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X. Barreau
MOTS CLÉS Résumé L’imagerie des rochers traumatiques est souvent négligée à la phase aiguë du trau-
Radiologie ; matisme crânien en raison de « l’urgence du bilan cérébral ». Elle doit cependant être intégrée
ORL ; à ce bilan par l’utilisation de coupes TDM spécifiques à l’imagerie du rocher. La connaissance
Rocher ; des mécanismes traumatiques couplée à l’utilisation de plans de reconstruction multiplanaire
Traumatisme ; du volume d’acquisition permet de réaliser un bilan très précis des lésions du rocher en visua-
Scannographie lisant notamment des lésions ossiculaires ou platinaires sur des structures mesurant seulement
2 à 3 mm. Ce bilan permet une prise en charge optimale au niveau ORL et peut permettre
d’améliorer le pronostic fonctionnel du patient.
© 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.
KEYWORDS Abstract Imaging evaluation of the temporal bone often is neglected at the acute phase in
Imaging; patients with head trauma due to the urgent need to evaluate the brain. It should nonetheless be
ENT; an integral part of this evaluation by the addition of thin dedicated CT images. Knowledge of the
Temporal bone; mechanisms of traumatic injuries combined to multiplanar reconstructions of the acquisition
Trauma; volume lead to accurate depiction of temporal bone injuries, including lesions of ossicles and
CT footplate, structures measuring 2 or 3 mm. This comprehensive work-up will then allow prompt
optimal ENT management and may improve the functional outcome.
© 2011 Elsevier Masson SAS and Éditions françaises de radiologie. All rights reserved.
Les fractures du rocher sont une complication des trauma- trouble auditif à distance doit impérativement être orien-
tismes crâniens généralement sévères dans un contexte de tée sur l’os temporal et donc être une imagerie spécifique
polytraumatisme ou d’impact à haute énergie latéral ou pos- parallèlement au bilan crânien ou facial. Ainsi, on pourra
térieur. L’imagerie réalisée en urgence ou dans le cadre d’un déterminer précisément le type de fracture, apprécier le
pronostic fonctionnel de l’oreille et visualiser l’extension
du trait de fracture pouvant impliquer des structures péri-
phériques au rocher.
Adresse e-mail : xavier.barreau@chu-bordeaux.fr
0221-0363/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jradio.2011.09.002
Imagerie des fractures du rocher 959
Traumatologie et épidémiologie
Les fractures du rocher sont observées dans le cadre de trau-
matismes importants de type AVP, plus rarement à la suite
de rixes ou blessures par balles [1]. La nature même de l’os
pétreux, très dense, protège fortement le labyrinthe mem-
braneux et le paquet acoustico-facial. De la même manière
et lors d’impacts latéraux, c’est l’os temporal (l’écaille
et la mastoïde pneumatisée) qui peuvent dans une cer-
taine mesure, jouer le rôle d’amortisseur du choc préservant
l’oreille interne et en dirigeant l’énergie vers l’avant dans
le grand axe du rocher et non en dedans vers le promon-
toire. Les impacts postérieurs (occipitaux) et plus rarement
antérieurs peuvent entraîner soit des lésions directes du
CAI ou du labyrinthe, soit de l’apex pétreux (traumatisme
facial).
Figure 1. Fracture labyrinthique par impact postérieur passant
La grande majorité des fractures temporales (65 à par le tour basal de la cochlée reliant la face postérieure du rocher
89 %) épargnent l’oreille interne (fractures tympano- au canal carotidien en avant.
mastoïdiennes ou extra-labyrinthiques) et sont bilatérales
dans 10 % des cas [2,3].
Figure 4. Coupe coronale passant par l’articulation uncudo-stapédienne et le récessus de la fenêtre ovale. Le plan de reconstruction MPR
stapédien suit le plan de l’étrier à environ 30◦ d’obliquité (a). Exemple de coupe horizontale ne permettant pas d’analyser l’intégralité de
l’étrier et de la platine (b). Coupe MPR allongeant tout la structure stapédienne et la fenêtre ovale (c).
Figure 5. Luxation uncudostapédienne vue dans le plan stapédien reconstruit en MPR (a). Noter le diastasis inter-ossiculaire avec glis-
sement antérieur de la BDE (astérisque). Association avec une fracture de la branche stapédienne postérieure (flèche blanche) ; b : même
patient en vue axiale non reconstruite, la fracture de l’étrier n’est pas visible ; c : même patient en vue coronale. Noter l’absence de l’étrier
dans le récessus de la fenêtre ovale.
