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J Radiol 2010;91:53-8

© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010


Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés article original ORL

L’apport du scanner dans les traumatismes


du rocher : à propos de 38 cas
MR Hiroual (1), A Zougarhi (1), N Cherif Idrissi El Ganouni (1), O Essadki (1), A Ousehal (1), O Tijani
Adil (2), O Maliki (2), L Aderdour (2) et A Raji (2)

Abstract Résumé
High-resolution CT of temporal bone trauma: review of 38 cases. Objectif. Les lésions traumatiques du rocher sont fréquentes et
J Radiol 2010;91:53-8 d’interprétation difficile du fait de la diversité des formes cliniques et
de la complexité de l’anatomie de l’oreille, nous nous sommes
Purpose. Temporal bone trauma is frequent but difficult to assess due intéressés à l’aspect tomodensitométrique des différents types de
to the diversity of clinical presentations and complex anatomy. We have fractures et leurs complications.
sought to assess the different types of fractures and complications on Matériel et méthodes. Étude rétrospective descriptive étalée sur 24
high-resolution CT. mois réalisée dans les services de radiologie et d’ORL du CHU
Materials and methods. Descriptive retrospective study over a 24 month Mohammed VI de Marrakech, portant sur 38 cas de traumatisme du
period performed in the ENT radiology section of the Mohammed VI rocher. Tous les patients ont bénéficié d’un examen ORL et d’une
university medical center in Marrakech. A total of 38 cases of temporal TDM en haute résolution en coupes axiales et coronales de 1 mm
bone trauma were reviewed. All patients underwent ENT evaluation d’épaisseur.
and high-resolution CT of the temporal bone using 1mm axial and Résultats. L’âge moyen des patients était de 33 ans (14-55 ans) avec
coronal sections. une nette prédominance masculine, (sexe ratio 36/2). La symptomato-
Results. Mean patient age was 33 years (range: 14-55 years) with male logie clinique a été dominée par les otorragies et la surdité de trans-
predominance (sex ratio: 36/2). Clinical symptoms were mainly mission. Les fractures obliques extra labyrinthiques étaient les plus
otorrhagia and conductive hearing loss. Oblique extra-labyrinthine fréquentes. Deux cas de pneumo labyrinthe étaient notés. Le
fractures were most frequent. Two cases of pneumolabyrinth were traitement était le plus souvent conservateur avec apparition de 3 cas
noted. Management was conservative in most cases with deafness in 3 de cophose.
cases. Conclusion. La TDM en coupes millimétriques offre un bilan
Conclusion. High-resolution CT of the temporal bone provides lésionnel précis permettant d’expliquer les signes cliniques et
accurate depiction of lesions explaining the clinical symptoms and helps d’orienter la conduite thérapeutique. L’imagerie par résonance
guide management. MRI is complimentary to further assess the magnétique est un complément indispensable pour l’étude du
labyrinth and VII-VIII nerve complex. labyrinthe et du paquet acoustico-facial.

Key words: Fracture. Temporal bone. Pneumolabyrinth. CT. Mots-clés : Fracture. Rocher. Pneumo labyrinthe.
Tomodensitométrie.

es fractures du rocher s’intègrent sou- leurs complications et de montrer l’apport Sont exclus de cette étude les patients :

