien le
remercie : son exploit dépasse ceux de Persée ou
Hercule (v. 273-300). Rufin porte alors ses menaces
contre la majesté impériale et l'Empire : il pactise
avec les barbares (v. 301-22). Pendant ce temps, Sti-
licon marche contre ces barbares et demande
l'aide de Mars (v. 323-39), qui le rejoint (v. 340-8) :
ensemble, Mars et Stilicon mettent en fuite les
ennemis (v. 349-53).
Épilogue (v. 354-87). Mégère demande à la Jus-
tice de lui abandonner le monde des hommes
(v. 354-67). Celle-ci lui répond que Rufin sera bien-
tôt puni, qu'Honorius soumettra les barbares,
qu'elle sera renvoyée aux Enfers et que l'âge d'or
sera rétabli (v. 368-87).
~

[CONTRE RuFIN] [IN RVFINVM]


LIVRE PREMIER, PRÉFACE LIBER I, PRAEFATIO

Quand, dompt6 par l'arc de Phébusa, Phoebeo domitus P[h]yt<h>on cum decidit arcu
[Python eut succombé membraque Cirr<h>aeo fudit anhela iugo,
Et répandu sur les hauts de Cirrhab qui spiris tegeret montes, hauriret hiatu
[ses membres haletants, flumina, sanguineis tangeret astra iubis,
Bien qu'il couvrît les monts de ses anneaux, iam liber Parnasus erat nexuque soluto 5
[que sa gueule engloutît coeperat erecta surgere fronde nemus;
Les fleuves, et qu'il touchât le ciel concussaeque diu spatiosis tractibus orni
[de sa crête sanglante1, securas uentis explicuere comas;
5 Dès lors le Parnassec était libre ; déjà, dégagé et qui uipereo spumauit saepe ueneno
[de ses liens, Cephisos nitidis purior ibat aquis. 10
Le bois se relevait en dressant son feuillage; Omnis « Io Paean » regio sonat ; omnia Phoebum
Et, longtemps secoués par ses amples tractions, rura canunt; tripodas plenior aura rotat,
[les ornes déployèrent
Aux vents leur chevelure à l'abri du danger 2 ;
Et celui que souvent fit écumer le venin du serpent,
10 Le Céphised, coulait plus pur, de ses eaux claires.
Tout le pays entonne « Io Péan » 3 ; et toute la campagne
Chante Phébus; un souffle plus puissant
[fait tourner les trépieds 4 •

a. Phoebus est un autre nom d'Apollon, transcrit du grec; Apol-


lon est le dieu archer (Verg. Aen. 8,704 : Aetius haec cernens arcum ad rufinum lib. II Santenianus claudiani in rufinum liber I incipit
intendebat Apollo) . praef. G liber claudii poete in ruphinum Rm.r. incipit liber primus
b. Cirrha était le port de Delphes. Par approximation, l'adjectif de gestis theodosii F2 m.r. claudianus maior P cl. claudiani in ruffi-
Cirrhaeus (pr. Rapt. 2,23; Gig. 35) renvoie traditionnellement à num liber primus incipitjm.r.
Delphes en poésie: Lucan. 1,64; 5,95; 6,408; Stat. Theb. 1,568. l phiton codd. Il decidit: con- G Kp.c. ? N Il 2 cirr(a)eo codd. Il iugo
Mais, alors que Lucain et Stace évoquent les champs ou les plaines (F) : ro- G Ise mg. solo F3u.l. ? N Il 3 qui Gp.c. Il tegeret spiris N Il
de Cirrha, Claudien renvoie aux montagnes de Phocide, ce qui hiatu Pp.c. Il 4 tangeret (Exc. Fl.) : ting(u)- Pj<F;U,l,N F2 u.l. Vic
semble plus en accord avec la réalité géographique. terg- P 2 u.l. Il 7 spatiosis (R) : squamo- Gp.c. Ru.l. Il tractibus
c. Montagne de Phocide à deux cimes, séjour d'Apollon et des (Pmg.) : frond- F3 u.l.F5 P 11 8 explicuere (R) : exposu- Rs.l. Il 9
Muses. Par cette mention, le poète prépare le chant d'action de fumauit KF3u.l. P Il 10 cephisos [-(f)fy-] GPf';F 5u.lj R: -us KFp L
grâces des Muses (v. 13). F~ Vic Ise 11nitidis G P/ J R Ise mg. : liquidis F5N L F~ Exc. Fl. Ise 11
d. Le Céphise coule près de Delphes (Plin. Nat. 4,3,8) ; Stace le ibat purior Fp.c. Il 12 tripodas Pp.c. Il ante aura del. al R Il rotat
mentionne dans un passage consacré à Python (Theb. 7,349). ( exc. Fl.) : n- F3 a. c. Vic
55 CONTRE RUFIN LIVRE 1 13-18 RVF. I = CARM. 2-3 13-18 55

Attirés par le chant des Muses qu'ils entendent au auditoque procul Musarum carmine ducti,
À l'antre austère de Thémis 1 se rassemblent ad The midis coeun t an tra seuera dei.
[les dieux. Nunc alio domini telis P[h]yt<h>one perempto 15
15 ,,,r",v•.rll autre Python a péri conuenit ad nostram sacra caterua lyram :
[des traits de son qui stabilem seruant Augustis fratribus orbem,
Au son de ma 1yre s'assemble une foule sacrée 2 : iustitia pacem, uiribus arma regunt.
Ceux qui gardent le monde stable pour
[les Augustes frères,
Qui régissent la paix par la justice,
[les armes par la force.

13 ducti G Ju. l. L F2 a. c. Ru. l. : docti Ise mg. dulci PzKFfi'JNFiP·c.P R


Vic Ise Il 14 ad: a Ga.c. Il deze Ise Il 15 domini: demum L Il phitone
codd. Il 17 semant: -ans Np.c. Exc. Fl. Il angustis Ise Il 18 regunt
(Na.c. Pu.l. Rp.c.) : -it Np.c. Exc. Fl. cadunt P
[CONTRE RUFIN] [IN RVFINVM]
LIVRE PREMIER LIBERI

Souvent une v~nsée a tiraillé mon espritindécisa: Saepe mihi dubiam traxit sententia mentem,
Les dieux du ciel ont-ils souci du monde curarent superi terras an nullus inesset
[ou n'y a-t-il personne rector et incerta fluerent mortalia casu.
Pour le régir, et la vie des mortels coule-t-elle Nam cum dispositi quaesissem foedera mundi
[au gré du hasard 1 ? praescriptosque maris fines annique meatus 5
Car, ayant cherché à connaître le pacte qui règle et lucis noctisque uices, tune omnia rebar
[le monde 2 , consilio firmata dei qui lege moueri
5 Les bornes fixées à la mer, le cours imposé à l'année, sidera, qui fruges diuerso tempore nasci,
L'alternance du jour et de la nuit, je supputais qui uariam Phoeben alieno iusserit igni
[alors que tout conpleri Solemque suo, porrexerit undis 10
A été établi par un dessein divin qui a fait litora, tellurem medio librauerit axe.
[se mouvoir les astres Sed, cum res hominum tanta caligine uolui
Selon des lois, qui a fait pousser les récoltes
[aux diverses saisons,
Qui a faits' emplirb d'un feu emprunté
[la changeante Phoebé,
10 Et du sien propre le Soleil, a étendu devant les flots
Le littoral, a mis la terre en équilibre au milieu
[de l'axe du monde 3 .
Mais lorsque je voyais les affaires humaines rouler
[dans une telle

explicit praefatio incipit liber I claudiani in rufinum G


a. La formulation choisie par Claudien rappelle le vers des 1 sententia traxit Ja.c. Il 3 mortalia: certissima F5 a.c. 11
Métamorphoses (9,517) où Byblis finit par se résoudre à écrire à son 5 pr(a)escriptos- (exc. Fl.) : om. que Ja.c. per- Vic 11maris: -i G PJ<F 5
frère: « Haec dubiam uicit sententia mentem » (cf. Verg. Aen. 11,314 Il anni-: amnis- Exc. Cyr. anni Ka.c. Il 6 et noctis lucisque Ka.c. 11 8
quae sit dubiae sententia menti?). Claudien rajeunit l'expression en diuerso (P2 u.l.) : diuiso G P2 F2 Il in tempore F3 Il 9 ph(o)eben: -e
donnant à dubiam une valeur proleptique. L'alliance traxit sententia K P R-em Na.c. Il iusserit (P 2) : -at F2a.c. Exc. Fl. 11igni (Na.c. R) : -e
se retrouve chez Sedul. Carm. pasch. 1,241. Ffip.c.m.r. Ru.l. Vic Il 10 po(r)rexerit (P JJ.c.F5p.c.) : -at Exc. Fl. Il
b. Compleri, à propos de la lumière de la lune, se lit chez Virgile 11 librauerit: -at Exc. Fl. Il axe: auxe K Il 12 sed: et Fp.c. at N Exc.
(Aen. 3,645) : lunae se cornua lumine complent. Fl. Il res om. P2 a.c. Il uolui: uului F5 a.c.
57 CONTRE RUFIN LIVRE 1 13-25 RVF. I = CARM. 2-3 13-25 57

Obscurité, les criminels en joie prospérer aspicerem laetosque diu florere nocentes
[si uexarique pios, rursus labefacta cadebat
Les hommes pieux persécutés\ ma croyance relligio causaeque uiam non sponte sequebar 15
15 Retombait: je suivais malgré moi le chemin alterius, uacuo quae currere semina motu
[de l'autre camp1, affirmat magnumque nouas per inane figuras
Qui dit que les ser1ences courent Fortuna, non arte regi, quae numina sensu
[d'un libre mouvement, ambiguo uel nulla putat uel nescia nostri.
Que dans l'immensité du vide Abstulit hune tandem Rufini poena tumultum 20
[des configurations nouvelles absoluitque deos. Iam non ad culmina rerum
Sont régies par le Sort, non par un art, iniustos creuisse queror : tolluntur in altum
[qui d'une pensée ambiguë ut lapsu grauiore ruant. Vos, pandite uati,
Croit ou bien qu'il n'est aucun dieu, Pierides, quo tanta lues eruperit ortu.
[ou bien qu'ils nous ignorent. Inuidiae quondam stimulis incanduit atrox 25
20 Mais le châtiment de Rufin a enfin emporté ce trouble ;
Il a absous les dieux. Et je ne me plains plus
[que des hommes injustes
Aient gravi les sommetsc: ils ne sont élevés
[que pour tomber
D'une chute plus lourde 2 . Vous, Piérides,
[découvrez au poète
L'origine dont est issu un tel fléau.
25 Un jour, sous l'aiguillon de lajalousie 3 s'embrasa

a. Le -que a ici une valeur explicative (épexégèse copulative) :


jlorere nocentes et uexari pios explicitent caligi,ne uolui; ils n'ajoutent
pas deux idées nouvelles (même valeur de -que en 1,109 et 363; 13 diu om. Fa.c. Il 14 que om. F2 a.c. Il pios: pius Na.c. Il 15 religio
2,464 et 472). G PJN Il 16 ~acuo: uano Cuia. Il qu(a)e: q1:1iIse 11 semina curr~re
b. Prud. Cath. 4,82 emploie le même verbe à propos des chré- L R Vic Il 18 sensu: censet Ise mg. Il 19 ambigua Ise mg. Il nostn G
tiens persécutés : uexamur. P,j<FJNF2 Ru.l. Ise: ueri Ku.l. F3 u.l.F5 ~ F2 u.l. PR Exc. Fl: Ise m~. Il
c. Culmina rerum : Lucan. 8,8 à propos de la chute de Pompée ; 22 queror : -ar N F2 Exc. Fl.. 11 23 gram ore ( exc. Fl.) : ma10re Vic 11
cf. Nupt. 316-7; pr. Eutr. 2,5 dans un contexte analogue, à propos uati: -um F2 a.c. Il 24 eruperit: erum- P2 a.c. 11 25 quondam: que-
du faîte du pouvoir. dam Pa.c. Il stimulis (exc. Fl.. ) : -us Vic
RVF. I = CARM. 2-3 26-38 58
58 CONTRE RUFIN LIVRE 1 26-38

L'implacable Allectoa : elle voyait partout Allecto, placidas late cum cerneret urbes.
[des ci tés dans la Protinus infernas ad limina taetra sorores,
Aussitôt elle mande en sa demeure hideuse concilium deforme, uocat. Glomerantur in unum
La difforme assembléec de ses sœurs infernales 1 . innumerae pestes [h]Erebi, quascunque sinistro
Nox genuit fetu: nutrix Discordia belli, 30
. ~ [S'y réunissent
Les mnombrable~ fléaux de l'Erèbe 2 , •
inperiosa Fames, leto uicina Senectus,
[tous ceux qu'a enfantés la Nuit inpatiensque sui Morbus, Liuorque secundis
30 En un sinistre accouchementd: la Discorde, anxius, et scisso maerens uelamine Luctus,
. [nourrice de la guerre ; et Timor, et caeco praeceps Audacia uultu,
et Luxus populator opum, quem semper adhaerens 35
L'impérieuse Faim, la Vieillesse, voisine du Trépas;
La Maladie, qui ne se supporte pas elle-même; l'Envie infelix humili gressu comitatur Egestas,
Inquiète du bonheur, et le Deuil éploré foedaque Auaritiae conplexae pectora matris
[au voile déchiré 3 ; insomnes longo ueniunt examine Curae.
La Peur, et !'Audace emportée à l'aveugle visage;
35 Et le Luxe, pilleur des biens, auquel toujours s'attache
La Pauvreté, compagne malheureuse,
[humble dans sa démarche ;
Embrassant la laide poitrine de la Cupidité, leur mère,
Viennent en long essaim les Soucis sans sommeW.

a. Étymologiquement, la 'sans repos' ( allektos). Stace la présente


comme Eumenidum uelut antiquissima (Theb. 7,477; Schol.: Allecto
quasi natu maiorem dixit) .
b. Ces placidas urbes évoquent la paix qui règne dans le Latium
avant l'intervention d'Allecto (Verg. Aen. 7,45-46 « Rex arua Lati-
nus et urbes iam senior longa placidas in pace regebat »). Du point
de vue historique, Claudien doit penser au traité de paix conclu
par Théodose au début de son règne (382 ?) avec les Goths
(cf. Ruf 1,308; Stein-Palanque p. 193-4).
c. Stat. Theb. 8,275 concilium triste uocat [Adraste] ; 2,585-6 « densi
glomerantur in unum / Ogygidae » ( cf. Guibert de Tournai Vit.
27 ad: a Ra.c. Il limina (Vic) : lu- exc. Fl. cul- N Il t(a)etra: sceua Ise
Eleuth. §43 [80B], v. 4). L'effet du rejet est renforcé chez Claudien
mg. Il 28 concilium (Np.c.) : -silium P2 a.c.F5 a.c. Il 29 herebi codd. Il
par l'antéposition du verbe.
31 leto : loto exc. Fl.. 11 32 liuior- P2 a. c. 11 35 et : it exc. Fl. 11 popula-
d. Lucan. 6,670 à propos de substances utilisées dans une scène
tor (P 2 u.l. exc. Fris.) : spoliator P2 Il quem (exc. Fris. exc. Fl.. ) : et
de nécromancie : « quidquid Jetu genuit natura sinistro ».
quem F2 quoi Vic cui exc. Fl.. mg. Il 36 gressu: passu Ka.c. Il 37 pec-
e. Stat. Theb. 3,196 longo examine matres; Lucan. 2,239 insomni
tora (P,p.c.) : uiscera F3 Il 38 longo ueniunt: 1. -ent Ra.c. ueniunt 1.
cura (cf. Symm. Epist. 9,42,1 ; Ps. Prosp. Carm. prou. 166; Mart.
F5 Il examine (F5 u.l.) : certamine F5
Cap. 6,571).
59 CONTRE RUFIN LIVRE 1 39-54 RVF. I ==CARM. 2-3 39-54 59

Les sièges de fer se garnissent de cette troupe bigarrée ; Conplentur uario ferrata sedilia coetu,
40 En cette curie menaçanteh se presse un collège toruaque collectis stipatur curia monstris. 40
[de monstres. Allecto stetit in mediis uulgusque tacere
Debout, au milieu, Allecto a commandé le silence iussit, et obstantes in tergum reppulit angues
[à la foule; perque humeras errare dedit. Tune corde sub imo
Elle a rejeté sur sen dos les serpents qui la gênent 1 inclusam rabidis patefecit uocibus iram :
En les laissant épars sur ses épaules. Alors, « Sicine tranquillo produci saecula cursu, 45
[avec des cris de rage, sic fortunatas patiemur uiuere gentes ?
Elle a découvert la colère enfermée Quae noua corrumpit nostros clementia mores?
[au fond de son cœur 2 : Quo rabies innata perit? Quid inania prosunt
45 « Souffrirons-nous que la course des siècles s'étire ainsi uerbera ? Quid facibus nequiquam cingimur atris ?
Paisiblement, que les nations vivent ainsi Heu nimis ignauae quas caelo Iuppiter arcet, 50
[dans le bonheurc ? Theodosius terris. En aurea nascitur aetas,
Quelle bonté sans précédentd corrompt nos mœurs ? en proles antiqua redit. Concordia, Virtus
Où s'est perdue notre fureur innée? Et à quoi bon cumque Fide Pietas alta ceruice uagantur
Des fouets inactifs ? Pourquoi nous ceindre en vain insignemque canunt nostra de plebe triumphum.
[de torches noires 3 ?
50 C'est nous, hélas, si lâches, qu'écarte du cielJupiter
Et Théodosee de la terre! Voici que naît un âge d'or4,
Voici le retour de l'antique race. L'Accord et la Vertu,
La Piété avec la bonne Foi vont
[et viennent la tête hautef,
Chantent l'éclat de leur triomphe sur notre plèbe.

a. Le fer, symbole de dureté, est traditionnellement associé aux


Furies (Verg. Aen. 6,280 Jerrei... Eumenidum thalami). Sedilia contri-
bue à filer la métaphore du débat parlementaire de la curie infer- 39 ferrata : secreta Ru. l. 1140 torua- : tota- Cam mg. Ise mg. tetra-
nale ( curia, v. 40 ; decernite, v. 61 ; surgi,t de sede, v. 74 ; cf. v. 112 et Cuia. Il 41 stetit: sedit N Il mediis (Rp.c. Vic exc. Fl.) : -os Ra.c. -o
116-7). F3 u. l.F5N exc. Fl. 11uulgus- : uultu- Cuia. 1142 in tergum : a pectore
b. L'adjectif torua est associé à Allecto presque comme une épi- N 11repulit Pj<F5N P 1143 om. add. mg. J 11dedit : iubet L 11tune
thète de nature (Verg. Aen. 7,415; Claud. Rapt. 1,279-80; Coripp. (exc. Fl.) : tum G P2 Vic exc. Fl.. Ise Il 44 rabidis G K F3s.l.FJp.c. R:
Ioh. 4,327). rapidis Pj<.u.l. FJa.c.N L F:f111 45 s(a)ecula: tempora K Il cursu:
c. Verg. Georg. 4,287: « Nam qua Pellaei gens fortunata Canopi ». luxu N Il 47 qu(a)e (Ju.l.) : quo PF3 u.lj Il noua: nostra F3 a.c. Il cor-
d. Mouvement analogue chez Virgile Aen. 4,10 (Quis nouas ... ) rumpit (P2 a.c. exc. Fl..) : -rupit PJJ.c.KF5 R Vic Ise 1148 quo: quid
ou 5,670 (Quis furor iste nouas ?) ; cf. Claud. Eutr: 2,391 Quis nouus exc. Fl. Il 49 uerbera: -bara P2 a.c. uerba N 11facibus: fascibus Pp.c.
hic torpor? Il ne(c)quiquam G F3 F2 exc. Fl. : -cquam cett. 11cing(u)i~ur: accin-
e. Sur l'orthographe Theodosius, voir ad loc. Levy 1971, p. 278 == gimur jfor. Gall. Il 50 nimis ignau(a)e (exc. Fl.) : n. msane Ja.c.
1935, p. 60. minus ig. Vic nimium segnes jlor. Gall. Il q. c(a)elo iup(p)iter arcet:
f. Alta ceruice: Nupt. 84 « petulans alta ceruice Iuuenta » ; cf. celo q. i. a. Kjlor: Gall. q. iup(p)iter a. olympo G exc. Fl.. Il 52 En:
aussi Cet. 628. Et Ise Il 53 uagantur: -atur Ise Il 54 de nostra PJ Il plebe: gente N
60 CONTRE RUFIN LIVRE 1 55-71 RVF. I = CARM. 2-3 55-71 60

55 0 douleur! La Justice en personne descend Pro dolor ! lpsa mihi liquidas delapsa per auras 55
[par les brises Iustitia insultat uitiisque a stirpe recisis
Elle m'insulte, elle arrache les vices à la racine elicit oppressas tenebroso carcere leges.
Et fait sortir les lois du ténébreux cachot At nos indecores longo torpebimus aeuo
[qui les a oppriméesa. omnibus eiectae regnis? Agnoscite tandem
Mais nous, resten:ms-nous longtemps paralysées, quid Furias deceat. Consuetas sumite uires 60
[sans gloire, conuentuque nefas tanto decernite dignum.
Chassées de tout royaume? Reconnaissez enfinb Iam cupio Stygiis inuadere nubibus astra,
60 Ce qui sied aux Furies. Prenez votre énergie iam flatu uiolare diem, laxare profundo
[accoutumée frena mari, fluuios ruptis inmittere ripis,
Et décidez quelque forfaite digne et rerum uexare fidem ». Sic fata cruen tum 65
[d'une telle assemblée. mugiit et totos serpentum erexit hiatus
Voici qu'avec les nuages du Styx je désire envahir noxiaque effudit concusso crine uenena.
[les astres Anceps motus erat uulgi : pars maxima bellum
~t souiller le jour de mon souffle, lâcher les rênes indicit superis, pars Ditis iura tuetur,
A la mer abyssale et en brisant leurs rives lancer dissensuque alitur rumor : ceu murmurat alti 70
[les fleuves, inpacata quies pelagi, cum flamine fracto
65 Bouleverser l'alliance du monde » 1 .
[À ces mots<lAllecto hurla
Le sang, dressa les gueules toutes béantes
[de ses serpen tse
Et versa les venins fatals en secouant sa cheveluref.
La foule balançait : la plupart déclare la guerre
Aux dieux d'en haut, les autres défendent
[les droits de Dis ;
70 Et le désaccord nourrit le tumulte. Ainsi en haute mer
Grondent les flots mal apaisés quand, la brise brisée, 55 delapsa ( Vic) : di- P/(] L exc. Fl.. 11 56 om. add. mg. ] 11 que om.
P2 a.c. Jmg.N Il a: ab P2 Il 57 carcere (exc. Fl.) : in c. _F2 R Vice c. Ise
a. Cf. Ruf 2,85 captiuae... leges; Cet. 37-38. Il 58 om. add. mg. J Il indecores: ded- L Il torpeb1mus: -ur P2 a.c.
b. Prosper d'Aquitaine ( ingr: 596 cognoscite... et desuescite) s'est torquebimur F? Il 61 decernite (exc. Fl.. ) : desc- P discrimine Vic Il
probablement souvenu de ce passage, d'autant que son v. 113 62 cupio: -do Pa.c. Il 63 laxare: laps- F2 11 64 ruptis (om. R add.
( immittere riuos) fait écho à la clausule du v. 64 de Claudien. m.r:) ... ripis: ripis ... ruptis F5 Il i(n)mittere (Ja.c.) : em- jp.c. li 65
c. Même iunctura chez Lucain (5,203-4 decreuerenejas) à propos uexare G Pp. c. R exc. Fl.. Ise mg. : laxare KF}' 5p. cj L F? Vic Ise lap-
des oracles qui hésitent à révéler les horreurs de la guerre civile. sare F5 a. c. exc. Fl. turbare N 11 ante fidem del. diem R 11 fata : facta
d. Levy ad loc. (1971, p. 29) dresse le catalogue de toutes les Ga.c. F2 a.c. Il cruentum: -e P2 u.l. glass. in G F3 F2 Il 66 ~ugit Na.c. Il
expressions pour clore un discours dans l' In Rufinum. totos: tortos N L Il 67 que om. F2 a.c. Il 68 anceps: anx1a F5 a.c. Il 69
e. Comparer Verg. Aen. 7,450 geminos erexit crinibus angues à pro- tuetur Kp.c.F3 u.l. L F2 u.l.P R exc. Cyr. Vic Ise mg. : -entur exc. Fl. uere-
pos d'Allecto (cf. ici v. 42) et Stace Theb. 2,27, à propos de Cer- tur G Pj(a.c.FJ'J F2 Ru.l. exc. Fl.. Ise uerentur N Il 70 dissensu-
bère : omnes capitum subrexit hiatus. (F5 u.l.) : as- F5 Il ceu: seu N? sceu F~a.c. Il 71 i(n)pacata: impl- K 11
f. Représentation traditionnelle : Ou. Met. 4,492-4 ; Lucan. 9,635. flamine: flu- P2 a.c.Ku.l.F 5 u.lja.c. P Ise mg. ? N
61 CONTRE RUFIN LIVRE 1 72-88 RVF. I = CARM. 2-3 72-88 61

Le grondement perdure et se déchaîne, durat adhuc saeuitque tumor dubiumque per aestum
[et que dans la houle lassa recedentis fluitant uestigia uenti.
Ondoient les débris las du vent qui se retire 1 . Inproba mox surgit tristi de sede Megaera,
Alors de son sinistre siège se lève la quam penes insani Fremitus animique profanus 75
75 Qui tient les Grondements déments, Error et undantes spumis furialibus Irae :
[!'Égarement impie non nisi quaesitum cognata caede cruorem
De l'âme et les Colères écumant de la bave des Furies: inlicitumue bibit, patrius quem fuderit ensis,
Elle ne boit qu'un sang qui vient du meurtre quem dederint fratres. Haec terruit Herculis ora,
[d'un parent\ haec defensores terrarum polluit arcus, 80
Sang criminel que l'épée d'un père a versé haec Athamanteae direxit spicula dextrae,
Ou qu'ont donné des frèresc. Elle effraya haec Agamemnonios inter bacchata penates
[les yeux d'Hercule, alternis lusit iugulis ; hac auspice taedae
80 Elle souilla les arcs défenseurs de la terre 2 ; Oedipoden matri, natae iunxere Thyesten.
Elle guida les flèches<l du bras d'Athamas ; Quae tune horrisonis effatur talia dictis : 85
Elle se plut, bacchante devant le foyer d'Agamemnon, « Signa quidem, o sociae, diuos attollere contra
Aux meurtres successifs ; sous ses auspices nec fas est nec posse reor ; sed laedere mundum
[les flambeaux si libet et populis commune intendere letum,
Ont uni Oedipe à sa mère et Thyeste à sa fille.
85 Elle tient alors ce discours, dont les mots sonnent
[l'épouvante :
« Lever les étendards, mes alliées, contre les dieux
n'est à mon sens ni permis ni possible;
[mais s'il vous plaît
D'agresser le monde et d'étendre un trépas
[commune sur les peuples,

72 tumor (exc. Fl.. ) : ti- P2 a.c. Vic Il 73 recedentis: -es Ra.c. Il 74 tristi
surgit G Il 75 fremitus (F3 u.l.) : ge- F3 Ra.c. Il prof[-ph-]anus (F2 u.l.) :
a. Étymologiquement, Mégère signifie "l'envieuse" (megairein). tumultus F2 Il 77 non: nec J Il c(a)ede: sede Fp.c.FFc. Il 78 -ue
Sur le goût des Furies pour le sang, Eschyle Eum. 254 et 264-5 ; F3s. l.F5N L P R : -que cett. Vic Ise 11fuderit (Pp.c.) : fun- R -at F2 exc.
Petr. 120,96-97; Amm. 14,1,2. FZ. ? N Il 79 terruit (exc. Fl.) : tor- Vic Il 80 h(a)ec (Pp.c.) : et G exc.
b. Cognata caede: Sen. Med. 523 « ut te caede cognata inquines ». Fl.. Il defensoris G R Il polluit (F5 u.l.) : terruit F5 Ru.l. Il 81 atha-
c. Allusion possible au meurtre de Chrysippe, leur demi-frère, mant(h)e(a)e: -tes Pa.c. -teos P2a.cJa.c. Il direxit (F3u.l.) : porrexit
par Thyeste et Atrée (Levy 1941, p. 240-1). F3 1183 alternis (exc. Fl..) : -rius Vic Il t(ha)ed(a)e: thebe P2 a.c.N R
d. Emprunt métrique à Ovide (Met. 12,606 à propos 11 84 oedipoden G F3 Ise: edipodem cett. Vic 11 thiesten G L F2
d'Apollon) : direxit ~picula dextra (Verg. Aen. 7,497 « Ascanius ... t(h)i[-y-Jestem cett. Il 85 que jp.c. il nunc N Il (h)orrisonis: horroris
derexit [ di- var.] spicula » ; cf. 11,654) . Ra. c. 11 effatur : efatur P af- N 11 86 om. o F2 a. c. R 11 87 reor FiP·c. 11
e. Ruf 2,20 exitium commune dabit. 88 libet : placet flor. Gall. 11letum : len- F3 a. c.
62 CONTRE RUFIN LIVRE 1 89-104 RVF. I = CARM. 2-3 89-104 62

J'ai un monstre prodigieux plus que toutes les hydresa, est mihi prodigium cunctis inmanius hydris,
90 Plus prompt que la tigresse mèreb, plus violent tigride mobilius feta, uiolentius 90
[que les Austersc, acrius Harp<y>iis, flauis incertius undis,
Plus vif que les Harpyes, plus incertain Rufinus, quem prima meo de matre cadentem
[que l'onde limoneuse1, suscepi gremio. Paruus reptauit in isto
Rufin 2 : sur mon giron, je l'ai recueilli la première saepe sinu teneroque per ardua colla uolutus
Du ventre de sa mère. Petit, il a souvent rampé ubera quaesiuit fletu, linguisque trisulcis 95
Sur ce sein et, avec de tendres pleurs, mollia lambentes finxerunt membra cerastae.
[roulant jusqu'à mon cou, Meque etiam tradente <lolos artemque nocendi
95 Il a recherché mes mamelles ; avec leur langue edidicit simulare fidem sensusque minaces
[à triple darda, protegere et blando fraudem praetexere risu,
Mes cérastes en le léchant ont façonné plenus saeuitiae lucrique cupidine feruens. 100
[ses membres doux 3 . Non Tartesiacis illum satiaret harenis
Et je lui ai transmis aussi la ruse et l'art de nuire : tempestas pretiosa Tagi, non stagna rubentis
Il a appris à simuler la bonne foi, à couvrir les menaces aurea Pactoli. Totumque exhauserit Hermum,
De ses pensées, à abriter sa fraude derrière ardebit maiore siti. Quam fallere mentes
[un sourire flatteur 4 ;
100 Bouillonnant d'un désir de lucre,
[il regorge de cruauté.
Ni, dans les sables de Tartesse, la riche tempête
[du Tage,
Ni les flots d'or du rougeoyant Pactole
Ne sauraient le rassasier. Qu'il avale !'Hermus entier, 89 cun(c)tis: iunctis F5 u.l. natis F5 Il 90 mobilius (exc. Fl.) : -libus
Il brûlera d'une plus grande soif5. Vic Il uiolentius: uelocius Ise mg. Il 91 acrius (h)arpiis: a. hirpys
[Comme il sait bien tromper Vic a. harpyis exc. Fl.. acribus euripi exc. Fl.. exc. Cyr: 11 flauis ( Vic) :
-que exc. Fl. fuluis N exc. Fl.. u. l. exc. Cyr: refluis Ise mg. 11 92 quem
(exc. Fl.) : qme Vic Il matre (F3 u.l.) : uentre F3 Il 93 p. reptauit: p.
rap- P reptauit p. Ise Il 94 teneroque per ardua (Np.c. exc. Fl.) : om.
que Na.c. tenero perque a. Vic Ise Il uolutus jp.c. Il 95 ubera
(F5 u.l.) : oscula Ff 5 L P Il 96 finxerunt (N? exc. Fl.) : fix- G P2 Vic
Ise Il me(m)bra (Ru.l. Vic Ise) : ora F5 L F2 u.l.P R Ise mg. Il 97
meque etiam tr. d. G KFJ Rp. c. Vic Ise mg. : me tr. d. gestus P75N L
a. Verg. Aen. 6,576 immanis ... hydra; Ou. Met. 13,804 calcato Ffp.c. exc. Fl. Ise om. etiam Ra.c., add. s. me P2 Il artem- F5N L F~ R
immitior hydro. Vic Ise : -es- G Pp J exc. Fl.. gestus- F3 s. l. 11 98 sensus- : scimus- Pa. c.
b. Lucan. 5,405 (à propos de César) : ocior... tigride Jeta; cf. Il minaces (exc. Fl.. ) : nocentes Vic Il 99 fraudem: -es F2 R Il
Plin. Nat. 8,66; Sil. 12,458-62. pr(a)etexere: pro- P Il 100 s(a)euit[-c-Ji(a)e: seuicia N Il 101 sat[-
c. Lucan. 9,448 Syrtis uiolentius excipit Austrum; Claud. Rapt. c-]iaret: -i Pa.c. siciaret Ra.c. Il 102 non stagna: uel s. G P2 si tagna
2,308 uiolentior Auster (voir note c ad lac.). K 11 103 -que: quoque exc. Fl.. Il ex(h)auserit (Vic): si (h)auserit N
d. Verg. Aen. 2,475 (= Georg. 3,439 à propos d'un serpent) lin- exc. Fl. si F5s.l. Il 104 maiore (exc. Fl.) : -i Vic Il quam (F2 a.c. Ise mg.) :
guis ... trisulcis; cf. Stat. Theb. 5,571. qua Ku.l.F 3 u.l. Fp.c. Ise
63 CONTRE RUFIN LIVRE 1 105-119 RVF. I = CARivI. 2-3 105-119 63

105 Les esprits et troubler de haine la concorde doctus et unanimes odiis turbare sodales ! 105
[des compagnons! Talem progenies hominum si prisca tulisset,
Si l'antique race des hommes en avait produit Pirithoum fugeret Theseus, offensus Orestem
[un pareil, desereret Pylades, odisset Castora Pollux.
Pirithous aurait été fuipar Thésée et Pylade offensé Ipsa quidem fateor uinci rapidoque magistram
Aurait abandonnê Oreste ; Pollux aurait haï Castorb. praeuenit ingenio. Nec plus sermone morabor: 110
Moi-même je m'avoue vaincuec et son génie rapide solus habet scelerum quicquid possedimus omnes.
110 A devancé son maître. Je n'en dirai pas davantage: Hune ego, si uestrae res est accommoda turbae,
Il a, à lui seul, tous les crimes que nous rassemblons regalem ad summi producam principis aulam.
[à nous toutes. Sit licet ille Numa grauior, sit denique Minos,
Cet homme, si la chose agrée à votre troupe, cedet et insidiis nostri flectetur alumni ». 115
Je le présenterai à la royaled cour du prince souverain. Orantem sequitur clamor cunctaeque profanas
Eût-il plus de poids que Numa, en bref, fût-il Minose, porrexere manus inuentaque tristia laudant.
115 Il cédera, il pliera sous les pièges de notre nourrisson ». Illa ubi caeruleo uestes conexuit angue
Une acclamation suit son discours ; nodauitque adamante comas, Phlegethonta sonorum
[toutes tendent leurs mains
Impies et louent cette funeste inventionf.
Elle, avec un sombre serpent, a attaché sa robe 1
Et noué d'acier ses cheveux; puis elle gagne le fracasg

a. unanimes: voir Ol. 231 et n. compl. 5. Verg. Aen. 7,335-6 (à


propos d'Allecto) : « Tu potes unanimos armare in proelia Jratres /
atque odiis uersare domos ». Catulle 30,1 unanimis ... sodalibus.
b. Développement rhétorique sur le thème des couples d'amis
inséparables: Mart. 7,24,1-26; Stat. Theb. 1,475-8; Auson. Epist. 23
Prete, 34-37 ; Sidon. Carm. 5,287-90.
c. Stat. Ach. 1,483 « cedit turba ducum uincique haud maesta
Jatetur».
d. Pour regi,us à propos de ce qui touche à l'empereur : Ruf
2,144 et 196; Nupt. 198 et 253; Stil. 3,115; Amm. 14,1,1; Pacat.
pan. 2[12],12,1; Hist. Aug. Hadr: 23,8.
e. Pour Numa, modèle de sagesse: Mart. 11,5,1-4; 12,6[3],8; 105 doctus : est d. N 11 unanimes : -os G exc. Fl.. 11 106 hominum :
Claud. 4 cons. 493. Minos, juge des enfers (Ruf 2,4 76-527), -em N 11 109 uinci fateor F5 N exc. Fl. 11rapido- ( exc. Fl.) : rab- J Vic 11
incarne la clairvoyance. magistram (F5 u.l.) : megeram F5 Il 110 morabor: parabat F5 a.c. Il
f. Claudien combine deux souvenirs de Lucain : 2,596 uerba 111 quidquid scelerum exc. FZ. Il possidebimus F3 a.c. Il 112 hune:
nullo partes clamore secuntur (imitation par contraste) et 8,551-2 pro- nunc P 2 a.c. 11uestr(a)e: nostre P2 J Il turb(a)e: cure F3 Il 113 pro-
fanas... man us, à propos de Ptolémée et du meurtre de Pompée. ducam G F2 a. c. R: per- FiP·c. cett. Vic Ise 11 114 ille ( Vic) : ipse R exc.
Porrexere: sur ce geste d'approbation venu de Grèce, Cie. Flacc. 15 Fl. Il minos [-x] : -us Pa.c. Il 115 cedet: -it Pa.c. Il nostri: -is P2 a.c. Il
et 17 (cf. Lucan. 1,388). 118 illa: -e Pa.c. Il con(n)exuit: conexuut exc. FZ.. Il 119 nodatam-
g. Sonorum : Verg. Aen. 6,551 Phlegethon torquet... sonantia saxa. ·· · comam R
64 CONTRE RUFIN LIVRE 1 120-136 RVF. I = CARM. 2-3 120-136 64

120 Du Phlégéthon ; du talus calciné de la berge poscit et ambusto flagrantis ab aggere ripae 120
Elle embrase un immense pin dans un gouffre ingentem piceo succendit gurgite pinum
Et puis traverse à tire-d'ailec le paresseux Tartare. pigraque ueloces per Tartara concutit alas.
Il est un lieu où la Gaule déploie Est locus extremum pandit qua Gallia litus
[de son Oceani praetentus aquis, quo fertur Vlixes
Devant les eaux de l'Océand, où Ulysse, dit-on 1, sanguine libato populum mouisse silentum. 125
125 Par des libations de sang a fait venir le peuple Illic umbrarum tenui stridore uolantum
[du silence. flebilis auditur questus; simulacra coloni
Là on entend, avec le léger sifflement pallida defunctasque uident migrare figuras.
[du vol des ombres, Hinc dea prosiluit Phoebique egressa serenos
Les plaintes et les pleurs ; les colons voient passer infecit radios ululatuque aethera rupit 130
De pâles simulacres, les spectres des défunts 2 . terrifico. Sensit ferale Britannia murmur
De là s'élança la déesse, et en sortant elle ternit et Senonum quatit arua fragor reuolutaque Tethys
130 Les rayons sereins de Phébus et déchira substitit et Rhenus proiecta torpuit unda.
[l'éther d'un cri Tune in canitiem mutatis sponte colubris
Terrifiant 3 . La Bretagne perçut longaeuum mentita senem rugisque seueras 135
[son grondement lugubre ; persulcata genas et ficto languida passu
Son fracas ébranla les guérets des Sénons.
[Téthys en refluant
S'arrêta et le Rhin, rejetant son flot4, s'engourdit.
Alors, d'elle-même, elle change ses couleuvres
[en cheveux blancs
135 Et prend l'aspect d'un vieillard au grand âge
[en sillonnant ses joues
D'austères ridesf; elle feint un pas languissant,

a. Même fin de vers chez Lucain dans une scène de nécroman- 120 et: utju.l. Il angusto Ise mg. Il fragrantis N Il 121 piceo (Ru.l.) :
cie (6,778): « tacitae reuocatus ab aggere ripae». -um R pisceo P 2 a.c. Il succendit (/a.c.) : -at]p.c. Il ab gurgite Ra.c. Il
b. Même geste de Mégère en Rapt. 3,390-1 (cf. Sil. 2,609-11). 122 concutit: -citat N Il alas (exc. Fl.. ) : -es Vic Il 124 pr(a)etentus:
c. R.etractatio d'une clausule virgilienne (Aen. 7,476 à propos -uentus Ka.c. Il quo (Vic) : -a K exc. Fl. ubi G exc. Fl.. Ise mg. Il
d'Allecto) : Stygiis se concitat alis. 125 populum: -os Fft Il mouisse (exc. Fl.) : n- F;1.t.l.P Vic 11 silen-
d. Comparer Avien. Orb. 1380 Oceani Eoi praetento.,.. tum: -em exc. Fl.. Il 126 umbrarum Jp.c. Il 128 pallida: pallia Ka.c.
e. La leçon de tous les mss. conservés est corroborée par le Il figuras: cateruas R Il 129 hinc (Js.l.) : hic G hue P 2 u.l.j 11
parallèle avec Lucan. 6,513 coetus audire silentum. prosiluit: -iit P7 3 L Il 130 ululatu- Pp.c. Il ethera jp.c. Il 131 ferale
f. Métamorphose analogue d'Allecto chez Virgile (Aen. 7,415- (exc. Fl.) : letale F5 fatale Vic Il 132 t(h)et(h)is codd. 11 133 substitit
8) : « Allecto toruam faciem et furialia membra / exuit, in uultus (F2 u.l.) : -sistit F2 Il r(h)enus: remus Ku.l.F/u.l. L P Ra.c. Il proiecta
sese transformat aniles / et frontem obscenam rugis arat, induit (Ku.l.) : sub- K Il unda: urna Ku.l.F 3 u.lju.l.1\T P~u.l. exc. Fl.. exc. Cyr.
albos / cum uitta crines » ; cf. Ou. Met. 3,275 (à propos de Junon) Ise mg. Il 134 sponte: s(a)epe Ku.l.F 3 u.l.F5 a.c. F2 u.l.P Ra.c. 11 136
et la métamorphose de Bellone en Eutr. 2,181-6. persulcata ( exc. Fl.) : -falcata Vic 11ficto : sicco Pa. c.
65 CONTRE RUFIN LIVRE 1 137-151 RVF. I = CARM. 2-3 137-151 65

Pénètre les murs d'Elusaa et gagne un toit inuadit muros Elusae, notissima dudum
[bien connu d'elle tecta petens, oculisque diu liuentibus haesit
Depuis longtemps. Un long moment ses livides peiorem mirata uirum. Tune talia fatur :
« Otia te, Rufine iuuant frustraque iuuentae 140
Admiratifs, à l'homme pire qu'elle. Alors elle tint consumis florem patriis inglorius aruis ?
[ces propos : Heu nescis quid fata tibi quid sidera donent,
140 « L'oisiveté te plaît, Rufin ? En vain tu consumes la fleur quid Fortuna paret : toto dominabere mundo
De ta jeunesse, sans gloire, aux guérets de tes pèresb? si parere uelis ! Artus ne sperne seniles.
Ah ! tu ne sais ce que les destins, Namque mihi magicae uires aeuique futuri 145
[ce que les astres t'accordent, praescius ardor inest: noui quo Thessala cantu
Ce que Fortune te préparec. Tu domineras sur eripiat lunare iubar, quid signa sagacis
[le monde entier Aegypti ualeant, qua gens Chaldaea uocatis
Si tu veux obéir! Ne méprise pas mes membres séniles<l. inperat arte deis, nec me latuere fluentes
145 Car il y a en moi une force magique arboribus suçi funestarumque potestas 150
[et un feu qui pressent herbarum, quicquid letali gramine pollens
Les temps futurs 1 : je sais par quelle incantation
[la Thessalienne
Dérobe l'éclat de la lune, ce que peuvent les signes
Du sagace Égyptien, par quel art les gens de Chaldée
Commandente aux dieux qu'ils invoquent
[etje n'ignore pas
150 Les sucs coulant des arbres, le pouvoir
[des plantes funestes,
Tout ce que le Caucase, puissant par son herbe
[de mort,

a. Elusa, nom antique d'Eauze, dans le département du Gers.


b. Peut-être contamination de Verg. Aen. 11,793 (à propos d'Ar-
runs) « patrias remeabo inglorius urbes » et 10,52 (à propos d'As- 137 aelusae exc. Fl.. a.c. Il notissimam Ja.c. Il 138 petens (Fp.c. exc.
cagne) « positis inglorius annis ». Fl.) : -it Vic Il liuentibus (P2 u.l.) : lue- P2 Il 139 tune: tum G exc. Fl..
c. Peut-être un écho de Lucan. 8,557-8 (à propos du jeune Pto- 11 140 ruf(f)ine : sine fine F5 a.c. Il 141 florem consumis J Il
lémée) : nescis / quo tua sit fortuna loco (le v. 553 s'achevait par patriisque F? R Il amis: armis Vic Il 142 clonent: uonent Pa.c.
domitor mundi à propos de Pompée) : Bruère 1964, p. 226. Sur le debent G Ri:t.l. exc. Cyr. Ise mg. dedent exc. Fl.. Il 143 paret: -at G
destin et la Fortune chez Claudien, Born 1939. patet Pa.c. Il toto (F3 u.l.) : -i KF7 5 N Ru.l. Vieil dominabere G
d. Cf. Verg. Aen. 7,452 (apparition en songe d'Allecto à Turnus, PP7JN Ru.l. Vic Ise : dona- P2 u.l.F3 u.lju.l. L F~p.c. R Il 146 quo
sous forme d'une vieille femme). (P2 u.l.) : quid P2 11147 eripiat: exci- F2 u.l. Il 149 i(n)perat: -etjp.c.
e. Pour l'alternance du subjonctif et de l'indicatif dans l'inter- exc. Fl.. et in mg. a. c. 11 deis : dehis N diis P 11 latere Ise 11 150 fun esta
rogative indirecte chez Claudien, voir Rapt. 1,27-31 et n. compl. 3 cumque Pa.c. Il 151 quicquid 1. h. P2 a.c. li gramine: ger- Ise car-
de la p. 10 (t. I). F2a.c. Ise mg. Il pollens (F_,a.c.): -et F5p.c.
66 CONTRE RUFIN LIVRE 1 152-170 RVF. I = CARM. 2-3 152-170 66

Et les rochers des Scythes font germer 1 au printemps, Caucasus et Scythicae uernant in germine rupes,
Ce que cueille Médée, l'impétueuse, et l'habile Circé. quas legit Medea ferox et callida Circe.
J'ai apaisé 2 les Mânes effrayants, bien souvent, Saepius horrendos Manes sacrisque litaui
[et Hécp.te, nocturnis Hecaten et condita funera traxi 155
155 Par des sacrifices nocturnes; j'ai attiré des morts carminibus uictura meis, multosque canendo,
[ensevelis quamuis Parcarum restarent fila, peremi.
À la vie par mes charmes, et par mes chantsb Ire uagas quercus et flamina stare coegi
[j'en ai tué uersaque non prono curuaui flumina lapsu
Beaucoup, malgré la résistance du fil des Parques. in fontes reditura suos. Ne uana locutum 160
J'ai fait errer les chênes et s'arrêter les brises; me fartasse putes, mutatos cerne penates ».
J'ai infléchi les fleuves en inversant leur pente Dixerat et niueae (mirum !) coepere columnae
160 Pour les ramener à leur source. ditari subitoque trabes lucere metallo.
[Afin que tu n'ailles penser Illecebris capitur nimiumque elatus auaro
Que j'ai parlé en vain, vois changer tes Pénates 3 ». pascitur intuitu. Sic rex ad prima tumebat 165
Elle avait dit ; les colonnes de neige commencèrent Maeonius, pulchro cum uerteret omnia tactu ;
[ (merveille !) sed postquam riguisse clapes fuluamque reuinctos
À s'enrichir, les poutres à briller soudain in glaciem uidit latices, tum munus acerbum
[d'un éclat métallique. sensit et inuiso uotum damnauit in auro.
Saisi par ces attraits, porté au sommet de l'orgueil, Ergo animi uictus, « sequimur quocumque uocabis, 170
[il se repaîtc
165 D'un œil cupide. Ainsi d'abord le roi de Méonied
S'enflait quand il transformait tout de son toucher 152 sc(h)it(h)ic(a)e codd. Il germine F3 : gra- cett. gramina exc. Fl..
[qui rendait beau ; Il rupes: ri- F5 a.c. cautes Ru.l. pollens Pa.c. Il 153 quas legit
Mais lorsqu'il vit durcir ses mets, se figer les liquides (F2 a.c.) : quasque legat F:zP.c.Il 154 manes: latices Ise mg. Il litaui:
En une glace jaune, alors il comprit l'âpreté ci- Cuia. leuaui F5s.l.m.r. exc. Fl.. Ise mg. Il 155 (h)ec(h)at(h)en G
F5N L PR Vic Ise: -em Pj<FJ F2 Il traxi: taxi Ka.c. Il 157 restarent
Du présent et maudit son vœu en haïssant cet or. parcarum Ga.c. 11peremi: perhenni F5a.c. Pa.c. Il 158 flamina Cam
170 Alors, l'âme vaincuee, il dit: «je te suis là Ise: flu- codd. Vic flumen F2 exc. Fl. fulmina Ald Ise mg. fulmen exc.
[où tu m'appellerasf, Fl.. Il stare flumen F2 a.c. 11flare Ise mg. Il 159 curuaui: repressi Ise
m?' 11lapsu : cursu Cam mg. Ise mg. 11160 ne ( exc. Fl ..) : neu J L F~
Vzc Ise 11locutum (exc. Fl.) : -am Ga.c. F3 a.c. Vic Il 161 putates Pa.c. Il
a. Formellement, cf. Lucan. 6,639-40 (au sens physique) :
162 cepere m. F3 a.c. 11163 que om. F2 a.c. Il 164 inlecebris exc. Fl.. Il
«miserum trahitur. . . cadauer / uicturum ».
capitur om. K add. s.l. Il -que om. N add. m.r. Il 165 intuitu: intinctu
b. Canendo au sens magique, en fin d'hexamètre : Ou. Met.
Pa.c. aspectu G exc. FL exc. Cyr. Il tumebat (exc. Fl.) : ti- Pa.c. ruebat
12,263; Stat. Theb. 3,141.
Vic Il 166 meonio F5 a.c. Il uerteret: -ent Ja.c. cern- Ka.c. Il tactu
c. Souvenir probable de Verg. Georg. 2,285 pascat prospectus.
(Pu.l.) : tractu P Il 167 riguere K L Il fuluum- Pa.c. Il reuinctos (exc.
d. La Méonie est l'ancien nom de la Phrygie: Rapt. 1,19
Fl ..) : -ictos exc. Fl. reductos Fft Vic Il 168 uidit (exc. Fl.) : uertit Vic
(n. compl. 1, p. 90) ; 2,68 ; Eutr. 2,242-6.
Il latices: lapides F3 a.c. Il tum G P~] R: tune cett. Vic Ise Il munus
e. Cf. Verg. Georg. 4,491 uictusque animi.
_(~.,p.c. exc. Fl .. ) :_minus Vic Il 169 inuiso: -to P2 u.l.Ku.l.Fp.c. P
f. Fin de vers modelée sur Verg. Ecl. 3,49 « ueniam quocumque
mmsto K Il 170 mctus om. Ja.c. Il uocabis (Ja.c. ?) : -ris Jp.c.N
uocaris ».
67 CONTRE RUFIN LIVRE 1 171-185 RVF. I = CARM. 2-3 171-185 67

Que tu sois homme ou dieu ». Il quitte sa seu tu uir seu numen », patriaque relicta
sur l'ordre de la Furie, gagne les cn:aa,~w::s Eoas Furiae iussu tendebat ad arces,
instabilesque olim Symplegadas et freta remis
Les Symplégades mobiles jadisb et les détroits . inclita Thessalicis, celsa qua Bosphorus urbe
[qu'illustrent splendet et Odrysiis Asiam discriminat oris. 175
Les rames thessali~nnesc, où le Bosphore brille Vt longum permensus iter ductusque maligno
175 D'une ville sublime et sépare l'Asie stamine fatorum claram subrepsit in aulam,
[des rives odrysiennes<l. ilicet ambitio nasci, discedere rectum,
Dès qu'il eut parcouru ce long chemin, uenum cuncta dari. Profert arcana, clientes
[guidé par le fil des mauvais fallit et ambitos a principe uendit honores. 180
Destinse et qu'il se fut glissé dans la brillante cour, Ingeminat crimen, commoti pectoris ignem
Aussitôt naît l'ambition, le droits' en va nutrit et exiguum stimulando uulnus acerbat.
Et tout se vend. Il divulgue les secrets, trompe Ac ueluti innumeros amnes accedere Nereus
180 Les clients et vend les honneurs qu'il a sollicités nescit et undantem quamuis hinc hauriat Histrum,
[du prince 1 . hinc bibat aestiuum septeno gurgite Nilum, 185
Il grossit les accusations, nourrit le feuf du cœur
Qu'il agite, aiguillonne et exacerbe
[la moindre blessure 2 .
Comme Nérée ignore qu'il reçoit d'innombrables
[fleuves
Et, bien qu'il absorbe d'ici le bouillonnant Ister
185 Et que de là en été il boive le Nil au flot septupleg,
a. Rufin est arrivé à Constantinople vers 385: Levy 1971, p.
226-7 = 1935, p. 8-9. La fin de vers rappelle Lucan. 6,14 (à propos
de César) : tendit ad arces.
b. Cf. Eutr. 2,30 instabilem rursus Symplegada.
c. Allusion à Jason, originaire d'Iolcos en Thessalie, et à son
navire Argo (Val. FI. 1,380).
d. Odrysiis = Thraciis (2,425; 3 cons. 147; Plin. Nat. 4,40; Val. FI.
1,470). La leçon de N a pu être influencée par Lucan. 9,957; 171 uir: me Pa.c. Il 172 furi(a)e iussu (exc. Fl.): i. f. FJN Vic Il
Auien. Orb. 28; Prise. Perieg. 219 ou 866. 173 instabilesque : -isque exc. Fl.. instabiles P2 R 11 olim : diu F5 11
e. 6 cons. 267 « nimium diuersi stamine Jati ». 174inclita P~.c.F 5p.c. Il urbe (exc. Fl.. exc. Cyr. Ise mg.): arce F3 u.l.
f. Ou. Met. 6,492-3 (à propos de Térée qui nourrit sa passion Vic Ise 11 175 determinat N 11 176 permensus : -is Pa. c. dimensus F5 II
pour Philomèle en se représentant sa beauté) : ignes / ipse suos 177 fatorum est L Il 178 i(l)licet: protinus flor. Gall. Il 179 profert
nutrit. (Vic exc. Fl.. ): -ferre exc. Fl. -sunt Fp.c. Il clientes Pa.c. Il 180 ambi-
g. Sur les crues du Nil en été (c. min. 28,27-31 et 41-42) : Tib. tos: auditos Ise mg. Il 181 pectoris (Vic) : criminis F2 exc. Fl. Il
1,7,21-22; Lucan. 10,210-39; Plin. Nat. 18,167-8; Solin. 37,2. Septeno 182 om. Vic rest. exc. Fl.. Il stimulando (Jp.c: Lp.c. exc. Fl.) : cumu-
gurgite (cf. Nupt. 51 ; c. min. 27,100) : Lucan. 8,445 « gu.rgite septeno F5 a.c. P 11 acerbat (Jp.c. exc. Fl.): -uat G accumbatja.c. Il 183 ueluti
rapidus mare summouet amnis » ( cf. Verg. Aen. 6,800 ; Ou. Met. (Vic Ise) : -ut G F5 exc. Fl.. -ud P2 11 184 undantem: inun- P2 a.c. Il
5,324; Am. 3,6,39 ; Plin. Nat. 5,64 ; Solin. 32,8 ; Auien. Orb. 22). 185 bibat: -it Ka.c. Il gurgite: littore Ise mg.
68 CONTRE RUFIN LIVRE 1 186-203 RVF. I = CARM. 2-3 186-203 68

Coule toujours égal et identique, ainsi des vagues d'or semper similisque manet : sic fluctibus auri
Ne peuvent combler son ardeur1. expleri calor ille ~=~ .. ,,,_ '---'''-A--'-•-u.,....... monile
[Quiconque a un collier contextum gemmis aut praedia culta fuissent,
Serti de gemmesa ou des domaines cultivés Rufino populandus erat, dominoque parabat
Doit être pillé par Rufin, et la fécondité exitium fecundus ager ; metuenda colonis 190
[d'un champ. prépare fertilitas. Laribus pellit, detrudit auitis
190 La perte de son maître ; la fertilité est à craindre finibus ; aut aufert uiuis aut occupat heres.
Pour les colons. Il chasse des foyers, expulse Congestae cumulantur opes orbisque ruinas
[des limites ancestrales ; accipit una domus; populi seruire coacti
Ou bien il arrache aux vivants ou bien plenaque priuato succumbunt oppida regno. 195
[il prend en héritier 2 . Quo uesane ruis? Teneas utrumque licebit
Les tas de richesses s'amassent: une seule maison reçoit Oceanum, laxet rutilos tibi Lydia fontes,
Les dépouilles du mondeh; les peuples sont réduits iungantur solium Croesi Cyrique tiarae,
[en esclavage nunquam diues eris, nunquam satiabere quaestu.
195 Et des villes entières au règne d'un particulier Semper inops quicumque cupit. Contentus honesto 200
[succomben t3 . Fabricius paruo spernebat munera regum
Insensé, où cours-tu 4 ? Quand tu possèderais sudabatque graui consul Serranus aratro
[les deux et casa pugnaces Curios angusta tegebat.
OcéansC, quand pour toi la Lydie ouvrirait
[ses sources d'or,
Quand tu joindrais le trône de Crésus à la tiare
[de Cyrus 5 ,
Tu ne seras riche jamais, jamais rassasié de gains.
200 Toujours est pauvre qui désire.
[Content d'une indigence honnête,
Fabricius méprisait les présents des rois; 186 simul- F2 a.c. Il manet (Vic Ise mg.) : meat F2 exc. Fl. Ise Il
187 e~pleri : -que P impleri La. c. 11 calor ille : c. iste R sitis ista F5 11
Le consul Serranus suait sur sa lourde charrue; neqmd P Jv 11 188 contextum: pre- F5 Il aut: ac Ja.c. Il pr(a)edia:
Une étroite hutte<l abritait les ardents Curius 6 . -lia exc. Fl.. Il 189 parabat (exc. Fl.) : ferebat Vic Il 191 auitis (Ku.l.) :
amicis K Il 192 aut fert F2 a.c. Il uiuis aufertflor. Gall. Il uiuis: -us N
Il 193 conieste J Il ruinas: rapinas Ise mg. il 194 domus (F2 u.l.) :
manus F2 Il populi (F2 u.l.) : -us Pa.c. pressi F2 li seruire .Jp.c. Il coacti
Kp.c. Il 195 -que om. F3 a.c. R a.c. Il 196 licebit Kp.c. Il 197 laxet:
a. Paul. Nol. Carm. 25,45 distincta monilia gemmis. latet Pa.c. Il tibi: licet N Il ly[-i]dia: india N Il 198 iungantur (exc.
b. Lucan. 10,150 (à propos de César) : opes mundi quaesisse Fris.) : -que Pp.c. -gatur N exc. Fl. -gantes Pa.c. Il solum P Il cr(o)esi
ruina; cf. 7, 752-3 spoliato plurima mundo ... congestaepondera massae. cy[-i-]ri- G exc. Fris. F2 exc. Fl. Iunt Ise : cy[-i-]ri cresi- cett. Il t(h)i
c. Verg. Aen. 7,100-1 (prophétie sur la grandeur de Rome) : [-y-Jar(a)e (exc. Fl.) : -a P2 u.l.FJ R thyr.:e Vic Il 199 non quam P Il
« qua Sol utrumque recurrens / aspicit Oceanum ». sat[-c-Jiabere (Jp.c.) : sanabile Pa.c. Il 200 contemptus Kja.c. Il 201
d. Lucan. 5,527-8 à propos de la cabane du pauvre Amyclas : parua F2 a. c. 11 regum : -is Ise mg. regnum F5 a. c. 11 202 suadebat-
« o uitae tuta facultas / pauperis angustique lares». F5 a. c. 11 203 tegebat ( exc. Fl.) : ten- G N L Vic Ise mg.
69 CONTRE RUFIN LIVRE 1 204--218 RVF. I = CARM. 2-3 204--218 69

Pour moi1, cette pauvreté est plus sainte\ Haec mihi paupertas augustior, haec mihi tecta
[pour moi ces toits culminibus maiora tuis. Tibi quaerit inanes 205
205 Sont plus grands que tes faîtes. Pour toi un luxe luxuries nocitura cibos ; mihi donat inemptas
u~uo,,~i~ recherche terra clapes. Rapiunt Tyrios tibi uellera sucos
De vaines nourrituresb ; pour moi la terre donne et picturatae saturantur murice uestes.
Des mets gratuitsc. Pour toi la laine prend lessucs Hic radiant flores et prati uiua uoluptas
[de Tyr, ingenio uariata suo. Fulgentibus illic 210
Les vêtements brodés sont saturés de pourpre<l. surgunt strata toris ; hic mollis panditur herba
1/ciles fleurs rayonnent, et le vif agrément d'une prairie sollicitum curis non abruptura soporem.
210 Emaillée selon sa naturee. Là s'élèvent les couvertures Turba salutantum latas ibi perstrepit aedes;
Sur des lits éclatantsf; ici s'étend une herbe tendre hic auium cantus, labentis murmura riui.
Qui ne va pas briser un sommeil exempt de soucis 2 . Viuitur exiguo melius ; Natura beatis 215
Là-bas, la foule qui salue fait retentir les vastes édifices ; omnibus esse dedit, si quis cognouerit uti.
Ici, c'est le chant des oiseaux, le chuchotis Haec si nota forent, frueremur simplice cultu;
[d'un ruisseau qui s'écoule. classica non fremerent, non stridula fraxinus iret,
215 On vit mieux avec peu; à tous la Nature a donné
D'être heureux si l'on sait en bien user.
Si l'on savait cela, on jouirait d'une vie simple 3 ;
Les clairons ne gronderaient pasg,
[le frêne ne sifflerait pas,

a. Malgré le parallèle avec Laus Pis. 108 ( « ipsa ... possesso mens
est opulentior auro »), il faut conserver la leçon la mieux attestée
augustior, qui forme avec angusta au vers précédent une antithèse
bien dans le goût de Claudien.
b. Ou. Met. 8,826 « exercet... cibo... guttur inani » ; cf. aussi
Lucan. 10,155-7.
c. Verg. Georg. 4,133 à propos du vieillard de Tarente: « dapibus 204 augustior: an- F3 a.c.N Pa.c. opulentior G exc. Fl.. exc. Cyr. Ise
mensas onerabat inemptis » ; Hor. Epod. 2,48 dapes inemptas mg. Il 205 tibi (Ku.l.) : ibi G Lu.l. Ise mg. si K Il inanis exc. Fl.. Il
apparans; cf. Prud. Cath. 4,58. 206 luxuries Kp.c. Il cibis Ra.c. Il mihi: tibi Ra.c. hic G Lu.l. Il
d. Cf. 1,384--5: Lucan. 10,123 (banquet de Cléopâtre) « Tyrio quo- inemptos Fp.c. Ra.c. ineptas Ise Il 207 tyrios om. F3 Il tibi: ibi G Lu.l.
rum pars maxima fuco » [suco var. ; cf. Ou. Met. 6,222] ; Verg. Aen. 11suc(c)os (exc. Fl.) : f- FJ F2 Il 208 et: hinc F2 a.c. hic FJJ.c. Il satu-
3,483 picturas ... uestes (cf. Ven. Fort. Carm. 6,1,2) ; 9,614 « picta croco rantur: saci- F5 fuc- G exc. Fl.. signantur Ise mg. Il murice (Pp.c.) :
et fulgenti murice uestis » ; Ou. Epist. 13,37 saturatas murice uestes. -cie J Il 209 hinc F2 a.c.P Il et: hic R Il 210 uaria F5 a.c. Il 211 strata
e. Ou. Met. 3,158-9 « simulauerat artem / ingenio natura suo »; (exc. Fl.) : structa Vic Il hinc F2 a.c. Il 212 obrutura N Il saporem
cf. Colum. 3,1,2. F3 a.c. Il 213 ibi G P2 a.c. Lp.c. F2 : tibi PJJ.c.KF/JN PR Vic sibi L? a.c.
f. Lucan. 10,122 fulget gemma taris. 11prostrepit hedes Ff111 214 labentis (PJJ.c.) : lam- Na.c. Il riui PJJ.c.
g. Le parallèle avec Laus Pis. 141-2 « nec tota classicus horror / Il 215 beatis (F2s.l.) : -os Gexc. Fris. F2 Il 217 frueremur: -rentur N
nocte dieque gemit » ( cf. Iuu. 7, 71 nihil gemeret... bucina) et Coripp. fruemur Pa.c. Il simplice (exc. Fl.) : -i Vic Il cultu (Rm.r.) : uictu F3 u.l.
!oh. 1,512 gemit bucina; 6,263-4) ne justifie pas le choix de la leçon uultu R Il 218 fremerent (Ru.l.) : gem- GR exc. Fl.. Ise mg. Il non
la moins bien attestée. ( Vic) : nec exc. Fl..
70 CONTRE RUFIN LIVRE 1 219-237 RVF. I = CARM. 2-3 219-237 70
1
Le vent n'ébranlerait les poupesni les béliers non uentus quateret puppes, non machina muros.
[les mursa. Crescebat scelerata sitis praedaeque recentis 220
220 Sa soif scélérate croissait 2 : il brûlait incestus flagrabat amor, nullusque petendi
[d'un amour impur cogendiue pudor: crebris periuria nectit
Pour une proie nouvelleh. Aucune retenue • blanditiis; sociat perituro foedere dextras.
[pour demander Si semel e tantis poscenti quisque negasset,
Ou amasser : le parjure s'allie à bien effera praetumido quatiebat corda furore. 225
Des flatteries ; il joint les mains en un pacte Quae sic Gaetuli iaculo percussa leaena
[qui doit périr. aut Hyrcana premens raptorem belua Parthum
Si une fois, parmi tant de demandes, on avait refusé, aut serpens calcata furit ? Iurata deorum
225 Le gonflement de sa fureur agitait son farouche cœur. maiestas teritur; nusquam reuerentia mensae.
Quelle lionne transpercée par le javelot d'un Gétule Non coniunx, non ipse simul, non pignora caesa 230
Ou quelle bête d'Hyrcanie pressant un Parthe sufficiunt odiis; non extinxisse propinquos,
[ravisseur, non notos egisse sat est : excindere ciues
Quel serpent écrasé se déchaînent ainsi 3 ? funditus et nomen gentis delere laborat.
[Dans les serments Nec celeri perimit leto: crudelibus ante
On foule aux pieds la majesté des dieux; suppliciis fruitur; cruciatus, uincla, tenebras 235
[plus de respect pour l'hôtec. dilata mucrone parat. Pro saeuior ense
230 Tuer l'épouse avec l'époux et leurs enfants parcendi rabies concessaque uita dolori !
Ne suffit à sa haine; éteindre leur famille,
Exiler leurs amis n'est pas assez: il travaille à anéantir<l
Tous leurs concitoyens, à détruire le nom
[de leur nation 4.
219 non ... non (Vic): nec ... nec exc. Fl .. Il puppes: -is Pa.c. -i Pp.c.
Et il ne tue pas d'une mort rapide: des supplices cruels urbes F?a.c. Il 221 incestus: incertus Ra.c. Il 222 cogendiue: -que
235 D'abord le font jouir ; retardant le glaive il prépare exc. Fl .. 11 crebis N Il nectit (Vic) : nutrit F3 u.l. jlor. Gall. exc. Fl. mis-
Torture, chaînes et ténèbres 5 . Ah! rage d'épargner cet Ise Il 223 perituro (P2 u.l. Ra.c. et u.l.) : -as P 2 Rp.c. 11foedere:
Plus cruelle qu'un coup d'épée, vie concédée -a Ga.c. ? Il dextris F3 a.c. Il 224 e (Ja.c.) : ex FJp.c. L F? Il negasset:
-aret FJ Il 225 pr(a)etumido: -timido PJ(a.c. -nimio F5 li corde F3
[à la douleur ! Il furore (F3 u.l.) : tum- F3 Il 226 qu(a)e: non Ru.l. 11 227 aut
hy[-i-]rc(h)ana: Id urtana Pa.c. Irritata Pp.c. 11part(h)um G P 2 ?
a. Même clausule chez Verg. Aen. 2,46 (à propos du cheval de a.c. L F2 R exc. Fl.. exc. Cyr.: -t(h)us PJJ.c. KF7JN F2 u.l.P Ru.l. Vic
Troie) : « aut haec in nostros fabricata est machina muras» ( cf. 4 cons. Ise Il 229 teritur (Vic) : traitur exc. Fl.. premitur F5a.c. Il nusquam G
329). Pp 5 a.cjp.c. R exc. Fl.. : nu(m)- cett. Vic postquam Ja.c. Il 230 om.
b. Verg. Aen. 7,748-9 à propos des Éques: recentes /. .. praedas. non Ja.c. Il simul: parens jlor. Gall. Il c(a)esa: -i R exc. Fl. -sti G 11
c. La table est un symbole d'hospitalité: Verg. Aen. 10,460 per patris 231 extinxisse (PJJ.c.Kp.c.) : extend- Ja.c. Il 232 notos: -as P2 a.c. -is
hospitium et mensas; Sil. 17,68 mensas testesatque hospita iura ... ruperat. Ise mg. 11egisse : lesisse jlor. Gall. 11sat : sata ]a. c. 11excindere R exc.
d. Peut-être souvenir de Verg. Aen. 4,425 Troianam exscinderegentem. Fl .. exc. Cyr. Ise mg.: exting(u)ere cett. Il ciuis exc. Fl.. Il 234 nec:
e. Le glaive ( mucrone: cf. Theod. 229 ; Cet. 465) est l'instrument non F5N F? n L 11celeri perimit Gs.l. F2 R exc. Fl.. exc. Cyr. Ise :
de la justice: Vlp. dig. 48,19,8,1 qui exclut la hache (securi: à oppo- c. pereunt N c. mittit Ppp.c.FJ L P Ru.l. Vic Ise seculi mittit F3 a.c.
ser ici au v. 247 t). perimit c. Ise mg. 11235 cruciatum R
71 CONTRE RUFIN LIVRE 1 238-253 RVF. I = CARM. 2-3 238-253 71

La mort est-elle donc si peua ? Il poursuit Mors adeone parum est ? Causis fallacibus instat,
[sous de faux prétextes ; arguit attonitos se iudice. Cetera segnis,
Juge, il convainc les accusés stupéfiés. ad facinus uelox, penitus regione remotas 240
[Paresseux pour le reste\ inpiger ire uias : non illum Sirius ardens
240 Il est rapide au crime et ne rechigne pas à parcourir brumaue Riphaeo stridens Aquilone retardat.
Les routes reculé·es jusqu'au fond du pays 1 . Effera torquebant auidae praecordia curae,
[Ni l'ardeur de Sirius effugeret ne quis gladios, ne perderet ullum
Ni l'hiver du Riphée où siffle l'Aquilonc ne le retarde. Augusto miserante nefas. Non flectitur annis, 245
Une inquiète avidité torturait son farouche cœur: non aetate labat : iuuenum rorantia colla
Quelqu'un échapperait au glaive? La miséricorde ante patrum uultus stricta cecidere securi ;
[du prince ibat grandaeuus nato moriente superstes
245 Lui ferait-elle perdre un crimed? Ni les années post trabeas exul. Quis prodere tanta relatu
[ne le fléchissent funera, quis caedes possit deflere nefandas ? 250
Ni l'âge ne l'ébranle: la hache dégainée trancha Quid tale inmanes unquam gessisse feruntur
Sous les yeux de leur père le cou ruisselant uel S[c]inis Isthmiaca pinu uel rupe profunda
[d'hommes jeunes ; Sciron uel Phalaris tauro uel carcere Sylla ?
Un vieillard survivant à la mort de son fils s'en allait
[en exil
Après avoir revêtu la trabée. Qui pourrait rapporter
250 De telles morts, qui pourrait pleurer
[ces meurtres impies 2 ?
Qu'ont jamais fait de tel les monstres de la tradition
Comme Sinis sur l'isthme avec son pin,
[Sciron et son rocher
À pic, Phalaris avec son taureau, Sylla et ses cachots ?
a. Verg. Aen. 12,646 « usque adeone mari miserum est?»; Stat.
Theb. 4,673 « usque adeone parum cineri data mater iniquo? ». Pour
le thème, Ou. Epist. 10,82 mors... minus poenae quam mora mortis 238 fallacibus: fallentibus F5 Il instat: implet F3 a.c. 11239 ad cetera
habet; Sen. benef. 7,19,8 non contentus simplici morte distorquet. F L Il signis F5 a.c. Il 240 uelox facinus Fp.c. 11242 brumaue: -ne
3
b. Cetera segnis (v. 268 juga ... inerti; 2,53 iners) : clausule reprise, F ? N Il Typha:o Ise Il stridens (/mg.) : stringens J Il 243 torpebant
3
mais positivement, de Sil. 1,244 (à propos d'Hannibal) nec cetera L Il auid(a)e (exc. Fl .. ) : nudae Vic Il 244 ne: neu N L Rue P Il gla-
segnis. dios: auidos F3 a.c. Il 245 mirante Ra.c. Il non: nec ]N Il 247 uul-
c. Verg. Aen. 1,102 stridens Aquilone procella. Les monts Riphées tum R Il 248 grandeuis F2a.c. Il 250 cedis Ka.c. Il possit (exc. Fl.. ) :
se trouvent en Scythie: &pt. 3,321 et n. compl. 2 (t. I, p. 175). -et Vic Il deflere: delere Ka.c. Il 252 sinis Vic exc. Cyr. : (s)ci[-y-]nis
d. Claudien semble contaminer une fin de vers de Stace (Silu. KF L FJJ.c.Pp.c. R Ise cinix N si[-y-]~on G ~/ 3 ~.c.F~.cj F2 u_.z.sin
3
5,5,76) ne perderet <ullum> [complément humaniste au ms. lacu- F a.c. ci[-y]clops F2a.c. Ise mg. Il (h) (1)(s)t(h1)m1(a)ca: thymca F2
naire] / libertas tam parua diem, avec une expression de Lucain
5
t
tunica F trunca exc. Fl.. haniaca F5 u.l. hamata Ise mg. Il profana K
(Pothin à Achillas, discutant du meurtre de Pompée: 10,371) per- Il 253 sciron Ra.c. exc. Cyr. : chi[-y-]ron cett. sch-G Rp.c. Scyron Vic
didimusque nefas. Scyron Ise
72 CONTRE RUFIN LIVRE 1 254-269 RVF.I = CARM. 2-3 254-269 72

0 doux chevaux de Diomède ! Autels cléments 0 mites Diomedis equi, Busiridis arae
[de Bus iris ! clementes ! Iam Cinna pius, iam Spartace lenis 255
255 Dorénavant, comparé à Rufin, Cinna, tu seras pieux, Rufino collatus eris ! Deiecerat omnes
Et toi, Spartacus, tendre 1 ! La peur de sa haine cachée occultis odiis terror tacitique sepultos
Avait abattu tout le monde ; on se tait, on étouffe· suspirant gemitus indignarique uerentur.
Plainte et soupir, on craint de s'indigner 2 .- At non magnanimi uirtus Stilichonis eodem
Mais la vertu du magnanime Stilicon 3 n'est pas brisée fracta metu ; solus media sed turbine rerum 260
260 Par cette crainte : seul au milieu du tourbillon universel contra letiferos rictus contraque rapacem
Contre la gueule ouverte pour porter le trépas, mouit tela feram, uolucris non praepete cursu
[corttre la bête uectus equi, non Pegaseis adiutus habenis.
Rapace, il a tourné ses traits, sans monter Haec cunctis optata quies, haec sola pericli
[un cheval ailé turris erat clipeusque trucem porrectus in hostem. 265
Au vol rapideb et sans tenir les rênes de Pégase. Hic profugis sedes aduersaque signa furori,
C'était la paix que tout le monde souhaitait; seruandis hic castra bonis. Hucusque minatus
[c'était la seule taure haerebat retroque fuga cedebat inerti:
265 Contre notre danger, le bouclierd tendu haud secus hiberna tumidus cum uertice torrens
[contre le cruel ennemi.
Il était la maison pour les bannis, l'étendard
[contre la fureur ;
Il était le camp pour sauver les bonse.
Uusque làr menaçant,
Rufin s'arrêtait, retournait et fuyait lâchement.
Ainsi quand un torrent gonflé par les trombes d'eau
[de l'hiver

