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Gustave Flaubert, Un coeur simple : résumé,

personnages et analyse

Un coeur simple est une nouvelle rédigée par Gustave Flaubert et qui s’inscrit dans un triptyque
intitulé « Trois contes ». Ce recueil réunit l’oeuvre étudiée, Hérodias et La Légende de Saint Julien
L’Hospitalier. Il est publié pour la première fois en 1877, mais chacun des récits a d’abord paru
individuellement dans la revue « Le Moniteur universel ».

Pour Flaubert, en proie à une panne d’inspiration dans l’écriture de Bouvard et Pécuchet ainsi qu’à
des difficultés financières, ce recueil représente une véritable respiration. Le récit de Félicité lui a
été profusément inspiré par la région et les souvenirs de son enfance, surtout la gouvernante qui
passa plus d’un demi-siècle au service de sa famille. L’intrigue est plutôt simple : la vie d’une
servante mourant saintement et prenant son perroquet pour le Saint-Esprit.

Dans ses carnets, l’auteur note qu’il a l’ambition de rédiger « un livre qui n’aurait presque pas de
sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible ».

Résumé de la nouvelle Un coeur simple de Gustave Flaubert


Chapitre 1

Pendant cinquante ans, Félicité est restée une servante digne et honnête. Elle est au service de
Madame Aubain, une bourgeoise acariâtre de Pont-l’Évêque et dont la fortune n’est plus ce qu’elle
était. Son travail exemplaire était même très envié de toutes les bourgeoises de la région. Bien que
son quotidien soit habituel, elle s’attelle délicatement à chaque corvée avec la plus grande rigueur,
ménageant la propriété au style assez dépouillé, qui ne contient que peu de meubles.

Félicité ne prend jamais son rôle à la légère, gardant impeccable cette maisonnée qui a perdu son
luxe d’antan, mais dans laquelle on peut encore sentir la présence du défunt époux de Mme Aubain.
Ainsi, elle mène une vie très simple, pieuse et se satisfait entièrement de son sort.

Chapitre 2

L’enfance de Félicité ne fut pas des plus heureuses. À la mort de ses parents, « Son père, un maçon,
s’était tué en tombant d’un échafaudage. Puis sa mère mourut (…) », elle a été recueillie par un
fermier qui la maltraitait. Elle grandit et fait la connaissance de Théodore, un jeune homme qui veut
obtenir d’elle des faveurs qu’elle ne peut se résoudre à lui donner. Et ce n’est certainement pas de la
pruderie, mais plutôt l’instinct, le sens de l’honneur et la raison qui la font résister à ses avances.

Elle finit quand même par accepter de l’épouser, mais découvre que Théodore en a épousé une autre
le jour du mariage, vieille certes, mais riche. Après avoir pleuré toute la nuit, elle décide donc de

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partir et se retrouve employée au domaine de Pont-l’Évêque. Elle fait la rencontre de Mme Aubin,
qui avait perdu son époux à l’aube de l’année 1809. Sans aucune fortune et fortement endettée,
Mme Aubain n’avait préservé de ses propriétés que les fermes de Geffosses et de Toucques, ainsi
qu’une demeure peu dispendieuse à Pont-l’Évêque où elle vivait avec ses deux enfants, Paul (sept
ans) et Virginie (quatre ans), avec qui cette dernière est fort distante. À l’inverse, Félicité se montre
aimante et attentionnée envers eux.

Félicité était embauchée comme cuisinière et emménagea dans une pièce de la maison. Élevée
parmi les animaux de ferme, elle fait preuve d’un incroyable sang-froid quand un taureau les charge.
La petite Virginie fut très impressionnée par l’incident et tomba malade. Le docteur Poupard
préconise alors les bains de mer, et toute la famille part pour Trouville, en Normandie, où Félicité
retrouve l’une de ses soeurs, accompagnée de ses enfants.

Ils font escale chez les Liébard, à Toucques, un couple de fermiers au service des Aubain depuis des
années. Mais la familiarité qui s’installe entre les domestiques et les enfants déplaît énormément à
Mme Aubain. Cette dernière décide de retourner à Pont-l’Évêque lorsqu’elle remarque que Victor,
neveu de Félicité, tutoie Paul. Par la suite, celui-ci est envoyé au collège de Caen.