L vent dans un contexte de traumatis-


me crânien ou de poly traumatisme
nécessitant une prise en charge multidisci-
de la tomodensitométrie dans le bilan lé-
sionnel initial.
• comateux et polytraumatisés ;
• qui n’ont pas bénéficié d’un examen
ORL initial ;
plinaire. Les fractures obliques extra laby- • qui n’ont pas d’examen ORL de
rinthiques sont les plus fréquentes repré- contrôle.
sentant 80 % de l’ensemble des fractures. Matériels et méthodes
La symptomatologie clinique est variable Données cliniques
dominée par les otorragies et l’hypoacou- Il s’agit d’une étude rétrospective descrip-
sie. L’approche diagnostic a bénéficié plei- tive étalée sur 24 mois, réalisée dans les et radiologiques
nement de la TDM en haute résolution qui services de radiologie et d’ORL du CHU Les données ont été recueillies dans les
permet la détection et la classification des Mohammed VI de Marrakech, portant dossiers des patients par un junior et
lésions (1). L’IRM est un complément in- sur 38 dossiers de traumatisme du rocher. comportaient : les signes cliniques, les
dispensable pour l’étude du labyrinthe et Le critère d’inclusion était l’association : données de l’examen ORL, l’évolution
du nerf facial. (2). Le but de cette étude est • d’un traumatisme du rocher entre la après un mois ainsi que les comptes ren-
de décrire les aspects tomodensitométri- période de janvier 2007 à janvier 2009 ; dus des scanners du rocher. Les patients
ques des différents types de fractures et • d’un examen ORL initial, récent avec paralysie faciale ont bénéficié d’un
(moins de 72 heures par rapport au trau- examen quotidien avec testing musculai-
matisme) ; re répété et d’une audiométrie complète
(1) Service de Radiologie, CHU Mohamed VI, Marra-
kech, Maroc. (2) Service d’ORL, CHU Mohamed VI,
• d’une exploration tomodensitométri- avec un électromyogramme à J21 du trau-
Marrakech, Maroc. que de qualité dans les 72 heures suivant matisme pour juger de la sévérité de
Correspondance : MR HiroualAppartement 4-2, Immeu-
ble 65, lotissement Assaada, Marrakech 40091, Maroc.
le traumatisme ; l’atteinte nerveuse. Les patients sans
E-mail : ridahir@yahoo.fr • d’un examen ORL de contrôle. paralysie faciale ont bénéficié d’un exa-
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propos de 38 cas

men ORL de contrôle avec audiométrie traumatisme. Parmi les 38 patients, • les fractures longitudinales : le plan de
complète à J21 du traumatisme. 7 présentaient des vertiges aigus et des fracture est coronal perpendiculaire à la
acouphènes. surface latérale de l’os temporal ;
Technique L’examen clinique a révélé une surdité de • les fractures transversales : le plan est
L’examen a été réalisé en acquisition héli- transmission dans 25 cas, mixte dans 8 cas sagittal ;
coïdale de 1 mm d’épaisseur avec incré- et de perception dans 5 cas, un hémotym- • les fractures mixtes : associant une de
mentation de 0,5 mm et reconstructions pan dans 18 cas et une perforation tympa- fracture longitudinale et transversale.
axiale et coronale en filtre dure. La fe- nique dans 2 cas (tableau I).
Le scanner a montré une fracture oblique
nêtre de lecture est de 4 000 UH avec un dans 24 cas, transversale dans 5 cas, mixte
niveau de 600UH. La lecture des scanners Imagerie dans 4 cas et longitudinale dans 4 cas (fig. 2).
a été effectuée par l’équipe de garde consti- On distingue (fig. 1) : Les fractures de l’os tympanal étaient les
tuée d’un senior et de deux juniors. • les fractures obliques : le plan de frac- plus fréquentes présentes dans 23 cas. Les
Chaque examen a été réinterprété par un ture est horizontal ; lésions de la chaîne ossiculaire étaient pré-
senior à la lumière des données cliniques
initiales.
Tableau I
La fréquence des signes cliniques
Signes cliniques Nombre Pourcentage
Résultats
Otorragie 38 100
Données épidémiologiques Hypoacousie 31 86
Vertige 7 16
L’âge moyen des patients était de 33 ans
avec des extrêmes de 14 ans et 55 ans, une Acouphène 7 16
nette prédominance masculine a été notée Paralysie faciale 20 52
(sexe ratio 36/2). Les étiologies des fractures Hémo tympan 18 50
étaient dominées par les accidents de la voie Perforation tympanique 2 2,7
publique (95 %) et les agressions (5 %).

