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Exploration radiologique
des traumatismes du rocher
V. Poirrier, B. Escude, I. Granier, C. Langlois, A. Bonafe

En cas de traumatisme du rocher, l’imagerie est réalisée à la phase aiguë devant une otorragie, une
otorrhée, une surdité de perception ou une paralysie faciale. Le seul examen adapté est la
tomodensitométrie (TDM). Celui-ci permet d’affirmer l’existence de la fracture, de décrire l’orientation du
trait et de préciser les différentes structures atteintes. On recherche en particulier une atteinte de la chaîne
ossiculaire, du canal du nerf facial et des structures de l’oreille interne et la possibilité d’une fistule
périlymphatique ou de liquide cérébrospinal. Une bonne connaissance de l’anatomie est un prérequis à
l’analyse de la TDM pour distinguer les traits de fracture des structures anatomiques normales. L’imagerie
par résonance magnétique (IRM) à la phase aiguë n’est que rarement utile. Une TDM peut être réalisée à
distance devant la persistance d’une surdité de transmission ou de perception, une paralysie faciale
secondaire, des vertiges. L’IRM n’est réalisée qu’en seconde intention si les symptômes restent inexpliqués
ou en cas d’anomalie impliquant les structures intracrâniennes.
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Mots clés : Traumatisme du rocher ; Paralysie faciale ; Fistule périlymphatique

Plan Les radiographies du crâne n’ont plus de rôle dans la prise en


charge du traumatisme crânien. La tomodensitométrie (TDM)
est l’imagerie de référence et de première intention permettant
¶ Introduction 1
le diagnostic positif et le bilan d’extension précis de ces
¶ Trait de fracture 2 fractures. La technique d’acquisition des images doit être
Classification des fractures du rocher 2 rigoureuse, conformément au guide de bonnes pratiques édicté
Direction du trait de fracture 2 par les sociétés savantes concernées. L’acquisition dans le plan
Traumatisme sans fracture 3 axial, selon une technique hélicoïdale permet des reconstruc-
Pseudofractures 3 tions multiplanaires (MPR). Avec un champ de vue de 6,5 cm
¶ Atteinte de la chaîne ossiculaire 3 de côté, les images sont reconstruites par coupes de 0,6 mm
Luxations ossiculaires 4 chevauchées de 50 %. Les plans de références d’étude du rocher
Fractures 4 sont les plans axial (dans le plan du canal semi-circulaire latéral)
et coronal, mais les plans obliques et sagittaux ainsi que la
¶ Hémorragie labyrinthique, fibrose labyrinthique
réalisation éventuelle de reconstructions 3D peuvent se révéler
et labyrinthite ossifiante 5 utiles pour l’exploration du trait de fracture et l’étude de la
¶ Fistules périlymphatiques 5 chaîne ossiculaire [3, 4]. L’exploration est systématiquement
¶ Fistules de LCR et méningocèles post-traumatiques 6 bilatérale pour permettre une comparaison avec le côté sain et
exclure une fracture bilatérale (8 % des cas). L’injection de
¶ Paralysie faciale 7
produit de contraste est inutile. La Société française de radiolo-
¶ Cholestéatomes post-traumatiques 7 gie et l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire ont
présenté un rapport exprimant des conseils en matière de
protocole d’examen et de niveau d’irradiation. Les constantes
utilisées pour la réalisation d’un scanner des rochers (tension :
120 à 140 kV ; mAs : 300 à 400 ; Pas : 0,5 à 0,75 ; hauteur
explorée : 2 à 3 cm) doivent permettre d’obtenir un indice de
■ Introduction dose de scanographie du volume (ou IDSV, CTDI en anglais) de
62 à 207 mGy et un produit dose longueur (ou PDL) de 124 à
Les fractures de l’os temporal sont une pathologie fréquente, 622 mGy.cm.
le plus souvent dans le cadre d’un traumatisme crânien grave. L’IRM dans les traumatismes du rocher n’est que rarement
Environ une fracture du crâne sur cinq implique l’os temporal réalisée : en cas de discordance entre les données cliniques et la
et 8 % des fractures du rocher sont bilatérales [1, 2]. TDM ou à distance en cas de complications impliquant les
L’imagerie est réalisée soit à la phase aiguë devant une structures intracrâniennes (exemple : méningocèle post-
otorragie, une otorrhée, une surdité de perception ou une traumatique). Elle comporte au minimum une séquence T1 avec
paralysie faciale initiale, soit plus à distance devant la persis- injection de gadolinium centrée sur les pyramides pétreuses et
tance d’une surdité de transmission, une paralysie faciale une séquence très pondérée T2 en coupes fines et jointives dont
secondaire, une surdité de perception, une méningite, des le choix du plan d’acquisition coronal ou axial est dicté par les
vertiges. données du scanner.

