Vous êtes sur la page 1sur 9

Journal de radiologie (2011) 92, 958—966

FORMATION MÉDICALE CONTINUE : LE POINT SUR. . .

Imagerie des fractures du rocher


Imaging features of temporal bone fractures

X. Barreau

Service de neuroradiologie, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon,


33076 Bordeaux cedex, France

MOTS CLÉS Résumé L’imagerie des rochers traumatiques est souvent négligée à la phase aiguë du trau-
Radiologie ; matisme crânien en raison de « l’urgence du bilan cérébral ». Elle doit cependant être intégrée
ORL ; à ce bilan par l’utilisation de coupes TDM spécifiques à l’imagerie du rocher. La connaissance
Rocher ; des mécanismes traumatiques couplée à l’utilisation de plans de reconstruction multiplanaire
Traumatisme ; du volume d’acquisition permet de réaliser un bilan très précis des lésions du rocher en visua-
Scannographie lisant notamment des lésions ossiculaires ou platinaires sur des structures mesurant seulement
2 à 3 mm. Ce bilan permet une prise en charge optimale au niveau ORL et peut permettre
d’améliorer le pronostic fonctionnel du patient.
© 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.

KEYWORDS Abstract Imaging evaluation of the temporal bone often is neglected at the acute phase in
Imaging; patients with head trauma due to the urgent need to evaluate the brain. It should nonetheless be
ENT; an integral part of this evaluation by the addition of thin dedicated CT images. Knowledge of the
Temporal bone; mechanisms of traumatic injuries combined to multiplanar reconstructions of the acquisition
Trauma; volume lead to accurate depiction of temporal bone injuries, including lesions of ossicles and
CT footplate, structures measuring 2 or 3 mm. This comprehensive work-up will then allow prompt
optimal ENT management and may improve the functional outcome.
© 2011 Elsevier Masson SAS and Éditions françaises de radiologie. All rights reserved.

Les fractures du rocher sont une complication des trauma- trouble auditif à distance doit impérativement être orien-
tismes crâniens généralement sévères dans un contexte de tée sur l’os temporal et donc être une imagerie spécifique
polytraumatisme ou d’impact à haute énergie latéral ou pos- parallèlement au bilan crânien ou facial. Ainsi, on pourra
térieur. L’imagerie réalisée en urgence ou dans le cadre d’un déterminer précisément le type de fracture, apprécier le
pronostic fonctionnel de l’oreille et visualiser l’extension
du trait de fracture pouvant impliquer des structures péri-
phériques au rocher.
Adresse e-mail : xavier.barreau@chu-bordeaux.fr

0221-0363/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jradio.2011.09.002
Imagerie des fractures du rocher 959

Traumatologie et épidémiologie
Les fractures du rocher sont observées dans le cadre de trau-
matismes importants de type AVP, plus rarement à la suite
de rixes ou blessures par balles [1]. La nature même de l’os
pétreux, très dense, protège fortement le labyrinthe mem-
braneux et le paquet acoustico-facial. De la même manière
et lors d’impacts latéraux, c’est l’os temporal (l’écaille
et la mastoïde pneumatisée) qui peuvent dans une cer-
taine mesure, jouer le rôle d’amortisseur du choc préservant
l’oreille interne et en dirigeant l’énergie vers l’avant dans
le grand axe du rocher et non en dedans vers le promon-
toire. Les impacts postérieurs (occipitaux) et plus rarement
antérieurs peuvent entraîner soit des lésions directes du
CAI ou du labyrinthe, soit de l’apex pétreux (traumatisme
facial).
Figure 1. Fracture labyrinthique par impact postérieur passant
La grande majorité des fractures temporales (65 à par le tour basal de la cochlée reliant la face postérieure du rocher
89 %) épargnent l’oreille interne (fractures tympano- au canal carotidien en avant.
mastoïdiennes ou extra-labyrinthiques) et sont bilatérales
dans 10 % des cas [2,3].