Données cliniques
L’atteinte était bilatérale dans 3 cas. Une
otorragiee et une hypoacousie étaient re-
trouvées respectivement dans 36 et 31 cas.
Dix-neuf patients avaient une paralysie
faciale dont 8 immédiatement après le

a b
c d
Fig. 2 : Différents types de fracture du rocher.
a Coupe TDM axiale passant par l’articulation incudo-malléaire illustrant une fracture
oblique (flèche).
b Coupe TDM axiale passant par le tour basal de la cochlée illustrant une fracture lon-
gitudinale (flèche).
c Coupe TDM axiale passant par le canal semi circulaire latéral illustrant une fracture
Fig. 1 : Schémas montrant les différents transversale (flèche).
plans de fractures du rocher. d Coupe TDM axiale passant par le canal semi latéral illustrant une fracture mixte.

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sentes dans 11 cas en rapport avec des


luxations incudo-malléaires dans 5 cas,
luxation incudo-stapédienne dans 1 cas,
des fractures de l’enclume dans 3 cas et du
manche du marteau dans 2 cas (fig. 3).
Les fractures du canal du facial étaient
objectivées dans 20 cas, intéressant la
2e portion dans 16 cas, le ganglion génicu-
lé dans 2 cas et la 1re portion dans 2 cas
(fig. 4). Les lésions labyrinthiques étaient
présentes dans 8 cas avec pneumo labyrin-
the dans 2 cas en rapport avec des fractu-
res des fenêtres ovale et ronde (fig. 5). Les
fractures des tegmens étaient constatées
dans 9 cas (tableau II).

Corrélation évolution clinique


et imagerie
L’évolution clinique après un mois du
traumatisme était marquée par la régres-
sion spontanée de la surdité de transmis-
sion dans 16 cas de fracture oblique et
3 cas de fracture longitudinale. La persis-
tance de la surdité de perception dans les
autres cas avec évolution vers la cophose
dans 2 cas de fracture transversale et 1 cas a b
c d
de fracture mixte. La régression de la pa- Fig. 3 : Lésions de la chaîne ossiculaire.
ralysie faciale était notée dans 4 cas de a Coupe TDM axiale passant par la 2e portion du canal du facial montrant une fracture
fracture oblique et 2 cas de fracture longi- oblique compliquée d’une subluxation incudo-malléaire (flèche).
b Coupe TDM axiale passant par la 2e portion du canal du facial illustrant une fracture
tudinale. La régression du vertige a été longitudinale compliquée d’une luxation incudo-malléaire (flèche).
notée dans 3 cas de fracture transversale, c Coupe TDM coronale : la luxation incudo-malléaire réalise un aspect Y (flèche).
d Coupe TDM axiale passant par le tour basal de la cochlée montrant une luxation
3 cas de fracture mixte et 1 cas de fracture incudo-stapédienne (flèche).
oblique. Trois patients ont développé ont
otite moyenne post-traumatique. Aucun
patient n’a présenté au cours de la sur-
veillance une paralysie faciale secondaire
ni de méningite (tableau III).

Discussion
Les fractures du rocher s’intègrent dans
un contexte de polytraumatisme ou de
traumatisme crânien, où elles représen-
tent 7 à 25 % de l’ensemble des lésions
intracrâniennes.

Classification a b
Fig. 4 : Fractures du canal du facial.
La nouvelle approche spatiale définit les a Coupe TDM axiale montrant une fracture longitudinale passant par le genou du
fractures du rocher en terme de plan et canal du facial (flèche).
non de trait ainsi elles sont classées en b Coupe TDM coronale montrant une fracture transversale traversant la 1re portion du
canal du facial (flèche).
fracture oblique, transversale, longitudinale
et mixte (3). En se référant à cette nouvelle
conception, les fractures obliques sont les pariétale et temporale, elles se manifes- secondaire en cas de compression ou
plus fréquentes représentant 80 %. tent essentiellement par des otorragies et contusion responsable d’un œdème du
• Les fractures obliques : sont habi- une surdité de transmission. La paralysie VII. La surdité peut être mixte, avec at-
tuellement extra-labyrinthiques et compli- faciale peut être immédiate en cas de teinte perceptionnelle par commotion
quent les points d’impact de la région section ou déchirure partielle du VII ou labyrinthique