254 Omittes PR Il 256 eries Ja.c. erit Ise Il omnes: -is exc. Fl.. amens
KFj<'5 a.c.N F~a.c. Vic Il 257 occultus N exc. Fl.. Il tacitique: Pa.~.
a. Le tyran est traditionnellement assimilé à une bête sauvage : tantique Ja.c. Il 258 indignari- (P2 u.l.) : -ti- P p 3 u.l.N FJJ.c. -gnant1-
Cie. rep. 2,48; Sen. clem. 1,25,1 et 26,3. F2a.c. Il 259 post At del. noster F2 Il 260 solus medio G L R exc. Fl..
b. Clausule empruntée par Arator act. 1,259 et 2,712; cf. Prosp. Ise : solis m. F2 sol us N m. s. F3 u. l.FJs. l. m. sese Pp J P sese m. exc.
ingrat. 798. Cyr. Vic 11 sed ( Vic) : se G R de exc. Fl.. qui F2 ? -que Ise in N 11
c. Pour l'image de la tour, Hom. Od. 11,556 à propos d'Ajax, 261 letiferos: pesti- Rs.l. ? N Il rictus (Ru.l.) : ritus F3 a.c. tractus R Il
fils de Télamon. 262 uolucris PJJ.c. om. N Il 263 adiunctus P2 a.c. 11 264 h(a)ec ...
d. Pour l'image du bouclier (à propos de Stilicon, 4 cons. 433; h(a)ec (F5 a.c. exc. Fl.) : hic ... hec Ru.l. hic ... hic F5p.c.N F2 Vic Il
Eutr: 2,61; Stil. 2,62), Aesch. Aga. 1438 à propos d'Egisthe. 265 porrectus: pro- N Il 266 hic: h(a)ec FJ L P 11 aduersaque:
e. Les boni sont dans le camp de Stilicon : cf. Eutr: 2,557. aduersa Ka.c. aduersa hec js.l. Il signa js.l. L R exc. Fl.. : regna cett.
f. Hucusque ( Cet. 60) : cf. Lucan. 1,191 (à propos du Rubicon) Vic 11 267 seruandisque N 11 hic : hec F5 a. cj 11 hic usque F2 11
hue usque licet. 268 retro- Pp.c. Il cedebat: tendebat N Il inerte exc. Fl..
73 CONTRE RUFIN LIVRE 1 270-286 RVF. I = CARM. 2-3 270-286 73

270 Roule des rocs\ retourne les bosquets saxa rotat uoluitque nemus pontesque reuellit, 270
[et arrache les ponts\ frangitur obiectu scopuli quaerensque meatum
L'obstacle d'un rocher le brise ; il recherche spumat et illisa montem circumsonat unda.
~ [un pa~sàge, Qua dignum te laude feram, qui paene ruenti
Ecume et assiège les monts du fracas grondant • lapsuroque tuos humeras obieceris orbi?
[de-son onde 1 . Te nabis trepidae sidus ceu dulce carinae 275
Quelle louange ne mérites-tu pas, ostendere dei, geminis quae lassa procellis
, [toi dont l'épaule a fait obstacle tunditur et uicto trahitur iam caeca magistro.
A la chute du monde qui risquait de crouler 2 ? Inachius rubro perhibetur in aequore Perseus
275 I.:,esdieux t'ont présenté à nous, tel l'astre cher Neptuni domuisse pecus, sed tutior alis :
A la carène ballottée qu'épuisent les coups redoublés te non penna uehit. Rigida cum Gorgone Perseus : 280
De l'ouragan et que son pilote vaincu entraîne, tu non uipereo defensus crine Medusae.
[aveugle désormais. Illum uilis amor suspensae uirginis egit :
Persée, fils d'Inachus, en mer Rouge, dit-on, vainquit te Romana salus. Taceat superata uetustas,
La bête de Neptune, mais il était protégé par des ailes: Herculeos conferre tuis iam desinat actus.
280 Toi, nulle plume ne te porte. Persée avait Vna Cleonaeum pascebat silua leonem, 285
[la Gorgone pétrifiante: Arcadiae saltum uastabat dentibus unum
Toi, tu n'étais pas défendu par les vipères,
[cheveuxc de Méduse.
Lui fut poussé par le vil amour d'une vierge
[suspendue sur la mer :
Toi, c'est par le salut de Rome3. Que se taise l'antiquité
[vaincue<l,
Que désormais elle cesse de comparer les faits
[d'Hercule aux tiens 4 .
285 Une seule forêt paissait le lion de Cléones;
Il ne ravageait de sa dent qu'un seul bois d'Arcadie

a. Contamination d'une clausule (Aen. 7,567 uertice torrens) et


d'une expression virgiliennes (Aen. 10,362-3 « saxa rotantia late / 270 uoluit- : uertit- Ise mg. 11 pontes- : -is- exc. Fl.. postes- Ise mg. 11
impulerat torrens »). reuellit: -et P Il 271 obiectu: ei- Ka.c. Il 272 elisa R Il circumtonat
b. Theod. 237-8 Torrentes... lassisque minentur / pontibus; inuo- GR Ise Il 273 qui: quod K Il 274 tuos om. F5 a.c. Il obieceris: sub- F5
luant. . . siluas. Il 275 sidus ceu GR exc. Fl. : c. s. cett. Vic Ise seu s. F3 a.c. L sceu s.
c. Virgile emploie l'expression uipereum crinem à propos de la F5 a.c. Il 276 lassa Fp.c. L R: lapsa Fp.c. cett. Vic Ise Il 277 tonditur
Discorde (Aen. 6,281). F5 P Il 278 rubro (exc. Fl .. ) : quondam F;/1 exc. Fl. Iunt Ise Il
d. Formule rhétorique traditionnelle ( c. min. 30,42 taceat Corne- 280 pinna exc. Fl.. 11 uehit : tegit Ise mg. 11 gorgone ( exc. Fl.. ) : -re
lia; Ps. Claud. Ol. 202-3): Naz. pan. 10[4],15,l Cedat tibi totius Ka.c. -a Vic Il 282 uirginis (exc. Fl.) : coniugis Vic Il 284 actus
memoriae uetustas. (F3 a.c.) : -is Fp.c.JN L P Il 286 uastauit F,

f

74 CONTRE RUFIN LIVRE 1 287-302 RVF. I = CARM. 2-3 287-302 74

Le sanglier cruela ; et toi qui reprenais la lutte saeuus aper, tuque, o compressa matre rebellis,
[en étreignant ta mère, non ultra Libyae fines, Antaee, nocebas
Tu ne nuisais, Antée, pas au delà des frontières solaque fulmineo resonabat Creta iuuenco
[de la Libye ; Lernaeamque uirens obsederat hydra paludem. 290
Seule la Crète résonnait du taureau fulminantb Hoc rnonstrurn non una palus, non una tremebat
290 Et l'hydre verte n "avait investi que le marais de Lerne. insula, sed Latia quicquid dicione subacturn
Devant notre monstre tremblait non une île, uiuit et a prirnis Ganges horrebat Hiberis.
[non un marais : Hoc neque Geryon triplex nec turbidus Orci
C'était tout ce qui vit soumis au pouvoir des Latins, ianitor aequabunt nec si concurrat in unum 295
Depuis !'Ibérie jusqu'au Gange, qui frissonnait. uis hydrae Scyllaeque farnes et flarnrna Chirnaerae.
Lui, ni le triple GéryonC, ni le bouillant portier Certarnen sublime diu, sed moribus inpar,
295 De l'Orcus ne l'égaleront, pas même uirtuturn scelerurnque fuit. Iugulare rninatur,
[si se rassemblaientd tu prohibes; ditern spoliat, tu reddis egenti;
La puissance de l'hydre et la faim de Scylla eruit, instauras ; accendit proelia, uincis. 300
[et le feu de Chimère 1 . Ac uelut infecta morbus crudescere caelo
Ce fut longtemps entre vertus et vices incipiens primos pecudum depascitur artus,
[une lutte sublime,
Mais inégale par les mœurse. D'égorger il menace,
Tu l'en empêches; il dépouille le riche,
[tu rends à l'indigentf.
300 Il ruine, tu restaures ; lui, il allume les conflits,
[tu vaincsg.
Comme la maladie commence à empirer
[dans un air infecté
Et dévore d'abord le corps des animaux

a. Expression virgilienne ( Georg. 3,248).


b. Fulmineus à propos d'un taureau, Val. Fl. 7,582 fulmineis ... 287 tuque o (Rp.c.) : t. cum K tu quoque N Il cumpressa G Il rebel-
jlatibus. lis: -as Ra.c. reu- Ga.c. Il 288 li[-y-Jbi(a)e codd. libies F5 libriceja.c. Il
c. Varron (Ling. 9,90) atteste les deux formes Geryon et 289 flamineo K Il 290 obsederat: -et P2a.c. con- G Il 291 hoc: hune
Geryones. Triplex (pr: Rapt. 2,39 ; c. Min. 4,2 ; cf. Verg. Aen. 8,202) : j Il monstrum jp.c. Il tremebat G PzFji'Jp.c. R Vic: tim- L F~ tene-
cf. Ou. Epist. 9,91-92 et Met. 9,184-5. P2 u.l.Kja.c.N exc. Fl. Il 292 didone (exc. Fl.. ) : dictione F2 a.c. regione
d. Prud. c. Symm. 2,777 concurrere in unum (cf. Sedul. Scot. 12,27 Vic Il subactum: s. est F3 sub austum N Il 294 hoc: huic N Il nec
concurrit in unum). F5 a.c. Il geryon exc. Fl.. : -nes Rp.c.m.r: Vic gerion cett. Il nec: neque
e. Clausule ovidienne (Trist. 5,5,47) fortunaque moribus impar: L P non Ja.c. Il 295 (a)equabunt G F3 R exc. Fl.. : -ant P2 a.c.K L F~
f. Sur la générosité de Stilicon, Stil. 3,223-36. -at PJJ.c.F5 Vic Ise -it JN Il concurrat (PJJ.cjmg.) : -iurat Ja.c. -iuret
g. Sidoine a imité le mouvement de ce vers à propos de la jp.c. Il 296 ydrie P2 a.c. Il fames: -a PFc. canes P2 u.l. Il 297 sibulline
bataille de Serdique ( Carm. 2,294) : « dux fugit, insequeris. Pa.c. Il 298 iugulare: uigilare Pa.c. Il 301 ac: at Vic Il infesta P Il
Renouat certamina, uincis ». c(a)elo: colo F5 a.c. uelo F2 a.c. telo F3 a.c. Il 302 primo F3 a.c. ?
75 CONTRE RUFIN LIVRE 1 303-317 RVF. I = CARM. 2-3 303-31 7 75

Puis emporte peuples et villes, et embrase les vents mox populos urbesque rapit uentisque perustis
Pour distiller l'épidémie du Styx dans les cours d'eau corruptos Stygiam pestem desudat in amnes,
[qu'elle corrompt, sic auidus praedo iam non per singula saeuit, 305
305 Ainsi l'avidité de ce briganda ne sévit sed sceptris inferre minas omnique perempto
[sur des milite Romanas audet prosternere uires.
Mais ose porter ses menaces contre le sceptre, abattre 1am gentes Histrumque mouet Scythiamque receptat
Par la mort de tous ses soldats la puissance romaine 1 . auxilio traditque suas hostilibus armis
Il ébranle déjà les peuples de l 'Hister 2 ; relliquias. Mixtis descendit Sarmata Dacis 310
[il reçoit le secours et qui cornipedes in pocula uulnerat audax
De la Scythie et livre aux armes ennemies Massagetes patriamque bibens Maeotin Alanus
310 Tout ce qu'il a laissé. Le Sarmate descend membraque qui ferro gaudet pinxisse Gelonus,
[en se mêlant aux Daces, Rufino collecta manus. Vetat ille domari
Avec le hardi Massagète qui blesse son coursier innectitque moras et congrua tempora differt. 315
[pour s'abreuverh, Nam tua cum Geticas strauisset dextera turmas,
L'Alain qui boit au Palus-Méotide de ses pères ulta ducis socii letum, parsque una maneret
Et le Gélon qui aime à tatouer son corps avec le fer :
Voilà la troupe assemblée par Rufin.
[Il interdit qu'on la réduiseC,
315 Enchaîne retard sur retardd en différant
[le moment opportun.
Car, alors que ton bras avait fauché
[les escadrons des Gètese
Et vengé le trépas d'un chef, ton compagnonf,
303 populos urbes- : p. -is- exc. Fl.. p. -es N urbes populosque F3 11
[qu'il n'en restait uentis- (Fp.c. exc. Fl.) : membris- Vic Il 304 pestem om. add. mg. K 11
desudat (F3 a.c. exc. Fl.) : diffudit Fp.c.N diffundit KFJmg. L P Vic
Ise mg. Il 305 non: nunc N iam Ja.c. Il singula: s(a)ecula P2 u.l. Il
a. Symmaque use du même mot praedo à propos de Rufin 306 sed : et ]a. c.N 11307 om. add. mg. P2 11romanis Pa. c. 11audet G L
(Epist. 6,14,1). F2 R Ise: ar- PP7JN P Vic Il 308 iam gentes: iamque getas exc.
b. L'expression in pocula sera reprise par Sidoine ( Carm. 7,42) à Fl.. exc. Cyr. Il mouet (F3 u.l.): -net F3 Il s(c)y[-i-]t(h)iam-: traciam-
propos des Sicambres. N Il receptat (Ju.l. Pa.c. Vic) : retemptat G Ppp.c.F 5 Pp.c. Ru.l. exc.
c. Claudien attribue à Rufin la temporisation de Théodose avec Fl. retentat J Il 309 traditque (exc. Fl.. ) : traxit- P Vic tradit Na.c. Il
les Goths (cf. v. 318-20 et Stil. 1,113-4) : Fargues 1933, p. 75; Stein- hostibus P2a.c.F5 a.cja.c. Il 310 relliquias G F7 5 F2 R Ise: reli- cett. Vic
Palanque 1959, p. 193-5. Il descendit (Ju.l.): deceditJdefendit Ise mg. Il 311 pocula in F3 li
d. Claudien imite Verg. Aen. 4,51 (Anna à Didon) causas ... 312 patriam- R Ise: -um- cett. Vic cesam- exc. Fl.. Il bibens (exc. Fl .. ) :
innecte morandi, et Corippe a repris ses trois premiers pieds (Just. -it F2 Il m(a)eot(h)in (h)alanus G PJ Fp.c.Pp.c. R exc. Fl.. exc. Gy1:
3,54) : innectuntque moras et... Ise: -i a. KF3p.c.F 5p.c. -is a. F3 a.c. -is oro[-u-]nt(h)em F5 a.c.N L
e. Sur les victoires de Stilicon sur les Goths et les Bastarnes en F2 a.c.Pa.c. Vic Il 314 collecta (Js.l.) : -lata P2u.lj Ise mg. 11uetabat Na.c.
391-392, Stil. 1,94-96 et 102-4. Il 315 -que om. Na.c. Il comas Ka.c. Il differt tempora Fp.c. Il 316-
f. Cf. Stil. 1,95-96. Sur la mort de Promotus en Thrace en 391, 317 om. add. mg. R 11316 geticas (exc. Fl.) : -us Vic 11dextra cateruas
Zos. 4,51. G exc. Fl.. Il 317 dulcis F2 a.c. Il parsque (exc. Fl..) : pars Ka.c.N Vic
76 CONTRE RUFIN LIVRE 1 318-333 RVF. I = CARM. 2-3 318-333 76

Qu'une partie affaiblie et facile à prendre\ l'impie, debilior facilisque capi, tune inpius ille
Traître à l'Empire, conjure avec les Gètesh, proditor imperii coniuratusque Getarum
320 Diffère, en abusant le prince, les combats imminentsc distulit instantes eluso principe pugnas, 320
Pour apporter l'appui des Huns ; car il savait Hunorum laturus opem, quos adfore hello
[qu'ils entreraient norat et inuisis mox se coniungere castris.
En guerre et se joindraient bientôt au camp haïct. Est genus extremos Scythiae uergentis in ortus
Il est un peuple de Scythie 1 tourné trans gelidum Tanain, quo non famosius ullum
[vers les confins de l'orient, Arctos alit. Tristes habitus obscaenaque uisu 325
Delà le Tanaïs glacé, le plus fameuxe de ceux corpora ; mens duro numquam cessura labori ;
325 Que nourrit l'Ourse. Aspect lugubre et corps sinistres praeda cibus, uitanda Ceres, frontemque secare
A regarder ; leur cœur ne recule jamais ludus et occisos pulchrum iurare parentes.
[devant le dur labeur ; Nec plus nubigenas duplex natura biformes
Leur proie pour nourriture : ils évitent Cérès. cognatis aptauit equis : acerrima nullo 330
[Ils se coupent le front ordinè mobilitas insperatique recursus.
Par jeu et croient beau de jurer par les parents Quos tamen inpauidus contra spumantis ad Hebri
[qu'ils ont tués. tendis aquas, sic ante tubas ferrumque precatus :
Leur double nature n'a pas mieux adapté
[aux chevaux leurs affins
330 Les fils des nuées aux deux formes 2 : mobilité aiguë
Sans ordre et retours sans qu'on s'y attende.
Et cependant, sans peur, tu t'avances contre eux,
[vers l'eau
Écumante de l'Hèbrë et pries ainsi avant le clairon
[et l'épéeg: 318-319 i(n)pius ... proditor G L R exc. Fl .. exc. Cyr. Ise: pr .... i. cett.
Vic 11321 ablaturus Ise mg. 11 opes N 11quos am. N add. m. r. 11
a. En 400, pour glorifier Stilicon, Claudien écrira sur le même 322 no rat : uotat exc. Fl. 11inursis N 11coniungere cas tris (Ru. l.) : -et
sujet (Stil. 1,107-8) : milia ... / finibus exiguae uallis conclusa tenebas. hastis [an -as?] R Il 323 genus (P2 u.l.) : gens Yf'3 u.l. Il extremas
b. Ser. 233-5 : Rufino meditante nefas, cum quaereret artes / in ducis Na.c. Il 324 gelidum: liquidum F5 Il tanain KR: t(h)anaim cett. Vic
exitium coniuratosque foueret contra pila Getas (cf. Ruf 2, 72-85). Ise Il quo (P2 a.c.) : -a P JJ.c. Il famosius (Ru.l. exc. Fl.) : for- P ani- F2
c. Stil. 1,112-4 sur le même sujet: « extinctique forent penitus R exc. Fl. defor- Vic Il 325 alit (exc. Fl..) : habet Vic Il tristes: -is P2
ni more maligno / falleret Augustas occultus proditor [cf. Ruf 2,50- turpes R exc. Fl.. exc. Cyr. Ise mg. -is G 11 326 dura N 11 labori
53] aures / obstrueretque nwras strictumque retunderet ensem ». (F2mg.) : dolori F2 Il 327 frontem- (exc. Fl.. exc. Cyr. Ise mg.) : fra-
d. Stil. 1,110 nec uaga Chunorum feritas. Sur l'alliance des Huns trem- KF3 u.l.F5N F2 Ru.l. fratres- Vic Ise Il secare (F5 a.c. exc. Cyr.) : -i
avec les Goths et les Alains, Amm. 31,16,3. Ra.c. exc. Fl.. Ise mg. sectare Ja.c. necare F5p.c. FJJ.c. Ise nocare F2 a.c.
e. En dépit de Cameron 1968, p. 390-1, je conserve avec Levy Il 328 ludus: lusus exc. Fl.. luctus G Ra.c. ? Il iugulare P2 u.l. Il 329
(1971, p. 95) et Hall (contre Birt) la leçon la mieux attestée. nec: non F2 Il biformes: -is Vic Ise bimembres Cuia. Il 330 aptauit:
f. Stat. Theb. 9,438 spumifer ... Hebrus. aptarat N adap- F3 a.c. Il 331 mobilitas (exc. Fl.. ) : n- Vic Il insperati-
g. Le parallèle avec Stat. Theb. 6,147 ante tubas ferrwnque p JJ.c. Il recessus F2 Il 332 i(n)pauidus (exc. Fl. exc. Cyr.) : -os Vic Il
[=avant la bataille; cf. Stil. 1,192; Verg. Aen. 11,424; Iuu. 1,169] 333 tendis (exc. Cyr.) : -it L }~ Il ferrum- : aciem- GR exc. Fl.. exc.
conforte la leçon ferrum : aciem est une glose. Cyr.Ise mg. Il precatus (PJJ.c.) : profatus exc. Fl.
77 CONTRE RUFIN LIVRE 1 334-349 RVF. I = CARM. 2-3 334-349 77
1
« 0 Mars , que tu te couches sur l'Hémus « Mauors, nubifero seu tu procumbis in Haemo,
seu te cana gelu Rhodope seu remige Medo 335
335 Que le Rhodope blanc de gel ou l'Athos sollicitatus Athos seu caligantia nigris
Par la rame du Mède ou le Pangée . ilicibus Pangaea tenent, accingere mecum
[que ses noires et Thracas defende tuos. Si laetior adsit
Assombrièsent te tiennent, arme-toi- avec moi, gloria, uestita spoliis donabere quercu ».
Défends tes Thraces. Et si la gloire vient Audiit illa pater scopulisque niualibus Haemi 340
Pour me favoriser,je t'offrirai un chêne vêtu surgit et hortatur celeres clamore ministros :
[de dépouillesb ». « Fer galeam, Bellona, mihi nexusque rotarum
340 Le Père a entendu ces mots 2 ; des rochers neigeux tende, Pauor. Frenet rapidos Formido iugales.
[de l'Hémus Festinas urgete manus. Meus ecce paratur
Il se lève et d'un cri exhorte ses prompts serviteursc : ad bellum Stilicho, qui· me de more trophaeis 345
« Bellone, apporte-moi mon casque; Terreur, ditat et hostiles suspendit in arbore cristas.
[tends les lanières<l Communes semper litui communia nobis
Des roues; Effroi, bride mon fringant attelage. signa canunt iunctoque sequor tentoria curru ».
Pressez vos mains alertes. Voici que mon cher Stilicon Sic fatus campo insiluit lateque fugatas
345 Se prépare à la guerre: il est accoutumé à m'enrichir
De trophées et suspend aux arbres
[les plumets ennemise.
Nos trompes sont toujours communes et communes
[leurs sonneries :
J'attelle mon charf pour suivre ses tentes».
À ces mots il sauta sur le champ de bataille,
[et d'ici Stilicon,

a. Verg. Ecl. 6,54 et Aen. 9,381 ilice nigra.


b. Les trophées à Mars sont suspendus à des chênes (Stil. 2,371- 334 sceu F5 a.c. Il tu om. Ka.c. Il 335 te: tu P2 a.c.F5 a.c. Pa.c. Il medo
2) : Verg. Aen. 11,5,11 (Énée fixe à un chêne les armes de (Ju.l. exc. Fl.) : nudo PJ<.a.cj P Vic Il 336 at(h)os: apex F5 a.c. Il
Mézence pour en faire un trophée à Mars) ; Lucan. 1,136-7; Stat. 338 et: est Pa.c. Il t(h)rac(h)as: -os N Il l(a)etior: lentior Ja.c. Il
Theb. 2,704-12 (à Pallas). Sidoine s'est peut-être souvenu de ce vers 340 illa: ista N Il scopulisque niualibus: s. in uallibus Ja.c.F5 a.c. sco-
dans son évocation du triomphe de Majorien ( Carm. 5,590) : pulosis uallibus F5p.c. niualibus scopulis F5 u.l. Il 341 celeres: -is G-i
« cum uesties Romam spoliis ».
R sceleres KF5 a.cja.c. L P Il clamore: sinone F5 a.c. Il 342 fert F5 a.c.
c. Cori pp. Ioh. 7, 74 celeres... ministri. 11 nexus- ( exc. Fl.. exc. Cyr.) : nexu- Vic Ise falces- Js. l. 11 343 pauor :
d. Sur le sens de nexus, Levy 1971, p. 101-2. , precor K 11 frenet rapidos ( exc. Fl. Ise) : r. f. Vic frena r. exc. Fl. f.
e. Les cristae figurent dans le trophée qu'Enée enge à Mars tepidos Ra.c. f. trepidos Ise mg. Il 344 urg(u)ete (exc. Fl.) : urgere
(Aen. 11,8). Dracontius a imité Claudien (Rom. 5,122-4): « de ciue F5 a.c. Vic Il paratur: partitur Pa.c. Il 345 stilic(h)o: -on P exc. Fl. Il
trophaeum / nemo triumphator rapuit nec in arbore cristas / . . . sus- 346 arbore: ordine Ka.c. Il 348 sequor (Ra.c.) : -ar Rp.c. simul K Il
pendit». ten[-mp-]toria: uestigia P2 u.lj Rgloss. Il curru G Fji'5 ?J R Vic Ise:
f. Ol. 77 currum iunxere ; Ou. Fast. 2,858 « Mars ... citos iunctis -su Pp 3 u.l.N L FJ> Ise mg. Il 349 insiluit (exc. Fl.. ) : -iit K Vic Il fuga-
curribus urget equos ». tas ( exc. Fl.. ) : -antes Vic
77 CONTRE RUFIN LIVRE 1 334-349 RVF. I ==CARM. 2-3 334-349 77

« 0 Mars 1,
que tu te couches sur l'Hémus « Mauors, nubifero seu tu procumbis in Haemo,
[enveloppé de nues, seu te cana gelu Rhodope seu remige Medo 335
335 Que le Rhodope blanc de gel ou l'Athos ébranlé sollicitatus Athos seu caligantia nigris
Par la rame du Mède ou le Pangée ilicibus Pangaea tenent, accingere mecum
[que ses noires et Thracas defende tuos. Si laetior adsit
Assombrissent te tiennent, arme-toi avec moi, gloria, uestita spoliis donabere quercu ».
Défends tes Thraces. Et si la gloire vient Audiit illa pater scopulisque niualibus Haemi 340
Pour me favoriser, je t'offrirai un chêne vêtu surgit et hortatur celeres clamore ministros:
[de dépouillesb ». « Fer galeam, Bellona, mihi nexusque rotarum
340 Le Père a entendu ces mots 2 ; des rochers neigeux tende, Pauor. Frenet rapidos Formido iugales.
[de l'Hémus Festinas urgete manus. Meus ecce paratur
Il se lève et d'un cri exhorte ses prompts serviteursc : ad bellum Stilicho, qui· me de more trophaeis 345
« Bellone, apporte-moi mon casque; Terreur, ditat et hostiles suspendit in arbore cristas.
[tends les lanièresd Communes semper litui communia nobis
Des roues; Effroi, bride mon fringant attelage. signa canunt iunctoque sequor tentoria curru ».
Pressez vos mains alertes. Voici que mon cher Stilicon Sic fatus campo insiluit lateque fugatas
345 Se prépare à la guerre: il est accoutumé à m'enrichir
De trophées et suspend aux arbres
[les plumets ennemise.
Nos trompes sont toujours communes et communes
[leurs sonneries :
J'attelle mon charf pour suivre ses tentes».
À ces mots il sauta sur le champ de bataille,
[et d'ici Stilicon,

a. Verg. Ecl. 6,54 et Aen. 9,381 ilice nigra.


b. Les trophées à Mars s<;mtsuspendus à des chênes (Stil. 2,371- 334 sceu F5 a. c. 11 tu om. Ka. c. 11 335 te : tu P2 a. c.F5 a. c. Pa. c. 11 medo
2) : Verg. Aen. 11,5, 11 (Enée fixe à un chêne les armes de (Ju.l. exc. Fl.) : nudo P~a.cj P Vic Il 336 at(h)os: apex F5 a.c. Il
Mézence pour en faire un trophée à Mars) ; Lucan. 1,136-7; Stat. 338 et: est Pa.c. Il t(h)rac(h)as: -os N Il l(a)etior: lentior Ja.c. Il
Theb. 2,704-12 (à Pallas). Sidoine s'est peut-être souvenu de ce vers 340 illa: ista N Il scopulisque niualibus: s. in uallibus ja.c.FFc. sco-
dans son évocation du triomphe de Majorien ( Carm. 5,590) : pulosis uallibus F5p.c. niualibus scopulis F5 u.l. Il 341 celeres: -is G-i
« cum uesties Romam spoliis ».
R sceleres KF5 a.cja.c. L P Il clamore: sinone F5 a.c. Il 342 fert F5 a.c.
c. Coripp. Ioh. 7,74 celeres... ministri. 11 nexus- ( exc. Fl.. exc. Cyr.) : nexu- Vic Ise falces- Js. l. 11 343 pauor :
d. Sur le sens de nexus, Levy 1971, p. 101-2. , precor K 11 frenet rapidos ( exc. Fl. Ise) : r. f. Vic frena r. exc. Fl. f.
e. Les cristae figurent dans le trophée qu'Enée enge à Mars tepidos Ra.c. f. trepidos Ise mg. Il 344 urg(u)ete (exc. Fl.) : urgere
(Aen. 11,8). Dracontius a imité Claudien (Rom. 5,122-4) : « de ciue F5 a.c. Vic Il paratur: partitur Pa.c. Il 345 stilic{h)o: -on P exc. Fl. Il
trophaeum / nemo triumphator rapuit nec in arbore cristas / ... sus- 346 arbore: ordine Ka.c. Il 348 sequor (Ra.c.) : -ar Rp.c. simul K Il
pendit». ten[-mp-]toria: uestigia P2 u.lj Rgloss. Il curru G Ff' 5 ?j R Vic Ise:
f. Ol. 77 currum iunxere ; Ou. Fast. 2,858 «Mars ... citos iunctis -su Pp 3 u.l.N L F~ Ise mg. Il 349 insiluit (exc. Fl.. ) : -iit K Vic Il fuga-
curribus urget equos ». tas ( exc. Fl.. ) : -antes Vic
78 CONTRE RUFIN LIVRE 1 350-361 RVF. I = CARM. 2-3 350-361 78
350 Et de là Gradivusa, chassaient au loin les escadrons hinc_ St~licho turmas, illinc Gradiuus agebant 350
[en fuite, e_tchp_e1s~t mole pares. Stat cassis utrique
Pareils par le bouclier, par la tailleb. s1dere1s hirsuta iubis loricaque cursu
[Leurs deux casques se dressen.t aestuat et largo satiatur uulnere cornus.
Et d'un panache étoilé se hérissent; .Acrior ~nterea uoto multisque Megaera
[la course échauffe leur cuirasse ; lux~~1ata mahs maestam deprendit in arce 355
Leur javelot de cornouiller se repaît Iust1tlam atque prior diro sic ore lacessit:
[de larges blessures 1 . « En tibi pri~ca quies renouataque saecula rursus,
Mégère cependant, plus acharnée à ses souhaits ut rebare, mgent l En nostra potentia cessit
355 Et comblée par tant de malheursC, nec locus est usquam Furiis ! Huc lumina flecte •
[surprend la Justice affligéed aspice barbaricis iaceant quot moenia flammis ' 360
Sur un sommete et sa bouche funeste quas mihi Rufinus strages quantumque cruori~
[ainsi l'attaque la première :
« Voilà ta vieille paix, et retrouvent vigueur,
[comme tu le pensaisf,
Les siècles rénovés ! Voilà à bas notre puissance,
Pour les Furies il n'y a plus de place !
[Tourne ici tes regardsg
360 Et vois combien de murs gisent
[sous les flammes barbares\
Quel carnage et combien de sang me procure Rufin,

a. OZ.119-20 et n. compl. 6. Chez Silius, Mars vient combattre


aux côtés de Scipion (4,430 sqq.) et Hannibal lui est comparé
(11,580-1) : germanus in armis / ille tuus par Gradiuo.
b. Moles désigne la masse, la puissance du guerrier : Verg. Aen. 350 _hinc: hic P Il sti~ic(h)o: -on L F:f111turbas Ise Il agebant Fji'J L
12,161 ingenti mole Latinus; Sil. 15,337 moles illa uiri. PR· -at G Pj(N F2 Vic Ise Il 351 mole G P2 u.l.Fjp.c. L Ra.c. et u.l. Vic
c. Ou. Trist. 5,1,44 (en un autre sens, à propos des vers volup- Ise: more Pj.<.a. cJa_-c. F~ am ore Kp. c.F5 a. cju. l.N Rp. c. honore F p. c.
Il para~ P2_a.c.Il utnque G KFJ"5N L Ra.c. Vic Ise: -isque p J F~ Rp.c.
5
tueux qui lui ont coûté cher) : « sit semel illa meo luxuriata malo ».
d. Sur la Justice et le thème de l'âge d'or, voir v. 51-57 et Il 352 mbis (am. P2 a.c.): -as Ra.c. comis ~a.c. L Il 353 sat[-c-]iatur:
n. compl. 4. saturatur R exc. Fl.. exc. Cyr. 11uulnere ( Vic) : sanguine F exc. Fl. 11
5
e. Une hauteur de Thrace: Levy 1971, p. 104. cornus (exc. Fl.. Ise) : conus PJJ.c.Ka.c.F3 u.lja.c. L p Vic chonus
f. Attaque de vers empruntée à Verg. Aen. 10,608 ut rebare (dit P2 a:c. Il 354 uoto: u~ltu P2 Il 354-355 multis- ... malis G F R exc. Fl..
2
Jupiter à Junon). La clausule du vers suivant a pu inspirer Drac. Ise • -o- ••• -o cett. Vic Il 355 deprendit (Pu.l.) : deprehendit N Vic
Rom. 8,239 potentia cedit. ' dependet P 11arcem R 11356 atque prior dira : diroque prior G R
g. Verg. Aen. 6,788 « Huc geminas nunc jlecte acies, hanc aspice exc. Fl.. exc. Cyr. Ise 11357 qui es : fides Ju. l. 11.renoua ta- G p R exc.
gentem » (cf. 4,369 num lumina jlexit ?) ; Ou. Met. 8,864-5 ; Lucan. Fl•• Ise mg.: reuocata- cett. Vic Il s(a)ecula (am. Ja.c.) : tempor~ P u.l.
2
3,4; Stat. Ach. 1,795; Silu. 5,1,217; Sil. 3,188 et 8,139. 11r~rsum R I_I358 en : et R 11cessat J 11359 umquam K 11hue ( exc.
h. Lucan. 1,24-26 à propos des ravages de la guerre civile: quod Fl.) • hune Vzc 11flecte : flere K 11360 barbaricis : -riis N 11iacent N 11
moenia... iacent. quod G Il m(o)enia (Vic) : milia L P exc. Fl. lumina F a.c.
2
79 CONTRE RUFIN LIVRE 1 362-375 RVF. I = CARM. 2-3 362-375 79
Et de quelles tueries se nourrissent mes hydresa. praebeat et quantis epulentur caedibus hydri.
Laisse-moi les hommes, ma partb ; gagne le ciel, Linque homines sortemque meam, pete sidera, notis
[rends-toi autumni te redde plagis, qua uergit in Austrum
Dans l'aire de l'automne que tu connais, Signifer: aestiuo sedes uicina Leoni, 365
[là où le Zodiaque iam pridem gelidae cessant confinia Librae.
365 Tends vers l 'Auster 1 : séjour voisin du Lion -estival, Atque utinam per magna sequi conuexa liceret » !
Depuis longtemps sont inoccupés les confins Diua refert : « non ulterius bacchabere demens.
[de la froide Balance. Iam poenas dabit iste tuus, iam debitus ultor
Ah! s'il m'était permis de te suivre inminet, et terras qui nunc ipsumque fatigat 370
[à travers la vaste voûtec »! aethera nec uili moriens condetur harena.
La déesse répond : « ta folle bacchanale Iamque aderit laeto promissus Honorius aeuo
[n'ira pas plus avant. nec forti genitore minor nec fratre corusco,
Voici que va payer ton monstre, voici qu'approche qui subiget Medos et cuspide proteret Indos.
[le vengeur Sub iuga uenturi reges; calcabitur asper 375
370 Qui lui est dû: celui qui à présent lasse la terre
Et l'éther même, à sa mort n'aura pas
[un grain de sable pour l'ensevelir.
Voici que va venir Honorius, promis à un temps
[ de bonheur 2 .
Il n'est inférieur ni à son vaillant père
[ni à son frère éblouissantd.
Il soumettra le Mède et de son dard terrassera l'Indien.
375 Les rois passeront sous son joug; l'âpre Phase
[sera foulé

362 ydris F3 Il 363 meam: me Pa.c. Il petae P Il notis (F a.c.) : noctis

a. Eutr. 2,111 à propos de Bellone: pingues ... stragibus hydros.


G ~f 5
c. Ra. c. 1s~ mg. Il 364 te : tu P2 Il qua : -o P/u. l. Il 365 signifer :
-ra G I_I366 gehd(a)e cessant (P2 u.l.) : g. -ent G exc. Fl. gemin(a)e
b. Mégère s'assimile à Pluton (Rapt. 2,220 « fratris linque -ant Vzc exc. Gyr. egelidae -ant Cuia. gelid(a)eque uacant P? exc. Fl..
domos, alienam desere sortem »). uacant Lgloss. Il 368 demens (exc. Fl.) : clemens Vic Il 369 dabit iste
c. Conuexa pour le ciel: Verg. Aen. 4,451 caeli conuexa; Lucan. tuus: d. i. tuis F2 a.c. d. ipse t. L d. ille t. KN. t. iste d. GR exc. Fl.. t.
9,4 conuexa Tonantis. d. iste Ise Il debitus: ded- Fa.c. Il 371 (a)ethera (exc. Fl.) : -rea Vic Il
d. Vers calqué sur Verg. Aen. 10,129 « nec Clytio genitore minor nec uili : non ulli N non ulla exc. Fl. Il 373 nec 2 : non N Il 374 subi-
nec fratre Menestheo ». Pour le sens, cf. 4 cons. 354-5. _Corusco ren- get: -it Ra.c. -at exc. Fl .. Il et: qui KN R Il proteret (Pp.c.F p.c.
voie à l'éclat de l'empereur. 5
Rp. c.) : -at exc. Fl ..
80 CONTRE RUFIN LIVRE 1 376-387 RVF. I = CARM. 2-3 376-387 80

Par son cheval et l'Araxe sera contraint de supporter Phasis equo pontemque pati cogetur Araxes.
[un Tuque simul grauibus ferri religata catenis
Et toi, en même temps, liée par de lourdes 'L,J.J.«.UJ.'L,ù expellere die debellatasque draconum
tonsa comas imo barathri claudere recessu.
Tu seras rejetée du jour; tes cheveux de serpents, Tune tellus communis erit, tune limite nullo 380
· -[vaincus, discernetur ager ; nec uomere sulcus obunco
Seront tondus ; tu seras enfermée au fond findetur : subitis messor gaudebit aristis.
[des recoins du barathrec. Rorabunt querceta fauis; stagnantia passim
380 Alors la terre sera en commun ; alors nulle limite uina fluent oleique lacus ; nec murice tinctis
Ne disjoindra les champs; le soc crochu ne fendra plus uelleribus quaeretur honos, sed sponte rubebunt 385
Les sillonsd; des épis soudains réjouiront attonito pastore greges pontumque per omnem
[le moissonneur. ridebunt uirides gemmis nascentibus algae ».
Les chênaies répandront une rosée de miel;
[çà et là couleront
Une nappe de vin et des lacs d'huile;
[on ne cherchera plus
385 À se parer de toisons teintes de murexe;
[mais à la surprise du pâtref
Les troupeaux rougiront spontanément
[et sur toute la mer
Les algues vertes souriront à voir naître les gemmes 1 ».
a. Souhait analogue en Dl. 160-3 sic ... Jamuletur Araxes ...
Medisque subactis... Ganges (voir n. compl. 3 correspondante) ; cf. 4
cons. 257-8 et 387-9; Eutr. 2,102 (comparer Verg. Aen. 6,794-805 et
Lucan. 1,19-20 « sub iuga iam Seres ... iam ... Araxes ... »). Asper
évoque la surface gelée du Phase (Eutr. 2,575 gelidus Phasis;
Lucan. 2,585 gelidas ad Phasidos undas). Araxes: Verg. Aen. 8,728
pontem indignatus Araxes ; Stat. Silu. 1,4,79 patiens iam pontis ,:1raxes.
Alexandre avait construit un pont sur le cours torrentiel de 376 pontem- (exc. Fl.) : f- Vic Il 378 om. F2 add. mg. m.a. Il debella-
l'Araxe (Curt. 5,5,3-4; Diod. 17,69,2) ; d'après Servius (Aen. 8,728) taque Ka.c. Il 379 cornes Pa.c. Il imo barat(h)ri (exc. Fl.) : uno b.
A ugustus firmiore ponte eum ligauit. F2 a.c. Vic b. imo Ku.l. b. longo K Il claudere: condere L F2 Il
b. Ou. Fast. 1,701-2 (sous Auguste) « religata catenis /. .. Bella 380 tune ... tune: tum ... tum G P2 R exc. Fl.. Il communis: inmunis
iacent ». Ju.l. Il limite (Js.l.) : -ne J Il 381 obunco G Lras. PR Vic: ab- P2 ad-
c. Stat. Silu. 5,1,168 « caeco gemeret Mors clausa barathro ». KFJ"JN F2 exc. Fl. Ise Il 382 findetur (Vic) : se- exc. Fl. Il subitis mes-
d. Verg. Ecl. 4,33 telluri infindere sulcos; Aen. 5,142 (à propos de sor (Vic): m. s. exc. Fl. Il gaudebit messor F5 Il 383 rorabantja.c. Il
navires) infindunt ... sulcos; Ou. Ars 2,671 uomerefindite terras. fauos Ru.l. Il 384 fluunt P2 a.c. Il olei- (exc. Fl. ) : olim- Vic Il
e. Même clausule chez Ovide (Fast. 2,319 murice tinctas) et Mar- 385 honos G P 2 Ff"J: -r F3 u. l. cett. Vic Ise ouis P 2 u. l. F3 u. l. 11386 por-
tial (5,23,5 murice tincta). tumque F5 a.c.
f. Eutr. 1,3 (prodiges surpassés par l'accession d'Eutrope au Claudiani in rufinum liber primus explicit Gin rufinum 1. pr. e. R
consulat) « attonito pecudes pastore locutas ». e. in rufinum 1. pr. exc. Fl.
CONTRE RUFIN

LIVRE SECOND
(carm. 4-5)
ANALYSE

Préface. Le poète apostrophe les Muses et Apollon :


ils peuvent revenir car Delphes est libérée des bar-
bares (v. 1-12) ; puis Stilicon, en souhaitant que sa
poésie le repose de ses travaux guerriers (v. 13-20).

L'orient trahi par Rufin (v. 1-100). La puissance


romaine a été confiée à Stilicon qui, à la mort de
Théodose, a reçu en charge ses deux fils et ses deux
armées (v. 1-6). Rufin s'y oppose en rallumant la
guerre (v. 7-10) : pour se sauver, il entraîne le
monde à la ruine (v. 11-21). Il ouvre tout l'Empire
aux barbares qui, par deux attaques, le mettent à
feu et à sang. L'Empire romain, conquis et conservé
au prix de tant de sang, est renversé en un instant
par un traître (v. 22-53). Constantinople elle-même
est menacée, ce dont se réjouit Rufin (v. 54-72). Il
se flatte de pouvoir seul s'entretenir avec les bar-
bares et adopte leur vêtement (v. 73-85). Le peuple
opprimé se lamente et implore Stilicon (v. 85-99).
Voilà l'état de l'orient (v. 100) .
Un ordre extorqué par Rufin à Arcadius empêche
Stilicon d'écraser les barbares (v. 101-256). Au prin-
temps, Stilicon quitte l'Italie avec les deux armées et _
gagne l'orient (v. 101-106). Dans cette troupe multi-
raciale (v. 106-114) règne un accord parfait entre
anciens vainqueurs, partisans de Théodose, et
CONTRE RUFIN LIVRE 2 CONTRE RUFIN LIVRE 2 85
84

anciens vaincus, partisans d'Eugène (v. 115-119). On 323). Rufin s'endort, mais en songe l'ombre d'une
dirait l'armée de Xerxès (v. 120-123). À peine Stili- de ses victimes lui apparaît (v. 324-330) pour lui
con a-t-il franchi les Alpes que les barbares épouvan- annoncer la fin de ses soucis: il va rentrer dans la
tés se rassemblent pour se défendre (v. 124-129). ville porté par les mains du peuple (v. 330-333).
Désemparé, Rufin met en garde Arcadius (v. 130- Rufin ne comprend pas le double sens de ces
143) : Stilicon vient pour le perdre, mais aussi pour paroles : sa tête sera fixée sur une pique (v. 334-
gouverner les deux parties de l'Empire ; il faut donc 335). Au matin, il se prépare à fêter son succès ; il a
lui ordonner de quitter !'Illyrie et de renvoyer les même fait frapper des aurei à son effigie (v. 336-
troupes d'orient; si Arcadius ne sauve pas Rufin, 342) et il vient saluer les troupes (v. 343-34 7).
Rufin ne sera pas seul à périr (v. 144-168) . Rufin Celles-ci sont prêtes à être passées en revue (v. 348-
dicte alors à un messager l'ordre qu'il a arraché à 365). Arcadius salue les enseignes et Rufin s'adresse
l'empereur (v. 169-170). Pendant ce temps, Stilicon aux soldats; ceux-ci l'entourent et, au moment où il
se prépare à livrer la bataille qui aurait sauvé la demande au prince de partager l'empire avec lui, ils
Grèce (v. 171-194). L'ordre impérial est présenté. tirent leurs épées (v. 366-385) : ils ne peuvent se
Stilicon est pris dans un affreux dilemme : secourir mettre au service d'un tyran (v. 385-390). Rufin
!'Illyrie en désobéissant à l'empereur ou obéir en tente vainement de fuir, tel un fauve dans l'arène
abandonnant !'Illyrie à son triste sort (v. 195-205). Il (v. 391-399). Par le bras d'un soldat, c'est Stilicon
ordonne aux soldats d'épargner Alaric et renvoie les qui le frappe (v. 400-403). Rufin est alors mis en
troupes d'orient à Constantinople puisque Rufin pièces (v. 404-420). Le poète demande à la Fortune
l'ordonne (v. 206-219). Mais les soldats veulent res- si elle pense effacer ses méfaits par la mort de Rufin
ter ensemble et combattre (v. 220-228), en suivant (v. 421-427). La foule en liesse vise à coups de
tous Stilicon (v. 229-24 7). Ce dernier refuse et pierres la tête de Rufin sur une pique et s'amuse
prend congé des troupes d'orient (v. 247-251), puis avec sa main (v. 427-439). Bel exemple de l'incons-
il s'en va, tel un lion chassé par des bergers (v. 251- tance des dieux (v. 440-453) ! ~-i

256). Rufin aux enfers (v. 454-527). Le monde est déli-


Les légions d'orient vengent Stilicon en châtiant vré tandis que Rufin gagne les enfers, où il est
Rufin (v. 257-453). Les légions licenciées laissent assailli par ses anciennes victimes (v. 454-465). Il
percer leur dépit de se voir abandonnées (v. 257- existe un lieu où, dans une tour, Minos juge les
260). Mais elles promettent à Stilicon d'immoler la défunts et les condamne à une métempsycose en
victime qui lui est due (v. 261-277). Sur le chemin rapport avec leur vie (v. 466-493). Minos aperçoit
du retour, les soldats préparent en secret leur ven- Rufin et l'interpelle comme le plus grand des crimi-
geance (v. 278-292), tandis que Rufin songe à nels : pour lui tous les châtiments des enfers doivent
prendre le pouvoir et rassemble ses clients (v. 293- s'additionner; qu'il soit précipité à jamais dans le
296). Persuadé que Stilicon ne peut plus rien contre barathre, sous le Tartare et le Chaos (v. 494-527).
lui, il attend d'Arcadius une part de l'empire
(v. 297-316). Ses complices approuvent et songent
déjà aux méfaits qu'ils pourront commettre (v. 317-
[CONTRE RUFIN] [IN RVFINVM]
LIVRE SECOND, PRÉFACE LIBER II, PRAEFATIO

Ouvreza, ô Mùses ie retùur, l'Hélicon qui fut interdit, Pandite defensum reduces Helicona sorores
pandite. Permissis iam licet ire choris;
Ouvrez-le. Désormais il est permisb à vos chœurs
[d'y aller: nulla per Aonios hostilis bucina campos
Parmi les plaines d' AonieC, aucune trompette ennemie carmina mugitu deteriore uetat.
D'un mauvais beuglementd n'empêche votre chant. Tu quoque securis pulsa formidine Delphis 5
floribus ultorem, Delie, cinge, tuum:
5 La crainte est écartée et Delphes se rassure :
[viens toi aussi nullus Castalios latices et praescia fati
Dieu de Délose, couronne de fleurs ton vengeur. flumina polluto barbarus ore bibit.
Alpheus late rubuit Siculumque per aequor
Aucun barbare ne boit plus, de sa bouche souilléë,
[les eaux
De Castalieg, les flots qui savent le destin.
La rougeur de l'Alphéeh s'est étendue: sur la mer
[de Sicile

a. Cette invocation solennelle aux Muses renvoie à Virgile (Aen.


7,641 = 10,163) : Pandite nunc Helicona, deae. Mais ici elle prend
une résonance particulière, puisqu'il s'agit de célébrer la libération
Hanc praefationem ante secundum librum In Rufinum habent G L F R
des Muses elles-mêmes (voir introduction, contexte historique).
exc. Fl. mg., ante librum De bello Gildonico Pj(P rff'JN L [bis = L'J
b. Permissis iam licet : tautologie analogue en 6 cons. 265-6 laxata
Pmg. Vic exc. Fl. exc. Cyr.Ise
remisit / frena.
11:cipit libri sec1:ndi praefatio G hoc est proemium de bello gildo-
c. Aonios = Boeotios. La Béotie est le séjour des Muses ( Theod.
mco secundus hber F5 m.a. prologus ad librum sequentem de gil-
270-2) : Verg. Georg. 3,11.
done Jm.a. flauii claudiani libri secundi de morte rufini F m.g. inci-
d. Mugire à propos de trompettes : Verg. Aen. 8,526 ; Stat. Theb.
pit secundus R incipit in eundem liberi [sic} II pr(a)efatio exc. Fl.
6,120.
mg.
e. Apollon avait déjà été associé à Stilicon dans la préface du
1 (p)andite (P JJ.c.) : -gite Cuia. Il de(f)fessum P6a.c.N Il 2 pandete
livre 1 ; cf. Stil. 3,58-60.
P6 a. c. 11 permissis : pre- F2 pacificis Cuia. permixtis Cam permistis
f. Lucan. 6,706-7 (à propos de la sorcière Erichtho) ore... polluto
Ise Il choris (Fp.c.) : rotis Ru.l. comis F2a.c. Il 3 per: que P Il 4
(cf. Ou. Met. 15,98 à propos de l'âge d'or végétarien: nec polluit
uetat: canat Ru.l. Il 5 securis P,p.c. Il delph[-f-]is (P,p.c. Vic) : -ijs
ara cruore).
exc._Fl. mg. Il 6 delie cinge: dilige c. F5a.c. dele cinge Na.c. dele
g. Ca:talios (6 cons. 25-33; c. min. 3,1): Lucan. 5,125 (à propos
recmge Np.c. exc. Fl. mg. Il 7 castalios (exc. Fl. mg. exc. Fl.t) : castal-
de la pretresse d'Apollon) Castalios circum latices.
lo,s Vic catholicos Ka.c. Il prescia P2ras. Il 8 bibit Gp.c. KP Ju.F 5p.c.
h. Sur la fable du fleuve grec Alphée rejoignant la nymphe Aré-
L F2 R exc. Fl. Ise : -et Ga. c. ? Pj>6a. c. ? FJN exc. Fl. mg. Vic -at F5 a. c.
thuse en Sicile, Rapt. 2,60 (n. compl. 2, t. I, p. 137; ajouter Strab.
L P Il 9 que am. F3 a.c. Ra.c.
6,2,4; Plin. Nat. 2,225; Sil. 14,53-54) ; Stil. 1,186-7.
87 CONTRE RUFIN LIVRE 2 10-20 RVF. II= CARM. 4-5 10-20 87

10 La vague a ramené les marques de sang sanguineas belli rettulit unda notas 10
[de la guerre ; agnouitque nouos absens Arethusa triumphos
Sans être là, Aréthuse a connu notre récent triomphe, et Geticam sènsit teste cruore necem.
Le sang témoin lui a appris la mort des Gètes. Inmensis, Stilicho, succedant otia curis
À cette immense tâche, ô Stilicon, que le repos • et nostrae patiens corda remitte lyrae,
[succède, nec pudeat longos interrupisse labores 15
Et relâche ton cœur en supportant ma lyre; et tenuem Musis constituisse moram.
15 N'aie pas de honte à interrompre un long labeur, Fertur et indomitus tandem post proelia Mauors
À prendre un moment de retard au nom des Muses. lassa per Odrysias fundere membra niues
Après les batailles, dit-on, Mars l'indomptableb enfin oblitusque sui posita clementior hasta
Étend ses membres las sur la neige odrysienne; Pieriis aures pacificare modis. 20
Il oublie qui il este, s'adoucit et pose sa lanced
20 Pour pacifier son oreille aux rythmes des Piérides.

a. Même expression chez Stace à propos des marques de la


guerre sur le visage du colosse équestre représentant Domitien
(Silu. 1,1,16) : notis belli.
b. Mars est associé à Stilicon en 1,334-53; cf. Stil. 2,367-76. Les
guerriers épiques sont souvent comparés à Mars, voir Ol. 119-20 et
n. compl. 6; Ruf; 1,350 et note a (Miniconi, op. cit., p. 197). En
dépit du fertur, Claudien semble avoir inventé le thème du repos 10 rettulit PJJ.c. R Ise: retulit cett. Il 12 et get(h)icam G P 6u.l.F5 u.l.
que Mars trouve auprès des Muses (Levy 1971, p. 118). Odrysias: L F2 R exc. Fl. mg.p.c. exc. Fl. Ise mg.: gildonis PJ<P Jji'JNL' P Ru.l.
référence à la Thrace, cf. 1,334-9. Vic Ise Il necee Pa.c. Il 13 succedant: succendet F5 a.c. Il 14 corda
c. Verg. Aen. 3,629 (à propos d'Ulysse) : oblitusue sui (Eutr. 1,229 remitte (F/,.l.) : carmina mitte F2 Il 15 nec: non F5 Il 16 consti-
oblita sui ... mens). tuisse (exc. Fl. mg. et ? exc. Fl.b) : constitnisse Vic continuisse exc. Fl.
d. Stil. 2,368-9 Gradiuus ... / deposito mitis clipeo. 1118 niues (FJJ.c.) : nicies Pa.c. Il 20 pi[-y-]eriis: pyeries L'a.c. pie-
e. Le terme aures implique la présence de Stilicon lors de la miis P6a.c.
recitatio (Birt, p. XXXVIII n. 2). explicit praefatio G
[CONTRE RuFIN] [IN
LIVRE SECOND LIBER II

Déjà le père avait dompté les Alpes, il défendu Iam post edomitas Alpes defensaque regna
Le règne d'Hespérie et occupait le séjour mérité : Hesperiae merita complexus sede parentem
Le monde brillait agrandi de l'adjonction d'un astre 1 ; auctior adiecto fulgebat sidere mundus,
Déjà la puissance romaine et le faîte des choses iamque tuis, Stilicho, Romana potentia curis
[avaient été commis et rerum commissus apex, tibi credita fratrum 5
5 À tes soins, Stilicon; la majesté de l'un et l'autre frère, utraque maiestas geminaeque exercitus aulae.
Les armées des deux cours t'avaient été confiées 2 . Rufinus (neque enim patiuntur saeua quietem
Rufin (la cruauté du crime en effet ne supporte crimina pollutaeque ne gant arescere fauces)
Aucun repos et les gosiers souillés refusent infandis iterum terras accendere bellis
[de se dessécherb) inchoat et solito pacem uexare tumultu. 10
Recommence à incendier de guerres innommablesc Haec etiam secum: « quanam ratione tuebor
10 Le monde et à troubler la paix de son habituel spem uitae fragilem ? Qua tot depellere fluctus
[désordre. arte queam ? Premor hinc odiis, hinc milite cingor.
Il se disait aussi : « Par quel moyen vaisje sauver Heu quid agam? Non arma mihi, non principis ullus
Mon frêle espoir de vie? Par quel expédient
[pourrai-je repousser
Toutes ces vagues ? La haine ici me presse3 ;
[là les soldats m'entourent.
Que faire, hélasd? Nulle arme, aucune affection
[du prince

a. Apex pour désigner le pouvoir suprême (Eutr. 2,350 ; pr. 6


cons. 23) : Pacat. Pan. 2[12],6,2; Amm. 30,8,10.
b. Claudien adapte à Rufin le comportement que César prête à incipit liber secundus claudiani in Rufinum G incipit liber secun-
Pompée chez Lucain (1,331-2 « Nullus ... pollutas patitur sanguis dus Km.r. ruffini mors (m.r.) cl. claudiani liber secundus (m.r.a.) j
mansuescere fauces »). Voir Christiansen 1969, p. 86-88. 1 post om. F3 a.c. Il 2 Hesperiae PJJ.c. Il parentem (exc. Fl.) : -um Vic
c. Claudien modifie l'expression par laquelle Jupiter désigne Il 3 post 21 K Il auctior: -tor Ra.c. actior F5 a.c. iunctior P om. Pa.c. Il
l'action néfaste de Junon dans I'Énéide (12,804) : infandum accen- 5 commixtus F5 a.c. Il condita F5 a.c. Il 6 exercitus (exc. Fl.) : excitus
dere bellum. Vic Il 7 nec KF5 Il sua Ja.c. Il 8 pollutas- P2 u.l. Il negant om. F5 a.c. Il
d. Verg. Aen. 12,486 (à propos d'Énée, en même position 9 infrandis Pa.c. Il terras ... bellis: b .... t. F3 t .... flammis P ~ Il
métrique) : Heu quid agat. 10 uexare (exc. Fl.b Vic) : turbare F5 L F~ exc. Fl.a Ise Il 11 secum:
e. Faut-il voir (avec Koch 1889, p. 597 n.l et Birt, éd., apparat fecit F 7 Il quanam: qua non Pqua nunc Pu.l. Il tuebor Gp.c. Np.c. Il
ad loc.) dans cette expression une allusion au fait qu'Arcadius 13 miÏitem Pa.c. Il 14 non ... non (exc. Fl.b Vic Ise) : non ... nec F5
n'épousa pas la fille de Rufin malgré les intrigues de ce dernier? exc. Fl.a
89 CONTRE RUFIN LIVRE 2 15-29 RVF. II = CARM. 4-5 15-29 89

15 Ne vient à mon secours. Bien vite les périls surgissent auxiliatur amor. Matura pericula surgunt 15
De toute part et, placées sur mon cou, undique et inpositi radiant ceruicibus enses.
[les épées brillene. Quid restat nisi cuncta nouo confundere luctu
Oue reste-t-il sinon de tout confondre en un deuil insontesque meae populos miscere ruinae ?
-- ' Liam ais vu Euerso iuuat orbe mori : solacia leto
Et de joindre à ma ruine les peuples innqcents 1 ? exitium commune dabit nec territus ante 20
Il me plaît de mourir en détruisant le monde : discedam : cum luce simul linquenda potestas. »
[la ruine universelle Haec fatus, uentis ueluti si frena remittat
20 Me consolera du trépas 2 . La peur ne me chassera pas Aeolus, abrupto gentes sic obice fudit
Avant: on ne doit quitter le pouvoir qu'avec le jour.» laxauitque uiam bellis et, ne qua maneret
Sur ces motsh, comme Éole lâchant la bride aux vents3, inmunis regio, cladem diuisit in orbem 25
Il rompit la barrièrec et déversa les nations barbares 4 ; disposuitque nefas. Alii per terga ferocis
Il donna libre cours aux guerres et, pour ne laisser Danubii solidata ruunt expertaque remos
[à l'écart frangunt stagna rotis ; alii per Caspia claustra
25 Aucune région, il répartit le fléau sur le monde entier Armeniasque niues inopino tramite ducti
Et divisa le sacrilège<l : les uns se ruent sur l'échine
[figée
Du fier Danube et de leurs roues brisent les flots
Accoutumés aux rames ; et les autres par les verrous
[caspiensf
Et les neiges de l'Arménie, suivant une route
[imprévue,

a. Allusion à la fameuse épée de Damoclès: Cie. Tusc. 5,61-62;


Hor. Carm. 3,1,17-18; cf. Gild. 175-181. 15 auxiatur Ga.c. F5 a.c. Il 16 i(n)positi radiant (exc. Fl. exc. Cyr.) : -is
b. Voir note d à Ruf 1,65. r. Ra.c. Vic irradiant positi L Il enses (Pp.c.) : omnes P2 u.l. Pa.c. 11
c. L'expression obicem (ab )rumpere est banale : Verg. Georg. 17 nouo cuncta Fp.c. Il 18 misere Pa.c. Il 19 Euerso (exc. Fl.b Vic
2,480; Sen. Herc. f 237 (abrupto obice mss.; ac rupto edd.) ; Sol. Ise) : Destructo exc. Fl.a 11mori orbe N 1120 commune : quem fa. c.
9, 7 ; Ale. Auit. Carm. 4,454 ... Il 21 Discedam (Ja.c.) : De- jp.c. Il 22 uentus P2 a.c. 11ueluti uentis F5
d. Comparer Lucain 8,603-4 (apostrophe à la Fortune) : « dis- Il si: quis F5 a.c. Il remittat: remutat P 2 a.c. resoluat GR exc. Fl.b exc.
ponis gladios ne quo non fiat in orbe / heu, facinus ciuile tibi ». Cyr: Il 23 sic gentes F5 Il fudit (exc. Fl.b Vic Ise) : fondit PJ exc. Fl.a Il
e. Lucain 1,308 (en un autre contexte) : « ruerentque in terga 25 diuisit G P21s-Zoss.KFJs.l. F2 R exc. Fl. exc. Cyr. : dimisit P 7p.c.JN L
feroces ». P Vic demisit F3 a.c. Il orbem (exc. Fl.a) : urbis exc. Fl.b urbes Ise mg.
f. Levy (ad loc., p. 129, contra Koch 1899, p. 598 qui les situe urbeis exc. Cyr. 11 26 alii ( exc. Fl.) : -a Vic 11terga Pp. c. 1127 remis
près de Derbend) identifie ces verrous avec le passage de Dariel P2 a.c. F2 Il 28 rotis om. Fp.c. Il claustra: caustra Ka.c. castra Nlustra
(Dar-i-Alan en persan). Ise mg. 1129 inopimo P 11tramite (post ras. P) : str- K -de P limite F5
RVF. II = CARM. 4--530--44 90
90 CONTRE RUFIN LIVRE 2 30-44
1 inuadunt Orientis opes. 1am pascua fumant 30
30 Se jettent sur les biens de l'Orient Voici que .
adocum uolucrumque parens Argaeus equorum,
[fument les pâquis CapP .c a· ..
De Cappadoce et l'Argée, père des chevaux ailésa. • rubet altus Halys nec se d e1.en 1t m1quo
1aID . .
Voici que rougit le profond Halysh, que la Cilicie ·' monte Cilix. Syriae tractus uastantur amoem
uetumque choris et laeta plebe canorum
. . . ... ~ . [ne_se défend plus h ost1·1·
Par son relief a,~c1dente. Les lieux plaisants de
assoterit inbellem sompes
. 1s 0 rontem. 35
pr . G .. E •
. . , [la Syrie sont dévastés ; Hinc planctus Asiae ; et1ns uropa caterms
Le coursier ennemi foule l Oronte pacifique, ludibrio praedaeque ~atur frond~ntis ad _usque
35 Accoutumé aux chœurs et à la mélodie des liesses Dalmatiae fines : omms qua mobile Ponti
,. . . , . , [populairesc. aequor et Adriacas tellus int~riace~ undas .
squalet inops pecudum, nulhs habitata coloms, 40
D 1n, la plamte de l Asie; et 1 Europe est livrée,
[proie et jouet instar anhelantis Libyae, quae torrida semper
Aux bandes gètes jusqu'aux confins de la Dalmatie ' solibus humano nescit mansuescere cultu.
[verdoyanted : Thessalus ardet ager ; reticet pastore fugato
Toute la terre qui s'étend entre les flots Pelion ; Emathias ignis populatur aristas.
Changeants du Pont et les vagues adriatiquese
40 Est en friche, sans animaux, sans colons qui l'habitent
Comme la Libye qui suffoque\ aride sous les feux '
D'un soleil éternel, que ne sait adoucirg la culture
[des hommes.
Le pays thessalien brûle 2 ; le Pélion, abandonné
. ~ [par le berger,
se tait; le feu ravage les épis d'Emathie.

a. La Cappadoce est célèbre pour ses chevaux (c. min. 30,190-


2; 47,4--5) : Sol. 45,1-5; Opp. 1,169-171.
b. L'Halys forme, avec le mont Taurus (qui défend la Cilicie) la
frontière entre l'Asie et l'Asie Mineure. La jonction iniquus mans
vient d'Ovide Met. 10,172.
c. Cf. Iuu. 3,62-65 ; Lucien salt. 76.
d. Stil. 3,302 Dalmatiae lucos; Strabon 7,5,10.
e. Jérôme en dit autant, mais en l'imputant à Stilicon (Epist.
123,16,1) : Olim a mari Pontico usque ad Alpes lulias non erant nostra
quae nostra sunt. 50 fumanl: sumunt Pa.c. Il 31 equarum P Il 32 altus: intus PJNP
f. v. 241 ad incensas Libyae... harenas; 4 cons. 436 Libyae squalentis Il 33 tractus: montes Ise mg. Il 34 plebe: phebe Pa.c. 11 canorum:
harenas ( cf. Lucan. 5,39 Libyae squalentibus aruis). Martianus so- F Il 36 get(h)icis: -cisque K Il cateruis (Ku.l.) : seueris K 11 37
5
Capella reprendra l'expression de notre passage (4,331): ex hare- frondentis ( exc. Fl.) : -isque Vic 11 38 fontes F3 a. c. 11 qua G P:f'5 F2 R
nis Libyae anhelantis. Vic Ise: qu(a)e F2u.l. cett. exc. Gy1: Il mobile: mollie Pa.c. Il panti
g. Verg. Georg. 4,470 (à propos des divinités des enfers) : « nes- Pa.c. Il 40 squalet: -it P2 a.c. Il nullis P2 ras.FJ.c. 11 41 anhelantis
ciaque humanis precibus mansuescere corda». Gp.c.Il 42 solibus humano nescit PJJ.c.
91 CONTRE RUFIN LIVRE 2 45-62 RVF. II = CARM. 4-5 45-62 91

45 Contrée de Pannonie, murailles thraces pitoyables, Nam plaga Pannoniae miserandaque moenia Thracum 45
Champs de Mysie : il n'y a plus personne pour aruaque Mysorum iam nulli flebile damnum,
[pleurer ces pertesa. sed cursus sollemnis erat campusque furori
Mais chaque année des incursions exposaient expositus, sensumque malis detraxerat usus.
, [les plaines Eheu quam breuibus pereunt ingentia causis !
A leur fureur et "habitude avait ôté tout sentiment Imperium tanto quaesitum sanguine, tanto 50
[aux malheureux. seruatum, quod mille ducum peperere labores,
Hélas, comme de brèves causes peuvent ruiner quod tantis Romana manus contexuit annis,
[de grandes choses ! proditor unus iners angusto tempore uertit !
50 Un empire que tant de sang avait acquisb Vrbs etiam, magnae quae dicitur aemula Romae
[et conservé, et Calchedonias contra despectat harenas, 55
Qu'avaient fait naître les efforts de mille généraux, iam non finitimo Martis terrore mouetur,
Que Rome de sa main avait tissé en tant d'années, sed propius lucere faces et rauca sonare
La lâcheté d'un traître unique en peu de tempsc cornua uibratisque peti fastigia telis
[l'a renversé ! aspicit. Hi uigili muros statione tueri,
Et même la ville qu'on dit rivale de Rome la grant 1, hi iunctis properant portus munire carinis. 60
55 Qui regarde de haut, en face, les sables chalcédoniens, Obsessa tamen ille ferus laetatur in urbe
Ce n'est pas désormais à ses confins que les terreurs exultatque malis summoque a culmine turris
[de Mars l'agitent:
De tout près elle voit briller la torche et résonner
[les accents rauques
Des cors, avec les traits lancés qui touchent
Ses toits. Ici, des gardes vigilants protègent
[les murailles ;
60 Là on court défendre les ports en groupant 45 Nam G P if>.c. F2 ? a.c.P Ra.c. exc. Fl.b : iam P 2 a.c.KFji' 5 N L
[les carènes<l. FiP·c.Pmg. Rp. c. Vic nec j 11plaga : non J 11que am. N 1146 mysorum
Ce sauvage pourtant se réjouit dans la ville assiégée ; L R Vic Ise: mi- cett. Moes- exc. Laeti Il iam nulli (exc. Fl.b Vic) : non
n. exc. Fl. Il 47 cursus: -u G Il furori Pp.c. Il 48 sensum-: -us- Fp.c.F 5
Des malheurs il exulte et du haut sommet d'une tour 2 L Fj'a.c. Il malis (F2 a.c. exc. Fl.b Vic) : -i FiP.c. exc. Fl. Il 49 (h)eheu
(Pa.c.) : heuheu P2 a.c.KN Vic euheu Pp.c. Il causis: fatis exc. Fl.b exc.
Cyr. Il 51 seruatum: -o P2 a.c. -antum Ja.c. Il dicum Ja.c. Il peperere
(P2 u. l.) : iunxere P 2 11 54 dicitur ( Vic Ise) : du- G R exc. Fl. 11 55-
a. Lucain 7,691 (à propos des pertes de la guerre civile) : jlebilis 115 bis scripsit P2, et sua laca et past 462 (= P'2) Il 55 Et: que F3 Il past
Africa damnis. et del. qu(a)e J Il 57 propius (Ru.l.) : -prius Ga.c. KN P pocius R 11
b. Gild. 75-76 (c'est Rome qui parle) : arua / uulneribus quaesita lucerem Ja.c. Il 58 cornuat P' 2 a.c. Il que am. P~ Il petit Pa.c. 11 fasti-
meis. gia: uestigia F2 a.c. Il 59 hi G P: hic F)iii Rp.c. cett. ii Vic Ise 11 uigi-
c. Même expression dans la bouche de Vultéius (Lucan. liis ja.c. Il muras s. tu P 2 in ras. Il 60 hi G P: hii cett. li Vic Ise Il iunc-
4,477) : angusta in tempare. tis properant (Jp.c.) : uinctis pr. F3 ?Ja.c.N P? a.c. pr. i. jlar. Gall. Il
d. Sur cette tactique consistant à bloquer un port par une portas F5 a. c. 11carinis ( Ga.c.) : care- Gp.c. 1i 62 ante malis del. pro] 11
chaîne de navires, voir Liu. 30,10,4-6. summoque a : s. e exc. Cyr. summaeque ex R
92 CONTRE RUFIN LIVRE 2 63-77 RVF. II = CARM. 4-5 63-77 92

Il aperçoit les attaquesa impies dans la plaine alentour: inpia uicini cernit certamina campi:
Les jeunes femmes s'en vont enchaînées; l'un est uinctas ire nurus, hune per uada caerula mergi
[plongé à demi-mort seminecem, hune subito percussum uulnere labi 65
65 Dans le flot sombre ; un autre qui fuit soudain .. fugit, hune animam efflare sub
[tombe, nec canos prodesse seni puerique cruore
Atteint d'une blessure; un autre expireb aux portes maternas undare sinus. Inmensa uoluptas
[mêmes de la ville ; et risus plerumque subit ; dolor afficit unus,
Ses cheveux blancs ne protègent pas le vieillard quod feriat non ipse manu. Videt omnia late 70
[et le sang de l'enfant praeceptis incensa suis et crimine tanto
Inonde le sein de la mèrec. Son plaisir est immense luxuriat carumque sibi non abnuit hostem ;
Et bien souvent le rire l'envahit; une seule douleur iactabatque ultro quod soli castra paterent
[l'affecte : sermonumque foret uicibus permissa potestas.
70 Ne pas frapper lui-même de sa main. À travers Egregii quotiens exisset foederis auctor, 75
[l'étendue il voit stipatus sociis circumque armata clientum
Tout en feu sur son ordre 1 et un tel crime agmina priuatis ibant famulantia signis.
. [le transporte.
Il ne me pas sa sympathie pour l'ennemi:
Lui-Il1;~me_seAvantait d'avoir seul accès à leur camp
Et qu Il lm fut permis de pouvoir parler avec eux<l.
75 Chaque fois qu'il sortait pour proposer un beau traité,
Ses complices l'accompagnaient et des colonnese
[de clients armés
L'entouraient pour servir des étendards privés.