Classification des fractures


Historiquement les lésions de l’os temporal étaient divisées
en fractures longitudinales et transversales selon une classi-
fication purement anatomique mais ainsi peu représentative
des conséquences cliniques de ces fractures. La réparti-
tion en lésions labyrinthiques ou extra-labyrinthiques, plus
moderne, permet d’apprécier plus aisément, par la notion
d’atteinte du labyrinthe, l’existence de lésions neurolo-
giques. La fracture est dite labyrinthique si le trait de
fracture atteint la cochlée, le vestibule, ou les fenêtres
ovales ou rondes (Fig. 1 et 2).
Par opposition, une lésion extra-labyrinthique épargne
ces structures et peut alors exposer à des lésions isolées
de l’oreille moyenne (ossiculaires) ou du nerf facial (Fig. 3).
Ce type d’atteinte est beaucoup pus fréquent (90 %) que les
lésions labyrinthiques ou mixtes. Figure 2. Fracture labyrinthique transvestibulaire avec pneumo-
Récemment, une classification a été proposée [2], per- labyrinthe. Mécanisme identique à la Fig. 1.
mettant d’apprécier plus précisément le risque de lésions
neurologiques en fonction du trait de fracture.
Les lésions dites pétreuses atteignent l’apex pétreux
ou de la capsule otique. Les lésions non pétreuses
épargnent ces éléments et sont alors subdivisées en frac-
tures mastoïdiennes pures ou d’oreille moyenne. Cette
classification permet significativement de faire radiologi-
quement la distinction entre les surdités de transmission
traumatiques liées aux fractures non pétreuses et les
lésions neurologiques (surdité de perception, paraly-
sie faciale, brèche ostéoméningée) liées aux fractures
pétreuses.

Conséquences cliniques des fractures du


rocher
Elles sont liées pour la plupart d’entre elles au lieu de pro-
pagation du trait de fracture. On retrouvera principalement Figure 3. Fracture extra-labyrhintique avec traits multiples au
et par ordre de fréquence : niveau de l’écaille temporale s’étendant immédiatement en des-
• une surdité de transmission ou mixte (20 à 50 % des sous du ganglion géniculé (patient présentant une paralysie faciale
cas) [4,5] : elle se définit par une surdité avec Rinne à J8).
960 X. Barreau

Figure 4. Coupe coronale passant par l’articulation uncudo-stapédienne et le récessus de la fenêtre ovale. Le plan de reconstruction MPR
stapédien suit le plan de l’étrier à environ 30◦ d’obliquité (a). Exemple de coupe horizontale ne permettant pas d’analyser l’intégralité de
l’étrier et de la platine (b). Coupe MPR allongeant tout la structure stapédienne et la fenêtre ovale (c).

