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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

 17-018-A-20

Diagnostic d’un vertige en pratique


C. Tilikete, R. Hermann

Résumé : Le vertige est un symptôme très fréquent révélant le plus souvent une pathologie « bénigne »
comme une neuronite vestibulaire, une maladie de Ménière, une migraine vestibulaire, un vertige paroxys-
tique positionnel bénin ou un processus fonctionnel. Mais il peut révéler une pathologie neurologique
grave, le plus souvent vasculaire. Outre la définition du vertige, l’entretien avec le patient permet de le
classer dans un cadre nosologique assez précis en fonction de la durée, de la récurrence et du mode de
déclenchement : le vertige durable (> 24 h), les vertiges spontanés récurrents, les vertiges paroxystiques
positionnels, les vertiges brefs et très fréquents, l’instabilité posturale. L’examen clinique est essentiel et
parfois supérieur à l’imagerie par résonance magnétique, notamment la recherche et la description d’un
nystagmus, les manœuvres du Head Impulse Test, du Head Shaking Test, de Dix et Hallpike et la recherche
d’une skew deviation.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Nystagmus ; Head Impulse Test ; Manœuvre du Head Shaking Test ; Skew Deviation ;
Manœuvre de Dix-Hallpike ; HINT

Plan devant un vertige repose en grande partie sur l’entretien avec le


patient, qui permet de s’assurer de la description d’un « vrai » ver-
■ Introduction 1 tige, et de classer ce vertige dans un cadre nosologique assez précis
en fonction de la durée, de la récurrence et du mode de déclenche-
■ Définition 1 ment. Brandt et Dieterich ont proposé récemment de distinguer
■ Organisation anatomofonctionnelle du système vestibulaire 2 cinq cadres de « vertiges » indépendamment de l’origine cen-
Système vestibulaire périphérique 2 trale ou périphérique : le vertige durable (au-delà de plusieurs
Voies vestibulaires centrales 3 heures), les vertiges spontanés récurrents, les vertiges paroxys-
■ Examen clinique vestibulaire 3 tiques positionnels, les vertiges brefs et très fréquents, l’instabilité
Entretien 3 chronique [5] . L’examen clinique est essentiel pour objectiver
Examen clinique vestibulaire 4 des signes vestibulaires, et rechercher des signes otologiques ou

neurologiques associés. L’examen clinique vestibulaire bénéficie
Explorations audiovestibulaires 5
notamment de manœuvres très utiles pour aider à distinguer un
Explorations auditives 5
tableau vestibulaire périphérique d’un central. Il s’agit notam-
Explorations vestibulaires avec quantification du réflexe
ment des manœuvres du Head Shaking Test, de Dix et Hallpike, du
vestibulo-oculaire 6
Head Impulse Test, de la recherche d’un nystagmus et d’une skew
Explorations vestibulaires non quantitatives 6
deviation. Les examens complémentaires peuvent être utiles pour
■ Étiologies des vertiges 6 confirmer une atteinte vestibulaire et étayer le diagnostic étiolo-
Grand vertige aigu et durable 6 gique. Le traitement des vertiges repose en grande partie sur les
Vertige positionnel paroxystique 8 traitements symptomatiques vestibuloplégiques non spécifiques
Vertiges récurrents 10 des étiologies, mais également sur des thérapeutiques spécifiques
Vertiges brefs et très fréquents 11 comme dans la maladie de Ménière, la migraine vestibulaire,
Instabilité chronique sans autre atteinte neurologique 11 les paroxysmies vestibulaires, le vertige positionnel paroxystique
■ Conclusion 12 bénin (VPPB).

 Introduction  Définition
Le vertige est un symptôme très fréquent, puisqu’une personne Le vertige est une illusion de mouvement, soit de celui qui en
sur sept environ dit l’avoir éprouvé au moins une fois, et qu’il souffre, soit de l’environnement, qui se traduit le plus souvent par
représente 1 à 10 % des consultations en service d’urgence [1, 2] , une impression de rotation ou parfois de déplacement linéaire. Il
et 13 % des consultations de neurologie [3] . Il s’agit d’un symp- peut s’agir d’un symptôme spontané, déclenché ou majoré par les
tôme banal, révélant le plus souvent une pathologie « bénigne » mouvements de la tête. Il s’accompagne habituellement de signes
comme une migraine vestibulaire ou un processus fonctionnel. neurovégétatifs tels que des nausées, des vomissements ou des
Mais il peut être dans environ 5 % des cas la conséquence d’une sueurs. Il n’existe cependant pas de troubles de la conscience au
pathologie neurologique grave, le plus souvent vasculaire, que cours de la crise. Le vertige ainsi défini traduit généralement une
le neurologue, l’oto-rhino-laryngologiste (ORL) ou l’urgentiste perturbation fonctionnelle ou lésionnelle du système vestibulaire,
doivent être en mesure de repérer [4] . La conduite diagnostique de la périphérie à ses connexions centrales.

EMC - Neurologie 1
Volume 43 > n◦ 3 > juillet 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(20)41878-0
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Figure 1. Labyrinthe vestibulaire et cochlée. Le labyrinthe


vestibulaire est constitué des trois canaux semi-circulaires
(CSC), de l’utricule, du saccule et du sac endolymphatique.
1
Le CSC horizontal (ou latéral) est placé latéralement dans un
plan réalisant un angle d’environ 30◦ avec le plan horizontal. Le
2 CSC antérieur (ou supérieur) est placé au-dessus de l’utricule,
dans un plan oblique de dedans en dehors et d’arrière en
avant. Le CSC postérieur (ou inférieur) est placé derrière et sous
3 l’utricule, dans un plan oblique de dedans en dehors et d’avant
en arrière. Au niveau des crêtes ampullaires et des macules
otolithiques, l’épithélium neurosensoriel est constitué de cel-
4 lules sensorielles ciliées et de cellules de soutien. Au niveau des
crêtes ampullaires, la cupule, souple et mobile dans le liquide
endolymphatique, enserre les cils des cellules sensorielles. Au
5 niveau des macules, la membrane otolithique alourdie des oto-
11 lithes recouvre l’épithélium. Dans les deux organes, les cellules
ciliées font synapse avec les fibres des neurones vestibulaires. 1.
Otolithes ; 2. cupule ; 3. cellule ciliée ; 4. neurone ; 5. sac endo-
lymphatique ; 6. CSC postérieur ; 7. CSC latéral ; 8. utricule ;
9. saccule ; 10. cochlée ; 11. CSC supérieur ;12. ampoule ; 13.
12 13 ganglion de Scarpa ; 14. nerf vestibulaire supérieur ; 15. nerf
6
vestibulaire inférieur ; 16. nerf cochléaire.
14
15
7

8
9 16

10

Le mot vertige est souvent utilisé par les patients pour dési- les stéréocils [6] (Fig. 2). Cette réponse se manifeste par une
gner d’autres symptômes comme les malaises lipothymiques ou modulation de libération de neurotransmetteurs au niveau de la
les états présyncopaux. Mais par ailleurs, un vrai vertige peut synapse excitatrice avec les neurones vestibulaires. En l’absence
correspondre à un mécanisme non vestibulaire, soit une chute de mouvement de la tête (au repos), la cellule ciliée libère des
du débit sanguin cérébral ou une cause psychogène. En cas de neurotransmetteurs en permanence et il existe une activité spon-
chute du débit cérébral, le vertige, l’impression de flou visuel, tanée des fibres vestibulaires. Cette activité spontanée est modulée
de tête lourde, les acouphènes, les sensations de jambes flageo- par l’inclinaison des cils des cellules ciliées : augmentée lors de
lantes, les paresthésies des quatre extrémités accompagnent la l’inclinaison vers le kinocil (plus grand cil) et diminuée dans la
lipothymie du malaise vagal, de l’hypotension orthostatique ou direction inverse. Dans les crêtes ampullaires, toutes les cellules
de l’hyperventilation dans la crise d’angoisse. Les causes psycho- ciliées sont orientées dans une même direction. Dans les macules,
gènes sont souvent consécutives à des vertiges chroniques ou à la striola sépare les cellules ciliées en deux populations de polarité
un épisode unique de grand vertige, par des mécanismes de ren- opposée.
forcement anxieux, alors que le mécanisme vestibulaire initial a Les crêtes ampullaires sont sensibles aux mouvements de rota-
disparu. tion angulaire de la tête. Lors d’une rotation de la tête dans le
plan d’un canal semi-circulaire, l’inertie des liquides endolym-
phatiques induit un mouvement liquidien relatif qui fléchit la
 Organisation cupule et cisaille les cellules ciliées des crêtes ampullaires. Ce mou-
vement est ainsi transformé en un signal biologique de rotation
anatomofonctionnelle du système angulaire de la tête. Chaque canal semi-circulaire fonctionne en
tandem avec un canal situé de l’autre côté de la tête et dont les
vestibulaire cellules ciliées sont alignées en sens contraire. Ainsi, la fréquence
des potentiels d’action des neurones vestibulaires issus de chaque
Système vestibulaire périphérique tandem augmente du côté de la rotation et diminue du côté
Le vestibule est un organe pair et symétrique, situé dans le laby- opposé.
rinthe membraneux postérieur de l’oreille interne, lui-même logé Les récepteurs maculaires sont stimulés au cours d’accélérations
dans le labyrinthe osseux du rocher de l’os temporal [6] . Ce laby- linéaires de la tête qu’induisent les mouvements d’inclinaison ou
rinthe membraneux postérieur est constitué d’une cavité centrale, de translation de la tête. La macula sacculaire répond aux mou-
le vestibule proprement dit, comprenant deux vésicules, l’utricule vements de la tête dans un plan sagittal (translation de haut en
et le saccule, où aboutissent trois canaux semi-circulaires, et rem- bas et inclinaisons statiques d’avant en arrière) et la macula utricu-
pli de liquide : l’endolymphe (Fig. 1). L’épithélium du labyrinthe laire aux mouvements de la tête dans un plan frontal (translations
membraneux se différencie en certains endroits en épithélium latérales et inclinaison statique sur les oreilles). Comme pour les
neurosensoriel, localisé pour les canaux semi-circulaires au niveau canaux semi-circulaires, une stimulation d’un côté donne une
de l’ampoule et formant la crête ampullaire et au niveau du saccule inhibition de l’autre côté.
et de l’utricule formant les macules. Pour ces deux types d’épithélium sensoriel, les propriétés méca-
Cet épithélium sensoriel est constitué de cellules ciliées fai- niques du système le rendent sensible aux mouvements de haute
sant irruption dans la lumière des canaux semi-circulaires ou fréquence de la tête et moins sensible aux mouvements de basse
des vésicules. D’un point de vue fonctionnel global, comme fréquence.
pour le système auditif, les cellules ciliées des différents types Les fibres vestibulaires primaires se réunissent pour former le
de récepteurs vestibulaires répondent aux forces qui fléchissent nerf vestibulaire, cheminant avec le nerf cochléaire (VIIIe nerf

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K+
K+

Ca2+ Ca2+
K+ K+

K+ K+

D
A B C 3
Figure 2. Cellule ciliée. Les cellules ciliées vestibulaires sont composées de stéréocils dont la taille augmente progressivement jusqu’au kinocil (A). Lors
d’une inclinaison des stéréocils vers le kinocil (B), l’étirement des liens apicaux ou ressorts d’ouverture induisent une ouverture de canaux qui laissent entrer
plus d’ions potassium dans la cellule. Il s’ensuit une dépolarisation de la cellule ciliée (1) déclenchant une libération accrue de neurotransmetteurs (2) sur les
terminaisons des nerfs vestibulaires (3), augmentant leur activité (fréquence de potentiel d’action) (D). Un mouvement des stéréocils en direction opposée
au kinocil entraîne la fermeture des canaux, ce qui hyperpolarise la cellule ciliée et diminue l’activité dans le nerf vestibulaire (C).

crânien). Le système nerveux intègre les réponses des neurones ce dernier, il induit un réflexe de contre-torsion oculaire lors d’une
provenant des crêtes ampullaires et des macules otolithiques et inclinaison statique de la tête dans le plan frontal, qui sera à
peut calculer le mouvement effectif de la tête selon trois axes. l’origine en pathologie de la skew deviation et du syndrome de
réaction d’inclinaison oculaire.
Les voies vestibulospinales sont à l’origine du réflexe vestibulos-
Voies vestibulaires centrales pinal contrôlant de manière statique et dynamique les réactions
posturales induites par les déplacements de la tête. En patholo-
Le nerf vestibulaire emprunte le conduit auditif interne pour gie, une atteinte de cette fonction sera à l’origine de trouble de
rejoindre le ganglion de Scarpa où sont rassemblés les corps cellu- l’équilibre ou ataxie vestibulaire.
laires. À partir du ganglion de Scarpa, le nerf vestibulaire traverse Des voies vestibulo-thalamo-corticales participent à la percep-
la citerne pontocérébelleuse et pénètre dans le tronc cérébral au tion consciente de déplacement de la tête, à la perception de
niveau du sillon bulboprotubérantiel. De là, il réalise une synapse la verticalité et à la construction d’un schéma postural néces-
avec le complexe nucléaire vestibulaire ou noyaux vestibulaires. saire à la planification et à la programmation des actes moteurs.
Les noyaux vestibulaires sont pairs et symétriques, localisés à la Elles se dirigent vers le cortex vestibulaire essentiellement pariéto-
partie dorsolatérale de la jonction bulboprotubérantielle du tronc insulaire, dénommé « cortex vestibulaire » [5] . Ces aires corticales
cérébral (Fig. 3). vestibulaires sont des aires d’intégration multisensorielles répon-
Les noyaux vestibulaires constituent le relais d’autres voies dant également aux stimuli optocinétiques [8] . En pathologie, un
participant au contrôle oculomoteur et de voies ascendantes au défaut d’information de ces voies est à l’origine de l’illusion de
niveau cortical. Le complexe nucléaire vestibulaire reçoit des vertige.
afférences cérébelleuses, médullaires (proprioceptives), visuelles
(originaires du système optique accessoire et du noyau pre-
positus hypoglossi), du complexe vestibulaire controlatéral par  Examen clinique vestibulaire
l’intermédiaire des voies commissurales et corticales.
À partir de ce relais nucléaire, les voies vestibulaires secondaires Entretien
sont constituées essentiellement des voies vestibulo-oculaires,
vestibulospinales, vestibulo-thalamo-corticales et vestibulocéré- En dehors de la définition précise du vertige, l’entretien avec
belleuses (Fig. 3). le patient doit aider à classer les vertiges selon leur décours
Le cervelet vestibulaire (nodulus, uvula, flocculus) est fortement temporel, étape très utile sur le plan du diagnostic étiolo-
impliqué dans le contrôle vestibulaire central. Il reçoit des infor- gique : le vertige durable, les vertiges spontanés récurrents, les
mations vestibulaires, visuelles et motrices émanant notamment vertiges paroxystiques positionnels, les vertiges brefs et très fré-
des noyaux vestibulaires ou directement des nerfs vestibulaires, quents, l’instabilité chronique. Le grand vertige aigu et durable,
des noyaux prepositus hypoglossi, de l’olive inférieure controla- le plus souvent unique, dure au-delà de 12 heures. Les vertiges
térale. Le cervelet vestibulaire projette en retour sur les noyaux récurrents sont habituellement de quelques heures. Le vertige
vestibulaires ipsilatéraux. positionnel paroxystique est un vertige transitoire, très bref,
Les voies vestibulo-oculaires sont à l’origine du réflexe de quelques secondes, qui n’apparaît que dans certaines posi-
vestibulo-oculaire (RVO). Le RVO issu des canaux semi-circulaires tions de la tête. Les vertiges brefs sont de quelques secondes à
induit une rotation oculaire quasi simultanée, de direction iden- quelques minutes et très fréquents. L’instabilité correspond à un
tique mais de sens opposé à la rotation de la tête (Fig. 4) [7] . trouble isolé de l’équilibre sans sensation vertigineuse mais peut
L’organisation du système lui permet d’induire des mouvements être en lien avec un déficit vestibulaire chronique notamment
dans les trois plans de l’espace : horizontal, sagittal et frontal, bilatéral.
qui sont à l’origine en pathologie essentiellement de nystagmus L’entretien doit par ailleurs relever :
vestibulaires périphériques ou centraux. Le RVO issu des macules • caractéristiques : vrai vertige (rotatoire ou linéaire), instabi-
otolithiques répond à deux ordres de stimulation : les mouve- lité ou ébriété. Pour la pratique, il est important de demander
ments de translation et les inclinaisons statiques de la tête. Pour au patient s’il s’agit d’une sensation de rotation comme sur

EMC - Neurologie 3
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Voies vestibulo- Figure 3. Voies vestibulaires centrales. Les affé-


thalamo-corticales rences des noyaux vestibulaires sont issues
majoritairement du système vestibulaire périphé-
rique et du cervelet se distribuant de façon
Cervelet différenciée. Les efférences des noyaux vestibu-
Voies vestibulo-
laires se dirigent vers les noyaux oculomoteurs
oculaires
participant à l’élaboration du réflexe vestibulo-
oculaire. D’autres efférences se dirigent vers
les motoneurones de la moelle et consti-
tuent les voies vestibulospinales, participant à
l’élaboration du réflexe vestibulospinal. Enfin,
Noyaux il existe des efférences vestibulothalamiques se
vestibulaires dirigeant secondairement vers le « cortex vesti-
Labyrinthe bulaire ».

Bulbe

Nerf vestibulaire

Voies vestibulospinales

Moelle épinière
Motoneurones

Figure 4. Réflexe vestibulo-oculaire (RVO). Le RVO produit


un mouvement oculaire compensateur de vitesse proportion-
nelle à la vitesse de la tête, de direction opposée. Le but principal
du RVO est de stabiliser les images du monde environnant sur la
rétine en stabilisant au mieux le regard dans l’espace lors d’un
mouvement de la tête. Il existe en permanence une activité
sur les neurones vestibulaires primaires au repos. Lors d’une
rotation horizontale de la tête, les neurones associés au canal
latéral droit sont activés alors que ceux associés au canal latéral
gauche sont inhibés. C’est la balance d’activité au sein d’une
Fréquence Fréquence paire de canaux qui constitue un signal de déplacement de
Noyaux
des potentiels des potentiels tête.
oculomoteurs
d’action d’action

0
Temps
Noyaux
vestibulaires

un manège, ou de chute prolongée comme le grand huit, les Examen clinique vestibulaire
deux définissant le vertige ; ou une sensation de déséquilibre
postural, de tangage, d’instabilité du sol, définissant plus une L’examen clinique doit aussi comporter un examen neuro-
instabilité ou sensation d’ébriété ; logique, otologique et cardiovasculaire notamment. L’examen
• mode d’installation : brutal (vasculaire), rapidement progressif, clinique vestibulaire est indispensable pour témoigner de l’origine
positionnel. Pour la pratique, il faut demander au patient si vestibulaire du symptôme et pour rechercher les signes évoca-
le vertige ne survient que dans certaines positions de la tête, teurs d’une pathologie centrale. En dehors du vertige, le syndrome
notamment en se retournant dans son lit ; vestibulaire se manifeste par des troubles posturaux, des troubles
• terrain, antécédents : terrain vasculaire, sclérose en plaques, oculomoteurs et des signes végétatifs tels que nausées et vomisse-
migraines, antécédents traumatiques, passé otitique, terrain ments.
psychique, médicaments ototoxiques ;
• symptômes associés vestibulaires (ataxie, ébriété), neuro-
végétatifs, neurologiques (diplopie, céphalées, paresthésies,
Examen postural
dysarthrie, dysphagie, dysphonie, hoquet, maladresse d’un Un syndrome vestibulaire donne généralement des troubles
membre, troubles visuels) ou auditifs (surdité, acouphènes, sen- posturaux latéralisés, dont une caractéristique essentielle est son
sation de plénitude auriculaire, otalgie). aggravation à la fermeture des yeux.