63 cernit certamina: spectat c. j L flor. Gall. cernit spectacula G


a. Certamina fait allitération avec cernit... campi; spectacula est Rp.c. exc. Fl.b Ise mg. spectacula cernit Ra.c. Il 64 uictas K P Il nurus
une leçon moins bien attestée et banalisante. (P2 in ras.) : manus FJK.u.l. F2 u.l.P domus K Il per uada (Ru.l.) :
b. L'expression efflare animam se lit dans la Thébaïde (8,324 et p. uaga R in uada exc. Fl. exc. Cyr. Il c(a)erula: ceruia Pa.c. proxima
10,444). exc. Fl. exc. Cyr. Il 65 percussum: conuulsum F5 a.c. Il 66 hune: hic
c. Même topos en 1,245-9. F3 atque flor. Gall. 11 efflare : spirare L F2 11 67 nec : non exc. Fl. 11
d. Bien qu'il n'hésite pas à présenter comme publiques (alors puerum- K Il cruorem P'2 Il 68 undare: -ante N fedare K P Il 69
que pour Zos. 5,5,4 elles furent secrètes) les négociations de Rufin subdit Ja.c. Il afficit: in- F5 a.c. L Pa.c. Il 70 non i. m. feriat F3 Il
avec Alaric, Claudien ne mentionne pas ce dernier. Peut-être le 71 pr(a)eceptis: ex- exc. Fl. exc. Cyr. Il 72 abnuit G P~' 2 R exc. Fl.
m~?-age-t-il volontairement, comme semble l'avoir fait son patron exc. Cyr. : abnegat cett. 11 73 quod soli : s. q. F2 Ise q. sibi N 11 pate-
Stilicon (Farg~es 1933, p. 99 n.3). Sermonum uicibus: Verg. Aen. rent (F,jJ.c.) : pe- F2 a.c. parabant P2 u.l. parent Ka.c. Il 74 foret: fuit
6,535; Ou. Epzst. 21,18; Trist. 4,4,79; Pont. 2,10,35. Même fin de P2 u.l. Il uiscibus P 2 a.c. Il permissa: corn- N concessa flor. Gall. Il
vers permissa potestas en c. min. 29,51. potes tas : facultas R exc. Fl. exc. Cyr. 11 75 f (o )ederis : funeris Ise mg.
. e. La jonction de mots famulantia agmina se retrouve chez Il au(c)tor (Ka.c.) : actor Kp.c. Il 76 stipatus (P'JJ.c.) : -ur KR Ise
Sidon. Carm. 7,355-6 à propos des oiseaux qui se mettent au ser- mg. 11 armata (exc. Fl.) : amata F5 a.c. armenta Vic Il clientem Ja.c. Il
vice du Phénix. 77 famulantia Kp. c.
r
93 CONTRE RUFIN LIVRE 2 78-91 RVF. II = CARM. 4-5 78-91 93

Au milieu d'eux, pour ne négliger aucun trait Ipse inter medios, ne qua de parte relinquat
[de barbarie, barbariem, reuocat fuluas in pectore pelles
De lui-même il remet sur sa poitrine des peaux fauves; frenaque et inmanes pharetras arcusque sonoros 80
80 Il imite leurs freins, leurs immenses carquois, adsimulat mentemque palam testatur amictus.
[leurs arcs sonores Nec pudet Ausonios currus et iura regentem
Et son habit attes~e ouvertement ses sentiments 1. sumere deformes ritus uestemque Getarum,
Lui qui menait les chars et la justice d'Ausonie 2 , insignemque habitum Latii mutare togaeque.
[il n'a pas honte Maerent captiuae pellito iudice leges. 85
De prendre de hideux usages, le vêtement des Gètesa, Quis populi tune uultus erat ! Quae murmura
De remplacer l'insigne tenue du Latium, la togeh. [furtim !
85 Captives d'un juge habillé de peaux, les lois s'affligent. Nam miseris nec flere quidem aut lenire dolorem
Quel visage montrait alors le peuplec ! Et quels colloquiis inpune licet : « quonam usque feremus
[murmures en cachette ! exitiale iugum ? Durae quis terminus unquam
Car les malheureux ne pouvaient impunément sortis erit? Quis nos funesto turbine rerum 90
[ni pleurer ni calmer aut tantis soluet lacrimis, quos barbarus illinc,
Leur douleur en parlantd : «jusqu'où supporterons-
[nous donc
Ce joug fatal? Y aura-t-il jamais de terme
90 Au sort cruel ? Qui nous libérera du tourbillon
[funeste,
De tant de pleurs? D'un côté le barbare
[et de l'autre Rufin

a. En dépit de sa propre déclaration, Claudien décrit en fait les


archers huns (Levy ad. loc., p. 140-1).
b. Le vêtement symbolise la culture et l'appartenance à un 78 relinquat: maneret F5 a.c. Il 79 pectore (Ja.c. Pa.c.): -ajp.c. Pp.c.
groupe politique. L'abandon de la toge (il n'y a pas lieu de chan- R corpore F2 Il 80 et om. N Il immanis G 1181 assimilat F5p.cj F2 Vic
ger la leçon de tous les mss. conservés) est le signe de la perte de 11palam : satis F2 11testatur ( exc. Fl. a exc. Cyr.) : -antur F3 proclamat
la citoyenneté romaine (Hor.' Carm. 3,5,5-11). exc. Fl..b Il amictus (exc. Fl.a) : -u exc. Fl.b exc. Cyr. 1183 ritus: rictus
c. Claudien présente ici (v. 86-99) le peuple de Constantinople P?u.l. mitras flor. Gall. Il 84 tog(a)eque: coactae exc. Fl.b exc. Cyr.
sous un jour favorable, comme des victimes de Rufin qui attendent géteque F5 a.c. Il 85 captiu(a)e pellito (exc. Fris.) : p. c. Ra.c. c. pel-
de Stilicon leur délivrance. Plus tard, le ton changera: Eutr. 2,133- lice N c. polluto G -o polluto Ise mg. -o pellito Ise 1186 populis F2 11
7 et 326-45. tum u. P~' 2 R tumultus G 1187 nec : ne G non KFfi 11quidem
d. Peinture traditionnelle des malheureux opprimés par un (Pmg.) : quod P li linire Ga.c. Il dolorem (exc. Fl.) : -es Vic Ise Il
tyran (1,257-8) : cf. Pacatus à propos des exactions de Maxime 89 dur(a)e (Fp.c.) : di- Fp.cj Il 90 sortis (exc. Fl.) : m- Vic 11erit
(Pan. 2[12],25,3 et 5) : fleri non licebat amissa ... Est aliquod calamita- (exc. Fl.) : egit P' 2 erat Fp.c. Vic Il qui G P~' 2 P Il funesto t. G ]N R
tum delenimentum dedisse lacrimas malis. exc. Fl.b Vic: f. (P JJ.c. P'JJ.c. Kp.c.) in t. cett. exc. Fl. Il 91 aut (exc.
e. Même clausule turbine rerum en 1,260. Fl.b) : a P2u.l.Fj" 5 L F~ exc. Fl. Il solui Pa.c. Il quas K
94 CONTRE RUFIN LIVRE 2 92-105 RVF. II = CARM. 4-5 92-105 94

Nous presse : on nous dénie et la terre et la mera ! hinc Rufinus agit, quibus arua fretumque negatur ?
Dans les campagnes c'est un grand fléau, mais Magna quidem per rura lues, sed mai or oberrat
[sous les toits intra tecta timor. Tandem succurre ruenti
Rôde une peur plus grande. 0 Stilicon, secours enfin heu patriae, Stilicho ! Dilecta hic pignora certe, 95
95 La patrie qui s' écrouleb, hélas ! Tes chers enfants hic domus, hic thalamis primum genialibus omen,
[sont bien ici, hic tibi felices erexit regia taedas.
Et ici ta demeure, et ici le premier présage pour Vel solus, sperate, ueni ! Te proelia uiso
[ton lit nuptiaF ; languescent auidique cadet dementia monstri. »
Ici, pour toi, le palais a dressé des torches de bonheurc. Talibus urgetur discors Aurora procellis. 100
Viens même seula, objet de notre espoir ! À ta vue At Stilicho, Zephyris cum primum bruma remitti
[les combats et iuga diffusis nudari coepta pruinis,
S'alanguiront et tombera la démence du monstre partibus Italiae tranquilla in pace locatis,
[avide.» utraque castra mouens Phoebi properabat ad ortus,
100 Voilà les tempêtesf qui pressent l'Orient Gallica discretis Eoaque robora turmis 105
[en discorde.
Mais Stilicon, quand les zéphyrs se mirent
[à chasser l'hiver,
À dépouiller les mont~ de la gelée qui les couvrait,
Après avoir placé en une paix tranquille les régions
[de l'Italie,
Ébranla les deux camps 2 : il se hâtait vers l'aube
[de Phébus,
105 Réunissantg en escadrons distincts les forces
[de la Gauleh

a. Cf. supra v. 60.


b. Eutr. 2,592 (l'Aurore) : Stilicho ... succurre ruenti; cf. Hor. 92 hinc Gp.c. Il aget Pp.c. Il negatur (P 2 a.c.) : -antur PJJ.c. Il 93 per
Carm. 1,2,25-26 ruentis / imperi rebus; Hier. Epist. 60,16,3 (même rura (exc. Fl.) : post iura Vic Il lues (exc. Fl.) : luens Vic Il oberat] I!
contexte) Roman us orbis ruit. 94 intra (exc. Fl. exc. Cyr.) : infra F5 inter FJ! Vic II succurrere auent1
c. Cf. 3 cons. 154-6. G Il 95 patrio P' 2 Il dilecta hic : d. hec P2 de- hec P' 2 tua sint hec F2
d. Pour vaincre Maxime, avait dit Pacatus à Théodose (Pan. Il 96 t(h)alamis primum G F5p.c.N R exc. Fl.b exc. Cyr. Ise mg. : -us pr.
2[12),30,5), il t'eût suffi« in bella uel solum uenire». F -i pr. F a.c. Vic t. proprium P 2 a.c.P':J{.]u.l. L F2 Ru.l. exc. Fl.a Is~ -us
3 5
e. Compliment analogue pour Manlius Theodorus ( Theod. 248-9). proprium PJJ.cj P Il genialibus G P 2 u.l. F3 ? a.c. R Ise : -tahbus
Rufin avait déjà été qualifié de monstre en 1,291. Fp.c.F p.c. Ru.l. cett. gentilibus F5 a.c. Il omen (ju.l.) : omne P2 u.lj Il
5
f. Sur cette image, Christiansen 1969, p. 68-69. 97 Hic (PJJ.c.) : Hcec Ise Il 98-97 P' 2 a.c. Il 98 solum G Il sperate_:
g. Conplexus correspond à l'usus du poète: Gild. 519; 6 cons. superare P2 u.l. Il 99 monstri: nostri F5 a.c. Il 101 Ast F/ 5 Il zephy[+
288. )ris (exc. Fl.) : -us Vic Il 102 iuga Lp.c. Il c(o)epta (F2a.c.) : capta
h. Les troupes d'Arbogaste et d'Eugène comprenaient aussi des F a.c. FJJ.c. scepta P' 2a.c. Il minis Pa.c. li _103 tranquill~ i? pace: t.
5
Francs (Orose 7,35,12) ; mais Claudien ne mentionne que les Gau- p. F tuta sub p. exc. Fl.b exc. Cyr. Il locatls (Ru.l.) : rehctis GR exc.
3
lois: cf. v. 110; 147-8; 174; Gild. 431. Fl. b exc. Cyr. Ise mg. 11 104 ortum F5 11 105 eoque F5 a. c.
r-
:;
'l
!
95 CONTRE RUFIN LIVRE 2 106-122 RVF. II= CARM. 4-5 106-122 95 ,,
k

Et de l'Aurore. Jamais de telles troupes ne s'étaient conplexus. Numquam tantae didone sub una
[rassemblées conuenere manus nec tot discrimina uocum : 1
Sous une seule autorité, ni tant de langages divers 1 : illinc Armeniae uibratis crinibus alae 1
~
Ici, les ailes d'Arméniens à là chevelure frisée 2 , feruida collectae facili uelamina nodo ;
Qui avec un nœud simple assemblent leurs habits inde truces flauo comitantur uertice Galli, 110
[aux couleurs chaudes ; quos Rhodanus uelox, Araris quos tardior ambit "I
ll0 Et là l'escortent les Gaulois farouches à tête blonde et quos nascentes explorat gurgite Rhenus il
Qu'entoure le Rhône rapide ou la Saône plus lente, quosque rigat retro pernicior unda Garunnae, 'I
Qu'éprouve à leur naissance le tourbillon du Rhin Oceani pleno quotiens inpellitur aestu.
Ou qu'arrose le flot de la Garonne, à refluer Mens eadem cunctis animique recentia ponunt 115
[si prompte uulnera ; non odit uictus uictorue superbit.
À chaque fois que la pleine marée de l' Océan Et quamuis praesens tumor et ciuilia nuper
[la chasse 3 . classica bellatrixque etiamnunc ira caleret,
115 Un seul état d'esprit pour tousb: leur cœur oublie in ducis eximium conspirauere fauorem.
[les plaies récentes ; Baud aliter Xerxen toto simul orbe secutus 120
Point de haine chez le vaincu et point d'orgueil narratur rapuisse uagos exercitus amnes
[chez le vainqueur 4 . et telis umbrasse diem, cum classibus iret
Malgré les troubles du moment, malgré
les sonneries récentes
De la guerre civile et l'ire belliqueusec qui
[les échauffe encore,
Ils se sont accordés pour l'excellence de leur chefi.
120 De la même façon, dit-on, l'armée du monde entier
Qui a suivi Xerxès 5 a volé l'eau des fleuves vagabonds
Et ombragé le jour avec ses traitse, quand 106 complexus: am- GR exc. Fl.b Il tante numquam F5p.c. tanta n.
[ses vaisseaux passaient F5 a.c. nusquam t. exc. Laeti Il dicione: statione F5 a.c. 11107 conuen-
tore Pa.c. Il 108 illic P 2 P Vic Ise Il uibratis: -(a)e P2 P'7 3 a.c.F5 F2 ?
a.c.Pa.c. R Vic umbrate Pp.c. Il 109 feruida (Ru.l.) : -bida Rp.c. her-
a. Parmi les troupes venues d'Orient avec Théodose (cf. v. 156- bida Ra.c. exc. Fl. Ise mg. Cuia. tenuia Ku.l. Il callecte Pa.c. 11lll-
7; 3 cons. 68-72; Stil. 1,154-161), Claudien ne mentionne pas les ll2 om. F5 add. mg. Il lll quos: -o P2 -as Pa.c. 11om. uelox Ja.c. Il
Goths d'Alaric, qui avaient joué un rôle essentiel dans la bataille ll2 r(h)enus (exc. Fl.) : remus Pa.c. rhemis Vic Il ll3 rigat (exc.
du Frigidus, mais étaient déjà reparties ... piller les Balkans. Fris.) : -it P2 a.c. ligat F5 L FJ> Il retus P~a.c. 11ll4 oceanijp.c. : Ocea
b. La formulation de Claudien est plus proche de Lucain 3,324 P occani Ja.c. occeani Pmg. cett. Il quotiens pleno F3 Il ll5 om. que
sit mens ista quidem cunctis que de Virgile Aen. 3,60 omnibus idem add. s.l. P2 P' 2 Il ll6 uictorque K Il ll 7 pr(a)esens: petulans animis
animus. Ise mg. Il timor N L F2 Il ll8 que om. P~ R Il ira: uti Pa.c. Il calerit
c. Cie. Tusc. 4,54 bellatrix iracundia. Na.c. Il ll9 eximium (P2 a.c.) : -ii Pp.cf Il fauorum P2 a.c. Il 120
d. Contre Cameron (1968, p. 394), mais avec Fargues (REA alter P Il xerx[-s-]en: exerse Pa.c. -em F2 Vic Ise 11simul toto F5 Il
1936, p. 371) et Bieler (Lustrum 2, 1957, p. 260),je préfère conser- simul Jp.c. Il 121 rapuisse: hab- Pa.c. potasse exc. Laeti 11uagos:
ver la lectio difficilior, mais de loin la mieux: attestée, eximium. uapos Pa.c. feros F5 Il a(m)nes: annis P axes Pu.l. Il 122 umbrasse:
e. Verg. Aen. 12,578 obumbrant aethera telis. ui- P2u.lja.c.
96 CONTRE RUFIN LIVRE 2 123-139 RVF. II= CARM. 4-5 123-139 96
Sur les rochers et que son fantassin méprisait la mer per scopulos tectumque pedes contemneret aequor.
Vix Alpes transgressus erat, nec iam amplius errat
À peine a-t-il franchi les Alpesa que le barbate barbarus aduentumque tremens se cogit in unam 125
[arrête ses planitiem tutoque includit pascua gyro;
125 Tremble de sa venue, s'assemble en une plaine tum duplici fossa non exuperabile uallum
Et enclôt son pâcage en un cercle de sûreté 1 ; asperat alternis sudibus murique locatum
Alors avec un fossé double, en géminant les pieux, in speciem caesis obtendit plaustra iuuencis.
Il hérisse un rempart insurmontable et place At procul exanguis Rufinum perculit horror; 130
[comme un mur infectae pallore genae ; stetit ore gelato
Ses chariots en les couvrant des peaux de taureaux incertus peteretne fugam, ueniamne subactus
[égorgésb. posceret an tantos sese transferret in hastes.
130 Au laine, un frisson ébranle Rufin et le prive Quid nunc diuitiae, quid fului uasta metalli
[de sang; congeries, quid purpureis effulta columnis 135
La pâleur infecte ses joues. Le visage glacé, il s'est figé 2 : atria prolataeue iuuant ad sidera moles?
Il ne sait s'il doit fuir, ou se soumettre et demander Audit iter numeratque dies spatioque uiarum
Pardon, ou bien passer à un tel ennemid. metitur uitam. Torquetur peste futura
Maintenant, à quoi bon ces biense, à quoi bon nec recipit somnos et saepe cubilibus amens
[cet énorme amas
135 De métal jaune3, et à quoi bon ces palais soutenus
Par des colonnes pourpres, ces masses qui s'élèvent
Uusqu'aux astres?
Il apprend le trajet, compte les jours et mesure sa vie
À la longueur des routes. L'approche de sa ruinef
[le tourmente ;
Il ne trouve plus le sommeil; souvent, il tombe de
[sa couche, 123 cum cerneret L P Il 124 egressus exc. Fl.b Il erat Kp.c. !I nec:
nature Ja.c. Il iam Np.c. Il 125 timens J F2 exc. Fl.b Il 126 tuto- :
tanto- Pa.c. 11127 tune KJF 5
Il duplicem fossam R Il expugnabile L
a. Lucain 1,183 iam gelidas Caesar cursu superauerat Alpes. Chez Il bellum F2 a.c. 11128 locatum (Jp.c.) : -a P7f' 5 u.lju.l. F2 a.c. R exc.
Claudien, il s'agit des Alpes Juliennes (Levy ad loc., p. 151-2). Fl. Ise mg. -antum Ja.c. Il 129 speciem G KF5 L F2 R Ise : -e cett. Il
b. Reprise formelle d'une clausule virgilienne ( Georg. 2,206) : c(a)esis: -que N cesum Pa.c. Il ostendit P Ra.c. Il plaustra (exc. Fl.) :
plaustra iuuencis. cl- Vic Il iuuentisja.c. Il 130 procul Np.c. Il error F5 a.c. Il 131 infeste
c. At procul (Verg. Aen. 5,613) correspond au at du v. 101 : de P 2 11 p~llore G F2 R exc. Fl. b Ise : terrore cett. 11 steti F5 a. c. 11
Stilicon nous revenons à Constantinople avec Rufin (v. 130-170). 132 uemamne : -ue F5 F2 Ise -que L R 11subactus ( exc. Fl.) : co- F
3
d. Bien qu'elle donne un sens satisfaisant (cf. v. 72), la leçon fugatus Vic 11133 poscerent ja.c. Il aut L F~ Il fidos Ra.c. Il sese
fidos est trop isolée pour être conservée. Np.c. 11transferret (Ls.l.) : pro- L Il 135 purpureis (exc. Fl.) : -as Vic
e. Mouvement analogue chez Ou. am. 3,7,49-50. Maximien Il post purpureis del. peius P Il prefulta ~ Il colum(p)nis L F R exc.
2
(1,181) s'est peut-être souvenu de Claudien: quid mihi diuitiae? Fl. Ise: met(h)allis cett. Fic exc. Fl. Il 136 prolatene K Il 137 am. add.
f. Le rapprochement avec 1,234-5 et 243-4 ne justifie pas le mg. K Il Audet Pa.c. Il 138 mentitur N Il peste: pace exc. Fl.b Il
choix de la leçon isolée pace. 139 nec : non N 11recipit : repetit L 11ciuilibus F5 a. c.
97 CONTRE RUFIN LIVRE 2 140-156 RVF. II= CARM. 4-5 140-156 97

140 Éperdu, et son châtiment c'est d'avoir peur poenamque luit formidine poenae. 140
[du châtimene. redit in faciem scelerumque inmane resumit
Mais il retrouve son visageh et il reprend ingenium sacrasque fores praediuitis aulae
[son monstrueux iLhH •.U.A'--'- intrat et Arcadium mixto terrore ~-~~-~ ..·-·-
Du mal ; il franchit les portes sacrées de la très riche « Per fratris regale iubar, per facta parentis
[cour 1 aetherii floremque tui te deprecor aeui, 145
Et prie Arcadius en y mêlant de la terreur: eripe me gladiis ; liceat Stilichonis iniquas
2
« Par l'éclat royal de ton frère , par les hauts faits euitare manus. In nostram Gallia caedem
[de ton père céleste, coniurata uenit. Quicquid ligat ultima Teth ys,
145 Par la fleur de ton âgeC,je t'en supplie, extremos ultra uolitat gens si qua Britannos,
Arrache-moi aux glaives ; permets-moi d'éviter mota mihi. Tantis capiendi credimur armis ! 150
[les mains injustes Tot signis unum petitur caput ! Vnde cruoris
De Stilicon. La Gaule arrive conjurée<l ista sitis ? Geminum caeli sibi uindicat axem
Pour me tuer. Tous ceux que l'ultime Téthys unit, et nullum uult esse parem. Succumbere poscit
Tous les peuples qui errent au delà des derniers cuncta sibi : regit Italiam Libyamque coercet ;
[Bretonse Hispanis Gallisque iubet; non orbita solis, 155
150 Sont levés contre moi. On croit devoir me prendre non illum natura capit. Quascumque parauit
[avec tant d'armesf !
Tant d'étendards visent ma seule tête? D'où vient
[pareille soif
De sangg ? Il revendique à lui les deux pôles du ciel3
Et ne veut pas d'égal. Il exige que tout plie devant lui :
Il régit l'Italie et contient la Libye ;
155 Aux Espagnols, aux Gaulois il commande et
[ni l'orbite du soleil
Ni la nature ne le tient. Toutes les forces que l'Auguste
140 luit (exc. Fris.) : luunt Na.c. Il 141 faciem (Ru.l.) : rabiem GR
a. Paradoxe rhétorique: Sen. Epist. 70,8 timore mortis mari. exc. Fl. exc. Cyr. Cam. mg. Ise mg. facinus P2 u.l. Il celerum- P Il inane
b. En faveur de Jaciem, Cameron 1968, p. 394-5: Rufin retrouve F2a.c. Il 142 foras Pa.c. Il 143 mixto (Vic exc. Fl.b): i(n)m- j F~ exc.
son vrai visage de génie du mal (cf. 1, 109-111). Fl. Il precatur Lp.c. Il 144 iubar regale La.c. Il facta: fata exc. Fl. Ise
c. Arcadius a environ 18 ans en 395. Il 145 aetherii G : -i F5 -ei cett. Il 146 liceat: licet mihi Ja.c. Il
d. Hor. Carm. 1,15,6-7 Graecia... / coniurata. 147 manus : minas R exc. Fl.b exc. Cyr Il cedam F3 a.c. Il 148 rigat R Il
e. Les Bretons sont traditionnellement considérés comme les t(h)et(h)is codd. Il 149 om. add. mg. J Il 150 tantis: dignis
derniers habitants de l'occident (Verg. Ecl. 1,67; Claud. Stil. 3,148- P/ 3 u.lja.c. P digni jp.c. Il credimur (P2 u.l.) : tra- P2 con- Ja.c. Il
9; Cet. 202-4) et sont nommés ici par hyperbole (ils ne sont pas 151 unum: unde F2 Il petimur Ka.c. Il 152 _ista: tanta F5 Il c(a)eli
mentionnés aux v. 105-114). sibi (Ise mg.) : sibi c. G sibi N F2 a.c. stilicon sibi exc. Laeti Ise Il uindi-
f. Stat. Theb. 2,495 (à propos de la troupe en embuscade contre cat GR exc. Fl. : uen- cett. Il 153 om. Vic rest. exc. Fl. Il 154 libiem- K P
le seul Tydée) : « tantis dignus qui crederis armis ». li [-y-]biam- cett. 11 choers Pa. c.
g. Ou. Met. 13,768 sitisque immensa cruoris (cf. Cet. 604).
98 CONTRE RUFIN LIVRE 2 157-169 RVF. II= CARM. 4-5 157-169 98

A préparées ici, celles qu'il a reçues après les hic Augustus opes et quas post bella recepit,
Il les possède seul et il ne songe à rendre ce solus habet ; possessa semel non reddere curat.
[qu'une fois il a Scilicet ille quidem tranquilla pace fruetur.
Lui, bien sûr, jouira d'une tranquille . . Nos premat obsidio ! Quid partem inuadere temptat? 160
160 À nous d'être assiégés ! Pourquoi tente-t-il d'usurper Deserat Illyricos fines ; Eoa remittat
[ta part1? agmina ; fraternas ex aequo diuidat hastas ;
Qu'il évacue les terres d'Illyrie ; qu'il renvoie nec sceptri fueris tantum, sed militis heres.
[l'armée d'orient; Quod si dissimulas nostrae succurrere morti
Qu'il partage équitablement les armes des deux frères ; nec prohibere paras, Manes et sidera testor : 165
Tu auras hérité non plus d'un sceptre seulement, haec ceruix non sola cadet ; miscebitur alter
[mais de soldats. sanguis ; nec Stygias ferar incomitatus ad umbras
Si tu ne daignes pas me secourir en ce péril de mort, nec mea securus ridebit funera uictor ! »
165 Si tu ne cherches pas à l'empêcher, j'en atteste Haec ubi, dictatur facinus missusque repente
[Mânes et astres<l,
Mon cou ne tombera pas seul ; un autre sang
[s'y mêlerae ;
On ne m'enverra pas sans compagnie chez
[les ombres du Styxf
Et le vainqueur ne rira pas en paix de mon décèsg ! »
Sur ceh, il dicte son forfait et mande sur le champ

a. Rufin fait allusion à l'armée orientale venue de Constanti-


nople (comme en Cet. 401, opes = troupes: cf. Seru. auct. Aen.
8,171 ; Nep. Con. 4,3 et Thr. 2,4) et à l'armée d'Eugène, récupérée
après la bataille du Frigidus.
b. Lucain avait fait dire à César à propos de Pompée (1,317) : 157 hinc exc. Fl. Il 158 semel om. Ka.c. Il non: nec R Il cure Ka.c. Il
ille semel aptos numquam dimittit honores. 159 scilicet: scilis Pa.c. Il quidem Pp.c. Il in pace P2 a.c. Il fruetur
c. Cf. v. 103. (P 2 a.c. exc. Fl.) : -atur G P JJ.c.Ks.l.Ff 5N F2s.l. exc. Fl.b Vic Ise Il
d. Verg. Aen. 9,429 (Nisus) conscia sidera testor; Stat. Theb. 3,63- 160 premat: -et K]a.c. L Rp.c. -it Pa.c. Ra.c. Ise Il quid (Pu.l.) : -is P
64 (Méon avant son suicide) noctis uaga lumina testor / et socium Il partem: patrem Ka.c. Spartem Ise mg. Il 161 i(l)liricos Gp.c. Pp.c.
manes. codd. illicitos Pa.c. Il eoaque P2 a.c. eaque Pa.c. egea F5 a.c. Il remittit
e. Drac.? Orest. 763 « nec cruor amborum miscebitur ense minaci ». Pa.c. 11162 hastas: hostis Pa.c. Il 163 nec: non F5 Il tantum fueris
f. Cf. Hom. Il. 13,414-6. P~ Ise Il 164 dissimulas G P~ F2 R exc. Fl. Ise: -es cett. exc. Fl. dissi-
g. Rufin parle d'Arcadius, avec une troisième personne d'ironie miles Vic 11167 ferat F3 a.c. Pa.c. Il umbras (F2 u.l.) : undas F3 L F2 R
(cf. Levy ad loc., p. 165 contra Cameron 1968, p. 396). 11168 ridebit securus N Il 169 H(a)ec (exc. Fl.) : Hoc P2 F2 Hic Vic Il
h. Cf. 1,65. dictatur ( exc. Fl.) : uitatur Vic
RVF. II= CARM. 4-5 170-184 99
99 CONTRE RUFIN LIVRE 2 170-184
ferat extortas inuito principe uoces. 170
170 Un messager pour porter les mots arrachés
[au prince lui1. Interea Stilicho iam laetior hoste propinquo
nec multo spatii distantibus aequore uallis -
Cependant Stilicon se réjouit déjà à l'approche
ennemis; pugnandi cu1p1c1asaccendit uoce cohortes.
Armeniis frons laeua datur ; per cornua Gallos
Leurs retranchementsa dans la plaine ne sont guère
• ·[éloignés dexteriora locat. Spumis ignescere frena, 175
pulueris extolli nimbos lateque uideres
Et il enflamme de sa voix les bataillons désireux
[de combattre. surgere purpureis undantes anguibus hastas
serpentumque uago caelum saeuire uolatu.
Le front gauche est donné aux Arméniens 2 ; il place
[les Gaulois Impl:t T~essaliam ferri nitor antraque docti
cormped1s teneroque amnis reptatus Achilli 180
175 À l'aile droite. On pouvait voir les mors qui
[s'enflammaient d'écume, et nemus Oetaeum radiat. Clamore niualis
Ossa to1:at pulsoque fragor geminatur Olympo.
Des nuées de poussière qui montaient et
[les dragons de pourpre Intummt mrtus et lucis prodigus arsit
impetus; haud illos rupes, haud alta uetarent
Qui ondoyaient au loin sur les hampes dressées,
Et le ciel en furie avec ce vol de serpents
[vagabondsb.
L'éclat du fer emplit la Thessalie et l'antre du savant
180 Centaure ; et le fleuve où rampa le jeune Achille 3
Et le bois de l'Œta rayonnent. Sur l'Ossa neigeux
[les cris tonnent
Et le fracas redouble en percutant l'Olympec.
Le courage grandit et l'ardeur de l'élan incite
[à prodiguerd
Sa vie ; ni rochers ni fleuves profonds ne les
[empêcheraient:

~70 extortas (exc. 1!_l.): exortas Vic extotas F5 a.c. Il inuito (Fp.c.):
-mcto P Il 17~ spa~ns GF 5 a.c. Il 175 Exteriora K Il 176 late-: longe-
a. Vallis désigne les fortifications des Goths: Levy ad loc., p. 166. GF 2 alte- Cuza. 11mberes Pa.c. Il 177 anguibus (Pu.l.): un- F_a.c. p
b. Voir 3 cons. 138-141 et note b. Purpureis: cf. Amm. 15,5,16; Il hastes Pa.c. Il 178 s(a)euire: ser- N Pu.l. Il 179 feri Pa.c. Il nitor
16,12,39. ]p. c. 11180 cornipedis (Pp. c.) : chironis exc. Cyr. (glass. in p F) 11
c. Clamor évoque le cri des soldats et fragor le bruit des bou- · K ' 2 3
anms a.c.N Il raptatus Pa.c. Il 181 (o)et(ha)eùm (Pa.c.) : ethneum
cliers frappés: Levy ad loc., p. 169-170. Pp.c. ethereum P 2 u.l. Il resonat clamore, F? Ise Il 182 tonat: s-
d. Claudien contamine Stat. Theb. 3,333 (à propos d'un taureau P2 u.lja.c. Il pulsaque Pa.c. Il 183 intenuit Ka.c. ? 11184 haud[-t] :
batailleur comparé à Tydée) tumet uirtus et 8,406 (à propos d'une aut]a.c. F,;Pa.c. Il haud[-t] (Rm.r.) : aut F5N Ra.c.
mêlée) rabies et uitae prodiga uirtus.
100 CONTRE RUFIN LIVRE 2 185-199 RVF. II= CARM. 4-5 185-199 100

185 La rapidité de leur course aurait tout aµ1.a.1JlJ.. flumina: praecipiti strauissent omnia cursu. 185
Si l'on avait alors livré bataille en ces ,.,.,,_,~n•+•~- Si tune his animis acies collata fuisset,
prodita non tantas uidisset Graecia clades,
La Grèce trahie n'aurait vu de tels désastres; . semoto Pelopeia Marte uigerent,
Mars écarté, les places-fortes de Pélops seraient starent Arcadiae, starent Lacedaemonis agri;
[puissantes 1 ; non mare fumasset geminum flagrante Corintho 190
Seraient debout et les champs d'Arcadie et ceux nec fera Cecropias traxissent uincula matres.
[de Sparte; Illa dies potuit nostris inponere finem
190 Corinthe en feu n'aurait pas enfumé deux mersh cladibus et sceleris causas auferre futuri.
Et des liens cruels n'auraient pas entraîné les mères Inuida pro quantum rapuit Fortuna triumphum !
[de Cécropsc. Inter equos interque tubas mandata feruntur 195
Ce jour aurait pu mettre fin à nos désastresd regia et armati ueniunt ductoris ad aures.
Et supprimer les causes de crime à venir. Obstupuit. Simul ira uirum, simul obruit ingens
Quel triomphe nous a ravi la jalousie de la Fortune ! maeror et ignauo tantum licuisse nocenti
195 Au milieu des chevaux, au milieu des trompettes miratur. Dubios anceps sententia uoluit
[on porte l'ordre
royal : il parvient a~x oreilles du chef déjà armé
Qui resta interdit. A la fois la colère, à la fois
[un chagrin immense
Accablent le héros: il est surpris qu'un lâche scélérat
[ait pu
Se permettre un tel acte. Son esprit hésite entre deux

186 si tune hi[i]s: his si t. Rp.c. quod si t. Ra.c. Il 187 uidisset


(Gp.c.): au- Ka.c. Il clades: c(a)edes G F3 u.l. R exc. Fl.b exc. Gyr: Il
a. Gild. 386-7 « collata... nescit / maiestatem acies (au figuré, 188 ante oppida del. et J 11 semoto : sub- Ru. l. sic moto G 11 matre
Plaut. Epid. 54 7 ; en un sens différent, Stat. Theb. 6,297-8). F2 a.c. Il ingerent F2 a.c.Pa.c. Il 189 agri G KF3 u.l. L F~ R : arces
b. Cet. 612 « rapta fiagranti spirantia signa Corintho; Eutr: 1,91 (à PJJ.c.F;FJN Ru.l. Vic Ise Il 190 non: nec F3 Il firmasset F2 Il flagrante
propos d'une femme de Corinthe) « e gemino ditata mari» (Ou. G PP7JN: fragr- Rp.c. fragl- Ra.c. fumante F3 u.l. L F~ Il 191
Epist. 12,104 maris gemini distinet Isthmos aquas; cf. Trist. 1,10,32; nec: non FJN Il ce[-i/y-Jcr[-1-]opias: -ae Ra.c. Il 192 ille G Il 193
Stat. Theb. 7,106-7). celeris P 11 futuris G F5 R Il 194 rapuit: raput P2 a.c. potuit Pa.c.
c. Plin. Nat. 7,194 oppidum primum Cecrops a se appellauit Cecro- remouet F5 11 195 Inter Jp.c. Il om. que PFc. Il 196 regis Ise Il 197
piam quae nunc est arx Athenis. obstipuit P2 exc. Fl. Il ira (Ku.l.) : ipse K ora F5 a.c. F2 u.l. Il 199
d. Lucan. 6,312 ultimus dies potuit tibi, Roma, malorum. mirantur Ja.c. La.c. Pli dubiosque F5 Il soluit Ra.c.
101 CONTRE RUFIN LIVRE 2 200-213 RVF. II= CARM. 4-5 200-213 101

200 Issues : achever le combat ou abandonner euentus, peragat pugnas an fortia coepta 200
courageuse deserat. Illyricis ardet succurrere damnis ;
Entreprise. Il brûle d'aider l'Illyrie en périlb, praeceptis obstare timet. Reuerentia frangit
Mais craint de s'opposer aux ordres. Le uirtutis stimulas : hinc publica commoda .:,u.,uaU.'L,JlJLL,

L'aiguillon du courage<l: le bien public l'engage hinc metus inuidiae. Tandem indignatus ad astra
· [d'un extollit palmas et ab imo pectore fatur : 205
La crainte de l' enviee d'un autre. Enfin, indigné, « numina Romanis nondum satiata ruinis,
[il lève les mains si iuuat imperium penitus de stirpe reuelli,
205 Au ciel et dit du tréfonds de son cœur 1 : uno si placuit deleri saecula lapsu,
« Divinités qui n'êtes pas encor rassasiées par si piget humani generis, prorumpat in arua
[les ruines romainesf, libertas effrena maris, uel limite iusto 210
S'il vous plaît d'arracher l'empire au fond de deuius errantes Phaethon confundat habenas.
[ses racinesg, Cur per Rufinum geritur? Procumbere mundum
S'il vous agrée d'anéantir le siècle en une seule chute, hoc auctore pudet. Mediis reuocamur ab armis.
Si le genre humain vous déplaît, que s'élance sur
[les guérets
210 La mer libérée de ses freins, que Phaéthon quitte
[la juste route
Et se mette à errer en mélangeant ses rênes 2 .
Pourquoi se servir de Rufin ? Le monde a honte
[de tomberh
À cause de cet homme. On nous rappelle au milieu
[du combat.

a. Sur les raisons qui ont poussé Stilicon à obéir à l'ordre d'Ar-
cadius (cf. Stil. 2,95-97), Cameron, Theodosius the Great, p. 277-8.
b. Cf. V. 36-44.
c. Cf. Stil. 2,86-87. Sur la loyauté et la fidélité de Stilicon : Gild.
288-308 ; Stil. 2,50-53.
d. Lucan. 8,328-30 « quos Lentulus omnis / uirtutis stimulis ... /
praecessit ».
e. Cf. Ser. 228-230. 200 c(o)epta (Pmg.) : facta L Fj> Il 201 illiricis codd. Il 202 tumet
f. Expression analogue dans l'apostrophe à Tisiphone qui clôt Pa.c. Il 203 stimulis P2 a.c. Il co(m)moda (F5 u.l.) : dampna F5 Il
la Guerre civile de Pétrone (121,119-120) : « Tuque ingenti satiare 204 metus (F2s.l.) : uetus Pa.c. odium F2 Il austra ja.c. Il 206 non-
ruina, / pallida Tisiphone ». dum: nun- Fp.c.F 5 F2 Vic nec- GR exc. Fl. Il 207 de: a F3 Il 208 ante
g. Stace fait dire à Jupiter en réponse aux prières d'Œdipe uno del. et] Il 209 pigeat Na.c. Il arma K Il 210 libertas: tempestas
( Theb. 1,242-3) : « totumque a stirpe reuellam / exitiale genus ». Sae- L R Il effrena: uesana R Il iusto G F,a.c. F2 u.l. R exc. Fl. exc. Cyr. :
cula désigne la race humaine (v. 473; 4 cons. 99-100; 6 cons. 151) : certo Ku.l. nullo F5p.c. cett. Il 211 Ph(a)et(h)on: triton Ra.c. Il
Lucr. 5,805; 1169; 1238; Verg. Georg. 1,468; Lucan. 10,110 ... confondit Pa.c. Il 212 geritur: urgemur exc. Fl.fJt Il 213 actore L F2
h. Lucan. 7,672 supra ... ducem [Pompée] procumberet orbis. Il reuocamur (Ru.l.) : -atur R
102 CONTRE RUFIN LIVRE 2 214--229 RVF. II = CARM. 4--5 214--229 102

Quelle douleur ! On nous force à poser des épées Pro dolor ! Et strictos deponere cogimur enses.
[dégaînées. Vos, arsurae urbes perituraque moenia, testor: 215
215 Je vous prends à témoin, villes vouées au feu, murs cedo equidem et miserum permitto casibus orbem.
[promis à la mort1 : Flectite signa, duces. Redeat iam miles Eous.
Oui,je m'en vais,j'abandonne aux malheurs • Parendum est. Taceant litui. Prohibete sagittas,
[ce misérable monde. parcite contiguo (Rufinus praecipit !) hosti. »
Chefs, tournez vos drapeaux. Que reparte à l'instant His dictis, omnes una fremuere manipli, 220
[le soldat d'orient. quantum non Italo percussa Ceraunia fluctu,
Il nous faut obéir. Que les trompes se taisent. Otez quantum non madidis inlisa tonitrua C[h]oris;
[vos flèches secernique negant ereptaque proelia poscunt
Et épargnez l'ennemi à votre portée: Rufin insignemque ducem populus defendit uterque
[l'ordonne ! » et sibi quisque trahit. Magno certatur amore, 225
220 Après ces mots, les manipules grondèrent tous alternamque fidem non inlaudata lacessit
[ensemble 2, seditio talique simul clamore mouentur:
Plus fort que les monts Cérauniens quand le flot « quis mihi nudatos enses, quis tela lacertis

[d'Italie les bat, excutit et solui curuatos imperat arcus?


Plus fort que les coups de tonnerre dans l'humide
[Corus;
Refusant de se séparer, ils veulent un combat
[qu'on leur arrache;
Les deux peuples réclamentb ce général hors pair,
225 Chacun le tire à soi. On lutte à qui l'aime le plus ;
Cette sédition qu'on ne saurait blâmerc stimule
214 pro(h) dolor: pro dolia Pa.c. pro pudor Ru.l. Ardor R Il et
La fidélité des uns et des autres: ensemble ils poussent adstrictos R Il cogimur deponere La.c. Il 215 m(o)enia: medina
[de tels cris : Pa.c. Il 216 cedo (exc. Fl.) : credo Vic Il promitto P Il casibus G L R
« Qui m'arrache mon épée nue et ôte les traits à exc. Fl. exc. Gyr. Ise mg. : cladibus Ru. l. cett. cladimus F5 11 orbem : ur-
[mes bras? L hostem Ise mg. 11 217 Flectete Pa. c. 11 signa : frena F5 11 redens
Pa.c. Il (a)eous: -is P2 u.lj? p.c. 1 P eos ja.c. Il 218 parendum G F3 u.l.
Qui donne l'ordre de détendre les arcs déjà courbés? F2 R exc. Fl.p.c. Ise : pari- exc. Fl.a.c. parc- Ru.l. cett. Vic Il est: que
Ja.c. Il litui taceant P2 Il om. taceant F3 a.c. Il prohibete (exc. Fl.) :
-bere Pa.c. -be Ja.c. -bite Vic Il 219 ante parcite del. et j Il Parcere
exc. Fl. 11 220 hiis j L 11 omnes una omnes fr. Vic del. omnes 2 exc. Fl.
Il fremuere (Pu.l.) : -mere Fp.c. infr- F5 cecidere P Il 222-221 j Il
a. Même style militaire laconique dans la bouche de César au 221 ytala F5 a.c. Il 222 non om. J Il elisa F5 exc. Fl. exc. Gyr. 11 choris
moment de franchir le Rubicon (Lucan. 1,226-7). codd. 11 223 deest in Vic, rest. exc. Fl. 11 secernitur ]a. c. 11 erapta- Pa. c.
b. Defendere a ici le sens de 'revendiquer' : cf. Stat. Silu. 1,3,4; erepta Ka.c. Il 225 amore (F5 u.lju.l.) : honore P2 u.l. Ka.c. ? F3 u.l.
ThLL, s.u. 295,80-84. Pour populus à propos de soldats (v. 290) : FJ L P Ru.l. Il 226 Alternantque Vic Il la(s)cess[-c-]it (exc. Fl.) :
Lucan. 6,636; 7,841 ; Stat. Theb. 12,22. quiescit Vic Il 227 mouentur G F2 a.c. Ra.c. Vic Ise: -etur FifJ.c. Rp.c.
c. De même Stace fait dire à Adraste à propos de ses soldats cett. exc. Fl.a queruntur exc. Fl.b exc. Gyr. il 228 mihi Rp.c. Il 229
( Theb. 10,240-1) : pulchra meorum / seditione fruor. soluit Pa.c.
103 CONTRE RUFIN LIVRE 2 230-245 RVF. II = CARM. 4-5 230-245 103

230 Qui donc ose imposer sa loi au fer déjà tire ? Quisnam audet stricto leges ::.:::.:.;..:~..:.:..:.~::.:.·~
ferro ? 230
Le cœur une fois enflammé ne saurait s'adoucirb. Inflammata semel nescit mitescere uirtus.
Mes javelots ont soif de sang barbare et d'eux-mêmes Iam mihi barbaricos sitientia pila cruores
sponte uolant ultroque manus mucrone furenti
Ma main se laisse diriger par mon arme pointée ducitur et siccum gladium uagina recusat.
[avec fureur Non patiar. Semperne Getis discordia nostra 235
Et mon fourreau n'accepte pas mon glaive secc. proderit? En iterum belli ciuilis imago !
235 Je ne le supporterai pas. Les Gètes profiteront-ils Quid consanguineas acies, quid diuidis olim
Toujours de nos discordes ? Voici encor le spectre concordes aquilas ? Non dissociabile corpus
[de la guerre civiled ! coniunctumque sumus. Te qua libet ire sequemur.
Pourquoi divises-tu des armées unies par le sang, Te uel Hyperboreo damnatam sidere Thylen, 240
[pourquoi divises-tu te uel ad incensas Libyae comitabor harenas.
Des aigles unies jadis par le cœur ? Car nous formons Indorum si stagna petas rubrique recessus
[un corps litoris, auriferum ueniam poturus Hydaspen ;
Uni qu'on ne peut dissocier. Nous te suivrons où si calcare Notum secretaque litora Nili
[il te plaît d'aller 1 . nascentis iubeas, mundum post terga relinquam; 245
240 Même à Thulé, vouée aux astres hyperboréens,
Même jusqu'aux sables brûlants de la Libye,
[je t'accompagnerai.
Si tu gagnais les eaux de l'Inde et les retraits de
[la mer Rouge,
Je viendrais boire à l'Hydaspe aurifère ;
Et si tu ordonnais de fouler le Notuse, les rivages secrets
245 Où naît le Nilf, je laisserais derrière moi le mondeg;

a. En dépit de l'argumentation de Cameron (1968, p. 396-7),je 230 stricto leges: leges uibrato G R exc. Fl.b Ise Il 232 scientia
garde la leçon la mieux attestée, stricto. Fp.cja.c. sicienti N Il pila (exc. R.) : tela P,j<.]Vic Ise mg. Il iam mihi
b. Cf. v. 8 et note b. (F2u.l. Ise mg.) : iam iam F2 Ise Il 233 ultra- (F2 u.l. Ise mg.) : ultrix- F2
c. Sur l'hostilité spontanée des armes ( Theod. 297), Hom. Od. Ugo Cam Ise Il furenti (exc. Fl.) : -e Fft Vic -is P Il 235 non (R?
16,294; Val. FI. 5,540; Sil. 12,264 non hune sitiens grauis hasta cruorem... a.c. ?) : num ju.l.N Rp.c. Il semperque KF5 a.c. Il ne getis om. R add.
d. Val. FI. 6,514 (mais à propos d'une bataille qui va changer mg. Il 236 Prodidit Pa.c. Il en: est K Il 237 diuidis G FJJ.c. L F2 R exc.
de face) melior belli respexit imago. Fl. Ise: -it Pp 3 a.c.FJN P Ru.l. Vic Il 239 qua (exc. Fl.): quo
e. Le Notus désigne par métonymie le pays d'où il souffle (le P2 u.l.F5N F2 Vic Ise Il sequemur (exc. Fl.) : -amur P2 Vic Il 240 Tu
midi). F5 a. c. 11 damnatam ( exc. Fl.) : -um Vic 11 sidere : frigore Ru. l. 11 Thy-
f. Topos des sources cachées du Nil (c. min. 28,11-14 et comm. len Ise: t(h)ilen P2 exc. Fl. Thulen Vic t(h)i[-y-]lem G KF7JN L F~
ad lac.) : Ou. Met. 2,254-5; Lucan. 1,20 nascenti ... Nilo ... Rp.c. thulem Ra.c. Il 241 Tu F5 a.c. Il ad om. P2 a.c. Il uel inaccensas
g. L'expression post terga relinquere est banale (Albin. ap. Sen. F5p.c. uelis in- F5 a.c. Il li[-y-]bi(a)e codd. Il comitamur F5 a.c. Il 242
suas. 1,15; Lucan. 4,353 post terga relicti; Iuu. 13,17 ... et plus tard sta(g)na: signa Ru.l. regna F3 Il 243 (h)y[-i-]dasp(h)en G P~ 5 R Ise:
Prud. Perist. 9,103; Alcuin Carm. 1,261...), mais Claudien semble (h)y[-i-]daspem cett. Il 244 sic Pa.c. Il uotum P locum Pu.l. Il
bien dépendre ici de Lucain 1,369 (cité dans la n. compl. 1). li(t)tora: noscere G Ra.c. Il 245 mundum (exc. Fris.) : annum exc. Fl.
104 CONTRE RUFIN LIVRE 2 246-263 RVF. II = CARM. 4-5 246-263 104

Dans tout endroit où Stilicon établira sa tente\ et quocumque loco Stilicho tentoria figet,
Là est notre patrie. » Le chef les en empêche : hic patria est. » Dux inde uetat: « desistite, quaeso,
[«Arrêtez, je vous prie, atque auidam differte manum. Cadat iste minacis
Retenez votre main avide. Laissez tomberb ce tas inuidiae cumulus. Non est uictoria tanti
De menaces jalouses. Car la victoire ne vaut pas ut uidear uicisse mihi. Vos, fida iuuentus, 250
250 Que j'apparaisse avoir vaincu pour moic. Vo:us, ite, mei quondam socii. » Nec plura locutus
üeunesse fidèle, flexit iter : uacuo qualis discedit hiatu
Mes compagnons naguère, allez<l.» Sans ajouter un mot inpatiens remeare leo, quem plurima cuspis
Il tourna son chemin 1 . Tel un lion s'en va, la gueule et pastorales pepulerunt igne cateruae,
[vide, inclinatque iubas demissaque lumina uelat 255
Impatient de revenir ; de nombreux javelots, et trepidas maesto rimatur murmure siluas.
Des troupes de bergers par le feu l'ont chassé. Vt sese legio uidit disiuncta relinqui,
255 Il baisse la crinière, voile son regard vers le bas ingentem tallit gemitum galeasque solutis
Et fouille les forêts qui tremblent de son rugissement humectat lacrimis pressamque morantia uocem
[plaintiF. thoracum ualidos pulsant suspiria nexus: 260
Quand la légion séparée se vit abandonnée, « tradimur, heu, tantumque sequi prohibemur amorem ! »
Elle pousse une immense plainte, elle verse des larmese exclamant, « tradisne tuas, dux optime, dextras,
Qui inondent les casques; les soupirs étouffent quas tibi uictrices totiens Bellona probauit ?
[les voix, les paralysent
260 Et secouent la puissante étreinte des cuirassesf:
« On nous trahit. Ah, on nous empêche de suivre
[l'objet d'un tel amour ! »
S'exclament-ils, « trahis-tu, chef si bon, ces bras qui
[sont à toi,
Dont tant de fois Bellone approuva les succès pour toi?

a. Lucan. 1,396 tentoria fixa. Ou. Fast. 1,493 omne solum Jorti patria
est.
b. Lucain fait dire à César qui veut empêcher ses soldats de
combattre (4,279) : « cadat impetus amens ». 246 figat exc. Fl. Il 247 hic (Ru.l.) : h(a)ec GR exc. Fl. Il 248-9 prae-
c. Contamination de la sententia qui décrit les sentiments de ter ctoria tanti absc. R, rest. m.r. Il 248 auidam (exc. Fl.) : quidem Vic
César vainqueur (Lucan. 3,51-52: « nec uincere tanti / ut bellum dif- Il cadit P2 a.c.F5 Il ille K F2 Rm.r. Il minacis (Ju.l.) : -antis J Il 249 sti-
ferret, erat » ; et du jugement de Caton sur Pompée (Lucan. mulus P 2 u.l. Il 250 uicisse bis P Il 252 flexit (Fif_J.c.)
: -int F2 a.c. flectit
2,322-3) : « ideo me milite uincat / ne sibi se uicisse putet ». J Ru.l. Il iter om. F2 a.c. Il discedit: -cendit Fp.c. descendit L decedit
d. Verg. Ecl. 1,75 « ite meae, felix quondam ... capellae », peut-être F5 discessit F2 Il 253 remere N Il quam P Il 254 repulerunt P2 Il
contaminé par Hor. Carm. 1,7,26 ibimus, o socii. 255 inclina- F5 a.c. dimissa- G Il 256 siluas: ripas P 2 u.l. j Il 258 gal-
e. Récriture de Stat. Theb. 8,163 (à propos des Argiens) : qui fie- lias- P2 a.c. Il 259 humectat: (h)umectant] exc. Fl. ante hum. del. et
tus galeis cecideresolutis ! ]Il 260 thoracum (exc. Fris.): -e P2 u.l. -a et Pp.c. -am Pa.c. Il 262 tra-
f. Stat. Theb. 4,723-4 arctos / thoracum nexus (cf. 4,174 nexilis ... tho- dis- : spernis- G R exc. Fl.t exc. Cyr. spernes- Ise mg. 11 dux : rex K 11
rax). dextras: turmas P 2 u.l. Il 263 probauit (Lras. exc. Fl.) : parauit F5N P
105 CONTRE RUFIN LIVRE 2 264-279 RVF. II = CARM. 4-5 264-279 105

Avons-nous donc si peu de prixa et le ciel Nos adeo uiles? Adeo felicior axis
265 Tant de bonheur, lui qui a mérité d'être Hesperius, meruü qui te rectore teneri ? 265
Quel plaisir avons-nous à revoir la patrie, revoir Quid nobis patriam, quid cara reuisere tandem
[enfin nos .__.... _..u,, .. u,0 pignora dilectosue iuuat coluisse penates ?
Si chers, à honorer nos pénates chérisc ? Te sine dulce nihil. Iam formidata tyranni
Sans toi, point ie douceur 1 .J'aurai bientôt à affronter tempestas subeunda mihi, forte nefandas
L'orage effrayant du tyran qui en cachette prépare iam parat insidias, qui nos aut turpibus Hunis 270
[peut-être aut inplacatis famulos praestabit Alanis ;
270 Des embûches impies, qui nous livrera comme quamquam non adeo robur defecerit omne
[esclaves tantaue gestandi fuerit penuria ferri.
Soit aux ignobles Huns, soit aux implacables Alains. Tu, licet occiduo maneas sub cardine solis,
Toute force pourtant n'aura pas fait défaut, tu mihi <lux semper, Stilicho, nostramque uel absens 275
On n'aura pas manqué à ce point de bras pour experiere fidem. Dabitur tibi debita pridem
[porter le fer<l. uictima : promissis longe placabere sacris. »
Tu auras beau rester au point où le soleil se couchee Tristior Haemoniis miles digressus ab oris
275 Tu seras toujours, Stilicon, mon chef; même absent, tangebat Macetum fines murosque subibat,
[tu éprouveras
Notre fidélité. On t'offrira la victime à toi duef
Depuis longtemps : ce sacrifice t'est promis de loin
[pour t'apaiser. »
Dans le chagrin, le soldat a quitté les rives
[d'Hémonieg;
Il touchait les confins des Macédoniens et entrait
[dans tes murs,

a. Plainte analogue des compagnons de César (Lucan. 5,683) :


quae nos uiles animas in Jata relinquens.
b. Eutr. 2,536-7 (plainte de l'Aurore à Stilicon) : solam ... tueris / 264 infelicior P 11 265 qui te meruit F3 11metuit F5 a. c. 11uictore F3 11
Hesperiam? 266 uobis K 11 clara Ka. c. care F3 11 reuisere ]p. c. 11 267 dilectosne K
c. Retractatio de Lucan. 9,230-1 patrios permitte penates / deser- Fj> 11 268 iam : nunc F2 11 formidanda Ru. l. 11 269 nefandes ]a. c. 11
tamque domum dulcesque reuisere natos (cf. Verg. Aen. 2,137-8). 271 inplacatas N i(n)pacatis G R exc. Fl. Ise Il pr(a)estabit:
d. En dépit de l'argumentation de Cameron (1968, p. 397-8), la pr(a)ebebit GR exc. Fl. exc. Cyr. Il 272 defecerat N Il 273 Tantaue
correction de Paul (1866, p. 12 gestati fuerint periuria) me semble, (exc. Fl.) : -ne P~] N? P Vic Il gestati exc. Fl. Il ferri: fratri Ja.c. Il
comme à Levy (ad loc., p. 183-4), inutile. 274 moneas N Il cardine (exc. Fl.) : culmine Vic Il solis (F3 u.l.
e. Eutr. 1,397 Phoebi de cardine. Pmg.) : c(a)eli F;F5N L P Ru.l. exc. Cyr. Il 275 semper dux N Il
f. Sur cette image, Christiansen 1969, p. 89. namque Ja.c. Il 276 Experire P Il pridem: fidem Pa.c. Il 277 longe:
g. L'Hémonie est l'ancien nom de la Thessalie. Cf. Ou. Epist. ualde Ru.!. Il 278 digressus (exc. Fl.) : dis- KF3 de- F2a.c. pro- Vic Il
6,23 ab Haemoniis hospes... oris / uenerat. ab amis J 11279 macetum G R exc. Fl. : -dum cett. 11que om. N
106 CONTRE RUFIN LIVRE 2 280-294 RVF. II = CARM. 4-5 280-294 106

280 Thessalonique. Au fond du cœur, le ressentiment Thessalonica, tuos. Sensu dolor haeret in alto 280
abditus et tacitas uindictae
Caché; il prépare en silence l'ire de la vengeance; spectaturque faueris odiis locus aptaque leto
Leur haine guette un endroit favorable et . tempora. Nec quisquam tanta de pube repertus,
[un moment propice proderet incautis qui corda minantia uerbis.
Pour donner le 1:répas. Pas un ne s'est trouvé Quae non posteritas, quae non mirabitur aetas 285
[dans tous ces jeunes gens tanti consilium uulgi potuisse taceri
Pour trahir leurs cœurs menaçants par des mots aut facinus tam grande tegi mentisque calorem
[imprudents. non sermone uiae, non inter pocula rumpi?
285 Quelle postérité ne s'étonnera pasa, ou quelle époque, Aequalis tantam tenuit constantia turbam,
Que le silence ait pu être gardé sur le projet d'un et fuit arcanum populo ! Percurritur Hebrus 290
[si grand nombre, deseritur-Rhodope Thracumque per ardua tendunt
Qu'une si grande affaire ait pu être celée, que donec ad Herculei peruentum nominis urbem.
[l'ardeur de leur âme Vt cessisse ducem, propius uenisse cohortes
N'ait éclaté ni dans les propos de chemin ni cognita Rufino, magna ceruice triumphat
[au milieu des coupes?
Une égale constance a retenu une si grande foule
290 Et ce fut le secret d'un peupleb ! On parcourt l'HèbreC,
On quitte le Rhodope, on se dirige à travers
[les hauteurs de Thrace
Jusqu'à ce qu'on arrive à une ville au nom d'Hercule<l.
Dès que Rufin apprende que le chef est parti,
[que les cohortes
Se sont bien rapprochées, il triomphe la tête hauter,

a. L'appel à la postérité pour mettre en relief un fait incroyable


(cf. Cet. 423) est un thème panégyrique: Pacatus Pan. 12[2],3 cre-
detne... uentura posteritas. La fin de vers de Claudien sera imitée par
Corippe (!oh. 6,76 omnis miratur et aetas).
b. Populus désigne ici l'armée (v. 224 et note b).
c. Levy (ad loc., p. 186) réfute à juste titre l'argumentation de
Cameron ( 1968, p. 404-5) en faveur d' Haemus : Hebrus désigne par
métonymie la région traversée par ce fleuve (cf. v. 244; Stil. 2,199- 281 pr(a)estitit N Il 282 (h)odiis: -o F2 Il 283 post quisquam add. est
200 uitibus Histrum / conserit). Ks. l. Il pube G F5 R exc. Fl. exc. Cyr. : plebe cett. Il repertus : locutus
d. Héraclée-Perinthus (aujourd'hui Eregli), sur la côte thrace Pa.c. Il 284 proderit F3 a.c. Il minantia: mie- Ra.c. minacia F5 Il
de la Propontide. 287 calorem (F2 s.l.) : co- F2 Il 288 non: nec K Il rumpit P2 Il
e. Cognita: comparer Verg. Aen. 1,669 nota. 289 concordia N Il turmam F5 trabam]a.c. mentem }~ Il 290 procu-
f. Même expression à propos du cou puissant d'un taureau ritur P Il hebrus: (h)aemus exc. Fl. exc. Cyr. Il 292 peruentum: p.
comparé à Polynice (Stat. Theb. 2,326-7) ; cf. supra 1,53. est F2 ( est glass. s. l. in F3 R) 11293 proprius K proprias N
107 CONTRE RUFIN LIVRE 2 295-309
RVF. II = CARM. 4-5 295-309 107
295 Croit tout en sûreté\ brûle de se saisir du sceptre 1, omnia tuta ratus sceptrumque capessere feruet 295
Exhorte de sa voix ses clients conjurés: et coniuratos hortatur uoce clientes:
« Nous l'avons vaincu et chassé, dès lors le règne
« Vicimus, expulimus, facilis iam copia regni.
[est à portée. Nullus ab hoste timor. Quis enim, quem uincere solum
Aucune peur de l'ennemi : qui pourrait vaincre horruit, hune tanto munitum milite uincat?
[un homme protégé Ouis ferat armatum, quem non superauit inermem ? 300
Par une telle armée, alors qu'il a tremblé i"'nunc, exitium nobis meditare remotus
[de vaincreb un homme seul ? incassum, Stilicho, dum nos longissima tellus
300 Qui ferait face à l'homme armé qu'il n'a pas réduit diuidat et mediis Nereus interstrepat undis.
[désarme? Alpinas transire tibi me sospite rupes
Va doncd méditer à l'écart, en vain, sur notre perte, haud dabitur. Iaculis illinc me figere tempta. 305
Stilicon, maintenant que nous divise un territoire Quaere ferox ensem qui nostra ad moenia tendi
Si étendu et que les vagues de Nérée entre nous possit ab Italia. Non te monimenta priorum,
[grondent. non exempla uetant ? Quisnam conatus adire
De mon vivant, il ne te sera plus donné de traverser has iactat uitasse manus ? Detrusimus orbe
[les Alpese
305 Et leurs rochers. De là, tente de me percer de javelots.
Hardi, cherche une épée qui de l'Italie puisse
Etre tendue jusqu'à nos mursf. Ni les leçons de
[tes prédécesseurs
Ni leurs exemples ne t'arrêtent? Qui donc, ayant
[tenté de m'attaquer,
Se vante d'avoir esquivé ma main? Nous t'avons
[expulsé du centre

a. Retractatia de Verg. Aen. 4,298 amnia tuta timens. 295 ratus (exc. Fl.) : intus Vic Il capessere G PJJ.c. Ra.c. exc. Fl. :
b. Pasceresemble une conjecture inutile. Au sens de 'défier, pro- -scere PFc· Rp.c. cett. Vic Ise Il 296 hortatur: accendit P2 u.l.F3 Ru.l.
voquer', ce verbe est toujours complété par une expression ostendit P2 Pa.c. Il 298 timor: ru- N Il quis: -d Pa.c. Il uincere: pos-
comme in praelia (Verg. Aen. 8,614; Sil. 1,420). cere exc. Fl. exc. Cyr. Ise mg. Il 299 munitum (am. F5 a.c.) : minatum
c. Jean de Salisbury (Eleg. ad Policrat.) : Quis ferat armatam quae Ka.c. ? Il 300 quis exc. Fris. Il feret L Il superabit N Il 301 I (Ru.l.) :
sala triumphat inermis / armatamque manum uincere sala salet ? In N Tu R Il nunc: hune N Il remotus (Ru.l.) : -is R Il 303 inter-
d. Figure rhétorique de la permissia. fluat R Ise mg. 11undas ]a. c. 11304 sospite : consule Ise mg. 11rupes :
e. Effet d'ironie tragique. Alpes désigne les Alpes Juliennes : cf. niues N 11 305 haud [-t] : Aud N 11illinc ( exc. Fl.) : -ic Vic 11fingere
supra v. 1 et 124; Eutr. 1,432 ; 2,505. Pa. c. 11 temptat F2a. c. 11 307 monumenta F5 a. c.Ja.c. La. c. . ~ic docu-
f. Fin de vers analogue chez Verg. Aen. 1,410 ad maenia tendit et exc. Fl.t Il 308 quis pa R Il 309 uit(t)asse: -are exc. Fl.t mc1sse F5 Il
Stat. Theb. 12,255 (à propos du bras qu'Argie tend vers Thèbes) ad detrusimus (Jp.c. Pu.l.) : detrux- K destrux- P73 a.cja.c. L P Il orbe
maenia tendens. (Pu.l.) : -em PJJ.c. ? K L P
RVF. II = CARM. 4-5 310-326 108
108 CONTRE RUFIN LIVRE 2 310-326
te medio tantisque simul spoliauimus armis. 310
310 Du monde en te privant de telles troupes.
Maintenant\ compagnons, maintenant il est Nunc epulas tempus, socii, nunc larga parare
[de préparer les mets munera donandumque nouis legionibus aurum.
Avec de grands cadeaux : il faut donner de l'or Opportuna meis oritur lux crastina uotis.
[aux nouvelles légions 1 . Quod nolit rex ipse uelit iubeatque coactus
in partem mihi regna dari. Contingat in uno 315
Demainb se lève unjâur favorable à mes vœux.
Que lui-même le veuille ou non, que le roi ordonne, priuati fugisse modum crimenque tyranni. »
[contraint, Talibus adclamat dictis infame nocentum
315 De me donner une part à l'empire. Qu'il m'arrive concilium, qui perpetuis creuere rapinis
Ià moi seul et quos una facit Rufino causa sodales,
inlicitum duxisse nihil. Delicta fuere 320
De fuir l'état d'homme privé et le reproche de tyran.»
L'infâme assemblée de brigands acclame ces propos : nexus amicitiae. Iamiam conubia laeti
Ceux qui se sont gavés d'incessantes rapines despondent aliena sibi frustraque uicissim
Et ne sont devenus compagnons de Rufin que pour promittunt quas quisque petat, quas deuoret urbes.
[cette raison : Coeperat humanos alto sopire labores
Nox gremio pigrasque Sopor diffuderat alas. 325
320 N'avoir rien d'interdit. Les méfaits ont noue
Des liens d'amitié. En liesse déjà ils se promettent Ille diu curis animum stimulantibus aegrum
Les épouses d'autrui; ils s'engagent l'un l'autre,
[en vain,
Sur les cités que chacun cherche à dévorer.
Au profond de son sein la Nuit s'était mise
[à ensommeiller
325 Les peines des humains, le Sommeil avait déployé
[ses ailes de paresse,
Rufin, dont le dard des soucis blessait l'âme<l depuis
[longtemps,

310 simul om. F5 a.c. Il 311 epulis R Il parate N R Il 314 post nolit del.
iubeat K nolit om. P2 a.c. li 315 uno: illo F5 mg. Il 316 priuati P JJ.c. Il
a. Hor. Carm. 1,37,1 Nunc est bibendum (cf. Ale. Jrg. 20). fugisse PJJ.c. Il 317 acclamauit F5 a.c. exclamat N Il 318 conscilium
b. Verg._Aen. 10,244 crastina lux, à propos du jour qui verra la N 11 rapinis (F 2s. l.) : ruinis F2 11 319 ruffini J 11 sodalis ]a. c. 11
victoire d'Enée sur les Rutules. 320 duxisse (exc. Fris.) : di- F5 a.c. Ra.c. Vic Il delicta fuere (exc. Fl.) :
c. La fin de vers delicta fuere est fidèlement reprise par Corippe d. fruere Ra.c. d. fuerunt F5 dilecta -ere Vic funesta tacere exc. Fl.b
(Ioh. 6,549), ce qui confirme le caractère fautif de la leçon Il 321 iamiam: iamque et exc. Fl. Il l(a)eti: lecti P2 a.c.F5 u.l. Ra.c. 11
(coajecture ?) tout à fait isolée des exc. Fl. 322 Desponsant N Il 323-347 extat P 6 Il 323 quae quisque exc. Fl. Il
d. Ou. rem. 129 (à propos d'une mère en deuil de son fils) : petat (F2s.l.) : -it F2 Il deuorat P ~.c. Il orbes P 2 a.c. Il 324 alte Js.l. 11
« animumque expleuerit aegrum » ; Val. FI. 6,623 Qupiter devant la 325 pigras- (Ru.l.) : ni- GR Il diffunderat P 6 a.c. Il 326 stimulantibus
mort prochaine de son fils Colaxes) : « talibus aegra mouens (LjJ.c.) : fam- F5 a.c. Il (a)egrum (F2 ? u.l. Ru.l.) : -e G Ru.l. -ger F2 R
nequicquam pectora curis ». Vic Ise
109 CONTRE RUFIN LIVRE 2 327-342 RVF. II = CARM. 4-5 327-342 109

Glisse dans le sommeila. À peine s'est-il endormi labitur in somnos. Vix toto corde quierat,
[de tout son cœur ecce uidet diras alludere protinus umbras
Qu'il voit aussitôt folâtrer les fantômes sinistres 1 quas dedit ipse neci. Quarum quae clarior una
De ceux qu'il a lui-même livrés à la mortb. uisa loqui : « pro ! Surge toro. Quid plurima uoluis 330
[L'un d'eux, le plus brillànt, anxius? Haec requiem rebus finemque labori
330 Sembla parler : « Allons, sors de ton lit. Pourquoi allatura dies: omni iam plebe redibis
[roules-tu, anxieux, altior et laeti manibus portabere uulgi. »
Tous ces pensers ? Ce jour apportera le repos à l'État Has canit ambages. Occulto fallitur ille
Et la fin à ta peine: au-dessus de toute la plèbe omine nec capitis fixi praesagia sentit. 335
Tu reviendras et tu seras porté par les mains de 1am summum radiis stringebat Lucifer Haemum
[la foule en liesse. » festinamque rotam solito properantior urget
Voilà son annonce ambiguëc. Rufin est abusé par tandem Rufini uisurus funera Titan.
[le présage Prosiluit stratis densaeque capacia turbae
335 Caché ; il ne sent pas qu'on prédit sa tête au bout atria regifico iussit splendere paratu 340
[d'une pique. exceptura <lapes et, quod post uota daretur,
Déjà de ses rayons Lucifer effleurait le sommet inscribi propriis aurum fatale figuris.
[de l'Hémus
Et Titan, plus pressé qu'à l'ordinaire, en hâte accélère
[sa roue<l
Pour voir enfin les funérailles de Rufine.
Rufin a sauté de sa couche ; il a fait resplendir
[d'un apparat
340 Royal son atrium capable d'accueillir une foule serrée
Pour un banquet; et sur l'or fatalf il a fait inscrire
Ses propres traits, pour le donner après les vœux.

a. Ce premier hémistiche est emprunté à Stace Theb. 5,504, à


propos d'Archémore; cf. Petr. 22,1 cum Ascyltos grauatus tot malis in
somnum laberetur. 327 sompnus Pa.c. -is Pp.c. -um Pu.l. Il toto uix R 11uix: uir P2 u.l. Il
b. Cf. v. 458-465. Verg. Georg. 3,480 « genus omne neci pecudum orbe Pa.c. Il 328 duras P~ 6Ka.cj F2 a.c.P Il protinus alludere Fp.c.
dedit ». al. fortiter F5 11329 quis P6 a. c. 11neci Kp. c. 11331 labo ri : dol- K tim-
c. Verg. Aen. 6,98-99 «Sibylla/ horrendas canit ambages». Autre G exc. Fl. Il 333 l(a)etis F3 L F2 Il 335 homine Ja.c. Il fixi. .. sentit
prophétie fallacieuse en Cet. 546-55. FJN L F2 u.l. : f. ... sensit P 6F3 F~ Vic Ise sentit. .. f. G PJJ.c.K exc. Fl.
d. Imitation par contraste du lever du soleil sur Pharsale sensit ... f. P2 a.c. Ru.l. sensit ... diri Ra.c. (dici Rp.c.) Ise mg. Il
(Lucan. 7,1-3) : Segnior... Titan ... cursum ... retorsit. 336 sommum P~.c. Il tangebat L Il 337 solito om. ja.c. Il 338 uisu-
e. Lucan. 1,233-4 « dies primos belli uisura tumultus / exoritur ». rus ruf(f)ini L F~ Il titam F3 Il 339 Prosiluit: -iit P2 L De- exc. Fl. Il
f. Stat. Theb. 4,212-3 (l'or fatal entre dans la demeure d'Éri- captacia P2 a.c. Il 340 splendore Pa.c. Il 341 quos K Il 342 Inscribi
phyle) : « aurum fatale penates / inrupit ». (Pp.c.) : Insculpi GR exc. Fl. exc. Cyr.Il propiis G?
llO CONTRE RUFIN LIVRE 2 343-359 RVF. II = CARM. 4-5 343-359 llO

Il allait saluer les escadrons de retour après la bataille, Ipse salutatum reduces post proelia turmas
Se gonflant déjà comme un roi, plus hautain que iam regale tumens et principe celsior ibat
[le prince; collaque femineo iactabat mollia gestu 345
345 D'un geste efféminé, il balançait son coua avec inperiî certus, tegeret ceu purpura dudum
[douceur, corpus et ambirent ardentes tempora gemmae.
De l'Empire as"'uré, comme si de longtemps Vrbis ab angusto tractu, qua uergit in Austrum,
[la pourpre planities uicina patet. Nam cetera pontus
Couvrait son corps et les gemmes en feu lui circuit exiguo dirimi se tramite passus. 350
[entouraient les tempesb. Hic ultrix acies ornatu lucida Martis
Tout près de l'espace étroit de la ville, dirigée explicuit cuneos. Pedites in parte sinistra
[vers l'Auster, consistunt. Equites illinc poscentia cursum
S'ouvre une plainec : entourant tout le reste, ora reluctantur pressis sedare lupatis;
350 La mer ne souffre la brisure que d'un étroit chemin. hinc alii saeuum cristato uertice nutant 355
Là, l'armée vengeresse, éclatante en son martial et tremulos humeris gaudent uibrare colores,
[appareil, quos operit formatque chalybs ; coniuncta per artem
A déployé ses coins. L'infanterie prend place à gauche. flexilis inductis animatur lamina menbris,
Là-bas les cavaliers, serrant les mors, s'efforcent horribilis uisu : credas simulacra moueri
[de calmer
La bouche des chevaux qui demande à courir ;
355 Ici d'autres, d'un air farouche, agitent l'aigrette
[de leur têtetl,
Aiment à faire sautiller un frisson de couleurs sur
[leurs épaules
Que couvre et façonne l'acier; réunie avec art, 343 salutatum (Pa.c. exc. Fl.) : -antum Pp.c. Ra.c. Vic Il reduci P2 a.c.
La souple laine est animée par les membres Il 344 tumens (exc. Fris.) : ti- N Il 345 iactabat (Lp.c. ? Ise mg.) : ges-
[qu'elle recouvre, FJI F~u.l. Vic Ise soluebat exc. Fl. Il 346 tegerent P2 a.c. Il sceu F5 a.c.
Il dudum (Ku.l. exc. Fl.) : nu- Ka.c. ? Vic tutum Kp.c. Il 347 ardentes
Spectacle formidable : on croirait voir remuer ambirent GR exc. Fl. Ise Il timpora N L corpora F5 a.c. Il 348 qua
[des statues (exc. Fl.) : quai Pa.c. qme Vic qui J Il uertit Ra.c. Il in: ad F2 Il
348-360 def P 6 Il 349 placet F2 a.c. Il 350 eximio Vic Il ~irimi: -it
Pp. c. Vic dirum F5 a. c. 11limite F5 exc. Fl. exc. Cyr. 11 35_1luc1da G _P~
a. Ou. Met. 3,726 (à propos d'Agavé) : collaque iactauit. R: fulg- Ru.l. cett. Vic Ise Il martis (F5p.c. F2 u.l.) : fern F2 Ru.l. Vzc Ise
b. Référence au diadème: Amm. 21,1,4 Qulien) ambitioso diade- il 352 cuneos (Ku.l.) : cunctos K Il 353 constituit F5 a.c. Il illinc
mate utebatur, lapidum fulgore distincto. equites jlor. Gall. e. illic KF3 P exc. Fl.t Il 354 reluctantum F5a.c. Il
c. L'Hebdomon, à la sortie de Constantinople sur la via sudare Ra.c. Ise Il 355 Hic KFJ F~ Vic Il s(a)euum (Fp.c. exc. Fl.) :
Egnatia : R. Janin, Constantinople byzantine, Paris 1964, p. 446-9. -e P s. l. senium Vic 11mutant Vic micant N 11356 umeris g. exc. Fl. g.
2
d. Pour le thème, Homère Il. 3,337. La clausule vient de Verg. h. jlor. Gall. Il colores: lac F5 a.c. Il 357 firmat- P 2 u.l. F5 a.c. Il chalyps
Aen. 2,629 (à propos d'un orne abattu comparé à Troie) : R calips J L F~a.c. calibs F5p.c. Pp.c. cett. calybs Vic Ise Il conui.cta
« comam concusso uertice nutat ». Avec Gesner (1759) et Levy (ad exc. Fl. Il 358 indutis G Rp.c. Il animatur (Ise mg.) : hamatur K L?
loc., p. 196), je prends colorescomme antécédent de quos. a. c. F2 Ru. l. Ise 11359 horribili G -es exc. Fl. horrendum Jlor. Gall.
lll CONTRE RUFIN LIVRE 2 360-373 RVF. II= CARM. 4-5 360-373 lll

360 De fer et respirer des hommes par le métal qui fait ferrea cognatoque uiros spirare metallo. 360
[corps avec eux 1 . Par uestitus equis. ferrata fronte minantur
Même tenue pour les chevaux : ils menacent ferratosque leuant securi uulneris armos.
[d'un fer Diuiso stat quisque loco. Metuenda uoluptas
Et soulèvent leurs flancs bardés de fer, à l'abri cernenti pulcherque timor, spirisque remissis
[des blessuresa. mansuescunt uarii uento cessante dracones. 365
Chacun est debout à sa place. Pour le regard, Augustus ueneranda prior uexilla salutat.
C'est un plaisir mêlé de crainteb et une belle peur ; Rufinus sequitur, qui fallere cuncta solebat
[le vent tombant, callidus affatu, deuotaque bracchia laudat
365 Les dragons bigarrés se calment et relâchent nomine quemque uocans. Natos patresque reuersis
[leurs spiresc. nuntiat incolumes. Illi dum plurima ficto 370
L'empereur le premier salue les vénérables étendardsd. certatim sermone petunt, intendere longos
13-ufinle suit, accoutumé par des propos habilese a tergo amplexus insperatoque suprema
A tromper tout son monde ; et il loue leurs bras circuitu sociare parant. Decrescere campus
[dévoués,
Appelant chacun par son nomf. Il annonce qu'à
[leur retour
370 Leurs fils et leurs parents se portent bien. Eux feignent
[de se disputer
Pour lui parler en multipliant les demandes, préparent
[dans son dos
Un long encerclement pour joindre leurs extrémités
En l'entourant sans qu'il s'en doute. Déjà l'espace
[rétréci tg,
a. L'expression securus uulneris se lit en même position
métrique, mais avec le sens d' « insoucieux de la blessure » à pro-
pos du lion chassé, dans une comparaison épique (Lucan. 1,212).
b. _Claudien associe la crainte et la joie en Rapt. 2,155 et 6 cons.
574. A propos de larmes funèbres, Stace parle d'un plaisir mêlé de
pitié ( Theb. 6, 72) : miseranda uoluptas. 360 cognatos- Ja.c.N F2 Il sperare Pa.c. Il 361-387 Par - redi nes
c. Voir supra v. 177-8. extat P 6 Il 362 leuant G F2 R exc. Fl. : mouent F2 u.l. cett. Il armos
d. Ces étendards ne sont pas présentés comme le labarum chré- (F;!J.c.Pp.c.) : airmos Pa.c. -or F5 a.c. artus F5s.l. Il 363 diuiso (F2 u.l.
tien d'Arcadius. exc. Fl. Ise mg.) : dimenso Ru. l. et iusso L F2 Vic Ise 11quisque stat
e. Cf. Philostorgios 11,3. Na.c. Il loco: suo loco N Il 364 cernenti (F5 ? p.c. ?) : -di Ff 5 a.c. ?
f. Ce premier hémistiche est emprunté à Virgile (Aen. ll,731 : Ja.c. N Il timor Pp.c. Il reuulsis K Il 366 augustus: Arcadius Ise mg.
Tarchon encourage ses troupes; 12,759: Turnus) ; cf. Stil. 2,153-4 (= glass. in Pf J 3 P Rp.c.) Il 367 qui (Ru.l.) : quo R Il 369 uocat GR
(à Stilicon) : nomine quemque / compellas. exc. Fl. exc. Cyr. 11natos G FJ R exc. Fl. : -que Pf J<F p. c. ? L exc. Cyr.
g. Fin de vers empruntée à Stace ( Theb. 8,397) : uident decrescere Ise notosque N Ff Vic Ald Il 371 extendere exc. Fl. exc. Cyr. li longes
campum (la plaine se rétrécit entre les combattants qui se ruent les Pa.c. -o P6 il 372 flexus exc. Fl. exc. Gy1: Il insperatu- N Il 373 decres-
uns sur les autres). cere Pp.c. Il post 373 inseruit In Eutr. 1,210-239 F3
112 CONTRE RUFIN LIVRE 2 374-388 RVF. II= CARM. 4-5 374-388 112

Les boucliers se joignent, les ailes reviennent sur elles incipit et clipeis in se redeuntia iunctis
375 Et peu à peu se creusent en une ligne courbe. curuo paulatim sinuantur cornua ductu. 375
Ainsi d'un immense cordon de rabatteurs, le chasseur Sic ligat inmensa uirides indagine saltus
' ~cint uenator, sic attonitos ad litora pisces
Le vert bocage ; ainsi le prédateur des mers pousse aequoreus populator agit rarosque plagarum
[ve-rs le rivage contrahit anfractus et hiantes colligit oras.
Les poissons étonnés, resserre le large arrondi Excludunt alios. Cingi se feruidus ille 380
De ses filets, referme leurs contours béants. nescit adhuc grauiterque adprensa ueste morantem
380 Tout autre est écarté. Dans son ardeur, Rufin ignore increpat Augustum : scandat sublime tribunal,
[encore participem sceptri, socium declaret honoris,
Qu'il est cerné ; il saisit le mai:ite/au de l'?:11pereur cum subito stringunt gladios. Vox desuper ingens
Et lui reproche vivement de d1fferer: qu il monte infremuit: « Nobis etiam, deterrime, nobis 385
[à la ha~!-~JtJJm~e, sperasti famulas inponere posse catenas?
Qu'il le proclame associé au sceptre, uni à Vnde redi nescis ? Patiarne audire satelles,
[sa magistrature 1 , qui leges aliis libertatemque reduxi ?
Quand tout à coupb ils tirent leurs épées. D'en haut,
[une voix grondec,
385 Énorme : « À nous aussi, vaurien, tu espéras
Pouvoir nous imposer les chaînes de l'esclave?
Tu ne sais d'où je viens? Vaisje supporter d'être
[nommé sbire,
Après avoir rendu à d'autres les lois avec la liberté?