Chapitre 3

Félicité reçoit son éducation religieuse à travers Virginie, qu’elle emmène fréquemment au
catéchisme. Ensemble, elles écoutent les musiques de messe, se confessent et jeûnent. La servante
n’entendait rien aux dogmes, mais elle fut entièrement subjuguée par l’Histoire Sainte narrée par le
curé. Elle l’écoute avec ravissement lire les épisodes bibliques comme s’il s’agissait d’un magnifique
roman d’aventures. Après la première communion de Virginie, une religieuse vient chercher la petite
fille pour l’emmener en pension chez les Ursulines.

Les enfants commencent à manquer à Félicité qui demande la permission de recevoir son neveu. Sa
maîtresse accepte et Victor vint déjeuner avec sa tante tous les dimanches après la messe. Les
enfants grandissent et Félicité s’éloigne d’eux, la différence de classe sociale devenant un obstacle à
leur amitié. Le 14 juillet 1819, Victor annonce qu’il est engagé afin de travailler sur un paquebot et
qu’il sera parti au moins deux ans.

Elle parcourt quatre lieues à pied pour pouvoir lui faire signe au départ du bateau. À partir de ce
moment, et chaque jour, Félicité s’inquiète pour lui, sans jamais le préciser. Mais un jour, Liébard
lui donne une lettre qui annonce que son neveu était mort de la fièvre jaune.

L’affliction qui toucha Félicité était d’autant plus profonde que l’état de santé de Virginie était aussi
préoccupant. Un jour, Mme Aubain quitta précipitamment la maisonnée, en compagnie du docteur
Poupart, pour rejoindre le pensionnant et ne rentra pas la nuit. Très inquiète, Félicité prend la
diligence de Lisieux et se rend immédiatement au couvent où la soeur portière l’informe de la mort
de Virginie à la suite d’une fluxion de poitrine. Elle s’occupe alors de la jeune défunte avant son
inhumation au cimetière de Pont-l’Évêque. « Pendant deux nuits, Félicité ne quitta pas la morte. Elle
répétait les mêmes prières, jetait de l’eau bénite sur les draps, revenait s’asseoir, et la contemplait

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».

Pendant des années, Virginie demeura le sujet de conversation de sa mère et de sa servante, qui
évoquaient son souvenir à plusieurs occasions. C’est comme si l’absence de la jeune fille a pu
rapprocher Félicité et sa maîtresse, qui s’étreignent même une fois devant l’armoire pleine d’affaires
de Virginie.

Le désespoir de Mme Aubain ne connaît aucune limite. Les années passent et son fils ne parvient
toujours pas à commencer une carrière stable et elle continue de lui régler toutes ses dettes.

Malgré tout, la vie reprend son cours, rythmée par les faits-divers, les fêtes religieuses, les choses
de la vie ainsi que la Révolution de Juillet. Félicité se met à protéger les soldats polonais et recueille
aussi le père Colmiche. Elle soigne le vieillard, mais en vain, car il meurt peu de temps après.

Un nouveau sous-préfet fut nommé, il s’agit du baron de Larsonnière. Il s’installa à proximité de


Mme Aubain avec sa femme, ses trois filles, sa belle-soeur et Loulou, un perroquet. « Son corps était
vert, le bout de ses ailes rose, son front bleu, et sa gorge dorée ». Plus tard, il fut nommé à une
Préfecture et la famille déménagea. La baronne fait alors don de Loulou qui ne tarde pas à le confier
définitivement à Félicité.

Chapitre 4

Félicité apprend à Loulou à dire des politesses et réussit même à le guérir toute seule quand
l’animal développe une grosseur sous la langue. Après un mauvais coup de froid, elle devient sourde
et se coupe petit à petit du monde. L’unique voix qui lui parvient encore est celle de son perroquet.

Elle aime profondément son perroquet, car il venait d’Amérique, ce qui lui rappelle son Victor. Mais
à l’hiver 1837, elle découvre Loulou, mort dans sa cage à la suite d’une congestion. Sur les conseils
de Mme Aubain, elle fait empailler son animal et le conserve précieusement dans sa chambre,
commençant à lui vouer un culte.

Lorsqu’elle contemple le Saint-Esprit à l’église, elle imagine que Dieu n’aurait pas choisi une
colombe pour s’annoncer, parce que cet oiseau ne parle pas. Pour elle, c’est vraisemblablement un
ancêtre de Loulou que le Tout-Puissant avait désigné.