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Tableau 1.
Caractéristiques d’un nystagmus vestibulaire périphérique ou central.
45° Périphérique Central
Atténué par la vision Non atténué par la vision
Ne changeant pas de direction Peut changer de direction, en
fonction de la direction du regard
Souvent observé uniquement dans
la direction de la phase rapide
45° De direction horizontorotatoire Peut être vertical ou rotatoire
ou verticorotatoire
Compensant rapidement Persistant dans le temps

Figure 5. Manœuvre de Dix et Hallpike (A à E). Le patient est assis sur


le lit d’examen, ses membres inférieurs reposant sur le lit, sa tête tournée • excentration du regard : un nystagmus vestibulaire périphé-
◦ rique est souvent retrouvé dans la direction de la phase rapide ;
de 45 d’un côté (ici à gauche). Il est rapidement basculé en décubitus
dorsal, la tête pendant en dehors du lit de 45◦ par rapport à l’horizontale. • suppression de la fixation oculaire (vidéonystagmoscopie par
La manœuvre doit être réalisée bilatéralement. une caméra occlusive à lumière infrarouge ou lunettes de Fren-
zel – lunettes de 20 dioptries, grossissantes, permettant d’abolir
la fixation visuelle) : un nystagmus vestibulaire périphérique est
atténué par la fixation oculaire. Il est donc accentué ou révélé
L’examen clinique recherche des troubles posturaux statiques
par la suppression de la fixation oculaire ;
ou dynamiques :
• Head Shaking Test correspondant à une série de 20 à 30
• au lever d’une chaise : embardées, prise d’appui ;
secousses vigoureuses de la tête pendant 10 à 15 secondes réa-
• épreuve de Romberg : sujet debout, pieds joints, yeux ouverts
lisées par l’examinateur.
puis fermés. Un sujet normal tient plus de six secondes les yeux
La manœuvre doit être réalisée avec précaution chez les per-
fermés. En cas de troubles proprioceptifs, les oscillations du
sonnes âgées et quand il existe un doute sur une dissection
corps se font en tous sens. En cas d’atteinte vestibulaire, on
vertébrale. La tête doit être légèrement penchée en avant pour
observe une déviation lente de l’axe du corps toujours du même
horizontaliser le canal semi-circulaire latéral. L’apparition d’un
côté ;
nystagmus à l’arrêt du Head Shaking Test relève d’un syndrome
• à la marche normale et sur une ligne (funambule) : embardées,
vestibulaire ;
chutes ;
• dans le cadre d’un vertige purement positionnel, l’examen doit
• à la marche aveugle : le patient réalise à plusieurs reprises trois
être complété par la manœuvre de Dix et Hallpike [10] . Ce
pas en avant puis trois pas en arrière. En cas d’atteinte vestibu-
brusque changement de position peut induire un vertige qui
laire, la déviation latérale de l’axe du corps fait que le sujet ne
s’accompagne d’un nystagmus, notamment dans le cadre du
reste pas sur la même ligne mais se déplace en « étoile » ;
VPPB (Fig. 5). La manœuvre doit être réalisée bilatéralement.
• manœuvre de Fukuda : le sujet debout, yeux fermés marche
Les caractéristiques d’un nystagmus vestibulaire périphérique
sur place. En cas d’atteinte vestibulaire, on observe une dévia-
ou central sont spécifiées dans le Tableau 1.
tion latéralisée ou une chute ; elle est plus utile que la marche
Une skew deviation est définie par un strabisme vertical non
aveugle ;
paralytique témoignant d’une atteinte vestibulaire le plus souvent
• en position assise bras tendus (manœuvre des index) : déviation
centrale. Le patient décrit le plus souvent une diplopie verticale,
latéralisée des index.
mais ce symptôme peut manquer quand la skew deviation est asso-
ciée à un grand vertige. Elle se recherche cliniquement par le test
de masquage alternatif (Fig. 6).
Examen oculomoteur Finalement, l’examen clinique doit également rechercher un
L’examen oculomoteur vestibulaire comporte trois étapes : déficit vestibulo-oculaire lors de la manœuvre du Head Impulse
la recherche d’un nystagmus dans différentes conditions, la Test, qui teste la fonction vestibulaire canalaire.
recherche d’une skew deviation, la recherche d’un déficit du RVO Il permet de détecter un déficit vestibulaire périphérique dans
par la manœuvre du « Head Impulse Test ». le plan horizontal. En pratique, des impulsions brèves et rapides
Le nystagmus est un mouvement oculaire régulier de va et vient de la tête sont données au patient, soit vers la gauche, soit
des yeux composé au moins d’une phase lente. Le nystagmus ves- vers la droite, tandis que le sujet a pour consigne de fixer
tibulaire est dit « à ressort » car composé d’une phase lente et une cible (le nez de l’examinateur) située en face de lui. Si
d’une phase de retour rapide. la fonction vestibulaire est normale, le regard reste fixé sur
Il peut être physiologique, induit par la rotation de la tête et la cible. Si la fonction vestibulaire périphérique est anormale,
témoigne du rôle de stabilisation oculaire du RVO. Il est patho- le patient effectue une saccade de refixation oculaire car il a
logique lorsqu’il survient sans mouvement de la tête. Dans le cas perdu la cible. Il s’agit d’une manœuvre clinique essentielle pour
d’un syndrome vestibulaire aigu durable, le nystagmus peut être différencier une origine vestibulaire périphérique ou centrale,
observé en position primaire (droit devant) ou dans différentes notamment dans le cadre d’un syndrome vestibulaire durable aigu
positions du regard. isolé.
L’examen clinique doit préciser :
• son sens de battement : par convention il est donné par celui
de la phase rapide ;  Explorations audiovestibulaires
• sa direction : horizontal, vertical, rotatoire, mixte ;
• l’influence de la direction du regard : il doit notamment être Leurs indications sont du domaine du spécialiste.
recherché dans les regards latéraux à 30◦ maximum.
Un nystagmus n’est pas toujours d’origine vestibulaire, comme
par exemple les nystagmus infantiles, les nystagmus pendulaires Explorations auditives
(composés uniquement de phases lentes) ou les nystagmus du
regard excentré (changeant de direction en fonction de la direc- L’audiométrie tonale différencie une surdité de transmission
tion du regard) [9] . d’une surdité de perception. L’audiométrie vocale peut orienter
Le nystagmus vestibulaire peut être spontané dans la position vers une surdité de perception rétrocochléaire lorsque les résul-
du regard droit devant, ou n’apparaître que dans certaines condi- tats sont moins bons que ce que laisse présager l’audiométrie
tions de recherche : tonale.

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Explorations vestibulaires avec quantification Vidéo Head Impulse Test


du réflexe vestibulo-oculaire Il s’agit d’un enregistrement des mouvements des yeux en
réponse au Head-Impulse-Test. Les canaux peuvent être testés de
Tout comme le système auditif, l’exploration du système manière indépendante à des fréquences proches de celles des mou-
vestibulaire est réalisée sur différentes fréquences. Cependant, vements de la tête réalisés au quotidien (1 à 2 Hz).
l’exploration des cinq épithéliums neurosensoriels nécessite dif-
férents outils (Tableau 2). Potentiels évoqués otolithiques myogéniques
Ces examens permettent d’étudier la réponse du système otoli-
Vidéonystagmographie thique à une stimulation sonore de forte intensité.
• Saccule : évaluation de la voie sacculospinale par enregistre-
Cet examen permet l’analyse vidéo des nystagmus spontanés ment de la contraction du muscle sterno-cléido-mastoïdien en
ou induits par la stimulation vestibulaire. La quantification et la réponse à une stimulation sonore.
comparaison du nystagmus induit par chacune des stimulations • Utricule : évaluation de la voie utriculo-oculaire par enregistre-
permettent d’affirmer un éventuel déficit vestibulaire périphé- ment de la contraction du muscle droit inférieur de l’œil en
rique unilatéral. Ces stimulations peuvent être : réponse à une stimulation sonore.
• rotatoires : rotation horizontale du patient stimulant simul-
tanément les deux canaux semi-circulaires latéraux à des
fréquences basses (0,25 Hz) ; Explorations vestibulaires non quantitatives
• caloriques : mouvement de convection déclenchés au sein du La posturographie permet une exploration statique et dyna-
labyrinthe membraneux en irriguant successivement le conduit mique de l’équilibre.
auditif externe droit puis gauche par de l’eau chaude puis de La mesure de la verticale subjective apporte des arguments en
l’eau froide. Cette stimulation thermique induit un mouve- faveur d’une pathologie des voies issues des macules otolithi-
ment des crêtes ampullaires de très basses fréquences (0,03 Hz). ques.
Elle permet une stimulation purement unilatérale du système La mise en place d’un vibrateur à 100 Hz au niveau du vertex
vestibulaire. permet de stimuler les crêtes ampullaires et macules otolithiques
des deux oreilles simultanément. Un nystagmus en réponse à cette
stimulation indique une asymétrie de fonctionnement des deux
systèmes vestibulaires périphériques.

 Étiologies des vertiges


Les étiologies les plus fréquentes (hors étiologies psychogènes
représentant 15 %) sont le VPPB (16 %), les vertiges centraux
(13 %), la migraine vestibulaire (13 %), la maladie de Ménière
(10 %) et la neuronite vestibulaire (9 %) [5] .
À l’issue de l’examen clinique, si le syndrome vestibulaire est
confirmé, le raisonnement clinique doit déterminer s’il s’agit d’un
syndrome vestibulaire périphérique ou central.
Le mode d’installation, la durée, le caractère inaugural ou répété
des vertiges et les données de l’examen clinique permettent sou-
vent d’en trouver la cause.
Parfois, l’examen clinique ne permet pas de donner un diag-
nostic topographique au syndrome vestibulaire, notamment en
l’absence de signes cochléaires ou neurologiques, ou encore
lorsque l’examen est réalisé en dehors de la crise. Les explorations
audiovestibulaires peuvent être alors nécessaires.
Les pièges diagnostiques principaux urgents sont représentés :
• pour le grand vertige inaugural de plusieurs heures, par
l’infarctus cérébelleux qui peut se présenter sous la forme d’un
syndrome vestibulaire aigu d’allure périphérique isolé ;
• pour le vertige inaugural transitoire, par l’accident ischémique
transitoire ;
• pour les vertiges positionnels, par les tumeurs de la fosse céré-
Figure 6. La skew deviation correspond à un désalignement vertical des brale postérieure.
axes oculaires. Elle se recherche par le test du masquage alternatif (repré-
senté par un cache gris). Si on demande au sujet de fixer une cible (le
nez de l’examinateur par exemple), lors du démasquage d’un œil, une Grand vertige aigu et durable
saccade verticale de refixation (flèche noire) est facilement identifiable Un vertige aigu qui dure plus de 12 heures correspond à un
cliniquement. syndrome vestibulaire destructif : vertiges rotatoires intenses,

Tableau 2.
Outils d’exploration des différentes fréquences de fonctionnement du système vestibulaire.
Épithélium neurosensoriel stimulé
Canal semi-circulaire Macule
Latéral Supérieur Postérieur Saccule Utricule

Fréquence de stimulation Très basse Épreuves caloriques


Basse Épreuves rotatoires
Moyenne vHIT vHIT vHIT
Haute PEOM cervicaux PEOM oculaires

vHIT : vidéo Head Impulse Test (test d’Halmagyi) ; PEOM : potentiels évoqués otolitiques myogéniques.

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Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

Grande crise de vertige aiguë unique Éléments orientant


vers une cause
centrale

Interrogatoire Vertiges
• et céphalées
• et perte de connaissance
• sans signes végétatifs

Examen clinique HINTS


• Absence de saccades au HIT IRM en
• Nystagmus central (cf. urgence
Aucun élément
Tableau 1)
retrouvé à l’examen
• Skew deviation au Covert Test
clinique

Atteinte neurologique évidente


Syndrome • Syndrome cérébelleux
vestibulaire • Déficit sensitif
Prise en charge harmonieux • Signe de Claude Bernard-
symptomatique Horner
• ...

Prise en charge Syndrome vestibulaire


symptomatique disharmonieux
Avis ORL
IRM à distance

Figure 7. Arbre décisionnel. Grande crise de vertige aiguë unique. La présence d’un seul signe évoquant une atteinte centrale (cadre bleu) est suffisante
pour faire évoquer une cause centrale. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) en urgence est nécessaire dans ce cas. En cas de syndrome vestibulaire
harmonieux, la cause la plus probable est la névrite vestibulaire. Dans ce cas, une IRM est demandée à distance pour rechercher un éventuel schwannome
vestibulaire. ORL : oto-rhino-laryngologique ; HIT : Head Impulse Test.

il est isolé, le diagnostic le plus fréquent est la névrite vestibulaire,

“ Point fort et le diagnostic différentiel principal est représenté par l’accident


vasculaire ischémique cérébelleux (Fig. 7).

Syndrome vestibulaire périphérique ou central ? Névrite vestibulaire


• Syndrome vestibulaire périphérique unilatéral : À la phase aiguë, la névrite vestibulaire se présente sous la forme
◦ le vertige est le plus souvent rotatoire, d’un grand vertige durable (24 à 48 h), permanent et accentué par
◦ la déviation posturale axiale est franche, les mouvements de tête. Il n’y a aucun signe neurologique ou
◦ le nystagmus horizontal ou horizontorotatoire unidi- cochléaire. Elle peut faire suite à un épisode viral.
rectionnel bat du côté opposé à la déviation posturale, Le syndrome vestibulaire est harmonieux, par exemple pour
◦ le Head Impulse Test démontre un déficit du côté de une lésion droite :
• nystagmus horizontorotatoire battant à gauche ;
la déviation posturale,
• déficit du RVO au Head Impulse Test du côté droit ;
◦ en présence de signes otologiques, mais ceux-ci • ataxie latéralisée du côté droit et station debout possible ;
peuvent manquer, • signes végétatifs intenses.
◦ en présence de signes végétatifs intenses, Le vertige cède ensuite la place à une grande instabilité jusqu’à
◦ il est latéralisé (phase lente du nystagmus et dévia- compensation du déficit vestibulaire, dans un délai de quelques
tion posturale au test de Fukuda, à la marche aveugle semaines.
ou à la manœuvre des index) du côté atteint dans Sur le plan physiopathologique, il s’agit d’un processus viral,
les lésions déficitaires et du côté sain dans les lésions inflammatoire ou plus rarement vasculaire. C’est l’équivalent ves-
irritatives (maladie de Ménière), tibulaire de la surdité brusque ou de la paralysie faciale « a frigore ».
◦ il est harmonieux ; Une étiologie vasculaire peut être évoquée en fonction de l’âge
• Syndrome vestibulaire central : ou de facteurs de risque cardiovasculaires, mais ne peut pas être
affirmée.
◦ il peut être dysharmonieux, En l’absence de circonstance étiologique spécifique, la neuro-
◦ il peut s’accompagner d’un nystagmus central (des nite vestibulaire est le diagnostic le plus fréquent d’un grand
regards excentrés, vertical ou purement rotatoire), vertige durable.
◦ le Head Impulse Test peut être normal, Le traitement repose :
◦ il peut s’accompagner d’une skew deviation, • à la phase aiguë, sur des médicaments dépresseurs vestibulaires :
◦ en présence de signes neurologiques, mais ceux-ci antihistaminiques (méclozine ; prométhazine), acétyl-leucine,
peuvent manquer. anti-émétiques (métopimazine ; dompéridone), souvent asso-
ciés à des médicaments sédatifs nécessaires en raison de
l’anxiété (diazépam ; clorazépate) ;
• au-delà de 48 heures, les dépresseurs vestibulaires doivent être
arrêtés et il faut faire lever le patient, le sortir de son lit,
difficulté de maintenir la station debout, nystagmus, recrudes- encourager les positions qui déclenchent le vertige, avec pour
cence des vertiges aux mouvements de la tête, intense réaction seule prescription médicamenteuse un anti-émétique (dompé-
végétative avec vomissements, intense réaction anxieuse. Quand ridone). La rééducation vestibulaire, aidant à la compensation

EMC - Neurologie 7
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17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

vestibulaire, doit être prescrite d’emblée, à raison d’une séance Vertige positionnel paroxystique
tous les jours la première semaine à réévaluer ensuite en fonc-
tion de l’évolution. Une exploration de la fonction vestibulaire Le tableau clinique est celui d’un vertige de quelques secondes,
peut être programmée. déclenché par une prise de position, survenant à la fin du
mouvement. L’interrogatoire recherche notamment un vertige
déclenché par le retournement dans son lit, le coucher, le lever ou
Accident vasculaire ischémique dans le territoire l’hyperextention de la tête. Le patient doit être asymptomatique
vertébrobasilaire en dehors de ces positions. L’étiologie principale est représentée
par le VPPB du canal postérieur. Le diagnostic est relativement aisé
Le principal diagnostic différentiel de la neuronite vestibulaire
grâce à la manœuvre de Dix et Hallpike et le traitement peut être
est l’infarctus cérébelleux dans le territoire de l’artère cérébelleuse
réalisé immédiatement. Le challenge diagnostique est représenté
postéro-inférieure (ACPI), vascularisant le cervelet vestibulaire. Le
par les lésions cérébelleuses ou du tronc cérébral.
tableau clinique est dominé par un grand vertige, des nausées et
des vomissements. L’examen clinique peut mettre en évidence un
syndrome cérébelleux cinétique homolatéral ou une dysarthrie. Vertiges positionnels paroxystiques bénins
Ceux-ci peuvent cependant manquer et le tableau n’être constitué
que d’un syndrome vestibulaire aigu isolé. Ils représentent le tiers des causes de consultation pour vertiges.
En dehors de la présence de signes neurologiques et de facteurs Il s’agit d’un vertige bref de moins de 30 secondes, le plus souvent
de risque vasculaires, un accident vasculaire cérébelleux doit être intense, rotatoire ou linéaire (chute dans un trou) avec ou sans
évoqué devant la présence d’atypies de l’examen clinique. Depuis nausées. Il est récurrent et déclenché exclusivement par des mou-
une dizaine d’années, l’algoritme Head Impulse Nystagmus Test of vements spécifiques : se retourner dans son lit, se lever, se coucher,
Skew (HINTS) a démontré son intérêt dans le diagnostic des syn- regarder en l’air. La crise de VPPB se répète durant une période de
dromes vestibulaires aigus durables et isolés pour dissocier une 3 semaines à 1 mois le plus souvent. Il n’y a aucun symptôme
neuronite vestibulaire d’un accident vasculaire cérébelleux [11] . associé et le patient est asymptomatique entre deux vertiges. Il
La normalité du Head Impulse Test représente le premier dra- peut survenir dans les suites immédiates d’un traumatisme crâ-
peau rouge qui doit évoquer la possibilité d’une affection centrale, nien ou à distance d’une névrite vestibulaire, mais le plus souvent,
et dans le contexte un accident vasculaire cérébelleux [12–14] . Un aucune cause n’est retrouvée. Ces VPPB, pour des raisons anato-
nystagmus vertical ou purement rotatoire est typiquement ren- miques, touchent dans 90 % des cas les canaux semi-circulaires
contré en pathologie centrale mais il est peu fréquemment associé postérieurs.
à un syndrome vestibulaire isolé. L’un des drapeaux rouges qui Le mécanisme est expliqué dans la Figure 8.
évoquent une étiologie centrale dans le cadre d’un syndrome ves- Le diagnostic repose sur la provocation du vertige et la mise
tibulaire isolé est la présence d’un nystagmus s’inversant dans en évidence du nystagmus positionnel qui lui est associé par la
les regards latéraux : battant à droite dans le regard latéral droit manœuvre de Dix et Hallpike (Fig. 5). Le nystagmus apparaît avec
et à gauche dans le regard latéral gauche [11, 12] . Même si une un temps de latence, de direction verticorotatoire battant vers le
skew deviation peut être en lien avec une neuronite, sa présence sol, épuisable en moins de 30 secondes.
constitue également le troisième drapeau rouge évoquant avec Cette manœuvre permet de tester un canal semi-circulaire pos-
une grande spécificité (mais une faible sensibilité) une atteinte térieur sans mobiliser une éventuelle lithiase du canal postérieur
centrale. Ces trois atypies de l’examen oculomoteur sont de bon controlatéral (les deux canaux postérieurs sont perpendiculaires
prédicteurs d’une étiologie vasculaire centrale sous-jacente [14] . l’un par rapport à l’autre). En dehors de cette manœuvre, le reste
L’impossibilité de tenir debout lors d’un syndrome vestibulaire de l’examen clinique vestibulaire neurologique et otologique est
aigu est classiquement un des drapeaux rouges en faveur d’un normal. Aucun examen complémentaire (explorations vestibu-
syndrome vestibulaire central [13] , et l’importance de ce signe a laires ou imagerie) n’est nécessaire si tous les éléments cliniques
été remise au goût du jour par un algorithme récent [15] . Le terri- sont réunis.
toire le plus souvent atteint est l’ACPI, mais un vertige inaugural Il s’agit parfois d’un VPPB du canal latéral, dont le diagnostic
peut être en lien avec un accident vasculaire cérébelleux dans le est moins facile et qui justifie un avis spécialisé en neuro-otologie.
territoire de l’artère cérébelleuse moyenne. Cependant, le tableau Afin de mettre en évidence un VPPB du canal latéral, le patient
se complète le plus souvent rapidement d’une surdité, et de signes est installé en décubitus dorsal avec la tête inclinée à 30◦ vers
d’atteinte du tronc cérébral. De même, le syndrome vestibulaire l’avant afin que le plan du canal latéral soit vertical. Il existe
accompagnant le syndrome de Wallenberg peut être isolé au début deux formes de VPPB du canal latéral. La première correspond
mais se complète rapidement par des signes neurologiques. Un à une accumulation d’otolithe au niveau de la partie canalaire du
vertige peut accompagner un accident vasculaire cérébelleux dans canal semi-circulaire (Fig. 9A). Cette forme entraîne un nystagmus
le territoire de perforantes du tronc cérébral, mail il est rarement horizontal pure dit « géotropique » car il bat vers le sol quand le
isolé. patient est sur le côté. L’autre forme, plus rare, correspond à des
otolithes fixés sur la crête ampullaire du canal semi-circulaire laté-
ral (Fig. 9B). Cette forme entraîne un nystagmus horizontal pur
Autres vertiges aigus durables, associés dit « agéotropique » car il bat vers le ciel/plafond quand le patient
à des signes otologiques est sur le côté.
Le canal atteint en cas de VPPB du canal latéral est plus difficile
Ils s’intègrent dans un contexte étiologique précis, évocateur du à déterminer que pour le canal postérieur car les deux canaux
mécanisme, qui conditionne la conduite thérapeutique : sont dans le même plan. En règle générale le nystagmus et le
• le vertige aigu au décours d’un traumatisme crânien avec signes vertige sont plus importants quand la tête du patient est tour-
otologiques évoque une fracture du rocher translabyrinthique. née du côté atteint pour une canalolithiase et du côté sain pour
En l’absence de fracture objectivable, il évoque une commotion une cupulolithiase. Aucun examen complémentaire (explorations
labyrinthique. Il justifie dans tous les cas un recours spécialisé. vestibulaires ou imagerie) n’est nécessaire si tous les éléments cli-
Au décours d’un traumatisme faisant suite à une commotion niques sont réunis en cas de forme géotropique ; une imagerie
labyrinthique peut se développer un syndrome postcommo- par résonance magnétique (IRM) doit être demandée devant une
tionnel, durable, invalidant, auquel participent des facteurs forme agéotropique.
psychosomatiques et anxieux ; Le traitement consiste en une manœuvre thérapeutique qui
• la labyrinthite infectieuse est une complication rare et grave mobilise les débris otolithiques et les disperse. Deux manœuvres
des otites chroniques : la survenue d’un vertige destructif chez thérapeutiques ont fait la preuve de leur efficacité : la manœuvre
un sujet atteint d’une otorrhée avec otalgie doit conduire au libératoire décrite par Semont (Fig. 10) et la manœuvre de reposi-
recours au spécialiste en urgence. Elle peut survenir dans le tionnement des particules décrite par Epley (Fig. 11). Elles visent
cadre d’un cholestéatome. toutes deux à libérer le canal semi-circulaire postérieur des débris
• la thrombose de l’artère auditive interne est rare, et conduit à d’otoconies, en réalisant une rotation de 180◦ dans le plan du
un déficit vestibulaire et cochléaire unilatéral profond aigu. canal vers l’avant. Ces différentes méthodes thérapeutiques ont