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lésions irréversibles du labyrinthe mem-


braneux. Ce type de fracture peut entraî-
ner également une fracture du canal de
Fallope entraînant une paralysie faciale,
immédiate et totale, elles compliquent
les chocs frontaux et occipitaux. La
symptomatologie clinique est dominée
par la surdité de perception, les vertiges
et les acouphènes ainsi que la paralysie
faciale.
• Les fractures longitudinales : sont plus
rares, se compliquent dans 88 % des cas de
paralysie faciale immédiate ou secondaire
en rapport avec une atteinte du ganglion
géniculé (1, 3).
a b
Fig. 5 : Pneumo labyrinthe.
• Les fractures mixtes : sont tympano-
a Coupe TDM axiale montrant une fracture mixte compliquée d’une luxation incudo- labyrinthiques touchant à la fois l’oreille
malléaire (flèche blanche) et d’un pneumo labyrinthe (flèche rouge). moyenne et interne.
b Coupe coronale montrant un pneumo labyrinthe (flèche)

De la clinique à l’imagerie
Tableau II La réalisation et l’interprétation du scan-
La fréquence des différents types de fracture avec la nature et le nombre des lésions ner doivent être orientées par les données
élémentaires associés à chaque type. de l’interrogatoire et de l’examen clinique
Types Oblique Transversale Mixte Longitudinale initial.
de fracture 25 cas 5 cas 4 cas 4 cas
(66,6 %) (13,8 %) (8,3 %) (11,1 %) • L’otorragie : traduit une déchirure du
Chaine ossiculaire 8 1 1 1 tympan ou une fracture de l’os tympanal,
Canal du facial 11 4 3 2 une otorragie qui s’éclaircit est le témoin
Fenêtre ronde 0 1 0 0 d’une otoliquorrhée associée.
Fenêtre ovale 0 1 0 0 • L’otoliquorrhée : due à une brèche mé-
canaux semi circulaires 0 2 1 0 ningée, conséquence de la fracture.
Vestibule 0 1 2 0 • La paralysie faciale : doit être systéma-
Cochlée 0 2 1 0
tiquement recherchée par la manœuvre
aqueduc du vestibule 0 0 1 0
de Pierre Marie et Foix, au premier exa-
aqueduc de la cochlée 0 0 0 0
men clinique, soit sur le lieu de l’accident
ou à défaut au service d’accueil. L’absence
Pneumo-labyrinthe 0 1 1 0
de paralysie faciale doit être clairement
Tegmens 3 4 2 0
notée dans l’observation.
• Le syndrome cochléo-vestibulaire défici-
taire total unilatéral : violent vertige rotatoi-
Tableau III re, évoluant sur plusieurs jours vers la
Corrélation entre l’imagerie initiale et l’évolution clinique. régression (par compensation centrale),
Évolution clinique Imagerie initiale
s’accompagnant d’une cophose unilatérale,
Régression de la surdité de transmission
il est dû à une fracture trans labyrinthique
n = 16 Fracture oblique du rocher.
n=3 Fracture longitudinale
• Le syndrome cochléo-vestibulaire dé-
Cophose ficitaire partiel dissocié : dû à une fistule
n=2 Fracture transversale
n=1 Fracture mixte périlymphatique, cette dernière est secon-
Régression de la paralysie faciale daire à une déchirure de la membrane de
n=4 Fracture oblique la fenêtre ronde, à une fracture de la platine
n=2 Fracture longitudinale
ou à une déchirure du ligament annulaire
Otite moyenne
n=3 Fracture oblique avec luxation de la platine. Elle entraîne
Régression du vertige une surdité de perception « en plateau » à
n=3 Fracture transversale l’audiogramme, typiquement fluctuante.
n=3 Fracture mixte
n=1 Fracture oblique Ce syndrome peut être également secon-
daire à une commotion labyrinthique,
cette dernière s’accompagne d’une surdité
• Les fractures transversales : sont moins seux du labyrinthe, les lésions hémorragi- de perception 'en plateau' à l’examen
fréquentes représentant 15 à 20 %, se ques intra labyrinthiques qui en résultent audiométrique tonal, non fluctuante, par-
compliquent souvent de lésions intra la- ainsi que la perte d’étanchéité des secteurs fois évolutive, accompagnée de vertiges
byrinthiques, par ouverture du catex os- péri et endo lymphatique entrainent des rotatoires itératifs (1).