374 redeuntida Pa. c. 11 375 paulatim curuo flor. Gall. 11


376 immenso P6 immissa Ise mg. Il Venetos Ise mg. Il saltus (exc. Fl.
a. Le thème vient de Virgile (Aen. 4,121 saltusque indagine ~in- exc. Cyr. Ise mg.) : si[-y-Jl(l)uas P~/<Ff"JNVic Ise Il 378 rarus- Pa.c. Il
gunt), mais la formulation est plus proche de Silius (10,~0 le chien 379 hyantia ... ora P2 u.l. Il 380 partimque 381-4 abscissi in R, rest. m.r.
de chasse dans une comparaison épique) : « lustrat maccessos Il 380 Excludit N Il cingi Pp.c. Il perfidus P2 Il 381 que om. KN F2 Il
uenantum indagine saltus » ; Lucain 6,41-42 est mo~ns r:>ro,che. Sur a(d)pr(eh)ensa (Jp.c.) : appressa F5 a.c.N Il uelle P Il marantes F5 a.c.
la chasse et la pêche comme thèmes épiques, Mimcom, Etudes des Il 382 augustum: Arcadium Ise mg. Cuia. (glass. in P6K R) Il scandit
thèmes, p. 203-4. _ P2 u.l. P6 ? Il tribunal Pp.c. Il 383 participemque P6 a.c. Il post sceptri
b. Sur cette technique de rupture dans . la nar:at10~ ( The?d. add. et s. l. J 11 declaret ( Ga.c.) : -at Gp.c. P2u. l.F3 a. c. Pa. c. Rm. r. 11
116; Sil. 10,102 cum subitus ... ), ].P. Chaussene-Lapree, L expression 384 gladios : enses F5 11 ingens desuper P6a. c. 11 386 sperastis F3 11
narrative chez les historiens latins, Paiis 1969, p. 561-96. 387 redii G P~ 6a.c. et u.l. K Lp.c. ? Pa.c. Ra.c. exc. Cyr. Il post nes def.
c. D'après Levy (ad lac., p. 199), il s'agirait de Gainas qui, selon P6 usque ad 400 11satelles audire Ka. c. 11audire Pp. c. 11388 legem N
Zos. 5,7,4-6, donna le signal du massacre. Il alias P2
113 CONTRE RUFIN LIVRE 2 389-403 RVF. II = CARM. 4-5 389-403 113

Deux fois fut vaincu le crime civila, deux fois nous Bis domitum ciuile nefas, bis rupimus Alpes.
[forçâmes les Tot nos bella docent nulli seruire tyranno. » 390
390 Toutes ces guerres nous enseignent à ne servir Deriguit. Spes nulla fugae : seges undique ferri
» circumfusa micat. Dextra laeuaque reuinctus
Il se figea. Aucun espoir de fuite : une moisson haesit et ensiferae stupuit mucrone coronae,
• [de fer de tous côtés 1 ut fera, quae nuper montes amisit auitos
Brille à l'entour. Enchaîné à droite et à gauche, altorumque exul nemorum damnatur harenae 395
Il s'arrêta, stupéfait du tranchant de cette couronne uerberibus, commota ruit; uir murmure contra
[d'épées, hortatur nixusque genu uenabula tendit;
Tel le fauve qui naguère a perdu les monts de illa pauet strepitus cuneosque erecta theatri
[ses ancêtres, respicit et tanti miratur sibila uulgi.
395 Exilé loin des bois profonds et dans l'arène condamné Vnus per medios audendi pronior ense 400
Aux coupsc: tout ému, il s'élance; en face, un homme prosilit exerto dictisque et uulnere toruus
[de ses cris adpetit: « Hac Stilicho, quem iactas pellere, dextra
L'exhorte et, s'appuyant sur son genou, tend te ferit ; hoc absens inuadit uiscera ferro. »
[son épieu;
Au vacarme il prend peur ; il se dresse et regarde
[les gradins
De l'amphithéâtre, étonné des sifflements .d'une
~ [si grande foule.
400 L'un d'eux, plus prompt, ose bondir le glaive nud
Et d'un air menaçant l'assaille de mots et de plaies :
« Par mon bras, Stilicon, celui que tu prétends chasser
Te frappe; absent, grâce à mon fer, il pénètre
[tes chairse. »

a. Stat. Silu. 1,1,80-81 (s'adressant à Domitien en évoquant le 389 domitum (PjJ.c. Ra.c.) : domui F3 F2s.l. Rp.c. Il rumpimus
soulèvement d'Antoninus Saturninus) : Tu ciuile nefas ... damas P2 a.c.K Il 391 Deriguit G Ra.c. : Di- Rp.c. exc. Fl. cett. Dirrigunt Vic Il
(Lucan. 2,507 nefas belli). 392 dextraque P2 Il 394 qu(a)e n. montes (exc. Fl.) : n. q. m. Na.c.
b. En 388, contre Maxime ; en 394, contre Eugène : Ol. 107-8 ; q. m. n. Vic Il amisit G P~ F2s.l. R Ise: di- Ru.l. cett. Il auitas Pa.c.
4 cons. 69-73; Gild. 376-7; Cet. 284; 6 cons. 91 (cf. Prud. c. Symm. amicos K Il 395 om. que Ja.c. Il 396 uerberibus G P2 u.l.F5s.lj L PR
1,462-3). exc. Fl. Ise mg. : uulne- F7 5mg.N F2u.l. Vic mune- PJ<F 5
a.cju.l. F~u.l.
c. Le rapprochement avec Lucain 4,708-9 « ueluti fatalis harenae Ise Il uir: uix F2 a.c. Ra.c. Il 397 nisus- F2 Il geni P Il 398 erepta F2 a.c.
/ muneribus ... » ne permet pas de préférer muneribus à uerberibus, 11 399 respicit G L R exc. Fl. exc. Cyr: : des- Ru. l. cett. dis- Cuia. 11

leçon bien mieux attestée. . : murmura N 11400 audiendi Pa. c. 11 ab. 401 extat P6 11401 Pro-
sibila
d. L'expression ensis ex(s)ertus est traditionnelle: Ou. Fast. su 11t Pa. c. 11 exerto (F2 s. l. exc. Fl. Ise mg.) : erecto P2gloss. F3 Vic Ise
6,814; Stat. Theb. 10,455; 11,376 ... jusqu'à Drac.? Orest. 724. erepto F2 Il dicis- F_,a.c. om. que N Il lumine Cam mg. Il toruus
e. Même présentation chez Philostorgios 11,3. Jactas pellere fait (P 6u.l.) : -is P 6 li 402 A(d)petit: Hac p. L im- R Il hac: heu Ise mg. 11
allusion au v. 297 ( uicimus, expulimus). quam F2 Il 403 fecit P 6a.c. Il uiscera: pectora N
114 CONTRE RUFIN LIVRE 2 404--416 RVF. II = CARM. 4--5404--416 114

Il <lita,et d'un coup mérité lui transperceb le flanc. Sic fatur meritoque latus transuerberat ictu.
405 Heureuse cette mainc qui la première a versé Felix illa manus, talem quae cruorem 405
[un tel sang hauserit et fessi poènam librauerit orbis !
Et a déterminéd le châtiment dû au .......... ._,.H.'U-'--! Mox omnes fodiunt hastis artusque trementes
Bientôt tous le transpercent de leur lance et dilacerant; uno tot corpore tela tepescunt
[ses membres et non infecta puduit mucrone reuerti.
Pantelants 1 ; tant de traits sur un seul corps Hi uultus auidos et adhuc spirantia uellunt 410
[s'échauffente. lumina, truncatos alii rapuere lacertos;
On avait honte de rentrer sans teindre son estoc. amputat ille pedes, humerum quatit ille solutis
410 Les uns arrachent son visage avide et ses yeux nexibus ; hic fracti reserat curuamina dorsi •
[qui respirent hic iecur, hic cordis fibras, hic pandit anhel~s
Encor; d'autres ont pris ses bras en les coupant; pulmonis latebras. Spatium non inuenit ira 415
L'un ampute ses pieds, l'autre secoue l'épaule nec locus est odiis. Consumpto funere uix tum
[en déchirant
Les ligaments ; celui-ci ouvre la courbure de son dos
[fracturé;
Et ils découvrent qui le foie, qui les fibres du cœur,
[qui les recoins
415 Du poumon haletant. L'espace est trop étroit pour
[leur courrouxr,
La place manque pour leur haine. Une fois le corps
[dissipé, alors à peine

a. Formule épique traditionnelle (voir 1,65 et note d) : Verg.


404 fatur (exc. Fl.) : -us F2 Vic Il merito- G Pf1 JJ.c.KJN Ru.l. Vic Ise: -
Aen. 6,1.
o P 6 a.c. -um- P 6 u.l.FJ<5 LFf1 R exc. Fl. Ise mg. Il ictu (Ku.l.) : ense K Il
b. Fin de vers empruntée à Virgile (Aen. 10,484 Turnus) : trans-
406 penam fessi FJ Il libauerit P 6a.c.F5 u.lj liua- exc. Fl. lita- G Il
uerberat ictu (imité par Sil. 9,593 transuerberat ense).
407 mox: iamque Jlor: Gall. Il fodiunt (Ru.l.) : laniant L PR Il tre-
c. Macharisme analogue en 6 cons. 101-2 Felix ille parens qui ...
mentes (exc. Fl.) : nef[-ph-]andos Ku.l.FJ<5N Ru.l. Vic Il 408 dilace-
d. Je conserve la leçon de loin la mieux attestée: la main a
rant L Ff1 R: dilaniant cett. Il tela KF5 L Ff1 R: pila cett. Il 410 Hi G
"pesé" (évalué, déterminé, fixé) le châtiment, l'a fait payer. P 6
Fp. c. P Ra. c. : Hii cett. 11 rauidos uultus exc. Fl. rab- u. exc. Cyr: 11
glose recompensauerit.
adhuc F5p.c. Il 412 umerum exc. Fl. Il trait P J.c. Il 413 fracti jp.c. Il
e. Pour cet emploi de tepesco: Verg. Aen. 10,570; Stat. Theb.
curuamina: confinia Ise mg. Il 414 fibras cordis Ga.c. Il anheli Ise Il
1,611.
415 non: num Pa.c. nunc Ra.c. Il 416 nec: non J Il funere: cor-
f. Ou. Met. 3,237 (à propos de la mort d'Actéon) : iam loca uul-
pore F~ Ru.l. Il uix tum P2ras.P/<FJ<p.c. Ff1p.c. Vic Ise: uix tune J
neribus desunt; Stat. Theb. 1,623 (un monstre démembré) : nequit
Rp.c. u1ctum G F5 a.c. La.c. Pa.c. uix tam N uictor Lp.c. Ra.c. exc. Fl.
iram explere potestas; Amm. 14,9,6 (Eusebius torturé) ut cruciatibus
Ise mg.
membra deessent.
115 CONTRE RUFIN LIVRE 2 417-431 RVF. II = CARM. 4-5 417-431 115
On abandonne le cadavre : il périt en morceaux deseritur sparsumque perit per tela cadauer.
[parmi les Sic mons Aonius rubuit cum Penthea ferrent
Ainsi a rougi le mont d'Aonie tandis que les 1Vl1enaaes· Maenades aut subito mutatum Actaeona cornu
Traînaient Penthée ou =-~--··~, soudain traderet insanis Latonia uirgo Molossis. 420
[avec ses cornes, Criminibusne tuis credis, Fortuna, mederi
420 Par la vierge latC'nienne était livré au molosse et male donatum certas aequare fauorem
[en fureur. suppliciis ? Vna tot milia morte rependis.
Fortune, crois-tu réparer tes crimesb? Euersis agedum Rufinum diuide terris.
T'efforces-tu de compenser par ces supplices Da caput Odrysiis, truncum mereantur Achiui. 425
Une faveur mal accordée ? Par une mort, Quid reliquis dabitur? Nec singula menbra peremptis
[tu en rachètes des milliers. sufficiunt populis. Vacuo plebs obuia mura
Partage donc Rufin entre les pays qu'il a ravagésc. iam secura fluit ; senibus non obstitit aetas
425 Aux Odryses<l donne sa tête et que les Achéens uirginibusue pudor ; uiduae quibus ille maritos
[gagnent son tronc. abstulit orbataeque ruunt ad gaudia matres 430
Aux autres que donneras-tu ? Aux peuples abattus insultantque alacres. Laceras iuuat ire per artus
[ses membres
Un par un ne suffisent pas. Le mur se yide et
[la plèbe s'avance 2 :
Elle s'écoule en sécurité désormais; l'âge n'arrête
[pas les vieux
Ni la pudeur les vierges ; les veuves auxquelles Rufin
430 A ravi leurs maris et les mères privées d'enfants
[courent se réjouir,
Sautent de joie. Il leur plaît de marcher sur
[ses membres en pièces 3

417 sparsim- P 6 a.c. Il perit G Lras. F2 P R exc. Fl. Ise : cadit


P~/<Ffi'lom. add. s.l.) JNF2 u.l. Ru.l. Vic Il 419 aut: ac F2 R Il cornu
(exc. Fl.) : ceruo F3 Vic Il 420 uirgo: uisa exc. Fl. Il 421 Crimini-
a. Contamination de Lucain (2,119-21, démembrement de Bae- busque N Il credis: -as Vic speras G K Fp.c. exc. Fl. Ise sparsas F2 a.c.
bius : « uix te sparsum per uiscera, Baebi, / innumeras inter car- Il 422 certas L F~a.c. R exc. Fl. Ise: credis G K speras P2 ras.P~ji'JN
pentis membra coronae / discessisse man us ») par Juvénal (3,259- Pp.c. Il fauorem (P2 u.l.) : fur- P2 Il 423 forte Ka.c. Il 424 "hic uersus
60 à propos d'un corps broyé sous des blocs de pierre : « quis deest in antiquo B" exc. Fl. Il 424-5 partimque 426-9 abscissi in R, rest.
membra, quis ossa inuenit? Obtritum uulgi perit omne cadauer »). m.r. Il Euersis Lp.c. Pp.c. Il agendum FFc. Il 425 Dat Rm.r. Il
b. Cf. 1,20-23. 426 nec: ne Ga.c. non F5 Il perempti G Il 427 Suffuciunt G Il obuia
c. Comparer Petr. 120, v. 65-66 (à propos des triumvirs) : quasi F5u. l. L P R exc. Fl. exc. Gy1: Ise mg. : undique cett. 11428 fluit G L P
non posset tot tellus ferre sepulcra, / diuisit cineres (cf. Anth. lat. 402). R : ruit Rm.r. cett. Il 431 que om. R Il laceros (F3 u.l.) : uacuos
d. Les Thraces: voir 1,175 et note d. p~6KFJ
RVF. II = CARM. 4-5 432-449 116
116 CONTRE RUFIN LIVRE 2 432-449
pressaque calcato uestigia sanguine tingui.
Et de teindre leurs pas empreints dans le
Nec minus adsiduis flagrant elidere saxis
Et elles ne brûlent pas moins de fracasser d'une volée prodigiale caput, quod iam de cuspide summa
[de nutabat <ligna rediens ad moenia pompa. 435
Dextera quin etiam ludo concessa uagatur
Cette tête de monstreà la pointe d'un javelot
[qur désormais aera petens fraudesque animi persoluit auari
terribili lucro uiuosque imitata retentus
435 Flottait en revenant a11x:murs avec la pompe ~éri_tée.
Bien plus sa dextre se promène, accordée en jouet, cogitur adductis digitos inflectere neruis.
Et quête de l'argent: par ce terrible gain elle paie Desinat elatis quisquam confidere rebus 440
[la malice instabilesque deos et lubrica numina discat.
D'une âme avare ; on la contraint en tirant sur Ill~ manus, quae sceptra sibi gestanda parabat,
[les nerfs cums se totiens submisit ad oscula supplex
nobilitas, inhumata diu miseroque reuulsa
À infléchir les doigts pour imiter un vivant
[qui retient 1 . corpore, feralem quaestum post fata poposcit. 445

440 Qu'on cesse d'avoir confiance en un poste élevé 2 , Aspiciat quisquis nimium sublata secundis
Qu'on sache l'instabilité des dieux et leurs volontés colla gerit rebus : calcandus spargitur ecce
[chancelantes. qui sibi pyramidas, qui non cedentia templis
ornatura suos extruxit culmina Manes;
Cette main, qui se préparait à retenir un sceptre,
Que la noblesse suppliante a tant de fois baiséeh
Soumise, ôtée à ce corps misérable, sans sépulturec
[pour longtemps,
445 Recherche un gain funèbre après l'heure fataled.
Qu'il regarde, celui qui porte la tête trop haute
Dans la prospérite: voici dispersé pour être foulé
432 collato N Il tingui (exc. Fl.) : tingi F5N Vic Ise Il 433 munus Pa.c.
Celui qui s'est construit des pyramides et, Il flagrant G L Fj> R exc. Fl. Ise mg. : def. P certant Ru.l. cett. Il eli-
[pour orner ses Mânes, dere (exc. Fl.) : illi- N Vic Il 436 quin (exc. Fl.) : ruum [!] Vic Il
Des monuments aux faîtes qui ne le cèdent pas concessa: -gressa Ra.c. -missa F3 Il 437 fraudes- G L F2 Ra.c. exc. Fl.
[aux temples 3 ; Ise mg. : p (o) enas- F2 u. l. Rp. c. cett. 11animi : alumni N 11438 que om.
R Il retentus (F5 a.c.) : receptus PJ 5p.c. Ise mg. Il 439 adductis digitis
P2 a.c. -os d. PR 11neru~s PR Il 441 et _(exc.Fl.) : ac G Pj>/<Fft Vic
I~e Il 1. munera N numma 1. K Il lubnca (F5 a.c.): ludicra F5p.c. Il
a. Verg. Aen. 12,340 (les chevaux de Turnus qui passent sur des d1cat P Ra.c. Il 442 gestada N Il 443 Cuius (exc. Fl.) : Quoius Vic Il
cadavres) : mixtaque cruor calcatur harena. se: ad N Il commisit K Il ad om. N Il 444 Notabilis Pa.c. Il misere-
b. Sur l'osculatio (Eutr. 2,64-66): Cod. Theod. 6,22,7; voir Ru_.l. Il 445 corpore: pectore F3 Il repos(c)it N exc. Fl. Il 446 quis-
A. Alfüldi, « Die Ausgestaltung des monarchischen Zeremoniells qms Lp.c. PR exc. Fl. Ise mg. : nequis Ru.l. exc. Fris. cett. Il 447 gerit
am romischen Kaiserhofe », MDAI (R) 49, 1934, p. 1-118 (en parti-
Lf-~--PR exc. Fl. : -at La.c. Ru.l. exc. Fris. cett: Il rebus Lp.c. Pa.c. R:
culier p. 46-47 et 65). tnuus Pp.c.1:5.z. cett. 11calcandis F2 a.c. Il ecce (F5 u.l.) : ille F2 u.l. iste
c. Cf. 1,371 nec uili moriens condetur harena. F5 Il 448 qms Pa.c. 11py[-i-]ramides Fp.c.N Rp.c. priamidas Ka.c. Il
d. Post Jata : Gild. 292 ; Stil. 2,53. 449 extrusit P6 Pa.c. instruxit G Il culmine F5 a.c.
e. Sen. Thy. 615 Nemo confidat nimium secundis.
117 CONTRE RUFIN LIVRE 2 450-461 RVF. II = CARM. 4-5 450-461 117

450 Et celui qui a cru se voiler dans la pourpre de Sidon et qui Sidonio uelari credidit ostro, 450
Repaît nu les oiseauxa. Voici celui qui possède nudus pascit aues. lacet en qui possidet orbem,
[le mondeb exiguae telluris inops et puluere raro
Gisant privé d'un peu de terrec: une poussière . per partes tegitur nusquam totiensque sepultus.
[ clairsemée Senserunt conuexa necem teHusque nefandum
Le recouvre en Limbeaux, tant de fois et nulle part emolitur onus iam respirantibus astris. 455
[enterré. Infernos grauat umbra lacus. Pater Aeacus horret
La voûte céleste a senti ce meurtre et la terre intrantemque etiam latratu Cerberus urget.
[élimine Tune animae, quas ille fero sub iure peremit,
455 Ce poids impied : désormais les astres respirent. circumstant nigrique trahunt ad iudicis urnam
Son ombre alourdit les lacs de l'enfer 1 . Le divin infesta fremitu : ueluti pastoris in ora 460
[Éaque en frissonne ; commotae glomerantur apes, qui dulcia raptu
Et même à son entrée de ses aboiements Cerbère
[le presse.
Alors les âmes qu'il a fait périrr sous sa cruelle loi
L'entourent, puis le traînent devant l'urne du juge
[noirg
460 Avec un grondement hostile. Ainsi les abeilles
[émues s'assemblent
Sur le visage du pasteur qui ravit et emporte

a. Lucan. 4,810 pascit aues nullo contextus Curio busto; cf. Hom.
Il. 1,5; Verg. Aen. 5,871 nudus ... Palinure (cf. Lucan. 9,157) ; 9,485-
6 praeda ... alitibus.
b. Cod. Theod. 9,42,14 (du 13 février 396) : ... per omnes prouin-
cias... quae Rufinus uiuus possederat.
c. Contamination d'Hor. Carm. 1,28,3 (à propos d'Archytas)
pulueris exigui ( cf. Lucan. 8,867) et Verg. Aen. 6,325 inops inhuma-
taque turba est. 450 credidit (P2 u.l.) : -tus P2 Pa.c. Ra.c. -tur Ise mg. Il ostra Pa.c. Il
d. Lucain 1,57 (si Néron divinisé ne se place pas au centre de 451 en: heu exc. Fl. heu Vic Il 452 pulueri P2a.c. Il 453 tecitur Pa.c.
l'univers) sentiet axis anus. La variante amolitur a été influencée par Il nusquam t. (F5 u.l.) : nun- totie(n)s- P6 u.l.F5 Ise t. numquam- F3
Lucain 5,355 (Fortuna) amolitur onus ( début d'hexamètre). nusquamque P 6a.c. Il 455 emolitur (P 6a.c.) : a- PJJ.c. Lp.c. Ru.l. exc.
e. La conjecture de Burman arcet, défendue par Cameron 1968, Fl._amollitur La.~. 11_ 457 latrata Pa.c. Il 458 ferox Js.l.N refero F5 a.c.
p. 399, est inutile. Il mra N 11459 mgn qu(a)e Pa.c. Il 460-2 iterati in P2 (= P' 2 ) post P~
f. Cf. V. 328-9. v. 55-115 11461 commot(a)e (exc. Fl.) : collect(a)e P~'/<-Vic Il apes
g. Minos, cf. v. 476-8. om. F5 a.c. Il raptim F5 a.c.
118 CONTRE RUFIN LIVRE 2 462-479 RVF. II = CARM. 4-5 462-479 118

Leur doux miela: en pointant leurs dards, elles battent mella trahit, pennasque cient et spicula tendunt
[des ailes; et tenuis saxi per propugnacula cinctae
Entourées du rempart d'une roche ténue, rimosam patriani dilectaque pumicis antra
Elles défendent leur patrie : la fente, le cremc de rocher defendunt pronoque fauos examine uelant. 465
465 Qui leur est cher ; et couvrent leurs rayons en Est locus infaustis quo conciliantur in unum
[penchant leur essaim. Cocytos Phlegethonque uadis ; inamoenus uterque
Il est un lieub où en un cours s'assemblent le Cocyte alueus ; hic uoluit lacrimas, hic igne redundat.
Et le Phlégéthon aux sinistres eaux: deux lits Turris per geminos, flammis uicinior, amnes
[sans charme, porrigitur solidoque rigens adamante sinistro 470
Car l'un roule des pleurs et l'autre déborde de feu 1 . proluit igne latus ; dextra Cocytia findit
Entre ces deux courants s'étend, tout près aequora triste gemens et fluctu concita plangit.
[des flammes, Huc post emeritam mortalia saecula uitam
470 Une tour: son flanc gauche, avec la dureté du fer deueniunt. Ibi nulla manent discrimina fati,
[massif, nullus honos uanoque exutum nomine regem 475
Baigne dans le feu ; à droite elle fend, avec un cri proturbat plebeius egens. Quaesitor in alto
[lugubre, conspicuus solio pertemptat crimina Minos
La plaine du Cocyte : ébranlée par le flot, elle se plaint. et iustis dirimit sontes. Quos nolle fateri
Après avoir parachevé leur viec, les générations uiderit, ad mala mox transmittit uerbera fratris.
[défuntes
Descendent là. Il n'y subsiste aucune distinction
[du destin,
475 Aucun honneur. L'indigent plébéien chasse le roi
462 trahit: uehit GR Vic Il pennas- (P6u.l.) : pi(n)nas- Ga.c. Pa.c.
Dépouillé de son titre vain. En vue, sur son trône élevé,
exc. Fl. pennis- F5 a.c. penas- P 6 N Il scient P 2 a.c.P' 2 Ka.c.Js.l. Il
Minos le juge instruit les accusations tendunt: figunt K Il 463 cin(c)t(a)e (P6u.l. Pa.c.) : cuncte P6 Pp.c.
Et sépare les justes des coupables 2 . Ceux qu'il a vu Ra.c. Il 464 punicis P6a.c. Vic Il 465 pronos- P2 a.c.KN Il celant F5 Il
Refuser d'avouer, il les transmet aux males verges 466 qua G P2 Il conciliantur (exc. Fl.) : -atur Vic Il 467 cocytos P:
[de son frère. -t(h)on F3 R c(h)oc(h)y[-i-]tus F3 u.l. Ru.l. cett. Il 468 Alues P~.c. Il
lacrimas (u)uoluit F5 a.c. Il 469 Terris Ja.c. 11a(m)nes (F5 u.l.) : 1gnes
F Il 470 sinistro (P2 u.l.) : -um P 6 u.l. F2 exc. Fl. -a P2 li 471 om. add.
,;,,g. P Il dextra (Ra.c. exc. Fl.) : -o Rp.c. -aque N Vic Il findit G
P6 u.l.F5 mg. L Pu.l. R : -at Pa.c. scindit K fondit Pp.c. cett. Il 47~
fluctu G P Ra.c. exc. Fl. exc. Cyr. : fletu Fp.c. Ps.l. Rp.c. cett. Il pangrt
a. Comparaison épique (Verg. Aen. 12,587-92 et surtout Stat. Pa.c. Il 473 mortalea Pa.c. Il 474 ibi (P JJ.c. exc. Fl.) : ubi F/ 5 Vic Ise
Theb. 10,574-9 si ubi pumiceo pastor rapturus ab antro ... apes... in ara Il 475 honos G F3 L PR exc. Fl. : onos F2 -or cett. 11exutum (P 2 u.l.) :
uolant) où s'insèrent un souvenir phonique d'Aen. 6,311 (glomeran- excitum P Il 476 proturbat G P2 a.c. Pa.c. R: per- PJJ.c. Pp.c. Ru.l.
tur aues) et une allusion à Georg. 4,44-45 (les abeilles se trouvent cett. pre- e~c. Fl. Il plebeus Pf/<F 5N L Il 477 conspicuis solito F2 a.c.
pumicibusque cauis exesaeque arboris antro ... rimosa cubilia). Il pr(a)etemptat P2 permutat Ru.l. Il crimina (F2 u.l.) : nu- F2 Il
b. Cf. 1,123 et n. compl. 1. 479 Viderit om. Ra.c. post ad mala Pa.c. Il mala mox: mala G Pa.c.
c. P. Fest. 139 M. mortuus ab emerita uita dictus; voir Cameron mali mox Vic seui F5 seua Rmg. rigidi exc. Fl. exc. Gy1:11transmittit
1968, p. 389. (P ~.c.): -at N
119 CONTRE RUFIN LIVRE 2 480-492 RVF. II = CARM. 4-5 480-492 119

480 Car à côté Rhadamanthe sévit. Après avoir longtemps Nam iuxta Rhadamanthus agit. Cum gesta superni 480
Examiné tous les faits accomplis dans le cours curriculi totosque diu perspexerit actus,
[de leur vie d'en haut, exaequat damnuni meritis et muta ferarum
Il adapte la peine à leurs mérites; il contraint à subir cogit uincla pati. Truculentos ingerit ursis
Les fers muets des bêtes 1 . Il met les cruels dans • praedonesque lupis ; fallaces uulpibus addit.
[des ours, At qui desidia semper uinoque grauatus, 485
Les brigands dans des loups ; il place les trompeurs indulgens Veneri, uoluit torpescere luxu,
[dans des renards. hune suis inmundi pingues detrudit in artus.
485 Quant à celui qui, toujours alourdi par la paresse Qui iusto plus esse loquax arcanaque sueuit
[et par le vin, prodere, piscosas fertur uicturus in undas,
S'est abandonné à Vénus et a voulu s'engourdir ut nimiam pensent aeterna silentia uocem. 490
[de débauche, Quos ubi per uarios annos, per mille figuras
Il le plonge dans le corps gras d'un porc immonde. egit, Lethaeo purgatos flumine tandem
Qui d'habitude fut bavard plus qu'il n'est juste et a
Dévoilé des secrets, il l'envoie vivre en des eaux
[poissonneuses
490 Afin qu'un silence éternel compenseb l'abus
[de parole.
Et quand il les a fait passer à travers mille aspectsc
Un nombre d'années différent, il les épure
[au fleuve du Léthéd

a. En faveur du maintien de cette leçon (cf. 1,155; 2,511),


Cameron 1968, p. 399 et Levy 1974, qui compare Ou. Met. 6,369
Aeternum stagna ... uiuatis in ista.
b. Pour cette valeur de pensent (Eutr. 1,73) : Stat. Theb. 5,710-1
Quis Superum. . . / pensauit lacrimas?
c. Il n'y a pas lieu de corriger le texte le mieux attesté. La 480 radamantis Pa.c. Il cum gesta (exc. Fl.) : congesta F5 a.c. F2 a.c.
variante uarias a été inspirée par Ou. Met. 15,172 (discours de Vic Il 481 perspexerit (exc. Fl.) : pro- N L F2 Vic Ise Il 483 ursis: uisis
Pythagore sur la métempsycose) : in uarias dacea migrare figuras et le P 6a.c. Il 484 past lupis del. i F5 Il 485-527 am. sua laco P, add. j°6r past
chiffre de 3000 ans (variante ... ou correction des exc. Fl. et Cyr.) pr. Nupt. 11 485 At : Et J L 11 semper : -que N sompno Ru. l. 11 graua-
vient d'Hérodote (2,123) ou de Platon, à propos des philosophes tur Ja.c. Il 486 torpescere: con- F5a.c. Il 487 i(n)mundi (Ju.l. F2a.c.
(Phaedr. 249A). Virgile parle de 1000 ans (Aen. 6,748) et Silius exc. Fl. exc. Gy1:): -(a)e P /Œ'JN L Fp.c. Vic Il pinguis exc. Fl. Il 488
(13,558-9) de 5000. Le nombre d'années peut varier selon les cas, seuit F2 Il 489 fertur Pp.c. Il 490 nimiam: mutuam N Il pensent
la métempsycose punitive étant adaptée à la faute. (F5 u.l.) : pul- F5 Il 491 Quos: Hos exc. Fl. exc. Cyr. Il per am. Ja.c. Il
d. Le Léthé est le fleuve de l'oubli (Rapt. 1,282-3; Gild. 213-4) : uarias P? Ra.c. exc. Cyr. Il annis Ra.c. exc. Fl.b exc. Cyr. amnes N Vic
Verg. Aen. 6, 714-5 et 750-1. Mais Claudien, de façon semble+il ori- animos Pa.c. Il per: ter exc. Fl.b exc. Gp: Il 492 purgatos letheo K Il
ginale, lui attribue ici une fonction purgative. fulmine P 6 a.c. fla- P Il tandem P JJ.c.
i 120 CONTRE RUFIN LIVRE 2 493-504 RVF. II = CARM. 4-5 493-504 120

1 Et les rappelle enfin à leur forme humaine première. rursus ad humanae reuocat primordia formae.

i Au moment mêmeb où il règle les différends et Tum quoque dum lites Stygiique negotia soluit
[les rudes affaires dura fori ueteresque reos ex ordine quaerit, 495
495 Du forum stygien, où dans l'ordre d'ancienneté Rufinum procul ecce notat uisuque seuero
[il cherche les coupablesC, lustrat et ex imo concussa sede profatur :
Voici qu'au loin il aperçoit Rufin ; d'un œil sévère ~~ hue superum labes, hue insatiabilis auri
Il le parcourt et lui dit de son siège ébranlé à la base : proluuies pretioque nihil non ause parato,
« Ici, fléau du monde supérieur<l, ici, flux d'or quodque mihi summum scelus est, hue inprobe legum 500
[insatiable, uenditor, Arctoi stimulator perfide Marris,
Toi qui as tout osé pour te procurer un salaire, cuius ob innumeras strages angustus Auerni
500 Ici, vendeur véreux des loisf, ce qui pour moi est iam sinus et plena lassatur portitor alno !
[le comble du crime, Quid demens manifesta negas ? En pectus inustae
Perfide qui as excité les peuples de l'Ourse à
[la guerreg :
Par tes innombrables massacres, le golfe de l'Averne
Est désormais étroit ; son portier est lassé de voir
[sa barque pleineh !
Pourquoi nies-tu l'évidence, insensé ? Vois,
[ces marques de feu

a. Verg. Aen. 6,749 Lethaeum ad fluuium deus euacat agmine


magna. Corippe calquera le vers de Claudien (Just. 3, 77 à propos
de l'âge d'or) : antiquae repetit primardia farmae.
b. Tum quaque fait passer d'une description générale aux détails
de la narration : cf. Verg. Aen. 9,183.
c. Veteres reas ne désignent pas ici (comme chez Sen. Herc. f
580) les coupables des temps anciens: le juge traite les affaires
dans l'ordre chronologique (voir Levy ad lac., p. 216). 493 form(a)e (Ps.l.) : uite Rs.l. flamme P Ra.c. Il 494 Tune K Il
d. Même expression dans la bouche de Pluton (Stat. Theb. 8,34 dum (F5p.c.) : tum F5 a.c. cum F5s.l. Il letes P 6a.c. Il 495 dura: dum
quae superum labes) quand la voûte du monde supérieur s'est !'f11fori P~- c. 11 reus Pa. c. 11 496 ecce : esse K F2 11 nouat Pa. c. 11 497
écroulée pour précipiter Amphiaraüs. 1mo (exc. Fl.) : uno Vic Il 498 labes (exc. Fl.) : clades F5 Vic Il auri:
e. Sur la cupidité de Rufin, Hier. Epist. 60,16,1 insatiabilis auari- amor Pa.c. Il 499 scripsit iterum 496 Ja.c. add. 499 in mg. Il praeluuies
tiae; Zos. 5,7,6; Philostorgios 11,3; Eunape frg. 63 (= FHG 4,42) ; G Il ause (F2 a.c.) : -a F:zP.c.Il parato: peracto P ~a.c. Il 500 cuique
Lydus mag. 2,10. nihil exc. Laeti Il hune P 6 a.c. Il legum (Ju.l.) : -is J Il 501 uendator
f. Verg. Aen. 6,621-2 Vendidit hic aura patriam ... fixit leges pretia Pa.c. Il ar(c)t(h)oi G P~/<Ff"JN Pmg. Rp.c. : arctori Vic et s(a)eui
atque refixit. Lras. F~ Ra.c. Il simulator Na.c. F2 a.c. dilator Js.l. Pu.l. Il peruide
g. Cf. 1,323-5. P2 a. c. 11 502 Cuius ( exc. Fl.) : Quoi us Vic 11 ab Pa. c. 11 503 sinus ( exc.
h. Lucain 6,704-5 « o flagrantis portitar undae / iam lassate Fl.) : suus Vic Il pleno P2 a.c. L Il portior P2 Il 505-504 Na.c. Il 504
senex ad me redeuntibus umbris » ; Stat. Theb. 4,479 « plena redeat Quid: Qui P 2 a.c. Cur L Il demens: deinceps Ra.c. Il negas am. N Il
Styga partitar alna ». inuste P:zP.c.
121 CONTRE RUFIN LIVRE 2 505-519 RVF. II = CARM. 4-5 505-519 121
505 Flétrissent ta poitrine et cette image a crû avec deformant maculae uitiisque inoleuit imago 505
[tes vices 1 : nec sese commissa tegunt. Genus omne dolorum
Tes forfaits ne se cachent pas. C'est un plaisir in te ferre libet : dubio tibi pendula rupes
[de t'infliger inmineat lapsu, uolucer te torqueat axis,
Toutes les sortes de douleur : que te menace te refugi fallant latices atque ore natanti
[la chute incertaine arescat decepta sitis dapibusque relictis 510
D'un rocher suspendu, qu'un essieu rapide te roule, in tua mansurus migret praecordia uultur.
Que l'onde te trompe en fuyant, qu'en ta bouche Quamquam omnes alii quos haec tormenta fatigant
[inondée pars quota sunt, Rufine, tui ! Quid tale uel audax
510 Ta soif abusée se dessèche, que le vautour fulmine Salmoneus uel lingua Tantalus egit
Abandonne ses mets pour venir se fixer sur aut inconcesso Tityos deliquit amore ? 515
[tes en trailles 2 . Cunctorum si facta simul iungantur in unum,
Pourtant, tous les autres, Rufin, qu'accablent praecedes numero. Quo tanta piacula quisquam
[ces supplices, supplicia conferre ualet ? Quid denique dignum
Que sont-ils en face de toia ! Qu'a fait de tel ou omnibus inueniam, uincant cum singula poenas?
[Salmonéè,
Dans sa foudre audacieux, ou avec sa langue Tan talec,
515 Ou Tityos par son délit d'un amour interditd?
Qu'on unisse ensemble les faits de toys ces gens,
Tu les précèderas au premier range. A pareils crimes
[quel supplice
Pourrait être adapté ? Que pourrai-:ïe trouver enfin
[de digne
Pour tous les tiens, quand chacun d'eux dépasse
[toute peine ?

505 conformant F3 Il uicii- P2 a.c. -iis (am. que) KN Il inoleuit: i~he-


sit L ? Il 506 dolorum: ma- ju.l. Pu.l. Il 507 om. add. mg.] Il hbet
(exc. Fl.) : lu- Vic Ise Il duo P6 a.c. Il 508 emineat F2 11lapsu (exc. Fl.) :
-us Vic Il 509 fallant (P zP.c.) : -ent F2a.c. Il 510 decepta: temptata
a. Ou. Met. 9,69 (Hercule à Achelous) : « pars quota Lernaeae
P2 u.l. Il dapibus P6 a.c.Na.c. Il relictisque "!a.c. Il 511 intret F3 Il
serpens eris unus echidnae? ».
512 aliter Ra.c. Il 513 sunt (P2 a.c. Ra.c.) : smt PzP.c.P77J La.c. F2
b. Pour Salmonée, auquel Claudien n'a pas fait allusion dans
Rp.c. Vic Ise Il quid tale FJJ.c. Il 514 Fulmineus Ra.c. -nes La.c. Flu-
les vers précédents (mais c. min. 51,13), Verg. Aen. 6,585-94; Hyg.
mine F5 a.c. P Il egit: eger P6 a.c. Il 515 inconce_(s!so: -os Ka.c.
fab. 61 ; Lucien Tim. 2.
inconsulto exc. Fl. exc. Cyr. Il tityos G exc. Fl. : tyty[-1ci-]os P2 a.c.P/ 5
c. Ou. Am. 2,2,43-44; Ars 2,605-6; Hyg. Fab. 82.
P R ticio K -us P 2p.c.FJN L F2 Vic Ise Il 516 fat_a
d. Hom. Od. 11,580; Stat. Theb. 11,12-13; Ménandre, Spengel,
P2 a.c.P 6 a.c.KF3 a.c.F5 a.c. L Il iungamus exc. _Fl. Il ~17 pr(a)eced1s
p. 441.
Fp.c. -de P2 a.c. Il numerum Rp.c. Il quo: cm P2 u.l.} 3 Ru.l. Il tota F_ 2
e. Numerus a ici le sens d'ordo: cf. Verg. Aen. 3,446 (la Sibylle
Il 518 conuerre P2 a.c. Il ualet (P 2 ras.) : potest F5 Il 519 quom V1,c
classe les feuilles) digerit in numerum.
quum exc. Fl. 11penis Pa. c.
122 CONTRE RUFIN LIVRE 2 520-527 RVF. II = CARM. 4-5 520-527 122
520 Du milieu de ces ombres, ôtez ce déshonneur Tollite de mediis animarum dedecus umbris. 520
[des âmes. Aspexisse sat est. Oculis iam parcite nostris
C'est bien assez de l'avoir vu. Maintenant, épargnez et Ditis purgate domos. Agitate flagellis
[nos yeux, trans Styga, trans [h]Erebum, uacuo mandate barathro
Purifiez la demeure de Disa. Chassez-le à coups infra Titanum tenebras infraque recessus
[de fouetb Tartareos nostrumque Chaos, qua noctis opacae 525
Par delà le Styx, par delà l'Érèbe; envoyez-le dans fundamenta latent. Praeceps ibi mersus anhelet,
[le trou du barathre dum rotat astra palus, feriunt dum litora uenti.
Sous les ténèbres des Titans, sous les retraites
~du Tartarec
525 Et sous notre chaos<l, là où se cachent les assises
De la Nuit sombre. Précipité, qu'il y halète tant que
[le ciel
Fera tourner les astres, tant que les vents frapperont
[les rivagese. »

a. Verg. Aen. 6,269 (Énée et la Sibylle allaient) perque damas Ditis 521 iam am. P 6 a.c. Il nostris: uestris K F2 11 522 dites Ra.c. digitis
uacuas. P6 a.c. Il progate Pa.c. Il 523 herebum cadd. Il 525 uestrum- P? p.c. ?
b. Lucan. 6,731-2 (Érichtho à Tisiphone et Mégère) : « non agi- Il qua G P K F? R exc. Fl. exc. Cyr. : qu_o_cett. Il _noctis opac(a)e G
6
tis saeuis Erebi per inane fiagellis / infelicem animam ? ». F? R exc. Fl. exc. Cyr. : ditis opace P2 d1t1s opao !iP·c. F2 u.l. cett. !I
c. Verg. Aen. 6,577-81 Tum Tartarus ... Hic... Titania pubes ... 526 pr(a)eceps FJJ.c.P R Ise: -que Lp.c. exc. Fl. pnnceps F2 a.c. pan-
ualuantur in ima. terque F penitus G Ja.c. Ru.l. penitusque P?/<FJp.c.N Il (h)anelat
d. Sur un au-dessous des Enfers, Lucan. 6,748-9 (Érichtho aux F3 a.cja./ Il 527 am. R Il rotet F5p.c. F2 11 palus P 6a.c. Il feriant Fp.c.
divinités infernales) : cuius uas estis superi. N? F ferunt Vic Il sidera L
e. Verg. Aen. 1,607-8 (Énée se souviendra toujours de Didon) : claudiani in rufinum liber secundus explicit G in antiquo B sequi-
in Jreta dum fluuii current ... / ... palus dum sidera pascet. tur liber in eutropium exc. Fl.
NOTES COMPLÉMENTAIRES

Page 6:
1. V. 1-10: Apostrophe au soleil. Le thème du soleil et de l'an-
née qui commence (v. 6-7) est quasiment imposé par le sujet: le
nouveau consul prend ses fonctions au début de l'année et il lui
donne son nom. Aussi est-il normal de souligner la coïncidence
voulue et significative entre l'entrée en fonction de celui qu'on
loue, le début de l'année et le renouveau du soleil dont l'éclat se
fait plus vif: à partir du solstice d'hiver, le soleil remonte et les
jours rallongent. Dans son panégyrique pour le 17ème consulat de
Domitien (Silu. 4,1,1-4), Stace avait déjà écrit: Laeta bis octonis acce-
dit purpura fastis / Caesaris insignemque aperit Germanicus annum /
atque oritur cum sole noua, cum grandibus astris / clarius ipse nitens et
primo maior Eoo. Claudien lui-même, l'année suivante, dira à Hono-
rius à l'occasion de son troisième consulat (3 cons. 9) : Phoebique
nouas ordire meatus, et le premier janvier 456 Sidoine Apollinaire,
suivant l'exemple de Claudien, commence son panégyrique de
l'empereur Avitus à l'occasion de son consulat par une apostrophe
au soleil ( Carm. 7,1-2) : Phoebe, peragrato tandem uisurus in orbe /
quem possis perferre parem, da lumina caelo. En insistant sur l'éclat
plus brillant du soleil (v. 3 meliore coma), Claudien se rapproche du
passage du Panégyrique de Messalla qui fait précisément allusion à
son consulat (v. 121-3) : Nam modo fulgentem Tyrio subtegmine uestem
l indueras oriente die duce fertilis anni, / splendidior liquidis cum Sol
caput extulit undis.
Pour cette apostrophe au Soleil, Claudien adopte un ton
épique avec l'image cosmique du Soleil qui embrasse le monde de
ses rênes de feu : jlammigeris habenis, métonymie habituelle en poé-
sie pour désigner un char, en particulier celui du Soleil : Manil.
1,668; 4,834; Val. Fl. 2,35; Mart. 5,48,3; Auien. Arat. 1514; Orb.
terr. 274; 329; 1621; Anth. 465,2; Auson. 384 (Ecl. 18),3 feruidis
jlagrans habenis ; mais Claudien se rapproche surtout de deux pha-
léciens de Naevius (Laevius selon Scaliger) cités par Macrobe (Sat.
NOTES COMPLÉMENTAIRES

Page 6:
1. V. 1-10: Apostrophe au soleil. Le thème du soleil et de l'an-
née qui commence (v. 6-7) est quasiment imposé par le sujet: le
nouveau consul prend ses fonctions au début de l'année et il lui
donne son nom. Aussi est-il normal de souligner la coïncidence
voulue et significative entre l'entrée en fonction de celui qu'on
loue, le début de l'année et le renouveau du soleil dont l'éclat se
fait plus vif: à partir du solstice d'hiver, le soleil remonte et les
jours rallongent. Dans son panégyrique pour le ! 7ème consulat de
Domitien (Silu. 4,1,1-4), Stace avait déjà écrit: Laeta bis octonis acce-
dit purpura fastis / Caesaris insignemque aperit Germanicus annum /
atque oritur cum sole noua, cum grandibus astris / clarius ipse nitens et
primo maior Eoo. Claudien lui-même, l'année suivante, dira à Hono-
rius à l'occasion de son troisième consulat (3 cons. 9) : Phoebique
nouas ordire meatus, et le premier janvier 456 Sidoine Apollinaire,
suivant l'exemple de Claudien, commence son panégyrique de
l'empereur Avitus à l'occasion de son consulat par une apostrophe
au soleil ( Carm. 7,1-2) : Phoebe, peragrato tandem uisurus in orbe /
quem possis perferre parem, da lumina caelo. En insistant sur l'éclat
plus brillant du soleil (v. 3 meliore coma), Claudien se rapproche du
passage du Panégyrique de Messalla qui fait précisément allusion à
son consulat (v. 121-3) : Nam modo fulgentem Tyrio subtegmine uestem
/ indueras oriente die duce fertilis anni, / splendidior liquidis cum Sol
caput extulit undis.
Pour cette apostrophe au Soleil, Claudien adopte un ton
épique avec l'image cosmique du Soleil qui embrasse le monde de
ses rênes de feu : jlammigeris habenis, métonymie habituelle en poé-
sie pour désigner un char, en particulier èelui du Soleil : Manil.
1,668; 4,834; Val. Fl. 2,35; Mart. 5,48,3; Auien. Arat. 1514; Orb.
terr. 274; 329; 1621; Anth. 465,2; Auson. 384 (Ecl. I8),3feruidis
jlagrans habenis ; mais Claudien se rapproche surtout de deux pha-
léciens de Naevius (Laevius selon Scaliger) cités par Macrobe (Sat.
124 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 125

1,18,16) à propos de l'assimilation Liber / Soleil: Hac qua Sol Felicem, Sol, pande diem radiisque serenis / sparge comas, thalamos sin-
uagus igneas habenas / immittit proprius iugatque terrae. Claudien pou- cero lumine conplens. Sur l'emploi de coma pour évoquer la lumière,
vait connaître ce texte, cité par l'un de ses contemporains. Mais, voir ThLL, s.u. 1752,50 sqq., en particulier Octauia 3 surgit Titan
pour accentuer la tonalité épique de l'exorde, il a remplacé le radiante coma et Auien. Arat. 1591. Le comparatif meliore souligne
simple igneus par le composé fiammiger, création de Lucain, èhez que l'éclat lumineux du soleil devient plus vif au début de l'a1:née,
qui il apparaît pour qualifier soit le soleil (1,415 Titan; cf. Val. après le solstice d'hiver ; emploi analogue de ce compara:1f e~
Fl. 5,581... et aillems: ThLL, s.u. 873,16-22), soit soÎ1 char (1,48 - rapport avec l' aduentus d'Auguste (Hor. Carm. 4,5; 7:8) ou 1 an_m-
os Phoebi... currus; cf. Stat. Silu. 4,3,136; Auien. Arat. 1435). Le versaire de Domitien (Mart. 4,1,1-4). Dans sa Medee, Dracontms
thème et les images sont traditionnels en poésie, mais l'alliance reprendra l'expression de Claudien (Rom. 10,569) : et totum meliore
flammigeris habenis est originale. Claudien semble avoir voulu rivali- coma perjunderet orbem Phoebus. .
ser avec Silius Italicus qui décrit un lever du soleil (5,55-56) : 4. Claudien en vient aux coursiers qui tirent le char du soleil.
« donec flammiferum tollentes aequore currum / salis equi sparsere Par association d'images il passe des cheveux-rayons du Soleil à la
diem ». L'expression flammigeris habenis est une retractatio expressive crinière de ses coursiers ( crinem, singulier collectif). Le comparatif
et originale de flammiferum currum: recherche d'une forme d'ad- blandius renforce l'impression donnée par le premier comparatif
jectif un peu plus rare et remplacement de currum par un substitut meliore: les rayons du Soleil sont plus vifs, ses chevaux plus agréa-
métonymique ; le lien entre les deux passages est confirmé par la blement peignés. Blandius porte sur repexi, ce qui rend inutile le
reprise au v. 3 de l'expression imagée spargere diem. remplacement de surgant par rubeant, annotation marginale de
Rutilius Namatianus reprendra l'expression mundum complex(us) l' Jsengriniana qui ressemble plus à la conjecture d'un érudit (à par-
en même position métrique, pour l'appliquer à Rome (1,77) : legi- tir de c. min. 53,9-10 ?) qu'à la leçon d'un manuscrit: on lit chez
Jeris mundum complexa triumphis; il devait avoir présent à l'esprit le Stace rubere crudele (Theb. 3,211), ou dulce (Theb. 4, 274), et la cou-
texte de Claudien, car il écrit au v. 59 flammigeris ... harenis, expres- leur rouge est traditionnellement associée à toute description d'un
sion qui consonne avec le flammigeris habenis de Claudien, et il lever de soleil (chez Claudien, gig. 9-10 : flectitque rubentes / Phoebus
développe lui aussi le thème du Soleil qui embrasse et contient la equos). Le verbe dynamique surgere,juxtaposé de façon expressive à
création (v. 57) : Voluitur ipse tibi qui continet omnia Phoebus. L'imita- elato, convient parfaitement pour décrire le lever des astres ou du
tion de Dracontius est encore plus précise (Rom. 10,495) : « Pro- soleil. - L'adjectif iugalis s'emploie de manière substantivée dans la
cessit roseis sol mundum amplexus habenis ». poésie épique pour désigner un attelage (Aen. 7,280 gemini iugales).
2. Claudien exprime ici le caractère cyclique ( uoluis: Sen. Tro. 5. Efflantes ignem est une expression épique virgilienne (Aen.
387 uoluere saecula) du temps, dont le mouvement ( motu) est un 7,786 à propos de la Chimère du casque de Turnus qui souffle _les
perpétuel (inexhausto) retour (redeuntia saecula: Mart. 4,1,7) : voir feux de l'Etna: Aetnaeos efflantem ... ignis); Pour le thème, Claud1en
Stil. 2,424-40 et comm. ad loc. La structure du vers de Claudien se rapproche d'un autre passage de l'Enéide (12,113-5: spargebat
peut évoquer un vers d'Ovide dont le thème est similaire (Met. lumine montis / orta dies, cum primum alto se gurgite tollunt / Salis equi
15,179) : Ipsa quoque assiduo labuntur tempora motu. Claudien a lucemque elatis naribus efflant), en contaminant de manière origi-
conservé motu en fin de vers, en remplaçant tempora par un syno- nale plusieurs descriptions épiques traditionnelles du lever du
nyme (saecula), et le banal assiduo par un composé épique, inex- soleil sous la forme d'un char bondissant et rayonnant de lumière.
hausto, qui apparaît dans l'Énéide (10,174), puis dans la Thébaïde Depuis Homère, la couleur roseus est traditionnellement attribuée
(4,156 et 10,267) et que Claudien emploie à propos du soufre à l'Aurore « aux doigts de rose » (Lucr. 5,657 rosea aurora; Verg.
dans le De raptu (1,156) ; noter un emploi analogue chez Paulin Aen. 7,26 Aurora in roseis Julgebat lutea bigis; Sil. 1,578 roseas habe-
de Nole ( Carm. 21,494 inexhausto reditu) . nas ... ), mais son alliance avec ignis semble originale. L'expression
3. Par le complément meliore coma, Claudien rajeunit l'image Jrenis spumantibus est elle aussi virgilienne et épique: Aen. 4,135
empruntée à Silius spargere diem (voir n. 1), elle-même retractatio de Jrena spumantia, à propos du cheval de Didon qui ronge son frein
l'expression virgilienne spargere lumine (Aen. 12,113). À l'image de dans l'attente de la chasse (cf. Ou. Am. 2,9,29-30; Sil. 10,318).
la lumière semée, Claudien associe la métaphore des cheveux du 6. Il y a des précédents historiques à la nomination comme
Soleil, pour désigner les rayons qui jaillissent de sa 'tête', formant consuls de deux frères : en 151, Sex. Quintilius Valerius Maximus
une chevelure de lumière. Venance Fortunat concentrera de et Sex. Quintilius Condianus ; en 359, Fl. Eusebius et Fl. Hypatius.
manière elliptique l'expression de Claudien dans l'apostrophe au Mais la -::hose est exceptionnelle pour de simples particuliers.
Soleil qui ouvre !'Épithalame de Sigebert et Brunehilde (6,1,25-26) : Généralement, il s'agit d'empereurs ou de fils d'empereurs: Cara-
r
126 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES 127

calla et Géta en 205 et 208 ; Crispus et Constantin II (321 et 324) ; 10. Le contexte indique clairement que la bonne leçon est
Constance II et Constant (339 ... ) ; Valentinien et Valens .. ) ; Jaiwrem. L'alliance dubium Jauorem se lit avant Claudien chez
Arcadius et Honorius en 394, soit l'année précédente. Claudien Lucain, en même position métrique (3,265), et l'association Jauor
apporte de l'importance à ce point: voir v. 64. .· / Fortuna est traditionnelle (ThLL, s.u. Jauor , 384,81 sqq.), de
7. Petere exordia (Cie. Gluent. 11) est un rajeunissement anthro- même que l'image de la Fortune qui reste en suspens : Ou.
pomorphique et volontariste de l'expression plus banale exordium Met. 8,12 et pendebat adhuc belli Fortuna; Lucan. 2, 41 dum pe_ndet
sumere (ThLL, s.u. exordium, 1563,39 sqq.). En Rapt. 2,84, avec le Fortuna ducum ; Claud. Gild. 252 Fortuna simul cum mente pependzt.
préverbe re- , l'expression prend un sens encore plus fort ( optato 11. L'expression mutare uices se lit fréquemment, en prose
repetens exordia saeclo, à propos du Phénix qui cherche à recom- comme en vers, dans différents contextes (ThLL, s.u. muta,
mencer une nouvelle vie; voir c. min. 27,40 sqq.) ; mais la conjec- 1727,75 sqq.) : Verg. Georg. 1,418 var.; Hor. Carm. 4,7,3 (imité par
ture de Burman laeti repetant est inutile. Comme Stace en un Drac. Laud. Dei 3,306 et Arator act. 2,46) ; Manil. 1,637 ... ; et en
autre contexte (Theb. 5,460-1), Claudien suggère un parallèle particulier, à propos de la Fortune, dans ~_ne piè_ce de _l'Anthologi_e
entre le consulat des deux jeunes Anicii et la naissance de l'en- latine (415,64-65): Fors uarias mutat mobzlztate uzces / zncerto ludzt
fant miraculeux de la quatrième églogue (v. 7-12) : « iam noua casu Fortuna per orbem.
progenies ... te consule ... incipient magni procedere menses ... » 12. Les v. 12-14 qui mettent en avant les honneurs dont sont
(Taegert, p. 87). couverts les membres de la famille Anicia n'outrepassent pas la
8. La leçon Anicium semble être une conjecture de Cujas (après réalité. Comme l'écrira plus tard Jérôme (Epist. 130,3 scilicet nunc
Del Rio) plutôt qu'une leçon de manuscrit. Les liens entre les mihi Proborum et Olybriorum clara repetenda sunt nomin~, et inlust~e
familles Auchenia, Amnia, Anicia et Petronia sont étroits au Anicii sanguinis genus, in quo aut nullus aut rarus est qui non meruzt
IVe siècle : voir Birt p. VI-VII et le stemma de la famille Anicia dans consulatum) et comme le montre le stemma de la famille (PWRE,
la PWRE (c. 2201-2202). Les formes Amnius (Symm. Epist. 1,2,5 Anicius, col. 2201-2), les Anicii sont presque tous consuls de père
v. 2) et Annius (Auson. Epist. 10, 32-35 : Stirpis nouator Anniae en fils. Le frère cadet d'Olybrius et de Probinus (Anicius Petronius
[ammiae sur certains mss.] / paribusque comit infulis / Aniciorum Probus, n° 48) sera consul en 406.
stemmata : Probum loquor) sont toutes deux attestées. En dépit du L'expression imagée procedit honos sera reprise par Venance For-
plaidoyer de Taegert pour la forme Amniadae (p. 89), je n'adopte tunat à propos de saint Martin partageant son manteau pour un
pas une leçon attestée par un seul ms. du xve s. (Erlangen 626). pauvre ( Carm. 1,5,9-10: « uili tunica uestitur et ipse sacerdos / pro-
L'argument de Birt (p. VII; XL n. 1) selon lequel Claudien suggè- cessitqueinopi tegmine summus honor »; cf. Ma~t. 3,51). .
rerait le jeu de mots expressif Anniadae / annus ne me semble pas 13. Claudien a repris, en ajoutant le complement per Jasc~s qm
sans valeur. Prudence a repris le patronymique de type épique désigne les faisceaux consulaires, l'expression par laquelle Virgil~
créé par Claudien ( c. Symm. 1,551 : Amniadum suboles - mais plu- décrivait la pérennité de la race des abeilles ( Georg. 4,209) : et auz
sieurs manuscrits donnent anniadum -), dans un passage où il met numerantur auorum (expression reprise par Avit dans sa parap_hrase
en avant le christianisme de la famille Anicia. Claudien, en du précepte biblique « croissez et multipliez-vous», 1,178: Vzventes
revanche, ne dit pas un mot de ce christianisme. Avec le terme numeret proauos).
genus (v. 8) est annoncé à la fin de l'apostrophe le premier topos
panégyrique (Ménandre 370,10-29 Spengel; Hier. Epist. 60,8,1; Page 7:
130,3,1) qui sera traité aux v. 11 à 60. 1. La clausule Jata sequuntur est empruntée à Stace (Theb. 1,213
9. Le groupe instaurare uias est un emprunt métrique à Stace à propos de Jupiter qui va prendre la parole) : et uocemJata sequun-
(Theb. 5,9, dans un autre contexte, à propos d'une armée qui se tur (phénomène de mémoire auditive?) ; cf. Verg. [?) Catal. 11,3-4
remet en marche : monentur / instaurare uias ; cf. aussi iter instaura- et Prop. 2,22,19. . . , ,
bat en 2,743). Pour le sens, Claudien est proche d'un autre pas- 2. L'expression seruare tenorem, pour marquer la contmmte d un
sage de Stace, dans un contexte analogue, puisqu'il s'agit du pané- mouvement ou d'une action, est habituelle t':n poésie (Verg. Aen.
gyrique de Domitien à l'occasion de son 17e consulat, déjà cité 10 340 hasta seruat cruenta tenorem; Ou. Ars 2,729 var.; Stat. Theb.
(Silu. 4,1,17-18). Janus dit de l'empereur: qui saecula mecum / ins- 6,711 ; Prud. Apoth. 832) comme en prose im~ériale (Li\l- 30,18,12
taurare paras. Claudien associe la valeur spatiale et la valeur tempo- tenorempugnae seruare; Quint. inst. 10,7,6). Mais Dracontms semble
relle de l'expression : en recommençant sa course, le soleil fait imiter Clau di en dans sa fin d'hexamètre ( laud. 1,146) : seruant sub
recommencer le temps. lege tenorem.
128 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 129

_3. On peut construire de deux manières: quisquam ou Roma nale, en lui donnant l'ampleur d'une véritable comparaison homé-
SUJet de floreat. Mais il semble plus simple et cohérent de considé- rique (7 vers introduits par l'une des formules épiques tradition-
rer Rom_acomme sujet de floreat et de cingatur: Et il n'y a lieu nelles haud secus ac: Verg. Aen. 3,236 ... ) et en détaillant de façon
de cornger temptat (Heinsius tentet, puis tendat). - ex1pn:ss1on col- anthropomorphique la description de l'éclipse des étoiles (v. 25-
lective aere uetusto désigne les statues des grands hommes dont se 28).
pare la vil~e de Rome (les grandes familles si l'on prend quisquam 6. Arctos, la Grande Ourse, désigne ici, par métonymie, le ciel
co_mme SlI)et de floreat)~ L'emploi d' aes pour désigner par métony- boréal (Semple 1939, p. 1-2; plutôt que la nuit, comme le propose
mie une statue est frequent, surtout en poésie, depuis Virgile Burman suivi par Birt) : inutile, comme le font Schrader et Koch
(ThLL, s.u: 1074,12 sqq.: Georg. 1,480; Aen. 6,847 ... Ajouter suivis par Hall et Taegert, de corriger en aethram, ou en arcem
Claud. c. mzn. 9,33 et Prud. c. Symm. 1,597, proche de Claudien). (= caelum) avec Jeep. La reprise d'Arctos au v. 26 (sens propre) ne
Un vers d_eSidoine Apollinaire peut rappeler notre passage ( Carm. choque pas chez un poète comme Claudien. Avec tacitam, épithète
8:8)_:_Vlpza quod rutilat porticus aere meo. - L'alliance aere florere est originale d'Arcton, Claudien s'élève jusqu'au silence des sphères
VIrgihenne: Aen. 7,804 = 11,433. - L'expression claro senatu se lit célestes. Comme souvent chez Homère, la comparaison introduit
ass~c!ée comme ici à Rome, chez Némésien, dans un passage où il une pause, un moment de contemplation où l'esprit s'abstrait des
a1:-ticipe le :e~o_ur triomphal des deux fils de Carus ( Cyn. 80-1) : contingences du récit (ou de la litanie des éloges) pour pénétrer
uzdeorque mzhz zam cernere fratrum / Augustos habitus, Romam cla- dans un autre univers. Ici, la comparaison établit un lien entre le
rumque se~atun:. Par l'adtectif clarus, qui fait allitération avec cinga- microcosme et le macrocosme et donne une dimension cosmique
tur, Claudien Joue peut-etre sur les mots : les sénateurs sont claris- à l'éloge des Anicii. - Sur la Lune reine des astres, Hor. Carm. saec.
simi. Claudien reprendra la clausule d'hexamètre Roma senatu en 35-36 (siderum regina... / Luna) ; Manil. 3,197-8; Drac. Rom. 10,190
4 cons. 582. et 398.
4. Les ;· 20-21 doivent se comprendre à la lumière des précé- 7. Il peut être tentant de donner à acies, et par contre-coup à
dents et, e_tre ponct:1és comme le fait Birt: Aucheniis, en rejet cedunt, une valeur militaire (cf. la métaphore militaire d'Ou. Met.
comme l aime Claudien, porte sur relicta. Les autres familles séna- 2,114-5 à propos de la fuite des étoiles devant l'Aurore). Mais dans
t~riales ne peuvent lutter que pour la seconde place, après les Ani- un contexte où il est question de l'éclipse des astres par l'éclat
en Auchenii Annii. Certains font porter Aucheniis sur licet certare en lumineux de la lune, acies désigne plutôt l'intensité lumineuse des
comprena?t: « à part ~a première place (qui revient à l'empereur astres. Sur cet emploi, Verg. Georg. 1,395 (M. Mc Donald, « Acies.
ou au prefet_ de la ville), les Auchenii peuvent lutter pour la Virgil Georgics 1,395 », CPh 68, 1973, p. 203-5) ; Apul. Met. 2,9;
~econde » (vmr Pulmann, Scaliger et Burman ad loc., p. 5). Cette Auien. Arat. 514; pour cedere à propos de l'éclat plus faible d'un
mterprétation n'est pas naturelle et correspond mal au contexte. astre, voir par ex. Cie. Arat. 321 et 372.
- Pour la clausule sede relicta, voir Rapt. 2,216. Pour ius secundum: 8. Birt et Koch préfèrent la leçon retuso. Retundere peut en effet
Stat. Theb. 1,128. se dire de la lumière « émoussée » : dans un contexte semblable
5. Répondant à l'apostrophe initiale au Soleil, une comparaison au nôtre, Auien. Arat. 514 aciem quibus [astris] aurea luna retundit
avec la Lune éclipsant les astres vient clore le premier mouvement (la lune émousse les rayons lumineux des étoiles; cf. 1753 [cum]
de la prem~ère partie: l'éloge de la famille Anicia en général (v. 22- orbe nec expleto sacra sidera luna retundit). Virgile use d'un autre
28). ~e poete alexandrin a pu s'inspirer de Quintus de Smyrne qui, composé de tundo, obtundo: neque tum stellis acies obtu(n)sa uidetur /
r_,n~difiantune comparaison homérique (Il. 8,555-9), décrit la lune nec fratris radiis obnoxia surgere luna ( Georg. 1,395-6) ; cf. aussi 1,433
e~hps_an~tous les astres de sa clarté (1,37-38). Mais il a pu tout aussi et Stat. Theb. 10,136. Mais ici on voit mal ce qu'apporterait la men-
bien imiter un passage où Horace associe à la renommée de Mar- tion de l'obscurcissement du soleil, frère de la lune (comme en
cellus l'éclat de « l'astre julien [qui] brille entre toutes les gloires Rapt. 2,135 fronte retusa, ou en 4 cons. 184 et 6 cons. 21 à propos
comme la lune entre des feux plus faibles» ( Carm. 1,12,46-48: d'étoiles) : la lune n'éclipse pas le soleil ; c'est de l'éclipse des
Fa_maMarcelli; micat inter omnis / Iulium sidus, uelut inter ignis luna étoiles par la lune qu'il s'agit et, si la leçon retuso n'est pas une
minores). Le thème, qui apparaît chez Sappho (fr. 96,6-9), se ren- simple faute de transcription, elle peut être la correction d'un
contre aussi chez Ovide (E,pist. 18, 71-73), Sénèque (Med. 95-98 ; scribe semi-savant qui a voulu, comme dans les passages de Virgile
Phaedr. 743-748) et Stace (Silu. 2,6,35-37: illius unus / ante decor et d'Avienus cités plus haut, filer la métaphore de la lumière
quantum praecedit clara minores / luna faces... ; cf. 1,4,36-37; Boeth. émoussée. La leçon recusso,mieux attestée dans la tradition manus-
Cons. l Carm. 5,7). Mais Claudien l'a développé de manière origi- crite, est parfaitement adaptée au contexte: c'est parce qu'elle
130 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 131

réfléchit la lumière de son frère (v. 24) que la lune peut rivaliser blablement Sénèque, Herc. f 125-6: « iam rara micant sidera prono
avec lui et éclipser les étoiles. Lucrèce emploie le terme / languida mundo » (inspiré par Verg. Aen. 9,189 lumina rara
propos de la lune frappée par les rayons du soleil micant).
potest salis radiis percussa nitere; cf. aussi, à propos de la 12. Avant d'être changé en constellation, Orion était un chas-
2,800) ; Ovide (Met: 2,110) et Prudence (Ham. 88) usent seur infatigable (Hom. Il. 22,29; Od. 11,572-5; Hes. op. 609; Arat.
cipe repercussusà propos des reflets du soleil. _ 638-40; Cie. Arat. 420-32; Hor. Carm. 2,13,39 et 3,4,71 ; Germ.
9. A.emulus pem se dire des astres et de la lumière : Plin. ]Vat. 648-60; Auien. Arat. 1171 sqq.; Hygin. Jab. 195 ... ). L'épithète debi-
2,36; Stat. Silu. 3,5,101; Apul. Socr. l, p. 117 Oud. Lunam ... salis lis forme avec Orion une véritable alliance de mots car Orion est
aemulam; Auien. Arat. 364 et 478; Auson. Epist. 19,3-4 Prete: un géant traditionnellement qualifié de magnus (Verg. Aen.
luna ... /... radiis uelut aemula fratris. Mais Claudien reprend, en la 10,763; Auien. Arat. 747-8), d'ingens (Cie. Arat. 290-1; Auien. Arat.
transférant à la lune, rivale du soleil, une iunctura de Stace qui 1170), voire de trux (Auien. Arat. 249). Il porte une épée (Aratos
désignait le bouclier de Mars frappant le soleil de son éclat ( Theb. 588 ; ensiger Ou. Ars 2,56 et Fast. 4,388 ; ensifer Lucan. 1,665 ; cf.
3,226: solem longeferit aemulus orbis). - Flagrare se dit fréquemment Germ. 331-2; Manil. 1,391), ordinairement brillante (Cie. Arat.
des étoiles (ThLL, s.u. 846,59 sqq.) : Manil. 1,748; Amm. 22,15,5; 368-9; Ou. Met. 13,294 nitidumque Orionis ensem; voir Auien. Arat.
25, 10,4 ... et Avienus (Arat. 478) qui lui associe comme ici l'adjec- 723 ; 1100-1 Orion... / . . . splendens ense corusco). Ici, l'éclat de cette
tif aemulus (spatio disiuncta pari Jax [= stella] aemula jlagrat). épée est éclipsé par celui de la lune ( caligantibus armis ; pour cali-
10. La constellation du Lion est traditionnellement représentée gare à propos d'astres, Stat. Theb. 7,470 et Ambr. hex. 4,2,7) et,
comme flamboyante (jlammiger et jlammifer: Auien. Arat. 392 et comme Claudien, avec plusieurs poètes, représente l'épée au bras
1046; cf. aussi 395 et 965-6 ; Cie. Arat. XXII,3 ; Germ. 604), d'Orion (cf. peut-être Sen. Herc. f 12; sûrement Cie. Arat. 368-9
furieuse et féroce (Cie. Arat. 321 ; Catull. 66,65; Hor. Carm. Orion.. . fulgens / et dextra retinens non cassum luminis ensem ; Ou.
3,29,19; Germ. IV,12; 26; 149-150). Claudien force la note en lui Met. 8,207; Schol. German. p. 166,18 Br. in gladio quem tenet in
attribuant les traits de l'animal. Sur la colère du lion, voir ThLL, manu III [stellae] ; plusieurs mss. des Aratea de Cicéron représen-
s.u. leo, 1167,54 sqq. (Lucr. 3,298; Verg. Aen. 7,15; Hor. Carm. tent Orion tenant une longue épée dans la main droite), et non
3,2,11-12; Ou. Met. 10,551 et Trist. 4,6,5; Lucan. 6,487 ... ) ; pour le pas, selon la tradition la plus courante, et la plus exacte du point
qualificatif fuluus (à propos de la constellation, Germ. 149), voir de vue astronomique, suspendue à son baudrier (étoiles j i n), je
ThLL, s.u. 1535,22 sqq. : Lucr. 5,901 ; Verg. Aen. 2,722 ; 8,552-3 préfère au v. 28 la leçon inermem (sans arme, qui s'oppose à la
« fulua leonis / pellis » (même clausule qu' ici) ... et surtout Ovide représentation habituelle d'un armatum ... Oriona, Aen. 3,517), au
(Met. 10,551) qui qualifie ainsi les lions en référence à leur demeurant beaucoup mieux attestée dans la tradition manuscrite,
colère: fuluis et uasta leonibus ira, d'où le raccourci de Claudien à la leçon inertem, qui n'a pour elle que les deux mss. du groupe 1
sous forme d'hypallage fulua Leonis ira, qui sera imité par Dracon- Net q, et semble bien avoir été écrite par un scribe semi-savant se
tius (Rom. 5,310-1 nobilis ira ... / et praedam rabies [leonum] ... permettant des corrections. Inertem, qu'on trouve parfois associé à
fulua; 8,350-1 et 358 : sic magna leonis / ira fremit ... perit ira leonis). dextra en poésie (Verg. Aen. 11,414; Ou. Ars 2,706; Sen. Ag. 551 ;
11. Le Chariot et l'Ourse sont deux dénominations de la même Phoen. 91 et 173; Prud. Perist. 10,805; Drac. Rom. 10,237), a pu
constellation boréale. Comme le note A. Le Bœuffle (Le vocabu- être amené par debilis. L'alliance dextra inermis est extrêmement
laire latin de l'astronomie, thèse de Paris IV, déc. 1970, Lille 1973, fréquente, notamment en poésie: Verg. Aen. 11,672; 12,311 (dans
p. 393 et n. 41 p. 446), « souvent les poètes, sans doute à l'imita- ces deux cas, même hésitation de la tradition manuscrite que chez
tion d'Aratos 93 ... associent assez artificiellement dans une même Claudien); 12,734; Liu. 9,5,8; Sil. 9,84; 13,76 ... (ThLL, s.u. iner-
expression les deux conceptions d'Ourse et de Chariot » : Cie mis, 1306,83 sqq.) ; avec manus: Verg. Aen. 1,487; Sen. Contr.
Arat. XVI,2 ; Sen. Herc. O. 1523 ; Lucan. 4,523 et 5,23 ; Mart. 1,8,13; Sen. Tro. 671 ; Drac. Laud. 3,406. Elle convient parfaite-
6,25,2 ; Auien. 1230. Sur l'histoire de l'Ourse et du Chariot, voir ment au contexte: l'épée d'Orion étant voilée (caligantibus armis),
Ou. Fast. 2,181-192; Met. 2,505-7; Germ. 24 sqq.; Auien. Arat. 99 le géant a perdu sa force (debilis) et il s'étonne de voir son bras
sqq. et Hygin. astr. 2,2. Ici, Plaustro est un datif complément d'in- désarmé ( dextram inermem), puisque son épée n'est plus visible. Le
termicat (cf. Rapt. 1,185) et l'on peut comprendre que l'Ourse jeu de mots armis / inermis, en même position métrique, est bien
brille « au milieu du Chariot » ou « à travers le Chariot » : intermi- dans le goüt de Claudien.
care signifie couramment « briller à travers les ouvertures ou les 13. Les v. 29-30 constituent une transition rhétorique (dubitatio
interstices d'un objet non transparent». Claudien imite vraisem- ou aporia qui remonte à Hom. Od. 9,14). Après l'éloge des Anicii
132 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 133