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“ Points importants
Indication du scanner dans un contexte post-
traumatique
À la phase aiguë, en cas :
• d’otorrhée
• de surdité de perception
• de paralysie faciale d’emblée
À distance du traumatisme, en cas de :
• persistance d’une surdité de transmission
• paralysie faciale secondaire
• surdité de perception
• méningite
• vertiges
Indication de l’IRM dans un contexte post-
traumatique
Fibrose labyrinthique (sans labyrinthite ossifiante au TDM)
Surdité de perception par atteinte rétrocochléaire
Méningocèle post-traumatique

■ Trait de fracture
Classification des fractures du rocher
Figure 1. Représentation des
Les fractures du rocher sont classées en fonction de l’atteinte fractures en fonction de l’orienta-
de la capsule otique ou en fonction de l’extension du trait de tion principale du trait, tomoden-
fracture à l’apex pétreux qui conditionnent la survenue des sitométrie avec reconstruction vo-
complications (lésion du nerf facial, fistules, surdité de percep- lumique de type VR en vue supé-
tion ou de transmission) [5-7]. Les fractures extralabyrinthiques rieure.
(90 % des fractures de l’os temporal) ont un meilleur pronostic A. Fracture longitudinale.
et sont représentées essentiellement par les fractures obliques et B. Fracture transversale.
longitudinales. Les fractures translabyrinthiques sont souvent C. Fracture oblique.
associées à un trait de fracture vertical, leur incidence s’éche-
lonne entre 2,5 % et 5,6 % [5, 8].

Direction du trait de fracture


Les fractures du rocher sont classiquement divisées en
fonction de l’orientation principale du trait de fracture (Fig. 1)
par rapport à l’axe longitudinal de la pyramide pétreuse [9, 10].
L’orientation du trait de fracture dépend du mécanisme de
l’impact.
Initialement, les fractures temporales ont été décrites comme
étant soit longitudinale, soit transversale, soit mixte. Ghorayeb
et Yeakley [11] ont étudié les traits de fracture en termes de plan
plutôt qu’en termes de ligne. Selon ce concept, la majorité des
fractures (75 %) est en fait oblique et les fractures longitudinales
vraies seraient rares.
Les fractures longitudinales et obliques ont un mécanisme par
impact horizontal de dehors en dedans. Elles ont un axe
parallèle à celui de la pyramide pétreuse (Fig. 2). Ces fractures
sont extralabyrinthiques le plus souvent. Six points d’entrée
principaux sont décrits pour les fractures extralabyrinthiques,
correspondant aux principaux points de faiblesse : fractures pré- Le méat acoustique externe, le cadre et la membrane tympa-
méatique, sus-méatique, rétroméatique (trait de fracture le plus niques sont souvent atteints. Il s’y associe fréquemment un
hémotympan facilement repérable sous la forme d’une opacité
fréquent), suivant la fissure pétrosquameuse [12].
de l’oreille moyenne.
Le plus souvent, le trait de fracture se continue dans l’oreille
L’atteinte ossiculaire [13] est fréquente : 10 % à 20 % des cas.
moyenne au niveau du toit de la caisse, la propagation du trait L’incidence de la paralysie faciale est de 25 %, moins fréquente
de fracture se fait en direction du ganglion géniculé et se que pour les fractures transversales [14].
termine dans la fosse cérébrale moyenne au niveau du foramen Les fractures transversales, plus rares, sont perpendiculaires au
épineux. grand axe de la pyramide pétreuse (Fig. 4). L’onde de choc vient
Les fractures longitudinales vraies suivent un plan perpendi- de l’arrière par l’occipital au bord du massif pétreux en attei-
culaire à la surface de l’os temporal tandis que les fractures gnant le rocher par sa face postéro-interne. Un sous-type latéral
obliques présentent une inclinaison du trait sur la face exocrâ- et un sous-type médial ont été décrits. Le sous-type médial
nienne de l’os temporal (Fig. 3). traverse le méat acoustique interne et peut entraîner des surdités