de 30 dB persistant deux mois après le traumatisme Méthodologie d’imagerie


après « nettoyage » de l’hémotympan. Elle est due à une
lésion ossiculaire le plus souvent par luxation articulaire. Le bilan radiologique des fractures du rocher se fait par TDM.
L’atteinte neurosensorielle parfois associée est en liaison L’IRM pourra être utilisée occasionnellement pour mettre
avec la commotion du labyrinthe ; en évidence un hémolabyrhinte mais ne constitue pas un
• une brèche ostéoméningée par fracture étende au teg- examen de routine dans ce cadre des fractures du rocher. Le
men tympani. La fuite de LCS par la brèche de la méninge TDM des rochers est un bilan spécifique qui doit compléter le
du toit du rocher peut entraîner une otoliquorrhée en cas bilan cranio-encéphalique. Ce bilan peut se faire à la phase
de brèche tympanique et être à l’origine parfois très tar- aiguë ou à distance, notamment en cas de persistance d’une
divement d’une méningite. Si la fracture du tegmen est surdité de transmission, l’hémotympan initial pouvant gêner
large, on pourra observer une hernie méningée, voire une l’analyse des osselets, notamment au niveau de l’étrier.
hernie cérébrale temporale (méningo-encéphalocèle) ; Les scanners actuels permettent en pratique courante
• une paralysie faciale (7 à 50 %) surtout en cas de frac- une acquisition ultrafine entre 0,6 et 0,4 mm avec une
ture pétreuse atteignant l’apex. Elle peut être immédiate reconstruction toutes les 0,2 mm. L’analyse se fera sur
et signe alors une lésion nerveuse importante pouvant un champ de vue carré reconstruit sur chaque rocher
nécessiter une réparation chirurgicale. Elle peut être éga- d’environ 7 cm de côté. L’examen comprend alors environ
lement retardée, s’installant deux à huit jours après le 80 à 110 coupes de chaque côté. Un critère de qualité de
traumatisme, en liaison avec un œdème secondairement l’examen est l’obtention de cinq à huit coupes passant par
induit ou avec une réinduction virale herpès. Le pronos- la fenêtre ovale, ce qui atteste d’une finesse de coupes
tic de ces formes retardées est excellent sous traitement suffisante.
corticoïde ; Systématiquement les volumes d’acquisition devront
• une surdité de perception pure (4 à 8 %) plus ou moins être reconstruits en plan coronal voire sagittal. De plus,
complète. Les surdités totales sont dues à des fractures nous recommandons l’utilisation systématique d’un plan
translabyrinthiques qui provoquent une destruction ana- de reconstruction spécifique dans le plan des branches de
tomique et fonctionnelle totale et définitive de l’organe l’étrier (Fig. 4a). Ce plan est très utile pour l’analyse de la
de Corti et du vestibule. Elles sont toujours associées pathologie traumatique de l’étrier et des lésions platinaires
dans ce contexte à des vertiges violents durant plusieurs [8,9] car il permet une visualisation complète de la dista-
jours. [6]. La surdité peut être partielle par commotion lité de la chaîne ossiculaire qui est la plus souvent lésée en
du labyrinthe, en l’absence de trait de fracture intéres- traumatologie du rocher.
sant le labyrinthe. Elle peut être progressive et souvent
associée à des vertiges, en cas de fistule labyrinthique
post-traumatique [7] ; Imagerie des lésions traumatiques du
• les vertiges révélant une fistule périlymphatique sont rocher
rarement isolés. Ils sont dus soit à une fracture de la
platine de l’étrier, soit à une rupture de la membrane Les lésions articulaires ossiculaires
de la fenêtre ronde, toutes deux sources d’une fuite de
liquide périlymphatique dans la caisse du tympan. C’est Elles sont beaucoup plus fréquentes (93 %) que les fractures
une urgence diagnostique thérapeutique, car le pronostic ossiculaires (7 %) et quasiment toujours associées à une frac-
auditif est en jeu. ture du temporal [10].
Imagerie des fractures du rocher 961

Figure 5. Luxation uncudostapédienne vue dans le plan stapédien reconstruit en MPR (a). Noter le diastasis inter-ossiculaire avec glis-
sement antérieur de la BDE (astérisque). Association avec une fracture de la branche stapédienne postérieure (flèche blanche) ; b : même
patient en vue axiale non reconstruite, la fracture de l’étrier n’est pas visible ; c : même patient en vue coronale. Noter l’absence de l’étrier
dans le récessus de la fenêtre ovale.

Les lésions de l’articulation uncudostapédienne sont plus solides. On distingue la luxation uncudostapédienne et la
fréquentes car l’enclume comporte peu de ligaments sus- dislocation où l’enclume présente un déplacement majeur.
penseurs et se trouve entre les deux autres osselets qui En imagerie TDM, la luxation uncudostapédienne se tra-
présentent des attaches tympaniques et fenestrales très duit par un écartement pathologique entre la branche

Figure 6. Luxation uncudomalléaire sur fracture extra-labyrinthique. Élargissement de la partie médiale de l’articulation uncudo-
malléaire (a) ; b : aspect normal de l’articulation uncudomalléaire. Interligne articulaire fine et arciforme ; c, d : dislocation uncudomalléaire
avec aspect de tête du marteau « solitaire ». L’enclume est localisée en arrière dans l’additus ad antrum. Noter la stabilité du marteau
malgré une fracture grave ; e : double luxation uncudomalléaire et uncudostapédienne. L’enclume est horizontalisée. Élargissement de
l’interligne uncudomalléaire et translation postérieure de la longue apophyse de l’enclume par rapport à l’apophyse lenticulaire de l’étrier.
962 X. Barreau

Figure 7. Coupe coronale. Fracture du manche du marteau, déplacement médial du col et de la tête. Mécanisme : grattage manuel de
l’oreille (a). Fracture des deux branches de l’étrier au niveau de la platine (restée en place) avec rotation à 180◦ de l’étrier. Dislocation
uncudostapédienne associée (b).