en général, Claudien en vient à des éloges personnels et précis. Il ainsi que la notice de Taegert, p. 20-24; références antiques :
feint d'hésiter entre les deux grands-pères Probinus l'Ancien et Amm._ 27,11,1 et Paul. uita Ambr. 25. Sur le thème de la survie par
Olybrius, pour pouvoir en venir à un éloge appuyé de Probus, la gl01re: U. Knoche, « Der rënnische Ruhmes Gedanke », Rà"mische
père des deux consuls (v. 31-60). - Dans la formule Quern prius WertbegriJJe,Wege der Forschung 34, Darmstadt 1974, p. 420-45 et
aggrediar, il faut peut-être entendre un écho lointain de Virgile AJ. Vermeulen, «Gloria», RAC 11, 1981, p. 196-226.
(Aen. 6,387: quos... sic prior adgreditur [Charon] dietis), mais plus 2. Contrairement à Hall et Taegert, je préfère lire quem plutôt
probablement de Stace, qui commence de la même façon une que quam, qui semble être (encore !) une correction de scribe
question oratoire dubitative : « Quem prius heroum, Clio, dabis ? » semi-savant ayant fait l'accord avec gloria. En faveur du masculin,
( Theb. 1,41). L'association Jacta / laudes est naturelle: par ex. Vir- Hor. Carm. 2,2,5-8 « Viuet. .. Proculeius ... illum aget. .. / Fama
gile (Aen. 10, 281-2 magna referte / Jacta, patrum laudes) ou Ovide superstes » ; Sen. Herc. O. 39 « nulla me tellus silet » et surtout 1580
(Pont. 4,8,87-88 unde tuas passim laudes celebrare recentes, / « nulla te terris rapiet uetustas » ; et ici même, au v. 34, illum Jama
magnaque... Jacta rejerre). - Nimias n'implique ici aucune idée d'ex- ~~hit, qui peut faire écho aux vers d'Horace. - Lustra est à prendre
cès, mais exprime seulement une grandeur extraordinaire : emploi 10 au sens large, usage fréquent en poésie à partir de Virgile
familier qui reparaît en latin tardif (Plant. Amph. 616; Aul. 821 ; (ThLL, s.u. 1883,49 sqq.; cf Eutr. l, 103; c. min. 27,31 ; au singu-
Men. 199; Stick. 523 et, en latin tardif, Cypr. Ad Demetr. 17; Lact. lier, voir v. 275).
Opif. 12,12; Aug. Parm. 3,3,17; Prud. Psych. 846). - VeterisProbini 3. Ignota: sens actif («qui rend inconnu», Birt, index, p. 521),
renvoie sans doute à Petronius Probinus, consul en 341, grand- ou enallage (Taegert, p. 103). La correction de Gronovius ignotam,
père paternel des deux jeunes consuls ; et Olybri, à Q. Clodius Her- adoptée par Hall, est donc inutile, tout comme la leçon marginale
mogenianus Olybrius, consul en 379, grand-père maternel des de l'Isengriniana, obscura, qui a tout l'air d'une correction
deux consuls de 395. Tous deux sont morts avant le consulat de d'érudit: cf. Sil. 4,668 « Mulciber obscurae tectus caligine nubis ».
leurs petits-fils. Pour le thème: Prud. c. Symm. 2,658 nam cum mortalia cuncta uetus-
tas / inminuat. Vetustas anticipe sur l'avenir ( uentura lustra) : cf.
Page 8: Prop. 3,1,23 Jamae post obitum Jingit maiora uetustas (et aussi Cie.
1. L'attaque de vers uiuit adhuc est fréquente dans la poésie Mil. 98; Verg. Aen. 10,792).
hexamétrique: dans des contextes différents, Ou. Met. 12,593 et 4. Pour l'expression Atlanteosque recessus, comparer les paroles
Pont. 4,5,31 ; Lucan. 9,871 (en 8,659 uiuis adhuc) ... - Viuere se dit de Thésée à son fils chez Euripide (Hippol. 1053). Sidoine imite
souvent de la gloire (ThLL, s.u. gloria, 2066,36: Cie. Carm. 24,3; peut-être, ici encore, Claudien (Epist. 8,9,32) : imos Oceani colens
Balb. 40; Epiced. Drusi 265; Amm. 28,4,3; Claud. 4 cons. 315-6; recessus. Il n'y a aucune raison de corriger l'adjectif Atlanteos
Sidon. Epist. 8,5,1; cf. 4,18,2 ... ), mais Claudien semble bien se (Heinsius Atlantiacos), bien attesté dans la tradition manuscrite
livrer ici à une retractatio précise d'un passage où Ovide parle du (Athalanteos est une confusion), dans la langue poétique (Lucr.
grand Achille: « At uiuit totum quae gloria compleat orbem » (Met. 5,35; Hor. Carm. 1,34,10; Lucan. 5,598; Stat. Ach. 1,223; Auien.
12,617) ; même association apparemment originale de uiuere et Arat. 915; 1076) et chez Claudien, où la même fin de vers reparaît
complereà propos de gloria, avec sans doute une contamination par en Nupt. 280 ( quid numerem gentes Atlanteosque recessus / Oceani).
la fin d'un autre vers du même livre (12,56), à propos de la Dans ces deux passages de Claudien, l'océan Atlantique doit sans
Renommée Fama ( « E quibus hi uacuas implent sermonibus aures » ; doute être compris dans un sens large, en rapport avec la notion
cf. Q. Cie. Pet. 49 : « ut ... aures... sermone compleantur »). Par cette grecque d'Océan. « Au-delà de la mer»: Claudien doit penser à
allusion littéraire, Claudien suggère un parallèle entre Probus et Thulé (Sen. Med. 379).
Achille. Sex. Petronius Probus, père des deux jeunes consuls, est 5. La forme substantivée Maeotica (palus), donnée par tous les
mort depuis trois ou quatre ans au moment où écrit Claudien mss., ne doit pas être normalisée en Maeotia, comme le font cer-
(après 390-1 et avant l'usurpation d'Eugène en août 392: voir tains à la suite de Claverius. La Méotide indique ici l'extrême
Duval 1984, p. 136). Sur la carrière de ce personnage de premier n?r_d, et _l~ssou~ces du Nil, l'extrême sud. - Par synecdoque, Joue
plan qui fut consul en 371 avec Gratien, proconsul d'Afrique et ~es1gne 1c1 le ciel. Par une substitution synonymique, Claudien
plusieurs fois préfet du prétoire, A. Cameron, « Polyonomy in Late mtroduit une légère variation dans l'expression d'Horace ( Carm.
Roman Aristocracy. The case of Petronius Probus», JRS75, 1985, 1,1,25-26) : « manet sub .louefrigido / uenator ».
p. 164-82 et M.B. Mc Coy, « Corruption in the Western Empire. 6. Axis, autre terme pour désigner, par métonymie, le ciel, est
The Career of Sextus Petronius Probus», AncW 11, 1985, p. 101-6, très fréquent dans cet emploi ; chez Ovide, l'expression gelido axe
134 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES 135

se rapporte soit au pôle soit au ciel (Epist. 6,106; Pont. 2,10,48; fois, Ammien laisse entendre que ses richesses et sa conduite ne
4,14,62; Trist. 2,190; 5, 2b 20; lb. 34; cf. Prud. c. Symm. 2,534 et sont pas au-dessus de tout soupçon (voir M.A. Marié, édition des
Perist. 3,179) ; en Met. 2,59, l'expression ignifero... in a,xe le Belles-Lettres, Paris 1984, t. V, p. 268-9 n. 293) : sa fortune est-elle
char du soleil, mais chez Prudence ( Cath. 5,92 et 9,80) axe .sub juste ou non ? Ammien refuse de se prononcer : iuste an secus, non
igneo se rapporte bien au ciel. Noter le parallélisme métrique et sty- iudicioli est nostri (27,11,1). Puis il décrit Probus comme un intri-
listique des v. 36 et ':7. La structure de la phrase (cf. Rapt. 2,176) gant sinistre et cruel : il use de largesses, mais essentiellement
est empruntée à Virgile (Aen. 7,225-7), à propos de la guerre de pour ses clients, qu'il défend même quand ils sont malhonnêtes,
Troie : « audiit et si quem tellus extrema refuso / summouet Oceano alors qu'il est implacable à l'égard de ses ennemis (27,11,2). En
et si quem extenta plagarum / quattuor in medio dirimit plaga Solis 30,5,4 sqq., il montre Probus âpre au gain et cupide au point de se
iniqui ». - Les poètes antiques aiment identifier les peuples d'après livrer à des exactions fiscales (cf. Hier. chron. 246,18-21 Helm). Or
les fleuves dont ils boivent l'eau: Hom. Il. 2,825-826; Aesch. Aga. la composition des livres 26 à 31 se place probablement entre 392
1157; chez les Latins, voir ThLL, s.u. bibere, 1964, 39-66. et 396 (plutôt que 393-395 pour les livres 29-31 et 396-398 pour les
7. Le verbe intumesco se lit à partir d'Horace; même thème et livres 29-31 selon G.B. Pighi) : voir M.A. Marié, op. cit. p. 8-14. Au
presque même expression chez Plin. Epist. 7,31,3: « numquam moment où écrit Claudien, la personne de Probus était donc
secundis rebus intumuit ». Pour le thème, voir aussi Stat. Silu. contestée. Dans ces conditions, on peut se demander si les Anicii,
5,1,118, Seru. Aen. 9,279, et, sous forme positive, Sen. dial. 12,17,5. en commandant à Claudien un panégyrique sur les fils de Probus
8. Vitio (iuuat est une erreur manifeste) et seruare représentent (qui n'avaient encore rien fait de notable!), n'ont pas cherché
certainement le texte original de Claudien. En revanche, on peut une occasion de répondre indirectement aux insinuations d'Am-
hésiter entre rigorem et uigorem. Cependant, le témoignage de N mien ou de ceux qui pensaient comme lui, et de réhabiliter, si
étant isolé (il n'est corroboré que par les Exc. Cyr.,liés à lui ?) et besoin en était, la mémoire de Probus (Dopp 1980, p. 58). Une
sujet à caution (il comporte de nombreuses corrections érudites), telle préoccupation pourrait expliquer, au moins en partie, la
je préfère uigorem, qui donne un sens aussi satisfaisant, même si commande faite à Claudien. En tout cas, ce dernier insiste assez
rigor peut apparaître comme plus stoïcien (Lucan. 2,389 rigidi longuement (13 vers) sur la générosité de Probus en mettant en
seruator honesti à propos de Caton) et se lit souvent chez Claudien avant l'ampleur de ses dons, leur fréquence et le grand nombre
( 4 cons. 402; Stil. 1,32 ... ) : le luxe qui assiégeait Probus, comme des bénéficiaires: il donne ainsi l'image d'un homme désintéressé,
les flots assiègent une île, n'est pas parvenu à amollir son âme, à qui se soucie des hommes en général (hominum cateruas, v. 44;
lui faire perdre sa force, sa viguem~ qui est demeurée « intacte de populis, v. 46 = les gens), et non de ses seuls clients.
tout vice». L'expression seruare uigorem se lit en poésie tardive à Sur le thème traditionnel de l'avare qui cache ses richesses,
propos d'Achille qui, sous un vêtement féminin, a gardé sa mâle Pind. Nem. 1,31-4, Verg. Georg. 2,507, Hor. Sat. 1,1,41-2, Stat. Silu.
vigueur (Anth. Lat. 378,6 : « nunc autem proprium seruans natura 2,3,70-1 et Dion Chrys. 4,91-100, proche de notre texte. La cou-
uigorem » ; cf. aussi, dans un autre contexte, Ps. Prosp. Carm. prou. leur noire est naturellement associée aux grottes : Stat. Theb.
9 : « inuictum deceat studiis seruare uigorem »). Vigor se lit chez 10,135 nigrantibus antris; Sil. 6,161 nigro... in antro. - Noter la force
Ovide à propos d'une mère digne de son fils par sa vaillance de l'image juridique dans le damnauit du v. 43 ; même expression
(Epist. 4,118), et, surtout, Tacite offre un parallèle précis au texte dans d'autres contextes chez Lucain (9,986: « a nullo tenebris dam-
de Claudien dans le passage des Annales où il parle de Sallustius nabitur aeuo ») et Silius (15, 76 à propos de la Nature: « dege-
Crispus (3,30,4-5). Il y montre en effet que le luxe et les richesses neres tenebris animas damnauit Auernis »).
n'empêchent pas Crispus d'avoir un uigor animi: « copiaque et 10. L'image de l'averse pour décrire l'ampleur de distributions
affluentia luxe proprior. Suberat tamen uigor animi ». Claudien d'argent se rencontre dans la poésie flavienne : Mart. 8, 78,9
imite ici par contraste le passage où Silius Italicus parle d'Hanni- ueniunt subitis lasciua nomismata nimbis; Stat. Silu. 1,6,21-27 tantis
bal à Capoue (11,425-8) : « intactumque secundae / Jortunae inge- nimbis (plus tard, Coripp. Just. 4,73). Claudien, suivi par Corippe,
nium uitia adlectantia quassant. / Nec luxus ullus ... / Campanis a remplacé nimbus par le synonyme imber (cf . .Stil. 3,226), dont [ar-
modus». gus est l'une des épithètes habituelles en poésie (Lucr. 1,282;
9. Claudien consacre, si nous nous en tenons au texte transmis Verg. Georg. 1,23; et chez Claudien, Nupt. 101). Mais [argus a aussi
par les mss., 13 vers à la générosité de Probus. Celle-ci est attestée le sens moral de « généreux » : Drac. Laud. Dei 2,737 ditas opibus
par Ammien Marcellin (27,11,2) et par des inscriptions (CIL VI, bene largus egentes. Claudien joue donc habilement de la polysémie
1756 A,14 parcus opum nulli, [argus et ipse sui; AE 1972,76). Toute- de l'adjectif. - L'expression hominum cateruas se lit chez Catulle
136 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 137

(64,396), mais n'est pas spécifiquement poétique: Cie. dom. llü; ne mentionnant le nom de ce pays que pour le second. À ces 'mal-
Sen. dial. 10,13,7. De même, l'alliance innurnerae cateruae semble adresses' de conception poétique s'ajouteraient des fautes de
assez banale: Stat. Theb. 10,468; 12,657; Iuuenc. 1,682; Coripp. langue et de style.: l'enchaînement praeceps ... manus ... dona
Just. 2,384. uomens ; le sens difficile de sollicitis... collibus ou de despumat ...
harenas; la lourdeur disgracieuse de quantas ... rutilas ... harenas.
Page 9: . Ces sept vers auraient donc été rajoutés par un interpolateur, peut-
1. Konig (1808) ajugé ce vers interpolé parce qu'il pensait que être pour développer l'image contenue dans undare. Mais, d'une
« illo uersu reiecto ... sensum etiam concinniorem fieri ». Gnilka et part, cet interpolateur se serait appuyé sur Claudien lui-même
Taegert l'ont suivi. De fait, on peut supprimer ce vers sans altérer (parallèle avec Stil. 3,226-34 et Ser. 75-77) ; d'autre part, il n'a pas
le sens du passage. Mais, inversement, il est tout à fait possible de dû travailler longtemps après Claudien car la métaphore de l'ex-
le conserver, et le changement de construction après cernere erat pression manus... dona uomens renvoie à un type iconographique
(ace. avec participe, puis infinitives) n'a rien de choquant: on fréquent au IV' siècle : les représentations de la sparsio par l' empe-
trouve d'autres exemples comparables dans la poésie latine (e. g. reur. On voit ainsi un flot de monnaies se déverser de la main
Ou. Met. 13,913-5 après admirari). Il semble donc arbitraire d'athé- droite de Constance II (Chronographe de 354; Stern Calendrier
tiser sans raison dirimante un vers transmis par tous les manus- 152-164, planche 14), de Constantin I, Constance II, Constant ou
crits. - Ce vers ne se rapporte pas, comme le pensait à tort Bur- encore Valentinien I et Valentinien II (Toynbee, Medaillons 40,
man, à des représentations théâtrales : la maison des Anicii serait planches 2,15-17; 3,1-3).
comparée à un théâtre où afflue le peuple ( quippe uelut denso cur- Il est hasardeux d'athétiser un passage transmis par tous les
runt ad munera nimba) ; mais aux distributions d'argent que Probus mss. sur des impressions assez subjectives et en soulignant que l'in-
répandait en pluie. Claudien associe deux images : les_cadeaux, les terpolateur s'inspire de représentations du IV' siècle: dans une
dons qui «courent» ou «accourent» (Lygd. l,~-4 a propos_ des poésie oratoire redondante comme celle de Claudien, on pourrait,
cadeaux du premier mars : « uaga nunc certa dzscurrunt u1:d1que sur ces bases, supprimer quantité de vers jugés superflus (superflua
pompa / perque uias urbis munera perque domos ») ; les presents, demere !) ou athétiser tous les passages où le poète, selon nos
les pièces de monnaies qui tombent en pluie : Claudien reprend canons personnels, est inférieur à ce que l'on estime être sa per-
ici le terme de Martial et Stace nimbus (voir p. 8 n. 10 ; pour densus fection. Mais un poète ne reste pas toujours sur les sommets et les
nimbus: Ou. Met. 1,269; Liu. 1,16,1). Sa retractatio est amplificative. canons esthétiques de Claudien ne sont pas nécessairement les
Le lien entre les deux images se fait par le verbe curro, qui peut nôtres. Dans le cas présent, 1) l'ensemble des v. 48-54 est organi-
parfaitement se dire d'une précipitation atmosphériqu~ : Cypr. quement lié à ce qui précède; 2) l'allusion au mineur d'or peut
Gall. exod. 309-10 « decurrit ab astris / grando » (Sen. Epzst. 90,10 être comprise dans son contexte; 3) le style de ces vers n'est pas
« decursus imbribus quamuis magnis erat »). D'ailleurs, le uenire de indigne de Claudien.
Martial (puis de Coripp. Just. 4,73) est du même ordre. 1) Claudien évoque la générosité de Probus dans ses largesses
2. Claudien file la métaphore de l'eau: undare (cf. 6 cons. 545). envers les pauvres et il vient de décrire ses distributions d'argent
Virgile emploie le terme unda dans un contexte analogue ( Georg. par l'image d'une averse (v. 45 qu'il n'y a pas lieu, comme nous
2,462) ; cf. aussi Sil. 4,158-9; Stat. Theb. 2,224; Val. Fl. 1,539 l'avons vu, d'athétiser). Or, dans le passage de Martial qui parle
« undat [regio] equis floretque uiris ». , .. . des jeux donnés pour célébrer la victoire de Domitien sur les
3. Les v. 48 à 54 sont parmi les plus discutés du poeme : Komg peuples du nord, et dont se rapproche ce v. 45 de Claudien, le
a estimé interpolés les v. 49-54. Hertel, suivi par Jee~, a rejeté le_s thème de la distribution d'une pluie de monnaies est lié à celui
v. 49-50 comme inauthentiques. Sur le conseil de Gmlka et en sm- des fleuves aurifères: les richesses que charrient (ou qu'ont char-
vant ses méthodes, Taegert (p. 111-2) athétise tout le passage riées: il s'agit d'une tradition littéraire et Strabon atteste en
(v. 48-54) sous prétexte que ce développement n'apporterait ,ri~n 13,591 et 625 que l'or du Pactole est épuisé depuis longtemps)
de nouveau et qu'il comporterait un certain nombre de details l'Hermus ou le Tage (cf. ici v. 51-53) ne suffisent pas pour alimen~
choquants: l'allusion au mineur d'or (passage si difficile qu'il est ter une distribution d'argent d'une telle ampleur (8,78,5-6 et 9) :
souvent considéré comme corrompu : pour Hall, c'est un locus des- « Non illi satis est turbato sordidus auro / Hermus et Hesperio qui
peratus) coupe le développement sur les fleuves aurifères de sonat orbe Tagus /... / Nunc ueniunt subitis lasciua nomismata
manière inorganique ; après avoir parlé des fleuves d'Espag?"e, le nimbis ». Cette association d'idées fait partie de la topique du
texte ne cite que le Tage, puis passe à deux fleuves de Lydie, en panégyrique (Pan. 8,14,1). Claudien s'inscrit dans cette tradition,
138 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 139

mais il a inversé l'ordre des idées: il évoque l'ampleur des lar- mss. qui ne saurait être remplacée par la leçon marginale de
gesses de Probus, puis ajoute, pour amplifier ce thème, que les l'Isengriniana rimatur - nouvelle conjecture?) la masse d'or qu'il
richesses distribuées par sa main dépassent celles que charrient les extrait que le flux d'or déversé par la main de Probus, car le
fleuves d'Espagne, dont la réputation aurifère est ancienne, n pré- mineur voit moins d'or dans ses mains - en dépit de son travail ! -
cise cette allusion aux fleuves espagnols en citant l'un d'eux (mais que le pauvre secouru par Probus.
inutile de corrigt - en fluuium ... Hiberum, comme le propose 3) L'enchaînement imagé praeceps... manus ... uomens peut cho-
Jeep), le plus célèbre, le Tage (Tajo ou Tejo) ; puis, selon une quer un esprit étroitement rationaliste (d'où les remarques de
topique quasi proverbiale, il associe aux fleuves espagnols les deux Burman et les conjectures arbitraires de Kôstlin [princeps... domus]
fleuves fameux de Lydie, l'Hermus et le Pactole. Est-il choquant et Kônig: uehens pour uomens), mais il s'accorde bien avec une
de ne parler de la Lydie qu'à propos du second? Tous les anciens sensibilité baroque dont nous trouvons bien des traces chez Clau-
savent que l'Hermus et le Pactole sont des fleuves de Lydie, et le dien. Ce n'est pas parce que praeceps a un sens péjoratif chez Tite-
poète s'efforce de caractériser chacun d'eux: il ne fait pas un _Live(26,38,3 : praeceps in auaritiam et crudelitatem animus) ou Tacite
catalogue scientifique, il suit une topique quasi proverbiale (Otto, (Ann. 16,21 ad Jlagitia) qu'il ne peut pas avoir, dans un autre
Sprichworter, p. 261 ; 340; II,309; 316; 322) : en Ruf 1,102-3, il contexte, un sens favorable (une main qui s'incline pour donner;
unit le Tage, le Pactole et l'Hermus (cf. Seru. Aen. 10,142) ; le même iunctura, mais dans un autre sens, en Anth. lat. 478,2 praeci-
Pactole et l'Hermus, puis l'Hermus et le Pactole en Eutr. 1,214 et piti manu). En outre, cette épithète prépare la comparaison avec
2,172. les fleuves: pour l'emploi de praeceps à propos d'un fleuve, ThLL,
2) L'or extrait des mines est associé à celui que charrient les s.u. 417,6-28. Comme le note Birt dans son index (p. 537), la main
rivières pour évoquer la générosité de Constantin dans le panégy- de Probus est ici quasiment personnifiée ; et cette personnification
rique anonyme de 312 mentionné plus haut (8,14,1) : « quaenam est fréquente chez Claudien (Eutr. 1,367: quidquid amas, dabit illa
toto orbe terrarum auri argentique metalla tam larga sunt, quis manus; Stil. 3,233-4). Vomens, après praeceps, prépare le parallèle
Tagus quisue Pactolus tanto fluxit auro quantum liberalitate tua avec les fleuves aurifères ( uomo à propos d'un fleuve : Plin. Nat.
consecuti sumus? ». Pourquoi dès lors s'étonner que Claudien 3,119), et même avec la mine d'or, puisque Claudien lui-même,
fasse ici allusion à la production d'or du mineur espagnol? On dans le Panégyrique de Sérène, emploie ce verbe à propos d'un filon
trouve la même association traditionnelle (Manil. 5,522-30 ; Sen. d'or (v. 75-7): « effossis nec pallidus Astur.oberrat / montibus ...
Thy. 353-5; Lucan. 7,755-6; Mart. 10,17 [16],3-4; Prud. Ham. 259- aurum / uulgo uena uomit ».
64) en Theod. 39-41. La place de cette insertion peut surprendre : L'expression aurea dona se lit aussi bien en poésie
Claudien a présenté la topique de manière originale en insérant (Mart. 14,89,2) que dans la prose impériale: Liu. 1,11,8 et 5,23,11;
sous forme de parenthèse à l'intérieur du développement sur les Sen. Nat. 4,27; Plin. Nat. 1,33,10.
fleuves l'allusion à l'or produit par les mineurs (ajoutée par rap- 4. L'expression tellure reuulsa, dont les récurrences phoniques
port à son modèle Martial). Cette inclusion n'a pas été comprise insistantes épousent le schéma métrique, se lit déjà chez Germ.
comme telle, d'où les fluctuations de la tradition manuscrite: les 654 et Sen. Tra. 520, et, dans une autre liaison syntaxique mais en
scribes médiévaux ont corrigé un texte qu'ils cherchaient à com- fin d'hexamètre comme ici, chez Ovide (Met. 12,281 tellure reuul-
prendre ; les philologues modernes ont fait de même (Taegert, sum; cf. Rem. 87) et Lucain (8,309 tellure reuulsos). - Sollicitus doit
p. 114). Le sens général est clair : Probus distribuait plus d'or que être pris ici au sens propre ( « remué, bouleversé »), et non au sens
n'en fournissent les mines ou les fleuves aurifères; l'inclusion actif (Ou. Am. 1,6,64 sollicita carcere) comme le proposait Heinsius
parenthétique s'est faite sous forme d'une interrogation oratoire dont la conjecture Callaicis ... A.stur (cf. Ser. 75) pour .solliciti.s...
(quis). Reste à savoir quel mot précédait quis dans le texte de Clau- aurum est arbitraire et inutile.
dien. La division de la tradition manuscrite rend la tâche délicate. 5. Le mouvement de cette phrase semble s'inspirer de Lucain
Si, amené par quis senti comme indéfini et non interrogatif, n'est 7,755-6: Quidquid fodit Hiber, quidquid Tagu.s expuit auri, / quod legit
pas possible ; mais il semble bien que le mot originel ait com- diue.s summis Arimaspus harenis.
mencé par s: c'est pourquoi je ne retiens pas la conjecture de 6. Contre Hall et Taegert, la leçon metalli, mieux attestée, doit
Platnauer ecquis, séduisante par certains côtés. Entre sed et sic, ce être préférée à la leçon normalisée metallo. Claudien écrit multo
dernier semble préférable, car il introduit une comparaison, spatii en Ruf 2,172. Que la tournure quanta metalli rompe le paral-
conformément à la structure du passage. Je comprends: le mineur lélisme des deux expressions qui l'encadrent me semble un argu-
(fodiens) a moins de raisons d'admirer (miratw~ leçon unanime des ment supplémentaire en sa faveur: Claudien a recherché la
140 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 141

variété au sein du parallélisme ; certains scribes maladroitement maximi iureque praefecturae praetorianae regentis prouincias; cf. Auson.
scrupuleux ont corrigé le texte pour le normaliser. Cette fin de Epist. 10b, v. 16-18 Prete: « qui solus exceptis tribus / eris erorum
vers se lit, sous une forme un peu différente, en Ser. 54 (pretiosa primus est / praetorioque maximus »), mais aussi comme un homme
metallis; cf. Ou. Pont. 3,8,5 loca... pretiosa metallo). . assoiffé de pouvoir, qui est prêt à tout pour conserver sa préfec-
7. La construction de quantus avec un nom déterminé par un ture du prétoire (30,5,4) : tel un poisson hors de l'eau, il languis-
qualificatif doit être rapprochée de Lucr. 5,45-6: « quantae tum sait quand il était éloigné du pouvoir, et il y revenait sans cesse
scindunt hominem cuppedinis acres/ sollicitum curae ». - Claudien pour défendre ses clients (27,11,3). - La clausule ordine gentes
contamine peut-être un passage de Virgile par un souvenir .de appartient à la koinè poétique depuis Virgile (Aen. 8,722; Stat.
Juvénal: « ubi pinguia culta / exercentque uiri Pactolusque inrigat Ach. 1,410; Val. Fl. 5,181; Iuuenc. 3,23) ; pour le sens de in ordine,
auro » (Aen. 10,141-2) et « aurum / quod Tagus et rutila uoluit comparer Verg. Ecl. 7,20 et Aen. 8,629. - L'expression redondante
Pactolus harena» (14,298-9). - Despumare signifie ici «jeter en écu- summi ... Jastigia uiris (cf. 6 cons. 41 et Pall. 67) a des antécédents
mant » : comparer c. min. 26,58, à propos de la source Aponus, chez Virgile (Aen. 2,302 summi Jastigia tecti; 2,458) ou Ovide
spumans deducit. - Diues est une épithète traditionnelle pour les (Met. 5,291).
fleuves aurifères: Sen. Ged. 467; Mart. 10,17 [16],4; Val. FI. 4,463.
8. Pour évoquer, après sa gloire (v. 31-38) et ses vertus (v. 38- Page 10:
54), tous les aspects de la carrière publique de Probus, Claudien a 1. De Probus, Claudien revient à ses fils. L'éloge du père sert à
recours au topos de l'incapacité, sous une forme qui remonte à mettre en valeur les fils, puisque Claudien affirme de façon mani-
Homère (Il. 2,488-90) et qui, sous l'influence de Virgile ( Georg. festement exagérée que « les fils ont vaincu leur père» (l'expres-
2,43-44 = Aen. 6,625-6 : « non, mihi si linguae certum sint / oraque sion nati patrem uincere se lit, mais en un tout autre sens, chez Sen.
centum, ferrea uox ... »), s'est développé dans la poésie et même Med. 441) ; affirmation du même ordre, mais historiquement plus
la prose latine jusqu'à Jeai: de Salisbury: P. Courcelle, Lecteurs fondée à propos de Messalla (Pan. Mess. 31-2). Claudien se fonde
païens et lecteurs chrétiens de l'Enéide, t. 1 Les témoignages littéraires, sur le fait que les deux frères ont été consuls très jeunes, et
Paris 1984, p. 452-63 (ajouter Stat. Theb. 12,797-8; Paul. Nol. Carm. ensemble. Sur ce dernier point, voir n. compl. 6 de la p. 6 ; et en
21,351-2 ; Coripp. Ioh. 1,23-24). Parmi les nombreuses versions 414 Jérôme (Epist. 130,3,2) affirme qu'Olybrius a été consul in
poétiques de ce topos, c'est de Silius Italicus que Claudien semble pueritia, ce qui conduit Taegert (p. 26-27) à considérer Olybrius
se rapprocher le plus (4,525-8) : « Non, mihi Maeoniae redeat si (consul prior) comme âgé de 14 ou 15 ans ... et Probinus est son
gloria linguae, / centenasque pater det Phoebus fundere uoces, / tot cadet ! Mais Claudien se garde de signaler que Probus avait eu
caedes proferre queam, quot dextera magni / consulis aut contra pour collègue en 371 l'empereur Gratien, ce qui était un honneur
Tyriae furor edidit irae ». Mais, plutôt qu'un don divin de la insigne: voir Amm. 23,1,1 à propos du consulat que Sallustius par-
parole, Claudien envisage une possession par la divinité, comme tage avec Julien en 363.
dans le cas de la Sibylle: Verg. Aen. 6,77-80; Lucan. 5,163-93. 2. La description de la tension et de l'inquiétude que fait naître
Licentius (v. 132-4: « non si mihi murmura centum / det Boreas l'espérance est inspirée de Stace, avec contamination de Valerius
totidemque animas centumque per ora / lingua rigens adamante Flaccus et d'Horace. Stace décrivait ainsi l'inquiétude de Polynice
fremat, memorare queamus ») s'inspire de Virgile, mais peut-être espérant récupérer le trône de Thèbes (Theb. 1,322-3) : « spes anxia
ce topos lui a-t-il été suggéré par Claudien qu'il imite précisément mentem / extrahit et longo consumit gaudia uoto » ( longum uotum:
ailleurs (voir v. 131-5; 160-3 et 169-73). un vœu à trop long terme). L'expression mentem agere se lit chez
9. Claudien évoque rapidement, par prétérition, la carrière Val. Fl. 2,361-2 à propos de terror; et tendere praecordia chez Hor.
politique de Probus (voir n. compl. 1 de la p. 8 et M. Marié, Epod. 17,25-26 « neque est/ leuare tenta spiritu praecordia ».
Ammien Marcellin , t. 5, Les Belles Lettres, Paris 1984, p. 268 n.93). 3. Thème traditionnel dans l'éloge d'un jeune homme ou
Il fait allusion à ses préfectures du prétoire en Italie, Illyrie et d'une jeune fille: ainsi chez Symmaque, à propos du jeune
Afrique, mais passe sous silence celle des Gaules. Ammien men- auguste Gratien ( Grat. 32, p. 330,22-23 Seeck) ou chez Jérôme, à
tionne que Probus a exercé de nombreuses magistratures propos de Démétrias (Epist. 130,1,2) ; cf. aussi Themistios Grat.
(27,11,2), qu'il a été au faîte du pouvoir (27,11,7 in summis diuitia- 9,120 C-D et Paul. Petr. Mart. 1,131-2. De fait, les deux Anicii sont
rum et dignitatum culminibus) ; il le présente comme le premier des fort jeunes : voir supra n. 1.
grands dignitaires et comme gouvernant plusieurs provinces avec 4. Même thème chez Boèce ( Cons. 2,3,6) : sumptas in adulescentia
le rang de préfet du prétoire (28,1,31 uiri summatim omnium negatas senibus dignitates. L'expression poétique metas tenere (Verg.
142 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 143

Aen. 5,159; Ou. Trist. 4,8,35) suggère l'image de la course de la Mineure et se développe d'abord dans les provinces. Sous Hadrien
vie : N. Bruyère-Démoulin, « La vie est une course. est édifié à Rome, sur le Palatin, un double temple de Rome et
et métaphores dans la littérature grecque ancienne », Vénus : R. Mellor, « The Goddess Roma», ANRW II,17,2, Berlin-
p. 446-63. New York 1981, p. 950-1030. Sur la conception que Claudien,
5. Pour traiter ce thème traditionnel qui remonte à Hoh1. Od. poète venu d'Alexandrie, se fait de Rome, personnage central de
11,318-20, Claudien contamine un passage de Lucrèce (5,888-9 son œuvre, incarnation de l'Empire et de la culture latine :
« puerili aeuo florenta iuuentas / ... molli uestit lanugine malas »)
F. Paschoud, Roma aeterna, Rome 1967, p. 151-5; R. Klein, « Das
par un passage de Virgile (Aen. 8,160 « tum mihi prima genas uesti- spatantike Romverstandnis vor Augustinus», Banner Jahrbücher 185,
bat flore iuuentas » ; cf. Sen. Herc. O. 213-4 nondum teneras / uestite 1985, p. 97-142.
genas). - L'expression apparemment originale fias iuuenilis rem- La prosopopée de fleuves ou de pays est conseillée par
place l'alliance traditionnelle depuis Cicéron (cons. fr. 2,75) fias Ménandre, en référence à Homère, dans le basilikos logos (374,6-
iuuentae (ThLL, s.u. fias, 934,74 à 935,5). Au simple umbrare (Stat. 18 Spengel). Les prosopopées de Rome seront fréquentes dans les
Silu. 3,4,79 umbratusque genas; Sil. 5,439-40 barba/ umbrabat rictus), poèmes de Claudien (Dopp 1980, p. 36-7), tout comme elles le
Claudien a préféré le composé surexpressif inumbrare (cf. Apul. sont dans la littérature latine du rve s. : Paneg. 7 [6),10,5-11,4;
Met. 5,8,4 : « iuuenem... commodum lanoso barbitio genas inum- Symm. Rel. 3,9-10; Ambr. Epist. 18, 7; Prud. c. Symm. 2,80-90 et
brantem »). Le topos du puer- senex sera repris aux v. 154-5. 649-768. Sidoine Apollinaire, dans ses trois panégyriques, suivra la
6. L'invocation à la Muse est placée, comme souvent dans la voie tracée par Claudien (2,388-523; 5,13-369; 7,45-598).
poésie épique, à une articulation importante du poème : ici elle Parmi les représentations figurées de la déesse Roma (très nom-
permet, après un éloge de leur famille, de revenir aux deux breuses au IV" s., notamment sur les monnaies), R. Mellor distingue
consuls, ou plus exactement aux circonstances qui ont conduit à trois types : une Rome en amazone à la tunique courte et au sein
leur désignation. Cette emphatique invocation (voir O. Falter, Der nu; une Rome en Pallas-Athéna (Polias), casquée et à la tunique
Dichter und sein Gott bei den Griechen und Romern, Würzburg 1934 ; et longue ; un type mixte, qui modifie le type 2 par des traits caracté-
Taegert ad loc.), avec le topos de l'ignorance du poète, permet ristiques du type 1. La description de Claudien se rattache à ce troi-
d'élever le ton: avec l'entrée en scène de la déesse Roma, le sort sième type : le v. 84 renvoie à Minerve ; mais cette Minerve au sein
d'Olybrius et de Probinus devient partie intégrante du destin de la droit nu (v. 87) a des allures d'Amazone ; et elle est très proche de
Ville, de l'épopée de Rome. De fait, la désignation de ces deux la représentation qu'on voit sur la base de la colonne Antonine
jeunes aristocrates chrétiens avait une signification politique pro- (figure dans Taegert, p. 268). Claudien décrit-il une statue ou un
fonde (voir introduction). Mais on sent un peu trop l'artifice tableau? Je pencherais plutôt pour une création littéraire à partir
épique du poète pour grossir son sujet et éviter de parler de deux de souvenirs visuels (et littéraires !) . L' ekphrasis, minutieuse jusqu'à
jeunes gens qui ne s'étaient alors pas plus illustrés qu'ils ne le la préciosité, des v. 84-99 est haute en couleurs : niueos (v. 87) ;
feraient par la suite. En tout cas, le panégyrique prend de ce fait contraste chromatique au v. 90, où s'opposent, expressivement rap-
une tonalité nettement épique. prochés en début de vers, les adjectifs album et puniceo; jlaua cruen-
Le verbe docere désigne la fonction enseignante de la Muse tarum (v. 93). Claudien juxtapose deux tons chromatiques : le blanc
(Hom. Od. 8,481). Celle-ci est ici désignée par l' antonomase origi- qui, selon le canon antique de la beauté féminine, caractérise
nale Parnasia, sur le modèle de Delia, la déesse de Délos ou Cyn- Rome ; et les différentes nuances du rouge, tonalité guerrière
thia, la déesse du Cynthe : le Parnasse est la montagne des Muses (jlauus désigne un jaune qui tire sur le rouge : Sen. Phaedr: 652
comme le mont Cynthus à Délos est celui de Diane. - Quis deus est jlauus pudor). Il insiste sur les traits guerriers de la déesse, en souli-
une formule rituelle (Verg. Georg. 4,315; Aen. 9,77) qui traduit gnant l'absence de parure féminine (ni bijoux, v. 86; ni même
Hom. Il. 1,8. - Rapprocher tanti muneris auctor d'Ou. Met. 7,685-6 arrangement de la chevelure, v. 85). Son charme ( decori) est
« quaerit / ... quis tanti muneris auctor » ( cf. aussi Met. 5,657 et Mart.
empreint de virtus, qualité de guerrier, et de sévérité (seuero) ; sa
8,50 [51),22). beauté et sa pudeur s'arment de terreur (v. 91-92). Rome est une
7. L'invocation à la Muse introduit au centre du panégyrique uirago, son casque et son bouclier inspirent la crainte (v. 91-94) et
un long récit épique qui associe les dieux, en l'occurrence la ses serviteurs jettent le même effroi (v. 78 horribilis).
déesse Rome, à l'action des hommes: Théodose, encore vivant au Comme le remarque Taegert (p. 129-30), la scène décrite aux
moment où est récité le poème (v. 73-173 + 174-176: transition). - v. 73-99 (+ 100-104) peut se comparer au voyage qui mène Héra et
Le culte de la déesse Roma apparaît au ne s. av. J.C. en Asie Athéna de !'Olympe à Troie (Il. 5,720-72) :
144 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 145

- préparatifs du départ, v. 77-82: cf. Il. 5,720-732; 29,364-70. Impetus, l'élan guerrier, correspond à la victoire-éclair
-description de Rome, v. 83-99; description d'Athéna (Il. 5,.733- évoquée à la n. 7 de la page 10. - Agere proelia (Sil. 7,661-2) rem-
47); place l'expression plus commune bellum agere (Ou. Ars 1,182;
- le départ, v. 100-104 et Il. 5,768-72. Claud. Eutr. 2,325); agere exprime l'engagement des combattants
Athéna est accompagnée de Hébé et Héra (Il. 5,720-3 et 730-2) et correspond à l'amour du combat qui caractérise les démons de
comme Rome l'est par Imp~tus et Metus (v. 77-82). la guerre;. cf. Hes. [ ?] Scut. 195-6. Le pluriel agentes, attesté par
La foudre (v. 73) est souvent associée dans l'épopée aux héros tous les mss. sauf un, convient parfaitement au contexte (et semper
(Verg. Aen. 6,842-3 duo fulmina belli à propos des Scipions; 9,812) ne peut pas porter sur comitantur).
ou à la description des armes (Aen. 4,579-80). Ici, en suggérant 2. Fremitus désigne le tumulte qui accompagne les combats:
une victoire-éclair, le panégyriste peut passer sous silence les diffi- Verg. Aen. 2,338; Liu. 8,33,11... (chez Stat. Theb. 4,10, Bellone fre-
cultés rencontrées par Théodose, et ses Goths fédérés, lors du mit). Homère le personnifie sous le nom de Kudaimos(Il. 5,593;
combat. Il n'y fait qu'une allusion indirecte en mentionnant le 18,535 ; cf. Arist., Pax 255-84).
tremblement des Alpes (v. 74), autre motif épique traditionnel: 3. L'Hydaspe est un affluent de l'Indus. Dans l'imaginaire et
depuis Virgile, le paysage épique (et bucolique) est état d'âme, il l'iconographie antiques, les fleuves représentent le pays qu'ils arro-
partage les émotions et les sentiments des hommes (à propos de sent. En évoquant l'Inde à côté des «Parthes» (= ici les Perses, les
rochers ou de montagnes: Val. Fl. 2,201-2; Stat. Theb. 8,346-7; Sassanides), ennemis traditionnels de Rome, Claudien renvoie aux
chez Claudien: Ruf 2,454-5 où, dans un contexte analogue, l'uni- conquêtes d'Alexandre, pris en exemple par certains Romains.
vers se sent libéré par la mort de Rufin et les étoiles reprennent 4. La lectio difficilior, mais néanmoins parfaitement compréhen-
leur respiration ; 4 cons. 49-50). La mise en scène épique permet sible, qua paraît préférable à la leçon banalisante et nettement
de suggérer une réalité sur laquelle, pour des raisons politiques moins bien attestée quae (contra: Hall et Taegert p. 136) : en une
évidentes, le poète ne veut pas s'exprimer clairement. En même brachylogie audacieuse, Claudien exprime deux idées : Rome est
temps, il donne à Théodose une dimension cosmique, puisque maîtresse de l'éther (possidet aethera) et elle s'élance à travers l'éther
son action a des effets non seulement sur les hommes, mais sur la (qua). Rome est une divinité ouranienne: Rut. Nam. 1,48 inter side-
nature, qu'il libère de sa crainte : le discours épique est mis au ser- reos, Roma, receptapolos. Elle domine non seulement la terre, mais le
vice d'intentions panégyriques. - Inpellere hostem est une expression ciel : Cie. Catil. 3,26 à propos des conquêtes de Pompée « fines ues-
usuelle de la langue militaire (Liu. 9,27,9 « uniuersis ... hostem tri imperii non terrae, sed caeli regionibus terminaret » (imité par
primo impetu uiribus inpulit »; Vell. 2,70,1) passée dans la langue Paneg. 10 [2],10,1 « uos uero qui imperium non terrae, sed caeli
épique avec Sil. 9,333-4. - La clausule uiribus hostem appartient elle regionibus terminatis ») ; Verg. Aen. 6,792-7; Stat. Silu. 4,3,153-7.
aussi à la langue épique : Lucan. 4,641 ; 665 ; 731 ; Stat. Theb. 5. L'expression nuda latus décrit Bellone chez Val. Fl. 3,61.
6,774. -Niueus lacertus est une expression traditionnelle dans la descrip-
8. Dignas persolueregrates reprend, en inversant seulement deux tion d'une beauté selon les canons antiques : Verg. Aen. 8,387
termes, un hémistiche virgilien (Aen. 1,600 où Énée s'adresse à (Vénus) niueis ... lacertis; Ou. Am. 2,16[17],29; Sil. 14,496. Laxus
Didon) : grates persoluere dignas. - Depuis Constantin, dominus, qui a sinus: autre expression habituelle, qui se dit aussi bien de la toge
perdu sa connotation péjorative, est devenu l'un des termes offi- des hommes que de la robe des femmes (Hor. Sat. 2,3,172 ; Tib.
ciels pour désigner l'empereur: on est passé du principat au domi- 1,6,18; Ou. Rem. 680). - Le verbe coerceredécrit le mouvement qui
nat (J. Béranger, Recherchessur l'aspect idéologi,quedu principat, Bâle réunit les plis d'un vêtement: Sen. Herc. f 766-7 (à propos du
1953, p. 62-68). - Ire parat est une expression épique : Verg. Aen. vêtement de Charon) « deformem sinum / nodus coercet.» - L'image
4,118 « in nemus ire parant»; Stat. Theb. 11,143; 12,609 (cf. aussi de la morsure ( mordere, morsus, mordax) à propos d'une fibule,
Iuu. 8,130). d'une épingle ou d'une agrafe est traditionnelle depuis Virgile
(D. Korzéniewski, Hermes 101, 1973, p. 499-501) : Aen. 12,274
Page 11: « laterum iuncturas fibula mordet » ; Stat. Theb. 7,658-9 « fibula rasi-
1. Les serviteurs de Rome Impetus et Metus sont des personnifi- lis auro / Taenariam fulua mordebat iaspide pallam » ; Sidon. Carm.
cations des sentiments qu'inspire la guerre, selon la tradition 2,396-7 et 5,18-19 (dans deux descriptions de Rome qui imitent
épique: Hom. Il. 4,440 et 13,298-300 (Deimos, Phobos, Eris) ; Hes. Claudien: comparer Ol. 85-99 à Carm. 2,388-99 et 5,13-32).
[ ?] scut. 195-6; Verg. Aen. 12,335-6 (Formido, Irae, Insidiae) ; Stat. L'image est ici rajeunie par la métonymie gemma pour désigner
Theb. 7,47-49 (Impetus ... Nefas Iraeque ... Metus) ; Nonn. Dion. une fibule ornée d'une pierre précieuse (Lucan. 3,239 « fluxa
146 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 147

coloratis astringunt carbasa gemmis) : la conjonction des deux trouve déjà chez Hom. Il. 18,590. La fin de vers Mulciber arte se lit
figures crée un court-circuit métaphorique saisissant. chez Stat. Theb. 7,61 et Val. Fl. 5,433.
La scène de la louve allaitant les deux jumeaux figurait sur le
Page 12: bouclier d'Énée (Aen. 8,630-4) et sur celui de Flaminius (Sil. 5,
1. Nodus désigne par métonymie le baudrier ou ceinturnn. Fin 142-5) ; Rome porte sur son bouclier la scène qui rappelle le
de vers analogue subligat ensem chez Virgile (Aen. 8,459). - Les mythe de sa fondation. Ce motif de la louve et des jumeaux se
Romains aiment >~contraste rouge / blanc qui -fait ressortir la trouve parfois sur des représentations figurées du bouclier de
beauté du teint féminin Q. André, Étude , p. 98-99 ; 32~325 ; 346- Rome: ainsi, le bas-relief de la colonne d'Antonin le Pieux men-
347; Ph. L. Thomas, « Red and White. A Roman Color Symbol », tionnée plus haut; un sesterce de Galba (RlC l2, n°249) ; un ses-
RPh 122, 1979, p. 310-316) : Sen. Med. 99-100 (à propos de terce de Vespasien dont le revers montre Rome, les 7 collines, la
Médée) « Ostro sic niueus puniceo color / perfusus rubuit ». louve, les jumeaux et le Tibre (RlC 2, n°442, pl. II 30) et dont le
2. Même mélange de charme et de terreur inspirée dans la des- type a été reproduit sur un contorniate (A. et E. Alfüldi, Die Kon-
cription que Stace fait de Pallas-Athéna (Theb. 2,715-7: « diua torniat-Medaillons, Berlin 1976, p. 203 et pl. 195,1). Ici, la présenta-
ferox ... , / bellipotens, cui torua genis horrore decoro / cassis et tion des personnages se fait en deux temps, avec un changement
asperso crudescit sanguine Gorgon »), dans celle d'Achille déguisé de perspective : d'abord les personnages eux-mêmes (v. 96-97:
en femme (Ach. 1,335-6 « superest. .. plurimus illi / inuita uirtute Mars, Romulus - et Rémus par suggestion -, le Tibre, la Louve) ;
decor »), ou dans celle de Rome par Sidoine Apollinaire déjà citée puis Claudien revient sur les quatre personnages ou groupes de
n. 5 de la page 11 ( Carm. 5, 16-17 « terrorquepudore / cresci t ») . personnages pour indiquer la matière qui les représente. La cou-
3. La terreur inspirée aux autres est une arme supplémentaire leur compte plus ici que le mouvement : la description de Clau-
(armatur). Le panache a pour fonction d'inspirer l'effroi: Hom. dien n'est pas animée comme celle de Virgile. Le poète concentre
Il. 3,337; 6,469-70; Verg. Aen. 8,620 terribilem cristis galeam; Stat. l'attention sur les personnages eux-mêmes et sur leur signification
Theb. 10,754-5; Reposianus 128-9 galeaeque minacis / cristas (cf. Val. par rapport à la thématique du poème. Les deux jumeaux en or
Fl. 7,577 galeamque minantem). De même, le casque de Stilicon est peuvent annoncer les deux frères consuls revêtus de la trabée à fil
qualifié de galea minax ( Ser. 215). - Vmbra signifie « reflet » : Stat. d'or. Rémus est passé sous silence, ou plutôt fondu avec son frère
Theb. 9,229; Auson. Mos. 224; Claud. Stil. 2,274. - Cruentus ne (cf. Iuu. 11,103-5 « caelata ... cassis / Romuleae simulacra ferae ...
signifie pas ici «sanglant», mais « couleur de sang»: Verg. Georg. geminos sub rupe Quirinos »: voir CJ.MJ. Van Beek, « Romuli »,
1,306. Glotta 20, 1932, p. 62-64 et D. Meyer Graia et Romana uetustas ,
4. Thème épique du bouclier à l'éclat terrifiant (Apollon. Diss. Freiburg i. Br. 1977, p. 115 n.l) : le renouveau de Rome
2,1069-70; Stat. Theb. 6,665-7 clipeus Mauortis ... / luce mala Pangaea après la guerre civile doit se faire sous le signe d'une entente fra-
ferit solemque refulgens / territat) et qui rivalise même avec celui du ternelle.
soleil (Stat. Theb. 3,226 déjà cité à la n. compl. 9 de la p. 7 ; 9,856- Patrius amor: Cie. Fin. 1,23 ; Verg. Aen. 1,643-4; Ou. Met. 6,499.
7), avec une retractatio de Virgile (Aen. 7,526-7 « aera fulgent / sole - Nutrix: Cie. Diu. 2,45 « Romulus et Remus cum altrice lupa »;
lacessita »); thème assez proche en Stil. 3,65-66 (septem montes,/ qui Verg. Aen. 1,275; Ou. Fast. 2,413-22. - Electro: s'agit-il d'ambre
salis radios auri fulgore lacessunt) . Voir PJ. Miniconi, Étude des thèmes (Konig, Wedekind) ou du métal electrum (Birt index ) ? La distinc-
«guerriers» de la poésie épique gréco-romaine, Paris 1951, p. 164-5. tion est souvent difficile (L. Deroy-R. Halleux, Glotta 52, 1974, p.
Pour Titan: W. Kranz, « Die Sonne als Titan», Philologus 105, 36-52, et plus particulièrement 44-46). Ici, l'association avec aura,
1961, p. 290-5. aera et adamante plaide en faveur du métal, dont la couleur jaune
5. La description d'un bouclier forgé par Vulcain appartient à pâle convient au Tibre, traditionnellement qualifié depuis Ennius
la tradition épique depuis l'Iliade: bouclier d'Achille, 18,478-608; de jlauus.- Tiberis: contre Hall, et en dépit de l'argumentation peu
cf. le bouclier d'Héraklès dans l' Aspis attribué à Hésiode. Sidoine convaincante de Taegert, je conserve ici la forme transmise par les
Apollinaire, à l'imitation de Claudien, décrit par deux fois le bou- manuscrits. - La couleur de l'airain (fuluus: Ou. Epist. 3,31 ;
clier de Rome ( Carm. 2,395-6 illius orbem / Martigenae, lupa, Thybris, Met. 1,115) est adaptée à celle de la louve (Verg. Aen. 1,275; Ou.
Amor, Mars, Ilia comptent et 5,22-31). L'expression tata (= summa) Met. 11,771-2). - Adamas (Hes. Theog. 161), en latin depuis Virgile
arte rappelle deux passages virgiliens à propos du bouclier d'Énée (Aen. 6,552), peut désigner aussi bien l'acier que le diamant. Ici,
(Aen. 8,401 et 441-2) : quidquid in arte mea possum promittere curae et le contexte et le rapprochement avec le bouclier d'Énée
usus /. .. omni nunc arte magistra. L'idée de bigarrure ( uariarat) se (Aen. 8,700-1 Mauors / caelatus ferro) plaident en faveur du métal
148 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 149

(Hor. Carm. 1,6,13 Martem tunica tectum adamantina). L'acier, à [3],2,4. Un peu plus loin dans ce même panégyrique de 291 (9,1-
cause de sa dureté, est le métal caractéristique des combats. 4), Mamertin loue le passage des Alpes par Dioclétien et Maxi-
6. Voyage de Rome jusqu'au champ de bataille (v. 100-12). La mien : tanta Jacilitate illa quae tune aliis forent inaccessibilia superastis.
rapidité de ce voyage (v. 100-4: iam simul, rajJido uelocior, nec traxere De la même façon, Claudien louera Théodose (3 cons. 89-90) : Te
moras sed lapsu protinus uno, tetigere locum) contraste avec la lon- propter et Alpes / inuadi faciles. À ces défenses naturelles s'ajoutait
gueur des préparatifs et la longu~ ekphrasis cl~ Rome, ~in~i tout un réseau de fortifications (v. 109) : voir Th. Ulbert (éd.), Ad
qu'avec la descriptio1~ détaillée du site de 1~ bataille-: les defiles Pirum (Hrusica). Spatromische Passbefestigung in den Julischen Alpen,
tortueux qui traversent les Alpes Juliennes. A la différence de ce München 1981.
qu'il fera en 4 cons. 70-110, Claudien ~et ~ci sur le ~ême plan,
sans la moindre différence, les deux victoires de Theodose sur Page 13:
Maxime en 388 et sur Eugène en 394 (cf. v. 138-139; Ruf 2,387- 1. Dans l'antiquité tardive, le terme tyrannus (v. 108) désigne
90; Gild. 376-7; Cet. 284-6; 6 cons. 91; Prud. c. Symm. 1,410). l'usurpateur, celui qui a pris le pouvoir ill,également (Cod. Theod.
Comme au cinéma, la description de Claudien va de la perspec- 5,8,1 en 314, etc.). Les gemini tyranni (Etéocle et Polynice chez
tive la plus large (les paysages alpins, v. 104-8) aux détails particu- Stat. Theb. 1,34) désignent ici Maxime et Eugène, comme en
liers (v. 109-12), pour s'arrêter finalement sur le héros Théodose 4 cons. 72; Cet. 284 ou chez Prud. c. Symm.l,410. En Gild. 6, Gil-
(v. 113 sqq.). don est traité de tertius... tyrannus. - Fides a ici le sens de spes: Hor.
Avec Taegert (p. 14 7), je pense que la ponctuation adoptée par Epist. 1,7,87 « spem mentita seges ». L'année suivante (3 cons. 91-
Hall, qui rattache iam à stridunt ( iam, simul... equis, stridunt) n'est 92), Claudien dira d'Eugène : spes inrita ualli / concidit et scopulis
pas satisfaisante : simul porte sur emissis plutôt que sur fertur. - Emit- patuerunt claustra reuulsis (cf. Zos. 4,58, 1-2).
tere equos est une expression traditionnelle (Varra Rust. 2,7,1; 2. Effet de grossissement épique, mais qui correspond aux
Lucan. 4,765; Stat. Theb. 6,410) : il n'y a pas lieu de la remplacer paroles de Pacatus dans son panégyrique de Théodose (Pan. 2
par immissis, comme le conjecture Taegert à partir de Verg. Aen. [12],34,2-3) : Lucan. 6,180-1 ; 7,790-1 « excelsos cumulis aequantia
12,333-4. - Rapidus: épithète de nature de l'Eurus (Germ. fr. colles / corpora » ; Sil. 1,418 « corporibus cumulatus creuerat agger»;
4,159; Sil 8,111; Nemes. Ecl. 4,14 rapidis... fugacior Euris). La fin 15,766-8. Spectacle du même ordre en Stil. 1,131-2: « ualles,
de vers ocior, uelociorou citatior Euro est fréquente en poésie depuis quas ... / stragibus aequauit Stilicho ». L'adjectif profunda (même
Virgile (Aen. 8, 223 « fugit ilicet ocior Euro»; 12,733; voir ThLL, iunctura chez Stace Theb. 10,95-96) fait ressortir le grand nombre
s.u., 1079,46-50). - L'attaque de vers fertur equis est virgilienne des cadavres. On notera que Claudien s'en tient à une description
(Georg. 1,514; Aen. 1,476; 5,574). anonyme, sans nommer les chefs du parti adverse.
7. La lumière accompagne traditionnellement les épiphanies 3. En contraste avec le spectacle de confusion et d'horreur
des dieux, et notamment leurs voyages aériens : Stat. Theb. 6,385-8 décrit dans les vers précédents, Claudien présente son héros,
à propos d'Apollon « extemplo ... radiante per aethera saltu / ... Théodose, dans un décor bucolique, assis dans l'herbe sous un
uenit ... / ... / claraque per Zephyros etiamnunc semi ta lucet » ; arbre (cf. Verg. Aen. 5,388 à propos d'Entelle). Le motif épique du
Claud. Rapt. 1,231-2 « diuino semita gressu / claruit ». Ici, Clau- héros assis sous un arbre apparaît chez Homère (Il. 5,692-3 ;
dien se souvient de Val. FI. 1,568-9 à propos de Jupiter: « ingenti cf. Verg. Aen. 10,834-5 à propos de Mézence : corpusque leuabat /
flammantem nubila sulco / direxit per inane facem ». arboris acclinis trunco). - La tradition manuscrite se partage entre
8. Le mouvement de la phrase de Claudien rappelle Stace Silu. exacto et exhausto. La première leçon peut s'appuyer sur un paral-
4,3,114-5: fine uiae ... imo, /qua.À propos des mêmes événements, lèle d'époque carolingienne : Heiric d'Auxerre, rxe s. ( Vita Ger-
Ambroise écrira ( Obit. Theod. 7) : cum locorum angustiis et inpedimen- mani 4,42 PAC 3,477: « clarior exacto rediit certamine uictor» - la fin
tis calonum agmen exercitus paulo serius in aciem descenderet.- Curuis de vers est déjà virgilienne: Aen. 5,493). Mais la seconde, bien
anfractibus : expression virgilienne pour désigner le_s défilés tor- attestée dans la langue épique (Verg. Aen. 4, 14 bella exhausta ;
tueux d'un vallon (Aen. 11,522; cf. Val. FI. 4,727; Amen. Arat. 141 Sil. 6,655-6; Stat. Silu. 1,1,18), est plus riche de sens et mieux
à propos de la constellation du Dragon ; Prud. Ham. 144 à propos adaptée au contexte : elle implique une idée d'effort (cf. v. 11 7-8).
des détours sinueux où Nemrod-Satan chasse les hommes). - Caespesgramineus: Verg. Aen. 11,566; Ou. Am. 2,16 [17],10; Trist.
9. Congestis scopulis: Liu. 28,15,13 « saxis undique ... congestis 5,5,9.
augent ». Pour les Romains, les Alpes apparaissent comme le rem- 4. La réjouissance de la terre est liée au thème de l'épiphanie
part de l'Italie: Cie. Prou. cons. 34; Flor. Epit. 1,38,6; Pan. 11 d'un dieu (E. Pax, «Epiphanie», RAC 5, 1962, p. 844-6), en l'oc-
150 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 151

currence l'empereur Théodose. Ici, sa joie est liée à la victoire, peut s'appuyer sur des parallèles: Verg. Aen. 3,35 « Gradiuum ...
dont la couronne était pour les anciens la marque • la terre prend patrem Geticisqui praesidet aruis » ; Stat. Theb. 6,665 « Qualis Bisto-
la place de la déesse Victoire pour couronner elle-même l' empe- niis clipeus Mauortis in aruis ». Je préfère donc, avec Birt, la
reur victorieux, en reconnaissant en lui son maître ( dorninum conserver en considérant h(a)emo comme une interpolation (peut-
suum). Comment affirmer de façon plus universelle la être à partir de Ruf 1,334). - La Thrace est le pays d'Arès: Hom.
domination de l'Empire _romain? Des scènes de couronnement Il. 13,301; Od. 8,361. L'Hèbre (= la Maritza) est le fleuve principal
par la personnificàtion d'un lieu sont souvent représentées dans de Thrace et il est souvent associé à Mars: Verg. Aen. 12,331-2;
l'iconographie, en particulier sur des monnaies de la fin du me s. à Val. Fl. 7,645-6; Sil. 17,487-8.
légende RESTITVT. ORBIS ou ORIENTIS (Valérien, Aurélien, 7. Bellone est liée à Mars (Verg. Aen. 8,703; Stat. Theb. 2,718-
Probus, Carus). Voir S. MacCormack, Art and Ceremony in Late 9) ; elle s'occupe de son char (Sil. 4,438-9; Stat. Theb. 7,72-74) :
Antiquity , Berkeley-Los Angeles-London 1981, p. 219, pl. 55. - La voir J.H. Waszink, « Bellona », RAC 2, 1954, p. 126-9. - La variante
végétation pousse miraculeusement au contact d'un dieu : Hom. gerit est une interpolation ou une glose (cf. 4 cons. 12; Sen. Ag.
Il. 14,34 7-9 (la terre fait naître un tapis de gazon sous Zeus et 880). - La variante bellique, donnée par un ms. assez tardif (F9 ) et
Héra) ; Claud. Rapt. l, 188-90 flauescit aristis / orbita, surgentes certaines des premières éditions, ne saurait être préférée à
condunt uestigia fruges; uestit iter comitata seges; Ser. 30,92-93 purpura Bellona: Claudien ne répugne nullement aux répétitions (voir n.
surgebat uiolae factura cubile / gramineum, uernatque tori rega lis imago. compl. 6 de la page 7). - Soluere equum: Hor. Epist. 1,1,8.
5. Description traditionnelle du guerrier après l'effort : Hom. 8. Depuis Verg. Aen. 9,698, cornus est une métonymie fréquente
Il. 16,109-11; Enn. Ann. 406-7 Vahlen; Verg. Aen. 5,199-200 « creber pour désigner la lance de cornouiller. Certains considèrent la fin
anhelitus artus / aridaque ora quatit, sudor fluit undique riuis » ; de vers in hastam comme corrompue (glose de cornus?) : Barth
9,812-4; Lucan. 4,622-3 « creberanhelitus ... / ... et gelidus fesso de propose in hostem ou in actam; Wakefield et Jeep, in altum; Sixti-
corpore sudor»; Paneg. 3[11],6,4. - Sudor calet: Stat. Theb. 8,7 belli nus (ap. Burman) et Taegert, in astra (Sen. Herc. O. 1637-8 « alter-
sudore calens. - Creberquerecurrit: clausule reprise en Eutr: 2,323-4. nae trabes / in astra tollunt. .. rogum ») ; Hall met une crux. Wede-
En contraste avec cette description humaine, la lumière jaillit de kind justifie l'expression par un hypallage ; Birt glose « in modum
son visage comme de celui de la divinité : comparer Verg. Aen. hastae » (explication modale). Avec Heinsius et Gesner, je consi-
2,589-91; Sil. 7,466-7; Claud. Theod. 132; 4 cons. 359. Chez dère in comme final et comprends « qui lui sert de haste, trans-
Horace, la lumière jaillissait déjà du visage de l'empereur (Carm. formé en lance». - Tremulus à propos de la lumière: Verg. Aen. 7,8
4,5,6-7). De même l'adjectif placidus à propos du visage est un « splendet tremulo sub lumine pontus » ; Sil. 14,566 ; splendoribus est
attribut commun aux dieux (Ou. Met. 15,692; Fast. 4,161-2; Stat. un pluriel d'intensification. - Ferire à propos des rayons de
Theb. 1,202) et aux empereurs (Ou. Fast. 2,17-18; Mart. 5,6,10 à lumière : Verg. Aen. 8,25 ; Ou. Met. 7,804. - Hebrum: cf. n. compl. 6
propos de Domitien : cum fulget placido suoque uultu). - La clausule de la p. 13.
casside uultus est fréquente dans la poésie épique: Lucan. 7,586; 9. Vt stetit (à propos de Rome, Stil. 2,275 constitit ante ducem) est
Val. Fl. 6,760; Sil. 10,648; Stat. Theb. 9,879. une attaque de vers épique: Ou. Met. 4,678; Stat. Theb. 1,114; ...
6. La comparaison avec Mars ( Gradiuus) et Bellone (v. 119-23) Ennod. 388,99. - Aurae a bien ici le sens de « souffle, air», et non
rapproche Théodose de la représentation traditionnelle de Rome. celui de nebula (Barth; Birt index, p. 476) ; l'expression discussas
- Horrendus à propos de Mars : Sen. Oed. 89-90 uis horrida / Mauor- per auras doit être rapprochée de Verg. Aen. 9,645 à propos d'Apol-
tis; Claud. c. min. 29,44 horrificum belli regem. - Aruo: leçon trans- lon: dimouet auras (cf. Sil. 13,238; Stat. Theb. 12,773-4; Silu.
mise par trois groupes de mss. sur quatre. Hall et Taegert lui pré- 5,3,53).
fèrent Hae1no, cette montagne de Thrace étant souvent associée à
Mars: Sen. Herc. O. 1280; Stat. Theb. 1,275; 5,357 « auerso risit Page 14:
Gradiuus in Haemo »; 9,532-3; Sil. 11,464; Claud. Ruf 1,334-5 1. La nature réagit à la présence de la divinité (voir n. compl. 4
« Mauors, nubifero seu tu procumbis in Haemo / seu ... » ; de la p. 13) : Verg. Aen. 3,90-2; 6,256-7; Ou. Met. 7,629-30; Stat.
Eutr. 2,106). Il est vrai que Claudien, dans le reste de son œuvre Theb. 1,208-9. Sur la maiestas de Rome: ThLL, s.u. 154,68-155,32.
conservée, n'emploie que le pluriel arua (30 emplois). Mais Vir- Retenue, après d'autres, par Birt, Hall et Taegert, la leçon ter est
gile emploie deux fois aruum au singulier ( Georg. 2,24; 3,136) tentante dans un tel contexte: le nombre trois est magique (voir
pour plus de 80 emplois du pluriel : 1 singulier en face de 30 plu- n. compl. à Rapt. 2,6), et l'on pense à Sen. Oed. 569-70 et 575-6
riels donnerait une proportion analogue. De plus, la leçon aruo « ter ualles cauae sonuere maestum... et totum nemus / concussit
152 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 153

horror ». Mais il est difficile de retenir cette leçon du seul ms. tar- île du Nil: Mela 1,9,2) et l'extrême nord (Les Sarmates et le
dif A contre le témoignage unanime de tous les autres : le scribe Danube ; le Corus, vent du nord-ouest : même fin de vers chez
de A connaissait trop bien ses classiques ! Verg. Georg.3,356 frigora Cauri; et dans le c. min. 28,3). Ce passage
2. H(a)ec est la leçon de tous les uetustiores. Il n'y a a été imité par Lice:ritius (v. 56-60) : « non me dura gelu prohibe-
lui préférer hic (Hall et Taegert, avec deux mss. du : rent frigora cano / nec fera tempestas... / solstitio Neuros [ ?], bruma
R deuxième partie et V4 ) ou la cortjecture d'Heinsius huic: l'ace. sectabimur Histrum ».
n. pl. haec, complément de ait, annonce les paroles de Théodose. 6. À la suite de Frontin (88, 1 regina et domina orbis), le terme de
3. La place au centre du poème et la longueur de l'entretien regina est fréquemment appliqué à Rome au IVe s. : Pan. 4
entre Théodose et Rome en soulignent l'importance dans le [10],35,2; Amm. 14,6,6; Prud. c. Symm. 1,430 et 464. Au début du
contexte politique de janvier 395 (voir introduction). À Théodose V° s.: Rut. Nam. 1,47.
qui lui demande avec respect les raisons de sa venue (v. 126-35), 7. Avec Birt, et contre la plupart des éditeurs depuis Heinsius
Rome répond par une demande en faveur d'Olybrius et Probinus (y compris Jeep, Hall et Taegert), je conserve la leçon quod, de
qui s'achève en vœux pour l'Empire romain (v. 136-63) ; et Théo- loin la mieux attestée : Claudien use assez souvent du quod com-
dose acquiesce (v. 164-73). Il rappelle la mission impériale et civili- plétif, y compris après des verbes de déclaration, comme au v. 138
satrice de Rome: cf. Verg. Aen. 4,231 ; Hor. Carm. 3,3,43-44; (voir n. compl. à pr. Rapt. 2,31 et Birt, index , p. 567). - Castra (cf.
Rut. 1,63-66; Claud. Gild. 47-48 et surtout Stil. 3,136--7 armorum 4 cons. 502 « ipsa suo pro pignore castra laborant ») désigne par
legumque parens ... primique dedit cunabula iuris et 6 cons. 428 legum... métonymie les soldats en campagne : Sil. 8,345 pugnabunt castra ;
matri. Puis il se présente avec emphase comme le défenseur de Stat. Theb. 4,663 castra simillima regi.
l'Empire, dans sa totalité géographique, au service de Rome 8. Sur la portée politique du discours de Rome dans le
(v. 131-5). Rome approuve explicitement ce dernier point (v. 136-9). contexte de 394-395, voir n. compl. 3 de la p. 14. Elle reconnaît
Une telle présentation de la politique de Théodose était propre à d'abord l'activité militaire de Théodose pour le Latium: de façon
rassurer l'aristocratie romaine au sortir d'une guerre civile où elle générale (v. 137), puis dans sa lutte contre les deux usurpateurs
avait pactisé avec l'usurpateur vaincu. Mais il n'y a pas lieu de Maxime et Eugène, abattus respectivement en 388 et 394 (v. 138-
considérer cette prosopopée comme la transposition rhétorique 9: rursus et paribus établissent un parallèle entre les deux usurpa-
d'une ambassade sénatoriale auprès du vainqueur, laquelle aurait teurs, sur lequel Claudien reviendra : Ruf 2,387-90 ; 4 cons. 70-
aussi peu de vraisemblance chronologique qu'historique (Taegert, ll O; Gild. 376-7; Cet. 284; 6 cons. 91). Le prince légitime assure la
p. 32-33). libertas des citoyens (v. 140: cf. Stil. 3,ll3-5), alors que les tyrans
4. Je conserve la leçon de la majorité des mss., en comprenant usurpateurs leur imposent la servitude ( seruitium). Ce préambule
consors Tonantis addicta (Tonanti) comme un troisième vocatif. Les introduit la demande (v. 140-59), fondée sur une présentation des
conjectures d'Heinsius (consorsque) ou de Birt (ac dicta) sont aussi candidats (v. 142-55) qui constitue une sorte de panégyrique en
inutiles que les corrections de laJuntine (adiuncta) ou de la Vicen- miniature: genos (v. 142-43a); genesis (v. 143b-46), thème particu-
tine ( Tonanti). lièrement important du fait que les deux frères sont nés à Rome;
5. À la leçon laborestransmise par tous les manuscrits, mais que praxeis sous forme de synkrisis avec les héros républicains, qui
Jeep corrigeait en calores,Hall et Taegert préfèrent la leçon uapores cache l'absence d'exploits déjà accomplis par les deuxjeunes gens
attestée par Del Rio, qui l'attribue à un uetus liber (cf. Ou. Met. (v. 147-9); paideia (v. 150-5la); epitedeumata (v. 15lb-55), avec le
2,301 ; Lucan. 4,305). Vaporesfait une belle antithèse avec sub fri- topos puer / senex. Cet éloge permet d'introduire la demande pro-
gore Caros.Mais le déterminant géographique Libycos implique à lui prement dite (v. 156-9). Des vœux pour l'Empire sanctionneront
tout seul l'idée de chaleur, et Claudien n'avait pas besoin de la l'acquiescement de Théodose (v. 160-3).
souligner pesamment. Labores, en revanche, ajoute quelque chose 9. Comparer Ou. Met. 9,428 « nostri si qua est reverentia » et Stat.
de nouveau en annonçant lev. 137 (quod ... laborent) ; cette fin de Theb. 11,467 « nusquam reuerentia nostri » (fin de vers comme ici).
vers se lit chez Lucain (9,881 ; en 9,588 la tradition manuscrite Claudien reprendra l'alliance manet reuerentia en 4 cons. 504 (cf.
hésite entre uapores et labores !), Némésien (Cyn. 262) et Paulin de aussi Cet. 499 « si cura tibi manet ulla tuon.im »). Le rapproche-
Pella (Euchar. 187). ment avec Lucil. 190 Marx « uera manet sententia cordi » (Birt,
Pour exprimer la totalité géographique de l'Empire, Claudien Taegert) me paraît fortuit.
use, comme aux v. 36-38 et 160-3, d'expressions polaires qui dési-
gnent l'extrême sud (Libye; Méroé, qui est pour les anciens une
154 NOTES COMPLÉMENTAlRES NOTES COMPLÉMENTAlRES 155