8 EMC - Neurologie
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Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

A B
Figure 8. Exemple d’un vertige paroxystique positionnel bénin (VPPB) du canal semi-circulaire postérieur droit.
A. Des otolithes de l’utricule se détachent et migrent vers le canal semi-circulaire postérieur où ils restent bloqués et s’agglutinent.
B. En cas de mouvement dans le plan du canal semi-circulaire postérieur droit, cet agglutinat d’otoconies s’éloigne de la crète ampullaire du canal semi-circulaire
postérieur entraînant un courant ampullifuge. Ce courant déclenche un nystagmus supérieur et anti-horaire.

B
Figure 9. Exemple d’un vertige paroxystique positionnel bénin du canal semi-circulaire latéral gauche.
A. Canalolithiase entraînant un nystagmus géotropique en cas de rotation de la tête vers la gauche ou vers la droite.
B. Cupulolithiase entraînant un nystagmus agéotropique en cas de rotation de la tête vers la gauche ou vers la droite. Les flèches vertes indiquent le sens du
nystagmus. Les otolithes sont représentés en rouge. Les flèches noires indiquent le sens du déplacement des otolithes. La déformation de la crête ampullaire
vers le canal ou vers le vestibule est indiquée en vert.

EMC - Neurologie 9
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17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

1 5
Pause

180°
2 6

90° 90°
3 7

4 8

Pause
Figure 10. Manœuvre thérapeutique de Semont. Le patient est lente-
ment allongé latéralement sur le côté déclenchant le vertige (ici à gauche), Figure 11. Manœuvre thérapeutique d’Epley. Le patient est couché

la tête tournée de 45 du côté opposé (ici à droite). Le patient est ensuite dans la position de la manœuvre de Hallpike (ici à gauche). La tête est

basculé rapidement dans le plan frontal de 180 sur son côté opposé (ici à maintenue dans cette position pendant 1 minute et demie. Ensuite, la

droite), la tête maintenue en rotation (ici droite). L’apparition d’un vertige tête toujours en hyperextension, deux rotations successives de 90 (1 à 4
et d’un nystagmus rotatoire signe la guérison. et 5 à 8) sont effectuées lentement, avec une pause de 1 minute et demie
entre chaque rotation. Cette manœuvre est plus longue mais plus simple
à mettre en œuvre chez des patients âgés ou difficilement mobilisables.
une efficacité équivalente, estimée à une guérison dans 80 à 90 %
des cas (en une ou deux manœuvres).
vestibulaire est harmonieux et le plus souvent controlatéral au
Autres vertiges positionnels côté atteint, car le mécanisme est de type irritatif. La fréquence
Les lésions cérébelleuses ou bulbopontiques, proches du IVe des crises est variable, d’une par an à plusieurs par semaine. Au
ventricule, peuvent induire une sémiologie vestibulaire centrale cours de l’évolution, l’audition s’altère et il s’installe une hypo-
positionnelle. Il s’agit soit de nystagmus de position, induit par acousie permanente progressive sur les fréquences moyennes ou
une position particulière de la tête, ne s’épuisant pas dans le graves, alors que les vertiges sont moins fréquents et remplacés
temps et ne s’accompagnant habituellement pas de vertiges [16] . par une instabilité permanente. Une exploration de la fonction
Il peut également s’agir de vertiges avec nystagmus positionnels auditive est nécessaire au diagnostic. L’évolution est variable selon
et durant quelques secondes. Le diagnostic n’est pas toujours aisé les patients, mais certaines formes conduisent à une cophose et
avec un VPPB. Les drapeaux rouges sont l’observation d’un nys- peuvent se bilatéraliser.
tagmus vertical battant vers le bas ou purement rotatoire, la durée Le diagnostic est généralement aisé, sauf au stade initial de
plus longue du nystagmus, la résistance du tableau clinique aux la maladie, lorsque l’affection est purement vestibulaire. Parfois,
manœuvres positionnelles. Généralement, il existe des signes neu- l’expression de la maladie peut se limiter aux vertiges. On parle
rologiques d’accompagnement comme une ataxie cérébelleuse et alors de vestibulopathie récurrente, dont la physiopathologie est
une dysarthrie. Ces vertiges de position centraux sont révélateurs plus incertaine. La surdité de perception fluctuante et prédomi-
de différents types de lésions (Fig. 12). Une IRM encéphalique est nante sur les fréquences graves est le signe caractéristique de
indiquée dans ce cadre, dans un délai de semi-urgence, compor- l’affection.
tant des clichés T1 sagittaux pour rechercher une malformation Les symptômes de la maladie de Ménière sont liés à un
de Chiari ou une atrophie cérébelleuse, des clichés axiaux T1 avec hydrops labyrinthique, c’est-à-dire une hyperpression des liquides
injection de Gadolinium pour rechercher une tumeur de la fosse de l’oreille interne, probablement consécutive à un défaut de
cérébrale postérieure, des clichés T2 et fluid attenuated inversion résorption du liquide endolymphatique.
recovery (FLAIR) pour les étiologies vasculaires et inflammatoires. Le traitement est d’abord médical, reposant sur des antiverti-
Un intoxication alcoolique aiguë est une cause fréquente de gineux (bétahistine) et/ou diurétique (acétazolamide). Il est du
vertige positionnel. ressort du spécialiste. L’insuffisance de réponse à un traitement
L’association à des signes otologiques conduit à une exploration médicamenteux peut conduire à un geste thérapeutique local
ORL à la recherche d’une pathologie spécifique : fistule périlym- (injection transtympanique de gentamicine) ou à un geste chi-
phatique, schwannome vestibulaire. rurgical (neurectomie, labyrinthectomie, décompression du sac
D’autres vertiges positionnels peuvent être expliqués par des endolymphatique) chez des patients dont la fonction auditive est
phénomènes hémodynamiques de baisse de débit sanguin céré- très dégradée.
bral lors des mouvements de la tête : ils sont exceptionnels et alors
associés à d’autres signes neurologiques. Migraine
La migraine vestibulaire est une entité fréquente maintenant
Vertiges récurrents reconnue dans les critères diagnostiques de l’International of Hea-
dache Disorders, de même que les crises de vertige paroxystique
Le tableau clinique est représenté par des attaques de vertiges
bénin de l’enfant [17] . Concernant la migraine vestibulaire, la
soudaines et temporaires durant quelques minutes à quelques
durée des vertiges est très variable, de quelques minutes à plu-
heures. Le patient retrouve son état antérieur entre les épisodes
sieurs jours (Tableau 3). Le tableau vestibulaire est le plus souvent
de vertige. De manière schématique, il s’agit soit d’une maladie
central, notamment en termes de nystagmus associé au vertige.
de Ménière ou d’une migraine vestibulaire. Il peut également plus
Si l’histoire clinique est ancienne, le diagnostic est relativement
rarement s’agir d’un schwannome vestibulaire.
aisé. En revanche, une première crise de migraine vestibulaire peut
représenter un piège diagnostique et compte tenu des symptômes
Maladie de Ménière centraux (céphalée, nystagmus central) associés au vertige, peut
La maladie de Ménière est une maladie qui affecte les adultes et conduire à des investigations recherchant d’autres étiologies cen-
se manifeste par l’association de crises de vertiges rotatoires durant trales, notamment ischémiques [18] . Chez l’enfant, les crises de
quelques heures, au maximum 24 heures, et de signes cochléaires vertige paroxystique bénin correspondent à de brusques accès de
unilatéraux (surdité fluctuante, acouphènes et sensation de pléni- vertige sévère durant de quelques minutes à quelques heures avec
tude de l’oreille). Typiquement, une crise de vertige débute par des résolution spontanée chez un enfant en bonne santé par ailleurs.
acouphènes unilatéraux, une sensation de plénitude de l’oreille, Il doit être associé à au moins l’un des symptômes suivants : nys-
une majoration de l’hypoacousie. Pendant la crise, le syndrome tagmus, ataxie, vomissement, pâleur ou plénitude de l’oreille. Des

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Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

Figure 12. Différentes étiologies pou-


vant donner un vertige ou un nystagmus
positionnel central.
A. Malformation d’Arnold-Chiari (flèche)
(imagerie par résonance magnétique
[IRM] T1 en coupe sagittale).
B. Lésion tumorale bulbaire postérieure
(flèche) (IRM T2 en coupe axiale).
C. Lésion dégénérative du cervelet
(flèche) (IRM T1 en coupe sagittale).

A B C

Tableau 3. caractère positionnel dans la paroxysmie vestibulaire, la symp-


Critères diagnostiques de la migraine vestibulaire [17] . tomatologie est beaucoup plus invalidante qu’en cas de VPPB et
Au moins cinq épisodes de symptômes vestibulaires d’intensité modérée les crises peuvent survenir jusqu’à 30 fois par jour. L’IRM avec
à sévère, durant 5 min à 72 h injection de produit de contraste permet d’étayer le diagnostic
en visualisant le conflit vasculonerveux. Cependant ce conflit ne
A. Histoire actuelle ou passée de migraine sans ou avec aura, selon les
doit être pris en compte qu’en cas de symptômes concomitants.
critères de l’International Classification of Headache Disorders (IHCD)
Un traitement d’épreuve par carbamazépine, même à faible dose,
B. Un ou plusieurs symptômes migraineux pendant au moins 50 % des permettrait de réduire l’intensité et/ou la fréquence des crises [20] .
épisodes vestibulaires
a. Céphalées ayant au moins deux des caractéristiques suivantes :
latéralisée, pulsatile, douleur modérée ou sévère, aggravation par
Déhiscence d’un canal semi-circulaire
l’activité physique La déhiscence du canal semi-circulaire supérieur [21] correspond
b. Photophobie et phonophobie à un defect osseux du canal semi-circulaire supérieur en regard
c. Aura visuel
de la méninge de la fosse cérébrale moyenne, le plus souvent
au niveau de sa partie supérieure. Cette déhiscence déclenche un
C. Pas mieux expliqué par un autre diagnostic vestibulaire ou IHCD
phénomène de troisième fenêtre qui entraîne une propagation de
l’onde sonore en dehors du système auditif. Les symptômes les
plus fréquents sont une hypoacousie, une autophonie et des ver-
pathologies comme une tumeur de la fosse postérieure, une épi- tiges qui peuvent être spontanés ou déclenchés, soit par des bruits
lepsie ou une pathologie vestibulaire autre doivent être éliminées. de forte intensité (phénomène de Tullio) soit par une manœuvre
de Valsalva [22] . Un scanner des rochers avec des coupes spécifiques
Schwannome vestibulaire dans l’axe du canal semi-circulaire supérieur permet de visualiser
la déhiscence (Fig. 14). Par ailleurs, un abaissement du seuil des
Le diagnostic différentiel principal de la maladie de Ménière est potentiels évoqués otolithiques myogéniques est typique en cas de
représenté par le schwannome vestibulaire ou les autres processus déhiscence du canal semi-circulaire supérieur. La prise en charge
expansifs de la fosse cérébrale postérieure pouvant potentielle- curative est chirurgicale, par occlusion du canal semi-circulaire
ment comprimer le nerf cochléovestibulaire. Le schwannome supérieur ou recouvrement de la déhiscence. Cependant, ce geste
vestibulaire (le terme de neurinome de l’acoustique est incor- expose à un risque important de perte auditive. La déhiscence
rect) est une tumeur bénigne développée aux dépens des cellules peut également être située au niveau des canaux semi-circulaires
de Schwann du nerf vestibulaire. Il est généralement révélé par postérieurs et latéraux mais ces atteintes sont beaucoup moins
une surdité de perception, et parfois par des vertiges. Toute sur- fréquentes.
dité de perception accompagnant des vertiges récurrents doit faire
l’objet d’une étude par potentiels évoqués auditifs (PEA). Toute
atteinte rétrocochléaire sur les PEA doit faire réaliser une IRM avec Causes centrales de vertiges brefs et très
injection de gadolinium centrée sur les conduits auditifs internes, fréquents
recherchant le schwannome (Fig. 13). Les vrais vertiges dans le cadre d’un accident ischémique tran-
sitoire sont brusques, durant quelques minutes et généralement
associés à d’autres symptômes neurologiques. Dans de rares cas, le
Vertiges brefs et très fréquents vertige peut être le seul symptôme. Les drapeaux rouges sont une
Les vertiges brefs et très fréquents sont l’apanage de la paroxys- survenue récente des vertiges et une augmentation crescendo de la
mie vestibulaire décrite par Brandt et al. [19] , de la déhiscence du fréquence des vertiges, chez des patients présentant des facteurs de
canal semi-circulaire supérieur, mais le challenge diagnostique risque vasculaires ou une maladie vasculaire athéromateuse déjà
peut être représenté par les accidents ischémiques transitoires. connue [23] .
Ce dernier diagnostic est d’autant plus important à réaliser en
urgence que la survenue répétée de vertiges isolés peut précéder
un accident vasculaire cérébelleux constitué, voire correspondre Instabilité chronique sans autre atteinte
aux premiers symptômes d’une occlusion du tronc basilaire. neurologique
L’aréflexie vestibulaire bilatérale correspond à une perte de
Paroxysmie vestibulaire fonction bilatérale de la totalité ou quasi-totalité du système
La paroxysmie vestibulaire correspond à des crises de vertige vestibulaire périphérique. Les patients présentent une atteinte
avec ou sans sensation de rotation, pouvant durer une fraction de posturale (ataxie vestibulaire) et visuelle (oscillopsie et diminu-
seconde à quelques minutes, accompagnées ou non de troubles tion de l’acuité visuelle pendant le mouvement). L’oscillopsie aux
auditifs [19] . La physiopathologie serait comparable à celle des mouvements de la tête est quasi pathognomonique de l’origine
névralgies trigéminales et les symptômes seraient déclenchés par vestibulaire du trouble postural. L’instabilité est majorée en cas
une compression vasculaire du nerf vestibulaire au niveau de de sol irrégulier ou dans l’obscurité. Dans la majorité des cas,
l’angle pontocérébelleux. Bien qu’il semble également exister un les patients ne se plaignent pas de vertiges du fait du caractère

EMC - Neurologie 11
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17-018-A-20  Diagnostic d’un vertige en pratique

Figure 13. Schwannome vestibulaire gauche


stade III de la classification de Koos.
A. T1 avec injection de gadolinium retrouvant
un rehaussement homogène*.
B. T2 haute résolution mettant en évidence un
hyposignal au sein du liquide cérébrospinal avec
des angles de raccordement aigus* à la face pos-
térieure du rocher. * : ces signes permettent de
faire la différence avec un méningiome de l’angle
pontocérébelleux.

A B

ou d’une skew deviation ou l’absence d’hyporéflexie vestibulaire au


Head Impulse Test doivent évoquer, dans le cas d’un grand vertige
durable, une étiologie vasculaire justifiant d’une imagerie et d’une
prise en charge neurologique. Le scanner cérébral et le Doppler
des troncs supra-aortiques ne sont d’aucune aide et seule l’IRM
encéphalique et l’angio-MR – ou angioscanner – ont une utilité
dans ce contexte. Dans les vertiges récurrents, la migraine vestibu-
laire doit être reconnue cliniquement. Enfin, les deux manœuvres
thérapeutiques du VPPB méritent d’être connues.

“ Points essentiels
• La présence d’un nystagmus changeant de direction ou
d’une skew deviation ou l’absence d’hyporéflexie vestibu-
Figure 14. Scanner des rochers avec coupe dans le plan du canal semi-
laire au Head Impulse Test doivent évoquer, dans le cas
circulaire supérieur gauche (plan de Pölsch) permettant de visualiser la
d’un grand vertige durable, une étiologie vasculaire justi-
déhiscence du canal semi-circulaire supérieur (flèche).
fiant d’une imagerie en urgence et d’une prise en charge
neurologique.
progressif de la perte de fonction. L’examen clinique retrouve • Dans les vertiges récurrents, la migraine vestibulaire est
une ataxie sensorielle, majorée dans l’obscurité avec un signe de une étiologie fréquente.
Romberg positif, et de manière moins spécifique une difficulté • Certaines atypies de l’examen clinique dans le cas de
à maintenir un appui monopodal ou à effectuer l’épreuve du vertiges paroxystiques positionnels doivent conduire à
funambule. Le diagnostic clinique repose essentiellement sur le évoquer un processus central.
Head Impulse Test qui montre des saccades de refixation dans • La paroxysmie vestibulaire doit être évoquée devant des
les deux directions de rotation horizontales. Le caractère isolé de
ces éléments en dehors de toute autre atteinte neurologique doit vertiges brefs et très fréquents.
faire évoquer ce diagnostic qui peut être confirmé par l’absence • L’aréflexie vestibulaire bilatérale est de reconnaissance
de réponse aux différents examens d’explorations vestibulaires. clinique. Elle peut être isolée ou s’intégrer dans un tableau
L’aréflexie vestibulaire bilatérale peut également s’intégrer dans d’ataxie cérébelleuse et de neuronopathie, réalisant le syn-
certaines affections neurodégénératives comme dans le cerebellar drome CANVAS.
ataxia neuronopathy vestibular areflexia syndrome (CANVAS) [24] . Il
s’agit d’un syndrome associant ataxie cérébelleuse, neuropathie
périphérique et aréflexie vestibulaire. Un des signes caractéris-
tiques de ce syndrome est l’atteinte du réflexe oculocéphalique
(ROC) qui est intact en cas d’aréflexie vestibulaire bilatérale
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
isolée [25] . L’atteinte du ROC est expliquée par le déficit de sta-
d’intérêts en relation avec cet article.
bilisation oculaire d’origine vestibulaire et visuelle (poursuite
et optocinétique). Bien que la cause du syndrome CANVAS ne
soit pas encore connue, certaines formes sont de transmission
génétique autosomique récessive, en lien avec une expansion bial-  Références
lélique du gène RCF1 [26, 27] . On retrouve également une aréflexie
vestibulaire associée à une atteinte cérébelleuse sans neuropa- [1] Moulin T, Sablot D, Vidry E. Impact of emergency room neurologists
thie périphérique dans certaines ataxies spinocérébelleuses (SCA) on patient management and outcome. EurNeurol 2003;50:207–14.
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12 EMC - Neurologie
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Diagnostic d’un vertige en pratique  17-018-A-20

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C. Tilikete (caroline.tilikete@chu-lyon.fr).
Service de neuro-ophtalmologie, Hôpital neurologique, Hospices civils de Lyon, Groupe hospitalier Est, 59, boulevard Pinel, 69377 Bron cedex, France.
Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) U1028, Unité mixte de recherche (UMR)5292, Centre national de la recherche scientifique
(CNRS), équipe IMPACT (Integrative, Multisensory, Perception and Cognition Team), Centre de recherche en neurosciences de Lyon, Université Claude-Bernard
Lyon I, 43, boulevard du 11-Novembre-1918, 69622 Villeurbanne cedex, France.
R. Hermann.
Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) U1028, Unité mixte de recherche (UMR)5292, Centre national de la recherche scientifique
(CNRS), équipe IMPACT (Integrative, Multisensory, Perception and Cognition Team), Centre de recherche en neurosciences de Lyon, Université Claude-Bernard
Lyon I, 43, boulevard du 11-Novembre-1918, 69622 Villeurbanne cedex, France.
Service d’oto-rhino-laryngologie, chirurgie cervicofaciale et audiophonologie, Hôpital Édouard-Herriot, Hospices civils de Lyon, Groupe hospitalier central, 5,
place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 3, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Tilikete C, Hermann R. Diagnostic d’un vertige en pratique. EMC - Neurologie 2020;43(3):1-13 [Article
17-018-A-20].