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La TDM en haute résolution tensions ligamentaires échappent à l’ex- objectivé en cas de réaction inflammatoire
ploration radiologique ; post-traumatique.
Objective bien les fractures macroscopi- En cas de lésion du canal du facial, l’IRM
• les luxations stapédo-vestibulaires : sont
ques sur les coupes axiales et coronales met en évidence un aspect épaissi et un re-
rares (6), entrainent une fistule péri
mais surtout sur les reconstructions dans haussement de signal après injection de
lymphatique, elle est responsable d’un dé-
les différents plans de l’espace. Pour les gadolinium sur le trajet du nerf facial et
placement de l’étrier vers l’intérieur du
scanners mono barrettes, les acquisitions au niveau du ganglion géniculé, elle per-
vestibule (luxation stapédo vestibulaire
sont réalisées en incidence axiale et co- met aussi de montrer la présence d’un hé-
interne) ou vers l’extérieur (luxation sta-
ronale avec coupes jointives de 1 mm matome du ganglion géniculé dans les
pédo vestibulaire externe) ;
d’épaisseur. fractures longitudinales.
• les fractures du marteau : de diagnostic
Pour les scanners multi barrettes, l’acqui- L’IRM permet également la détection des
difficile si la fracture ne s’accompagne pas
sition est réalisée en mode hélicoïdal avec fistules peri-lymphatiques, des brèches
d’une angulation de l’os ;
coupes millimétriques et reconstructions ostéo-méningées et des méningocèles post-
• les fractures de l’enclume : sont les plus
dans tous les plans de l’espace. Les recons- traumatiques (10-12). Les fractures du
fréquentes et intéressent souvent la longue
tructions sagittales obliques parallèles à la rocher nécessitent une prise en charge
apophyse ;
2e portion du canal du facial permettent multidisciplinaire entre otologistes, radio-
• les fractures de l’étrier : compliquent
une étude parfaite des branches longue et logue et neurochirurgien.
les fractures transversales, la fracture de la
courte de l’enclume. Les reconstructions
platine se manifeste par un aspect angulé en
sagittales obliques parallèles au manche Évolution et traitement
V de la platine.
du marteau permettent l’étude du mar-
teau et de la branche longue de l’enclume. Le pneumo labyrinthe résulte d’une • La surdité de transmission : disparaît
communication anormale entre l’oreille en moins de 3 semaines si elle est due à
Les reconstructions frontales obliques
moyenne et interne par fractures des fenê- l’hémotympan, sa persistance peut être
perpendiculaires à la platine (plan éga-
tres ovales et/ou ronde (7-9), ses étiologies due à une perforation tympanique ou à
lement utilisé pour étude de la fenêtre
sont variables, dominées par les trauma- une atteinte de la chaîne ossiculaire. la
ovale) sont les plus informatives car elles
tismes du rocher, les causes iatrogènes fermeture chirurgicale d’une perforation
permettent de « dérouler » l’ensemble de
postopératoires, les tumeurs de l’oreille ne doit être envisagée qu’après 6 mois
la chaîne ossiculaire et bien étudier les
moyenne y compris le choléstéatome, et d’évolution dans l’espoir d’une fermeture
articulations uncudo-stapédienne et
la manœuvre de Valsalva. Les fuites de spontanée. Les lésions ossiculaires sont
stapédo-vestibulaire.
LCR compliquent surtout les fractures traitées par ossiculoplastie.
Les reconstructions tridimensionnelles
des tegmens, aucun cas n’a été noté dans • La surdité de perception : la cophose est
bien que moins précises que les recons-
notre série. définitive et aucun traitement n’est pos-
tructions bidimentionnelles permettent
Les résultats de notre série étaient concor- sible. En cas de fistule périlymphatique :
de donner une vue d’ensemble permet-