Page 15: Page 16: . ,


1. Le vocabulaire des v. 143-4 est traditionnel. Pour pignora 1. Sur le topos de •la sagesse dans la Jeunesse (Menandr~
cara: Verg. Ecl. 8,92 (même position métrique) ; Ou. Met. 3,134; 372,2 sqq. Spengel), et plus précisément ici: du puer-s~nex (sen_z-
Stat. Ach. 1,782-3. Pour festa lux: Moret. 67; Hor. Cann. 4,6,42; lem... iuuentus, en fin de vers ; cf. v. 67-70), vmr E.R. Curuus, La lit-
Tib. 2,1,29. Fouere gremio: Verg. Aen. 1,692 et 718; Stat. Theb. 1,60- térature européenne et le moyen âge latin, trad. Bréjoux, Paris 1956,
61 et Silu. 1,2,107-12 et 260-1. Comparer les v. 144-5 à Rapt. 2,46- p. 122-5; C. Gnilka, Aetas spiritalis (Theophaneia 24), Bonn 1~72,
47: « cunabula Tethys / praebet et infantes gremio solatur anhelos » ; p. 269 et « Greisenalter », R1C 12, 1983, p. 995-1094 (plus particu-
et Drac. Rom. 5,296-7: « infantem gremio tenui, simul ubera paruo / lièrement 1028-30). Claudien se limite à des généralités, faute de
urbs mater ... dedi cunabula praestans ». pouvoir citer des mérites précis. D'où des expressions banales et
2. Une comparaison avec les héros républicains traditionnels traditionnelles comme cura grauis (Hor. Sat. 1,2,110 ; Ou.
remplace le topos des praxeis tou polemou (Ménandre 374,25-31 Met. 3,318-9; Sil. 8,233), animus senilis (Liu. 10,22,3), ig;nea iuuentus
Spengel). Les exempla sont groupés par deux. Les Decii et les (Quint. Inst. 11,3,28; Cels. 2,1,5; Claud. Cet. 498 calidae rapuit te
Metelli sont associés en chiasme par la disposition de leurs épi- jlamma iuuentae), Jrenare corde (Sil. 8,288 ; n:-ême .image du frein
thètes. P. Decius Mus, en 337, puis son fils, en 295, se sont qu'il faut imposer à la jeunesse chez Cie. Diu. 2,4; Claud.
«dévoués» à Rome: Liu. 8,6 et 9-11; 10,26-30. La famille des Stil. 3,120-1).
Metelli a donné de nombreux généraux à la République romaine ; 2. Fin de vers empruntée à Stat. Theb. 11,505 (cf. aussi Ach.
Lucain les avait déjà associés aux Camilli, en mettant comme ici 1,942 « nimis improba posco ». Faut-il, avec S. Axelson 1944 (p. 68),
leurs noms en parallèle en fin de vers (2,544-5). Les Scipions et les supposer un jeu de mots sur improba (Rome demande non improba,
Camille sont mis en parallèle aux deux bouts du v. 149, chaque mais les « pignora cara Probi ») ?
nom propre étant précédé d'un déterminant appositionnel. 3. Quelle peut être la signification des vœux de Rome concer-
P. Cornelius Scipio Africanus maior mit fin à la deuxième guerre nant la stabilité, voire l'extension de l'Empire ? Rome veut-elle
punique par sa victoire à Zama en 202 ; et P. Cornelius Scipio dire que cette domination idéale serait obtenue par les deu~
Aemilianus Africanus Numantinus, à la troisième, par la prise de jeunes consuls ? Elle aurait alors - et C~audien ave_celle - ~ne n~1-
Carthage en 146 ; Virgile les avait déjà nommés Sciapiadas (Aen. veté bien grande: l'aîné des deux freres, Olybnus, devait. ~vmr
6,843). La ferocitas des Puniques (v. 148) est proverbiale : Verg. 14 ou 15 ans (voir n. compl. 1 de la p. 10) ! Le message poht1que
Aen. 1,302-3 ferocia Poeni / corda (voir G. Devallet, « Perfidia plus doit plutôt être le suivant : si l'Empereur et le Sénat, au sortir de
quam punica: l'image des Carthaginois dans la littérature cette guerre civile, s'accordent à l'intérieur (et la nomination des
latine ... », Lalies 16, 1996, p. 17-28). Quant à M. Furius Camillus, il deux jeunes Anicii serait le signe tangible de cet accord), alors
prit Véies en 396, puis libéra Rome des Gaulois en 390 : Liu. 5. (sic) l'Empire romain (nabis ... nostra ... Romana: Rome est person-
3. Le choix entre les leçons fatale et letale, chacune attestée par nellement partie prenante) connaîtra des succès extérieu~s. - Clau-
deux groupes de mss., est difficile: Birt, Hall et Taegert préfèrent dien évoque les frontières de l'extrême-nord (Araxe, Rhm) ~t- de
fatale parce qu'habituel en un tel contexte : Taegert cite Stat. l'extrême-est (Sémiramis, Les Mèdes, le Gange). Dans la trad1t10n
Ach. 1,475-6 Teucris Priamoque ... / fatalem; Flor. Epit. 2,15,12 fatale latine l'Araxe est un fleuve arménien (Lucan. 7,188). Faut-il lire
Africae nomen Scipionum. Mais Claudien, par souci de retractatio, a Oaxes' (cf. Verg. Ecl. 1,65 et Seru. ad. loc.) au lieu d'Araxes? N?n.
pu préférer letalis. L'Araxe est associé à la Scythie chez Quinte-Curce (7,3,19 « Illmc
4. Dans l'éducation des jeunes gens, comme dans celle des Caspium fretum et amnem Araxen nobiliaque regionis Scythicae
jeunes filles (Ser. 146 sqq.), Claudien aime insister sur la place de la deserta spectat ») et dans une expression polaire où Lucain veut
culture littéraire (Pieria studia: Ou. Pont. 2,5,63 Pieridum studio). - désigner comme Claudien les limites géographiques de l'Empire
Pour l'image du flot d'éloquence: Auson. prof 1,17 Prete dicendi tor- (avec les Séres et les sources du Nil: 1,18-20). L'Araxe, qui symbo-
rens tibi copia; Sidon. Epist. 9,7,4 eloquium exundans. - La parcimonie lise comme de coutume (voir n. compl. 3 de la p. 11) le pays où il
dans le repos et la frugalité alimentaire sont des topai panégyriques: coule, désigne ici la Scythie en tant qu' extrême-nord de l'Empire
Pan. 2 [12],13,3-14,4; 3 [11],11,3; Stil. 2,142-5; tout comme la droi- (cf. Ruf 1,376; 4 cons. 387; Gild. 31). La dernière pol~tique d~
ture des mœurs: Pan. 3 [ll],11,3; 4 [10],5, 6; 7 [6],4,1; Stil. 2,131- romanisation des deux rives du Rhin (v. 161) remonte a Valenti-
42. Claudien se souvient probablement de l'éducation à la dure que nien I (370). Fondée par Sémiramis et célèbre par ses fortifica-
le latin Numanus, dans l' Énéide (9,603 sqq.), oppose à la mollesse tions, Babylone symbolise encore l'Empire perse, bien qu'elle n'en
orientale: « desidiae cordi, iuuat indulgere choreis » (v. 615). soit plus la capitale: Lucan. 1,10; Stat. Silu. 4,1,40-41; Claud.
156 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 157

Eutr. 2,475-6. L'adjectif Semiramius semble avoir été créé par Ovide ~mle cliché dixerat (22 emplois chez Virgile), on notera le paral-
(Met. 5,85) ; il est employé par Martial (8,28,18) et, à l'imitation lele avec Stace, Theb. 8,134-6: nuntius ... aduolat (cf. Eutr. 2 474-5.
de Claudien, par Sidoine Apollinaire, qui fait dire à Rome dans le Prud. Cath. 4,55). ' '
Panégyrique d'Anthemius ( Carm. 2,449) : « nostra Semiramiae rident ad 4. Les v. _l75-6 s'i?-spirent de deux passages de l'Énéide: « tum
classica portae ». plausu frem1tuque mrum studiisque fauentum / consonat omne
4. Les dix vers de lq réponse de Théodose sont lourds de signifi-
Inemus ••• / pulsati colles
. . clamore resultant » (5 , 148-50 ,• 1m1
· "t'e par
cation politique : Claudien donne volontairement l'image d'un uuenc. 1,83 ?) ; « hic muenum chorus, ille senum ... / consonat
empereur obéissant à Rome, et l'éloge appuyé de Probus qu'il omne nemus strepitu collesqueresultant » (cf. aussi Hor. Sat. l 2 129
place dans sa bouche prend une résonance particulière en 395 pulsa d~mus strefitu et Plin. Paneg. 73,1 resultantia uocibus tecta)'. '
(voir introduction). Théodose exprime son sentiment de reconnais- , ~- L express10n ueneranda parens, en même position métrique,
sance éternelle par une série d' adynata (E. Dutoit, Le thème de l'ady- des1gne Rome en Cet. 52 (Paul. Nol. Carm. 10,189 et 21,344: uene-
naton dans la poésie antique, Paris 1936), servilement reprise par rande parens).
Licentius v. 98-102: « ante Thyesteis iterum male territa mensis / inter- 6. Le filage_ et le tissage sont des activités traditionnelles de la
rupta dies rejugos uanescat in ortus, / ante dabunt imbres Nilum, super matrone ~~~ame ~H. Sc~r~ff, « matrona », RE 14, 1930, 2302-3;
aethera dammae / errabunt... / quam ... ». L' adynaton sert souvent, et, dans_ 1 ep1?raph1e funeraire, R. Lattimore, « Themes in Greek
comme ici, à exprimer l'éternité du souvenir d'un être cher (Verg. and Lann Ep1taphs », Urbana 1942, p. 297). Claudien imite ici un
Ecl. 1,59-63; Dirae 98-101; Ou. Pont. 4,5,41-4; Rut. Nam. 1,53-4). passage de _Stace (Theb. 11,401-2 à propos d'Argia): « ac pollice
Certaines des propositions impossibles de Claudien ont des précé- ~octo / stamzna p~~pureae sociauerat aurea telae ». L'expression pol-
dents dans la poésie latine : comparer le v. 170 à Sen. Herc. O. 336- lzce docto est trad1t1onnelle (Ou • Met . 11 , 169-70) . Ell e sera repnse
·
8 : « Indos ante glacialis polus / Scythasue tepida Phoebus inficiet e? clausule d'hexamètre par Prud. Psych. 364 à propos de la Foi et
rota / quam ... »; ou les v. 171-2 à Ou. Pont. 4,6,47-50 « utque Si_do~. Ca~m. 15,181 ~c pollice docto (comme chez Stace). _ La tra-
Thyesteaeredeant si tempora mensae [Met. 15,462 Thyesteis... mensis], bee· a· fil1·d or est .le vetement consulaire: Verg • Ae n. 7,612-3 « 1pse
·
/ solis ad Eoas currus agetur aquas, / quam quisquam ... / arguat Qum~a 1 trabea cznctuque Ga?ino / ... consul » ; Auson. Epist. 23,65
ingratum non meminisse sui ». Sur le thème du jour qui fuit l'hor- Prete. .auratus trabeae ... amzctus• Cinctus ne do1·t pas de'signer
· · ·
. ici
reur du repas de Thyeste, comparer Lucan. 1,543-4 « qualem une cemture (v01r Taegert, p. 188), mais le vêtement lui-même
fugiente per ortus / sole Thyesteae noctem duxere Mycenae » ; Sen. (~~-Cla,u~. 4 cons•. 602; Eutr. 1,301 ; Stil. 2,331) : -que a une valeu;
Thy. 1035-6 « hoc egit diem / auersum in ortus » (cf. aussi Manil. d epe~:gese et cznctus micantes développe, à la manière d'une
1,524-5; Sen. Herc. f 941-2; Med. 31). appos1t10n, auratas trabeas.
. 7. Les anciens pensaient que les Sères (Chinois) récoltaient la
Page 17: sm~ sur les arbres : Plin. Nat. 6,54; Solin. 50,2-3 ; Amm. 23,6,67
1. L'hésitation iudex / uindex est fréquente dans les mss. Avec (voir la n. co1?-pl. ~~6 d~ l'édition J. Fontaine, Paris 1977, t. 2, p.
Taegert, mais contre Birt et Hall, je choisis iudex, mieux attesté et 114-5) • ~laudien s mspire de formulations poétiques tradition-
bien adapté au contexte : iudex peut rappeler le iuris du v. 58, mais nelles: Sil. 6,4 « Seres lanigeris repetebant uellera lucis »; Auien. Orb.
surtout Claudien emploie fréquemment ce terme pour désigner le t<:r.936 '.' uelleraper situas Seresnemoralia carpunt ». Virgile emploie
préfet du prétoire (Birt index , p. 528) ; sur le sens large de iudex l e.xpress10n carpere uellera à propos du travail de la laine ( c
dans l'antiquité tardive : ThLL, s.u., 599,84-600,53. Le parallèle 4,534-5). eorg.
signalé par Birt avec Merob. poet. 190 qua uindice tutam (lointaine , 8. C~tte longue co~paraison épique de 9 vers (v. 183-191) tend
réminiscence phonique?) ne me semble pas être un argument a ~eve~ir une ekfhra!zs autonome à scènes de genre, même si sa
dirimant en faveur de uindice. themat1que ,est etroitement liée à celle du poème : thème du
2. L'expression niger Indus (Claudien prête au fleuve la couleur couple de freres alumni et de leurs altores.
des habitants du pays? cf. Ou. Ars 1,53) a peut-être été reprise par
Corippe : voir M.A. Vincesi, « Versi nuovi di Corippo in imitazioni Page 18:
inedite dell'umanista Giovanni De Bonis», RFIC 108, 1980, p. 292- 1. Sur le combat d'Apollon contre le serpent Python • Hymn
316 (Ioh. 22g: « niger extrema pallescens Indus in orbe»). hom. 3,300-74; Ou. Met. 1,438-44; et Sidon. Carm. 2 311 qui:
3. Vers de transition épique de facture traditionnelle reprend l' • • '
. express10n de Claud1en Pythona exstinctum. La couleur
(Rapt. 1,117 uix ea Jatus erat, iam nuntius astra tenebat) : outre la for- noire (v 188 • • ·
• nzgrzs uenenzs) est traditionnellement associée à la
158 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 159

blessure et au venin de Python: Ou. Met. 1,443-4 « mille grauem Page 19:
telis ... / perdidit effuso per uulnera nigra ueneno » ; Stat. 1. Summus jJater à propos de Jupiter: Stat. Theb. 9,22 ; Claud.
Theb. 1,566. Mais l'expression nigrum uenenwn se lit aussi dans 4 cons. 206; Coripp. Ioh. 8,348-9. Pour l'expression signum dare à
d'autres contextes: Verg. Aen. 4,514; Ou. Met. 2,198. Pour la dau- propos d'une manifestation de la volonté divine : Verg. Aen. 8,523-
sule tela uenen(is): Ou. Fast. 5,397; Lucan. 8,304 et 9,829. • 5 « ni signum caelo Cytherea dedisset aperto. / Namque improuiso
2. Belle image descriptive, le sourire ou le rire traduit la joie de uibratus ab aethere fulgor / cum sonitu uenit ... » ; Val. Fl. 4,670-1
la nature qui sent une épiphanie divine. Ainsi la mer sourit à l'ap- à propos de Minerve « signum dedit aegide ... / fulmineam iaculata
proche de Vénus (Lucr. 1,8 tibi rident aequora ponti), et la terre rit à facem ».
la naissance d'Apollon (Theogn. 1,9-10). Claudien reprendra l'ex- 2. La périphrase hiulca nube désigne l'éclair (ThLL, s.u. hiulcus,
pression blandus fluctus pour décrire la soumission de !'Éridan lors 2847,41-43 et 65-69) : Stat. Theb. 1,26 « hiulci fulminis expers »;
de l' aduentus d 'Honorius ( 3 cons. 122-3). L'adoucissement de la Claud. Rapt. 2,230-1 « nimbis hymenaeus hiulcis / intonat ». De
mer Égée est d'autant plus remarquable que cette mer est réputée façon comparable, Virgile écrit (Aen. 8,391-2) : tonitru cum rupta
pour la violence de ses tempêtes: voir pr. Rapt. 1,12 et n. complé- corusco / ignea rima micans percurrit lumine nimbas. Sur la formation
mentaire. La forme substantivée masculine Aegaeus semble être de l'éclair et sa valeur de signe envoyé par un dieu (prospera omina,
une innovation de Claudien (cf. Eutr. 2,333 ; c. min. 53,117). v. 208: Sil. 9,3-4; 16,259; Mart. Cap. 1,31, v. 5) : W. Speyer,
3. Pudicitia est une divinité qui a quitté la terre en compagnie « Gewitter », RAC 10, 1978, p. 1107-72. - Noter la même attaque de
d'Astrée à la fin de l'âge d'or (Iuu. 6,1-20). Par cette synkrisis, vers en rejet chez Val. Fl. 6,209-10: « risit ab alta / nube pater».
Claudien suggère donc qu'avec Proba, incarnation de Pudicitia, 3. Fax à propos d'un éclair : Sen. Herc. O. 880, et surtout Val.
l'âge d'or est revenu; de même Ausone (Epist. 10 B,27-30 Prete) Fl. 1,568-9 à propos de Jupiter, « ingenti flammantem nubila sulco
avait présenté Probus, mari de Proba, comme un survivant de / direxit per inane facem » (à propos de météore, Lucan. 1,527-8
l'âge d'or. Conformément à la topique du genre, l'épitaphe de « caelo ... uolantes / obliquas per inane faces» ; l'expression, fré-
Proba (CIL 6,1755) loue elle aussi sa castitas. - Même clausule quente dans la langue poétique, per inane remonte à Lucrèce : e. g.
aether(e) laps(am) chez Ou. Met. 14,846; Sil. 17,52; Val. Fl. 1,91. 1,1018). - Dans ce contexte, la correction de Gronovius tonuerunt
4. L'encens est utilisé pour appeler la divinité: Hor. Carm. 1,30,2- est tentante (faut-il voir dans la fin de vers de Claudien un écho
3 à propos de Vénus: « uocantis / ture te multo Glycerae decoram »; sonore de Verg. Aen. 2,113 « sonuerunt aethere nimbi » ?) , et, de
Ou. Met. 4,11 « turaque dant Bacchumque uocant »; Mart. 7,74,10. fait, a été retenue par les éditeurs à partir d'Heinsius. Mais on ne
5. Lieu commun panégyrique (Ruf 1,283) : Stat. Silu. 1,6,39- relève chez Claudien aucun exemple d'emploi transitif de tonare et
40; Pan. 2 [12],17,1 ; 4 [10],15,1 ; 11 [3],9,4; Sidon. Carm. 2,288- tenuerunt peut donner un sens satisfaisant : les nuages, où se for-
99 ; 524-36. Pour l'appel aux exemples grecs aussi bien que latins ment les éclairs, «contiennent», « sont chargés» de bons pré-
(cf. v. 236-46; Ser. 11-33) : Stat. Silu. 3,5,44-49. Pagina libri(s): sages. Aussi ai-:ie préféré, mais non sans hésitation, conserver le
même clausule à propos de la Bible chez Prud. Apoth. 107. - Canere texte des manuscrits.
est traditionnel à propos de tuba: cecinere tubae chez Prop. 4,11,9; 4. La longue description du Tibre (v. 209-25), parallèle à celle
Lucan. 6,130; Prud. c. Symm. 2,712. - Le fait que Claudien emploie de Rome (v. 83-99) n'est pas dénuée d'intentions politiques. En
ailleurs la forme poétique usuelle graia, et même l'alliance graia insistant sur la participation de Rome, puis du Tibre, à la nomina-
uetustas en 4 cons. 397-8 ne me semble pas imposer ici le choix de tion et à l'intronisation des deux jeunes Anicii, Claudien leur
la leçon graia, attestée par V4 et introduite dans les éditions impri- donne la caution de la tradition. Après Rome elle-même, c'est le
mées par Claverius (1602). - Vetustas canit: comparer Cet. 124 fleuve symbole de l'existence nationale romaine (J. Le Gall, Le
« sublimi ... Curtium canit ore uetustas ». Tibre, fleuve de Rome dans !'Antiquité, Paris 1952) et protecteur des
6. Lieu commun panégyrique. Dans une épitaphe de Probus deux frères fondateurs (v. 97-98 et 226, où l'épithète virgilienne
(CIL 6, 1756 A 18), Proba est qualifiée de digno iuncta uiro, digna Romuleus [première occurrence, Aen. 8,654] établit un lien expli-
simul tumulo. - Comparer les v. 199-200 à Ou. Met. 4,55-56 Pyramus cite entre le Tibre et Romulus) qui s'intéresse à la nomination des
et Thisbe, iuuenum pulcherrimus alter, / altera quas ariens habuit prae- deux frères Anicii : celle-ci est donc bien conforme aux traditions
lata puellis; Sen. Med. 75-78 uincat femina coniuges, / uir longe superet et aux intérêts de la Ville éternelle. - L' ekphrasis du Tibre lui-
uiros. / Haec cum femineo constitit in choro, / unius facies praenitet même (v. 214-25) est particulièrement longue et détaillée (compa-
omnibus; Sidon. Carm. 2,487-501. - Coetus jèminei: Ou. Ars 1,253; rer avec les deux vers de Verg. Aen. 8,33-34). Dans la netteté
Stat. Theb. 5,652 ; Auien. Orb. terr. 752. visuelle de ses touches juxtaposées, elle peut être mise en parallèle
160 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 161

avec certaines représentations figurées (J. Le Gall, Recherches sur le langue latine, Paris 1949, p. 162-71 et 175-8. - La clausule aux récur-
culte du Tibre, Paris 1953, p. 3-33) et en particulier, pour les che- rences phoniques appuyées lumina uultu est fréquente en p~ési_e :
veux. et la barbe, avec la statue du Louvre reproduite par Taegert, Verg. Aen. 6,156; Ou. Met. 13,456; Val. Fl. 6,584 ... - Virgile
p. 268. Au plan littéraire, on peut comparer cette ekphrasis avec emploie l'expression caeruleae notae à propos d'un serpent (Aen.
d'autres descriptions de divinités ruisselantes (e. g., Notus chèz 5,87).
Ou. Met. 1,264-7), mais c'est avec la description de l'Ismène dans 8. Crispus convient aussi bien aux cheveux (Plaut. Truc. 287 ;
sa grotte (cf. curuum antrum chez Claudien : Val. Fl. • 3,636 ; Sil. Plin. Nat. 8,46; Sil. 16,120-1) qu'à l'herbe qui en imite les boucles
6,149) par Stace (Theb. 9,404-21) que rivalise Claudien: « At (Colum. 11,3,34; Plin. Nat. 15,128).
pater... Ismenos in antro / . . . leuat aspera musco / colla... ceci- 9. La tête des dieux fluviaux est couverte de roseaux : Verg.
ditque soluta / pinus adulta manu dimissaque uoluitur urna. / ... Aen. 8,34; Ou. Fast. 5,637 ; Epiced. Drusi 223 ... Claudien insiste
/ pectora caeruleae riuis manantia barbae. / . . . /... nexa uirentibus sur la vie de cette chevelure végétale (v. 217-20), symbole de la vie
uluis / cornua concutiens ... ». Les rapprochements textuels sont pérenne d'un fleuve dont la source ne se tarit ja~ais, ~ê1:1e :n été :
très précis, mais l' ekphrasis de Claudien gagne en puissance par Cicéron le qualifie de perennis (Rep. 2,10). Le Tibre benefic1e de la
une autonomie que Stace avait au contraire évitée : Stace avait protection du ciel (Verg. Aen. 8, 64 caelo gratissimus ~m~is). - Com-
inclus sa description dans l'action en la coupant par l'arrivée parer l'emploi de crinalis au v. 217 avec Rapt. 1,17 cnnalz ... hedera. -
d'une nymphe (v. 416-8). Claudien commence son tableau par la Le mouvement du v. 218 est calqué sur Verg. Aen. 7,692 quem neque
tête (cf. Aphthonios prog. 12), mais il ne suit pas pour autant le Jas... nec; la clausule sole perust( am) se lit chez Lucan. 6,622 ;
précepte rhétorique qui conseillait une description suivant l'anato- 10,221 (ailleurs en poésie, Prop. 4,9,46; en prose, Colum. 2,4,11).
mie, de la tête jusqu'aux pieds. Sidoine rivalise avec cette descrip- 10. Les cornes (taurina cornua: Sol. 20,5) sont un très ancien
tion dans le panégyrique déjà souvent cité ( Cann. 2,332-8) : « Ilicet attribut des fleuves. Virgile qualifie le Tibre de corniger (Aen. 8, 77)
ingreditur [Oenotria] Tiberini gurgitis antrum / ... et harundinis et mentionne les cornes de l'Éridan ( Georg. 4,371-2). - L'adjectif
altae / concolor in uiridi fluitabat silua capillo ; / <lat sonitum raucus, contesté à tort par Heinsius, caractérise le bruit de certains
mento unda cadens, licet hispida saetis / suppositis multum sedaret fleuves, en particulier du Tibre: Verg. Aen. 9,125 « rauca sonans ...
barba fragorem ; / pectore ructabat latices lapsuque citato / sulcabat Tiberinus » ; Ou. Am. 3,6,52 rauca ... ara (cf. aussi Verg. Aen. 6,327
madidam iam torrens alueus aluum ». rauca fiuenta à propos du fleuve des enfers; Copa 12 « crepitans
5. On rencontre aussi bien l'expression arrectae (Verg. Aen. rauco murmure riuus aquae »).
1,152; 12,618) qu' erectae aures (Sen. Epist. 109,39) et parfois,
comme ici, la tradition manuscrite est partagée entre ces deux Page 20: , , ..
leçons (Verg. Aen. 2,303; Ou. Met. 15,516). Je conserve la leçon 1. Ilia ou Rhéa Silvia, mère de Romulus et Remus, fut preop1-
donnée par trois groupes de mss. sur quatre. La fin de vers semble tée par Amulius dans le Tibre, qui l'épousa: Hor. Carm. 1,2,17-19
contaminer (souvenirs auditifs?) Verg. Aen. 4,359 his auribus hausi (Porph. ad lac. ; Enn. Ann. 35-38 Vahlen) ; Ou. Fast. ~,_59?-8; Am.
et 2,774 uoxfaucibus haesit (cf. Carm. Ion. 89; Paul. Petr. 2,407). 3,6,49-82; Stat. Silu. 2,1,99-100; Sidon. Carm. 5,28 qm 1m1te notre
6. La leçon populi transmise par tous les mss. a été contestée passage: « pectus palla tegit quam neuerat Ilia coniunx ». Claudien
par des éditeurs : Heinsius, suivi par Hall et Taegert, préfère la s'inspire de Verg. Aen. 10,818: « tunicam molli mater quam neuerat
conjecture coeli ( Vgo leçon marginale et exc. Puteana). Sixtinus a auro » (cf. Stat. Theb. 9,691-2).
coajecturé scopulis; Gesner, scopuli; Birt, populis (mais en conser- 2. Après glaucus (v. 214) et caeruleus (v. 215), Claudien introduit
vant finalement populi). En fait, la cérémonie d'investiture a déjà un troisième adjectif de couleur caractéristique de l'eau et des
commencé (v. 205-6) et, après le coup de foudre de Jupiter, le divinités aquatiques : uitreus. Cet adjectif qualifie le Tibre chez Vir-
Tibre entend la clameur de la foule qui assiste à la cérémonie, ce gile (Aen. 7,759; cf. CIL 9,4756,5). La series des mots uit~eas sub
qui le pousse à venir la voir (v. 230 sqq.). gurgite évoque une expression de Stace (Ach. 1,26), repnse par
7. Les nuances chromatiques des termes glaucus et caeruleus Ausone (Mas. 223) : uitreo sub gurgite (habile retractatio ?) . - Percur-
sont très proches et caractérisent la couleur de l'eau et des divini- rere telas est une expression traditionnelle: Verg. Georg. 1,294; Aen.
tés marines. Pour le Tibre, qui, comme tous les fleuves est fils de 7,14; Ou. Fast. 3,819; Auson. Mos. 397-8.
l'Océan et de Téthys (Hes. theog. 337-45 ; 367-8) : Verg. Aen. 8,33 3. Sans transition, Claudien passe d'un tableau à un autre. La
glauco amictu et 64 caeruleus Thybris ; Epiced. Drusi 223-4 ; Sidon. nouvelle ekphrasis, variante du type traditionnel est locus... quo ~ cf.
Carm. 2,320. Voir J. André, Étude sur les termes de couleur dans la Ruf 2,466 et comm. ad loc.), présente l'île tibérine (v. 226-9). S1 le
T
1

162 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 163

Tibre « de Romulus» la choisit comme point d'observation, c'est unanimos, avec Koch, Hall et Taegert, contre l'accord des manus-
qu'il y avait son temple: M. Besnier, L'île tibérine clans l'antiquité, crits: en Riif. 1,105 oU c. min. 7,3, la majorité des mss. donne una-
Paris 1902; J. Le Gall, Recherches sur le culte du Tibre, p. 102-10. nimes. Les formes de deuxième et troisième déclinaisons étant
Claudien contamine deux passages d'Ovide (Met. 15,624-5 ,, cir- toutes deux bien attestées par ailleurs ( et souvent en concurrence
cumflua Thybridis alti / insula Romuleae sacris adiecerit urbis » ; et sur les mss. dans la jonction avec fratres: Catull. 9,4 ; Verg.
surtout 15, 739-41 « scinditur in geminas partes circumfluus amnis, / Aen. 7,335; Stat. Theb. 8,669; 10,727), pourquoi Claudien ne les
Insula nomen habet, laterumque a parte duorum / Porrigit aequa- aurait-il pas employées tour à tour? - De même, la conjecture de
lis media tellure lacertos » ; cf. aussi Fast. 1,292) avec un passage de Barth cuncto (retenue par Hall) est inutile : sur le sens politique de
l'Énéide (1,159-63) : « est in secessu longo locus: insula portum / iuncto, voir introduction. Écho possible d'Ou. Pont. 4,4,41 toto comi-
efficit. .. / ... inque sinus scindit sese undas reductos. Hinc atque tante senatu.
hinc uastae rupes geminique minantur / in caelum scopuli ... ». 6. Claudien use ici du vocabulaire technique traditionnel : Verg.
Stace ( Theb. 2,362) emploie l'expression geminas ... urbis en même Aen. 7,173 attolerefasces (cf. Stat. Silu. 1,2,175) ; Lucan. 5,12-13 « tot
position métrique, mais dans un sens différent. strictas iure secures / tot fasces». - Clausule analogue limina fasces
4. Par les yeux du Tibre (prospexit : Claudien emploiera le chez Stat. Silu. 1,2,233 (mais fasces y a un sens métonymique).
même verbe à propos de !'Éridan en 6 cons. 178), depuis le talus - Biiuges désigne les deux fois 12 faisceaux de licteurs qui accompa-
de la rive (agger: cf. Verg. Aen. 7,106; Ou. Met. 14,445), Claudien gnent les deux frères depuis le seuil de la maison des Anicii.
décrit le processus consularis (v. 231-3), ou cortège qui conduisait les Quand les consuls étaient chez eux, ces faisceaux étaient accrochés
nouveaux consuls de leur domicile au Capitole lors de leur prise à leur porte ( 4 cons. 416-7). Le caractère exceptionnel de ces deux
de fonction le premier janvier. L'allusion au processus et, aux v. 266 jeux de 12 faisceaux est souligné par la juxtaposition uno biiuges.
sqq., l'apostrophe à la nouvelle année incitent à placer la récita- 7. Deux vers de caractère formulaire : l'attaque du v. 234 est
tion du panégyrique précisément le premier janvier 395, plutôt empruntée à Virgile (Aen. 5,90 ; cf. Stat. Theb. 2,533 o. uisis) ; les
que le 3, qui était le jour de la prononciation des vœux (Fargues deux clausules se lisent respectivement chez Val. Fl. 4,292 (gaudia
1933, p. 12 n.l). L'investiture des consules ordinarii était accompa- uoces) et Stat. Theb. 11,121 (incohat ore). Pour l'expression uocem
gnée à Rome d'une pompe fastueuse. La cérémonie était annon- opprimere, comparer Verg. Aen. 2,378 « obstipuit retroque pedem
cée par la diffusion de tablettes ou diptyques d'ivoire représentant cum uoce repressit » et surtout, à propos de l' aduentus de Julien,
les consuls, que Claudien évoque en Stil. 3,347-9. Leur prise de Pan. 3 [11],6,5 « uoces gaudentium oppresserat miraculi magnitudo ».
fonction était fêtée par des jeux, des combats de bêtes et de gla- - Parallèle à celui de Rome (v. 136-63) et de longueur presque
diateurs, et parfois par la récitation d'un panégyrique. Même si les identique, le discours du Tibre (v. 236-62) comporte deux mouve-
consuls avaient perdu depuis longtemps tout pouvoir politique ments : d'abord, introduite par une apostrophe à l'Eurotas, une
réel, le consulat n'en demeurait pas moins le couronnement de comparaison entre les deux frères romains Olybrius et Probinus
toute carrière et la marque la plus élevée de la faveur impériale : d'une part, et les deux héros spartiates Castor et Pollux d'autre
l'empereur ou les empereurs se le réservai(en)t souvent et seul un part (v. 236-46) ; puis l'appel à fêter la prise de fonction des
petit nombre de privilégiés y accédaient. Les consuls étaient escor- consuls (v. 24 7-62).
tés par douze licteurs portant haches et faisceaux (Liu. 24,44,10) Dans le premier mouvement, Claudien rappelle d'abord, sous
et accompagnés par les sénateurs : Daremberg-Saglio, art. forme concessive, les qualités humaines (adresse au pugilat) et
«consul» (1877), p. 1466-81 (G. Bloch; p. 1470-2 pour le divines (protection de la navigation) des Dioscures : v. 238-9. En
processus). C. Jullian, « Processus consularis », RPh 7,1883, p. 145- toute rigueur, seul Pollux est connu pour lutter avec le ceste
63 ; R. Delbrueck, Die Consulardiptychen und verwandte Denkmèiler I, (decernere caestu: Verg. Georg. 3,20; Sidon. Carm. 5,160) : Hom.
Berlin- Leipzig 1929 ; M. Meslin, La fête des kalendes de janvier dans Il. 3,237 = Od. 11,300; Ou. Met. 8,301; Plut. Tib. Gracch. 2,1; Paus.
l'empire romain, Bruxelles 1970, p. 55-66. En présentant, contraire- 5,8,4. Mais Claudien ne distingue pas plus Castor de Pollux qu'il
ment à l'ordre du cortège, les consuls avant les licteurs, Claudien ne veut distinguer Olybrius de Probinus. Les Dioscures sont pré-
met en valeur les deux jeunes Anicii. Autres descriptions du proces- sentés comme divinités protectrices de la navigation depuis Hymn.
sus consularis: Ou. Pont. 4,4 et 9; Claud. 3 cons. 1-10; 4 cons. hom. 33,6-17 (Theocr. 22,6-22; Hor. Cann. 1,3,2-3; Ou. Trist.
5 sqq. ; Theod. 276 sqq. ; Stil. 2,396 sqq. ; Coripp. Just. 4,227 sqq. 1,10,45-50; Rut. Nam. 1,155) ; et Ammien (19,10,4) atteste encore
5. Le fait qu'en 3 cons. 189 la majorité des mss. donne la leçon la vie de leur culte sous la préfecture de la ville de Tertullus (359-
unanimi ne doit pas nécessairement conduire à conjecturer ici 361) : voir K Jaisle, Die Dioskuren als Rette1·zur See bei den Griechen
164 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 165

und Romern, Diss. Tübingen 1907. La comparaison ~vec les D~os- presque divinisés (v. 240-6) et la topique panégyrique commande
cures s'appliquait ordinairement à des membres de la famille de mettre en évidence les héros chantés par le nombre et la qua-
impérîale : Tibère et Drusus l'ancien ; Germanicus et Drusus le lité de ceux qui les fêtent. Les fleuves symbolisant le pays qu'ils
jeune (K. Scott, « The Dioscuri and the Imperia! Cult», _CPh25, arrosent (cf. n. compl. 3 de la p. 11), c'est toute l'Italie qui est
1930, p. 379-80) ; Claudien lui-même les mettra en parallele avec conviée à fêter les deux consuls, de même que les fleuves d'Italie
Arcadius et Honorius 1 4 cons. 206-11). Ici, augmentant encore le et d'Espagne seront invités à célébrer les noces d'Honorius et
caractère flatteur de la comparaison, il ne fait porter celle-ci Marie en 398 (Fesc. 2). Ce catalogue, qui n'est pas sans rapport
(v. 240-46) que sur les attributions divines des Dio~c~re~ e1:-annon- avec celui de Lucain (2,405-38) ne suit ni un ordre géographique
çant l'apothéose astrale des Anicii. Ils pourront amsi nvahser ~vec ni un ordre d'importance.
les Ledaea astra (v. 240 : Mart. 8,21,5 ; Ou. Am. 2,11 [12] ,29 szdera 8. Thème analogue de la terre, de la ville ou du fleuve qui se
Ledae · Lucan. 4 526-7 Ledaea... / sidera) ; l'assimilation des Dios- vante d'avoir nourri l'un de ses habitants, respectivement chez
cures 'à la const~llation des Gémeaux remonte à l'époque hellénis- Verg. Aen. 6,876-7; Octauia 773-4; Stat. Silu. 1,2,263. - La leçon
tique: Eratosth. [ ?] Catast. 10. L'apothéose pour de simples p_ar~- spartane, attestée par deux recentiores (correction facile et évidente
culiers était rare dans le monde romain : H. Wrede, Consecratw zn de spartaue) s'impose: les scribes médiévaux ont cru lire le nom
Jormam deorum. VergottlichtePrivatpersonen in der romi~cl~enKaiserzeit, de la ville Sparta / Sparte, alors que Claudien avait employé l'adjec-
Mainz 1981. Chez Claudien, les autres cas de catastensme concer- tif dérivé au vocatif, en accord avec Eurota. Eurota Spartane est à
nent Théodose (3 cons. 106-9 et 163-82; Ruf 2,2-3; 4 cons. 428-9) • mettre en parallèle avec Romuleo... Thybri (v. 226). Dans cette riva-
L'honneur fait aux deux jeunes Anicii est donc insigne ... mais lité entre le monde grec, incarné par Sparte et son fleuve, et le
cette projection sur l'avenir permet au poète de masquer l'ab- monde romain, à travers la personne du dieu-fleuve de Rome, le
sence de hauts faits à mettre à l'actif des deux consuls. Il est poète venu d'Alexandrie a choisi la ville qui vient de l'accueillir,
impossible de dire dans quelle mesure Claudien croyait réelle~ent patrie des deuxjeunes frères qu'il chante.
à l'apothéose astrale: Martin 1960 (p. 69-80) est trop affirmatif sur
ce point. Page 21:
L'appel à la fête est scandé par trois anaphores d'adverbe de l. Falsus olor (cf. Stat. Theb. 10,504 ; falsa auis chez Ou. Am.
temps disposés en climax: nunc (v. 2~7) ;_iam (v. 2~8-51) ; sem,per 1,10,4) désigne Jupiter métamorphosé en cygne pour séduire
(v. 261-2). La fête commence par une l~bat10~ aux dieuxy~ur 1 a:- Léda.
complissement du vœu (v. 247-8) : le Tibre fait c?mme Enee apres 2. Avec Birt et Hall, mais contre Taegert, je choisis nouerit,
l'accomplissement du prodige des ta?les de la ~aim (Ae~. 7,133_-4): leçon la mieux attestée, la plus conforme à l'usage de Claudien
« nunc pateras libate Ioui ... / ... et mna rep~mte mensis ».APms, le chez qui les formes du type norat (Ruf 1,322) sont très rares, et la
Tibre appelle les Naïades (v. 248-9) et souhaite un 1:ouvel age d or p_lus difficile pour la construction : le sttjet est à tirer de quid protu-
pour le consulat des deux Anicii (v. 250-2) : du miel coulant des lzt. On comprend que des scribes aient simplifié la syntaxe en cor-
arbres (Verg. Ecl. 4,30; Tib.1,3,45; Ou. Met. 1,112 et Claud. rigeant nouerit en norint (trois uetustiores; nouere, conjecture de
Rapt. 3,25 ; Ruf 1,383) ; des fleuves de vin (Verg. Georg. 1,1~2; Ker), mais non l'inverse.
Stat. Silu. 1,6,41 ; Claud. Rapt. 3,25-26; Ruf 1, 383-4) ; exsud;--t101: 3. Sobolesétant une forme 'vulgaire' à l'époque de Claudien, j'ai
spontanée du baume (Verg. Ecl. 4,25 ; Ou. Met. 1,101-2, qm suivi les éditeurs qui, depuis Jeep, rétablissent la graphie classique
affirme que la terre donnait tout d' elle-mê1:1e _; pour la formula- et 'noble' suboles (conservée par R en Stil. 2,336). L'expression
tion, comparer Verg. Georg. 2, 118-9 « sudantia hgno / balsama; :f. noua suboles se lit chez Stace (Silu. 3, 1, 177) ; et Mérobaudes ( Carm.
Claud. Nupt. 96). Le thème du fleuve ivre est lié au cu~te de D10- 1,19) semble bien imiter notre passage: « en noua ... iam suboles,
nysos (Stat. Theb. 12,787-8; Claud. 4 cons. 610; Nonn. Dion. 14,412- quae ... ». La fin de vers fulgentior astris est à rapprocher de Manil.
5; 19,299; 25,296; 29,292; 35,356; 39,48) ; même collocation des 2,702 fulgentibus astris.
mots amnis / mutatis ( ... aquis) en 3 cons. 99-100, mais dans un 4. La scansion quadrisyllabique de Naiades est incompatible avec
autre contexte. Enfin, le Tibre fait inviter les fleuves italiens à la le maintien de et, au demeurant inutile. Pour conserver ce et, Hall
table du banquet (v. 253-62), ce qui donne prétexte à un cata- doit, après Scaliger, adopter la forme Naides, attestée, mais sans et,
logue des fleuves italiens (v. 256-60). Depuis Homère (Il. 20,7), les par le seul ms. q (jumeau de N) non retenu dans mon apparat.
fleuves sont traditionnellement associés aux réunions des dieux :
chez Claudien, Rapt. 3,5 et 14-17. Ici, il s'agit de fêter des mortels
166 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 167

Page 22: _ . qui promet d'honorer à jamais le jour inaugural du consulat des
0
l. Contamination de deux zuncturae: socza mensa (Mat. deu_x Anicii .. L'att~que de vers rappelle les paroles d'Énée à propos
Theb. 8,240) et la fin de vers conuiuia mensae (Ou. Met. 1,165; du Jour anmversaire de la mort de son père (Aen. 5,49-50 «dies ...
12,222; Laus Pis. 153; Mart. 8,39,1). . .• adest, quem semper acerbum / semper honoratum ... habebo » ;
2. Bibere pruinas à propos de fleuves: Mart. 10,7,2 ; Stat. attaque de vers reprise par Stace Theb. 1,505 à propos de la nuit
Theb. 8,359; à propos c'-~troupeaux, Claud. Eutr. 1,247. où Adraste a reçu Tydée et Polynice ; puis par Sidon. Carm.
3. Le Vultume (Volturno), qui prend sa source dans les Apen- 16,128, au dernier vers de son action de grâces de l'évêque Faus-
nins au nord d'Aesernia, se jette dans la mer Tyrrhénienne au tu~) ;_et l'expression dap~bus... opimis est reprise, en même position
nord de Cumes, près de Vultumum. Lucain, dans ~01; c_atalogue metn~u~, ~'Aen. 3,224. A ces souvenirs virgiliens s'ajoute peut-être
de fleuves italiens (voir n. compl. 7 de la p. 20), avait ecnt Vultur- une rem1mscence de Stace (Theb. 1,666-7 à propos d'une offrande
nusque celer (2,423) ; Claudien a remplacé celerpar l'épithète rapax, à Apollon) : « haec stata sacra quotannis / sollemnes recolunt
très proche pour le sens et caractéristique des fleuves ( e.g. epulae ».
Lucr. 1,17; Verg. Georg. 3,142). 10. (H)umida regia peut être une adaptation de l'expression vir-
4. Le Nar (Nera) est un affluent du Tibre qui prend sa sou~ce gilienne qui désigne la demeure de Cyréné ( Georg. 4,363 umida
dans la Montagna della Sibilla. Son caractère sulfureux (Phn. r~10;a).Bien qu'elle ne soit pas attestée ici dans les mss., j'ai pré-
Nat. 3,109) est mentionné par les poètes: Enn. Ann. 260 Vahlen; fere avec Hall et Taegert la forme umida sans h (voir Bomer ad
Verg. Aen. 7,517 « sulphurea Nar albus aqua »; Sil. 8,451-2; Auson. Ou. Fast. 2,635) : cette orthographe est celle des meilleurs manus-
Technop. 8,10 Prete. Pour l'expression odorum sulphur: Stat. crits en c. min. 27, 4 ( Ve Ra. c. Pa. c. Fl). - Sur les tables ornées de
Theb. 4,417 odori sulpuris aura. pierres p~écieuses: Paul. Dig. 33,10,3,3 « mensas et lectos inargen-
5. L'Ufens (Uffente) est un fleuve du Latium qui prend sa tatos uel mauratos atque gemmatos; Sidon. Carm. 17,5 gemmatis...
source près de Setia et se jette dans la. mer Tyrrhé~ie?n~ entre mensis.
Circei et Terracine, alimentant les marais Pontms (d ou 1 expres-
sion tardatus suis erroribus). Page 23:
6. Fleuve longtemps fabuleux, l' Eridan us désigne à l'époque l. L'invocation à la nouvelle année ( épilogue : v. 266-79)
classique le Pô: Plin. Nat. 3,117 Padus ... Graecis di~tus Eridan~s, a_c répond à l'invocation au Soleil (prologue, v. 1-10). Des parallèles
poena Phaethontis inlustratus ». Sur la chute de Phaeton dans 1 En- thématiques et des reprises verbales soulignent ce lien: Sol (v. 1)
dan : Ou. Met. 2,323-4; Lucan. 2,408-20; Claud. 3 cons. 123-5 « Eri- et Phoebi (v. 268) ; annus (v. 6 et 267) ; parallélisme des v. 6-7 et
danus ... / et Phaethonteas solitae deflere ruinas / ... sorores ». La 266-8 (avec les correspondances laeti - felix et torqueat - torquere [cf.
clausule damna ruinae sera reprise par Ven. Fort. Carm. 1,15,47. Stat. Silu. 5,1,17 « altera dum uolucris Phoebi rota torqueat
7. Le Liris (Uri-Garigliano) prend sa source à l'ouest du lac annum]) ; germanis consulibus (v. 6-7) et germanos duces (v. 277).
Fucin et se jette dans la mer Tyrrhénienne près de Minturnes. Comparer avec la prière d'Ausone pour l'année de son consulat
Divinité italique, Marica avait un bois sacré pr~s ~e Mintur1:es : (379: precat. l Prete) : Jane, ueni; nouus anne, ueni; renouate ueni,
Hor. Carm. 3,17,7-8 « innantem Maricae / htonbus tenmsse sol: - Cette inv?cation introduit le thème des quatre saisons : qua-
Lirim »; Lucan. 2,424 « umbrosae Liris per regna Maricae »; Mart. drifi~um Phoebz laborem (v. 269 ; labor à propos de la peine que le
13,83,1-2 Liris ... quem silua Maricae protegit. soleil prend à accomplir sa révolution : Ou. Met. 6,486 « iam labor
8. Le Galèse (Galaso), fleuve de Calabre, se jette dans le golfe exiguus Phoebo restabat »; Auson. Ecl. 5,4 Prete « qui Phoeben,
de Tarente (colonie de Sparte, d'où son nom d' Oebalia, à pa~tir quanti maneant Titana labores»; Prud. c. Symm. 1,311). Ce thème
d'Oebalus, roi de Sparte). Sa localisation exacte est _co~testee_: iconographique de l'époque hellénistique est encore à la mode
TJ. Dunbabin, « Galaesus », CQ 41, 1947, p. 93-9~. Virgile ~valt dans __ l'antiquité tardive, notamment sur des sarcophages et des
écrit ( Georg. 4,125-6) : « sub Oebaliae... turribus arns, / qua mger mosa1ques : par exemple, la mosaïque des saisons à Haïdra, fin rne-
umectat flauentia culta Galaesus ». L'expression temperat arua est déb. IV' s. (voir D. Parrish, « Annus », Lexicon Iconographicum Mytho-
empruntée à Georg. 1,110. . .. !ogia~ ~lassicae,I;}-, 1981, p. 799-800 ; I,2, p. 645-6). Sous l'Empire,
9. Claudien contamine ici plusieurs passages virg1hens. Son il a_~te annexe a la propagande impériale et rattaché aux slogans
référent principal est le passage où Énée promet au Tibre un c~lte poht1ques temporum Jelicitas, Jelicia tempora, saeculi Jelicitas : voir
éternel (Aen. 8, 76 « semper honore meo, semper celebrabere doms_», J.M.C. Toynbee, Roman Medaillons, New York 1944, p. 89-93 et
avec une inversion de perspective puisqu'ici c'est le dieu fluvial S. MacCormack, Art ... , p. 218-9. Ces quatre saisons, personnifiées
---..,...--

NOTES COMPLÉMENTAIRES 169


168 NOTES COMPLÉMENTAIRES

cinth~ (inscrites par Apollon) ou d'i\jax: Ou. Met. 10,214-6; 13,397-


avec leurs attributs traditionnels, font peut-être référence aux
8; Ph:1. Nat. 21,66; Non.nos Dion. 11,259-61 (cf. Verg. Ecl. 3,106).
quatre éléments (H. Funke 1985, p. 357-66 [p. 364] _: le feu ~ui
C!~u~1;n supp~se (ou fait semblant de supposer) que les Heures,
réchauffe l'hiver [v. 271] ; l'air du souffle de Favonms au pnn-
d1v1111tesdes saisons et comme telles associées aux fleurs, accorde-
temps [v. 272] ; les moissons de la terre en été [v. 273] ; le liquide
ront semblable_ faveur à l'année du consulat des deux Anicii. Rap-
du raisin en automne [v. 274]). procher de Ph1lostrate, Imag. l pr. I. L'alliance uarii flores est fré-
2. L'hiver (v. 269-'~l) est décrit par trois notations négatives
quente en poésie: Verg. Ecl. 9,40-41 ; Ou. Met. 10,123; Man.il.
(anaphore de non) qui préparent une quatrième notation, positi~e
5,262.
mais paradoxale pour cette saison: la tiédeur. ~ors que _l~s trois
8. Perpetui fasti: Stat. Silu. 4,67; Sidon. Cann. 13,33. - Ducent est
autres saisons seront caractérisées par leurs attnbuts traditionnels
annoncé par duces au v. 277. - La clausule saecula Jast(i) apparaît
(les fleurs du printemps, les moissons de l'été, les raisins de l'~u-
chez Val. FI. 2,245 et se retrouvera chez Claud. Eutr. 2,60 et
tomne), l'hiver lui n'est pas caractérisé par la nei~e et le fr01d :
Coripp. Just. 4,137. Le panégyrique s'achève sur un uersus aureus:
comparer Ou. Met. 2,27-30 « Verque nouom stabat cmctum florente
Claudien aime à clore un développement ou un poème sur un
coron.a, / stabat nuda Aestas et spicea serta gerebat,/ sta~at et
vers de ce type (e.g. 4 cons. 656). Voir t. I, p. 90 à propos de
A utumnus, calcatis sordibus uuis, / et glacialis Hiems, canas hirsuta
Rapt. 1,19.
capillos » (Auson. Precat. 1,12 Prete: sit b~uma ,niualis) :A sous le
consulat des Anicii, aucune saison ne sera desagreable ; meme sou-
hait d'adoucissement de l'hiver pour le consulat de Domitien chez Page 32:
. 1. La croyance selon laquelle l'aigle, le seul animal à regarder
Stat. Silu. 4,1,24 « ipsa meae tepeant tibi sidera brumae ». - Fr~gore
directement le soleil, teste la valeur de ses petits en les forçant à
torpere: Sil. 2,136; Colum. 11,3,63; Suet. Aug. 80: - ~anae m~es:
Bibac. fr. 15 ; Lucr. 3,20-21 ; Sen. Phaedr. 935. - Vestzta ~zues: Amen. fixer l'astre du jour, remonte à Aristote, qui parle d'une variété
Arat. 1811 nix uestiet ag;ros; Palladius, A. L. 573,4 « h1ems ~on.tes
~a:~iculière, l'aigle des mers (Hist. anim. 9,34 620a; trad. P. Louis,
ed1t1on des Belles Lettres, p. 101) : « L'haliète, au contraire, a la
niueo uelamine uestit » ; Eusthenius, A. L. 575,4. - Aspera hzemps:
Sall. Jug. 37,3; Verg. Aen. 2,110-1; Ou. Met. 11,490; Plin. Nat. 9,57. ~e très perçante, et il oblige ses petits, alors qu'ils sont encore
depourvus de plumes, à regarder le soleil en face ; celui qui refuse
- Le Notus est un vent du sud tiède : tepidus (Lygd. 4,96 ; Ou. Am.
est frappé et tourné de force ; et le premier dont les yeux pleurent
1,4,12; Sen. Herc. O. 729). . est tué, l'autre est élevé ». Cf. Elien 2,26 et 9,3 extr. ; Hygin
3. Ver serenum: Verg. Georg. 1,340 uere sereno. - Clementzor aura:
Astr. 2,16 ... Pline (Nat. 10,10) ajoute une appréciation qu'on
Stat. Theb. 7, 80 « aestiui clementior aura Lycaei » ; la clausu:e aura
retrouve chez Claudien (v. 9) et d'autres (Ambroise notamment) :
Fauoni se lit chez Lucrèce 1,11 (cf. Catulle 64,282 « aura pant flores
« H_aliaetus _tantum in.plumes etiamnum pullos suas percutiens
tepidi fecunda Fauoni »). Favonius, le Zéphyre, est le vent d' ~ue~t
submde cog1t aduersos intueri solis radios et, si coniuentem umec-
qui marque l'arrivée du printemps (Ou. Fast. 2,148) et qm fa1t
éclore les fleurs (Claud. Rapt. 2,73-100). Ici, les prés se colorent du tantemque animaduertit, praecipitat e nido uelut adulterinum
atque degenerem; illum cuius acies firma contra stetit, educat ». Le
safran des crocus qui y poussent. - Annum pingere: mê_me image _à
thème apparaît dans des comparaisons épiques : chez Lucain, dont
propos de Vénus dans le Peruigilium Veneris (~- 13) : « 1psa gemm1s
Claudien s'inspire manifestement (9,902-6 « Vtque louis uolucer,
purpurantem pingit annum floridis (Rigler: flonbus codd.) ».
4. Même clausule messibus aestas chez Ou. Rem. 187. - Induat: calido cum protulit ouo / in.plumes natos solis conuertit ad ortus
[cf. _ici v. 5] : qui potuere pati radios et lumine recto [cf. ici v. 6] /
comparer Pétrone 127,8 « in terram uario g;ramine indutam ».
5. Ambiat: comparer avec Seru. g;ramm. IV,461,9 « rue~la_coma_s sustinue~e diem [cf. ici v. 12], caeli seruantur in usus, qui Phoebo
1 cessere 1acent »); et chez Silius (10,108-11 « Armiger haud aliter
ambit sibi palmitibus ». Le rythme du v. 274 est t01~_ta fait 1~?~b -
magni louis, anxia nido / cum dignos nutrit gestanda ad fulmina
tuel chez Claudien (Birt, p. ccxm) : césure trochaique et d1erese
fetu~, / obuersam spectans ora ad Phaethontia prolem, / explorat
après le premier dactyle. A , ,
dub1os Phoebea lampade natos »). Claudien lui-même sera imité
6. Sur la singularité d'un consulat échu la meme annee a deu:
par Ennode ( Carm. 2,150 CSEL = 451 MGH: « Vt ualeant aquilae
frères, voir v. 6 et n. compl. 6. - Omni nobilior lustra se rapp_~r~e a
formatos prodere Jetus / uitalis tenerum frangit tepor insitus
annus (Wedekind, Taegert) plutôt qu'à gloria (~yrr~~' Komg) ;
o_uum... ») et peut-être Arator (2,533 « oculos radiis ardentibus in.ge-
comparer Pan. 5 [8] ,13,l ,, o lustrum omnibus lustris Je~zc}us».
nt aegros »). Peu de temps avant l'arrivée de Claudien à Milan
7. Loquetur tellus: Sen. Herc. O. 39 nulla me tellus _sz~e~.
- Sel~n la
Ambroise avait traité le même thème, en développant un passag~
tradition, l'hyacinthe porte sur sa fleur les lettres m1t1ales d Hya-
T

170 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 171

de Basile (Hex. hom. 8, PG 29, 177 C), mais les points de contact Page 34:
avec Claudien ne sont ni très nets ni toujours spécifiques : « Aquila l._ Ho1:oriu~ a été consul pour la première fois en 386, avec
quoque plurimo sermone usurpatur quod suos abdicet fetus, sed Evodms ; il avait alors à peine plus d'un an. Son deuxième consu-
non utrumque, uerum.unum ex pullis duobus ... Semper enim fer- lat date de 394, avec Arcadius. Sur la cérémonie du consulat voir
tur probare quos genuit, ne generis sui inter omnes aues quoddam n. compl. à Ol. 230. Sur le cinctus Gabinus (cf. 4 cons. 6 et 6, cons.
regale fastigium dege1c?rispartus deformitas decoloret .. Itaque adse- 594; Lu_càn. 1,596 ... ), Servius éciit à propos d'Aen. 7,612: « cinc-
ritur quod pullos suos radiis solis obiciat atque in aeris medio tus Gabmus est toga sic in tergum reiecta ut una eius lacinia a
paruulos ungue suspendat. Ac si quis repercusso solis lumine tergo reuocata hominem cingat, simul tegat et ambiat » ; cf. Liu.
intrepidam oculorum aciem inoffenso tuendi uigore seruauerit, is 5,3~,2 (et note de R.M. Ogilvie, Livy 1-5, Oxford 1965, p. 731).
probatur quod ueritatem naturae sinceri optutus constantia Conppe (Just. 4,127-8 et note de S. Antes, éd. des Belles Lettres
demonstrauerit : qui uero lumina praestrictus radio solis inflexerit, Par~s 19~1, p. 78 ~-1) imitera les v. 3 et 4 de Claudien: augen;
quasi degener et tanta indignus parente reicitur nec aestimatur habitus rztus_queGa~znos/ cuius Hydaspeis radiabat purpura gemmis.
dignus educatione qui fuit indignus susceptione ... quasi alienum L~ trabee, tui:nque courte rayée de pourpre, était à l'origine
recusat » (Hex. 5,18,60). portee ~~r les rois cy~rg. Aen. 7,188 et 612), puis par les augures.
L'aigle est l'oiseau de Jupiter et le porte-foudre (v. 13-14) : Plin. A~ IV" s1~cle, elle des1gne le vêtement consulaire (et même, par
Nat. 2,146 ; en poésie, outre les passages de Lucain et Silius cités metonym1e, le consulat), et peut être assimilée à la tunica ou uestis
ci-dessus, Hor. Carm. 4,4,1-4; Ou. Met. 10,158 et 12,560-1 ; Stat. palmata. Depuis l'Empire, le costume consulaire est celui des
Theb. 3,506-7. Sur les trois carreaux du foudre de Jupiter (v. 14 tela anciens rois, des triomphateurs et de la statue de Jupiter Capitolin
trisulca), Sen. Nat. 2,41 ; l'alliance trisulcum telum se lisait déjà chez (G. Bloch, «Consul», Daremberg-Saglio,Paris 1877, p. 1469-70; et
Ovide (lb. 469 [467] « Aut louis infesti telo feiiare trisulco ») et 1479-81 pour la trabée). Claudien décrira la trabée d'Honorius
Sénèque ( Thy. 1089 « trisulco flammeam telo facem per pectus hoc ornée de pierreries en 4 Cons. 585-601 ; celle de Stilicon en Stil.
transmitte » ; à propos de Jupiter, l'adjectif trisulcus qualifiait tradi- 2,339-61.
tionnellement fulgur (Fest. 352 M.), fulmen (Varro Men. 54 ap. Pour l'expression sumant exordia (v. 1), voir Rapt. 2,366 (t. I,
Non. 448; Sen. Phaedr. 189) ou ignis (Ou. Met. 2,848-9). p. 52 1:ote c) et ThLL, s.u. exordium, 1563,39 sqq. La place de curis
~equ_alzbus(v. 7), enclavés entre patrium... orbem, est significative :
Page 33: 1 act10n des deux frères, en particulier celle d'Honorius continue
1. L'intensif saepius se comprend mieux si Claudien avait alors celle de leur père. '
écrit non seulement Ol. et quelques c. min., mais aussi le premier
livre du De raptu, selon la chronologie proposée au t. I. Page 35:
2. Comme en 4 Cons. 585 et 6 Cons. 36, deus désigne ici l'empe- 1. Les présages qui accompagnent la naissance de celui dont
reur Honorius (cf. Stil. 3,130). Cette appellation ne doit pas sur- on fait le pané~ique (cf. 4 cons. 141-53; Se1:70-75) font partie du
prendre : elle est traditionnelle, même pour des empereurs chré- topos de la gen~szs (Hermogenes, Spengel II,12; Ménandre, Spen-
tiens, dans le langage de la cour et des panégyiiques. Ainsi Pacatus gel III,371; N1colaus Soph., Spengel III,480-481) ; au besoin, ils
dit de Théodose : deum dedit Hispania quem uidemus peuvent être inventés (Ménandre, lac. cit. ; Anaximenes
(Pan. 2[12],4,5). De même les adjectifs diuinus, sacer et sanctus Spengel I,214 et 220) l '
qualifient ce qui a trait à l'empereur : W. Ensslin, Gottkaiser und Le nom de Mér~é (cf. Ol. 135 et n. compl.; Nupt. 223; Gild.
Kaiser von Cottes Gnaden, Sitzungsberichte der Ba.yerischen Akad. 454; E~tr. 1,178; ~tz:. 1:261; Pall. 73; c. min. 28,19 et 40,15), que
der Wiss .... , phil.-hist. Abteilung, Heft 6, München 1943, p. 71-3; les anciens cons1dera1ent comme une île (Diod. 1,33 ; Stra-
A. Lippold, « Herrscherideal und Traditionsverbundenheit im bon 17,821), s'appliq:1a}t ~ussi à l'~ppidum quj s'y trouvait (Pline,
Panegyricus des Pacatus », Historia 17, 1968, p. 228-50; O. Hilt- N~~- 6,l~~-6) et ~u1 eta1t la capitale de l'Ethiopie. Le terme
brunner, « Die Heiligkeit des Kaisers. Zur Geschichte des Begriffs des1~ne 1:1 par metonymie les Ethiopiens, dans une expression
sacer », Frühmittelalterliche Studien 2, 1968, p. 1-30; R.H. Storch, polaire ou ce peuple de l'extrême sud s'oppose à la Germanie qui
« The XII Panegyrici Latini and the Perfect Prince», Acta Classica mcarne le nord.
15, 1972, p. 71-6; Dopp 1980, p. 77 n.l. 2. Claudien trouve un antécédent mythique dans une scène
a~alogue de S~ce, à propos du fils d'Atalante qui se montre ainsi
digne de sa mere (Theb. 9,620-1): « Inque meos reptauit... arcus:
172 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 173

tela puer lacrimis et prima uoce poposcit ». Sidoine s'est inspiré - v. 138 « Nunc docet ingentes saltu me iungere Jossas » : cf. ici
de Claudien dans son panégyrique d'Anthémius, quand il décrit V. 47B;
comment, signe de sa vocation à l'Empire, l'enfant joue avec les - v. 139 « Nunc caput aerii scandentem prendere montis » : cf.
armes de son père ( Carm. 2, 135-40) : « Reptabat super ar.ma ici v. 46B;
patris ... ceruicem ... complexus ... Ludus erat puero raptas ex hostè - v. 140 « quo fugitus per plana gradu » : cf. ici v. 4 7A ;
sagittas festina tractare .manu captosque per arcus... ». L~expression - v. 143-151 (Chiron fait traverser à Achille le Sperchios en
ludus erat se lit aussi chez Stace (Ach. 2,156), à propos de l'éduca- crue) : cf. ici v. 45-46A.
tion d'Achille (passage que Claudien a en tête, cf. infra) etJuven- Ce rapprochement avec le héros épique et guerrier par excel-
cus (2,52). L'adjectif primus distingue Honorius, le cadet, par rap- lence est d'autant plus fondé que la conclusion du développement
port à Arcadius, l'aîné. Claudien présente Honorius comme le met explicitement en parallèle Théodose / Honorius et Chiron /
meilleur fils de Théodose. Achille (v. 60-62 qui font écho à Stace, Ach. 2,131 üavelot] et sur-
3. De fait, après la naissance d'Honorius, Théodose a eu à com- to~t 159-62: Chiron enseigne à Achille l'art de la lyre et le pou-
battre d'abord une bande d'Ostrogoths menés par Odotheus, qui voir des plantes). Sidoine s'est peut-être souvenu de Claudien dans
essayait de franchir le Danube pour envahir le diocèse de Thrace son panégyrique de l'empereur Avitus ( Carm. 7,317-8, à propos de
(en 386 ; voir 4 cons. 625-35) ; puis, en 388, une révolte de fédérés l'activité d'Avitus au sortir de sa préfecture du prétoire) : « num-
achetés, a-t-on dit, par l'usurpateur Maxime et qui furent, en par- quam tamen otia, numquam / desidia imbellis ».
tie, massacrés en Macédoine. Les survivants pillèrent la Macédoine
et la Thessalie. À son retour d'Itale, en 391, Théodose, aidé de Page 37:
Promotus, les vainquit. En 391-392, il y eut de nouveaux combats 1. Les parallèles avec l 'Eleg. in Maecen. (1) ,58 ( « potasti galea
en Thrace, contre des Goths et autres barbares (cf. Ruf 1,316-22; dulce iuuante merum », à propos de Bacchus) et surtout Stace,
Stil. 1,94-115). Voir E. Stein, Histoire du Bas-Empire I, Amsterdam Theb. 3,663 ( « Hostilem Ismenon galeis Dircenque bibemus ») et
1968, p. 193-4. La présentation des faits par Claudien vise à don- Sidoine Apollinaire ( Carm. 2,443 « Indicus Ausonia potetur casside
ner à Honorius, dès son plus jeune âge, une part du prestige mili- Ganges » ; Claud. Cet. 532 « galeisque Padum uictricibus hausi »)
taire de l'empereur (d'où sa réutilisation par Sidoine, cf. n.1), et à incitent à préférer la leçon potare, moins bien attestée (même si
rendre plus crédible (si possible!) la présentation du rôle du elle est donnée aussi par ] 6 q Z Ptr) ; voir aussi Cet. 532 « galeisque
jeune Honorius dans la campagne. Padum uictricibus hausi ». Portare pourrait se comprendre:
comme les soldats, Honorius portait de la neige dans son casque
Page 36: pour s'en faire une boisson (Heinsius: plus est portare in galea
1. V. 39-50: l'entraînement physique du jeune Honorius. Cette potandas niues quam niues potare). Mais elle apparaît comme un
éducation "à la dure" peut être mise en parallèle avec la vie rigou- affadissement rationaliste de l'alliance potare niues, si suggestive
reuse menée par Annibal selon Sil. 1,242-67: dans sa saisissante concision.
- v. 245-7 « somnumque negabat / naturae noctemque uigil _2. V. 5~-60: la formation morale d'Honorius par l'exemple.
ducebat in arrois ; / interdum proiectus humi » ( cf. ici v. 48) ; Chiron avait coutume de « laudum tibi [Achille] semina pandere ...
- v. 250-1 « tum uertice nudo / exupere insanos imbris caelique uirtutisque aditus » (Ach. 2,89-90; cf. ici v. 60-61), et proposait à son
ruinam » ( cf. ici v. 44B) ; élève priscos uirum honores (Ach. 2,158; cf. ici v. 60). Théodose, lui,
- V. 255-60 ( cf. ici v. 45A) ; proposait en exemple la vie de son propre père, Theodosius cames
-v. 263 « ignotique amnis tranare sonantia saxa » (cf. ici v. 45-46). (RE, Theodosius 9, c. 1937-1945; cf. aussi M.A. Marié, édition
Mais surtout avec l'éducation que Chiron imposa à Achille, d'Ammien Marcellin t. V, Paris 1984, n. compl. 258, p. 259-60, avec
telle que ce dernier la décrit dans l'Achilléide de Stace (2,106-67; bibliographie). Théodose l'Ancien avait été un brillant général
cf. aussi Sidon. Carm. 9,131 sqq., mais sans rapport précis avec sous Valentinien I. Ammien le qualifie de « officiis Martiis felicis-
notre passage) : sime cognitus » (27,8,3), dux efficacissimus (27,8,6), dux nominis
- v. 132-3 « arcumque Gelonus / tenderet »: cf. ici v. 49; incluti (28,3,1), praeclari ducis (28,3,2), ductàr exercituum ille magnifi-
- v. 134-36: cf. ici v. 49-50 (la fronde des Baléares, frondeurs cus (28,6,26) ; et il écrit en 29,5,4: cuius uirtutes (ut impetrabilis) ea
célèbres [Plin. Nat. 3,77; Liu. 28,37,6 ... ; voir ThLL, s.u. Baliares, tempestateprae ceteris enitebant. Ammien appartient donc au courant
1697,74 sqq.] ; les anciens expliquaient par là le nom de leurs îles: qui réhabilite Théodose l'Ancien (cf. M.A. Marié, p. 13). Sa car-
Liu. perioch.60; Diodor. 5,17,1; Seru. Georg.1,309; Isid. orig. 14,6,44); rière nous est connue essentiellement par Ammien ; cf. aussi
174 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 175

Pacat. Pan. 2[12],5,2 et 4; Symm. Rel. 9,4 et 43,2; Hier. a. 2387 et 860-77 et F. Paschoud, éd. de Zosime, t. 2, Paris 1979 n. 201 (rela-
2392; Oros. 7,33,5-7; Zos. 4,12,2 et 16,3; chez Claudien, 4 cons. tions Arbogaste-Valentinien II), 202 (le "complot"? d'Arbogaste et
24-40, Nupt. 219 sqq., Gild. 325 sqq., Ser. 41-46. Claudien ne retient Eugène) et 203 (mort de Valentinien II), p. 453-458. Toujours est-
ici, comme en 4 cons., que deux de ses campagnes militaires : l'ex- il que le 22 août 392 Arbogaste fait proclamer empereur Eugène,
pédition de Bretagne contre la révolte des Pictes et des Scot5 en un rhéteur selon Zosime (4,51,1) etJean d'Antioche (frg. 187), un
368-369 (Amm. 27,8,3-10; 28,3,1-8) et celle d'Afrique contre Fir- grammairien selon Socrate (Hist. eccl. 5,25). Face à cette usurpa-
mus, chef Maure, frère de Gildon, révolté contre la tyt=annie du tion, Théodose commença par temporiser (Zos. 4,55) ; puis il se
gouverneur romain Romanus en 373 (Amm. 29,5,4-55; cf. mit en marche avec ses troupes, avec Timasius comme comman-
28,6,26). Rappelé à la cour en 369, il avait succédé à Jovin comme dant en chef, et Stilicon comme commandant en second
magister equitum praesentalis (fin 369 ou début 370, Amm. 28,3,9). (Zos. 4,57,2). Selon Zosime (5,58, 1) et Marcellus ( Chron. II, p. 64,
Sa campagne contre les Alamans en 370/372 (Amm. 28,5,15 et 394), Théodose aurait emmené le jeune Honorius avec lui. Clau-
29,4,5) est passée sous silence, ainsi que sa victoire contre les Sar- dien (v. 73-84 et 111 sqq.; cf. 6 cons. 88-91) présente une autre ver-
mates sur le Danube (Pacatus Pan. 12,5,2); et on remarquera que sion confirmée par Rufin (Hist. 11,34; d'où Philostorge 11,2
le poète ne suit pas l'ordre chronologique des campagnes. Sa pré- p. 133,23-24 Bidez-Winkelmann ; Socrate Hist. eccl. 5,26 ;
sentation est rhétorique : en ne retenant que les deux campagnes Sozomène 7,29,3-4) : Théodose ne fit venir Honorius en Occident
aux deux extrémités du monde connu (noter l'emphase dans qu'après la victoire du Frigidus (F. Paschoud, loc. cit., n. 210,
l'évocation de la légendaire Thulé au v. 53 [cf. 56 et 4 cons. 32], p. 466-7). Sur cette victoire, voir plus loin v. 89 sqq.
dont ne parlent ni Ammien ni Pacatus ; puis des deux océans, v. On notera qu'Arbogaste et Eugène sont dépréciés: l'un en
58), le poète embrasse en une expression polaire (v. 57-58) la tota- "barbare exilé" (cf. 4 cons. 74; Claudien est le seul à l'affirmer) ;
lité du monde ; présentation analogue chez Symm. Epist. l'autre en "client abject" (Jamulum en 4 cons. 74). Claudien ne fait
10,9[22],4 à Théodose et Arcadius, en 384-385: « nam familiae aucune allusion aux appuis que l'"usurpateur" avait rencontrés en
uestrae et stirpis auctorem, Africanum quondam et Brittannicum Occident (l'Hespérie, v. 66). Il passe sous silence les hésitations de
ducem ... ». Le grossissement épique sert ici la volonté panégy- Théodose (iam, v. 68) et ajoute un catalogue des troupes de ce
rique. Une telle utilisation exclut bien entendu toute allusion à sa dernier, conforme à la tradition épique, mais non aux données
disgrâce, à sa condamnation et à son exécution à Carthage, dans historiques. Zosime ne souffle mot de la présence de troupes
des conditions obscures, fin 375 ou début 376. orientales (4,57,2) ; Claudien se complaît à les détailler, pour sou-
3. Sous forme positive: Juvencus 1,690 (à propos des faux pro- ligner l'ampleur de la domination romaine sur le monde oriental
phètes) : falso qui nomine (rencontre sans doute fortuite ; cf. (v. 69-72) : la Mésopotamie (v. 69-70), l'Asie Mineure (l'Halys) et la
hm. 1,98 ac Jalso nomine poscas). Claudien (cf. Cet. 417-8) semble Syrie (l'Oronte, v. 70; cf. Eutr: 1,434), l'Arabie, caractérisée de
être le premier à expliquer le nom des Pictes par leurs tatouages façon traditionnelle par l'encens (v. 71), les Mèdes sur les bords
(cf. Isid. orig. 19,23,7). César ( Gall. 5,14,2) notait l'usage, commun de la Caspienne (v. 71), les Arméniens et les Parthes ( ! : v. 72).
à tous les Bretons, de se peindre le corps au pastel. Tout l'Orient soumis (même les ennemis les plus irréductibles de
Rome) se met au service de Théodose. Peut-être ce catalogue
Page 38: oriental (positif, à l'inverse de Virgile dans sa présentation des
1. Claudien fait ici allusion à la guerre civile entre Eugène troupes d'Antoine à Actium au chant 8 de l' Énéide) sert-il aussi à
( deiecto... clienti, v. 67), soutenu par Arbogaste ( barbarus... exul, masquer la présence (bien réelle celle-là) des 20.000 Goths de Gaï-
v. 66), et Théodose (princeps, v. 68) ; pas un mot n'est dit de l'usur- nas et Alaric (dont Claudien parlera plus tard: Gild. 241-5 ;
pation de Maxime. Arbogaste est un général franc qui, à la mort Stil. 1,154-8; cf. lord. Cet. 145; Socrat. 5,25 et 7,10; Zos. 5,5,4;
de Bauto (Baudo), avait pris le commandement de l'armée, et que Ioh. Ant. frg. 187 [FHG 4,609]), qui ont payé un lourd tribut à la
Théodose avait placé auprès du jeune Valentinien II (Zos. 4,53). victoire, mais qui étaient devenus ensuite fort encombrants. On
Selon Zosime (4,54), il aurait comploté avec le rhéteur Eugène, et peut aussi douter de l'ardeur guerrière (v. 73 sqq.) que Claudien
assassiné d'un coup (d'épée) mortel Valentinien II à Vienne, en prête à un jeune garçon de moins de 9 ans dont rien, plus tard,
Gaule (15 mai 392) ; Rufin (hist. 11,31) dit qu'il fut assassiné par ne confirmera les goûts militaires. L'outrance de Claudien, qui
étouffement; Sozomène (7,22,1 sqq. ; cf. Cassiodore), qu'il se sui- donne dujeune prince une image presque sadique (v. 75-76, à rap-
cida; et Orose (hist. 7,35,10), que son assassinat fut déguisé en sui- procher de 4 cons. 472), a même de quoi choquer : on songe aux
cide. Sur ce point fort controversé, voir J. Straub, RAC 6, 1966, soldats qui, à Pharsale, reçurent l'ordre de monter sur les cadavres
176 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 177

des sénateurs et de fouler aux pieds les chefs abattus (Lucan. 7,748- pire du jeune Honorius comme le moyen trouvé par Théodose
9 ire... supraque cadauera patrum / et caesos calcare duces). Mais ici, pour empêcher son fils âgé d'à peine plus de 8 ans de l'accompa-
d'après Claudien, le jeune Honorius aurait spontanément désiré gner à la guerre. L'ardeur guerrière qu'il prête à Honorius sert
accomplir cet acte. donc à justifier -une nomination de type dynastique sans véritable
utilité politique ou militaire. Mais Honorius apparaît non seule-
Page 39: ment comme un valeureux guerrier en puissance, mais comme
1. Le lion, roi des animaux, est l'animal le plus dîgne d'un celui auquel Théodose remet le pouvoir impérial en prévision de
empereur (voir Fesc. 1,14 et l'introduction à Fesc. 1; cf. aussi Gild. son départ. Or il y avait à Constantinople son frère aîné (d' envi-
362-6). Aussi Claudien reprend-il, pour donner un air martial au ron 7 ans) Arcadius, Auguste depuis 383 ! D'après Zosime (4,57,4),
jeune Honorius, la comparaison épique traditionnelle du lion : c'est à Arcadius, lui-même confié à la garde de Rufin préfet du
Hom. Il. 17,61-69 (à propos de Ménélas) ; Verg. Aen. 10,723-8 (à prétoire, que Théodose confia le pouvoir quand il se mit en route
propos de Mézence); Sil. 11,243-6 (épisode de Décius). Mais le en 394. Pour être habile, la présentation de Claudien n'en est pas
modèle précis de Claudien est ici Stace (Theb. 9,739-43), à propos moins tendancieuse.
des exploits sanglants de Parthénopée, dont la jeunesse facilite le 3. La présentation de la bataille du Frigidus est tout aussi ten-
parallèle avec Honorius : « Vt leo, cui paruo mater Gaetula cruentos dancieuse (Duval 1984, p. 144-50). La rhétorique permet d'abord
/ suggerit ipsa cibos, cum primum crescere sensit / colla iubis, d'associer Honorius à une victoire dans laquelle il n'a eu aucune
toruusque nouos respexit ad unguis, / indignatur ali, tandemque part: le seul fait d'être consul en 394 (avec Arcadius qui n'est
effusus apertos / liber amat campos, et nescit in antra reuerti ». même pas mentionné !) suffit pour lui attribuer la moitié du
En mentionnant le père du jeune lion (v. 81 cames ire patri, qui fait mérite. De même que Tibère combattait sous les auspices d'Au-
peut-être écho aux paroles d'Anchise à son fils en Aen. 2,704: guste (Ov. Trist. 2,173-4: « per quem bella geris, cuius nunc cor-
« nec, nate, tibi cames ire recuso »), Claudien a adapté ce tableau à pore pugnas, / auspicium cui das grande deosque tuos ... »), de
la situation d'Honorius. La couleur fauve (et plus particulièrement même Théodose ne put vaincre que sous les auspices d'Honorius,
l'adjectif fuluus: ThLL, s.u., 1535,22-32) est traditionnelle pour les par l'effet d'une intervention divine ! Sidoine Apollinaire se sou-
lions, mais Claudien rappelle ici précisément un autre jeune viendra de ce passage dans son panégyrique de Majorien ( Carm.
prince célèbre comparé à un lionceau, le Drusus de l'ode 4,4 5,384-5 : « certatum est iure magistri, Augusti Jato »). Elle permet
d'Horace (v. 14-16) : « ... fuluae matris ab ubere / iam lacte depul- ensuite de présenter la campagne comme une victoire éclair (com-
sum leonem / dente nouo ... ». parer Ol. 100-12 et 4 cons. 72-93). Les troupes d'Eugène, comman-
En revanche, les rapprochements avec Stace ( Theb. 11,582-3, à dées par Arbogaste, s'étaient retranchées dans les défilés des Alpes
propos d'Œdipe : « ueteri stat sordida tabo / Vtraque canities et Juliennes. Franchissant les Alpes, l'armée de Théodose fondit par
durus sanguine crinis »; 12,701-2: « et adhuc sordentia tabo / spi- le col du Poirier sur celle d'Eugène, à Emona, à 36 milles d'Aqui-
cula »), Sénèque (Herc. f 785 sordidum tabo caput) et Valérius Flac- lée, près du Frigidus (l'Hubl ou la Wippach, affluent de
eus (3,150 taboque labantia [natantia Heinsius] terga) ne permettent l'Isonzo ?) : voir E. Stein, Histoire du Bas-Empire I, Amsterdam 1968,
pas, à la suite d'Heinsius et Birt, de préférer au v. 82 la leçon celsi p. 216-7 et l'appendice C de l'édition de Zosime par F. Paschoud,
tabo sordere (corrigée en c. tabum sorberepar Jeep, suivi de Hall) , qui rassemble commodément tous les témoignages sur la bataille
attestée seulement par les exc. Fl. et Cyr: (et, pour celsi seulement, et l'illustre par un plan (p. 474-500). Mais Claudien omet de men-
par Jet, d'après Heinsius, deux Vaticani). La leçon quasi unanime tionner que Théodose fut sauvé d'une embuscade par la défection
des mss. donne un sens satisfaisant, à rapprocher de Sil. 11,245-6: d'un corps d'armée ennemi et, surtout, les lourdes pertes subies
« et immersis grauis unguibus haesit, / mandit anhelantem pendens par les troupes de Théodose, en particulier les fédérés goths, le
ceruice iuuencum ». La répétition de terga (v. 79 et 82) gênait Hein- premier jour de la bataille (5 septembre). Selon Zosime (4,58,4-5),
sius. Mais j'ai déjà eu l'occasion de dire que Claudien ne répu- Eugène crut même avoir remporté la victoire et passa la nuit à la
gnait pas aux répétitions (n. compl. 6 de la p. 7). Ici, le premier fêter, ce qui permit à Théodose de le surprendre le lendemain.
terga se rapporte au lion, le second au taurillon. Claudien ne retient que le franchissement (facile) des Alpes et la
2. Sous une formulation virgilienne (A.en. 7,600 rerumque reliquit seconde journée (6 septembre), où la bora, soufflant avec violence
habenas, à propos du roi Latinus; cf. Sil. 1,144 à propos d'Hasdru- contre les troupes d'Eugène, les empêcha de combattre et favorisa
bal à qui on remet les rênes du pouvoir : « interea rerum Hasdru- grandement la victoire de Théodose (v. 96-98, voir n. suivante).
bali traduntur habenae »), Claudien présente la nomination à l' em- Les chrétiens donnèrent immédiatement une interprétation chré-
~