Les lésions de l’articulation uncudostapédienne sont plus solides. On distingue la luxation uncudostapédienne et la
fréquentes car l’enclume comporte peu de ligaments sus- dislocation où l’enclume présente un déplacement majeur.
penseurs et se trouve entre les deux autres osselets qui En imagerie TDM, la luxation uncudostapédienne se tra-
présentent des attaches tympaniques et fenestrales très duit par un écartement pathologique entre la branche
Figure 6. Luxation uncudomalléaire sur fracture extra-labyrinthique. Élargissement de la partie médiale de l’articulation uncudo-
malléaire (a) ; b : aspect normal de l’articulation uncudomalléaire. Interligne articulaire fine et arciforme ; c, d : dislocation uncudomalléaire
avec aspect de tête du marteau « solitaire ». L’enclume est localisée en arrière dans l’additus ad antrum. Noter la stabilité du marteau
malgré une fracture grave ; e : double luxation uncudomalléaire et uncudostapédienne. L’enclume est horizontalisée. Élargissement de
l’interligne uncudomalléaire et translation postérieure de la longue apophyse de l’enclume par rapport à l’apophyse lenticulaire de l’étrier.
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Figure 7. Coupe coronale. Fracture du manche du marteau, déplacement médial du col et de la tête. Mécanisme : grattage manuel de
l’oreille (a). Fracture des deux branches de l’étrier au niveau de la platine (restée en place) avec rotation à 180◦ de l’étrier. Dislocation
uncudostapédienne associée (b).
descendante de l’enclume (BDE) et le bouton de l’étrier articulaires conjointes au niveau du malléus, permettant le
de plus d’1 mm, idéalement comparé à l’oreille controlaté- déplacement de l’enclume dans la cavité tympanique, le
rale (Fig. 4b, c). Cette luxation peut se faire en distraction plus souvent vers l’arrière au niveau de l’additus ad antrum
axiale mais le plus souvent on observe un déplacement ou vers le bas dans l’hypotympan (Fig. 6c).
antérieur de la BDE (Fig. 5). Parfois l’enclume va présen- La luxation uncudomalléaire est moins fréquente clini-
ter un mouvement de rotation de degré variable pouvant quement mais plus souvent visible en TDM ; sa fréquence
conduire à son horizontalisation. L’utilisation de recons- est donc souvent surévaluée dans les séries radiologiques.
truction MPR dans le plan du stapes est particulièrement La TDM montre un élargissement de l’interligne articulaire
intéressante pour ce type de luxation car elle définit mieux cupuliforme entre le marteau et l’enclume avec un aspect
que les coupes natives le déplacement articulaire, tout en de bascule médiale de la tête du marteau (Fig. 6), qui est
permettant d’analyser la platine de la fenêtre ovale parfois en fait due à un déplacement postéro-latéral de l’enclume,
également lésée (Fig. 8). La dislocation uncudostapédienne les attaches tympaniques et atticales du marteau étant très
témoigne souvent d’un traumatisme plus sévère et de lésions résistantes. Là aussi l’énergie du traumatisme peut conduire
Figure 8. Fracture de la platine par plaie transtympanique (tige de fleur). Vertiges aigus. Noter la solution de continuité platinaire
et l’écoulement de liquide périlymphatique (a). Fracture labyrinthique atteignant la fenêtre ronde avec écoulement périlymphatique au
niveau du sinus tympanii. Noter l’atteinte de l’ampoule du canal semi-circulaire postérieur et du foramen jugulaire (présence d’un fragment
osseux) (b).
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Figure 11. Fracture du tegmen passant par la capsule otique sous le canal semi-circulaire supérieur. Brèche ostéoméningée mineure car
fracture non déplacée (a). Fracture plus large passant par la partie latérale mastoïdienne du toit du rocher. Risque de brèche ostéoméningée
plus important (b).
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Figure 12. Fracture large du tegmen tympanii avec brèche ostéoméningée (a). Coupe coronale : noter la présence d’un tissu isodense au
travers de la brèche osseuse dans l’attique. Expulsion de l’enclume dans le CAE au travers d’une brèche de l’insertion haute du tympan (b).