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EMC - Neurologie 13
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 17-023-A-91

Ponction lombaire
P.J. Zetlaoui

Résumé : La ponction lombaire est un acte médical invasif, parfois indispensable, qui participe au
diagnostic de nombreuses pathologies, particulièrement en neurologie. La réalisation d’une ponction
lombaire nécessite le consentement du patient. Le respect des règles d’asepsie et de réalisation de la
ponction lombaire permet de minorer les risques de complications iatrogènes. L’utilisation d’aiguilles
adaptées, atraumatiques à extrémité non tranchante, réduit l’incidence du syndrome postponction lom-
baire, complication iatrogène qui se caractérise par une céphalée posturale. Les traitements inefficaces
du syndrome postponction lombaire (repos au lit strict, hyperhydratation, caféine) ne doivent plus être
prescrits. Si le blood patch reste le traitement le plus efficace, même à distance, du syndrome postponction
lombaire, de nouveaux traitements moins invasifs (bloc topique du ganglion sphénopalatin, perfusion
intraveineuse d’atropine et de prostigmine ou d’aminophylline) sont en cours d’évaluation. Le respect
des recommandations de la Haute Autorité de santé devrait réduire l’incidence des complications et en
harmoniser la prise en charge.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Ponction lombaire ; Aiguilles atraumatiques ; Syndrome postponction lombaire ; Céphalée ;


Hypotension du LCS ; Blood patch

Plan ■ Conclusion 11

■ Introduction 11

 Introduction
■ Historique 1
■ Liquide cérébrospinal 2
■ Anatomie 2 La ponction lombaire est un acte médical fréquent. En 2014
Dure-mère 2 en France, le nombre de ponctions lombaires était estimé à
Moelle spinale 2 280 000 [1] . Le but est l’abord du liquide cérébrospinal (LCS) pour
Ponction 2 analyse, mesure des pressions (parfois soustraction de volume)
■ Indications 2 ou injection de médicaments. Les principales indications sont
Prélèvements de liquide cérébrospinal pour analyse diagnostique 3 la suspicion d’infection du système nerveux central, la cépha-
Mesure des pressions du liquide cérébrospinal 4 lée brutale et le diagnostic des pathologies neurodégénératives.
Injection d’agents pharmacologiques 4 Elle est réalisable par tous médecins et étudiants en médecine.
■ Contre-indications à la ponction lombaire 4
Le caractère nécessaire ou indispensable de la ponction lombaire
Pathologies neurologiques 4
ne doit pas faire oublier qu’il s’agit d’un acte invasif nécessitant
Altération de l’hémostase ou de la coagulation 4
une connaissance de l’anatomie, des règles d’asepsie, du matériel
à utiliser et des complications intrinsèques dont l’incidence et la
■ Réalisation de la ponction lombaire 5 sévérité peuvent être réduites par une technique et une aiguille
Enseignement 5 adaptées. Les recommandations publiées par la Haute Autorités de
Préparation et vérification du matériel 5 santé (HAS) doivent servir de guide, permettant à chaque équipe
Position du patient 5 d’optimiser les conditions de réalisation de la ponction lombaire
Repérage du niveau de ponction 5 et d’en améliorer la prévention et la gestion des complications
Asepsie 6 iatrogènes [2] .
Choix de l’aiguille 6
Ponction 7
Mesure de la pression du liquide cérébrospinal 7
Prélèvements 7  Historique
■ Particularités pédiatriques 8
Un long débat au XXe siècle avait agité la communauté médicale
■ Complications de la ponction lombaire 8 sur la paternité de la ponction lombaire. Les Américains défen-
Syndrome postponction lombaire 8 daient la candidature de James L. Corning, les Anglais celle de
Complications indépendantes du syndrome postponction Walter E. Wynter, alors que les Allemands clamaient l’antériorité
lombaire 9 de Heinrich I. Quincke. Finalement, les tensions belliqueuses
■ Prise en charge du syndrome postponction lombaire 9 apaisées, la communauté scientifique reconnut la paternité de
Prévention des complications 9 H.I. Quincke sur la base de sa communication au Xe Kongress der
Traitement dit « conservateur » 9 Gesellschaft für inneren Medizin le 8 avril 1891, dans laquelle il
Traitements médicamenteux 10 décrivait la réalisation d’une ponction lombaire avec une aiguille,
Traitements semi-invasifs 10 pour traiter l’hypertension intracrânienne d’un enfant atteint de
« Blood patch » 10 méningite [3] .

EMC - Neurologie 1
Volume 43 > n◦ 3 > juillet 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(20)42804-0
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17-023-A-91  Ponction lombaire

Quelques années plus tard en 1898, Auguste Bier réalisa la breuses, organisées selon un axe plutôt longitudinal. Il n’existe pas
première rachianesthésie et décrivit le premier cas de syndrome d’organisation longitudinale globale de la dure-mère (Fig. 1) [9] .
postponction lombaire (SPPL). En 1960, James Gormley décrivit
le premier blood patch pour le traitement des SPPL.
Moelle spinale

 Liquide cérébrospinal La moelle spinale se termine par le cône médullaire. À la nais-


sance il se projette au niveau de L2-L3. À l’âge de 2 à 3 ans, il
Le LCS est un liquide incolore (eau de roche), quasiment acel- atteint sa position définitive, en L1-L2, que l’on retrouve chez
lulaire (3 à 5 lymphocytes/ml) qui circule librement dans l’espace l’adulte [10, 11] . Il est un peu plus caudal chez la femme. Il se
sous-arachnoïdien compris entre la pie-mère et l’arachnoïde, et continue par les racines de la queue-de-cheval qui flottent dans
dans le système ventriculaire. Le LCS est activement sécrété par le LCS. Exceptionnellement, le cône médullaire peut descendre
les plexus choroïdes au niveau des IIIe et IVe ventricules et des en L3. Chez les personnes âgées, les tassements vertébraux et
ventricules latéraux ; 10 % du volume total sont sécrétés par le l’affaissement des disques intervertébraux font « descendre »
cerveau lui-même [4–7] . Le volume normal est de 150 à 200 ml le niveau du cône terminal. Des traumatismes médullaires ont
(2 ml/kg), dont 25 à 30 ml dans le système ventriculaire. La pro- été rapportés avec des ponctions en L2-L3 ou plus céphaliques
duction quotidienne est de 450 à 500 ml (0,3 ml/min). Le volume encore [12] . C’est pourquoi la ponction réalisée au plus haut au
total de LCS est renouvelé trois fois par jour. Il est réabsorbé par les niveau de l’espace L3-L4 ne comporte en pratique pas de risque
granulations arachnoïdiennes au niveau des sinus veineux sagit- de traumatisme médullaire (Fig. 2).
tal et transverse (Tableau 1). Il protège le système nerveux central
en assurant quatre fonctions : régulation métabolique, nutrition, Ponction
drainage lymphatique et enfin régulation de la pression intracrâ-
nienne. Le cerveau flottant dans le LCS, son poids effectif n’est Depuis la peau jusqu’à l’espace sous-arachnoïdien, l’aiguille de
que de 50 g, pour un poids réel de 1500 g ; par ailleurs, lors ponction lombaire doit traverser de nombreuses structures anato-
d’élévations brutales de la pression intracrânienne, les villosités miques [9] (Fig. 3). De postérieur en antérieur, il s’agit :
arachnoïdiennes s’ouvrent pour normaliser rapidement la pres- • de la peau et des tissus sous-cutanés dont l’épaisseur est variable
sion du LCS. en fonction du patient ;
• du ligament sus-épineux, qui solidarise entre elles les extrémités
postérieures des processus épineux ;
 Anatomie • du ligament interépineux, qui relie à chaque étage les processus
épineux ;
Dure-mère • du ligament jaune, dense et très résistant, dont l’épaisseur peut
atteindre 10 mm. Son franchissement nettement perçu dans la
La dure-mère est un tissu conjonctif résistant, dont l’épaisseur
majorité des cas est une des étapes majeures de la progression
est de 0,3 mm [8] . Elle est composée d’environ 80 lames concen-
de l’aiguille ; cependant, son passage est parfois imperceptible
triques de fibres collagènes, chaque lame elle-même composée de
par absence de fusion au niveau de la ligne médiane, ou alors il
8 à 12 sous-unités ; ces lames ont une organisation plexiforme.
peut opposer une résistance importante quand il est calcifié [10] ;
On y trouve aussi des fibres élastiques, plus fines et moins nom-
• l’espace péridural, virtuel ;
• la dure-mère, moins résistante que le ligament jaune, mais dont
Tableau 1. le franchissement est lui aussi perceptible à la condition d’une
Composition du liquide cérébrospinal (LCS). ponction lente et de l’utilisation d’une aiguille non tranchante ;
• l’espace sous-dural, virtuel, compris entre la dure-mère et
Plasma LCS
l’arachnoïde ;
Na+ mEq/l 145 142 • l’arachnoïde, méninge très fine qui délimite l’espace contenant
K+ mEq/l 4,6 2,8 le LCS ;
Cl− mEq/l 110 125
• enfin, l’espace sous-arachnoïdien contenant le LCS.
HCO3 − mEq/l 26 22
pH mEq/l 7,4 7,32  Indications
PCO2 mmHg 40 45
Protéines g/l 70 < 0,3 Le but de la ponction lombaire est l’accès au LCS contenu
Glucose mmol/l 5,5 > 50 % glycémie dans l’espace sous-arachnoïdien. Elle réalise obligatoirement
une brèche dans les méninges, dure-mère et arachnoïde. Les

Figure 1. Organisation générale de la dure-


mère et conséquence de l’orientation du biseau
de l’aiguille traumatique sur la fermeture de la
brèche méningée (illustration du docteur P.J. Zet-
laoui).
A. Si la ponction est réalisée avec le biseau de
l’aiguille orienté perpendiculairement à l’axe des
fibres élastiques, la traction de ces fibres aura ten-
dance à agrandir la brèche.
B. Si la ponction est réalisée avec le biseau
parallèle à l’axe du rachis, la traction des fibres
élastiques aura tendance à fermer la brèche [9] .

A B

2 EMC - Neurologie
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Ponction lombaire  17-023-A-91

Figure 2. Position du cône terminal de la moelle en fonc-


Âge < 1 an 1-12 ans 13-20 ans 21-29 ans tion de l’âge. Le cône terminal de la moelle est plus caudal
chez l’enfant de moins de 1 an et remonte progressivement
avec l’âge en raison de la croissance plus importante du rachis
D12 0% 5% 0% 4%
osseux. Chez l’enfant de moins de 1 ans, la ponction lom-
baire doit être réalisée en L4-L5. Chez le sujet plus âgé, le
Espace D12-L1 14 % 21 % 12 % 20 % niveau le plus céphalique devrait être L3-L4. Les pourcentages
représentent la fréquence de distribution à chaque niveau
(d’après [11] ).
L1 11 % 42 % 50 % 42 %

Espace L1-L2 9% 11 % 19 % 25 %

L2 34 % 42 % 42 % 11 %

Espace L2-L3 16 % 5% 4% 0%

L3 16 % 0% 0% 0%

Espace L2-L3 0% 0% 0% 0%

Tableau 2.
a Indications de la ponction lombaire.
Bilan d’une pathologie neurologique
Suspicion ou confirmation d’une méningite bactérienne, tuberculeuse,
virale, fungique, carcinomateuse
Démences, maladie d’Alzheimer et syndromes apparentés,
leucoencéphalites
Maladie de Guillain-Barré et polyradiculonévrites, polyneuropathies
Sclérose en plaques
1 Suspicion ou confirmation d’une hémorragie sous-arachnoïdienne
Bilan d’une pathologie non neurologique avec symptomatologie
2 neurologique
- Sarcoïdose
- Pathologies mitochondriales
3 - Méningite inflammatoire,
4 - Méningoencéphalite bactérienne
- Encéphalites auto-immunes ou paranéoplasiques
5 Diagnostic et prise en charge des anomalies de la pression
intracrânienne
- Hypertension intracrânienne idiopathique
6 - Hypotension intracrânienne spontanée
Figure 3. Anatomie de la ponction lombaire (cliché du docteur P.J. Zet- Injection de médicaments
laoui). a. Ventral ; 1. corps vertébral de L5 ; 2. espace sous-arachnoïdien ; - Antibiotiques
3. ligament jaune ; 4. ligament interépineux ; 5. processus épineux de L5 ; - Chimiothérapie anticancéreuse
- Produits de contraste iodés ou isotopiques
6. ligament sus-épineux. L’espace péridural, virtuel, n’est pas discernable.
- Baclofène, morphiniques, substances apparentées, ziconotide
- Nusinersen (oligonucléotides antisens dans certains types
indications de la ponction lombaire se regroupent en trois grandes d’amyotrophies spinales)
catégories (Tableau 2) [13–16] . Rachianesthésie

Prélèvements de liquide cérébrospinal


pour analyse diagnostique (Tableau 3)
Pathologies non neurologiques
Pathologies neurologiques
Certaines pathologies peuvent se compliquer ou s’exprimer
La ponction lombaire permet de confirmer le diagnostic de sous le masque de tableaux neurologiques justifiant une ponction
méningite. Dans les pathologies neurodégénératives, la recherche lombaire ; il peut s’agir de :
de biomarqueurs spécifiques permet de conforter certains diagnos- • méningite inflammatoire (maladie de Behçet, lupus érythéma-
tics comme celui de sclérose en plaques, de maladie d’Alzheimer, teux disséminé, sarcoïdose, etc.) ;
de Creutzfeldt-Jakob, ou de démence à corps de Lewy. • méningoencéphalite bactérienne (leptospirose, brucellose,
Le diagnostic des hémorragies méningées repose sur l’imagerie. etc.), virale (herpès, coxsakies, arbovirus, etc.) ou parasitaire
La ponction lombaire est indiquée quand l’imagerie n’est pas (Plasmodium falciparum, toxoplasmes, etc.) ;
contributive (grade 1 de Fisher), ce qui est parfois le cas des hémor- • encéphalites auto-immunes paranéoplasiques (néoplasie pul-
ragies méningées de faible abondance ou vues tardivement. Dans monaire à petites cellules ou testiculaire, etc.) ou non
les autres situations, la ponction lombaire est contre-indiquée. paranéoplasiques. La recherche couplée d’autoanticorps dans le

EMC - Neurologie 3
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17-023-A-91  Ponction lombaire

Tableau 3.
Orientations diagnostiques selon la composition du liquide cérébrospinal (LCS).
LCS normal LCS purulent LCS lymphocytaire LCS panaché LCS hémorragique
sans méningite
Aspect Clair, eau de Trouble Clair ou trouble Clair ou trouble Trouble, rosé ou
roche sanglant
Leucocytes/ml <5 > 200 100 à 500 > 100 = sang
10 à 30 chez le 1 leucocyte/700
nouveau-né hématies
Protéinorachie 0,15 à 0,45 g/l Augmentée Augmentée Normale ou peu Augmentée 0,01 g/l pour 1000
augmentée hématies/ml
Glycorachie 2/3 de la < 50 % glycémie < 50 % glycémie Normale Normale ou basse Augmentée
glycémie
Orientations Pas de signe Méningite Méningite Méningite virale Méningite Hémorragie méningée
diagnostiques d’infection bactérienne tuberculeuse débutante ou à ponction traumatique
purulente Listeria (3 tubes)

Tableau 4.
Orientations diagnostiques en fonction de la pression du liquide cérébrospinal (LCS).
Hypotension du LCS Normotension Hypertension
Primaires Fuite de LCS Hydrocéphalie à pression normale HTIC idiopathique (pseudotumor cerebri)
Atraumatique Pathologie démyélinisante HTIC sans œdème papillaire
Spontanée Maladie de Behçet
Vascularite
Secondaires Fuite de LCS après Encéphalite Lésion avec effet de masse
- ponction lombaire Œdème cérébral
- chirurgie Hydrocéphalie
- traumatisme Thrombophlébite cérébrale
Médicamenteuse Méningite infectieuse
- acétazolamide Hémorragie méningée
- furosémide Obésité
- indométacine Contraceptifs oraux

HTIC : hypertension intracrânienne.

LCS et dans le sang (antineuronaux, anti-N-méthyl-D-aspartate Pathologies neurologiques


[NMDA], anti-LGI1 et anti-Caspr2) participe au diagnostic.
Certaines situations cliniques nécessitent une imagerie céré-
brale (en urgence selon le contexte) avant la réalisation de la
Mesure des pressions du liquide ponction lombaire :
cérébrospinal • signes de focalisation neurologiques ou d’hypertension intra-
crânienne (sauf si l’hypertension intracrânienne est l’indication
La ponction lombaire permet la mesure des pressions de la ponction pour soustraction de LCS) ;
d’ouverture et de fermeture, et le cas échéant la soustraction • troubles de la conscience avec un score de Glasgow inférieur ou
de LCS (Tableau 4). La pression d’ouverture normale est de 6 à égal à 11 ;
25 cmH2 O en position couchée et de 45 à 50 cmH2 O en position • crises épileptiques focales ou généralisées après l’âge de 5ans ;
assise ; en décubitus ventral, la pression est plus élevée de 1,5 à • crises épileptiques hémicorporelles avant l’âge de 5 ans.
3 cmH2 O [7] . Le diamètre de l’aiguille n’influence pas la valeur de Les autres situations à risque sont : les processus expansifs intra-
la pression mesurée, mais plus l’aiguille est fine plus l’équilibre crâniens, l’hydrocéphalie non communicante, la malformation
est long à obtenir. La pression est augmentée par l’obésité, sans d’Arnold-Chiari, la compression médullaire au-dessus du niveau
relation précise avec l’indice de masse corporelle. La pression de de ponction, dont les sténoses cervicales responsables d’une myé-
fermeture est la pression mesurée avant le retrait de l’aiguille, après lopathie [17] .
prélèvements ou évacuation de LCS.