178 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 179

tienne de l'événement : la victoire aurait été accordée par Dieu, 2. Dans la description du voyage d'Honorius (v. 111-25) de
après les prières de Théodose, pour faire triompher le christia- Constantinople (en Bistonie ou Thrace: voir t. I, p. 128 n.
nisme du paganisme: Ambr. Epist. 61-62 PL; Obit. Theod. 2, 3 et compl. 3) jusqu'à Milan, Claudien met en évidence le courage
10; in psalm. 36,25,2; Paul. Vit. Ambr. 31 ; Ruf. Hist. eccl. 11,33; d'Honorius (v. 112-3, qui attestent indirectement la présence des
Aug. Ciu. 5,26 (voir n. suivante) ; Sozomène 7,24; Théodoret Rist. barbares sur le sol de l'empire). Ce voyage est aussi pour le poète
eccl. 5,24. Voir Gualandri 1989/91 qui parle à juste titre (p. 30) l'occasion d'un pèlerinage culturel sur quelques lieux célèbres: le
d'une "déchristianisation" :.::'ela bataille par Claudien. Rhodope, en Thrace, lié au mythe du poète Orphée (voir pr.Rapt.
2 et les notes correspondantes au t. I) ; l'Œta, avec le bûcher d'Her-
Page 40: cule, entre la Thessalie et la Doride, immortalisé par la tragédie ; le
1. Florus avait déjà présenté la nature comme l'alliée d'Hanni- Pélion, où furent célébrées les noces de la néréide Thétis et de
bal lors de la bataille de Cannes (1,22,15-16 [= 2,6]): terra, caelum, Pélée, modèle topique des épithalames (cf. pr. Nupt.) ; l'Énipée,
dies, tata rerum natura consensit... Hannibal... uento, puluere, sole affluent du Pénée en Thessalie, souillé du sang romain à Pharsale
pugnaret. Augustin ( Ciu. 5,26) et Orose (7,35,18) ont repris à leur (Lucan. 7,116) et chanté par Virgile ( Georg. 4,368) ; l'oracle de
compte les v. 96-98, mais en supprimant le membre de phrase cui Jupiter à Dodone, en Chaonie, région d'Épire. N'y a-t-il pas une
fundit - hiemes, dont la référence mythologique était inaccept~ble nouvelle pointe païenne dans l'affirmation selon laquelle l'oracle
pour un chrétien. Ils ont ainsi, en transformant le miracle d'Eole aurait recommencé à prophétiser pour Honorius lors de son pas-
en intervention providentielle du Dieu chrétien, récupéré le sage ? Invention de Claudien ou présentation orientée d'une étape
témoignage du "païen" Claudien (cf. t. I, p. XVII) : voir Y.M. Duval, du voyage?
"L'éloge de Théodose dans la Cité de Dieu (V,26,1)", Rec. Aug. 4,
1976, p. 156-7 n. 91. On notera qu'Orose transforme le cui en tibi. Page 42:
Cette citation aménagée sera reprise par Paul Diacre (Hist. mise. 1. À partir du v. 119, le voyage se fait plus géographique: l'Illy-
13,303,24 sqq.), Sédulius Scottus (De rectoribus christianis 15) et rie, la Dalmatie et enfin la Cisalpine. Mais la mythologie ne perd
Engelbertus (Speculum uirtutum 12,6). Otto Frisingensis ( Chron. pas ses droits. Le Timave est dit "phrygien" parce que le troyen
4,18), comme Augustin, conserve le cui de Claudien. Ce passage Anténor s'y était établi (Verg. Aen. 1,242-9). Le nombre de ses
célèbre a été imité par Paulin de Périgueux (Mart. 5,557 cui militat embouchures était presque proverbial (Mart. 8,28, 7 : « an tua mul-
aer), Corippe (!oh. 1,289-90, prière à Dieu : « Te uenti nubesque tifidum numerauit lana Timauum »). Claudien emploie volontiers
pauent, tibi militat aer, / imperioque tuo nunc arduus intonat stagna à propos de fleuves : Ol. 51 stagna Tagi ; Ruf 1, 102-3
aether ») et Venance Fortunat (Mart. 1,311 tibi militat aether). Cer- stagna ... Pactoli. L' aduentus (v. 122) de l'empereur, être divin, est
tains manuscrits de Cyriaque d'Ancône ont inséré ces vers à la décrit comme une épiphanie : adoration du dieu fleuve Éridan,
suite d'une inscription qui figurait sur la base de l'obélisque de prodiges (v. 123-5). Pour le mythe de l'ambre, sublimation des
l'hippodrome S. Atmeidan à Constantinople (CIL III, 737; discus- pleurs des sœurs de Phaéthon, voir Ov. Met. 2,340-66. Un magni-
sion de Th. Mommsen, p. 138 première colonne). fique uersus aureus clôt le voyage.
2. La lumière seule peut représenter l' aduentus des empereurs
Page 41: divins, assimilés à des astres. Virgile avait comparé Pallas à Lucifer
1. Claudien présente la mort de Théodose comme une apo- (Aen. 8,589). L'adjectif roseus est une épithète traditionnelle du
théose stellaire dans la plus pure tradition païenne (cf. plus loin soleil (Verg. Aen. 11,913 roseus... Phoebus). Le parallèle entre Jupi-
v. 158 et 163 sqq.; et n. compl. 7 à Ol. 235). Ambroise (Obit. ter et Bacchus (Bromius, cf. Ov. Met. 4,11) est d'autant plus perti-
Theod. 5) avait donné une autre version de la mort de l'empereur nent qu'il s'agit, comme dans le cas de Théodose et Honorius,
chrétien ! Mais, la rhétorique étant une nouvelle fois mise au ser- d'un père et d'un fils.
vice de l'analyse politique, Claudien veut faire croire que Théo-
dose a retardé lui-même sa mort pour remettre au seul Honorius Page 43:
(Arcadius n'est pas mentionné!) l'empire réunifié par la victoire 1. J'opte pour la leçon la mieux attestée. Après Heinsius, Birt et
du Frigidus. Aussi la description de l'apothéose est-elle repoussée Hall préfèrent fforet. Heinsius cite Stil. 1,324 « armifer et uiridi jlo-
aux v. 163 sqq., pour laisser à Honorius le temps de venir à Milan reret milite sulcus » (mais le contexte impose ici la métaphore flo-
et pour permettre à Stilicon de recevoir la charge de l'Empire rale) ; Val. FI. 5,564 ( uariis Jloret uia discolor armis) et 7,77 (armata
comme protecteur ou tuteur des fils de Théodose. jlorescant pube nouales). Mais plaide en faveur de feruet le rappro-
4Jf

180 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 181

chement avec le passage où Lucrèce évoque le déploiement des prochement est tentant et Sarmaticas donnerait au passage plus de
légions au Champ de Mars (2,40-41) : « si non forte tuas legiones cohérence géographique. Mais Ammien ne mentionne pas Stilicon
per loca campi / Jeruere cum uideas belli simulacra cientis » et rien ne prouve que dans ses nombreuses campagnes militaires,
(même position à l'initiale du vers). qui ne sont pas forcément toutes connues, Théodose (avec Stili-
2. Duval (1984, p. 147) note à juste titre le "fondu-enchaîné" con?) n'ait pas combattu les Dalmates.
qui raccorde l'arrivée d'Hor10rius à Milan à la fameuse entrevue 2. En un moment aussi capital au plan politique revient l'image
sans témoin entre Tht0dose et Stilicon : « de l'existence de celle-ci, obsessionnelle chez Claudien de la révolte des Géants, symbole du
de sa nature, de son contenu, devaient sortir les malheurs de risque de chaos que court l'univers si les Joedera mundi ne sont pas
Rome, et quinze ans de luttes et de tension, dont les controverses sauvegardés par les dieux ... ou par un homme politique providen-
modernes, heureusement plus pacifiques, ont pris le relais » ( ibid. ; tiel comme Stilicon. Le caractère obsessionnel du thème de la
la n. 35 donne une bibliographie de la question ; voir Mazzarino gigantomachie chez Claudien ( Gig. ; Gig. gr. 1 et 2 ; et passim; pour
1942, p. 106-7). Claudien met en valeur Stilicon d'abord en souli- le Rapt., voir t. 1, p. XLIII-XLIV et XLVII, ainsi que p. 94-97 n. compl. 1
gnant son lien familial avec la famille impériale : en épousant de la p. 11; p. 114 n. compl. 1 de la p.l 7; et p. 176 n. compl. 5 de
Sérène, nièce et fille adoptive de Théodose, Stilicon est devenu le la p. 75) a été mis en évidence dans le mémoire de maîtrise de V.
gendre de l'empereur (v. 143 et 154-8, où regi,na désigne Flacille, Giorgi, Lecture psychocritique de la Gigantomachie chez Claudien, que
femme de Théodose; puis en l'associant aux victoires militaires de j'ai dirigé à l'université de Provence en 1990-91.
Théodose sur les barbares (v. 14 7-50). Stilicon apparaît comme - Pour la graphie Tithyos, voir t. 1, p. 50 note g. et ici même à Ruf
indispensable : même le grand Théodose ne pouvait se passer de 2,515 (cf. aussi Gig. 25). Sur Tityos, voir Homère Od. 11,576-581 et
lui. Apparemment renseigné par Stilicon, seul témoin, Claudien t. 1, p. 158 n. compl. 4 de la p. 50. Sur Encelade et Typhée, voir
fait dire à Théodose qu'il confie à Stilicon la protection de ses t. 1, p. 114-115 n. compl. 1 de la p. 17. La leçon quasi unanime des
deux fils, Arcadius (qui n'apparaît pour la première fois que pour mss. undis prosiliat peut être conservée contre la suggestion margi-
être placé sous la protection de Stilicon!) et Honorius (v. 151-62). nale de l' Isengriniana (retenue par Heinsius) ou la leçon des exc. Fl.
Remplaçant leur père après sa mort (v. 157), il doit jouer un rôle, et de F7 (adoptée par Birt et Hall). Certes, le thème des chaînes
sinon de tuteur au sens strict, du moins de parrain protecteur. On qui retiennent les Géants est un topos (Stat. Theb. 4,534-5 Gigantum
peut discuter à l'infini sur l'authenticité de cette scène, rapportée / uincula) et Claudien parle ailleurs des chaînes des Titans (gi,g. 28
d'après le témoignage du seul témoin qui fonde sur elle sa légiti- Soluite Titanas uinclis). Mais, en pr. 6 cons. 17, il faut lire uictusque
mité politique. Comme le note Duval ( 1984, p. 148), il est curieux Typhoeus et non uinctusque T., leçon très minoritaire qui n'est pas
que, pour cette entrevue capitale, Théodose ait attendu l'arrivée retenue par Hall (même hésitation de la tradition manuscrite en
d'Honorius, mais ne l'y ait pas convié. Cet entretien ressemble fort Lucan. 6,65 : uincti / uicti terga gi,gantes) ; et, comme Claudien, en
à un testament politique. Mais nous savons par Ambroise ( Obit. ce dernier passage, place (avec Verg. Aen. 9,716) Typhée sous l'île
Theod. 5) que l'empereur ne laissa pas de testament écrit. Aussi d'Inarimé (Ischia), pour échapper à ce fardeau, le géant devrait
peut-on soupçonner que Stilicon, relayé par Claudien, ait voulu s'échapper par la mer. La prédiction mythologique du v. 162 a pro-
faire parler le mort. C'est ce que pensera la cour de Constanti- bablement un arrière-plan politique (voir intr.) : Duval (1984, p.
nople, en rejetant les prétentions de Stilicon. Claudien lui-même, 149-50) y voit une prophétie post euentum de la mort de Rufin, dont
dans des œuvres postérieures, changera sa version des faits. Ces l'assassinat survenu le 27 novembre 395 devait être connu à Milan
variations ne plaident pas pour l'authenticité de la scène. au moment de la récitation du panégyrique de Claudien.

Page 44: Page 45:


1. La quasi-totalité des mss. donne dalmaticas. Mais, depuis 1. Théodose remonte une à une les sphères des sept planètes,
Heinsius, les éditeurs préfèrent la leçon Sarmaticas transmise par dans l'ordre chaldéen suivi par Cicéron (Macr. Somn. 1, 19) : la
les exc. Fl., l' Isengriniana in mg., ainsi que trois manuscrits qui ne lune, Mercure ( originaire du mont Cyllène en Arcadie : Verg.
font pas partie de ma sélection: g, ] 6 et F7 . Heinsius et Birt s'ap- Aen. 8,139-9), Vénus, le soleil, Mars, Jupiter et Saturne (la sphère
puient sur un passage d'Ammien Marcellin (29,6,15) qui rapporte froide), alors que selon l'ordre égyptien que suit Platon dans la
en 37 4 une campagne du jeune Théodose ( dux Moesiae Theodosius République, le soleil est placé au-dessus de la lune.
iunior) contre les Sarmates : ... afjlixit ... Jortissime turbas conjluentes 2. Le ciel a ouvert ses portes pour laisser Théodose pénétrer
oppressit ut caesorum plurium alites iusta sagi,na satiaret et feras. Le rap- dans la sphère des étoiles. Comme dans l'apothéose que Virgile
182 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 183

envisageait pour Auguste ( Georg. 1,32-35), les constellations font Page 48:
une place au nouvel arrivant. Mais à la différence de Virgile, Clau- 1. Les deux derniers vers se présentent comme la conséquence
dienne précise pas (la chose eût été délicate!) où se situe la nou- des précédents: la soumission politique implique l'offrande des
velle étoile, au nord (v. 170) ou au sud (v. 171). L'Ourse, le Bou- tributs, évoquée ici en des termes traditionnels et presque prover-
vier et Orion sont aussi associés en Rapt. 2,189-91. Sur l'épée biaux: perles de la mer Rouge (au sens antique: voir Ruf 2,242 et
d'Orion, qui est ici placée à son baudrier, selon la tradition la plus n. compl. 1), ivoire de l'Inde (Verg. Georg. 1,57 « India mittit
courante et la plus exacte du point de vue astronomique, voir ebur »), encens de Panchaïe, partie de l'Arabie Heureuse (Verg.
Ol. 28 et n. compl. 12. Georg. 1,57 [suite] molles sua tura Sabaei; et 4,379 Panchaeis... igni-
bus), et soie de Chine (voir supra Ol. 179-80 et n. compl. 7 ;
Page 47: « Serica », RE II A 2, c. 1729-30). Sidoine imitera ce passage dans
1. Comme pour la déesse Rome ( Ol. 94 sqq. et n. compl. 4), son panégyrique de Majorien, pour décrire comme ici les présents
mais surtout comme pour Énée chez Virgile, Vulcain-Mulciber apportés à Rome par le monde entier (Carm. 5,42-47): « Fert
forge les armes des deux empereurs (Aen. 8,416-20; 424-5 ; Indus ebur... Ser uellera... Panchaia myrrham ». La clausule uellera
435 sqq.) : « Insula Sicanium iuxta latus Aeoliamque / erigitur Ser(es) se trouve déjà dans un fragment poétique anonyme
Liparen fumantibus ardua saxis, quam subter specus et Cyclopum (d'époque augustéenne ?) conservé par Isidore de Séville (Orig.
exesa caminis / antra Aetnaea tonant ualidique incudibus ictus / 9,2,40 = Carm. inc. 38 Morel = 39 Büchner) : noti uellere Seres. Elle
auditi referunt gemitus striduntque cauernis / ... Ferrum exercebant reviendra souvent dans la poésie latine chrétienne à propos du
uasto Cyclopesin antro, / Brontesque Steropesqueet nudus membra luxe vestimentaire à éviter: Paul. Nol. Carm. 25,51 « non cupiat. ..
Pyracmon / ... aegidaque horriferam, turbatae Palladis arma ... ». La neque uellera Serum » ; Ps. Prosp. Carm. prou. 144 « ostro
retractatio de ce passage célèbre confère aux deux jeunes fils de contempto, uellere Serum » ; Ale. Avit. Carm. 6,40 « mollia uel tactu
Théodose une dignité épique. quae mittunt uellera Seres » ; cf. Boeth. Cons. 2 Carm. 5,8 « nec
2. Poséidon-Neptune est bien connu pour protéger cavaliers et lucida uellera Serum ».
chevaux, d'où son épithète hippios (Aesch. Sept. 130; Aristoph.
Eq. 351 et Nub. 83). La couleur, de prime abord surprenante, des Page 54:
chevaux s'explique par leur caractère marin (rhétoriquement, on 1. Claudien a déjà fait allusion à la victoire d'Apollon sur le ser-
peut supposer un hypallage dans le groupe Ionia uirides... in alga pent Python en Ol. 188-9. Il y reviendra en 4 cons. 537-8. Sur le
/... equos). La description de leur course légère à la surface des mythe de Python, J. Fontenrose, Python: a Study of the Delphic Myth
flots ou d'un champ d'épis remonte à Homère (Il. 20,226-9 à pro- and its Origins, Berkeley 1959. Le thème apparaît souvent dans la
pos des cavales d'Erichthonios ; comparer avec celles d'Iphiclos, poésie latine: Ou. Met. 1,438-47 (qui justifie l'institution des jeux
Hes. Gat. frg. 62 Mark. West), lui-même imité par Apollonios de Pythiques); Lucan. 6,407-9; et surtout Stat. Theb. 1,562-9 (et 5,531-
Rhodes (1,179-84 à propos de la rapidité d'Euphémos) et par Vir- 3), dont s'inspire précisément Claudien, ici comme en 4 cons. 537-
gile, qui applique à Camille la légèreté des pouliches homériques 8. La lutte entre Apollon et Python, c'est le conflit entre le dieu
(Aen. 7,808-11). Mais c'est d'Homère que Claudien se rapproche de la lumière et une puissance chtonienne, infernale. En
le plus. Theb. 1,562 et 4 cons. 537, le serpent est qualifié de caeruleus, adjec-
3. Les deux tableaux mythologiques (armes forgées par Vulcain tif qui désigne une couleur sombre. Ici, Claudien n'insiste pas sur
et chevaux élevés par Neptune) préparent une conclusion poli- la couleur du serpent, mais le parallèle Python-Rufin prépare
tique de ton triomphaliste: le poète, voyant (v. 201), prédit une directement la présentation de Rufin comme instrument des puis-
expansion de l'empire dans toutes les directions (l'est, v. 201-4; le sances infernales, thème qui sous-tend l'ensemble des deux livres.
nord-est et le nord, v. 205 ; le sud, v. 206-7), sans la moindre allu- Nous retrouverons plus loin la symbolique de la lumière opposée
sion au péril barbare. Stace avait ouvert la voie à ce type de déve- aux ténèbres (sur le caractère obsessionnel de cette opposition
loppement dans son panégyrique pour le 17e consulat de Domi- ciel / enfer, lumière / ténèbres, voir t. I). L'assimilation de Stili-
tien (Silu. 4,1,40-42: « Restat Bactra nouis, restat Babylona tributis / con à Apollon renvoie à l'idéologie augustéenne, qui présentait
frenari ... ») et Sidoine imitera Claudien à la fin de son panégy- Apollon comme le protecteur d'Octave-Auguste. - L'adjectif anhe-
rique pour Majorien ( Carm. 5,601-3) : « Sic Parthus rectum fugiat lus qualifie couramment les parties du corps (ThLL, s.u.,
Maurusque ... / ... sic Susa ... / exarmata tuum circumstent Bactra 68,14 sqq. ; pour membra ou artus: Hier. Epist. 38,2 ; Prud.
tribunal». Cath. 10,106). Il semble être une épithète de nature du serpent
184 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 185

Python (Stat. Theb. 7,349-50 « Cephisi glaciale caput, quo suetus roche de Delphes (cf. Lucan. 5,80-5 et 164-5) ; le trépied est placé
anhelam / ferre sitim Python amnemque auertere ponto » ; sur la fente, et la Pythie s'assied dessus ; les vapeurs la font entrer
cf. Hom. hymn. Apol. 359) ; mais ici Claudien le met en rapport en transe, et c'est ainsi qu'elle prophétise (M. Delcourt, L'Oracle de
avec son agonie. . Delphes, Paris 1955, p. 31-2; 73-4; 140-3). Claudien semble être le
La description de Python aux v. 3-4 rassemble trois traits tradi~ seul à dire que la vapeur fait tourner le trépied, peut-être sous l'in-
tionnels, déjà associés par le rhéteur Ménandre (441 Sp. ; voir fluence de Lucain (5,121 immotos tripodas; 157 tripodas cessare) bien
Fontenrose p. 80 et passim) : couvrir les montagnes (Callim. que Lucain semble indiquer seulement que le trépied est resté
Hymn. 4,93; Stat. Theb. 5,531-2 sacri spiris intorta mouebat / cornua inemployé, sans bouger. Claudien a pu en conclure que, quand il
Parnasi) ; boire les fleuves (Anth. Pal. 9,128,1-2 ; 129,2-3; Stat. est employé (donc quand la pythie prophétise), il bouge. Il est
Theb. 1,565-6 Castaliis dum fontibus ore trisulco / fusus hiat; 7,349-50 possible aussi que Claudien se réfère à l'illusion de mouvement
déjà cité); toucher le ciel (à propos d'un serpent, Sil. 6,185-7). circulaire produite sur la prêtresse par le vertige qui résulte des
Sous ces traits conventionnels, Claudien suggèrerait-il déjà que inhalations (la tête lui tourne !) ; en outre, quand le souffle divin
Rufin est un fléau pour la terre et le ciel (cf. 1,370-1; 2,454-5)? - passe, tout tremble (Lucan. 5,155-7). En tout cas, Claudien semble
L'expression sanguinea iuba est empruntée à Virgile, chez qui elle bien avoir en tête le passage de Lucain qui, en 5,166, qualifiait
décrit les deux serpents monstrueux qui viennent étouffer Lao- déjà de plenior Apollon (Paean) qui s'empare des membres de la
coon (Aen. 2,206-7) : « iubaeque / sanguineae superant undas ». prêtresse.
Quelle est la valeur des trois subjonctifs imparfaits des v. 3 et 4 ?
Pour Lévy (ad loc.), le subjonctif serait employé metri causa, pour évi- Page 55:
ter l'impossible hauriebat.Je préfère leur donner une valeur conces- 1. Avant la victoire d'Apollon sur Python, c'est Thémis qui
sive : les indicatifs decidit et Judit racontent la mort de Python ; la occupait le sanctuaire: Lucan. 5,81 cum regna Themis tripodasque
relative au subjonctif évoque en opposition les marques de sa puis- teneret. Selon une forme de la légende, Apollon et Thémis partagè-
sance et de son caractère monstrueux en dépit desquels il a été tué. rent l'oracle à l'amiable (W.H. Roscher, « Themis », Ausführliches
2. Rappel des méfaits du serpent. L'image du nœud évoque les Lexikon der Griechischen und ro'mischen Mythologie, p. 586 sq.). La
arbres serrés par les anneaux du serpent, thème traditionnel à grotte est qualifiée de seuera parce que Thémis est déesse de la jus-
propos de Python : Stat. Theb. 1,564-5 amplexum Delphos squamisque tice, laquelle est "sévère" ; pour Claudien, seuera est quasiment une
annosa terentem / robora (cf. 5,514-5 à propos d'un serpent mons- épithète de nature de lex (Nupt. 201 ; Theod. 154).
trueux) ; Arg. Orph. 993. Pour l'écume du venin : Stat. Theb. 2. Nunc applique le récit mythique à la situation présente (sur
1,360 spumauit Lerna ueneno; Sil. 6,677-8, à propos d'un fleuve de ce mode de construction des préfaces chez Claudien, voir intro-
Numidie: spumabat Bagrada ... / uiperea sanie. - Tractus décrit le duction à J cons.) - Domini renvoie-t-il à l'empereur Honorius,
mouvement des serpents: Verg. Georg. 2,154; Stat. Theb. 5,506; conformément à la titulature impériale, ou à Stilicon ? La suite
Claud. 3 cons. 141 ; Cet. 22-23. - Coma, à propos du feuillage des montrera qu'il s'agit de Stilicon (iaculis en 2,305, à propos des
arbres, est une vieille métaphore agraire devenue traditionnelle en traits qui, pense Rufin, ne sauraient l'atteindre, peut faire écho à
poésie: Verg. Georg. 2,368; Aen. 2,629; Hor. Carm. 1,21,5; Auien. telis; dextra en 2,402 désigne le bras par lequel Stilicon frappe
Perieg. 1330 ... - L'alliance uipereum uenenum se lit chez Lucain Rufin). Mais l'ambiguïté de Claudien est peut-être volontaire, et,
(9,635), à propos des serpents de Méduse. en tout cas, cette identification n'est pas une raison suffisante
3. Paiôn est l'un des noms d'Apollon: le guérisseur, le secou- pour faire de domini l'antécédent de qui en adoptant aux v. 17 et
rable. Sous sa forme attique Paian, le terme a ensuite désigné un 18 les leçons à peine attestées seruans et regit. Comme le pense
chant solennel, souvent de victoire, et surtout en l'honneur Lévy (1971, p. 6), il ressort clairement de cette préface que ni
d'Apollon. Ici, l'exclamation est particulièrement bien en Honorius ni Stilicon n'ont assisté à sa récitation (avec le livre 1).
situation; de même chez Lucain (5,80), Apollon vainqueur de En leur absence, Claudien a mis en avant les courtisans qui étaient
Python est appelé Paean. - L'anaphore omnis... omnia (relayée par présents: sacra caterua (v. 16: l'adjectif sacer qualifie tout ce qui est
une allitération en r) scande le rythme et souligne la ponctuation en rapport avec la personne sacrée de l'empereur: Nupt. 32; 131;
bucolique : elle marque le caractère universel de la louange à Fesc. 1,14 ... ; pour caterua dans un contexte analogue, pr. Theod. 7-
Apollon (donc à Stilicon). 8) ; la mention des dei au v. 14 concourt à cette mise en valeur. En
4. Voir Lévy 1971, p. 4. Aura désigne l'exhalaison qui, pense-t-on l'absence de Stilicon, d'autres dignitaires peuvent être présentés
au moins depuis l'époque alexandrine, sort d'une fissure dans la comme soutenant l'Empire et si Claudien associe souvent les
186 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 187

mérites de Stilicon dans la paix et dans la guerre (3 cons. 144-5; 83; après lui, Rut. 2,31-32; Boeth. Cons. 1,6,44. Birt (éd., p. LXV)
Theod. 162-3; Stil. 1,16-17 et 2,1-2), la pensée exprimée ici est suffi- et Lévy (éd., p. 10) pensent que Claudien dépend essentiellement
samment générale et banale pour pouvoir s'appliquer à d'autres de Minucius Felix (voir aussi Gennaro 1957). L'exposé de l' écri-
qu'à lui : les généraux qui défendent l'Empire et les hauts magis 0

vain chrétien sur la Providence étant particulièrement long, et les


trats ou gouverneurs qui rendent la justice ; par le concours de ces arguments développés traditionnels, il est normal de relever un
deux groupes est sauveg-ardée la stabilité de l'Empire. Pourquoi ne certain nombre de points de contact avec Claudien; mais aucun
pas supposer qu'en ce (court !) moment d'entente entre les deux n'est suffisamment original ou précis pour établir une réelle filia-
cours il ait pu se trouver à Milan quelques dignitaires de Constan- tion. Claudien développe une opposition philosophique tradition-
tinople venus pour annoncer la mort de Rufin et (ou ?) pour fêter nelle, qui d'ailleurs a pu faire l'objet de controverses rhétoriques.
le consulat conjoint des deux empereurs frères ? Au plan gramma- Mais Claudien semble avoir été connu du Ps. Prosper (cf. rappro-
tical, l'accord par syllepse caterua (eorum) qui ne fait pas pro- chements infra).
blème ... sauf pour un scribe semi-savant: les leçons seruans et regit Ici, comme chez Sénèque, Juvénal et Minucius Felix, le thème
peuvent être des corrections volontaires. Les éditeurs qui les tien- est abordé d'un point de vue moral, mais avec la même orienta-
nent pour bonnes voient ici une affirmation sans ambages des pré- tion personnelle que chez Euripide (Hippol. 1104-7; cf. Funke
tentions de Stilicon à diriger les deux parties de l'Empire. En 1985) : le bonheur des méchants et le malheur des gens de bien
3 cons. qui vient d'être récité, Claudien est plus discret: selon lui, sont-ils compatibles avec l'existence d'une Providence divine ?
Théodose aurait demandé à son "gendre" de protéger ses deux fils 2. Disponere est le verbe habituel en ce contexte (Ou. Met. 1,32-
Honorius et Arcadius comme un père (v. 142-62 et n. compl. 2). 33 Sic ubi dispositam quisquis fuit ille deorum / congeriem secuit ;
Ce n'est qu'en Ruf 2,1-17 (en 397, voir introduction) que se Min. l 7,6). - La clausule foedera mundi rappelle un passage du stoï-
trouve pour la première fois clairement affirmée la responsabilité cien Lucain qui, à propos des guerres civiles (1,72-82), évoque la
confiée par Théodose à Stilicon sur la totalité du monde romain fin du monde, quand ses lois seront bouleversées (1,79-80) :
(Romana potentia), sur les deux empereurs (fratrum utraque « Totaque discors / machina diuulsi turbabit foedera mundi » ( clau-
maiestas) et sur les deux armées, occidentale et orientale (geminae sule du même ordre chez Manil. 3,55 religatus foedere mundus). Ce
exercitus aulae). Une telle affirmation au début de l'année 396 foedus assure la cohésion du monde (cf. Rapt.) et renvoie peut-être
(février ou mars?) semble politiquement impossible: contraire à implicitement à la doctrine de la sympatheia, harmonie entre les
l'attitude de Stilicon (qui reconnaît le pouvoir autonome d'Arca- phénomènes célestes et terrestres. Lucrèce emploie l'expression
dius en lui renvoyant les troupes orientales et en évacuant l'Illyri- foedus naturae (5,924; cf. Verg. Georg. 1,60).
cum oriental), elle aurait immédiatement provoqué une nouvelle Le premier exemple qui illustre ce thème est celui des limites
crise entre Milan et Constantinople, au moment précis où les rela- de la mer (Ou. Met. 1,37; Lucan. 1,77-78; Min. 17,9). Le datif
tions entre les deux cours venaient de se normaliser. mari conviendrait bien au verbe praescribere (cf 4 cons. 304 praescrip-
tos homini fines). Mais un génitif dépendant de fines donne le
Page 56:
même sens et est plus naturel à côté d' anni (leçon unanime des
1. Les 24 premiers vers constituent l'exorde, mamere d'intro-
mss.) dans la suite des v. 4 à 6 (contra Cameron 1968, p. 387-8). Le
duction philosophique (Lévy 1946 ; Funke 1985) : la mort de
thème de la mer sera repris aux v. l 0-11, dans une formulation
Rufin a résolu les interrogations de Claudien sur le rôle des dieux
(porrexerit undis / litora) qui peut rappeler Ou. Met. 1,13-14: « nec
dans la conduite des affaires du monde : sont-elles régies par la
bracchia longo / margine terrarum porrexerat Amphitrite». - Anni
Fortune ou par la Providence divine? Cette question (v. 1-3)
meatus: cf. Min. 17,5, mais aussi Iuu. 13,88 et Cie. Nat. deor. 2,7,19
reflète le conflit entre la doctrine stoïcienne qui croit à la Provi-
qui explicite la notion de sympatheia; meatus dans cet emploi
dence (v. 4-11) et l'épicurisme qui explique le monde par le
semble original. - Consilio dei (v. 7) désigne le dessein divin, la Pro-
hasard, sans intervention des dieux (v. 12-19). Elle a souvent été
vidence, la pronoia des Stoïciens: Cie. Nat. deor. 1,8,18 (cf. Ps.
abordée par les auteurs latins: Ace. trag. 42; Cie. Nat. deor. 1,18-
Prosp. Carm. prou. 24 arbitrio credis stare regique dei). Firmare se lit sou-
24; 2,18 sq.; Tusc. 1,68 sqq. ; Lucr. 2,1090-104; 5,156-99 et 1194-
vent chez les chrétiens à propos de l'acte du dieu créateur (ThLL,
240; 7,646-7; Sen. Dial. 1,1 et passim; Nat. 1,1,4; Phaedr. 960-88;
s.u., 812,45 sqq.) : Tert. adu. Prax. 19; Hil. in psalm. 64,8; Vulg.
Lucan. 2,4-13 et 7,445-55; Iuu. 13,86-88 (cf. Helm 1931, p. 27 sq.
psalm. 99,l ; 135,6; prou. 8,28. - Lex (v. 7) est synonyme de foedu_,s
et Cameron 1968, p. 388 réfutés par Funke 1985, p. 359) ; Tac.
(cf. Sen. dial. 1,1,2) ; ici l'imitation du Ps. Prosper est nette et pre-
Ann. 6,22; Min. l 7,3-9; chez Claudien, 4 cons. 284-9; Theod. 82-
cise ( Carm. prou. 632-3) : « qua pontum lege moueri / iusserit ». - L'ar-
188 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 189

gument des saisons avec leurs diverses productions complémen- contre fortuite des atomes (Epic. Epist. 1,74; Lucr. 2,1048-76; Cie.
taires (v. 8) se trouve chez Minucius (17,7), mais aussi chez Arrien Fin. 1,6,21; Claud. Theod. 79-81). - Fortuna regi (v. 18) : Lucr. 5,107.
Epict. 1,14,3 et chez Sen. Phaedr. 966-71. - L'expression numina nulla (v. 18-19) peut faire penser à Lucain
3. Dernier thème stoïcien: l'équilibre de la terre au milieu de 7,445-6, constatation désabusée motivée par la guerre civile: « sunt
l'axe du monde. Librare et axis sont ici des termes techniques nobis nulla profecto / numina cum caeco rapiuntur saecula casu ».
attendus: Cie. Tusc. 5,69; Manil. 1,279-80 (aera per gelidum tenuis -Non arte regi pourrait évoquer un passage des Tristes (1,4,12), mais
deducitur axis / libratwnque regit diuerso cardine mundum) ; Ou. elle a ici un sens philosophique: cf. Lucr. 1,1021-2; Claud. Theod.
Met. 1,12-13; Lucan. 1,57-58; Min. 17,5; Hyg. Ast1: 1,8. 82 caecis... plagis. - Sensu ambiguo : Cicéron relève déjà cette ambi-
guïté dans la pensée épicurienne (Nat. deor. 1,86) : dubium est enim
Page 57: utrum dicat [Epicure] aliquid ... esse... immortale, an si quid ... Non
1. À partir de la constatation qu'il n'y a pas de justice sur terre animaduertunt hic eum ambigue locutum esse. Nulla... uel nescia nos-
(cf. Lucien Iup. tr. 19 sq. ; Sen. Dial. l passim), Claudien passe au tri: cf. Lucr. 2,646-8; Cie. Nat. deor. 1,123; Min. 19,8.
point de vue épicurien. Caligine uolui reprend dans un emploi 2. Tandem, à mettre en rapport avec saepe (v. 1) et les imparfaits
métaphorique une expression épique traditionnelle depuis Virgile précédents, traduit l'impatience de Claudien. Le meurtre de Rufin
(Aen. 9,36 à propos d'un ennemi inconnu : quis globus... caligine est présenté comme un châtiment (poena, cf. Ruf 1,369; 2,406 et
uoluitur atra? Sil. 4,306-7, à propos d'un début d'incendie: Symm. Epist. 6, 14, 1). L'exorde était donc une justification philoso-
nigranti piceus sensim caligine uertex / uoluitur) et désigne ici les phique d'un assassinat politique. - Absoluitque deos (v. 21) : face au
ténèbres du mal (cf. Cie. Red. sen. 3,5; Arnm. 29,2,18; Claud. Eutr. problème de la Providence, les dieux sont souvent 'mis en accusa-
1,490-3). -, Cadebat religio (v. 14-15): c'est précisément le but pour- tion' et 'jugés' : il y a une fiction jmidique d'un procès des dieux
suivi par Epicure (Cie. Nat. deor. 1,121 ; Ps. Prosp. Carm. prou. 717 (cf. Sen. Dial. 1,1,1 causam deorum agam; Claud. Ruf 2,421-3).
totam subuertere religionem, dum nullum curare deum ... ). Viam (v. 15) : - Tolluntur in altum / ut lapsu grauiore ruant (v. 21) : thème tradi-
à propos de la doctrine épicurienne, Lucr. 6,27; Cie. Fin. 1,57. tionnel (Lucien Gant. 14 ; Octauia 379 alte extulisti, grauius ut rue-
Non sponte: spontanément, Claudien est plutôt stoïcien qu' épicu- rem; Iuu. 10,105-7; Min. 37,7; Monosticha Catonis 21; Anth. lat.
rien; ici s'exprime une sorte de répugnance instinctive à l'égard 417,7 Riese; après Claudien: Ps. Prosp. Carm. prou. 812-4; Prosp.
de l'épicurisme. - Vacuo (v. 16, terme épicurien) est la leçon de ingrat. 458 et 790; Coripp. Ioh. 3,137-8 surgit in altum / unde cadat
tous les mss. conservés ; uano, une conjecture anonyme sur un rursus).
exemplaire de Cujas (cf. Birt, p. cxcv) ; Paul, suivi par Jeep, a 3. L'image des aiguillons de l'envie est traditionnelle depuis
conjecturé caeco. Le texte faisant allusion à la théorie épicurienne Virgile (Aen. 11,337 inuidia stimulisque agitabat amaris). Ausone la
du mouvement des atomes, uacuus peut désigner la liberté de ce reprend en y associant comme ici l'image du feu (déjà liée aux
mouvement dans le vide (Gesner interprète: motus uacuus rationis) aiguillons par Stace Theb. 5,489 sontibus accensae stimulis),
ou même, comme le pense Lévy, par une extension poétique du Cup. (325), 82-83: stimulisque accendit amaris / ancipites Furias. Pru-
sens, le vide lui-même: anticipant sur magnum ... per inane, l'ex- dence Ham. 187 imite Virgile directement et par Ausone. Cf. 4
pression peut signifier "par un mouvement dans le vide" ( cf. Stat. cons. 252 ; Theod. 226 ; Eutr. 2,46. Mais l'aiguillon est aussi l'arme
Theb. 4,67 où uacuo gyro est dit d'un cercle décrit dans un espace d'Allecto (Verg. Aen. 7,405) : Claudien a donc retourné sa propre
vide. Currere remplace le verbe habituel dans cet emploi, Jerri. arme contre elle.
Semina (v. 16) désigne les atomes: Lucr. 1,58-62; Verg. Ecl. 6,31
(cosmogonie de Silène inspirée par Lucr. 5,416-508 et 783-825) uti Page 58:
magnum per inane coacta semina; voir Rapt. 1,249-51. - Magnum per 1. Le conseil des Furies (v. 25-122). Faut-il donner un sens philo-
inane (v. 17) : Lucr. 1,1018; Verg. Ecl. 6,31 ; Claud. Theod. 80 et sophique à l'intervention d'Allecto considérée comme premier
Rapt. 2,281. - Nouas figuras: Birt conjecture uagas en donnant à moteur du mal? Fabbri (1918) pense que Claudien a été influencé
figuras le sens d'atome (p. 510 et ThLL, s.u. figura 729,74-81) et en ici par la doctrine dualiste qu'il aurait pu connaître au contact des
considérant le v. 17 comme une variation du v. 16 (cf. Lucr. 2,385). chrétiens ou des écrits chrétiens contre les manichéens. Pourquoi
De fait, nouus est difficile à comprendre s'il se rapporte aux pas au contact du manichéisme lui-même, puissant à Rome, comme
atomes éternels (Lucr. 1,545-9). Mais figura ne désigne pas ici les le montrent les Confessions d'Augustin, ou du fait que le dualisme
atomes, mais les configurations variées que les épicuriens croient avait pénétré la religion romaine (F. Cumont, Les religions orientales
en constante création (d'où "nouvelles") dans le vide, par la ren- dans le paganisme romain, Paris 1929, 4ème éd., p. 141 sqq.) ? La
-----,--
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190 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 191

connaissance directe d'auteurs chrétiens par Claudien reste à éta- et celle de Stilicon ; il suggère ainsi une assimilation Turnus-Rufin,
blir (contra Birt, éd. p. LXIV sqq., suivi par Levy, éd. ad loc.; et plus Énée-Stilicon. Ce dernier apparaît donc comme un nouvel Énée,
récemment C. Lo Cicero et M.L. Ricci). Selon Levy (1947 et éd. nouveau fondateur de Rome à la manière d'Auguste. Mais un élé-
ad loc.), Claudien aurait mis en avant Allecto plutôt que Tisi- ment fondamental a changé : dans l'épopée latine, les Furies n'in-
phone (à la différence de Virgile Aen. 6,571-2) parce que c~ttè terviennent que sur l'ordre d'un dieu céleste (Junon chez Virgile,
dernière, vengeresse des meuFtres, serait inappropriée pour incar- Stace et Silius) ou avec l'accord de Jupiter: elles sont donc l'ins-
ner le principe du mal dans un système dualiste. En fait, malgré le trument de la volonté divine. Ici, Allecto agit sans mandat d'un
prologue philosophique, la portée de cette première scène est lit- dieu ouranien et même contre l'ordre divin supérieur. Cette inno-
téraire et politique. Claudien s'inscrit dans une tradition bien éta- vation renforce la précédente. En exprimant ses propres obses-
blie: l'évocation du monde infernal est un élément obligé de sions, Claudien assimile Rufin aux forces du mal. Je ne vois là
l'épopée antique dont seul Lucain s'est volontairement dispensé aucune intention philosophique, mais la subordination d'une
(Hom. Od. 11; Verg. Aen. 6; Ou. Met. 4,432 sqq. et 10,1 sqq.; forme d'expression littéraire à un dessein de satire politique, en
Val. Fl. 1,827 sqq.; Stat. Theb. 8,1 sqq.; Sil. 13,381 sqq.) et l'assem- concordance existentielle avec les obsessions profondes du poète.
blée des Furies reprend le topos épique du concilium deorum : 2. Claudien suit une généalogie mythique qui remonte à Hésiode
M. Hammond, « Concilia deorum from Homer through Milton», (Theog. 125) et qu'on retrouve chez Cicéron (Nat. deor. 3,44) et
SP 30, 1933, p. 1-16; et surtout Fo 1982, p. 208 sqq. Mais, comme Hygin. L'Érèbe lui-même est fils du Chaos (Theog. 116 sqq.). Ce cata-
l'a montré Fo, le topos est traité de façon originale dans la perspec- logue des fléaux constitue un nouvel élément épique inséré dans
tive propre de Claudien qui est celle d'une invective politique - et l'invective. Claudien s'inspire de la description du vestibule des
en fonction des obsessions personnelles du poète. Si la tradition- enfers chez Virgile (Aen. 6,273-280), mais aussi d'Ovide Met. 4,481-5,
nelle assemblée des dieux est remplacée ( unicum dans l'épopée de Stace Theb. 7,40-54 et de Silius 13,579-87 (autres catalogues de ce
antique) par le concilium deformeFuriarum (v. 28), c'est parce que la type : Sen. Herc. f 690-6 ; Oed. 592-4 ; catalogue négatif chez Lac-
perspective épique est inversée: au héros du bien (Stilicon) s'op- tance Phoen. 15-20; chez Claudien, Nupt. 78-85 ; 6 cons. 322-3). On
pose le héros du mal Rufin, et l'épisode est construit selon un remarque la substitution de Timor à Metus (Virgile) ou Pauor, Terror
crescendo qui prépare l'apparition de Rufin, arme secrète de la (Ovide) et surtout trois personnifications apparemment originales
révolte des Furies, qui n'a plus d'humain que l'apparence. Le trai- (Évrard 1986) : Audacia, Auaritia et Luxus, bien en rapport avec la
tement littéraire de l'épisode est conditionné par cette perspec- personnalité prêtée à Rufin. Auaritia est présentée comme la mère
tive. Ainsi l'enfer n'est plus l'outre-tombe traditionnel, mais le des crimes en Stil. 2,111-5. Dans le contexte politique que vit Clau-
royaume des forces du mal hostiles à la justice (v. 357-9), qui de dien, on comprend que Discordia soit passée de la dernière à la pre-
leur propre initiative agissent pour détruire l'ordre du monde mière place : tous les maux de l'Empire viennent de la Discorde.
dont sont garants les dieux d'en haut. Ce thème obsessionnel chez 3. Comparer Stat. Theb. 3,125-6 « sanguineo discissus amictu /
Claudien (cf. Rapt. et le thème récurrent de la Gigantomachie) est Luctus atrox ». L'adjectif atrox a été transféré sur Allecto (v. 25) : ce
utilisé ici à des fins politiques puisqu'à la fin du poème (2,454- genre d'épithète crée une tonalité affective. Les vêtements déchi-
527), après la mort de Rufin, c'est-à-dire après l'élimination du rés sont un signe de deuil. Claudien s'efforce de caractériser cha-
génie du mal, l'univers retrouve son ordre et l'enfer sa représenta- cun des fléaux par un trait descriptif qui a valeur de définition.
tion traditionnelle, avec Minos pour juger les défunts.
De même, le personnage d'Allecto s'inscrit dans la tradition vir- Page 59:
gilienne (Aen. 7,324-571) prolongée par Stat. Theb. 9,143 sqq. et l. Stetit in mediis : cliché épique qui confirme la tonalité de la
Sil. 2,526 sqq. (Fo 1982, p. 227 sqq.): quand Junon voit Énée en scène. Stace ( Theb. 2,389) avait écrit à propos de Tydée debout
Italie, elle décide de faire appel aux puissances infernales pour dans l'assemblée des Thébains: Constitit in mediis. Cette allusion a
retarder l'accomplissement du destin (7,286 sqq.) ; elle fait venir valeur prémonitoire car chez Stace l'intervention de Tydée avait
la "faiseuse de deuils" Allecto (v. 324 sqq.), dépeinte comme la marqué le début de la guerre. - Angues: les serpents, symbole de la
pire des Furies, fille de la Nuit (v. 331) et lui demande de déclen- puissance chtonienne, sont traditionnellement associés aux Furies
cher la guerre. Ici, au moment où triomphent la paix et la justice (Verg. Aen. 12,845 sqq.) qui les portent à la main ou dans leur
(v. 26 et 45 sqq.), Allecto intervient pour introduire la discorde et chevelure (Ruf 1,66; 134; 362; 378-9). Le mouvement ici décrit
la guerre. En choisissant Allecto (cf. Rapt. 1,38-41) et non Tisi- se retrouve chez Ovide (Met. 4,474-5) : Tisiphone, canas ut erat tur-
phone, Claudien souligne le parallélisme entre l'action de l'Énéide bata capillos / mouit et obstantes reiecit ab ore colubras. Claudien s'est
192 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 193

peut-être aussi souvenu de Virgile Aen. 7,450, quand Allecto inter- Page 61:
rompt Turnus: « reppulit et geminos erexit crinibus angues ». Le 1. Comparaison épique dont la fonction est de clore un déve-
mouvement n'est pas le même et reppulit n'a pas pour complé- loppement, avec un beau uersus aureus conclusif (v. 73). Le thème
ment angues, mais une réminiscence involontaire est probable car est. traditionnel: Ou. Fast. 2,775-6; Lucan. 5,217-8; Sen. Herc.
le v. 44 montre que Claudien avait en tête ce passage de Virgile f 1089-92 et Herc. O. 710-1 ; Stat. Theb. 1,479-81 et 7,86-89. Compa-
(v. 445-51 : colère d'Allecto qui rabido... haec addidit ore; yoir aussi rer inpacata quies pelagi à Lucan. 5,442 saeua quies jJelagi et dubium
v. 66). Perque humeras errare dedit: cf. Ou. Met. 4,492 à propos de per aestum à Lucan. 5,492 et 602 dubium ... aequor (Bruère 1964,
Tisiphone « caesariem excussit ; motae sonuere colubrae / parsque p. 226). Claudien a bien en tête le livre 5 de Lucain.
iacent umeris ». Dare + infinitif est une construction poétique : 2. Sur le rôle de Mégère dans la folie d'Hercule, Lucan. 1,576-
Verg. Aen. 1,79; Claud. Cet. 541. 7; Sen. Herc. f 100-2; Herc. O. 1005-6 et 1014. Varron (Ling. 7,82)
2. Ici comme en 4 cons. 239-43, la colère est placée au fond du explique l'épithète d'Hercule alexikakos « quod defensor esset homi-
cœur. Claudien s'inspire de la tripartition platonicienne de l'âme nwn » et Hercule, dont l'arc, présent d'Apollon, est avec la massue
(noûs, epithumia, thumos). Faut-il y voir une influence de Manlius l'une des armes favorites, est bien connu comme pacificateur du
Theodorus (Laqueur 1930, p. 37-38) ? Sur les discours dans la monde (Sen. Herc. O. 282-3; 1990 ... ).
poésie de Claudien, voir H.C. Lipscomb, Aspects of the Speech in the Sur Athamas, roi béotien qui, devenu fou, se mit à chasser sa
Later Roman Epic, Baltimore 1909 et la note de Levy 1971 à notre femme et ses deux fils en les prenant pour des fauves : Apollod.
passage (p. 23-25). 1,9,1-2 et 3,4,3; Hyg. Fab. 1-4 et Astr. 2,20; Ou. Met. 4,464-519 (qui
3. Atris: couleur infernale. Cf. Verg. Aen. 9,74 Jacibus... atris à attribue la responsabilité de sa folie à Tisiphone sur l'ordre de
propos des brandons saisis par les compagnons de Turnus ; et sur- Junon); Stat. Silu. 2,1,143 et Theb. 1,12-13; Seru. Aen. 5,241 (qui
tout 7,456-7, à propos de la torche qu'Allecto jette en rêve à Tur- présente Junon comme responsable de cette folie).
nus, et Sen. Med. 15 atram facem à propos des ultrices deae. - Nequi- Sur l'intervention des Furies, et de Mégère en particulier, dans la
quam cingimur: réminiscence métrique (et phonique) de Verg. maison des Atrides, Sen. Thy. 249-52. Le verbe baccharisera repris, à
Aen. 11,536 à propos de Camille : nostris nequiquam cingitur armis. propos de Mégère (cf. Verg. Aen. 10,41 pour Allecto), au v. 368.
4. Ce thème, fréquent dans les panégyriques et dans la poésie Sur le rôle des Érinyes ou des Furies dans l'inceste d'Œdipe, Sen.
de Claudien (Rapt. 1,197-200; 2,285-93; 3,19-32; Ol. 250-2; 3 cons. Oed. 644; Stat. Theb. 1,68-69. Pour celui de Thyeste (cf. Eutr. 1,289
184-8; Theod. 122-3; Stil. 2,333-5 et 454-66), structure le premier Oedipodesmatrem, natam duxisse Thyestes),la version originale de Clau-
livre Contre Rufin: cf. analyse et v. 380-7. Voir Hahn 1962, Gatz dien trouve peut-être un parallèle sur un vase peint du Vatican
1967, Gualandri 1969 et 1989/91, Nolan 1973, Zurek 1973, (publié par Millingen, Rome 1813, 43: voir Levy 1941).
Demandt 1978, von Albrecht 1989. Le retour de la Justice
(v. 55 sqq.; cf. Ruf 1,354-87; Theod. 116 sqq.), qui s'était enfuie au Page 62:
ciel à la fin de l'âge d'or, montre que ce temps de bonheur est 1. Les exc. Fl. introduisent ici une allusion à l'Euripe (renforcée
revenu (Arat. 96 sqq. ; Hyg. Astr: 2,25 ; Verg. Ecl. 4,6 et Georg. par la leçon [conjecture?] refiuis de l'Isengriniana). Mais le texte
2,473-4; Ov. Met. 1,149-50; Fast. 1,249 ... ). Du point de vue formel, transmis par tous les manuscrits conservés donne un sens satisfai-
le v. 55 rappelle Verg. Aen. 6,202 liquidum... per aera lapsae; Ou. sant, y compris }fouis, dont la couleur renvoie à l'eau limoneuse
Pont. 3,2,51 liquidas ... per auras; Stat. Silu. 5,1,103; et le v. 56, des fleuves en crue, sortis de leur lit et donc « incertains ».
Aen. 12,208 « imo de stirpe recisum ». 2. Comme l'observe justement I. Gualandri (1989/91, p. 14-
15), Rufin est ici totalement dépersonnalisé. La peinture infernale
Page 60: qu'en donne Claudien (qui lui applique les paroles prêtées par
1. Thème obsessionnel de la lutte entre les puissances des Stace à Œdipe dans son invocation aux dieux infernaux et à Tisi-
ténèbres et celles de la lumière: cf. Rapt. 1,1-2 et 42-47 et passim phone: Theb. 1,60-61 me de matre cadentem / Jouisti gremio; cf. aussi
(voir t. I, p. 94-97 la n. compl. 1 de la p. 11). Pour Claudien, cha- Silu. 1,2,109-10 et Val. Fl. 1,355-6) a pour but d'écarter la respon-
cun des trois frères qui se sont partagé le monde (Jupiter, Nep- sabilité de Théodose (cf. v. 112-5) qui en avait fait son homme de
tune et Pluton: cf. Hom. Il. 15,189-93) ont des droits (cf. v. 69, confiance : c'est à lui qu'il avait confié Constantinople et ses deux
dont la formulation peut rappeler Ou. Am. 3,4,44 « rigidi iura tuere fils en 394 quand il était parti à la tête de ses troupes contre
uiri », mais en un autre contexte), mais doivent respecter ceux des Eugène (Duval 1984, p. 150-5). Sur la carrière de Rufin, Levy
autres, sinon le monde roule au chaos (Rapt. 1,63-65). 1971, p. 226-44 = 1935, p. 8-26 (à partir de Seeck, RE, Rufinus).
194 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 195

3. Sur le thème folklorique du petit animal (ourson) façonné de Gaule en Bretagne (Gesner 1759 ad lac., p. 25-26). Le change-
par la langue de sa mère, Ael. 2,19; Ou. Met. 15,379-81; Plin. Nat. ment de lieu est indiqué par la formule-cliché (cf. A.M. Guillemin,
8,126; Gell. 17,10,2-4 (Levy CW 1947) ; à propos de la louve nour- REL 19, 1941, p. 101-12) est locus (cf. Ruf 2,466) : Verg. Aen. 1,530
rice de Romulus et Rémus, Verg. Aen. 8,634 corporafingere Zingua; = 3,163; 7,563; Ou. Met. 2,195 et 8,788 (Est locus extremis... ); Fast.
Ou. Fast. 2,418 fingi,t Zingua corpora bina sua. Le parallèle avec Vir- 2,491 et 4,337; Pont. 3,2,45 ; Stat. Theb. 2,32; Silu. 5,1,222;
gile et Ovide plaide en faveur de la leçon membra: c'est_tout le Sil. 11,505. Cette formule est reprise par les poètes chrétiens :
corps, et non seulement le visage, que façonne la langue de la Lact. Phoen. 1; Carm. de pascha 1; Ale. Auit. Carm. 1,193; Carm. de
nourrice. La variante bien attestée ara vient peut-être d'un passage resurr. 193.
parallèle de Prudence (bien connu des médiévaux), ham. 135 à 2. Présentation traditionnelle de l'entrée des enfers : Stat.
propos de Satan: « et uirides adlambunt ara cerastae», où ara se Theb. 2,48-51 (à propos du Ténare) « hoc, ut fama, loco pallentes
comprend puisqu'il s'agit de ses serpents-cheveux qui lui lèchent deuius umbras / trames agit nigrique louis uacua atria ditat / mor-
le visage. - Le parallèle évident avec la fameuse expression de Vir- tibus. Arcadii perhibent si uera coloni, / stridor ibi et gemitus poena-
gile nocendi artes (Aen. 7,338) n'impose pas (au contraire!) la rum ». - Vmbrarum uolantum: cf. Ou. Am. 1,6,13 umbras nocte uolan-
leçon artes: l'imitation n'exclut pas la retractatio et si le singulier tis. - Simulacra ... pallida: cf. Lucr. 1,123 (en référence aux vers
artem s'est si bien maintenu dans la tradition manuscrite malgré le d'Ennius sur les enfers) « simulacra modis pallentia miris ». -
succès de l'expression virgilienne dans l'antiquité tardive et le Migrare figuras: Verg. Aen. 10,641 « morte obita quales fama est
moyen âge (P. Courcelle, Lecteurs païens et lecteurs chrétiens de l'É- uolitare figuras ».
néide, Paris 1984, p. 539-548), il faut croire que c'est la leçon origi- 3. Comme dans le De raptu, l'intrusion d'un être infernal est
nale. une souillure pour le monde d'en haut: cf. Stat. Theb. 1,124 (à
4. Sur ces défauts de Rufin (ici v. 104-5; 179-80; 222-3; 228-9; propos de Tisiphone, nourrice d'Œdipe, qui retourne à Thèbes :
238-9 ; 2,367-8), comparer la Souda s.v. et Zos. 5,2,3-4. Les v. 98-99 cf. ici v. 137) infecit nube penates; Verg. Aen. 7,395 (à propos des
sont cités dans l' Expeditio asiat. Friderici Barbarossae, apud Canisium matrones latines affolées par les Furies) ululatibus aethera comptent.
lect. antiq. 3,2, p. 505 (cité par Birt ad lac.). 4. La variante urna donnerait un sens très satisfaisant en ren-
5. Amplification rhétorique sur la cupidité de Rufin (v. 100-4). voyant à la représentation du dieu fleuve avec son urne (cf. Rapt.
La ville de Tartesse (c. min. 40,14; cf. Nupt. 161) était située à 2,70 à propos de l'Hermus et note e). Mais, en dehors de Net des
l'embouchure du Bétis ; avec le Tage, elle évoque la richesse auri- exc. Fl. et Cyr., elle n'apparaît que comme variante. C'est donc pro-
fère de l'Espagne. Pour couvrir la totalité des richesses du monde, bablement une glose de scribe savant. La description des v. 131-3
Claudien passe de l'extrême occident aux fleuves aurifères de peut rivaliser avec Lucan. 7,478-83 ou Stat. Theb. 1,114-20
Lydie: le Pactole et l'Hermus: cf. Ol. 51-54 et n. compl. 7; Plin. (cf. Claud. Eutr. 2,160-5).
Nat. 33,66; Seru. Aen. 10,142. Sur la soif d'or, cf. v. 220 et Verg.
Aen. 3,57 auri sacra James. Page 65:
1. V. 145-60 : présentation traditionnelle de la magie :
Page 63: Tib. 1,2,43-52; Ou. Met. 7,199-209; Lucan. 6,461-84; Petr. 134,12;
1. Caeruleo: couleur traditionnelle pour les serpents des Furies Sen. Med. 754-79 et Herc. O. 453-72. Sur les Thessaliennes capables
(Verg. Georg. 4,482-3 caeruleos ... implexae crinibus angues / d'attirer la lune ( Cet. 237-8 « Thessalidas patriis lunare uenenis /
Eumenides; Aen. 7,346 à propos d'Allecto: caeruleis unum de crinibus incestare iubar») : Hor. Epod. 5,45-46 et 17,77-78; Ou. Med. 41-42;
anguem). Chez Ovide (Met. 4,483), Tisiphone use d'un serpent en Lucan. 6,499-505; Sen. Phaedr. 420-1 ; Plin. Nat. 25,10 et 30,7; l'ex-
guise de ceinture : induitur pallam tortoque incingi,tur angue. pression Thessala cantu vient de Stat. Theb. 4,504. - Les signa
(v. 14 7) désignent apparemment les characteres des papyri
Page 64: magiques_ (voir Levy 1971, p. 44-45) ; Gell. 11,18,16 qualifie lui
1. Claudien semble être le seul (voir W.H. Roscher, Lexicon, s.v. aussi les Egyptiens de sagaces. - Sur la magie chaldéenne (Stil. 1,60-
Odysseus, p. 632-8) à placer en Gaule, probablement sur les côtes 61; 6 cons. 348-9): cod. Theod. 9,16,4 (en 357). - Sur les sucs
de la Manche (cf. v. 131-3), l'emplacement de la nekyia homérique magiques ( Cet. 171-3) : Sen. Med. 712-3; Stat. Theb. 6,101-2. - Sur
( Od. 11,13 sqq.) : la Furie émerge dans le pays de Rufin. Procope les plantes vénéneuses (cf. Ps. Prosp. Carm. prou. 262 scire potestates
( Cath. 4,20,48-58; cf. Tzetzes ad Lye. 1204) mentionne une tradi- herbarum) : Verg. Aen. 12,396 ; Georg. 3,283 ; Lucan. 6,438 ; Plin.
tion selon laquelle les pêcheurs gaulois transporteraient des âmes Nat. 24,156-7; 25,15; 26,18-20. - Sur les herbes du Caucase: Sen.
196 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 197

Med. 706-9; Val. Fl. 7,356-7; de Scythie: Ou. Met. 7,406-7, (~ p~o- litamus, id est placamus; ergo noue dixit. L'usage de Servius et de
pos de Médée) ; Stat. Theb. 4,505-6. - Medea: ferox est son epit~ete Claudien n'est plus celui de Cicéron (voir Levy 1971, p. 282-3) et
de nature (Hor. Ars 123) ; comparer Lucan. 6,441-2 « C?l:his / la leçon de Cujas sent la conjecture du juriste.
legit in Haemoniis quas non aduexerat herbas». Les mag1:1enries 3. Le prodige accompli par Mégère pour prouver sa puissance
Médée et Circé sont souvent associées: Theocr. 2,15-16; Phn. Nat. est en rapport avec la cupidité de Rufin (v. 164) et, par référence
25,10; Stat. Theb. 4,551. - Sur les Mânes: Verg. _Aen. 4,49~; 7,e,1:. à Midas (Eutr. 2,261 ; Stil. 3,230 ditabat rutila quicquid Mida tangeret
Oed. 568 ... et cod. Theod. 9,16,5 (en 357). - Sur Hecate, oune \e1b. aura), constitue un présage défavorable. Sur Midas : Ou. Met.
Aen. 4,609 cité infra n. compl. 2 de la p. 66, Lucan. ?,700-~ et 736- 11,85-145, en particulier v. 104 nocitura ... munera (cf. ici v. 168) ;
8; Stat. Theb. 4,515 ... - Pour le rappel des morts a la vie: Hor. v. 122 « Cerealia clona rigebant » (cf. ici v. 167) ; v. 130 « et inuiso
Epod. 17,79; Lucan. 6,527-32; Stat. Theb. 2,21-22; Apul._Met. 2,28 meritus torquetur ab aura» (cf. ici v. 169).
et 3,18. _ Inversement, sur les morts prématurées causees par la
magie: Lucan. 6,530-1 et 6,609-10; cod. Theod. 9,16,5 (~n 357). - Page 67:
Ire uagas quercus (v. 158) : Verg. Aen. 4,491 descenderemontzbus ornas; 1. La carrière de Rufin n'est pas présentée de façon chronolo-
Ou. Met. 7,205 (à propos de Médée) situas mo~eo. - Presque_ t~us gique : selon la logique du psogos, Claudien dresse un catalogue
les manuscrits donnent jlumina stare, faute mamfeste par antlopa- des vices du personnage attaqué, non sans grossissement rhéto-
tion du v. 159. La leçon de l'Aldine (et de l'Isengriniana en rique, et, à plus de quinze siècles de distance, il n'est pas toujours
marge) fulmina donne un sens satisfaisant: Sen. Herc. O. 454-5 facile de distinguer l'allusion historique précise (comprise des
iussi ... fulmen stare; 4 70 stat deprehensu_mfulmen ; Li:can •. 6,? 19-20 contemporains) du trait qui entre dans la topique du tyran (nom-
Thessala... fulmina captat. Mais pourquoi une e~pression amsi attes- breux points communs avec Gildon). L'ambition de Rufin (v. 178)
tée aurait-elle disparu de la tradition manuscrite ? Entre le monde est attestée par Zos. 4,51,2. Sur la vente des charges (v. 179-80),
végétal et les cours d'eau, il semble plus naturel de supposer la Zos. 5,1,1-2 et 5,2,1; cod. Theod. 2,29,2 = cod. Just. 4,3,1 (4 mars
perturbation d'une autre force habituelle de la nature, celle ~es 394, adressé à Rufin). Le reproche de divulguer les secrets (v. 179)
vents: j'adopte donc la leçon (moins att:ndue) de ~~mers, qu~ a sera repris en 2,488-9; celui de tromper les clients (v. 179-80) fait
prévalu jusqu'à Heinsius (cf. Barth), jlamzna. ~a _magioe~°:e arrete peut-être allusion à la façon dont il a traité Lucianus (Zos. 5,2-4).
les vents comme les fleuves: Tib. 1,2,46 flumznzs ... uertzt zter; Ou. 2. Levy (1971, p. 55) voit dans ces vers une allusion possible à
Am. 1,8,6 à propos de Dipsas in ... cap~t ... recurua~ aquas; Met. l'affaire de Thessalonique (en 390: massacre de 7000 habitants en
7,199-200 (à propos de Médée) amnes / zn fontes redzeresuas; Sen. représailles au meurtre d'un fonctionnaire) : Rufin aurait grossi la
Med. 762 (à propos de Médée) Phasis uertit infontem uada. faute des Thessaloniciens et attisé la colère de Théodose : Théodo-
ret, Hist. eccl. 5,17-18; Augustin ( Ciu. 5,26) parle de pressions de
Page 66: . , . son entourage sur l'empereur (quorundam qui ei cohaerebant).
1. D'après Hall, tous les manuscrits de sa s:lectlon ~onnei:i~ gra-
mine aux v. 151 et 152, faute mécanique marnfeste. Birt ch01s1t au Page 68:
v. 151 la leçon (conjecture?) d'un manuscrit du xve s. (son A=_~)_: 1. Les v. 183 à 195 développent le thème de la cupidité insa-
germine. Les autres éditeurs corrigent plutôt le second empl01 s01t tiable de Rufin (Zos. 5, 17,6 = Philostorgius 11,3; Lydus Mag. 2,10).
en carmina (Heinsius, suivi par Semple 1936 ~t Cam~r?n 1968, Même image de la mer qui absorbe tous les fleuves sans apaiser sa
p 388-9 . certains recentioresdonnent carmine), s01t en crimzna (Post- soif chez Ovide, à propos de l'insatiabilité d'Erysichthon
g~te 1910, suivi par Levy et Hall). Pour ma part, j'avais conjecturé (Met. 8,835-6) ; cf. Lucr. 6,608-15; Sen. Dial. 1,1,2; Aristide Grat.
(correction économique) germine au v. 152 ... avant de constater en 26,62 ; thématique inverse en Pan. 6 [7], 7,6. - Expleri nequit ( 4 cons.
collationnant les mss. que c'est la leçon de F3 (= Fpour Hall) ! Ce 251 à propos de Cupido: expleri pascique nequit) : Verg. Aen. 1,713
n'est pas la seule erreur de Hall, pour ce ms. comme pour d'autre~. (Didon) expleri mentem nequit.
2. Avec Cameron (1968, p. 389-90), contre Levy et Hall, Je 2. Cod. Theod. 2,29,2 : « Si quid... in auro uel argento uel in
con~erve la leçon quasi unanime des mss. litaui, en l'interprétant ceteris mobilibus datum fuerit, traditio sola sufficiet et contractus
comme Servius à propos d' Aen. 4,50 ( sac~sque litat~s, pa~sage sur habebit perpetem firmitatem ... Quod si praedia rustica uel urbana
lequèl est modelée la fin de vers de Claudie~ [plutot qu Ou. Met. placitum continebit, scriptura quae ea in alium transferat emitta-
14,16], comme le début du v. 155 est modele sm~ Aen. 4,609 Noc- tur » (cf. Souda, s.v. = Eunape jrg. 63). Pour les v. 191-2, cf. Gild.
turnisque Hecate) : 'diis litatis' debuit dicere; non enzm sacra, sed deos 197-8 Proturbat auita quemque domo, ueteres detrudit rure colonos. Pour
198 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 199

le v. 192 ( Gild. 165: instat terribilis uiuis, morientibus heres) : cod. 1935, p. 66-67) suppose gratuitement que ce passage (v. 196-219) a
Theod. 9,42,14 (13 février 396, à propos des biens de Rufin) ea été d'abord un petit poème indépendant (avec les leçons tibi...
quae Rufinus quondam cum uiueret quoquo pacto possedit. mihi), avant d'être intégré (avec la modification ibi... hic) dans l' In
3. Cod. Theod. 9,42,14: « Hoc edictis propositis per omnes • Rujïnum. Depuis le v. 196, Claudien apostrophe directement
prouincias praecipimus diuulgari, quo (quod var.) cuncti sciant Rufin : l'opposition mihi / tibi est donc très naturelle et il faut
iacturam se perpessuros g~auiorein ... nisi ... manus ab his quae conserver les leçons de loin les mieux attestées, d'autant que la
Rufinus uiuus possederat uoluerint abstinere ». - Priuato ... regno faute ibi pour tibi s'explique très facilement et a pu entraîner la
(cf. Gild. 157-8) : sa manière d'exercer la préfecture du prétoire correction hic.
(depuis 392) ; voir Levy 1971, p. 228-233 = 1935, p. 10-15. 2. Souvenir de Virgile Georg. 3,530 à propos des campagnards :
4. Claudien s'en prend ici à l'intelligence de Rufin; c'est la nec somnos abrumpit cura salubris (cf. Georg. 2,467). De même le
seule fois. Philostorgius (11,3) souligne au contraire son intelli- v. 213 rappelle Georg. 2,461-2 (bonheur des paysans) : « si non
gence. Il s'agit des loci de saeculo et de diuitiis (Sen. Contr. 1 pr. 23 ; ingentem foribus domus alta superbis / mane salutantum totis
Fargues 1933, p. 241-4; cf. 4 cons. 257-60) : Sen. Epist. 16,7-8 si ad uomit aedibus undam » ; cf. Iuu. 5,21 tata salutatrix iam turba...
opiniones [ uiues], numquam eris diues ( cf. ici v. 199 ; Boeth. 3. Le v. 214 rappelle Sen. Phaedr. 514 murmurat riuo sonus. Le
cons. 2,2,l Si ... nunquam diues agit) ... Congeratur in te quidquid ... ; v. 215 reprend un précepte d'Horace ( Carm. 2,16,12) : uiuitur
Epist. 2,6 non qui parum habet, sed qui plus cupit pauper est ( cf. ici paruo bene (cf. Verg. Georg. 2,472). Sur le concept de Nature chez
v. 200 ; Auson. Sept. sap. 3 Quis diues ? Qui nil cupiet) ; Rut. Lup. Claudien, voir Rapt. 1,250 et n. compl. 5 (t. I, p. 124).
2,15 nequaquam mihi diues est quamuis multa possideat qui neque finem
habet cupiendi neque modum statuit utendi. Nam et multum desiderare Page 70:
egentis est signum, et nihil parcere egestatis est initium. - Quo ... ruis rap- 1. La navigation est traditionnellement considérée comme une
pelle Verg. Aen. 10,811 (Enée à Lausus) : Quo moriture ruis? transgression par rapport à l'innocence primitive: Arat. 110; Verg.
5. Bien que moins bien attesté dans la tradition manuscrite, Ecl. 4,31-33; Hor. Carm. 1,3,21-24; Tib. 1,3,37; Ou. Met. 1,132.
l'ordre Croesi/ Cyri est plus satisfaisant pour le sens: cf. Eutr. 1,213- 2. Reprise du thème de la cupidité de Rufin (cf. v. 100-4 et 183-
4 « Pollentem solio Croesum uictoria Cyri / fregit », même si Horace 195) : cf. Pacat. Pan. 2[12],25,6-7 à propos d'un autre 'tyran',
a écrit Cyri solio (Carm. 2,2,17). Il est difficile d'attribuer la tiare Maxime : « crescebat in dies habendi James ... Vt aegrorum sitim
(tiarae, leçon la mieux attestée, est un pluriel poétique) à Crésus. potus accendit ... ita ... diuitiae auiditatem ieiunae mentis
Sidoine reprendra l'association de Cyrus et de Crésus ( Carm. acuebant ». - Crebris - blanditiis (v. 222-3) : cf. v. 98-99 et Zos.
9,27). 4,52,3 (Rufin trompant Tatianus et Proculus). - Sociat - dextras ( cf.
6. V. 200-3, exempla traditionnels (cf. 4 cons. 413-5: pauper erat v. 179-80) : Lucan. 7,211 peritura uota.
Curius, reges cum uinceret armis / pauper Fabricius, Pyrrhi cum sperneret 3. Comparaisons traditionnelles: Stat. Theb. 6,787-8 (à propos
aurum, / sordida dictatorfiexit Serranus aratra; Eutr. 1,453-4; Cet. 124- de Capanée blessé) « non leo, non iaculo tantum indignata recepto
5 et 131-2) : Cie. Cato 16; Farad. 6,2; Verg. Aen. 6,843-4 (Anchise à / tigris » ; cf. aussi Hom. Il. 20,167-73; Verg. Aen. 12,4-6. Pour la
son fils) « paruo [cf. dist. Cat. 2,6] ... potentem / Fabricium [cf. Sen. tigresse (Verg. Aen. 4,367 Hyrcanae... tigres), voir supra v. 90 et
contr. 5,2,1] uel te sulco, Serrane [cf. Cie. Sest. 72], serentem » ; note b; ajouter Stat. Theb. 4,315-6 ; Mart. 3,44,6. Le parallèle avec
Manil. 4, 148-9 Serranos Curiisque tulit fascesque per arua / tradidit eque Sidoine (Epist. 9,9,7, fin 471), qui connaît bien Claudien ( « ueluti
suo dictator uenit aratro; Val. Max. 3,3,5 ; 4,3,6 ; 4,4,5 ; Sen. Contr. si excussura quemcumque catulorum Parthi colla raptoris... tigris
1,6,4; Lucan. 10,151-3 « Pone duces priscos et nomina pauperis orbata superemicet ») conforte la leçon parthum, la mieux attestée
aeui, / Fabricios Curiosque graues, hic ille recumbat / sordidus dans les différentes classes de manuscrits. Le thème de la tigresse
Etruscis abductus consul aratris»; Pacat. Pan. 2[12],9,5; Rut. Nam. poursuivant le ravisseur de ses petits était tellement rebattu que
1,558; Sidon. Carm. 7,226-9 (cf. Fargues 1933, p. 248-53). Claudien n'avait pas besoin de spécifier l'objet du rapt (contra Birt
et Levy ad lac.). Pour le serpent écrasé: Ou. Met. 13,804 calcata
Page 69: immitior hydro ( cf. aussi Verg. Aen. 2,379-81).
1. V. 204-19 : célèbre éloge de la vie simple à la campagne 4. V. 230-56 : les crimes du tyran Rufin ( locus de crudelitate : Sen.
(c. min. 20), à mettre en parallèle avec Verg. Georg. 2,458-74 et 493- contr. 1 pr. 23 ; voir Fargues 1933, p. 221-3). Le tyran passe vite du
540; Culex 62 sqq. ; Sen. Phaedr. 483-552 et à opposer à Ioh. crime individuel au crime collectif (v. 230-3) : Sen. clem. 1,26,4.
Chryst. Hom. Matth. 61,3 (PG 58,591-2). Levy (1971, p. 284-5 = Mais Claudien fait probablement allusion ici à la disqualification
200 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES 201

civile des Lyciens, par haine de Tatianus, son prédécesseur à la suspendit capita et rorantia sanguine portat] mensae / imposuit [cf. ici
préfecture du prétoire en orient, et de son fils Proculus, préfet de v. 246] ; 2,118-9 cui funera uulg;i / Jlere uacet [cf. ici v. 249-50; cf.
Constantinople (Levy 1971, p. 235-6 = 1935, p. 17-18). Rufin les aus~i pou~ le thème Verg. Aen. 2,361, à propos de la chute de
traîna en justice et présida lui-même le tribunal (cf. v. 238-9 : les . Troie, Quis funera Jando / explicet aut possit lacrimis aequare labores ? ;
accusés sont stupéfaits de le voir juge et partie ; Zos. 4,52,2 ; cod. et pour la forme, Stat. Theb. 8,515-6 (Hercule à Pallas) quis tanta
Theod. 9,38,9; Souda s.v. = 2unape fig. 63) ; malgré les assurances relatu / aequet ?] ; 2,69-70 (Marius) post ... triumphos / exul (cf. ici v.
données, il condamna à mort Proculus et le fit décapiter sous les 249) ; cf. aussi Pacat. Pan. 2[12],25,2 (sous le tyran Maxime) uidi-
yeux de son père le 6 décembre 393 (cf. v. 246-7; Zos. 4,52; Aste- mus ••• exutos trabeis consulares et senes fortunarum superstites et infan-
rius hom. 4 PG 40,224C-225A). Selon Zosime, le pardon de l' empe- tum sub ipso sectore ludentium flendam securitatem; et, pour le v. 247,
reur arriva trop tard pour le sauver. Tatianus, ancien consul, fut Verg. Aen. 2,538-9 (Priam voyant Pyrrhus tuer son fils Politès
lui aussi condamné à mort, mais Théodose commua la peine en l'ap~strophe) ... qui nati coram me cernere letum / fecisti et patrios Joe-
confiscation des biens et bannissement dans sa province natale de daStz funere uoltus et 6,308 impositique rog;isiuuenes ante ara parentum
Lycie (cf. v. 248-9). Probablement à l'instigation de Rufin, Théo- (cf. Sen. Benef. 7,19,8).
dose priva les Lyciens de leurs dignités et de leur droit d'accéder
aux offices. Des lois furent promulguées pour annuler les actes Page 72:
officiels de Tatianus et Proculus. 1. V. 251-6, synkrisis rhétorique traditionnelle qui ajoute les
5. Sur la jouissance sadique de Rufin, cf. 2,61-62 et 68-70 (en exempta historiques romains aux figures mythologiques (cf. Lucien
contraste, Theod. 224-5; Stil. 2,14-15); cf. Sen. Clem. 1,25,1-2; u. h. 2,23,10; bis. ace. 8; au x1nes., par imitation de Claudien, Gui-
Ben. 7,19,8. Le premier hémistiche suppliciis frui sera repris dans bert de Tournai Vit. Eleuth. § 43 SOC). Sinis (v. 252) était un bri-
un sens positif, à propos du plaisir que prend Théodose à voir g_an_dde l'isthme de Corinthe qui pliait les pins pour y attacher ses
châtier Alaric et Gildon ( 6 cons. 112). Il y a une juste vengeance ! victimes, lesquelles étaient déchirées quand il libérait l'arbre · il
Levy (1971, p. 53 et 68) voit dans les v. 234-6 une allusion aux dis- f~t tué par Thésée (Ou. Met. 7,440-2; lb. 403 sqq.; Plut. Thes. s:2;
positions de cod. Theod. 9,40,13 (promulguées après le massacre de Diod. 4,59; Apollod. Bibl. 3,16,2; Paus. 2,1,4; Hyg. Fab. 38). - Sci-
Thessalonique) : Si uindicari in aliquos seuerius... iusserimus, nolumus ron (v. 252-3; cf. Cet. 188) : corinthien installé aux 'Roches sciro-
statim eos... subire poenam... sed per dies XXX super statu eorum sors et ni_ennes' sur le territoire de Mégare, le long de la côte; il précipi-
Jortuna suspensa sit. Reos sane accipiat uinciatque custodia et excubiis tait les voyageurs dans la mer et fut lui aussi tué par Thésée (Ou.
sollertibus uig;ilanter obseruet. Claudien interprète ces dispositions Met. 7,443-7; Stat. Theb. 1,333; Plut. Thes. 10; Diod. 4,59,4; Hyg.
dans un sens sadique, avec peut-être aux v. 236-7 une allusion à la Fab. 38; Paus. 1,39,6 et 2,29,9). - Phalaris, tyran d'Agrigente et son
torture de Gratidianus (Lucan. 2,179-80) : nihil animae letale datum, taur<;au (v. 253; c!. Eutr. 1,163-6) : Cie. Verr. II,4,73. - Sylla (v. 253)
moremque nefandae / dirum saeuitiae, pereunti parcere morti. est 1 un des modeles du tyran: Lucan. 4,821-2 (et passim); Sen.
Clem. 1,12,1-2; Stat. Silu. 4,6,107) ; pour carcere: Appien Ciu. 1,94;
Page 71: Levy (1971, p. 73) y voit une allusion au massacre des dediticii dans
1. Allusion à l'affaire Lucianus. Comte d'orient, ce dernier la Villa Publica (Liu. Per. 88 ; Flor. Epit. 2,9,24-25). - Sur les chevaux
avait offensé Eucherius, oncle de Théodose. Rufin s'empressa de de Dio:11ède (v. 254; cf. pr. Rapt. 2,11-12 et n. compl. 4, t. I, p. 128-
gagner Antioche et battit à mort Lucianus (Zosime 5,2,3), en 395 9), qm se repaissaient de chair humaine, cf. Ou. Met. 9,194-5;
(Levy 1935, p. 21 = 1971, p. 239 n. 133; Demougeot 1951, p. 127) Lucan. 2,162-3 ... - Sur les autels de Busiris (v. 254; même fin de
plutôt qu'en 393 (Seeck, RE, Rufinus, 1190,51-56; Fargues 1933, vers chez Verg. Georg. 3,5; Stat. Theb. 12,155; Carmen de Sodorna 16
p. 70-71). - Penitus reg;ioneremotas ( c. min. 30,84-85 penitus ... remoto / Sidon. ~'arm. 22,1), voir pr. Rapt. 2,43 et n. compl. 5, t. I, p. 131). _
orbe) : Ou. Trist. 3,4,73-74 « quamuis longe reg;ioneremotus / absim ». Pour Cmna (v. 255) comme 'tyran': Cie. Phil. 11,1,1; Lucan.
2. V. 245-50 (pour l'allusion à Tatianus et Proculus, voir 4,812-3; Ps. Viet. Vir. ill. 69,l ; Vell. 2,22-24. - Pour Spartacus
n. compl. 4 de la page précédente), Claudien combine plusieurs (v. 255; cf. Cet. 155-9), Cie. Phil. 4,6,15; Lucan .. 2,554.
passages de Lucain à propos des massacres de Marius (Bruère 2. V. 257-8 (Ruf 2,86-88): cf. Pacat. Pan.2[12],25,2-5 miseri ueta-
1964, p. 228) : 2,104-5 nulli sua profuit aetas: / non senis extremum b~mur ager_-e miseras, immo etiam cogebamur mentiri beatis... Jta Jleri non
piguit uergentibus annis ... [cf. ici v. 245-6] ; 2,122-4 (à propos du lzcebat amz~sa, _metu reliquorum ... Nulla maior est poena quam esse mise-
grand-père du triumvir) Antoni cuius ... / ara ferens miles festae roran- rum nec uzden; Lucan. 1,247 (les gens d'Ariminium à l'entrée de
tia [cf. Verg. Aen. 12,512 à propos des têtes d'Amycus et Diores: César) tacito mutas uoluunt in pectore questus (cf. aussi v. 257-8).
NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 203
202