En mars 1853, à l’âge de 72 ans, Mme Aubain rend son dernier souffle à la suite d’une maladie que
l’on n’a pu identifier. Après s’être marié à 36 ans, Paul, accompagné de sa femme, accourt de
Besançon pour vider la maison de son mobilier et ensuite la mettre en vente. Devenue aveugle,
Félicité a peur d’être renvoyée, car sa chambre offrait un magnifique abri à Loulou à qui elle vouait
un culte idolâtre. Le temps passe, mais la demeure ne se vend toujours pas.

La vieille servante ne demande aucune réparation et vit chichement dans la maison qui tombe
progressivement en ruine. Elle commence à perdre la vue et apprend, après Pâques, qu’elle a
contracté une pneumonie. Elle pense à son futur reposoir sur lequel elle souhaite que trône Loulou,

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sa seule richesse.

Elle finit par perdre la tête et, au plus mal et tout à fait aveugle, elle embrasse « un Loulou dévoré
par les vers sur le front ».

Chapitre 5

Le moment de l’agonie arrive finalement pour Félicité. Des gens se pressent tout autour d’elle alors
qu’elle pousse des râles et que la salive écume à ses lèvres. Son reposoir est magnifique, très coloré,
et les fleurs côtoient les vases en porcelaine avec, au centre, un Loulou dont on ne distingue que le
front bleu. Les enfants de choeur se rassemblent autour du prêtre qui donne l’absolution.

Le parfum que diffuse l’encensoir parvient jusqu’aux narines de Félicité, seul sens que la vie ne lui a
pas ravi. Mais pour la première fois depuis des années, elle est en paix. Elle sourit et, au moment de
rendre son dernier souffle, pense voir la silhouette d’un immense perroquet au-dessus de sa tête.

Les principaux personnages


Félicité

Elle est une domestique dont l’histoire retrace la vie sur près d’un demi-siècle. Flaubert la décrit
comme un personnage plein de bonne volonté et de bon sens, ne sachant où diriger son affection
entre un homme qui la rejette et des enfants qui finissent par l’oublier, avant de finalement
s’attacher à un perroquet. Elle fait également preuve de foi ébranlable, faite d’images aussi naïves
que somptueuses.

Mme Aubain

Veuve de petite fortune et mère de deux enfants, cette maîtresse de Félicité est dépeinte comme un
personnage hautain et froid, très rattaché au respect des classes sociales. Elle se rapproche
brièvement de sa servante après le décès de sa fille.

Paul et Virginie

Ce sont les deux enfants de Mme Aubain. Bien qu’ils se soient attachés à Félicité dans leur enfance,
ils ne tardent pas à se détacher d’elle, rattrapés par leur conscience de classe sociale. Virginie meurt
très jeune, au couvent (tout comme la propre soeur de Gustave Flaubert), et Paul fait preuve d’un
dilettantisme qui ne provoquera guère que des désillusions à sa mère.

Victor

C’est le neveu de Félicité, que celle-ci aime affectueusement. Voyageur au long cours et marin, les
récits de ses voyages permettent à la servante de s’évader quelque peu. Malheureusement, il mourra
jeune à La Havane, de la fièvre jaune, sans avoir revu sa tante.

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Les habitants de Pont-l’Évêque

Pour la servante qui n’a rien connu, Pont-l’Évêque constitue la société dans son ensemble, avec ses
bourgeois dédaigneux et une population rurale accablée de travail. Certains chercheront à nuire à la
demeure Aubain, comme M. Bourais, mais tous admettent la bonté d’âme et la diligence de Félicité.

Loulou

Le perroquet de Félicité lui a été offert par Mme Aubain, que l’animal agace. « (…) il avait la
fatigante manie de mordre son bâton, s’arrachait les plumes, éparpillait ses ordures, répandait l’eau
de sa baignoire ». L’oiseau exotique, au plumage multicolore, est le dernier objet d’affection de la
domestique et se métamorphose dans son esprit en une image du Saint-Esprit.

Analyse d’Un coeur simple


Cette nouvelle dévoile l’aliénation de Félicité, domestique dont le nom en dit déjà beaucoup. Cette
femme au coeur simple mène une vie plutôt simple, mais dans une sorte de sainteté. Une telle
aliénation est d’abord un dévouement sans limites, car elle est la générosité par excellence.
Servante de Mme Aubain, elle ne dénigre pas les besognes et ne s’en plaint jamais.