Altération de l’hémostase
Injection d’agents pharmacologiques
ou de la coagulation
De nombreux agents pharmacologiques peuvent être injectés
dans le LCS comme des produits de contraste, des antibiotiques, Le risque est la survenue d’un hématome péridural ou sous-
anesthésiques locaux, et morphinomimétiques. arachnoïdien. Exceptionnel après une ponction lombaire, il est
presque toujours lié à la présence d’un ou plusieurs facteurs de
risque et au non-respect des contre-indications. Ces facteurs sont :
 Contre-indications à la ponction • une thrombopénie sévère. La limite est définie par le nombre
de plaquettes inférieur à 50 G/l (50 000/mm3 de sang). Une
lombaire thrombopénie stable supérieure ou égale à 30 G/l peut être tolé-
rée (thrombopénie gestationnelle, purpura thrombopénique
Le refus du patient est la contre-indication majeure. La ponction immunologique). À l’inverse, une thrombopénie évolutive non
lombaire est contre-indiquée si les risques potentiels dépassent les stabilisée ou une cinétique accélérée de thrombopénie, évoca-
bénéfices attendus. Les principales contre-indications sont liées trice d’une pathologie évolutive comme un hemolysis, elevated
aux risques des complications graves que sont l’engagement céré- liver enzymes and a low platelet count syndrome (HELLP syn-
bral, l’hémorragie dans le système nerveux central et l’infection. drome), nécessitent l’évaluation pluridisciplinaire du rapport
Les contre-indications formelles sont les suivantes [2, 6, 13, 15–18] . risque/bénéfice ;

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Ponction lombaire  17-023-A-91

Tableau 5.
Principaux médicaments altérant l’hémostase de façon significative et pouvant interférer avec la réalisation d’une ponction lombaire (d’après [2] ).
Molécules Délai ou seuil Test Antagonisation
HNF 4–6 h TCA, héparinémie Protamine
HBPM prophylactique 12 h Dosage anti-Xa Protamine, efficacité inconstante
HBPM thérapeutique 18–24 h
Fondaparinux 2,5 mg 36 h Dosage anti-Xa Aucune
Fondaparinux 5 ou 7,5 mg 48–72 h
Rivaroxaban 10 mg 24 h au minimum Dosage < 50 ␮g/ml Aucune
Apixaban 2,5 mg
Dabigatran 150–220 48–72 h Dosage < 50 ␮g/ml Idarucizumab
Antivitaminiques K INR ≤ 1,4 INR, TP PPSB + vitamine K1
Aspirine, AINS Aucun Aucun Pas nécessaire
Clopidogrel, ticagrélor 5 jours Aucun Pas de consensus dans la
Si associé à aspirine Maintien aspirine littérature
Prasugrel, prasugrel + aspirine 7 jours Aucun Pas de consensus dans la
Maintien aspirine littérature

Sont rappelés, à titre indicatif, les seuils ou les délais d’interruption de ces traitements pour revenir en zone de sécurité hémostatique. En cas de ponction lombaire
urgente chez un patient traité par un de ces médicaments, sont rappelées les possibilités d’antagonisation. HNF : héparine non fractionnée ; HBPM : héparines de bas
poids moléculaire ; TCA : temps de céphaline activé ; INR : international normalized ratio ; TP : taux de prothrombine ; PPSB : prothrombine, proconvertine, Stuart factor,
antihaemophilic B factor ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.

• un traitement anticoagulant à dose thérapeutique ou antipla-


quettaire (sauf aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens), a
En cas d’urgence, l’antagonisation du traitement anticoagulant
si elle est possible, ou la substitution du déficit en facteurs
de la coagulation si elle est nécessaire, doivent être réalisées
(Tableau 5) ;
• un trouble congénital ou acquis de la coagulation ou de 1
l’hémostase primaire. Les maladies hémorragiques constitu- c d
tionnelles (hémophilie par exemple) doivent faire l’objet d’une
concertation avec les hématologistes ;
• une ponction prévue difficile (obésité, agitation, etc.), ou sur 2
un rachis pathologique (spondylarthrite ankylosante, scoliose 3
sévère, antécédents de chirurgie lombaire, par exemple).
b
Figure 4. Ponction lombaire sous échoguidage (sonde abdominale)
 Réalisation de la ponction (cliché du docteur P.J. Zetlaoui). L’aiguille a été redessinée pour une
meilleure visibilité (têtes de flèches). L’espace sous-arachnoïdien (2) est
lombaire identifié comme une structure anéchogène, il est limité en avant et en
arrière par deux structures hyperéchogènes, les complexes antérieur dans
Enseignement le plan ventral (3), et postérieur dans le plan dorsal (1). Ils représentent
La ponction lombaire est un acte médical invasif qui s’apprend l’image échographique de la dure-mère et du ligament jaune qui sont
et qui s’enseigne ; il est de la responsabilité des séniors de for- indissociables en échographie. a. Dorsal ; b. ventral ; c. céphalique ; d.
mer les plus jeunes, et de la responsabilité des plus jeunes de se caudal.
former. C’est pour la ponction lombaire que les étudiants et les
internes, même ayant déjà réalisé des ponctions lombaires, ont
le plus faible niveau théorique et le moins confiance en eux [19] . SPPL [24] . La position assise facilite la ponction, permet une
La formation (entre autres sur simulateur) améliore les trois com- meilleure ouverture des espaces interépineux, mais nécessite un
posantes du succès d’un acte médical : confiance en soi, maîtrise aide pour maintenir le patient (Fig. 6).
du geste technique et maîtrise des aspects non techniques [20, 21] .
Cette formation doit être entreprise dès les études de médecine et
réactualisée par la suite. Repérage du niveau de ponction
En cas de ponction lombaire envisagée difficile, l’utilisation de
l’imagerie en temps réel, fluoroscopie ou échoguidage, améliore La ponction lombaire doit être réalisée au niveau des espaces
les conditions de réalisation et le taux de succès [22, 23] (Fig. 4). interépineux L3-L4, L4-L5 ou L5-S1 (voie de Taylor) [25] . Les ponc-
tions céphaliques à L3-L4 comportent un risque de traumatisme
médullaire, d’autant plus élevé que la ponction est plus cépha-
Préparation et vérification du matériel lique. Il est primordial de localiser précisément le niveau de la
ponction, car le niveau réel est souvent différent de celui qui est
L’ensemble du matériel, dont le système de mesure de la pres- supposé, avec des ponctions rapportées en T12-L1 [26] . Le repé-
sion, si nécessaire, doit être disponible et vérifié au moment de rage est classiquement réalisé à partir de la ligne de Tuffier, ligne
la ponction. L’utilisation de plateaux ou de « sets » précondition- horizontale qui relie le sommet des crêtes iliaques. En théorie elle
nés est souhaitable. La procédure de réalisation de la ponction passe au niveau du processus épineux de L4 ou de l’espace inter-
lombaire doit être planifiée (Fig. 5). L’accord du patient est indis- épineux L4-L5. Cependant, avec ce repère, le niveau de ponction
pensable. est habituellement trop céphalique, d’au moins un étage, parti-
culièrement chez le patient obèse et la femme enceinte ; il est
Position du patient préférable de réaliser la ponction dans un espace plus caudal de la
ligne de Tuffier. Par ailleurs au niveau de l’espace L5-S1, l’absence
La position en décubitus latéral, rachis en flexion maximale fréquente de fermeture des lames vertébrales facilite la réalisation
pour ouvrir les espaces interépineux, diminuerait l’incidence des de la ponction lombaire.

EMC - Neurologie 5
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17-023-A-91  Ponction lombaire

Obtenir le consentement du patient

Installer le patient dans la position souhaitée La position en décubitus latéral


diminue l’incidence des SPPL

Identifier les repères et le point de ponction

Préparation du matériel Préparation opérateur


Antiseptique cutané Masque chirurgical (calot) Port d’un masque chirurgical
Compresses stériles Lavage chirurgical des mains par aide et entourage
Champ stérile autocollant Gants stériles
Matériel pour anesthésie locale
Dispositif de mesure de pression
Robinet à trois voies
Aiguille 22 G atraumatique Désinfection large du site de ponction
Quatre à sept tubes stériles Champ stérile
Pansement semi-occlusif

Anesthésie locale
Ponction cutanée avec l’introducteur sous-cutanée
progression sur 3 cm chez l’adulte Anesthésie profonde
Si ponction lombaire prévue : si PL suspectée difficile
échoguidage ou fluoroscopie
Placer l’aiguille atraumatique dans l’introducteur
et progresser lentement jusqu’à l’apparition
d’une résistance qui cède brutalement :
l’aiguille est en place

Déclenchement d’une paresthésie : Contact osseux :


retirer l’aiguille et la réorienter retirer l’aiguille et la réorienter

Retirer le mandrin :
le LCS coule librement

Connecter le système de Prélever le volume Injecter les médicaments


mesure de pression du LCS adapté de LCS Asepsie rigoureuse

Replacer le mandrin
Retirer l’aiguille rapidement
Nettoyer l’excès d’antiseptique sur la peau
Mettre un pansement semi-occlusif

Autoriser le patient à se
lever dès qu’il le désire

Figure 5. Arbre décisionnel. Planification des étapes de la ponction lombaire. SPPL : syndrome postponction lombaire ; LCS : liquide cérébrospinal.

Asepsie Choix de l’aiguille


Une asepsie de niveau chirurgical est indispensable, des ménin- La ponction doit être réalisée avec une aiguille mandrinée à
gites ayant été décrites après des ponctions lombaires réalisées extrémité non tranchante, dite atraumatique, de type Whitacre®
dans des conditions d’asepsie imparfaites [27] . Deux temps de dés- (pointe crayon) ou Sprotte® (pointe ogivale) de diamètre 22 gauge
infection cutanée large à la chlorhexidine alcoolique en solution (G) (code couleur noir), avec introducteur (Fig. 7) [2, 28–31] . Il est
colorée (ou polividone iodée) sont réalisés. Au mieux, un large nécessaire de se souvenir que plus la gauge est élevée, plus l’aiguille
champ stérile fenêtré (ou non) est collé dans le dos du patient ; la est fine et inversement, une aiguille 22 G (0,7 mm) étant plus
partie qui repose sur le lit sert de plan de travail stérile. L’opérateur fine qu’une aiguille 20 G (0,9 mm). Les aiguilles à biseau de
porte un masque facial, et des gants stériles [14, 28] . L’aide porte Quincke, tranchantes, réalisent une brèche nette, n’entraînant
un masque facial et des gants stériles ou non. L’entourage porte pratiquement pas de réaction inflammatoire ni de débris de
un masque facial. Le port d’un calot chirurgical est hautement dure-mère, alors que les aiguilles non tranchantes réalisent une
souhaitable pour l’opérateur et pour l’aide. véritable « explosion » de la dure-mère, générant une réaction

6 EMC - Neurologie
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Ponction lombaire  17-023-A-91

Introducteur

Aiguille

22 G

22 G
Mandrin

Pointe de type Sprotte®


Pointe de type Sprotte Whitacre®

Pointe de type Atraucan®

Figure 6. Positions du patient pour la ponction lombaire (dessin du Pointe de type Quincke
docteur P.J. Zetlaoui). Le patient peut être placé en décubitus latéral
Figure 7. Aiguilles pour ponction lombaire. Les aiguilles traumatiques,
gauche (pour un opérateur droitier), en position assise ou en décubitus
à biseau tranchant, de type Quincke sont responsables d’une incidence
ventral pour un abord en fluoroscopie. La position en décubitus latéral,
plus élevée de syndrome postponction lombaire (SPPL). Les aiguilles
préférée pour la mesure des pressions du liquide cérébrospinal, est respon-
atraumatiques de type Sprotte® ou Whitacre® , permettent de minimi-
sable d’une incidence moins élevée de syndrome postponction lombaire
ser l’incidence des SPPL. Elles doivent être utilisées avec un introducteur
que la position assise. Cependant, la ponction est parfois plus difficile.
court, car elles franchissent mal la peau (dessin du docteur P.J. Zetlaoui).

inflammatoire intense, accélérant le processus de cicatrisation. fois accompagnée d’un mouvement involontaire de la jambe a
Ces aiguilles ne compliquent pas la réalisation de la ponction la même signification et nécessite de réorienter l’aiguille. Cet évé-
lombaire et n’augmentent pas le taux d’échec [30, 33] . Les aiguilles nement est habituellement sans conséquence.
de diamètre plus important ou à biseau de Quincke ne sont plus En fonction de ce qui est envisagé, on mesure la pression
recommandées, responsables de trop de complications et d’un sur- d’ouverture, on prélève du LCS et/ou on injecte des agents phar-
coût très important [2, 28–33] . Cependant, les aiguilles atraumatiques macologiques.
ne font pas totalement disparaître les complications de la ponc- La réintroduction du mandrin dans l’aiguille avant son retrait
tion lombaire, mais elles en minimisent l’incidence et la sévérité permet de diviser par trois l’incidence des SPPL (16 versus
de façon significative [29–35] . 5,0 %) [38] . Puis la peau est nettoyée de l’excès d’antiseptique et
un pansement est mis en place.
Il n’est pas nécessaire de forcer le patient à rester couché, cette
Ponction mesure n’ayant aucun effet préventif sur l’incidence du SPPL.
Dans le cas où l’on utiliserait encore une aiguille de Quincke,
Une prémédication peut être nécessaire. Une anesthésie locale
dont le diamètre doit être le plus faible possible, jamais supé-
cutanée est possible dans la majorité des cas. Elle est réalisée avec
rieur à 22 G, le biseau doit être orienté parallèlement au grand
1 ml de lidocaïne à 10 mg/ml (1 %). Pour une ponction lombaire
axe du rachis et non perpendiculairement, pour réduire le risque
programmée, la mise en place d’un ou deux patches de crème
de céphalées secondaires à la ponction.
anesthésiante devrait être systématique [36] . Une anesthésie locale
plus profonde est souhaitable dès qu’une ponction difficile est
envisagée. L’inhalation d’un mélange équimoléculaire d’oxygène Mesure de la pression du liquide
et de protoxyde d’azote (MEOPA) permet de diminuer l’anxiété
et la douleur liées à la ponction lombaire chez l’adulte [37] . Il est cérébrospinal
important de connaître les règles d’utilisation du MEOPA telles La mesure de la pression d’ouverture est réalisée sur le patient
qu’elles ont été précisées en 2010 par l’Agence nationale de sécu- en décubitus latéral, classiquement avant les prélèvements [6, 7, 13] .
rité du médicament et des produits de santé (ANSM) (personnel Autant que possible, le patient allonge les jambes (sans bouger)
qualifié pour son utilisation, durée courte et local correctement pour éviter une augmentation de la pression abdominale qui
ventilé) et les contre-indications principalement le pneumotho- pourrait artificiellement élever la pression du LCS. En cas de suspi-
rax confirmé ou suspecté (https://ansm.sante.fr). cion de pathologie de niveau spinal altérant la cinétique du LCS,
La ponction cutanée est réalisée avec l’introducteur qui est l’épreuve de Queckenstedt-Stookey peut être réalisée. La compres-
avancé sur 3 cm au maximum chez l’adulte avec une légère sion des veines jugulaires doit entraîner une augmentation de la
orientation céphalique ; chez le sujet obèse cette distance est pression du LCS de 150 à 200 ml d’H2 O. L’absence de variation
plus importante. L’aiguille de ponction lombaire, placée dans de la pression d’ouverture du LCS ou le retour lent à la pres-
l’introducteur, est avancée lentement jusqu’à la perception d’une sion de référence sont évocateurs d’un processus intracanalaire
résistance plus franche qui traduit le passage du ligament jaune. compressif. L’indication de cette épreuve est actuellement limi-
La progression est reprise lentement en cherchant à ressentir le tée, l’iconographie permettant de répondre le plus souvent à la
franchissement de la dure-mère, résistance élastique qui cède bru- question.
talement. L’extrémité de l’aiguille est alors en place dans l’espace
sous-arachnoïdien. La distance moyenne entre la peau et l’espace
sous-arachnoïdien est de 60 mm (40 à 80 mm). Chez les patients Prélèvements
obèses, une aiguille longue (120 ou 150 mm, longueur standard
90 mm) est parfois nécessaire ; l’échographie peut aider à choisir En fonction des besoins et des analyses programmées, trois à
la longueur de l’aiguille. quatre (jusqu’à sept) tubes sont utilisés [6, 10, 13] . Ils ne sont pas sté-
Après le retrait du mandrin, le reflux de LCS confirme la bonne riles extérieurement et doivent être manipulés et rebouchés par
position de l’aiguille. Si le retrait du mandrin ne permet pas de l’aide. Les tubes sont étiquetés et numérotés dans l’ordre de prélè-
reflux de LCS, le mandrin est remis en place avant de reprendre vement par l’aide ; ceci permet de compter le nombre d’hématies
la progression, afin de ne pas introduire de débris cellulaire dans qui en cas de ponction traumatique est plus bas dans le dernier
l’espace sous-arachnoïdien. tube. Le volume habituel est de 1 ml (20 gouttes) par tube. Il peut
Un contact osseux, habituellement douloureux, est parfois res- être plus élevé dans certaines circonstances ; pour la recherche
senti par le patient au cours de la ponction. Il traduit une mauvaise de cellules tumorales, un volume de 50 gouttes peut être néces-
direction de l’aiguille, soit dans l’axe sagittal, soit dans l’axe fron- saire [13] . Le volume total ne devrait pas dépasser 25 à 30 ml [34] . Si la
tal ; il faut retirer l’aiguille et corriger l’angle de ponction, qui ponction est réalisée en décubitus latéral, il est possible d’aspirer
est souvent trop céphalique. Le déclenchement d’une paresthésie le LCS avec une seringue si le débit est trop faible. L’aspiration
ou d’une douleur en « éclair » (contact avec une racine), par- à la seringue est contre-indiquée si la ponction est réalisée chez

EMC - Neurologie 7
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17-023-A-91  Ponction lombaire

un patient en position assise, en raison du risque d’engagement Tableau 6.


cérébral ; par ailleurs dans cette position, le débit de LCS est plus Définition de la céphalée postponction durale d’après la 3e édition de
important qu’en position couchée [16] . la classification internationale des céphalées de l’International Headache
Les tubes supplémentaires sont nécessaires pour des analyses Society (IHS).
particulières en fonction du contexte : recherche d’antigènes 7.2.1 Céphalée postponction durale
solubles, polymerase chain reaction dans le cadre d’une méningoen- Description
céphalite virale (herpes virus) ou bactérienne (tuberculose, etc.), Céphalée survenant dans les 5 jours suivant une ponction lombaire,
dosage des lactates, biomarqueurs spécifiques. causée par une fuite du liquide cérébrospinal (LCS) à travers la ponction
durale. Elle est généralement accompagnée d’une raideur de la nuque
et/ou de symptômes auditifs subjectifs. Elle se résout spontanément

 Particularités pédiatriques dans les 2 semaines ou après l’obstruction de la fuite par un blood patch
épidural lombaire autologue
Critères diagnostiques
Plus que chez l’adulte, la ponction lombaire chez l’enfant
A. Céphalée répondant aux critères de la 7.2 Céphalée attribuée à une
s’apprend et s’enseigne [2] . La position assise sans flexion de hypotension du liquide cérébrospinal et au critère C ci-dessous
hanche et sans flexion de nuque permet de dégager le plus large B. Une ponction durale a été réalisée
espace intervertébral avec la meilleure tolérance hémodynamique C. La céphalée s’est développée dans les 5 jours suivant la ponction
chez le nourrisson [39] . durale
L’analgésie est un point-clé de la réussite de la ponction lom- D. N’est pas mieux expliquée par un autre diagnostic de l’ICHD-3
baire en pédiatrie [2] . En dehors de l’urgence, et en fonction de Commentaire
l’âge on peut utiliser : Des facteurs de risque indépendants de céphalée postponction durale
• le sérum glucosé 30 % per os chez le nouveau-né et le préma- ont été récemment mis en évidence : genre féminin, âge entre 31 et 50
turé ; ans, antécédents de céphalée postponction durale et biseau de l’aiguille
• la crème associant lidocaïne et prilocaïne, quel que soit l’âge, à perpendiculaire à l’axe vertical du rachis au moment de la ponction
mettre une heure avant ; lombaire
• l’inhalation de MEOPA ;
• pour des ponctions lombaires programmées ou des antécédents
de vécu douloureux, des traitements anxiolytiques et antal-
giques peuvent être utiles [12] . Syndrome postponction lombaire
Plus l’enfant est petit, plus le cône terminal est proche de On regroupe sous cette appellation un certain nombre de
L3 ; il est donc important d’éviter une ponction trop céphalique symptômes liés à l’hypotension intracrânienne secondaire à la
(Fig. 2) [11] . Le SPPL existe aussi chez l’enfant [40] ; il peut se chro- non-fermeture de la brèche méningée responsable d’une persis-
niciser parce que non pris en considération. Chez l’enfant aussi, il tance de la fuite de LCS [12, 15, 44–49] . Cependant, quelques études
faut privilégier les aiguilles atraumatiques, dont la longueur (3,8 récentes remettent en question la relation entre hypotension du
ou 7,6 cm) est adaptée à la taille de l’enfant [41] . Si une aiguille de LCS et SPPL [50] . Le SPPL s’exprime habituellement par une cépha-
Quincke est utilisée (choix par défaut qu’il faut justifier), son dia- lée caractéristique. Le diagnostic de SPPL est facile quand la notion
mètre doit être le plus faible possible et jamais supérieur à 0,7 mm de ponction lombaire est connue. Le diagnostic est plus difficile
(22 G au maximum). La position du biseau parallèle à l’axe du quand la céphalée ou les signes associés ne sont pas rapportés à
rachis et le replacement du mandrin avant le retrait de l’aiguille une ponction lombaire parfois ancienne. Classiquement, la mala-
sont associés à un risque moins important de SPPL chez l’enfant die guérit en quelques jours, mais cela n’est pas toujours vrai, et
aussi. À partir de l’espace L4-L5, l’angle de ponction le plus favo- il existe des cas de chronicisation sans guérison.
rable est compris entre 50◦ et 60◦ . Un repérage échographique
(si disponible) améliore le taux de succès. Le volume prélevé est Céphalée
réduit à 0,5 ml par tube chez le petit enfant, sans dépasser un
volume total de 3 ml [10] . La pression normale d’ouverture est de La céphalée est le signe cardinal de l’hypotension du LCS ;
50 mmH2 0 chez le nouveau-né, 80 à 100 mm chez le jeune enfant, elle est redéfinie au paragraphe 7.2.1 de la 3e édition de
puis se rapproche progressivement de celle de l’adulte. l’International Classification of Headache Disorders (ICHD-3),
Il n’y a pas de bénéfice à l’alitement après la ponction lom- 2018 (Tableau 6) [51] . Elle est bilatérale sévère, constrictive, occi-
baire chez l’enfant et l’adolescent pour la prévention du SPPL, pitale, occipitofrontale, ou diffuse, avec des irradiations dans la
dont la présentation clinique est identique à celle de l’adulte avec nuque, dans le dos et parfois aux épaules. Cependant, toutes les
une incidence de 2 à 15 % selon les études [42] . Mais, chez le localisations et toutes les variantes sont possibles. Cette céphalée
jeune enfant, le diagnostic est difficile. En cas de SPPL avéré, un se singularise par son caractère postural ; la céphalée, inexistante
traitement non invasif est recommandé de première intention : ou calmée par le décubitus dorsal, est déclenchée ou exacerbée
antalgiques, repos au lit non obligatoire. L’hyperhydratation n’a lors du passage en position assise ou debout. L’absence ou la dis-
pas d’indication. Comme chez l’adulte, le seul traitement efficace parition du caractère postural doivent faire discuter une autre
en cas de SPPL persistant et/ou sévère est le blood patch, dont les étiologie, sans éliminer celui de céphalée par hypotension du LCS.
indications chez l’enfant restent rares [43] . La céphalée est apyrétique.