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Figure 2. Fracture longitudinale, rocher gauche,


tomodensitométrie : vues axiale (A, B), coronale
(C) et axiale oblique selon le plan de la platine
(D, fracture du tympanal). Le trait de fracture se
propage d’arrière en avant selon le grand axe de la
pyramide pour gagner la fossette du ganglion gé-
niculé. Luxation incudomalléaire. Articulation in-
cudostapédienne normale.

de perception complètes et définitives. Le sous-type latéral passe Pseudofractures


à travers le labyrinthe osseux et est responsable de surdités de
perception souvent associées à des fistules périlymphatiques en Les sutures et fissures peuvent simuler une fracture, elles sont
cas de lésion de la région des fenêtres. La fistule est alors cependant reconnues à l’aide d’une bonne connaissance anato-
détectée par la présence d’air dans les structures de l’oreille mique et par la comparaison avec le côté sain.
interne (pneumolabyrinthe). Le trait de fracture peut atteindre L’os temporal est composé de quatre structures principales
(tympanal, rocher, écaille, styloïde) séparées entre elles par des
le nerf facial (50 % des cas) dans les portions labyrinthiques ou
fissures et traversées par des canaux. Ces structures sont les seuls
tympaniques [14].
diagnostics différentiels d’une fracture du rocher en imagerie.
Cependant, la classification des fractures du rocher selon la Les principales fissures et canaux qui peuvent mimer une
direction du trait de fracture ne permet pas de prédire le type fracture sont : la fissure tympanosquameuse, la fissure pétros-
de complications et de lésions associées qui fixent le pronostic quameuse, le canal émissaire, le canal pétromastoïdien, le canal
alors que le siège extralabyrinthique ou translabyrinthique du tympanique inférieur de Jacobson, la fissure tympanosquameuse
trait de fracture est mieux corrélé avec les séquelles cliniques. postérieure de la corde du tympan [15].
Dahiya et al. ont montré pour les fractures translabyrinthiques
une majoration du risque de fuite de liquide céphalorachidien
(LCR) par un facteur 4 et du risque de surdité neurosensorielle
par un facteur 7. Ces données ont été validées par Little et ■ Atteinte de la chaîne ossiculaire
Kesser [6] qui ont montré une majoration du risque de paralysie
faciale (× 5), de surdité neurosensorielle (× 25) et de fuite de Il en existe deux types : luxation (93 %) et fractures (7 %) [13].
LCR (× 8) dans les fractures translabyrinthiques. À partir d’une L’osselet le moins stable est l’enclume qui est le plus souvent
revue de 820 fractures temporales, Brodie et al. [8] notent un impliquée dans ce type de lésion.
taux de 48 % de paralysie faciale pour les fractures translaby- Les circonstances de lésions ossiculaires sont variables. Dans
rinthiques par comparaison à un taux de 6 % pour les fractures 95 % des cas, elles sont liées à un traumatisme du rocher. Le
extralabyrinthiques. plus souvent, ce traumatisme est associé à une fracture (fracture
longitudinale) mais il peut exister des lésions ossiculaires
Les fractures mixtes associent une composante transversale et
consécutives à un traumatisme crânien sans fracture associée.
longitudinale et représenteraient 62 % à 90 % des fractures
Les autres causes (5 %) de lésions ossiculaires traumatiques sont
observées [5, 11] (Tableau 1).
plus rares. Il s’agit des traumatismes pressionnels (barotrauma-
tismes, blast), des traumatismes directs par corps étrangers et de
Traumatisme sans fracture la chirurgie [13].
La TDM est le seul examen à pouvoir mettre en évidence ce
Enfin, il existe des lésions traumatiques du rocher sans type de lésions. Une exploration à distance du traumatisme est
fracture associée : lésions de la chaîne ossiculaire ou du labyrin- recommandée, l’examen des osselets à la phase aiguë est gêné
the membraneux. par les opacités dues à un hémotympan.