Coupe coronale T2 mettant en évidence la fuite de LCR depuis les espaces arachnoïdiens vers la cavité tympanique et la nature tissulaire
de la hernie (c). Coupes en inversion récupération confirmant l’encéphalocèle de la quatrième circonvolution temporale (d).
Les lésions de l’oreille interne En TDM, le trait de fracture est le plus souvent unique,
passant par le labyrinthe antérieur (cochlée) ou postérieur
Ces fractures dites labyrinthiques ou pétreuses selon les (vestibule) (Fig. 1 et 2). Il faut décrire l’extension tridimen-
classifications surviennent lors de traumatismes sévères sionnelle de la fracture afin de préciser si la fracture s’étend
de type latéraux ou surtout postérieurs (impact occipi- à la face postérieure du rocher, ouvrant alors la fosse posté-
tal), l’axe de la fracture débutant dans ce cas par le rieure vers l’oreille interne et moyenne particulièrement en
labyrinthe. Elles concernent environ 10 % des fractures cas d’impact postérieur (fracture labyrhinto-tympanique).
de l’os temporal et sont associées à une fracture extra- L’image du trait de fracture est parfois associée à
labyrhintique dans 50 % des cas selon Williams [10]. Le un pneumolabyrinthe. Il correspond à un passage d’air
mécanisme lésionnel est le plus souvent un saignement dans d’importance variable dans la cochlée ou le vestibule, signe
les espaces périlymphatiques et/ou endolymphatiques qui pathognomonique d’une fracture labyrinthique (Fig. 9).
détruit l’organe de Corti par un mécanisme de toxicité des L’IRM n’a pas d’indication de première intention en trauma-
produits de dégradation de l’hémoglobine. Parallèlement tologie du rocher, mais il peut arriver qu’elle soit réalisée
on assiste à un mécanisme de cisaillement au niveau de en cas de traumatisme minime et de surdité de per-
l’axe cochléaire, créant des lésions axonales sur la par- ception brutale, notamment chez des patients prenant
tie proximale du nerf cochléaire. Plus rarement, le trait des anticoagulants. On observe alors en T1 un hypersi-
peut atteindre le conduit auditif interne, les lésions axo- gnal intra-labyrhintique spontané hémorragique typique,
nales pouvant alors être localisées plus en aval sur le paquet ainsi qu’une atténuation du signal T2 au sein des liquides
acoustico-facial. de l’oreille interne (Fig. 10). L’utilisation d’une séquence
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POINTS À RETENIR
• Tout traumatisme crânien présentant soit :
◦ une otorragie,
◦ une surdité,
◦ une paralysie faciale périphérique,
◦ des vertiges persistants,
◦ des acouphènes persistants,
doit bénéficier d’un bilan TDM spécifique des
Figure 13. Coupe axiale passant par le vestibule. rochers en coupes infra-millimétriques.
• Seules des coupes fines reconstruites en filtre osseux
adapté pourront permettre une analyse correcte des
lésions traumatiques.
• La connaissance des classifications TDM modernes
des fractures du rocher (pétreuses, non pétreuses,
labyrinthiques, extra-labyrinthiques) permet
d’apprécier la possibilité de lésions cliniques
spécifiques de ces fractures.
• Systématiquement l’examen est couplé à des
reconstructions MPR, notamment dans le plan de
l’étrier pour détecter des lésions fines de l’étrier ou
de la platine.
Déclaration d’intérêts [4] Bason O, Van Lierop AC. Conductive hearing loss after head
trauma: review of ossicular pathology, management and out-
L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela- comes. J Laryngol Otol 2009;123(2):177—81.
tion avec cet article. [5] Hasso AN, Ledington JA. Traumatic injuries of the temporal
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[6] Suzuki M, Shigemi H, Mogi G. The leaking labyrinthine lesion
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Nous tenons à remercier le Pr Vincent Darrouzet, chef du [7] Li ST, Baxter AB. Traumatic ossicular disruption. AJR
service d’oto-rhino-laryngologie, CHU de Bordeaux. 2000;174(5):1296.
[8] Le Boulanger N, Roger G, Williams MT, Garabedian EN. Trau-
Références matic intravestibular luxatuion of teh stapes highlighted in
computed tomographic scan oblique multiplanr olique recons-
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2004;114:1734—41. [10] Williams MT. Imagerie des traumatismes du temporal. In:
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