3. V. 259-300, louange de Stilicon (cf. v. 332-53; 2,1-6; 100-29; tait en mariage. Il tua le monstre et épousa Andromède : Apollod.
171-292) en contraste avec la uituperatio de Rufin (Levy 1946, p. 59 2,4,3; Manil. 5,536-615; Ou. Met. 4,665-764; Hyg. Fab. 64 et
et 65). L'attaque du morceau est empruntée à Lucain (2,234-5), à Astr. 2,11; Lucien Dial. mar. 14,3 (dont la version s'accorde avec
propos de Brutus qui n'a pas peur comme les autres: « At non celle de Claudien, contre celle d'Ovide, en ce qui concerne l'utili-
magnanimi percussit pectora Bruti / terror ». Comme le v. 260 sation de la Gorgone). Alis (v. 279) : cf. Ou. Met. 4,724 auidos mor-
(même clausule en Ruf 2,90: cf. Ou. Met. 7,614; Stat. Theb. sus uelocibus effugit alis; Manil. 5,593; Lucien Dial. mar. 14,2.
3,251 ; Silu. 2,2,127) renvoie au passage consacré, juste à 4. Par la synkrisis avec Hercule (v. 284-96), Stilicon apparaît
Caton (Lucan. 2,243-4 « uirtutis iam sala fides, quam turbine nullo comme le premier bienfaiteur de l'humanité, Rufin étant assimilé
/ excutiet fortuna tibi » ; cf. Bruère 1964, p. 228), le jeu des réfé- au monstre (hoc monstrum, v. 29; cf. 2,99) le plus puissant et le
rences littéraires assimile Stilicon à deux grandes figures de la plus redoutable. Claudien évoque successivement
Rome républicaine. Claudien aime représenter Stilicon seul face à - le lion de Cléones, près de Némée, en Argolide (v. 285 Cleo-
l'adversité: Eutr. 2,501-2; Cet. 267-8. La pointe du passage réside naeum leonem: Lucan. 2,612 ; Auson. Mon. Herc. l ; cf. Stat.
dans la comparaison négative avec la mythologie (v. 262 sqq. ; cf. c. Theb. 1,487; Sil. 3,33-34) : Apollod. 2,5,1 ; Diod. 4,11,3-4; cf. pr.
min. 30,177-8) : Stilicon n'a besoin ni de Pégase ni de la Gorgone Rapt. 2,33-35 ;
pour dépasser les exploits de Bellérophon (contre la Chimère, - le sanglier d'Érymanthe en Arcadie (v. 286-7 uastabat: Ou.
v. 261-3 [ 4 cons. 558-60] : cf. Apollod. 2,3,1-2), de Persée (cf. v. 278- Met. 9,192 Arcadiae uastator aper) : Apollod. 2,5,4 ; Diod. 4,12,1 ; cf.
82) ou d'Hercule (v. 283-96). pr. Rapt. 2,36 ;
- le combat en Libye contre Antée qui retrouvait ses forces lors-
qu'il touchait sa mère la terre (v. 287-8) : Apollod. 2,5,11 ; Ou.
Page 73:
1. Pour cette comparaison homérique qui, comme souvent, clôt Met. 9,183-4; Hyg. Fab. 31 ; Paus. 9,11,6; Stat. Theb. 6,893 sq.) ;
le développement, cf. Lucr. 1,281-9; Verg. Aen. 2,305-7; 7,586-90 - le taureau de Crète (v. 289) : Apollod. 2,5, 7; Paus. 1,27,9-10 ;
ou 10,693-6 (le roc qui résiste aux vagues de la mer: ... illisa refun- cf. pr. Rapt. 2,33-34 (mais Claudien a adopté la version de Verg.
ditur alga); Stat. Theb. 3,671-6 (ut rapidus torrens... ). Hiberna ... uer- Aen. 8,294-5 : Hercule ne fait pas sortir le taureau de Crète) ;
tice (Rapt. 2,198-9 amne hiberna) : cf. Hom. Il. 5,87-88. - Frangitur - - l'hydre de Lerne (v. 290 et 296) : Apollod. 2,5,2; Diod.
scopuli: Lucan. 6,265-6 mare... / Jrangentem fluctus scopulum ferit. 4,11,5; Ou. Met. 9,69-74 et 192-3; Stat. Theb. 2,376-7; cf. pr. Rapt.
2. Longue apostrophe à Stilicon ( Cet. 13-14 quae tibi... / suffi- 2,41;
cient laudes, Stilicho), qui se prolonge jusqu'au v. 333 (qui introduit - la mort de Géryon (v. 294) : Apollod. 2,5,10; Sil. 1,278-9;
sa prière à Mars). Le v. 274 (imité par Paul. Diac. Carm. 8,7) - Cerbère (v. 294-5: Verg. Aen. 8,296 [hymne à Hercule] ianitor
annonce la comparaison avec Hercule (v. 284 sqq.) ; Claudien Orci; cf. Sil. 2,551-2 et 3,35; Rapt. 1,86) : Apollod. 2,5,12;
comparera à nouveau Stilicon à Hercule se substituant à Atlas en Diod. 4,25,1 et 26,1; Ou. Met. 7,410-4; Sil. 3,35-37; cf. pr. Rapt.
Stil. 1,142-7. Trepidae... carinae: Lucan. 5,568 trepidae... ratis. Sidus 2,34;
(Eutr. 2,507) peut faire allusion à Castor et Pollux ( Cet. 219-22) : soit six des douze travaux 'canoniques' (dans un ordre qui
Sen. Nat. 1,1,13; Plin. Nat. 2,101 ; Stat. Silu. 3,2,8-10; Sil. 15,82- r:i-'estpas celui d'Auson. mon. Herc.), plus le combat contre Antée.
83; Val. Fl. 1,570-3. - Ceminis ... procellis (iunctura reprise par Angil- A l'exception de ce dernier, les cinq premiers travaux sont présen-
bert Carm. 6,3; cf. c. min. 30,203-6) : cf. Lucan. 5,569-70; Stat. tés dans le même ?rdre que chez Lucrèce, dans sa fameuse synkri-
Theb. 5,704-5; Sil. 17,268-9; Val. Fl. 1,639-40. - Lassa: cf. Ou. Met. sis à l'avantage d'Epicure sur Hercule (5,22-54; cf. Müllner 1893,
11,531 fessam ... carinam. - Victo - magistro (Eutr. 2,423) : Lucan. p. 122). Mais Claudien devait aussi avoir en tête une autre synkrisis
7,125-7 ut uictus ... nauita ... puppis anus trahitur; Stat. Theb. 6,451-3 célèbre, entre Auguste et Hercule (Verg. Aen. 6,801-3) : nec uero
lassa ueluti ratione magister / in fluctus, in saxa ruit nec iam amplius Alcides tantum telluris obiuit, / fixerit aeripedem ceruam licet, aut Ery-
astra / respicit et uictam proiecit casibus artem ( cf. aussi Ou. Trist. manthi / pacarit nemora et Lernam tremefeceritarcu. Stilicon est ainsi
élevé au niveau du philosophe Épicure et du prince modèle
1,4,11-12).
3. Persée, descendant d'Inachus (Apollod. 2,},l ; Ou. Met. Auguste.
4,720 Inachides), délivra Andromède, fille du roi d'Ethiopie, expo-
sée en victime expiatoire au monstre marin envoyé par Poséidon. Page 74:
Au retour de son expédition contre la Gorgone, Persée la vit, en 1. Pour la faim de Scylla (Eutr. 1,294; c. min. 30,21) : Hom.
tomba amoureux et promit de la délivrer si son père la lui promet- Od. 12,245-6; Ou. Epist. 12,123 et 383. Tzetzes (Lye. Alex. 45) lie
204 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 205

Scylla aux travaux d'Hercule. Pour la flamme de la Chimère (cf. déré Maeotin [pris pour un fleuve?] comme un masculin. La leçon
v. 261) : Hor. Carm. 4,2,16 Jlamma Chimaerae; Verg. Aen. 6,288 flœm- des exc. Fl. 'c(a)esam' semble une conjecture savante (astucieuse au
mis ... armata Chimaera. La Chimère est fréquemment associée à ~e?1'eura11:t),qui s'appuie sur une série de textes évoquant la néces-
Scylla: Verg. Aen. 6,286-8; Tib. 3,4,86-89. site de bnser la glace des cours ou plans d'eau dans les contrées
septentrionales, en particulier Stat. Theb. 12,526 (à propos de
Page 75: haches) solidam Maeotida caedere suetae; chez Claudien, Rapt. 2,65-
1. En faisant allusion aux événements de 391-392 (cf. Stil. 6~; Eutr. 2,414; cf. Sidon. Carm. 5,209 (à propos de la Loire); 7,42
1,112-3; Stein-Palanque 1959, p. 194-5), Claudien accuse Rufin (a propos. du Rhin). Sur la localisation des Alains, Heges. 5,50 :
d'avoir poussé les barbares à envahir l'empire romain (v. 301-31 ; « Alanz... mcolebant Scythicum Tanain finitimaque eius et Meotis
cf. Ruf 2 à propos des événements de 395). Ces accusations sont [-idas var.] paludes ... ».
fausses, sauf peut-être pour l'embuscade qui coûta la vie à Promo-
tus (Zos. 4,51,3) : Fargues 1933, p. 75-76; Demougeot 1950; Page 76:
Cameron 1970, p. 71. Pour donner plus de relief à ce grief, il l'in- 1. Après un vers d'introduction modelé sur Ou. Met. 8,788
troduit par une longue comparaison épique sur le thème de l'épi- (cf. supra v. 123) « est locus extremis Scythiae glacialis in oris », la des-
démie (Hom. Il. 1,50-52; Lucr. 6,1090-1286; Verg. Georg. 3,478- cription des Huns (v. 321-31) est à rapprocher d'Amm. 31,2,1-12;
566; Ou. Met. 7,523-613 ; Lucan. 6,89-105 ; Sil. 14,582-617. cel!e de Sidoine ( Carm. 2,243-71) est beaucoup plus précise en ce
Infecta... caelo: Lucr. 6,1096-1100; Ou. Met. 7,529-30; Lucan. 6,89- qm concerne le physique des Huns. Pour l'invasion des Huns
90 ; Sil. 14,582-4. - Morbus crudescere: Verg. Georg. 3,504 coepit crudes- Zos. 4,20,3-5. Tanain (Rapt. 2,66), le Don qui, prolongé par 1~
cere morbus. - Primas... artus ( en un autre contexte, Verg. Aen. Palus Méotide, formait la frontière entre l'Europe et l'Asie: Amm.
5,857) : Hom. Il. 1,50; Ou. Met. 7,536; Sil. 14,594-6. - Depascitur 31,2,13 amnem Tanaim ... qui Asiam terminat ab Europa. - Tristes habi-
artus: Verg. Georg. 3,458 artus depascitur; Sil. 14,613. - Ventisque - tus: Amm. 31,2,5-6 et 10 taetra... uestimenta. - Obscaenaque uisu cor-
amnes: Ou. Met. 7,532-3 « letiferis calidi spirarunt aestibus austri. p~ra: Amm. 31,2,2-3 prodigiose deformes et pandi ... - Praeda cibus,
Constat et in fontes uitium uenisse lacusque » ; Sil. 14,585-7. uztanda Ceres: Amm. 31,2,3 ita uictu sunt asperi ut ... semicruda cuiu-
2. Ce catalogue de peuples barbares (v. 308-321 ; cf. Stil. 1,94- suis pecoris carne uescantur. . . l O : nemo apud eos arat. - Frontemque
115 qui ajoute les Bastarnes) est une amplification littéraire secare ludus [pour Levy 1971, p. 96 frontem = faciem; ThLL, s.u.,
(cf. PJ. Miniconi, Études des thèmes ''guerriers" de la poésie épique, Paris 1359,4-14] : Amm. 31,2,2 quoniam ab ipsis nascendi primitiis infantum
1951, p. 124-6 et 158). La mention des Daces (v. 310) est plus un ferro sulcantur altius genae; lord. Cet. 24,128 facies ... sulcata. - Occi-
souvenir littéraire (Verg. Georg. 2,497 « coniurato descendens Dacus sos... parentes: Hérodote (1,216) impute le gérontocide aux Massa-
ab Istro »; Lucan. 3,94-95 « iuncto Sarmata uelox / Pannonio gè:es; Val. Fl. (6,122-8 et 287-91 où l'on invoque le père qu'on a
Dacisque Getes admixtus ») qu'une référence à des faits contempo- t~e), aux_ Iazyges; Sext. Emp. Pyrrh. 3,24,210, aux Scythes; Clau-
rains. Les Massagètes (v. 312; cf. Hier. Epist. 77,8,1) sont à assimi- dien a fait un amalgame. Nec -- equis: Amm. 31,2,6 ad pedestres
ler aux Alains (Amm. 23,5,16 Massagetas quos Alanos nunc appella- parum_ accommodati sunt pugnas, uerum equis prope affixi ... funguntur
mus) ; mais Claudien conserve le trait traditionnel qui les m~nerzbus consuetis. - Cognatis ( cf. 2,359 à propos des cataphrac-
caractérise : Sen. Oed. 4 70 lactea Massagetes qui pocula sanguine mis- taires : cognatoque uiros spirare metallo) : Sidoine a repris ce terme
cet; cf. Lucan. 3,282-3 (qui unit comme ici les Massagètes aux dans sa description des Huns ( Carm. 2,263-4) cognata reare / mem-
Gélons) ; Stat. Ach. 1,307-8; Sil. 3,360-1 ; cf. aussi Verg. Georg. bra uiris. - Acerrima - recursus (cf. 4 cons. 539-41) : Amm. 31,2,8
3,461-3 et Sidon. Carm. 2,39 à propos des enfants thraces. Les Vt... ad pernicitatem sunt leues et repentini, ita subito de industria dis-
autres peuples ici nommés (Sarmates, Alains, Gélons, Gètes persi incessunt et incomposita acie cum caede uasta discurrunt, nec inua-
[=Goths] et Huns) sont mentionnés dans les sources historiques dentes _uallum... ~rae nimia rapiditate cernuntur. Chronologiquement,
contemporaines: Amm. 31,2,14 et 16,3; Zos. 4,16-17; 25-26 et 35. Claudien a pu hre le passage d'Ammien (cf. M.A. Marié, Ammien
Mais ont-ils tous réellement participé aux événements de 391-392? Mar~ellin. Histoire, t. 5 (livres XXVI-XXVIII), Paris 1984, p. 8-14:
La présentation des Gélons (v. 313) est elle aussi littéraire: Verg. les hvres 26-31 datent de 392-394; même si, comme le suppose
Georg. 2,115 pictosque Gelonos (Sem. : stigmata habentes). Les Alains R. Syme, la digression sur les Huns a pu être ajoutée en 395, la
sont caractérisés, comme souvent dans l'antiquité, par l'eau de ver~ion remaniée du livre 31 a pu être publiée à la fin de 395) ;
leur patrie : tous les mss. conservés donnent patrium ou patriam (R mais, dans les parallèles relevés, on ne trouve aucune expression
a conservé le genre antique correct ; les autres scribes ont consi- significative commune.
206 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 207

2. Nubigenae rappelle l'origine des Centaures: Verg. Aen. 7,674; iubae; Eutr. 2,108-9 cristis... micantem ... galeam. - Sidereus: qui brille
Ou. Met. 12,211 et 541; Lucan. 6,386-7. Duflex natura (homme et comme des étoiles (Verg: Aen. 12,167; Val. Fl. 8,122-3). Aestuat =
cheval) : Lucr. 5,878-9 « sed neque Centauri ... esse queunt calet (c. min. 28,35; Verg. Georg. 1,107; Lucan. 1,16 et 9,400; Stat.
natura »; Ou . .Met. 12,502 (un Centaure parle) « in nobis Silu. 2,3,46-47; Theb. 9,699-700 pugna / cassis anhela calet). - Cornus:
natura animalia iunxit ». Biformes ( 4 cons. 543 bimembres) : Ol. 122 et n. compl. 8 ; comparer Ou. Fast. 5,575 Mars ... satia ...
Met. 9,121 Nesse biformis; cf. Am. 2,12,19-20; Lucan. 3,198. sanguine Jerrum; Lucan. 7,317 satiauit sanguine ferrum; Sil. 4,435
bello satiatam sanguinis hastam ; 7 ,534-5 multoque cruore / exsatiate...
Page 77: enses.
1. Cette prière païenne (Gualandri 1989/91, p. 22-23) à Mars
(cf. Ou. Fast. 5,571-7; Sil. 10,553) est bien en situation: père de la Page 79:
race romaine et dieu de la guerre, Mars est un dieu Thrace 1. Entre le Lion et la Balance, La Vierge (= Astraea - Iustitia)
(Eutr. 2,103-4; cf. Hom. Il. 13,301; Verg. Aen. 3,13-14; 12,335; occupe dans le Zodiaque une position automnale ( Theod. 119-20
Manil. 4,691), souvent associé à l'Hèbre (v. 332; cf. Ol. 122-3; [Iustitia] deserit Autumni portas, qua uergit in Austrum [cf.
Verg. Aen. 12,331-2 ; Stat. Theb. 9,438-9), à l'Hémus (v. 334; cf. Ruf 2,348] / Signifer et noctis reparant dispendia Chelae [= Libra] ;
v. 340; Eutr. 2,106; Stat. Theb. 12,733; Sil. 11,464), au Rhodope Stil. 2,465 autumni maturet germina Virgo) : Manil. 2,176-7 nam desi-
(v. 335: 4 cons. 526; Stat. Silu. 4,2,46-47), au Pangée (v. 337; cf. nit aestas, / incipit autumnus media sub Virgine utrimque; 266 autum-
Eutr. 2,103-5 ; Stat. Theb. 6,665-6) et aux Gètes ( Ol. 120 procubat... nus Virgine surgit. Voir Hipparque 2,1,8; Geminos Elem. astr. 6,40-
Getico Gradiuus in aruo ; Gig. 75-77 ; Verg. Aen. 3,35 ; Stat. Theb. 41 (Bouché-Leclercq, p. 138-41 ; Semple 1939, p. 3-4). Signifer:
3,220-1 ; Sil. 17,488-9). La répétition de seu scande souvent les Ol. 241 et note a (cf. aussi Censor. 8,4) ; Theod. 120; Stil. 1,145; c.
prières romaines: Hor. Carm. saec. 14-16; Stat. Theb. 1,696-701 (qui min. 51,9. - Aestiuo ... Leoni (Ol. 25-26): Arat. 148-9; Cie. Nat. deor.
énumère les différentes résidences de Phébus, comme Claudien le 2,110. - Cessant (L glose uacant) : depuis le règne de Théodose, la
fait ici pour Mars) ... - Nubifero - Haemo: fin de vers calquée sur Justice est descendue sur terre (v. 50-56) ; la place de la Vierge est
une comparaison de Stace, à propos d'un chêne ( Theb. 9,532) « donc "vacante". Sur le désir des Furies d'envahir le ciel (v. 367), cf.
Getico qualis procumbit in Haemo ». - Remige Medo [clausule reprise v. 62.
par Sidon. Carm. 2,509 dans le même contexte] - Athos: Xerxes 2. La prophétie de la Justice (v. 368-87) s'inspire de celle de
perça l'isthme du mont Athos pour faire passer sa flotte (Hero- Jupiter au début de l'Énéide (1,257-96). Comparer en particulier
dote 7,22-24) ; l'événement frappa les Romains: Cie. Fin. 2,112; Aen. 1,279-80 Juno / quae mare nunc terrasque metu caelumque Jatigat
Lucan. 2,676-7; Iuu. 10,174; Sidon. Carm. 9,47-49. et ici v. 370-1. L'arrivée d'Honorius (v. 372-6) est comparable à celle
2. L'intervention des dieux de la guerre est un thème épique: de César (Aen. 1,286-90) et l'incarcération de Mégère (v. 377-9) à
Miniconi, op. cit., p. 169. Ici (v. 340-53), l'intervention de Mars celle de Furor (Aen. 1,294-6). Mais la paix évoquée par Virgile
(Pater: cf. Eutr. 2,108; Verg. Aen. 3,35 Gradiuum ... patrem) grandit (v. 291-3) est remplacée par le retour de l'âge d'or (v. 380-7) :
Stilicon tout en confirmant le caractère païen de sa victoire. L'es- Claudien pense alors à l' Ecl. 4 (voir infra). - Bacchabere demens:
corte de Mars est traditionnelle (Eutr. 2,103-11 Bellone; Ol. 119-23 Lucan. 5,169 (à propos de la prêtresse de Bacchus) bacchatur
et Stil. 2,367-76 Bellone, Metus, Pauor et Formido) : Hom. Il. 13,298- demens. - Tuus: Rufin est le nourrisson de Mégère (v. 92-100).
300 (Phobos) ; 15,119-20 (Deimos et Phobos) ; Hes. Scut. 463-6 (Phoi- - Vltor (pour Stilicon, pr. Ruf 2,6; Stil. 2,322 ; Cet. 434) : Ruf 2,402-
bos et Deimos poussent, puis conduisent le char d'Arès) ; Verg. Aen. 3. - Nec - harena: Ruf 2,450-3; sur la valeur religieuse de l'enseve-
8,700-3 (Dirae, Discordia, Bellone); 12,331-6 (Formido, Irae, lissement, Verg. Aen. 4,620 et 6,325-6; Hor. Carm. 1,28,23-25. -
Insidiae) ; Stat. Theb. 3,420-31 (Furor, Ira, Pauor) ; 7,64-74 ( ... regit Honorius: au moment des faits relatés (392), Honorius est dans sa
atra iugales / sanguinea Bellona manu ... ) ; 7,105-9 (Pauor) ; Sil. huitième année; il ne sera auguste qu'en 393. - Laeto aeuo (3 cons.
4,430-9 (Mars et son casque; Irae, Eumenides, Bellone) ; Val. Fl. 184) : cf. v. 380-7; Virgile avait dit d'Auguste (Aen. 6,791-3) « hic
3,83-90 (... TerrorquePauorque, Martis equi). uir, hic est tibi quem promitti saepius audis, / Augustus Caesar ...
aurea condet saecula ».
Page 78:
1. Sur le casque à crinière (Verg. Aen. 10,869 « aere caput ful- Page 80:
gens cristaque hirsutus equina » ; Prop. 4,10,20 « galea hirsuta 1. Dans sa peinture de l'âge d'or (voir v. 55 et n. compl. 4 de la
compta lupina iuba) de Mars: Gig. 78-79 galeamque nitentes / arrexere p. 59), Claudien insiste sur deux points:
208 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 209

- la communauté de la terre (v. 380-1) : Verg. Georg. 1, 125-7 Page 89:


Ante Iouem nulli subigebant arua coloni, / ne signare quidem aut partiri 1. Claudien oppose l'attitude de Rufin à celle de Pompée qui,
limite campum / Jas erat; Tib. 1,3,42-44; Sen. Phaedr. 528-9 nullus in se. voyant vaincu, s'enfuit parce qu'il ne veut pas « sicut mos est
campo sacer diuisit agros arbiter; Octauia 401-3 cingere assuerant suas / miseris, trahere omnia secum / mersa... gentesque suae miscere rui-
muris nec urbes : peruium cunctis iter, l communis usus omnium rerwn nae » (Lucan. 7,654-5).
fuit; • 2. Topos tragique (Nauck trag. frg. adesp. 430; Sen. Herc. f 1284-
- l'absence d'agriculture (v. 381-2: cf. Verg. Ecl. 4,40; Georg. 94; Herc. O. 1147-50) que Claudien applique à un autre 'tyran',
1,125; Ou. Met. 1,101-2 et 109), inutile du fait de la fertilité spon- Gildon (Stil. 1,339-40) : missurusue sibi certae solacia mortis / oppida
tanée et miraculeuse de la nature (v. 382-7). Subitis - aristis (Rapt. dirueretJlammis.
1,199-200) : Hes. Op. 117-8; Verg. Ecl. 4,39; Georg. 1,127-8; Ou. 3. Sur cette image, Christiansen 1969, p. 88. Siliu~ compare
Met. 1,102-9; Octauia 404-5. - Rorabunt - Jauis ( Ol. 250) : Verg. Ecl. l'avancée de troupes aux vents déchaînés (12,185-8). A l'inverse,
4,30; Georg. 1,131; Tib. 1,3,45; Ou. Met. 1,112. - Stagnantia - Virgile (Aen. 1,81-83) et Claudien (3 cons. 96-97) avaient comparé
fluent (Ol. 250-1): Verg. Georg. 1,132; Ou. Met. 1,11). -Oleique la libération des vents à un assaut militaire. L'image du frein est
lacus: Claudien substitue de façon originale l'huile au lait men- fréquente pour les vents (Verg. Aen. 1,53 ; Claud. Rapt. 2,17). La
tionné par Virgile Ecl. 4,21, Tibulle 1,3,46 et Ovide Met. 1,111 (cf. leçon remittat ( 6 cons. 265-6 « laxata remisit / frena dolor ») est
Stil. 1,85-86). - Nec murice - greges (Ser. 72-73): Verg. Ecl. 4,42-45. - confirmée par Ovide Met. 2,185-6 remisit / frena suus rector; Trist.
Pontumque - algae: Claudien songe probablement au corail (Nupt. 1,4,14 frena remittit equo. La variante resoluat peut avoir été inspirée
169-71), cf. Plin. Nat . .,32,22 ... colas uiridis. Bacae eius candidae sub par Nupt. 330-1 nec frena resoluit / gratia.
aqua ac molles, exemptae confestim durantur et rubescunt. 4. L'accusation portée ici contre Rufin, d'avoir suscité les inva-
sions de 395, se retrouve chez Zos. 5,5,3-4 et 5,7,1, Jean d'An-
Page 88: tioche frg. 190 (= FHG 4,610), Orose 7,37,1, Marcellinus cornes
1. Peu après sa victoire sur l'usurpateur Eugène au sortir des 8,4, Socrate 6,1,6, Sozomène 8,1,2; de même chez un annaliste
Alpes (bataille du Frigidus, 5-6 septembre 394: cf. v. 389; Ol. 74 et syrien de la fin du Ve s. (G.S. Assemani, Bibliotheca orientalis Clemen-
105-8; 4 cons. 357; Gild. 376-7; Stil. 1,317; Zos. 4,58,1), Théodose tino-Vaticana, t. I, Rome 1719, p. 262-3 traduit: ... proditione Rufini
était mort à Milan le 17 janvier 395. Claudien évoque son apo- patricii). Mais E. Demougeot (1950; voir aussi Funke 1984) estime
théose en 3 cons. 109 et surtout 163-184; 4 cons. 428-9. L'apo- que cette accusation n'est pas fondée. Pour Koch (1889, p. 598-9),
théose, depuis celle de César (Verg. Ecl. 9,47 et Seru. ; Plin. c'est l' In Rufinum qui serait à la base de ce jugement, ce que réfu-
Nat. 2,94 ... ), est un thème récurrent de l'idéologie impériale. Sur tent Fargues (1933, p. 72) et Mazzarino (Stilicone, Rome 1942,
son application à des empereurs chrétiens, L'Orange, Apotheosis in p. 252 n.l). Levy (comm. ad loc., p. 126) montre que chez Orose,
Ancient Portraiture, Oslo 1947, p. 119. Marcellinus Cornes, Socrate, Sozomène, Jean d'Antioche et dans
2. Sur cette 'régence' de Stilicon, voir intr., Contexte historique. une certaine mesure Zosime, la motivation de Rufin (obtenir sa
On notera qu'il ne s'agit plus ici d'une vague protection (3 cons. nomination comme collègue d'Arcadius) n'est pas la même que
152-9) : c'est la maiestas des deux empereurs qui lui est confiée, chez Claudien (réaction d'un homme désespéré et non calcul
ainsi que les deux armées (d'occident [anciennes troupes d'Eu- d'un ambitieux, son aspiration à l'empire n'étant présentée
gène] et d'orient [troupes venues de Constantinople avec Théo- qu'après la retraite de Stilicon: v. 297 sqq.) ; de plus, les autres
dose] : v. 104-119; Stil. 1,151; Zos. 5,4,2) réunies à Milan après la sources mentionnent les Huns, dont Claudien ne parle pas. Cette
bataille du Frigidus. Voir A. Cameron, « Theodosius the Great and accusation de pactiser avec les barbares frappera plus tard ... Stili-
the Regency of Stilicho », HSCP 73, 1968, p. 247-280 (qui rappelle con (Hier. Epist. 123,16,2 [en 409] ; Rut. Nam. 2,41-60; Mazzarino
p. 277-8 que Stilicon n'avait aucun droit à se considérer comme 1942, p. 251-3) !
chef de l'armée d'orient).
3. Les paroles de Rufin font peut-être écho à celles que Pacatus Page 90:
prête au 'tyran' Maxime qui ne sait où fuir Théodose qui le pour- 1. Sur cette double invasion, Philostorgius 11,8; Sozomène
suit (Pan. 2[12],38,3) : « Quid ergo faciam inter arma et odia 8,1,2 et 8,25,1 ; Socrate 6,1,6-7; Hier. Epist. 77,8,1-2 et 60,16,4-5, de
medius? A tergo premor hostibus ... ». Cf. p1:Eutr. 2,34 (à Eutrope) : l'été 396, qui mentionne entre autres, comme ici aux v. 32-35,
cingeris hinc odiis, inde recessitamor: l'Halys et l'Oronte. Mais un tel parallèle ne suffit pas à prouver
une dépendance de Jérôme à l'égard de Claudien: Arens 1894 et
210 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 211

Levy 1948 contra Birt p. LXXVIII; voir infra aux v. 187-191. Il y eut Page 93:
une invasion par le Danube (v. 26-28) et une autre par le Caucase 1. Rufin adopte la tenue des barbares qui lui servent de gardes
et l'Arménie (Philostorgius, Sozomène, Socrate; v. 28-29). Les du corps, comme Gratien d'après le Ps. Victor. Epit. 47,6. Le vête-
v. 30-36 décrivent les destructions occasionnées par le second ment de peaux (v. 79 et 85; cf. 4 cons. 466 pellita iuuentus; Cet. 481-
groupe (non désigné par Claudien), alors que les v. 34-44 se réfè- 2 pellita Getarum / curia) en est la marque caractéristique: Ou.
rent aux déprédations du preo-iier (lès Goths pour Claudien). Phi- Trist. 3,10,19-20; Synes. De regno 15; Prud. c. Symm. 2,699 (à pro-
lostorgius et Sozomène (à propos des deux groupes), Socrate et pos d'Alaric) ; Sidon. Epist. 1,2,4. Rutilius Namatianus repro-
Jérôme (à propos du second) ne parlent que des Huns. chera ... à Stilicon ( !) ses satellitespelliti (2,49-51).
2. Zosime (5,5,5) et Socrate (7,10) parlent de la dévastation de 2. Avec Dempster (ad loc.) et Cameron (1968, p. 393),je pense
la Thessalie par Alaric et ses Goths, mais la chronologie de la que Claudien fait ici allusion à la fonction judiciaire (cf. v. 85) du
période de 395-397 chez ces deux auteurs est confuse. Pour la préfet du prétoire (cf. Anth. Pal. 7,698, 7), plutôt qu'au consulat
Pannonie (v. 45-48), L. Schmidt ( Geschichte der deutschen Stamme, de Rufin en 392. Théodose n'ayant pas accordé cet honneur à Sti-
t. 1, Berlin 1910, p. 117; puis Munich 1934, p. 428), suivi par licon, l' In Rufinum ne parle pas du consulat de Rufin. Jura regere:
Stein-Palanque, p. 228 et A. Cameron, Theodosius the Great, p. 270, Manil. 4,59 et 355; Rut. Nam. 1,157; Sidon. Carm. 7,296 (à propos
pense que les envahisseurs de 395 ne seraient pas les Wisigoths, de la préfecture du prétoire d'Avitus).
mais des Marcomans, Quades et autres peuplades transdanu-
biennes. Sur l'effondrement du limes danubien, Hier. Epist. Page 94:
123,16,1. 1. Le mariage de Stilicon avec Sérène fut célébré en 384 à
Constantinople (Stil. l, 76-88), où il possédait des biens, en particu-
Page 91: lier des maisons (Stil. 1,295-8). Quand Sérène quitta Constanti-
1. Sur Constantinople comme nouvelle Rome ( Gild. 60-61), nople (fin 394-début 395) avec son cousin (et frère par l'adop-
Socrate 1,16,1 ; Notitia Vrbis (!onstantinopolitanae 1,1-2; voir PWRE tion) Honorius, elle y laissa ses enfants (6 cons. 92-100;
s.u., 964. Pour l'épithète de Rome magna, voir Ol. 130 et note d; Stein-Palanque, p. 218 et 229). Primum amen: cf. Verg. Aen. 1,345-6
pr. 3 cons. 16 et note a. Paulin de Nole semble bien avoir imité le et Servius.
v. 54 de Claudien ( Carm. 19,333, écrit en 405 selon la chronologie 2. V. 101-129: Stilicon, à la tête des deux armées (d'occident et
de P. Fabre) : « Constantinopolis magnae caput aemula Romae ». d'orient; voir v. 6) marche vers la Thessalie (at marque une forte
Claudien (v. 54-99), apparemment corroboré par Socrate 7,10, est rupture). Claudien est ici notre seule source. Les v. 101-2 suggèrent
notre seule source sur l'avancée des Goths jusqu'à Constantinople. un départ à partir de février ou mars. Pour le thème, cf. Colum.
2. La leçon de R est manifestement influencée par Ovide 10, 77-78 torpentia Jrigora brumae / candidus aprica Zephyrus regelauerit
(Met. 5,291 à propos de la chute de Pyrénée) : e summae (M; -o F) aura; pour la formulation, cf. Lucain 1,17 à propos de l'hiver
culmine turris. L'imitation d'Ovide est ici certaine (même clausule), scythe : « bruma... nescia uere remitti ». L'Italie est en paix (cf. v. 159)
mais n'exclut pas une récriture partielle par Claudien. L'observa- depuis la défaite d'Eugène. La leçon des excerptaFlorentina et Gyral-
tion du haut des remparts est un thème épique : Miniconi, Étude dina semble inspirée par Lucain 2,348 (paroles de Marcia) : « cur
des thèmes... , p. 168. Dans ce locus de crudelitate, I' arx traditionnelle tuta in pace relinquar? ». Mais celle de tous les mss. conservés (cf.
du tyran est remplacée par une turris. v. 159) est appuyée par Stace Ach. 1,817 à propos du palais de Lyco-
mède : « tranquilla sub pace silet » ( cf. Lucan. 1,171 pax tranquilla).
Page 92:
1. Avec Fargues (1933, p. 73) et Cameron (1968, p. 392), Page 95:
contre Levy (1973 ad loc., p. 137),je conserve la leçon de tous les 1. La présentation des troupes de Stilicon (cf. Stil. 1,152-4) rap-
mss. conservés (exceptis pourrait n'être qu'une conjecture, astu- pelle des catalogues de Lucain (3,288-90 et 7,360-2) ou Silius
cieuse au demeurant), ce qui rend caduques les spéculations de (16,19-21). L'énumération de troupes multi-èthniques est un
bon nombre d'historiens (Seeck, Bury, Mazzarino, Demougeot) thème épique: Miniconi, Étude des thèmes, p. 158. La fin du v. 107
sur le fait qu'Alaric aurait épargné les propriétés de Rufin. Clau- rappelle Verg. Aen. 6,646 septem discrimina uocum (les sept notes) et
dien dit seulement que c'est sur son ordre que le pays a été ravagé Sil. 5,393 clamor uario discrimine uocum (plus proche par le sens).
(rappel appuyé des v. 22-26 qui constituent l'un des griefs majeurs 2. Les Arméniens représentent les orientaux de l'armée de
contre Rufin). Théodose (cf. v. 174) : 3 cons. 72; Gild. 243-5; Stil. 1,155-7 ( ... crine
212 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 213

decorus / Armenius) ; voir Stein-Palanque, p. 205-6. Leurs cheveux premier, le troisième et le quatrième thème; Lucien (Rh. pr. 18)
sont traditionnellement décrits comme bouclés ; voir Levy ad loc., regroupe les trois derniers.
p. 147. Virgile emploie l'expression crinis / uibratos en un autre
contexte, à propos de cheveux frisés au fer (Aen. 12,99-100). La Page 96:
couleur verte n'étant apparemmentpas attestée dans le vêtement l. La narration elliptique de Claudien traduit la rapidité (réelle
des Arméniens (Levy, ibid.,, il n'y a aucune raison de né pas ou supposée) de la marche de Stilicon : nous sommes bien dans la
conserver la leçon de loin la mieux attestée, feruida, au sens où plaine de Thessalie (cf. v. 171-2 ; 179 ; 278). Sur la technique de la
l'on parle de couleurs chaudes. Dans sa description du nœud, carrago employée par les Goths (v. 126-9; cf. Stil. 1,94-95), voir
Claudien a pu se souvenir de Virgile (Aen. 1,320 à propos de Amm. 31,7,5 et 7; 8,1; Veg. Epit. 3,10. Pour Claudien, la carrago
Vénus déguisée en chasseresse) : « nodo... sinus collectafluentes». est suffisamment large pour inclure des pâturages. L'accumulation
3. Présentation traditionnelle des Gaulois comme farouches et des défenses dressées par les Goths en plus de la carrago traduit
blonds (v. ll0) : Lucan. 7,231 truces Galli; Stil. 2,240-1 fulua [var. leur crainte... dans la représentation de Claudien ! Hirtius
jlaua] repexo / Gallia crine ferox. Selon l'habitude antique, les Gau- ( Gall. 8,9,3) mentionne un uallum protégé par un double fossé.
lois, comme les autres peuples, sont définis par leurs fleuves Avec Levy (ad loc., p. 153), je pense qu' alternis a ici le sens de
(v. lll-4) : Theod. 53 lentus Arar R.hodanusque ferox; Eutr. 2,269 R.ho- 'double' (cf. pr. Theod. 16). Pour Barth (ad lac.), les Goths auraient
dano stimulatus Arar; cf. Plin. Nat. 3,33 Rhodanus amnis ... segnemque disposé un pieu entre chaque chariot.
deferensArarem; Lucan. 1,433-4 Rhodanus raptum uelocibus undis / in 2. La description de l'effroi qui glace Rufin contamine deux
mare fert Ararim; 6,475-6 (par un renversement des lois de la passages de Lucain: 1,192-3 à propos du franchissement du Rubi-
nature) Rhodanum morantem / praecipitauit Arar; Sen. Apoc. 7; con ( « tune perculit horror / membra ducis ») et 7,339 (Pompée
Sil. 3,448-54 ; 15,500. - La coutume selon laquelle les Gaulois plon- avant Pharsale comparé à un chasseur qui a réveillé un lion : stat
geaient leurs nouveaux nés dans le Rhin pour s'assurer de leur corde gelato ; cf. Stat. Theb. 4,397 gelat ara pauor). Sur le comporte-
légitimité (les bâtards ne flottaient pas) est bien attestée dans la ment de Rufin et ses pressions sur Arcadius, Claudien est notre
littérature grecque à partir du rve s.: Cameron (1968, p. 393-4) seule source. Rien de tel ni chez Jean d'Antioche (frg. 10 =
cite Anth. Pal. 9,125 (fragment épique), Libanios, Julien FHG 4,610) ni chez Zosime (5,7,3) quand ils parlent de la récupé-
( Or.2,81D; Ep. 16,383D), Grégoire de Nazianze ( Carm. 1,2,29,221; ration par Arcadius de l'armée d'orient.
2,2,4,143), Nonnos (26,94-95; 46,55), Pamprépios (Page, Gr. Lit. 3. Peinture traditionnelle du luxe: Lucan. 10,ll5-6 (palais de
Pap. 140b,10-ll) et Georges de Pisidie (exp. Pers. 1,41). Dans son Cléopâtre) stabat... / purpureus ... lapis; Iuu. 7,182 fulta columnis
expression (v. ll2), Claudien a pu se souvenir de Lucain 4,696-7 (cf. Paul. Nol. Carm. 27,393 [en 403]) ; Stat. Theb. 1,144-6 (il n'y
« nec R.heni miles in undis exploratus erat ». - Sur le reflux de la avait pas encore de palais à Thèbes) : « et nondum crasso laquea-
Garonne (v. ll3-4), Mela 3,2,21; Sidon. Carm. 7,393-7; 22,105-ll0; ria fulua metallo, / montibus aut alte Grais effulta nitebant / atria ».
Epist. 8,12,5. Ici encore, Claudien a pu s'inspirer de Lucain (4,102-
3) : re-ppulit aestus / fortior Oceani. Et Mérobaudes ( Carm. 2,5) de Page 97:
Claudien : marmoreosrigat unda lacus. l. L'adjectif praediues a été créé par Virgile (Aen. ll,213) et se
4. Par une politique d'amnistie (cod. Theod. 15,14,ll et 12 du rencontre souvent en latin tardif. La fin d'hexamètre praediuitis
18 mai 395), les deux armées qui s'étaient combattues sur le Frigi- aulae se lit chez Juvencus à propos de la cour à laquelle est compa-
dus s'étaient réconciliées: 4 cons. lll-7; Zos. 4,58,6. rée le royaume des cieux (3,437; cf. Matth. 18,23). On ne peut
5. Pour l'armée de Xerxès (v. 120-3: thème épique: Miniconi, exclure qu'à la cour très chrétienne de Milan Claudien, même
Étude des thèmes, p. 210), Claudien rassemble de façon apparem- païen, ait eu l'occasion de lire Juvencus.
ment originale les quatre thèmes rhétoriques traditionnels (Levy 2. Cette reconnaissance de l'éclat royal (1,373 à propos d'Arca-
ad loc., p. 150) : l'eau bue aux fleuves (v. 121 ; Hérodote 7,21 ; 42; dius; Mart. 8,65,4 à propos de Domitien; Stat. Silu. 1,1,76-78;
196; Diodore ll,5,3; cf. Stil. 1,171; Cet. 527) ; l'obscurcissement Mamertin Pan. 2[10],3,2) d'Honorius par Rufin exprime proba-
de la lumière par ses traits (v. 122; Hérodote 7,226; Val. Max. 3,7 blement plus les sentiments de Claudien que ceux de Rufin au
ext. 8; cf. Stil. 1,258) ; le canal coupant le mont Athos et le pont moment où il se sent menacé par le 'tuteur' d'Honorius. Aetherius
de bateaux sur !'Hellespont (v. 122-3; Hérodote 7,33-36; Isocrate à propos de Théodose après son apothéose : 3 cons. 175.
Paneg. 88-89; Lucr. 3,1029-32; Cie. Fin. 2,ll2; Lucan. 2,672-7; 3. Geminus axis désigne les deux parties, occidentale et orien-
Stat. Silu. 4,3,56-58; cf. Ruf 1,335-6). Juvénal (10,174-8) réunit le tale, de l'empire romain ( 4 cons. 131 ; Stil. 2,59 et 3,139; cf.
214 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 215

Lucan. 7,422-4). Comme chez Ovide (Pont. 3,3,61 « sic regat impe- n'est pas une raison pour adopter la leçon arces qui, en dehors
rium terrasque coerceat omnes »), coercet est ici synonyme de regit. d'une bonne partie de la vulgate, n'est donnée qu'en variante par
Le v. 154 correspond à la praefectura praetorio Illyrici Italiae et Africae R:. Claudien a évoqué les villes du Péloponnèse (v. 188) ; puis il en
(mais Rufin ne fait évidemment pas allusion à l'Illyricum, objet du mentionne les champs ravagés (v. 189).
litige) ; lev. 155, à la praefectura praetorio Galliarum. Sur l'emploi de
iubet (v. 155), voir Levy ad lac., p. 159-160. • Page 101 :
1. Geste traditionnel de la prière : Verg. Aen. 2,153 (Sinon) sus-
Page 98: tulit ... ad sidera palmas (cf. 3,176-7; 9,16-17) et, à propos d'une
1. Pour Rufin, Stilicon veut s'emparer de la part d'héritage prière d'Énée (6,55), pectore ab imo (cf. 1,485). La première partie
d'Arcadius, c'est-à-dire de la partie orientale de l'empire (6 cons. de la prière de Stilicon (v. 206-213) a un contenu analogue à celle
82-85). Sur la valeur juridique d' inuadere, voir Semple 1937, des Romains pour détourner la guerre civile chez Lucain (2,56-58).
p. 167; Cameron 1968, p. 395; Levy ad lac., p. 162-3. Stilicon se 2. Les dieux peuvent détruire le monde par l'eau (cf. 1,63-64;
trouve alors en Thessalie, c'est-à-dire dans le diocèse de Macé- Dime 50 migret Neptunus in arua) ou par le feu : mythe de Phaé-
doine (Illyricum oriental), d'où lev. 161. thon (4 cons. 62-69; 6 cons. 186-190; Ou. Met. 1,750-2,400). Chez
Ovide, limes désigne le Zodiaque (Met. 2,130) ; ici, la route du
Page 99: soleil (cf. 4 cons. 286-7; 6 cons. 411-2).
1. Claudien cherche à disculper Arcadius, comme en Stil. 1,112-3;
2,79-81. Mais à partir de 402, quand Stilicon a renoncé à exercer Page 102:
une tutelle sur Arcadius, il change de ton et met en cause le regnum 1. Claudien mêle ici des souvenirs de Virgile (Aen. 2,154-5
Eoum: Cet. 516-7 (cf. 6 cons. 85-87). Sur Claudien et la partie orien- [prière de Sinon] uos, aeterni ignes... / testor; 2,704 cedo equidem
tale de l'empire, Christiansen 1970. [début de vers dans la bouche d'Anchise; cf. 12,818]) et de
2. La revue des troupes est un thème épiqt1;e, comme les Lucain (7,413 permissasque ignibus urbes: réminiscence phonique
nuages de poussière lors des combats : Miniconi, Etude des thèmes, de cette fin de vers ?) .
p. 159 et 167. Ignescere (v. 175) doit renvoyer au rouge du sang qui 2. Emploi analogue de fremere pour exprimer la réaction des
se mêle à l'écume (Stil. 2,350-2; Sil. 12,254-5) : Stat. Theb. 3,78 dieux après le discours de Junon (Verg. Aen. 10,96 cunctique freme-
ignescunt sanguine uultus. bant) ou celle des soldats à Pharsale (Lucan. 7,45-46 mixto murmure
3. Sur l'enfance d'Achille dans l'antre de son maître le cen- turba / castrorum fremuit) ou celle des Argiens qui réclament la
taure Chiron, près du Sperchios ( 3 cons. 60-61), thème rhétorique guerre (Stat. Theb. 3,593-6) : bella ore fremunt; it clamor ad auras,
(Levy 1946, p. 61), Stat. Ach. 1,232 sqq. (v. 239-40 : « tenuis Sper- quantus Tyrrheni gemitus salis... / mans tonat. La comparais,on avec
chius aquis speluncaque docti / muta senis ») ; 2,382-3 « in teneris et la violence des vagues est un thème épique (Miniconi, Etude des
adhuc reptantibus annis / Thessalus ». Emploi analogue de repto en thèmes, p. 192-3) ; l'expression percussa ... fluet;' vient de Virgile
4 cons. 134 « Creta ... tenero reptata Tonanti » (cf. Stat. Theb. 5,581 ; (Ecl. 5,83). - Ceraunia, écueils au large de l'Epire : Hor. Carm.
9,427 « ad hune certe repsit Tirynthius amnem »). 1,3,20 infames scopulos Acroceraunia. - Le Corus, vent du nord-ouest,
est associé à la pluie (c. min. 28,3) : Plin. Nat. 18,354; Stat. Theb.
Page 100: 4,835. Pour les anciens (Lucr. 6,96-99; Lucan. 1,151-3), la foudre
1. Sur les dévastations d'Alaric en Grèce, Zos. 5,5,5 et 5,6,5 ; est produite par la rencontre entre les vents et les nuages. Clau-
Philostorgios (12,2: Athènes) et surtout Hier. Epist. 60,16,4 qui dien s'est peut-être souvenu du passage de la sorcière chez Lucain
énumère comme ici, mais dans un ordre différent, Corinthe, (6,691-2) : « exprimit et planctus inlisae cautibus undae /. .. frac-
Athènes, Sparte et l'Arcadie. Mais cette ressemblance ne prouve taeque tonitrua nubis ».
pas nécessairement une dépendance (contra Levy 1948, p. 65-68).
Outre le fait que nos deux auteurs ont pu avoir accès au même Page 103:
type d'information, on notera que leur énumération concerne l. Semblable profession à l'égard d'un général (cf. Stil. 1,176-
trois des plus illustres villes de Grèce et la province où Alaric 80) dans la bouche de Lélius s'adressant à César chez Lucain, en
s'était fixé avant l'intervention de Stilicon. Dans l'expression de particulier 1,368 per calidas Libyae... harenas; 1,369 post terga relin-
ses regrets, Claudien doit se souvenir de Verg. Aen. 2,56 Troiaque queret orbem. Au début du même chant (v. 10-20), Lucain avait évo-
nunc staret Priamique arx alta maneres (cf. Lucan. 6,306-11) ; mais ce qué les limites géographiques du monde à propos des conquêtes
216 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 217

qu'auraient pu faire les Romains au lieu de s'entretuer (cf. ici Page 109:
v. 240-4). Thyle (v. 240) désigne les îles Shetlands (cf. 4 cons. 32). 1. Le songe de Rufin (v. 324-335) est à rapprocher des songes
La 'mer Rouge' (v. 242-3; cf. 1,278) désigne aussi bien la mer d'Énée (Verg. Aen. 2,268-97), de Pompée (Lucan. 7,7-24; cf.
d'Oman et l'océan Indien que ce que nous appelons 'mer Bruère 1964, p. 235) et d'Annibal (Sil. 17,160-9). Sur le songe, en
Rouge': J.O. Thomson, Hiëlory ofAncient Geography, Cambridge particulier épique, E. Fürbringer, De somniis in Romanorum poeta-
1948, p. 81 et 299. Sur l'Hydaspe (Theod. 29), voir Ol. 80, 3 cons. 4 rum carminibus narratis, Diss. Iena 1912 (en particulier p. 39) ;
et note a (ajouter Sen. Herc. O. 628 diues... Hydaspo). A. Grillone, Il sogno nell'epica latina. Tecnica e poesia, Palermo 1967
(en particulier p. 151-160). Chez Claudien: Fo 1982, p. 239-66
Page 104: (pour notre passage, p. 262-3) et Christiansen 1969, p._ 11~ ~01;r
1. Claudien combine la fin de vers non plura locutus (Lucan. l'imagerie du passage. Sur le rêve comme reflet de la vie eve1llee
8,453) avec l'attaque d'hexamètre flectit iter (~bid., 471). du rêveur, cf. pr.6 cons.
2. Cette comparaison épique (Miniconi, Etude des thèmes, p. 199-
202; Christiansen 1969, p. 23-24) a pour prototype Hom. Il. 17,61- Page 111:
67 et surtout 108-112, 133-6 et 657-64; en latin, Verg. Aen. 9,792-6; 1. Description des cataphractaires ( 6 cons. 569-77) : Amm.
Stat. Silu. 2,5,14-15; Val. Fl. 3,588-9 et 737-40; et surtout Sil. 7,717- 16,10,8 (même comparaison avec des statues: ut Praxitelis manu
22 où il s'agit d'un loup (v. 722 « uacuo fugit aeger hiatu »). polita crederessimulacra, non uiros: cf. 6 cons. 573-4) et 25,1,12 (à
Demissa lumina uelat (v. 255) vient peut-être directement d' Il. propos de l'armée perse: per singula membra densis <laminis> tectae
17,136. [cf. v. 358], ut iuncturae rigentes conpagibus artuum conuenirent, huma-
norumque uultuum simulacra ... ; Veg. 1,20 et 3,23-24. Voir Stein-
Page 105: Palanque, p. 137, 488.
1. Verg. Aen. 12,882-3 (Juturne à Turnus) : « quicquam mihi
dulce meorum / te sine, frater, erit? » Retractatio chrétienne, Page 112:
quelques années plus tard, de Prudence, qui reprend l'attaque 1. La nomination d'un nouvel empereur comprend la commen-
dactylique Te sine dulce nihil en s'adressant au Christ ( Cath. 3,11). datio (présentation aux troupes), l' acclamatio (par les troupes qui
approuvent) et la nuncupatio (formule d'investiture avec la pourpre
Page 107: et le diadème) : H. Straub, « Kaiser und Heer in spatrômischer
1. Accusation fréquemment portée contre Rufin: Zosime 5,1,4; Zeit », Geistige Arbeit 5, 1938, n°l0, p. 7 sqq. - Sur l'identification
Socrate 6,1,6; Sozomène 8,1,2 et 4; Lydus Mag. 2,10; 3,7 et 23; d'une ruine de ce tribunal (Philostorgios 11,3), R. Demangel,
Philostorgios 11,3; Orose 7,37,1; voir Levy 1935, p. 19-25 [= 1971, Contribution à la topographie de l'Hebdomon, Paris 1945, p. 7-16 (et
p. 237-243]. Plus loin (v. 314-5 et 383; cf. Zos. 5,3,3), Claudien Festschriftfor Georgios Oikonomos, Athènes 1955, p. 92-98) ; R. Janin,
l'accuse d'avoir voulu partager le pouvoir impérial avec Arcadius. Constantinople byzantine, Paris 1964, planche 9. La fin d'hexamètre
Le discours de Rufin à ses partisans (v. 297-316) est une parodie sublime tribunal(= Eutr. 1,311) est reprise par Prudence (Psych. 736
de harangue militaire: v. 297 uicimus; v. 317 acclamat renvoie à et Perist. 11,225 [cf. Perist. 5,224 celsum tribunal scanderet; Cath.
l' acclamatio qui suit la contio impériale. Sur les partisans de Rufin, 9,104 arduum tribunal ... ascendit]) et Avit (Carm. 4,385).
Souda s.u. = Eunape frg. 63.
Page 113: ,
Page 108: 1. Sorte de centon virgilien : Deriguit en tête d'hexamètre, Verg.
1. Allusion au donatiuum lors de la proclamation impériale Aen. 3,260 (le sang des Troyens terrifiés par Céléno ; cf. Stat.
(cf. v. 341-2; H. Mattingly, Roman Coins... to the Fall of the Western Theb. 9,36 à propos de Polynice apprenant la mort de Tydée).
Empire, London 1967, p. 152-5 et 183-5). Mais Claudien est le seul - Aen. 10,121-2 nec spes ulla fugae (= 9,131; cf. Eutr. 2,276-7) ... rara
à mentionner ce détail et aucune monnaie à l'effigie de Rufin n'a muras cinxere corona (cf. Lucan. 1,321). - Aen. 3,45-46 ferrea texit /
été retrouvée alors qu'on en connaît pour d'éphémères usurpa- telorum seges (cf. 7,525-6; 12,663-4; 3 cons. 135).
teurs : ce pourrait être une invention de la propagande en faveur
de Stilicon. Il eût été imprudent pour Rufin de ne pas attendre Page 114:
l'accord d'Arcadius. L'adjectif nouis renvoie au nouveau serment 1. Le démembrement, que Philostorgios 11,3 attribue lui aussi
que les troupes allaient prêter en faveur du nouvel empereur. à toute l'armée, est un thème épique (e.g. Lucan. 6,540-67; Stat.
218 NOTES COMPLÉMENTAIRES NOTES COMPLÉMENTAIRES 219

Theb. 1,611-23) : Miniconi, Étude des thèmes, p. 126-9 et 172. Pour (parallèle entre le corps de Pompée sans sépulture et le tombeau
spirantia (v. 410; Weyman 1926, p. 87-88), comparer Lucan. 8,670 de Ptolémée) : cum. . . regum cineres exstructo monte quiescant, / cum
spirantia ... ora; Quint. Inst. 1,8,11 aures ... respirant; Stat. Ptalemaeorum manes... / pyramides claudant indignaque lVIausolea, /
Theb. 2,712 membris spirantibus; 4,466-7 spirantia ... uiscera. - Solutis litora Pompeiumferiunt (cf. 9,155-7) ; Iuu. 14,88-90 parabat / culmina
nexibus (v. 412-3) fait peut-être allusion à Verg. Aen. 4,695 (Iris uillarum ... uincens Fortunae atque Herculis aedem.
"libère" Didon) : nexosque resolueret artus. Les v. 414-5 évoquent
l'inspection des exta par Arruns (Lucan. 1,621-5) en en redistri- Page 117:
buant les éléments: « cernit ... iecur... Pulmonis anheli / fibra latet. .. 1. Le poème se conclut là où il avait commencé, aux Enfers
produntque suas omenta latebras». (1,25-122 assemblée des Furies). Sur cette fin du poème, I. Lévy
1927, p. 116-122; Fargues 1933, p. 185-8 et 229-31; Levy 1947. Les
Page 115: principales sources peuvent être Homère Od. 11, Verg. Aen. 6, Sen.
1. Ovide associe les deux mythes (de démembrement) de Pen- A.pocol., Lucien Cataplus, Necyomantia et De luctu (ou une source
thée et d'Actéon (Met. 3,701-33; Actéon seul en 3,138-252 [en par- commune: I. Lévy 1927, p. 121-2). Pour l'association d'Éaque et
ticulier v. 194-7 pour sa métamorphose]); pour Penthée, cf. Stil. Cerbère (v. 456-7) comme gardiens de l'Hadès, Lucien Luet. 4;
2,212-3 (toujours à propos de la mort de Rufin). Mons Aonius Nac. 8. - Latratu (v. 457) : Verg. Aen. 6,417. - Tune animae - fremitu
(= de Béotie): le Cithéron (Ou. Met. 3,702). Visa à la place de (v. 458-60) : Lucien Gat. 26 (les victimes de Megapenthes l'entou-
uirgo (v. 420) sent la correction érudite. rent aux Enfers) ; Sen. Apocol. 13,4-6 (accueil de Claude par ses vic-
2. La leçon obuia est confirmée par le parallèle avec Cet. 455-62 times). Du point de vue formel, Verg. Aen. 6,686 circumstant animae.
(situation analogue du peuple qui attend l'arrivée des troupes de
Stilicon sur les murs de la ville) : « portas secura per omnes / Page 118:
turba ... effunditur obuia » (Cameron 1968, p. 398) ; cf. aussi 1. Claudien semble le seul, après Homère ( Od. 10,513-4), à par-
Lucan. 3,82 obuia turba. ler du confluent du Cocyte et du Phlégéthon (début d'hexamètre
3. Ce deuxième hémistiche (structure analogue en Stil. 3,277 CocytosPhlegethonque emprunté à Stat. Theb. 8,30), dont la descrip-
steriles iuuat ire per aestus) contamine Verg. Aen. 2,27 (les Troyens tion (v. 468 : cf. Theb. 8,29 assistunt lacrimis atque igne tumentes) a
vont voir le camp grec) iuuat ire (cf. Stat. Theb. 1,616-7: Corèbe valeur étymologique: pour le Cocyte, Seru. Aen. 6,132; Seru. auct.
prend plaisir à voir les yeux livides du monstre qu'il a tué) et Ou. Georg. 4,478; Prob. Georg. 3,37; Isid. Orig. 14,9,7. Pour le Phlégé-
Met. 9,169 (Hercule sur l'Œta) lacerasartus = Lucan. 2,165 (les vic- thon, Seru. Aen. 6,265. Notre passage sera imité par Sidoine par-
times d'Œnomaüs) et 177 (le corps de Marius). lant des yeux d'un parasite (Epist. 3,13,5) : « Stygii uice paludis
uoluunt lacrimas per tenebras ». Inamoenus (v. 467) peut faire allu-
Page 116: sion à Verg. Georg. 4,479 Cocyti... inamabilis unda. Virgile place la
1. La présentation de la tête de Rufïn au bout d'une pique et le tour (v. 469) à l'entrée du Tartare (Aen. 6,555 stat ferrea turris ad
jeu macabre de sa main dont on tirait les nerfs pour refaire le auras) et parle d'une porte « solidoque adamante columnae »
geste de l'avare sont bien attestés: Hier Epist. 60,16,1 Rufini caput (v. 552 ; cf. Cet. 213-4).
pila Constantinopolin gestatum est et abscissa manus dextra ad dedecus 2. Cf. Lucien Nec. 12 et 14 (cf. Rapt. 2,300-2). La présentation
insatiabilis auaritiae ostiatim stipem mendicauit; Marcell. Corn. 8,5 de Minos rappelle Verg. Aen. 6,432-3 « quaesitor Minos urnam [cf.
Caput eius manusque dextra per totam Constantinopolim demonstrata; ici v. 459] mouet. .. uitasque et crimina discit » et Sen. Herc. f 731-3
Philostorgios 11,3; Zos. 5,7,6. Pompa: cf. Asterius Hom. 4 . . . alta sede quaesitor sedens... Minos... Les v. 4 78-80 renvoient à
(PG 40,224). Verg. Aen. 6,566-7 Rhadamanthus ... / castigat... auditque dolos subi-
2. Locus de fortuna (v. 440-453) qui répond au début du livre 1 gitque Jateri.
(Fargues 1933, p. 235-6) : Lucan. 8,694-711 (à propos du corps de
Pompée) et 867-8 (pulueris exigui sparget non longa uetustas / conge- Page 119:
riem) ; Pacat. Pan. 2[12],45; Hier. Epist. 60,16,2 (à propos du 1. Sur cette métempsycose pumt1ve (v. 480-90), voir I. Lévy
même Rufin) non calamitates miserorum, sed Jragilem humanae condi- 1927, p. 118-122; Levy 1947, p. 46-68 pour qui Claudien associe
cionis narra statum. des traditions néo-platoniciennes (cf. Phédon 81E-82A), néo-pytha-
3. Sur les propriétés de Rufin et en particulier son mausolée, goriques et orphiques. Généralement, on est puni par où l'on a
voir Levy 1935, p. 15-16 = 1971, p. 233-4. Comparer Lucain 8,694-8 péché. Seul le traître qui révèle les secrets (v. 488-90) est châtié de
220 NOTES COMPLÉMENTAIRES

façon allopathique ; Claudien viserait ainsi le traître Rufin


(cf. 1,179 et 229) et préparerait son immersion dans l'abîme sous
le Tartare (v. 522-7). •

Page 121:
1. Sur ces marques, Lucien cat. 24 (Liu. 3,58,2 emploie l'ex-
pression inustam maculam en un autre contexte, à propos de la
tache que représente pour la gens Claudia l'incarcération d'Appius
Claudius). L'ampleur des fautes de Rufin fait hésiter Minos et TABLE DES MATIÈRES
l'amène à choisir une peine d'un genre nouveau, non sans avoir
préalablement évoqué les châtiments les plus célèbres (v. 506-20 ;
voir n~te suivante) : comparer Sen. Apocol. 14; Lucien Gat. 28.
2. Enumération traditionnelle du châtiment des grands crimi- VII
nels aux Enfers (Rapt. 2,335-42) : voir W.H. Roscher, Ausjührliches AVANT-PROPOS····························· ••••• •••••••••••••••••
Lexikon der ~echischen und romischen Mythologie, Leipzig 1937, s.u. IX
INTRODUCTION ..................................................... .
Tityos, 1069-40. Le premier châtiment, dont la victime n'est pas
nommée (v. 507-8), rappelle Verg. Aen. 6,601-3 Quid memorem Lapi- Contexte historique et signification des
thas, Ixiona Pirithoumque ? / Quos super atra silex iam iam lapsura IX
poèmes politiques de Claudien .................. .
cadentique / imminet adsimilis. Le second (v. 508) désigne clairement
Ixion (Rapt. 2,335) : Verg. Georg.4,484 et Aen. 6,616-7; Tib. 1,3,73- Épopée historique et panégyrique épique .. XXXVI
74. Le troisième (v. 509-10) renvoie à Tantale (cf. v. 514; Rapt. La tradition manuscrite du Claudianus
2,336) : Tib. 1,3,77-78; Ou. Met. 4,458-9. Le quatrième (v. 510-1) XL
concerne Tityos (cf. v. 515; Rapt. 2,338 et 341; c. min. 53,25-26) :
maior ............................................................. .
Verg. Aen. 6,595-600; Hor. Carm. 3,4,77-79; Tib. 1,3,75-76; Ou. La tradition manuscrite du Panégyrique
lb. 183. d 'Olybrius .......................................................• LXVI
Bibliographie ................................................ . LXXXI

PANÉGYRIQUE D' ÜLYBRIUS ET PROBINUS( carm. l) . 1


Analyse........................................................... 3
Texte et traduction ... .. . .. .. ..... . . .. .. . . .... . . . .. . . .. . .. 6

PANÉGYRIQUE POURLE TROISIÈME CONSUlATn'Ho-


NORIUS.................................................................. 25
Analyse .......................................................... 27
Préface ( carm. 6) . .. . .. .. . .. . .. .. . . . . . . .. . .. . . . . . . .. .. . . .. . . 32
Texte et traduction ( carm. 7) .. .. .. . .. . .. . .. .. .. •.. 34

CONTRERuFIN, livre premier (carm. 2-3) .......... 49


Analyse........................................................... 51
Préface ( carm. 2) .. . . .. . . .. .. . .. .. ... .. . .. . . .. .. .. . .. . .. . . .. 54
Texte et traduction ( carm. 3) .. . .. . . .. .. .. . ... . .. .. • 56
222 TABLE DES MATIÈRES

CONTRE RuFIN, livre second (carm. 4-5) ............ 81


Analyse .......................................................... 83
Préface ( carm. 4) ........................................... 86
Texte et traduction , carm. 5) . . .. .. .. . . . .. . .. . . .. . . . 88

NOTES COMPLÉMENTAIRES...................................... 123

CE VOLUME,
LE TROIS CENT
CINQUANTE-HUITIÈME
DE LA SÉRIE LATINE
DE LA COLLECTION
DES UNIVERSITÉS DE FRANCE
PUBLIÉ PAR LES ÉDITIONS
LES BELLES LETTRES,
A ÉTÉ ACHEVÉ D'IMPRIMER
EN JANVIER 2000
PAR CORLET IMPRIMEUR S.A.
14110 CONDÉ-SUR-NOIREAU
N° D'IMPRIMEUR: 30565
DÉPÔT LÉGAL : FÉVRIER 2000

IMPRIMÉ EN U.E.

N° ÉDITEUR: 3784

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