Le « personnage-automate » qu’elle est traduit le besoin qu’a un coeur simple de se donner aux
autres afin de se sentir exister. Mais au fil des années, la solitude se fait de plus en plus grande pour
la domestique. Elle perd Virginie, son neveu Victor, un vieillard qu’elle soignait et Loulou.

La beauté de ce conte est intimement liée à son personnage principal. Effectivement, Félicité est
pathétique et naïve. Le style flaubertien se place entre la compassion et l’ironie, car comment ne pas
ressentir de la pitié pour une femme aussi dévouée qui n’a pas mérité ses malheurs ! Pourtant, son
esprit mystique et sa naïveté la rendent risible, et ce, à de nombreux égards. Comme souvent chez
l’auteur, la plume oscille entre désillusion et illusion.

Cette oeuvre reflète parfaitement la confrontation d’un esprit simple avec la rudesse d’une réalité
sans merci. Toute l’existence de Félicité peut ainsi se lire sous l’angle de l’échec, comme le montre
par exemple la rencontre ratée avec Victor avant qu’il ne parte à La Havane. Le mélange entre
prosaïsme et mysticisme, dans cet univers des servantes, rend la nouvelle d’autant plus puissante et
particulière.

Un coeur simple : un livre des deuils pour l’auteur

Pour Félicité comme pour Gustave Flaubert, Un coeur simple est un livre des deuils. Une succession
de disparitions, principe même de l’histoire, amène la domestique à une totale solitude. Ainsi, de
nombreux passages descriptifs se fondent dans l’écriture du deuil par leur caractère sépulcral : « Le
papier de la muraille en lambeaux tremblait aux courants d’air. Mme Aubain penchait son front,
accablée de souvenirs », (ferme de Geffosses). « Les poutrelles du plafond étaient vermoulues, les

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murailles noires de fumée, les carreaux gris de poussière », (ferme des Liébard, à Toucques). « La
place des gravures se dessinait en carrés jaunes au milieu des cloisons », (maison de Mme Aubain
après le passage des héritiers).

Une douleur en réveille d’autres, la plus cruelle étant la mort de sa soeur Caroline, 30 ans plus tôt.
Virginie et Paul, c’est elle et lui. En sélectionnant ces deux prénoms, il procède à l’inscription
mélancolique du souvenir : celui d’une enfance à deux, où la soeur et le frère partagent les rêveries
et les jeux inspirés par le roman de Bernardin de Saint-Pierre. Ainsi donc, l’oeuvre fut nourrie des
chagrins présents ainsi que des mémoires à la fois cruelles et douces qu’ils réveillèrent.

« J’avais commencé Un coeur simple à son intention exclusive, uniquement pour lui (George Sand)
plaire ». Mais le choc du décès de Sand rend l’affirmation excessive. Quoi qu’il en soit, ce récit triste
est en même temps merveilleux, voire hagiographique, lorsque les malheurs frappant une héroïne
déjà bonne accroissent encore son dévouement. Le contraste est important avec les perversités
prédécadentistes d’Hérodias et les féeries sanglantes de La Légende de Saint Julien L’Hospitalier.

Le Bovarysme du personnage principal

La pitié de Félicité est solide, appuyée sur une pratique religieuse rigoureuse et assidue. Chaque
jour, elle se lève pour entendre la première messe dès l’aube et récite le rosaire chaque soir.
L’auteur apporte à son humble héroïne la grandeur plutôt pathétique d’une Mater dolorosa, rien de
commun avec les caprices de religiosité d’Emma Bovary.

Cependant, cette humble domestique partage avec les maîtres et certains prestigieux personnages
la « maladie des civilisés » pour laquelle de Gaultier inventa la notion de « bovarysme ». Félicité n’a
pourtant rien lu et n’a pas subi l’influence d’un romantisme dégradé qui l’eût amenée à supposer
que « le bonheur, c’est le rêve exalté, l’amour fougueux, l’irrégularité ». Étant enfant, « Elle
grelottait sous des haillons, buvait à plat ventre l’eau des mares, à propos de rien était battue ».

La domestique pauvre et ignorante ne dispose pas les moyens ni la culture permettant à Emma
d’acheter un prie-Dieu néogothique. Elle ne peut pas également désirer avoir dans sa chambre, « au
chevet de sa couche, un reliquaire enchâssé d’émeraudes, pour le baiser tous les soirs ». Mais tout
comme Emma, elle est facilement sensible à la force prégnante des images.

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