dants avec ceux de la littérature, ainsi, les l’exploration de l’oreille moyenne confir-
tant une bonne approche spatiale de la
fractures obliques extra labyrinthiques me la fuite de périlymphe au niveau de la
fracture (2).
étaient les plus fréquentes, compliquées platine (fracturée) ou du ligament annu-
Grâce à sa haute résolution, la TDM per- laire (en cas de platine luxée) ou de la fe-
dans 45 % de paralysie faciale par atteinte
met de détecter les lésions de la chaîne nêtre ronde, cette fuite est obturée par des
de la 2e portion du canal du facial. L’at-
ossiculaire, du canal du facial et de l’oreille fragments de graisse ou de muscle fixés
teinte du ganglion géniculé a été constatée
interne en particulier la présence de pneu- par colle biologique.
dans un cas de fracture longitudinale. Les
mo labyrinthe (4, 5). • Le vertige : disparait spontanément en
fractures transversales et mixtes étaient
Les fractures microscopiques de la capsu- deux à trois semaines par compensation
moins fréquentes, compliquées dans 75 %
le labyrinthique désignées sous le nom de centrale, sa persistance au-delà de 4 semai-
de paralysie faciale par atteinte de la
commotions labyrinthiques échappent nes nécessite une rééducation vestibulaire.
1re portion du canal du facial et de lésions
souvent à l’exploration tomodensitomé- En cas de pneumo-labyrinthe, l’interven-
labyrinthiques dans 87 % avec pneumo
trique. L’os tympanal est atteint dans en- tion s’impose pour obturer les fenêtres, afin
labyrinthe dans deux cas en rapport avec
viron 50 % des cas. Les traumatismes de d’éviter une méningite otogène post-trau-
des lésions des fenêtres ovale et ronde.
la chaîne ossiculaire accompagnent plus matique, la fracture de la capsule labyrinthi-
de 25 % des fractures : que osseuse ne consolidant jamais. Les ver-
• les luxations incudo-malléaires (57 %) :
L’IRM en haute résolution tiges post-commotionnels doivent régresser
la tête du marteau ne repose plus sur le L’IRM réalisée en complément du scan- totalement en deux mois, leur persistance
corps de l’incus, pouvant aller d’un simple ner n’est pas performante pour l’étude des entre dans le cadre d’un syndrome subjectif
diastasis en cas subluxation jusqu’au dé- fractures du rocher, mais trouve son indi- des traumatisés du crâne. Le vertige posi-
placement majeur réalisant un aspect en cation en cas de vertige aigu post-trauma- tionnel paroxystique bénin (VPPB) post-
Y sur les coupes coronales. Les luxations tique ou de paralysie faciale immédiate traumatique serait dû à un arrachage des
du bloc incudo-malléaire sont plus rares, non expliqués par le scanner. otoconies des macules otolithiques qui se
le marteau et l’enclume perdent leurs L’apport principal de l’IRM est la détection déposeraient dans le canal semi-circulaire
orientations normales ; des hémorragies intralabyrinthiques qui se postérieur le plus souvent. Leur traitement
• les luxations incudo-stapédiennes (82 %) : traduisent par un hypersignal spontané sur est identique à celui du VPPB classique
sont les lésions les plus fréquemment ren- les pondérations T1. Un rehaussement du • La paralysie faciale post-traumatique :
contrées, mais sous-estimées car les dis- labyrinthe après injection de gadolinium est immédiate (dite primaire), nécessite l’explo-

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ration chirurgicale, avec éventuellement une pédo-vestibulaire. L’apport principal de 6. Herman P, Guichard JP, Van den Ab-
suture du nerf facial, à l’opposée une paraly- l’IRM est de détecter les hémorragies in- beele T, Tan CT, Bensimon JL, Maria-
sie faciale s’installant progressivement dans tra labyrinthiques responsables de surdité nowski R, et al. Traumatic luxation of
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