descendante de l’enclume (BDE) et le bouton de l’étrier articulaires conjointes au niveau du malléus, permettant le
de plus d’1 mm, idéalement comparé à l’oreille controlaté- déplacement de l’enclume dans la cavité tympanique, le
rale (Fig. 4b, c). Cette luxation peut se faire en distraction plus souvent vers l’arrière au niveau de l’additus ad antrum
axiale mais le plus souvent on observe un déplacement ou vers le bas dans l’hypotympan (Fig. 6c).
antérieur de la BDE (Fig. 5). Parfois l’enclume va présen- La luxation uncudomalléaire est moins fréquente clini-
ter un mouvement de rotation de degré variable pouvant quement mais plus souvent visible en TDM ; sa fréquence
conduire à son horizontalisation. L’utilisation de recons- est donc souvent surévaluée dans les séries radiologiques.
truction MPR dans le plan du stapes est particulièrement La TDM montre un élargissement de l’interligne articulaire
intéressante pour ce type de luxation car elle définit mieux cupuliforme entre le marteau et l’enclume avec un aspect
que les coupes natives le déplacement articulaire, tout en de bascule médiale de la tête du marteau (Fig. 6), qui est
permettant d’analyser la platine de la fenêtre ovale parfois en fait due à un déplacement postéro-latéral de l’enclume,
également lésée (Fig. 8). La dislocation uncudostapédienne les attaches tympaniques et atticales du marteau étant très
témoigne souvent d’un traumatisme plus sévère et de lésions résistantes. Là aussi l’énergie du traumatisme peut conduire

Figure 8. Fracture de la platine par plaie transtympanique (tige de fleur). Vertiges aigus. Noter la solution de continuité platinaire
et l’écoulement de liquide périlymphatique (a). Fracture labyrinthique atteignant la fenêtre ronde avec écoulement périlymphatique au
niveau du sinus tympanii. Noter l’atteinte de l’ampoule du canal semi-circulaire postérieur et du foramen jugulaire (présence d’un fragment
osseux) (b).
Imagerie des fractures du rocher 963

à une dislocation où la tête du marteau est totalement déso-


lidarisée de l’articulation uncudo-malléaire.

Les fractures ossiculaires


Lésions rares, elles sont le plus souvent associées à des
lésions articulaires. Elles peuvent intéresser le marteau au
niveau du manche (traumatisme tympanique direct de type
doigt dans l’oreille [11] ou le col (Fig. 7a). Les fractures de
l’étrier concernent une ou deux branches mais restent très
difficiles à visualiser en raison de leur faible radio-opacité
(Fig. 4 et 7b). L’utilisation du plan de reconstruction sta-
pédien est ici primordiale pour tenter de les détecter en
recherchant la fracture ou un signe indirect qui est un dépla-
cement de l’axe stapédien par rapport à une perpendiculaire
Figure 9. Fracture labyrinthique ancienne avec persistance d’un
pneumolabyrinthe. Noter l’aspect large et persistant du trait de
au centre de la platine dite « S Line » [9].
fracture passant par le modiolus. Ossification du labyrinthe mem-
braneux post-traumatique.
Les lésions platinaires
La luxation stapédo-vestibulaire est beaucoup plus rare
compte tenu de l’insertion très solide de la platine sta-
pédienne à la fenêtre ovale constituée par le ligament
annulaire. S’il ne s’agit pas d’une désinsertion platinaire on
pourra alors observer une fracture de la platine, souvent par
simple barotraumatisme (plongée, éternuement). Dans ce
cas, l’imagerie TDM (Fig. 8) peut permettre de visualiser une
véritable discontinuité platinaire associée à un écoulement
de liquide périlymphatique au travers de la fracture (fistule
traumatique périlymphatique). Le mécanisme est souvent
iatrogène lors d’une exploration d’oreille moyenne ou à
la suite d’une lésion transtympanique directe (coton-tige).
Dans ce cas, il peut s’agir d’une migration intra-vestibulaire
de l’étrier de degré variable génératrice de vertiges aigus,
voire de cophose associée à une fuite de liquide périlympha-
tique vers la cavité tympanique.
Figure 10. Hémorragie vestibulaire, patient sous anticoagulant,
traumatisme mineur. Hypersignal T1 spontané.