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Figure 3. Fracture longitudinale oblique, rocher


droit, tomodensitométrie : vues axiales (A, B, C),
vue axiale en double obliquité selon le plan de
l’étrier (D). Le trait de fracture se propage de
l’écaille temporale (portion mastoïdienne) et ga-
gne le tympanal en avant et la fossette du ganglion
géniculé. Dislocation de l’enclume et fracture de la
branche antérieure de l’étrier (D).

Des reconstructions complémentaires « 3 D » permettent de Déplacement du complexe marteau-enclume


mettre en évidence les luxations ossiculaires.
Il peut se produire en raison de la solidité du bloc marteau-
enclume, il n’y a alors pas de modification de l’articulation
Luxations ossiculaires incudomalléaire. Une fracture et une impaction du mur de
l’attique doivent être recherchées, en particulier sur les recons-
Luxation incudostapédienne tructions dans le plan coronal.
C’est la lésion la plus fréquente, cette articulation étant une
énarthrose fragile [16]. Son atteinte apparaît sous-estimée en Luxation stapédovestibulaire
TDM [13]. Elle se traduit (Fig. 5A, C) par une augmentation C’est la désinsertion de la platine de la fenêtre ovale par
importante ou minime (supérieure à 1 mm pour être reconnue) rupture du ligament annulaire. Le déplacement peut se faire
de l’espace entre l’apophyse lenticulaire de l’enclume et la tête latéralement ou médialement vers le vestibule (Fig. 6) et se
de l’étrier. Généralement l’apophyse lenticulaire est déplacée en compliquer de fistule périlymphatique [17].
avant et en dehors.

Luxation incudomalléaire
Fractures
Cette lésion est plus rare en raison de la solidité de l’articu- Fracture de l’étrier
lation. Cependant, sa détection est à la fois plus facile et plus
fréquente en TDM. Celle-ci objective une perte des rapports Elle est souvent associée à une luxation incudomalléaire ou
anatomiques normaux de l’articulation avec une perte de du bloc incudomalléaire. Les traits de fracture peuvent intéresser
l’aspect classique en « cornet de glace » (Fig. 5B, D). Le marteau une seule ou les deux branches, le plus souvent au ras de la
a des attaches solides, il est l’osselet le plus stable. C’est donc le platine (Fig. 7). En cas de fracture des deux branches, l’étrier
plus souvent l’enclume, à la fois plus lourde et moins stable, qui n’est alors plus visible en regard de la fosse ovale dans les
est désaxée en cas de traumatisme. Les différentes reconstruc- différents plans de coupe. La fracture peut également intéresser
tions recherchent une autre lésion fréquemment associée la platine que l’on suspecte en cas de comblement de la fenêtre
comme une fracture de la longue apophyse de l’enclume, une ovale, d’angulation ou d’enfoncement de la platine. Il faut alors
fracture des branches de l’étrier ou une luxation rechercher des signes de fistule périlymphatique.
incudostapédienne. La mise en évidence de ces fractures est souvent difficile en
raison de la mauvaise visibilité des branches ou d’un comble-
ment hématique de la fosse ovale à la phase aiguë, fibro-
Dislocation de l’enclume
inflammatoire à distance. Une reconstruction en double
L’enclume est l’osselet le moins stable et peut perdre ses obliquité de l’étrier pour une analyse détaillée du bouton, des
rapports à la fois avec le marteau et avec l’étrier et se déplacer branches, de la platine et de la fenêtre vestibulaire est
dans la caisse, voire dans le conduit auditif externe (Fig. 5). nécessaire.