Signes associés
 Complications de la ponction Parfois isolée, la céphalée peut être accompagnée d’un cortège
variable de signes cliniques, dont les plus fréquents sont les nau-
lombaire sées (40 %) et les vomissements (20 %) [47] . La photophobie n’est
retrouvée que dans 20 % des cas. Un vertige associé (19 %), par-
La ponction lombaire est responsable de complications dont fois isolé et seul signe du SPPL, n’est pas exceptionnel [52] . Les
l’incidence varie en fonction du patient, de l’opérateur et de la troubles auditifs sont fréquents (15 %) associant à divers degrés
technique utilisée [44, 45] . Toutes complications confondues, plus acouphènes, hypoacousie, ou rarement hyperacousie avec distor-
d’une ponction lombaire sur trois est grevée d’un événement sion des sons. La contracture musculaire cervicale est fréquente.
indésirable [44] . Il existe des facteurs favorisants comme le genre L’atteinte des nerfs oculomoteurs concerne les IIIe , IVe et VIe
féminin, l’âge entre 31 et 50 ans, un antécédent de SPPL et paires crâniennes. L’atteinte du VI (abducens) est rare, mais par-
l’utilisation d’une aiguille à biseau de Quincke. Les complications ticulière. Il existe un délai médian d’apparition de six jours
de la ponction lombaire peuvent se répartir en deux catégories : (extrêmes de 3 à 21) entre la ponction et les premiers signes [53] .
celles qui constituent le tableau du SPPL et qui seraient secon- La récupération est lente, plusieurs semaines ou mois, avec par-
daires à l’hypotension intracrânienne, et les autres qui n’entrent fois des lésions définitives. Le blood patch est rarement efficace, car
pas dans le tableau du SPPL. quand la paralysie est diagnostiquée, la lésion nerveuse est déjà

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Ponction lombaire  17-023-A-91

constituée ; cependant des publications récentes suggèrent que le de-cheval ou même du cône terminal sont possibles. De façon
blood patch réalisé en urgence peut améliorer le pronostic. exceptionnelle sont rapportées des hernies de filets nerveux.
On retrouve parfois d’autres signes visuels comme un flou
visuel, des phosphènes ou une baisse de l’acuité visuelle. Des cas Méningite et abcès péridural après ponction
exceptionnels d’atteinte du champ visuel sont rapportés. lombaire
Une douleur thoracique ou une brachialgie pseudoangineuse
dans le territoire ulnaire peuvent s’associer au SPPL. Ces atteintes Les méningites iatrogènes après ponction lombaire ne sont pas
radiculaires sont la conséquence d’une compression médullaire exceptionnelles [27, 55] . On retrouve principalement des staphylo-
par des veines péridurales dilatées. Les nucalgies et scapulalgies coques et des streptocoques. Si les premiers sont la conséquence
associées au SPPL sont de même origine. d’une asepsie cutanée insuffisante, les streptocoques dénoncent
L’hématome sous-dural n’est pas exceptionnel d’autant que le l’absence de masque facial et la contamination par la flore oropha-
patient est traité par des anticoagulants. La modification de la ryngée de l’équipe soignante ; c’est pourquoi le port d’un masque
symptomatologie, surtout si la céphalée devient permanente, doit facial est indispensable pour toutes les personnes assistant à la
faire évoquer un hématome compressif, le plus souvent sous- ponction lombaire [55] .
dural. La mortalité proche de 10 % justifie une prise en charge
immédiate (iconographie ± chirurgie). Autres complications
La ponction lombaire, particulièrement réalisée avec une
Tableaux atypiques aiguille non mandrinée ou dont le mandrin a été retiré, peut
être responsable de la migration iatrogène de débris cellulaires
Dans quelques cas exceptionnels, le SPPL s’exprime sous le dans le LCS. Parfois se développe une tumeur épidermoïde, qui se
masque de troubles de conscience, d’une ataxie, d’un syndrome révèle tardivement (mois ou années) par des signes de compres-
parkinsonien, d’une démence frontale, d’une quadranopsie supé- sion médullaire [56] .
rieure binasale. L’absence de céphalée complique la démarche La fuite de LCS est parfois responsable d’une méningocèle qui
diagnostique (in [45] ). peut se fistuliser à la peau ; ceci semble être plus fréquent après
injection d’agents cytolytiques.
Iconographie du syndrome postponction lombaire Des lombalgies sont retrouvées dans 10 % des ponctions lom-
baires ; leur étiologie est souvent rapportée au traumatisme
En cas de doute sur le diagnostic ou de modification de
secondaire à la ponction.
la symptomatologie, il est nécessaire de réaliser une iconogra-
L’hématome péridural, sous-dural, sous-arachnoïdien ou même
phie. Le scanner cérébral est utile au diagnostic d’hématome
médullaire est un risque potentiel lié dans certains cas à un pro-
intracrânien. L’iconographie médullaire peut objectiver la fuite
blème technique et majoré par une hémostase imparfaite. Enfin,
de LCS. L’imagerie par résonance magnétique est l’examen le
bien que la littérature ne permette pas de conclure de façon claire,
plus utile pour le diagnostic de SPPL en objectivant des signes
il existerait une relation entre thrombophlébite cérébrale et ponc-
d’hypotension intracrânienne (Tableau 7) [54] . Aucun de ces signes
tion lombaire, ou peut-être entre thrombophlébite cérébrale et
ne fait le diagnostic à lui seul, mais leur association est très
médicaments injectés au cours d’une ponction lombaire [57] .
évocatrice. À noter qu’il existe de véritables SPPL pour lesquels
l’iconographie est négative, particulièrement si elle est réalisée
précocement.
 Prise en charge du syndrome
postponction lombaire
Complications indépendantes du syndrome
postponction lombaire Prévention des complications
Engagement cérébral et traumatisme Trois facteurs préventifs ont démontré leur efficacité
(Tableau 8). Le plus important est l’utilisation d’une aiguille
neurologique
atraumatique de diamètre inférieur ou égal à 22 G. La position
L’engagement cérébral est la complication la plus redoutée, du patient en décubitus latéral et la réintroduction du mandrin
pouvant aboutir au décès du patient. Le risque est majeur avant le retrait de l’aiguille sont deux autres facteurs préven-
en cas d’hypertension intracrânienne ou de masse de la fosse tifs [23, 29, 35, 58, 59] . La Figure 8 rapporte les avantages de l’aiguille
postérieure [15, 44] . Un traumatisme direct d’une racine de la queue- atraumatique sur l’aiguille de Quincke.

Tableau 7. Traitement dit « conservateur »


Signes en imagerie par résonance magnétique d’hypotension
intracrânienne. Le paracétamol constitue le traitement antalgique de base. Le
néfopam améliore la céphalée, mais ses effets émétisants peuvent
1. Épaississement des méninges avec un aspect de
en limiter les indications. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
pseudopachyméningite
sont parfois efficaces. Certains préconisent des anti-Cox2 , à courte
2. Position basse des amygdales cérébelleuses
durée d’action.
3. Déplacement craniocaudal du tronc cérébral
4. Effacement du système ventriculaire et cysternal
Le décubitus forcé prolongé et l’hyperhydratation n’ont pas
5. Dilatation des sinus veineux et des veines péridurales cervicales d’indication [60] . Si la céphalée s’améliore en décubitus, elle réap-
6. Parfois, modifications du volume et/ou de la position de l’hypophyse paraît dès le lever. L’hyperhydratation ne repose sur aucune base
7. Collection liquidienne sous-durale, souvent bilatérale (de l’hydrome à physiopathologique, car l’inflation hydrique n’augmente ni la
l’hématome sous-dural) production ni la pression du LCS. Ces deux « traitements » doivent
être abandonnés.

Tableau 8.
Facteurs influençant la survenue d’un syndrome postponction lombaire (SPPL) [2] .
Facteurs préventifs Facteurs sans influence Facteurs aggravants
Aiguille atraumatique de diamètre ≤ 22 G Hyperhydratation Aiguilles de diamètre > 22 G
Ponction lombaire en position allongée Volume prélevé (si < 30 ml) Aiguilles traumatiques (tranchantes)
Réinsertion du mandrin avant retrait Recueil actif par aspiration du LCS Repos au lit

L’orientation verticale du biseau de l’aiguille traumatique prévient significativement moins le SPPL que l’aiguille atraumatique. LCS : liquide cérébrospinal.

EMC - Neurologie 9
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17-023-A-91  Ponction lombaire

En faveur aiguille de Quincke Non significatif En faveur aiguille atraumatique

Événements pour 1000 patients Niveau de preuve

Céphalées postponction 98 59 de moins 39 Élevé

Besoin de blood patch 24 12 de moins 12 Élevé

Lombalgies 166 pas de différence 159 Élevé

Troubles auditifs 53 40 de moins 13 Élevé

Irritation radiculaire 126 37 de moins 89 Modéré

Hospitalisation pour traitement 39 22 de moins 17 Élevé

Échec de la ponction lombaire 38 pas de différence 33 Élevé

Figure 8. Comparaison de l’incidence des effets secondaires de la ponction lombaire en fonction du design de l’extrémité de l’aiguille (redessiné d’après [35] ).

La caféine serait le traitement de choix (vasoconstriction céré- Traitements semi-invasifs


brale et augmentation de la production de LCS) [61] , mais son
efficacité est peu différente du placebo, et la récidive habituelle à Bloc topique du ganglion sphénopalatin
l’arrêt. La posologie efficace est inconnue, et les effets secondaires Le ganglion sphénopalatin est situé en arrière des fosses nasales
(absence de sommeil, tachycardie et hypertension) sont fréquents. dans la fosse homonyme. Il reçoit des afférences végétatives para-
Enfin des complications ont été rapportées, même avec des doses sympathiques et sympathiques et des afférences sensitives du nerf
de 500 mg/j. Les indications de la caféine sont limitées dans le maxillaire. Les efférences sont représentées par les nerfs pharyn-
traitement des SPPL [62] . gien et orbitaire. Plusieurs publications en rapportent l’intérêt qui
La carbamazépine et les triptans sont inefficaces [61] . Les mor- n’a pas à ce jour été évalué par des études contrôlées [67] . Le méca-
phiniques (morphine, oxycodone, codéine, tramadol, etc.) sont nisme d’action supposé est un blocage de la vasodilatation des
déconseillés car ils ont un effet émétisant et vasodilatateur cérébral vaisseaux méningés par le blocage parasympathique.
pouvant majorer la céphalée.
En pratique, tous ces traitements ont une efficacité limitée et
on peut résumer l’efficacité du traitement conservateur en disant Blocs nerveux périphériques
qu’il « conserve la céphalée » dans la majorité des cas, permettant
à la guérison spontanée de se produire. Il ne doit engendrer aucun Le bloc du nerf grand occipital (d’Arnold) permet de réduire
effet secondaire. l’intensité de la céphalée [68] et parfois d’éviter le blood patch.

« Blood patch »
Traitements médicamenteux
Seul traitement étiologique, le blood patch (injection péridurale
Théophylline de sang autologue) permet une augmentation de pression du LCS
et le colmatage de la brèche par le caillot. Il traite la céphalée et les
Plusieurs publications, dont des études contrôlées, rapportent
autres complications comme les troubles de l’audition, les troubles
l’efficacité de l’administration intraveineuse lente de 250 mg
visuels, les douleurs cervicales et le vertige [69, 70] . Son efficacité est
d’aminophylline avec une amélioration significative de la cépha-
remarquable avec un taux de succès dépassant 90 % dans le cadre
lée en 30 minutes [63] . Cette efficacité semble cependant limitée.
de la ponction lombaire.
Une céphalée peu intense (échelle visuelle analogique [EVA]
< 3/10) et non invalidante ne justifie pas un blood patch de pre-
Gabapentinoïdes mière intention. L’accord du patient est nécessaire. Il doit être
La gabapentine et la prégabaline sont efficaces dans la réduc- informé du risque d’échec et de l’éventuelle nécessité de répéter
tion de l’intensité de la céphalée, permettant dans les cas les le geste en cas d’échec ou de récidive ; un deuxième, voire un
moins sévères d’attendre la guérison spontanée [64] . Ils sont contre- troisième blood patch conduit habituellement à la guérison.
indiqués chez la femme enceinte ou allaitant. Les rares contre-indications, habituellement temporaires, sont
les troubles de l’hémostase, entre autres ceux liés à un traitement,
le sepsis systémique ou l’infection au point de ponction. Bien que
le risque n’ait jamais été montré, chez les patients séropositifs pour
Cosyntropine le virus de l’immunodéficience humaine ou atteints d’hémopathie
Si les corticostéroïdes n’ont pas d’indication, l’efficacité de la maligne, le sang peut être remplacé par un colloïde de synthèse.
cosyntropine à la dose de 500 ␮g est probable [65] . Le blood patch est réalisé au bloc opératoire (sous anesthésie
générale chez l’enfant). Il n’existe pas de consensus sur le volume à
injecter, qui est en moyenne de 15 et 25 ml (extrêmes de 3 à 30 ml).
L’injection doit être interrompue devant l’apparition d’une dou-
Prostigmine et atropine leur lombaire. Le décubitus dorsal maintenu pendant deux heures
Une étude contrôlée rapporte l’efficacité de la perfusion lente améliore l’efficacité du blood patch.
de l’association d’atropine (10 ␮g/kg) et de prostigmine (20 ␮g/kg) Les complications du blood patch sont rares et habituellement
dans le traitement des céphalées du SPPL [66] . Le mécanisme bénignes, particulièrement des dorsalgies et des paresthésies au
présumé est l’antagonisation de la vasodilatation médiée par cours de l’injection. Une fébricule transitoire ne dépassant pas
le parasympathique, responsable de la céphalée. Ce traitement 38 ◦ C est classique. Des lombalgies cédant en 24 à 48 heures
nécessite impérativement un monitorage cardiovasculaire et un sont fréquentes. De façon exceptionnelle ont été rapportés un
personnel qualifié habitué à utiliser ces médicaments à ces poso- tableau transitoire évocateur d’une méningite aseptique et un cas
logies par voie intraveineuse. d’hématome sous-dural périmédullaire aigu.

10 EMC - Neurologie
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Ponction lombaire  17-023-A-91

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La ponction lombaire est un acte généralement indispensable
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venir dans des options diagnostiques et thérapeutiques. Cepen- [15] Bonadio W. Pediatric lumbar puncture and cerebrospinal fluid analysis.
dant, la ponction lombaire reste toujours une procédure invasive J Emerg Med 2013;46:1–10.
et le respect des recommandations de bonne pratique permettra [16] Niemantsverdriet E, Struyfs H, Duits F, Teunissen CE, Engelborgh S.
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souvent indispensable, mais qui nécessite une maîtrise delines for lumbar puncture in patients with neurological diseases.
technique. Alzheimers Dement 2017;18:111–26.
• Plus de 10 % des ponctions lombaires sont associées à [19] Von Cranach, Backhaus T, Brich J. Medical students’ attitudes toward
lumbar puncture-And how to change. Brain Behav 2019;9.
un événement indésirable lié au soin.
[20] Barsuk JH, Cohen ER, Caprio T, McGaghie WC, Simuni T, Wayne DB.
• Les recommandations de la HAS doivent être connues
Simulation-based education with mastery learning improves residents’
et respectées. lumbar puncture skills. Neurology 2012;79:132–7.
• L’utilisation d’aiguilles atraumatiques diminue [21] McMillan HJ, Writer H, Moreau KA, Eady K, Sell E, Lobos AT, et al.
l’incidence et la sévérité du syndrome postponction Lumbar puncture simulation in pediatric residency training: impro-
lombaire dont la céphalée est la principale manifestation. ving procedural competence and decreasing anxiety. BMC Med Educ
• Les traitements inefficaces (repos forcé au lit, hyperhy- 2016;16:198.
[22] Soni NJ, Franco-Sadud R, Schnobrich D, et al. Ultrasound guidance
dratation, caféine) doivent être abandonnés. for lumbar puncture. Neurol Clin Pract 2016;6:358–68.
• De nouveaux traitements sont proposés (gabapen- [23] Millington SJ, Silva Restrepo M, Koenig S. Better with ultrasound:
tinoïdes, aminophylline, bloc topique du ganglion lumbar puncture. Chest 2018;154:1223–9.
sphénopalatin). [24] Zorrilla-Vaca A, Makkar JK. Effectiveness of lateral decubitus position
• Le blood patch reste le traitement le plus efficace du for preventing post-dural puncture headache: a meta-analysis. Pain
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[26] Broadbent CR, Maxwell WB, Ferrie R, Wilson DJ, Gawne-Cain, Rus-
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17-023-A-91  Ponction lombaire

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P.J. Zetlaoui (paul.zetlaoui@aphp.fr).


Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital de Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Zetlaoui PJ. Ponction lombaire. EMC - Neurologie 2020;43(3):1-12 [Article 17-023-A-91].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Neurologie
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 17-030-E-10

Biopsie du nerf périphérique


J.-M. Vallat, M. Duchesne, L. Magy

Résumé : La biopsie nerveuse est un geste considéré comme relativement invasif, dont les objectifs sont
soit de déterminer directement l’étiologie d’une atteinte nerveuse périphérique, soit d’en préciser le méca-
nisme. En raison du développement croissant des biomarqueurs sériques, de la génétique moléculaire et
des techniques d’imagerie, les indications de la biopsie nerveuse ont diminué ; cependant, cet examen
garde un intérêt crucial dans certaines situations cliniques. Il est important pour le clinicien qui fait la
demande de biopsie nerveuse de connaître dans les grandes lignes les techniques et les résultats attendus,
afin de pouvoir au cas par cas décider de l’indication de cet examen. Cet article détaille les grandes indi-
cations de la biopsie nerveuse, les lésions élémentaires et les anomalies rencontrées dans les pathologies
susceptibles d’atteindre le système nerveux périphérique, qu’elles soient acquises ou héréditaires. Dans
tous les cas, la biopsie doit être pratiquée en respectant des règles strictes de conditionnement des prélè-
vements, indispensables à leur analyse. Il faut également rappeler qu’un échantillon de biopsie nerveuse
peut se conserver pendant des années, et peut être adressé pour analyse à un centre de référence habitué
à interpréter cet examen.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Biopsie nerveuse ; Système nerveux périphérique ; Vascularite ; Dysglobulinémie ; Infiltrats ;


Amylose

Plan son évolution, et la possibilité supposée de mettre en évidence des


lésions caractéristiques, orientant vers une cause éventuellement
■ Introduction 1 curable. Au cours des dernières années, les indications de la biop-
sie nerveuse ont diminué du fait de l’amélioration des techniques
■ Indications de la biopsie nerveuse 1 neurophysiologiques, de l’accessibilité plus facile à d’autres tis-
■ Techniques 2 sus (comme les glandes salivaires accessoires pour le diagnostic de
Choix du nerf à prélever 2 l’amylose par exemple), et des progrès de la biologie moléculaire.
Préparation du prélèvement 2 Il est utile au clinicien de connaître les contraintes techniques
■ Lésions élémentaires 3 de préparation du tissu nerveux et de savoir si la biopsie dont
Rappels brefs d’anatomie du nerf périphérique 3 il a posé l’indication peut effectivement être préparée et inter-
Fibres nerveuses et myéline 4 prétée de façon optimale. À cette condition, cet examen peut
Tissu interstitiel (épinèvre, périnèvre, endonèvre) 4 apporter une réelle valeur ajoutée dans la stratégie diagnostique
■ Résultats : neuropathies acquises 5 d’une atteinte du système nerveux périphérique (SNP). De plus, la
Vascularites 5 biopsie nerveuse étant désormais pratiquée dans peu de centres,
Causes infectieuses 5 certains cliniciens ne sont probablement pas au courant des résul-
Causes inflammatoires 6 tats qu’il est possible d’en attendre et donc de son intérêt réel.
Maladies métaboliques 6 Quelques publications d’experts et articles de consensus peuvent
Neuropathies toxiques 6 servir de repère pour approfondir le sujet [1–4] .
Gammapathie monoclonale et polyneuropathie 7
Résultats : neuropathies héréditaires 8
■ Conclusion 10  Indications de la biopsie
nerveuse
Plusieurs critères peuvent aider à décider de réaliser une biop-
 Introduction sie nerveuse dans le contexte d’une neuropathie : distribution
inhabituelle des signes cliniques, nécessité d’établir un lien entre
Bien que seulement quelques patients présentant une neuropa- les manifestations cliniques et une anomalie biologique (par
thie périphérique relèvent d’une biopsie nerveuse, cet acte peut exemple une gammapathie monoclonale), possibilité de propo-
être indispensable pour affirmer certains diagnostics et/ou préciser ser un traitement comme lors d’une forme cliniquement atypique
un ou des mécanismes lésionnels dont la connaissance peut être de polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique
indispensable à l’orientation thérapeutique. Les indications pré- (PIDC), suspicion de vascularite ou de neurolymphomatose, ou
cises de la biopsie nerveuse ne sont pas aisées à définir. Elles sont encore suspicion d’amylose avec bilan préalable exhaustif néga-
décidées au cas par cas, éventuellement en concertation, en fonc- tif. Dans le contexte d’une neuropathie héréditaire possible
tion de critères tels que l’histoire de la neuropathie, sa sévérité, ou suspectée, alors que les tests génétiques sont négatifs, des

EMC - Neurologie 1
Volume 43 > n◦ 3 > juillet 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(20)85802-3
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17-030-E-10  Biopsie du nerf périphérique

Figure 1. Arbre décisionnel. Indication de


Atteinte nerveuse À chaque étape, il faut s’assurer de la biopsie nerveuse. ENMG : électro-neuro-
périphérique la concordance entre les données myogramme ; LCS : liquide cérébrospinal ; MAG :
clinico électriques et l’étiologie myelin associated glycoprotein ; PIDC : polyradicu-
supposée mise en évidence par les lonévrite inflammatoire myélinisante chronique.
explorations complémentaires
Diagnostic obtenu par la combinaison
des données cliniques et d’une ou
plusieurs des explorations suivantes :
- ENMG
Non
- biologie sanguine
- analyse du LCS
- imagerie
- génétique moléculaire Aggravation clinique rapide (en 6 mois)
Mononeuropathie multiple (vascularite suspectée)
Gammapathie monoclonale (hors lgM anti-MAG)
et lien suspect avec l’atteinte nerveuse
Oui Forte suspicion de PIDC mais sans réponse aux
critères diagnostiques classiques
Suspicion d’amylose (avec analyse d’autres tissus non
contributive : graisse abdominale, glandes salivaires)
L’évolution est atypique Forte suspicion de neurolymphomatose
La neuropathie ne répond pas à un Neuropathie héréditaire possible sans diagnostic
traitement supposé efficace génétique formel
Suspicion de tumeur du nerf périphérique

Non Oui Biopsie nerveuse à discuter

Pas de biopsie nerveuse

modifications ultrastructurales particulières du nerf périphérique être utile de combiner dans le même temps une biopsie de nerf
peuvent aussi orienter vers des mutations de certains gènes [5] . et de muscle, raison pour laquelle la biopsie est souvent réali-
De façon générale, on considère, hors contexte génétique, que sée au niveau du nerf musculocutané d’une jambe, avec, dans
c’est la rapidité d’évolution d’une neuropathie sur moins de le même temps, un prélèvement du muscle court péronier latéral
deux ans par exemple qui motive le plus souvent la réalisation adjacent [7] .
d’une biopsie nerveuse, et cela bien sûr après avoir éliminé un La branche superficielle du nerf radial ou un rameau sensi-
certain nombre de diagnostics possibles par d’autres examens tif superficiel du nerf ulnaire peuvent être prélevés quand les
complémentaires. À titre indicatif, la Figure 1 résume la démarche symptômes prédominent aux membres supérieurs [8] . Dans des
diagnostique générale d’une neuropathie périphérique et la place conditions particulières et en cas de lésions focales, la biopsie
de la biopsie nerveuse dans l’algorithme diagnostique. En cas de nerveuse peut être guidée par l’imagerie. C’est également le cas
doute, il est recommandé d’adresser le(la) patient(e) à un centre de lorsque le processus pathologique concerne plus spécifiquement
référence pour les maladies neuromusculaires ou les neuropathies un plexus ou une racine nerveuse rendant un abord chirurgical
périphériques rares. invasif nécessaire [9] .
Enfin, une étude en 2002 avait souligné que la biopsie nerveuse Peu d’études ont rapporté le type et l’incidence des
aboutissait à un changement de diagnostic dans 14 % des cas et à complications de la biopsie nerveuse. Dyck et al. ont signalé
une modification de la thérapeutique dans 60 % des cas [6] . qu’environ 60 % des patients n’avaient aucun symptôme fonc-
tionnel après la biopsie nerveuse, alors que 30 % souffraient
d’anomalies subjectives et objectives qui, habituellement, dispa-
 Techniques raissaient avec le temps [10] . En pratique, les patients devant subir
une biopsie nerveuse doivent être informés, en plus du risque
d’hématome et de retard de la cicatrisation liés au geste chirur-
Il est important pour le clinicien de connaître les principaux gical, de la possibilité d’une hypoesthésie séquellaire définitive et
aspects techniques, d’une part, afin de savoir ce qu’il peut attendre de la possibilité de douleurs neuropathiques résiduelles, de dyses-
de la biopsie nerveuse et, d’autre part, pour informer le patient qui thésies et paresthésies dans le territoire sensitif du nerf prélevé [11] .
doit subir cet examen. Enfin, le clinicien doit connaître les contre- La survenue de névrome est quant à elle exceptionnelle.
indications (tout ce qui peut entraîner un saignement abondant
ou encore un retard à la cicatrisation).

Préparation du prélèvement
Choix du nerf à prélever
Il est impératif de s’assurer de la possibilité de réaliser toutes
N’importe quel nerf sensitif peut théoriquement être biopsié et les techniques nécessaires au diagnostic des différentes formes de
le choix du nerf dépend de la localisation des signes cliniques neuropathies périphériques lorsque la biopsie est envisagée [12] .
et/ou électrophysiologiques, de l’habitude du préleveur, mais Un fragment plongé dans son fixateur, congelé ou inclus dans la
aussi de la nécessité de prélever dans le même temps et au même paraffine ou une résine, peut rester stable pendant longtemps et
site un fragment musculaire. Le nerf sural est celui qui est étudié donc être acheminé vers un laboratoire extérieur, de sorte que, sur
le plus souvent car beaucoup de polyneuropathies sont longueur- le site de prélèvement, il n’est pas forcément nécessaire de disposer
dépendantes, si bien que les lésions sont visibles et analysables de l’ensemble des techniques et de l’infrastructure parfois lourde.
à la partie distale des nerfs. En cas de suspicion de vascularite Les prélèvements biopsiques de nerf et de muscle doivent être
dont la distribution lésionnelle est multifocale et aléatoire, il peut préparés avec soin immédiatement dans la salle de prélèvement

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Biopsie du nerf périphérique  17-030-E-10

Tableau 1.
Les différentes techniques dans l’analyse du tissu obtenu après biopsie de nerf.
Fixation Techniques et inclusions Résultats
Formol 10 % Paraffine Colorations classiques (HE, Tissu interstitiel, infiltrats
TM) cellulaires
Colorations spéciales (RC, Dépôts anormaux, agents
Ziehl-Neelsen, etc.) infectieux
Immunohistochimie Immunotypage de cellules,
caractérisation de dépôts
Glutaraldéhyde-tampon Teasing Fibres myélinisées
EponTM Semi-fines (MO) Fibres myélinisées
Ultra-fines (ME) Fibres myélinisées, fibres
amyéliniques, gaine de
myéline, dépôts,
mitochondries
LRW Immuno-ME Caractérisation de dépôts,
immunotypage de cellules
Congélation Dans l’isopentane refroidi Identique paraffine Identique paraffine
Immunoflorescence Immunotypage de cellules,
caractérisation de dépôts
Dans l’azote liquide Techniques autres que morphologiques Extraction d’ADN
Clonalité
Biochimie
Matériel frais Vibratome Recherche

HE : hématoxyline, éosine ; TM : trichrome de Masson ; RC : rouge Congo ; MO : microscope optique ; ME : microscope électronique ; LRW : London resine white ; ADN :
acide désoxyribonucléique.

par un technicien formé spécifiquement dès que la biopsie est fibres amyéliniques sur les coupes ultrafines. Une dissociation des
réalisée. fibres nerveuses (teasing) peut être réalisée à partir des fragments
Le prélèvement de nerf est divisé en trois fragments : le premier fixés dans la glutaraldéhyde à 2,5 % pour préciser le pourcentage
est plongé dans le formol, puis inclus en paraffine pour étudier le des lésions axonales et démyélinisantes selon la classification de
tissu interstitiel (vaisseaux, tissu de soutien) à l’aide de colorations Dyck [10] .
classiques telles que l’hématéine-éosine. Le troisième fragment est congelé pour des études en immuno-
Le deuxième fragment est fixé dans du glutaraldéhyde à 2,5 % fluorescence et éventuellement biochimiques ou génétiques.
dans le tampon sodium cacodylate à 0,05 M pendant une heure, Les prélèvements peuvent être envoyés à des laboratoires
postfixé dans du tétroxide d’osmium à 1 %, puis inclus dans une extérieurs spécialisés. Comme il est difficile d’envoyer des
résine comme l’EponTM pour l’analyse morphologiques ultrastruc- fragments congelés, l’étude immunocytochimique parfois néces-
turale. L’inclusion dans une autre résine, le London resin white, saire peut être réalisée en microscopie électronique au lieu de
d’un fragment différent de celui inclus dans la résine d’EponTM l’immunofluorescence. Le Tableau 1 récapitule les différentes
peut également être réalisée pour une étude immunocytochi- techniques et leur intérêt dans l’analyse du tissu obtenu après
mique en microscopie électronique si nécessaire. À partir de ces biopsie de nerf.
blocs de résine, des sections semi-fines transversales et longitu-
dinales (nécessaires pour étudier des structures comme les nœuds
de Ranvier et les mitochondries intra-axonales) sont réalisées puis
colorées par le bleu de toluidine (ou de paraphénylène diamine,  Lésions élémentaires
coloration de solochrome) et examinées en microscopie optique.
Des sections ultrafines, réalisées à partir de ces mêmes blocs, Rappels brefs d’anatomie du nerf
sont colorées avec de l’acétate d’uranyl et du citrate de plomb périphérique
pour l’examen en microscopie électronique qui est habituelle-
ment réalisé sur des sections transversales. La densité des fibres Un nerf est un regroupement de fibres nerveuses (axones et
myélinisées est déterminée sur les coupes semi-fines et celle des dendrites) qui conduisent de façon centrifuge ou centripète une
information électrique codée (influx nerveux) du système nerveux
central vers le SNP et inversement.
Les fibres nerveuses se regroupent en fascicules délimités par
le périnèvre et contenant l’endonèvre. Ces fascicules sont eux-
“ Point fort mêmes entourés de l’épinèvre et se regroupent pour former le nerf.
Le périnèvre, l’endonèvre et l’épinèvre correspondent à du tissu
conjonctif de soutien, appelé encore tissu interstitiel, qui contient,
Compte rendu : ce qu’il faut comprendre en autres, les vaisseaux nourriciers et des fibroblastes au sein de
• distinction des neuropathies en neuropathologie : fibres de collagène. Dans l’endonèvre, on retrouve, entre autres,
◦ neuropathies primitivement axonales, les fibres nerveuses (Fig. 2).
◦ neuronopathies, La cellule de Schwann est une cellule névrogliale uniquement
◦ neuropathies primitivement démyélinisantes : avec présente dans le SNP. Elle est myélinisante lorsque l’axone a un
atteinte axonale secondaire ; sans atteinte axonale diamètre supérieur à 1 ␮m (dans ce cas, elle n’entoure qu’un
seul axone), ou non myélinisante lorsque l’axone a un diamètre
secondaire,
inférieur à 1 ␮m (dans ce cas, plusieurs fibres amyéliniques sont
◦ neuropathies mixtes axonales et démyélinisantes ; comprises dans les invaginations du cytoplasme d’une seule cel-
• avec arguments en faveur d’une atteinte héréditaire ou lule de Schwann : on parle de « cellules de Remak »). En fonction
acquise ; de la présence ou de l’absence de gaine de myéline autour de ces
• avec diagnostic étiologique si possible. fibres nerveuses, on distingue les fibres nerveuses myélinisées de
celles dites « amyéliniques ».

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17-030-E-10  Biopsie du nerf périphérique

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A B
Figure 2. Coupe transversale d’un fascicule nerveux (A) et d’un nerf périphérique (B).
A. 1. Endonèvre ; 2. périnèvre ; 3. fibroblaste ; 4. petite fibre myélinisée ; 5. petites fibres amyéliniques ; 6. grosse fibre myélinisée ; 7. capillaire.
B. 1. Mésonèvre ; 2. épinèvre externe ; 3. épinèvre interne ; 4. périnèvre ; 5. fascicule nerveux ; 6. vaisseaux.

Figure 3. Coupes semi-fines, sections longitu-


Périnèvre dinale (A) et transversale (B), coloration au bleu
Endonèvre Epinèvre de toluidine. Perte en fibres et ovoïdes (flèche).

100 µm A 100 µm B

Fibres nerveuses et myéline par rapport au diamètre axonal avec augmentation du g-ratio
(ratio du diamètre axonal sur le diamètre total de la fibre myé-
Avant tout, la personne qui observe la biopsie doit linisée). Cet aspect est observé sur les coupes semi-fines mais
connaître plusieurs types d’artefacts afin d’éviter des erreurs également facilement détecté sur les fibres dissociées (ou tea-
d’interprétation ; ceux-ci peuvent résulter de la technique de la sing), technique qui permet aussi de détecter des lésions comme
biopsie (compression, étirement du fragment nerveux), d’une les tomaculae, les proliférations myéliniques aberrantes et les
fixation inadéquate, d’une osmolarité anormale des fixateurs, axones géants. Dans de nombreuses neuropathies démyélini-
d’une congélation insuffisante, d’une inclusion ne respectant santes, on assiste à la présence d’anomalies qualifiées de bulbes
pas une orientation parfaite des prélèvements, d’où l’importance d’oignons, formées d’enroulements concentriques de cellules
d’un strict respect des techniques de prise en charge de ce de Schwann qui tentent à plusieurs reprises une remyélinisa-
prélèvement précieux par une équipe expérimentée et rigoureuse. tion autour d’un axone préalablement démyélinisé. Ces bulbes
Les lésions observées sur la biopsie de nerf permettent de dis- d’oignon sont visibles sur les coupes semi-fines en microsco-
tinguer une atteinte axonale ou démyélinisante : pie optique, mais lorsqu’ils sont frustes, ils peuvent aisément
• les lésions axonales aiguës sont caractérisées par la présence de être observés en microscopie électronique. De plus, l’examen
nombreux ovoïdes alignés, correspondant à des débris myé- en microscopie électronique peut aussi détecter des lésions spé-
liniques et axonaux (Fig. 3). L’atteinte axonale chronique se cifiques comme des anomalies de la compaction myélinique
traduit surtout par une raréfaction généralisée des fibres ner- induite par exemple par une gammapathie monoclonale de
veuses, qui se voit notamment sur les coupes semi-fines. Cette type IgM (immunoglobuline M) ou une mutation du gène
perte en fibre est parfois associée au développement de bou- MPZ. Une démyélinisation induite par des macrophages est
quets de régénérescence, petits regroupements de trois ou confirmée quand un cytoplasme schwannien est envahi par
quatre axones en voie de régénérescence, certains étant en cours un macrophage dont certains prolongements cytoplasmiques
de remyélinisation, mais, dans certains cas, la raréfaction axo- dissocient et détruisent les lamelles myéliniques en respectant
nale est très sévère sans aucun signe de régénérescence. La perte l’axone. Des anomalies enzymatiques ou des agents toxiques
axonale est constante au cours de toute neuropathie chronique, induisent parfois une accumulation anormale de débris lipi-
avec ou sans régénérescence. La perte significative des grandes diques dont l’aspect ultrastructural peut être évocateur de tel
fibres myélinisées explique les constatations électrophysiolo- ou tel toxique, que ce soit au niveau des cytoplasmes schwan-
giques suggérant une atteinte axonale. En revanche, la perte des niens, des capillaires endoneuraux ou des cellules périneu-
petites fibres myélinisées et des fibres amyéliniques sans atteinte rales.
significative des grandes fibres myélinisées ne peut être détec-
tée que par la biopsie nerveuse, l’examen électrophysiologique
classique n’enregistrant que les grosses fibres. Il est cependant Tissu interstitiel (épinèvre, périnèvre,
très important de comprendre que, qu’il s’agisse de polyneu- endonèvre)
ropathies acquises ou héréditaires, les lésions démyélinisantes
peuvent être masquées ou discrètes, alors que le processus de Les artérioles de calibre variable et les capillaires endoneu-
démyélinisation est responsable de la perte axonale (perte axo- raux sont étudiés, à la recherche de lésions inflammatoires, d’une
nale secondaire) ; nécrose des parois vasculaires, d’une microangiopathie. Une pro-
• la démyélinisation est caractérisée par la présence de fibres dont lifération anormale du tissu conjonctif interstitiel ainsi qu’un
les gaines de myéline ont disparu ou sont en cours de régéné- éventuel œdème endoneural sont également recherchés, mais
rescence. Les gaines myéliniques apparaissent alors trop fines toujours difficiles à quantifier.

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Biopsie du nerf périphérique  17-030-E-10

La présence d’infiltrats cellulaires anormaux est caractéristique


de certaines étiologies inflammatoires, infectieuses ou tumorales
comme les vascularites, les lymphomes ou des infections telles
que la maladie de Lyme ou la lèpre par exemple. Lorsque des
infiltrats sont présents, ils doivent être typés à l’aide d’anticorps
spécifiques : anti-CD3 pour les lymphocytes T, anti-CD20 pour les
lymphocytes B, anti-CD68 pour les macrophages. En cas de sus-
picion de lymphome, d’autres anticorps plus spécifiques peuvent
également être réalisés pour mieux caractériser le lymphome, tels
que l’anticorps Ki67 qui permet de détecter le pourcentage de
cellules en voie de prolifération. Enfin, dans le cadre d’une neu-
rolymphomatose, la recherche de clonalité peut également être
réalisée, le plus souvent sur un fragment congelé, mais également
à partir d’un bloc de paraffine. 200 µm
Des dépôts anormaux pourront être détectés dans certaines cir- Figure 4. Coupe en paraffine, section transversale, coloration
constances comme l’amylose, qui nécessite la réalisation d’un hématéine-éosine. Deux lésions de vascularite nécrosante à des âges dif-
marquage au rouge Congo. Selon les cas, on peut utiliser un anti- férents dans l’épinèvre.
corps anti-TTR pour détecter une amylose à transthyrétine et des
anticorps anti-IgA, IgG, IgM, kappa, lambda, pour confirmer une
amylose AL. Ces marquages peuvent aussi être réalisé pour une La périartérite noueuse concerne les artérioles de moyen calibre,
analyse en microscopie électronique. la polyangéite microscopique intéresse les petites artérioles et par-
fois aussi celles de calibre moyen. La granulomatose éosinophile
avec polyangéite (ancienne maladie de Churg-Strauss) combine

“ Point fort un asthme et une hyperéosinophilie qui est retrouvée au niveau


des lésions de vascularite. La maladie de Wegener (granulomatose
avec polyangéite) associe fréquemment une atteinte respiratoire
Lésions histologiques élémentaires selon le méca- et rénale. Ces trois dernières entités correspondent aux vascula-
rites à ANCA (anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles).
nisme
Plusieurs collagénoses peuvent être responsables de vascula-
• atteinte axonale :
rite nerveuse comme le lupus érythémateux aigu disséminé et
◦ aiguë : ovoïdes (débris axonaux et myéliniques), la polyarthrite rhumatoïde, responsables de mononeuropathies
◦ prolongée : perte en fibres ; multiples apparaissant souvent après des années d’évolution, mais
• atteinte démyélinisante : dont la prévalence a diminué grâce à l’amélioration de la prise en
◦ lésions segmentaires, charge de ces maladies. Dans toutes ces maladies, les lésions des
◦ gaine de myéline trop fine par rapport au diamètre fibres myélinisées et amyéliniques sont axonales, diffuses le plus
axonal, souvent, mais peuvent parfois avoir une distribution de type vas-
◦ prolongée : aspect en bulbe d’oignons ; culaire. En cas d’examen négatif dans de tels contextes, il peut être
• bouquet de régénérescence après une perte en fibres : nécessaire de recouper de façon sériée les fragments musculaires et
nerveux à la recherche des lésions caractéristiques de vascularite
néofibres de plus petit diamètre avec remyélinisation.
qui par définition sont segmentaires.