Figure 11. Fracture du tegmen passant par la capsule otique sous le canal semi-circulaire supérieur. Brèche ostéoméningée mineure car
fracture non déplacée (a). Fracture plus large passant par la partie latérale mastoïdienne du toit du rocher. Risque de brèche ostéoméningée
plus important (b).
964 X. Barreau

Figure 12. Fracture large du tegmen tympanii avec brèche ostéoméningée (a). Coupe coronale : noter la présence d’un tissu isodense au
travers de la brèche osseuse dans l’attique. Expulsion de l’enclume dans le CAE au travers d’une brèche de l’insertion haute du tympan (b).
Coupe coronale T2 mettant en évidence la fuite de LCR depuis les espaces arachnoïdiens vers la cavité tympanique et la nature tissulaire
de la hernie (c). Coupes en inversion récupération confirmant l’encéphalocèle de la quatrième circonvolution temporale (d).

Les lésions de l’oreille interne En TDM, le trait de fracture est le plus souvent unique,
passant par le labyrinthe antérieur (cochlée) ou postérieur
Ces fractures dites labyrinthiques ou pétreuses selon les (vestibule) (Fig. 1 et 2). Il faut décrire l’extension tridimen-
classifications surviennent lors de traumatismes sévères sionnelle de la fracture afin de préciser si la fracture s’étend
de type latéraux ou surtout postérieurs (impact occipi- à la face postérieure du rocher, ouvrant alors la fosse posté-
tal), l’axe de la fracture débutant dans ce cas par le rieure vers l’oreille interne et moyenne particulièrement en
labyrinthe. Elles concernent environ 10 % des fractures cas d’impact postérieur (fracture labyrhinto-tympanique).
de l’os temporal et sont associées à une fracture extra- L’image du trait de fracture est parfois associée à
labyrhintique dans 50 % des cas selon Williams [10]. Le un pneumolabyrinthe. Il correspond à un passage d’air
mécanisme lésionnel est le plus souvent un saignement dans d’importance variable dans la cochlée ou le vestibule, signe
les espaces périlymphatiques et/ou endolymphatiques qui pathognomonique d’une fracture labyrinthique (Fig. 9).
détruit l’organe de Corti par un mécanisme de toxicité des L’IRM n’a pas d’indication de première intention en trauma-
produits de dégradation de l’hémoglobine. Parallèlement tologie du rocher, mais il peut arriver qu’elle soit réalisée
on assiste à un mécanisme de cisaillement au niveau de en cas de traumatisme minime et de surdité de per-
l’axe cochléaire, créant des lésions axonales sur la par- ception brutale, notamment chez des patients prenant
tie proximale du nerf cochléaire. Plus rarement, le trait des anticoagulants. On observe alors en T1 un hypersi-
peut atteindre le conduit auditif interne, les lésions axo- gnal intra-labyrhintique spontané hémorragique typique,
nales pouvant alors être localisées plus en aval sur le paquet ainsi qu’une atténuation du signal T2 au sein des liquides
acoustico-facial. de l’oreille interne (Fig. 10). L’utilisation d’une séquence
Imagerie des fractures du rocher 965

• la présence de tissu cérébral au sein de cette poche qui


nécessite idéalement l’utilisation de coupes en « inversion
récupération » coronales (Fig. 12).

POINTS À RETENIR
• Tout traumatisme crânien présentant soit :
◦ une otorragie,
◦ une surdité,
◦ une paralysie faciale périphérique,
◦ des vertiges persistants,
◦ des acouphènes persistants,
doit bénéficier d’un bilan TDM spécifique des
Figure 13. Coupe axiale passant par le vestibule. rochers en coupes infra-millimétriques.
• Seules des coupes fines reconstruites en filtre osseux
adapté pourront permettre une analyse correcte des
lésions traumatiques.
• La connaissance des classifications TDM modernes
des fractures du rocher (pétreuses, non pétreuses,
labyrinthiques, extra-labyrinthiques) permet
d’apprécier la possibilité de lésions cliniques
spécifiques de ces fractures.
• Systématiquement l’examen est couplé à des
reconstructions MPR, notamment dans le plan de
l’étrier pour détecter des lésions fines de l’étrier ou
de la platine.

Figure 14. Coupe axiale passant par la platine.