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Figure 4. Fracture transversale rocher gauche, tomodensitométrie (TDM) à la phase initiale en vue axiale (A, B) et à 5 jours du traumatisme en vue axiale (C,
D) et coronale (E [flèches], F). Fracture transversale translabyrinthique : le trait de fracture se propage de l’écaille temporale au mur de l’attique, au tour basal
(D, F), à la niche de la fenêtre ronde (A, C) et à l’ampoule du canal semi-circulaire postérieur (D) pour gagner la face endocrânienne du rocher. Dislocation
marteau-enclume, fistule périlymphatique avec comblement des fenêtres et pneumolabyrinthe (B) par probable rupture de la membrane de la fenêtre ronde
sur l’examen TDM initial. À noter la disparition du pneumolabyrinthe en l’espace de 5 jours.

Tableau 1. séquences T2 haute résolution inframillimétrique le signal


Caractéristiques des fractures longitudinales et transversales. T2 est plus élevé que celui des liquides périlymphatiques.
Transverse Longitudinale La fibrose labyrinthique et la labyrinthite ossifiante consti-
tuent des complications possibles, à distance du traumatisme,
Impact Frontal ou occipital, Temporopariétal
en cas d’atteinte labyrinthique initiale avec ou sans fracture [19].
violent
En cas de fibrose labyrinthique, le scanner est normal.
Atteinte labyrinthique Fréquente Non
L’examen de choix est alors l’IRM qui retrouve une prise de
Paralysie faciale 40-50 % 10-20 % contraste labyrinthique sur les séquences T1 avec injection de
Atteinte ossiculaire Non Fréquente gadolinium ainsi qu’un comblement partiel des liquides de
l’oreille interne mieux visible sur les séquences T2 [20].
En cas de fibrose ossifiante, la TDM montre la présence de
dépôts calcaires hyperdenses dans le labyrinthe membraneux.
Fractures du marteau et de l’enclume L’IRM retrouve des zones d’hyposignal sur les séquences
Elles intéressent surtout la longue apophyse de l’enclume. Les T2 dans les zones liquidiennes labyrinthiques [21].
fractures du col ou du manche du marteau sont rares, souvent
associées aux lésions du cadre osseux tympanique.
■ Fistules périlymphatiques
■ Hémorragie labyrinthique, Les fistules périlymphatiques mettent en communication les
structures de l’oreille interne et l’oreille moyenne. Elles font
fibrose labyrinthique suite à une fracture transversale ou mixte. Elles peuvent survenir
et labyrinthite ossifiante immédiatement ou rarement à distance du traumatisme (plu-
sieurs années). Elles siègent majoritairement au niveau de la
L’hémorragie labyrinthique peut survenir en cas de trauma- fenêtre ovale, mais peuvent intéresser la fenêtre ronde ou les
tisme mais aussi en cas de trouble de la crase sanguine. En cas deux sites en même temps [22].
de traumatisme elle n’est pas toujours associée à une frac- La TDM peut être négative et n’élimine pas le diagnostic. La
ture [18]. Elle n’est pas visible en TDM. L’examen de choix pour présence d’air dans les structures de l’oreille interne (Fig. 4)
la rechercher est alors l’IRM qui retrouve un hypersignal prouve la présence d’une fistule, mais n’est pas toujours
spontané intralabyrinthique sur les séquences T1. Sur les retrouvée, en particulier si l’examen est réalisé tardivement.

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Figure 5. Dislocation de l’enclume, tomodensi-


tométrie en vues axiales (A, B) ; axiale oblique
selon le plan de la platine (C) et coronale oblique
(D). Perte de continuité de la chaîne ossiculaire :
l’apophyse lenticulaire de l’enclume n’est pas au
contact du bouton de l’étrier (A). Luxation incudo-
malléaire (B). Dans le plan coronal oblique (D), on
note un basculement de l’enclume qui a perdu ses
attaches avec l’étrier et le marteau. Étrier en place
(C).

Figure 6. Rocher gauche tomodensitométrie


vues axiale (A) et en double obliquité selon le plan
de la platine (B). Luxation de la platine, enfonce-
ment de la platine de l’étrier sans lésion traumati-
que des branches de l’étrier ou de l’articulation
incudostapédienne (flèches).