Cas clinique
Un homme de 45 ans est victime d’un AVP avec impact occi-
FLAIR en coupes fines peut être utile en cas d’hémorragie pital dans un contexte de polytraumatisme. Le bilan TDM
de faible intensité en raison de sa sensibilité aux dépôts initial au niveau du rocher retrouve une fracture et on note
protéiques. une paralysie faciale périphérique ainsi qu’une surdité de
perception (Fig. 13 et 14).

Les brèches ostéoméningées


Questions
Elles sont particulièrement observées lorsque le trait de
fracture s’étend vers le tegmen tympanii (Fig. 11). À ce 1. Quelle est la classification de la fracture du rocher visible
niveau, on peut observer une brèche de la dure-mère sous- sur les images ?
temporale à l’origine d’une fuite de LCR dans les cavités de 2. Quelles en sont les principales caractéristiques ?
l’oreille moyenne. Les conséquences peuvent alors être une 3. Dans le cadre de ce type de lésion précisément, quelle
infection méningée ou cérébro-méningée précoce ou tardive est la lésion ossiculaire à craindre et comment la visualiser ?
et une surdité de transmission par comblement liquidien de
la cavité tympanique. Dans certains cas où la fracture est
large, on pourra assister à un passage au travers du tegmen Réponses
d’une hernie arachnoïdienne (arachnoïdocèle), voire d’une
hernie d’une partie du lobe temporal (encéphalocèle). L’IRM 1. Fracture labyrinthique droite ou pétreuse droite, de type
est alors particulièrement importante pour mettre en évi- transversal.
dence : 2. Fracture lésant la deuxième portion du canal du nerf
• la zone où se situe la brèche qui se visualise par un hyper- facial, le vestibule et l’attique en avant. Fracture de la
signal en T2 au travers du tegmen sur les coupes coronales fenêtre ovale sans image de fistule périlymphatique.
confluent à un remplissage de la cavité tympanique ; 3. Une fracture stapédienne et/ou luxation uncudostapé-
• une poche arachnoïdienne en hypersignal T2 témoignant dienne. Elle sera mise en évidence par la reconstruction
de l’arachnoïdocèle ; d’images dans le plan de l’étrier.
966 X. Barreau

Déclaration d’intérêts [4] Bason O, Van Lierop AC. Conductive hearing loss after head
trauma: review of ossicular pathology, management and out-
L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela- comes. J Laryngol Otol 2009;123(2):177—81.
tion avec cet article. [5] Hasso AN, Ledington JA. Traumatic injuries of the temporal
bone. Otolaryngol Clin North Am 1988;21:295—316.
[6] Suzuki M, Shigemi H, Mogi G. The leaking labyrinthine lesion
Remerciements resulting from direct force through the auditory canal: report
of five cases. Auris Nasus Larynx 1999;26:29—32.
Nous tenons à remercier le Pr Vincent Darrouzet, chef du [7] Li ST, Baxter AB. Traumatic ossicular disruption. AJR
service d’oto-rhino-laryngologie, CHU de Bordeaux. 2000;174(5):1296.
[8] Le Boulanger N, Roger G, Williams MT, Garabedian EN. Trau-
Références matic intravestibular luxatuion of teh stapes highlighted in
computed tomographic scan oblique multiplanr olique recons-
[1] Travis LW, Stalnaker RL, Melvin JW. Impact trauma of the human truction. Otol Neurotol 2010;31(2):360—1.
temporal bone. J Trauma 1977;17:761—6. [9] Henrot P, Iochum S, Batch T, Coffient L, Blum A, Roland
[2] Ishman SL, Friedland DR. Temporal bone fractures: tra- J. Current multiplanar imaging of teh stapes. AJNR
ditional classification and clinical relevance. Laryngoscope 2005;26(8):2128—33.
2004;114:1734—41. [10] Williams MT. Imagerie des traumatismes du temporal. In:
[3] Meriot P, Garcia JF, Jezeque J, Veillon F, Nonen N, Bourjat L’oreille en poche. Sauramps médical; 2010.
P, et al. CT appearances of ossicular injuries. Radiograophics [11] Ayache D, Williams MT. Malleus handle fracture. Otl Neurotol
1997;17:1445—54. 2003;24(3):519—20.

Vous aimerez peut-être aussi