La TDM recherche des anomalies de la région des fenêtres, une


fracture de la platine de l’étrier (comblement de la fenêtre
■ Fistules de LCR et méningocèles
ronde, angulation ou enfoncement de la platine) ou une post-traumatiques
luxation stapédovestibulaire et un comblement liquidien de
l’oreille moyenne, en particulier du sinus tympani. La rupture Les fistules de LCR mettent en communication les structures
de la membrane de la fenêtre ronde (Fig. 8) en l’absence de de l’oreille moyenne et les espaces liquidiens sous-
fracture ou de luxation de la chaîne ossiculaire (lors d’un blast arachnoïdiens. Une complication de ces fistules est la survenue
par exemple) n’est le plus souvent pas visible [23]. de méningites, d’autant plus fréquente que cette fistule persiste
En IRM, une prise de contraste labyrinthique peut être 7 jours après le traumatisme [8]. La présence d’une pneu-
retrouvée. Elle n’est pas systématique et dépend de l’inflamma- mencéphalie est évocatrice (en l’absence d’autre lésion pouvant
tion associée. L’IRM en haute résolution est également sensible l’expliquer). Le siège de la brèche est situé au niveau du tegmen
pour la recherche d’un petit épanchement de la fenêtre ronde ou moins souvent sur la paroi postérieure du rocher en cas de
ou du sinus tympani mais ne peut pas différencier ces lésions fracture longitudinale et au fond du conduit auditif interne
des autres causes d’épanchement [24]. (CAI) en cas de fracture transversale. Dans ce dernier cas, l’issue

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Figure 7. Fractures de l’étrier. Tomodensitométrie : vues en double obliquité selon le plan de la platine.
A. Rocher droit : étrier normal. Congruence du bouton de l’étrier et de l’apophyse longue de l’enclume.
B. Rocher gauche : fracture des branches antérieures et postérieures de l’étrier (flèche).
C. Rocher droit : fracture de la branche postérieure de l’étrier à proximité du bouton (flèches).

Figure 8. Rocher gauche, vues axiale (A) et sa-


gittale en double obliquité selon le plan de la
platine (B). Barotraumatisme : pneumolabyrinthe
(A, flèche), absence de lésion traumatique de la
chaîne ossiculaire, rapports marteau-enclume et
étrier-enclume normaux. Fistule périlymphatique
par rupture probable de la membrane de la fenêtre
ronde (B, flèche).

de LCR se fait par la paroi interne de la caisse (fracture du


promontoire, de la platine). L’IRM utilisant des séquences très
■ Cholestéatomes
pondérées T2 en coupes fines est un complément d’examen post-traumatiques
utile montrant un comblement liquidien de l’oreille moyenne
Il sont rares et surviennent sur une oreille normalement
et recherche une communication avec les espaces
pneumatisée. Ceux qui intéressent l’oreille moyenne sont
péricérébraux [21].
souvent découverts tardivement (plus de 10 ans) que ceux qui
Lors d’un méningocèle post-traumatique, le scanner retrouve intéressent le conduit auditif externe (moins de 5 ans en
un comblement de l’oreille moyenne à partir du toit du rocher, général) [26].
en regard d’une déhiscence osseuse. C’est l’IRM qui précise la .

nature de la lésion par des coupes fines coronales T1 et T2.


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157:395-8. http://www.sfr-radiologie.asso.fr/.

V. Poirrier, Chef de clinique-assistant.


Service de neuroradiologie, CHRU de Montpellier, Hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier, France.
B. Escude, Médecin.
Clinique Pasteur, 45, avenue de Lombez, 31300 Toulouse, France.
I. Granier, Médecin attaché.
C. Langlois, Praticien hospitalier.
A. Bonafe, Professeur des Universités, praticien hospitalier (a-bonafe@chu-montpellier.fr).
Service de neuroradiologie, CHRU de Montpellier, Hôpital Gui-de-Chauliac, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Poirrier V., Escude B., Granier I., Langlois C., Bonafe A. Exploration radiologique des traumatismes du
rocher. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-047-A-50, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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