Causes infectieuses
 Résultats : neuropathies acquises La biopsie nerveuse est rarement indispensable mais, dans
Vascularites quelques cas, la neuropathie apparaissant isolée, cette technique
peut révéler et confirmer l’infection, conduisant donc à une thé-
Les vascularites entraînent habituellement des lésions multi- rapeutique spécifique.
systémiques, mais parfois peuvent être localisées uniquement au
niveau des nerfs périphériques. Elles répondent à une classifica- Maladie de Lyme (méningo-radiculo-névrite
tion actualisée [13] . Dans ces maladies, la prévalence d’atteinte
nerveuse périphérique est variable selon les entités et le phéno-
à tique)
type clinique peut être celui d’une mononeuropathie multiple ou Cliniquement, pour ce qui concerne le nerf périphérique, elle
parfois d’une polyneuropathie distale selon les cas. Les lésions occasionne essentiellement des atteintes polyradiculaires et des
comprennent habituellement des infiltrats mononucléés périvas- mononeuropathies multiples. Cette pathologie infectieuse, liée
culaires et transmuraux, concernant généralement les vaisseaux à Borrelia burgdorferi et transmise par piqûre de tiques infectées,
de l’épinèvre qui, lorsqu’ils s’associent à de la nécrose fibrinoïde, se caractérise par l’association d’infiltrats périvasculaires inhabi-
justifient l’appellation de vascularites nécrosante (Fig. 4), lésions tuellement fréquents, sans modification des parois des vaisseaux,
que l’on observe principalement sur les coupes en paraffine voire associés à une atteinte axonale aiguë [16] .
en congélation. L’affirmation de ce diagnostic a des implications
thérapeutiques spécifiques. Du fait que le nerf musculocutané est Infection par le virus de l’immunodéficience
presque toujours touché, il est habituel de proposer une biopsie
combinée du nerf musculocutané et du muscle court péronier
humaine (VIH)
latéral qui lui est adjacent [14] afin d’augmenter les chances de Au cours de l’infection par le VIH, il est actuellement exception-
mettre en évidence les lésions authentiques et indiscutables de nel qu’une biopsie nerveuse soit pratiquée, même si divers types
vascularite. Lorsque l’atteinte touche les membres inférieurs, le de neuropathies ont été décrits. Une polyradiculonévrite aiguë
nerf sural peut bien sûr être prélevé plutôt que le nerf musculo- ou chronique peut révéler l’affection et survenir donc de façon
cutané. Il est classique de prélever le nerf s’il est cliniquement précoce. Les atteintes de type mononeuropathie multiple sont
atteint mais même en l’absence de signes cliniques, la démons- habituellement liées à des vascularites nécrosantes identiques à
tration électrophysiologique de l’atteinte d’un nerf peut conduire celles sus-décrites. Les polyneuropathies sensitives sont habituel-
à un rendement équivalent de la biopsie nerveuse au cours des lement axonales non inflammatoires, de physiopathologie mal
vascularites [15] . Concernant l’analyse des coupes semi-fines, une comprise. Les atteintes neuropathiques survenant en phase ter-
perte axonale avec ovoïdes, témoins d’une atteint aiguë, sont clas- minale en rapport avec des polyradiculonévrites ou des lésions
siquement observés. de la queue de cheval sont souvent liées à une infection par le

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17-030-E-10  Biopsie du nerf périphérique

Figure 5. Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique.


Mise en évidence des macrophages dans l’endonèvre avec l’anti-CD68,
prélèvement inclus en paraffine. Figure 6. Micrographie électronique, section transversale. Prolifération
schwannienne en bulbes d’oignon autour d’une fibre en voie de remyéli-
nisation. Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante chronique.
cytomégalovirus qui a pu être identifiée sur certains prélèvements
autopsiques [17] .
ciées et en microscopie électronique, cette technique permettant
Lèpre en plus de bien visualiser des proliférations schwanniennes en
La biopsie nerveuse permet d’affirmer ce diagnostic lorsqu’il est bulbe d’oignon composées de fragments cytoplasmiques allon-
méconnu par ailleurs, souvent chez un sujet dont on a oublié ou gés de cellules de Schwann disposés concentriquement autour
ignoré un séjour en pays endémique des années avant l’apparition d’axones plus ou moins démyélinisés (Fig. 6). Des aspects de des-
des premiers signes de neuropathie. Les lésions de la forme truction de myéline par des macrophages sont parfois rencontrés
lépromateuse ou multibacillaire se caractérisent par une atteinte ainsi que des débris myéliniques dans des macrophages dissé-
axonale associée à une disposition en « globi » des bacilles de Han- minés dans l’endonèvre. Une perte axonale est constante, mais
sen (mis en évidence par la coloration de Ziehl-Neelsen), qui se variable en fonction de l’agressivité de la neuropathie et de son
trouvent dans toutes les cellules du nerf : cellules de Schwann, ancienneté au moment de la biopsie. Dans presque tous les cas
cellules endothéliales, cellules périneurales, ainsi que dans de s’y associent des bouquets de régénérescence qui attestent d’une
nombreux macrophages. La forme tuberculoïde se caractérise par tentative souvent inefficace de réparation.
des granulomes contenant de nombreux histiocytes et quelques
cellules géantes. Il n’y a habituellement pas de nécrose caséeuse Maladies métaboliques
et, dans cette forme, la présence de bacilles de Hansen est très rare.
La biopsie nerveuse n’est pas indiquée dans les formes habi-
tuelles de neuropathie diabétique ou associée à une insuffisance
Causes inflammatoires rénale ou d’origine nutritionnelle. Les lésions sont axonales,
Sarcoïdose non spécifiques et selon les cas aiguës, subaiguës ou chro-
niques. Au cours du diabète, des modifications caractéristiques
Selon le contexte, il peut s’agir d’une lésion intranerveuse d’une microangiopathie des capillaires endoneuraux sont souvent
isolée, ce qui est exceptionnel, ou qui est suspectée dans le visibles, la signification physiopathologique de ces aspects n’est
cadre d’une pathologie plus diffuse. Dans tous les cas, le granu- pas clairement établie.
lome caractéristique non caséeux est habituellement détecté dans
l’épinèvre. Le plus souvent, les lésions nerveuses sont axonales,
plus exceptionnellement démyélinisantes [18–20] . Neuropathies toxiques
Polyradiculonévrite inflammatoire démyélinisante La biopsie nerveuse ne s’avère utile que dans quelques situations
particulières.
chronique (PIDC)
S’il s’agit d’une polyneuropathie répondant aux critères cli- Médicaments
niques et électrophysiologiques typiques tels qu’ils ont été définis
Il arrive que soit découverte de façon fortuite l’accumulation
par les critères consensuels d’experts [21] , il n’y a pas d’indication
de matériel lipidique anormal, polymorphe, dans les cellules de
à la biopsie nerveuse. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’une forme
Schwann, les cellules endothéliales, les cellules périneurales, attes-
atypique, par exemple présentant des critères axonaux lors de
tant d’une surcharge anormale, qui peut être en rapport avec la
l’examen électrophysiologique, mais avec quelques signes démyé-
prise chronique et excessive d’amiodarone ou de chloroquine.
linisants associés, la stratégie diagnostique et l’indication de la
Chez un sujet présentant une polyneuropathie, la découverte de
biopsie nerveuse ont été discutées par un groupe de neurologues
tels aspects doit conduire à l’arrêt de ces médicaments.
français en 2008 [22] .
La plupart des autres médicaments neurotoxiques entraînent
Parfois, quelques lymphocytes T de distribution périvasculaire
des atteintes axonales aspécifiques qui peuvent être difficiles à
dans l’épinèvre peuvent être observées sur les coupes en paraffine,
distinguer des lésions induites par la maladie pour laquelle elles
alors que quelques macrophages sont disséminés de façon dif-
ont été prescrites, comme le VIH (cf. supra).
fuse au sein de l’endonèvre, parfois disposés en foyers (Fig. 5) [23] .
Selon les critères pathologiques diagnostiques en faveur d’une
PIDC de l’American Academy of Neurology (1991) qui sont encore
Agents industriels
utilisés, plus de cinq fibres démyélinisées doivent être détec- Dans un contexte de suspicion de maladie professionnelle ou
tées [24] . Il est parfois possible de voir sur les coupes semi-fines, d’abus de drogues (n-hexane, acrylamide, etc.), il est utile de savoir
à faible grossissement, une distribution hétérogène des lésions que l’apparition d’une polyneuropathie est en rapport avec des
démyélinisantes-remyélinisantes entre les différents fascicules et lésions axonales particulières caractérisées par des dilatations axo-
à l’intérieur d’un même fascicule, ce qui confirme la distribution nales en rapport avec une prolifération très dense de filaments de
multifocale au hasard des lésions. Les aspects de démyélinisation- 9 ou 10 nm, bien visualisés par l’examen en microscopie électro-
remyélinisation avec des gaines de myéline trop fines par rapport nique. Néanmoins, il est exceptionnel qu’une biopsie nerveuse
au diamètre axonal sont confirmés par les études de fibres disso- soit réalisée dans ce contexte.

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Biopsie du nerf périphérique  17-030-E-10

Figure 8. Micrographie électronique. Section transversale. Multiples


dépôts d’immunoglobulines M dans l’endonèvre (neuropathie au cours
d’une maladie de Waldenström).

Figure 7. Micrographie électronique, section transversale. Élargisse-


ments des lamelles myéliniques par une immunoglobuline monoclonale Les dépôts d’amylose sont multifocaux, ce qui impose, en cas
avec activité anti-myeline-associated-glycoprotein (anti-MAG). de forte suspicion, de recouper les blocs, si le premier examen
est négatif. Sur des sections de blocs inclus en paraffine, les
dépôts amyloïdes sont grossièrement arrondis, éparpillés dans
Gammapathie monoclonale l’endonèvre et parfois adjacents aux parois de capillaires endo-
et polyneuropathie neuraux. L’amylose AL résulte de la transformation d’une chaîne
légère d’immunoglobuline et peut être identifiée sur du matériel
Cette association est fréquente en raison d’une prévalence éle- congelé avec un anticorps spécifique. Ces dépôts sont colorés spé-
vée des deux pathologies. Néanmoins, la possibilité d’un lien cifiquement par le rouge Congo et la thioflavine. À l’examen en
entre la polyneuropathie et la dysglobulinémie doit être dis- microscopie électronique, l’amylose est extracellulaire et compo-
cutée. L’examen microscopique peut être utile, y compris chez sée de faisceaux de filaments de 7 à 10 nm de diamètre, distribués
des patients sous chimiothérapie susceptible d’être neurotoxique dans tous les plans de l’espace. Ils sont souvent en contact direct
lors d’une hémopathie maligne, si l’évolution ou le profil sont et intime avec les membranes basales des vaisseaux et des cellules
inhabituels pour une neuropathie chimio-induite. Les différents de Schwann. La sévérité des lésions des fibres myélinisées et amyé-
mécanismes permettant de relier gammapathie monoclonale et liniques est très habituelle et particulière à l’amylose. Par ailleurs,
neuropathie périphérique sont détaillés ci-dessous. l’importance de la raréfaction des fibres amyéliniques est carac-
téristique. Dans cette maladie systémique, d’autres biopsies non
Dépôts d’immunoglobuline sur la gaine invasives doivent être utilisées en premier comme celles du tissu
de myéline graisseux sous-cutané, des glandes salivaires accessoires, qui sont
Gammapathie IgM habituellement sensibles. La biopsie nerveuse n’est utilisée que
Dans la plupart des cas, surtout si le taux des anticorps anti- lorsque les autres biopsies sont négatives [30] . La sensibilité de la
myelin associated glycoprotein (anti-MAG) est élevé (supérieur à biopsie nerveuse est estimée dans ce contexte à 85 % [31] .
5000 BTU), la biopsie nerveuse n’est pas justifiée. Néanmoins, la Même en association avec une IgG monoclonale, qui peut
biopsie nerveuse peut être utile, surtout si le phénotype clinique être une coïncidence, il est toujours recommandé de chercher
et/ou électrophysiologique est inhabituel [25] . Dans les formes systématiquement une mutation du gène de la transthyrétine
classiques, en microscopie électronique, un élargissement régu- (TTR) [32] . L’étude immunocytochimique peut permettre de dif-
lier des lamelles myéliniques confirme la présence des anticorps férencier l’amylose en rapport avec des dépôts de chaînes légères
anti-MAG (Fig. 7). Il arrive exceptionnellement que ces aspects de celle liée à une mutation TTR.
coexistent avec des dépôts d’amylose, des dépôts endoneuraux
d’immunoglobuline, des cellules lymphomateuses, toutes lésions Infiltrats de lymphocytes T ou B malins
qui ne peuvent être mises en évidence que par la biopsie nerveuse.
(neurolymphomatose)
Enfin, si les anticorps anti-MAG sont négatifs, l’association d’une
polyneuropathie démyélinisante et d’une IgM monoclonale doit On parle de neurolymphomatose primitive si la neuropa-
faire envisager le diagnostic de PIDC (cf. infra). thie révèle l’hémopathie lymphoïde et de neurolymphomatose
secondaire si l’hémopathie préexiste à la découverte de la neuro-
Gammapathie IgG ou IgA
pathie [33] . Dans la plupart des cas, la topographie de l’atteinte est
Dans quelques cas exceptionnels, l’immunofluorescence directe radiculaire, au moins au début, et l’analyse du liquide cérébrospi-
met en évidence des anneaux fluorescents autour des fibres myé- nal montre une augmentation des lymphocytes, dont le caractère
linisées à l’aide d’anticorps anti-IgG ou anti-IgA. Dans cette clonal peut être affirmé par la cytométrie de flux ou la recherche
situation, des aspects de décompaction des lamelles myéliniques, de clonalité par polymerase chain reaction (PCR), l’analyse cytolo-
assez proches de ceux observés au cours des neuropathies avec gique simple ne permettant généralement pas de conclure à la
anticorps anti-MAG, ont été décrits [26, 27] . présence de cellules malignes. Néanmoins, dans certains cas, la
biopsie nerveuse s’avère utile lorsque ces analyses sont négatives.
Dépôts endoneuraux Les cellules malignes sont alors habituellement mises en évidence
La biopsie nerveuse permet seule de visualiser des dépôts sur les coupes incluses en paraffine et leur type spécifique carac-
d’immunoglobuline ou de substance amyloïde dans le tissu inter- térisé par l’examen immunocytochimique. Les infiltrats étant
stitiel endoneural [28, 29] . de distribution multifocale, ils ne sont parfois pas repérés sur
En fonction de leur taille, ces dépôts d’immunoglobuline certaines sections (Fig. 9). Si les cellules n’ont pas les caracté-
peuvent être détectés soit par l’immunofluorescence sur des ristiques morphologiques de cellules lymphomateuses ou si les
coupes congelées, soit par l’immunocytochimie ultrastructurale marquages conventionnels sont insuffisants pour conclure, la
s’ils sont très petits, en utilisant dans tous les cas les anticorps détection d’une clonalité cellulaire peut être très utile pour confir-
spécifiques. Ultrastructuralement, ces dépôts ont souvent des mer l’infiltration lymphomateuse. Les techniques de PCR utilisées
aspects caractéristiques (Fig. 8) : digitiforme, fibrillaire, tubu- nécessitent de faibles taux d’acide désoxyribonucléique (ADN) et
laire, mais parfois ils n’ont aucune structure bien définie et ont une bonne sensibilité pour détecter une clonalité [34, 35] . Il a été
l’immunocytochimie est indispensable pour préciser qu’il s’agit exceptionnellement décrit des lymphomes intravasculaires dans
bien de dépôts d’immunoglobulines. les lumières des artérioles de biopsies nerveuses et musculaires [36] .

EMC - Neurologie 7
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17-030-E-10  Biopsie du nerf périphérique

50 µm 100 µm

Figure 9. Coupe en congélation, hématéine-éosine, section transver- Figure 11. Teasing. Nombreuses lésions axonales au cours d’un
sale. Neuropathie au cours d’un lymphome B. Les lymphocytes B sont syndrome POEMS (polyneuropathy, organomegaly, endocrinopathy, mono-
spécifiquement marqués par un anti-CD20. clonal protein, skin changes).

élargies que nous avons décrites plus haut. Il faut également signa-
ler que les lésions démyélinisantes au cours du POEMS peuvent
s’accompagner d’une atteinte axonale secondaire parfois massive
(Fig. 11).

PIDC
Si l’étude électrophysiologique est en faveur d’une polyneu-
ropathie démyélinisante qui n’a pas de lien direct avec la
dysglobulinémie, une PIDC est probable, en rapport avec un pro-
cessus dysimmunitaire dont l’antigène reste inconnu. Comme
dans les PIDC susmentionnées non associées à une dysglobu-
linémie monoclonale, la biopsie nerveuse n’a pas d’indication
dans les cas typiques mais peut être utile pour confirmer le diag-
1µm
nostic des formes atypiques, afin de faire bénéficier le malade
Figure 10. Micrographie électronique, section transversale. Anomalies d’un traitement spécifique. Les lésions microscopiques sont celles
de la compaction myélinique au cours d’un syndrome POEMS (polyneu- que nous avons décrites précédemment, en l’absence de dépôt
ropathy, organomegaly, endocrinopathy, monoclonal protein, skin changes). d’immunoglobuline, d’amylose ou d’infiltration par des cellules
malignes.
Au total, il est important d’insister sur le rôle de la biopsie
Syndrome POEMS nerveuse pour démontrer des lésions spécifiques lorsqu’une poly-
L’abréviation anglaise POEMS – polyneuropathy, organome- neuropathie survient dans un contexte hématologique, afin de
galy, endocrinopathy, monoclonal protein, skin changes, signifie discuter le plus rapidement possible des options thérapeutiques.
« polyneuropathie, organomégalie, endocrinopathie, protéine L’incidence de ces lésions est possiblement sous-estimée dans la
monoclonale et modifications cutanées ». Cette maladie sys- mesure où le recours à la biopsie nerveuse n’est pas si fréquent
témique hématologique est dans la plupart des cas liée à un dans le contexte d’une maladie hématologique.
myélome condensant, dans quelques cas à une maladie de Cas-
telman. Elle est presque exclusivement liée à la présence dans
le sérum d’une gammapathie monoclonale avec chaîne légère Résultats : neuropathies héréditaires
lambda, dont des remaniements particuliers donnent lieu à une
sécrétion en excès de vascular endothelial growth factor (VEGF).
Maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT)
Le tableau clinique neurologique est généralement celui d’une On distingue des formes de transmission dominante, réces-
neuropathie sensitivomotrice plutôt distale avec perte axonale le sive et liées à l’X. Dans de nombreux cas, le diagnostic est aisé
plus souvent marquée d’emblée aux membres inférieurs, et pré- pour peu que le phénotype soit celui d’une neuropathie distale,
sence aux membres supérieurs d’anomalies neurophysiologiques amyotrophiante, associée à des pieds creux et à une histoire fami-
évoquant une neuropathie démyélinisante. C’est pourquoi le syn- liale. Néanmoins, ces neuropathies sont de diagnostic difficile s’il
drome POEMS est fréquemment pris au départ pour une PIDC [37] . s’agit d’un cas isolé ou sporadique. La classification historique de
Lorsque le diagnostic est évoqué, des critères diagnostiques per- la maladie de CMT est fondée sur les mesures de la vitesse de
mettent de le confirmer le plus souvent sans recours à la biopsie conduction motrice du nerf médian : une vitesse de moins de
nerveuse [38] . Néanmoins, devant un tableau clinique incomplet 38 m/s est en faveur du type démyélinisant (CMT1) et plus de
ou non reconnu, la biopsie nerveuse peut être très utile. Les 38 m/s en faveur du type axonal (CMT2). On décrit également
études immunocytochimiques spécifiques des fibres myélinisées un type dite intermédiaire avec vitesse de conduction entre 30
et de l’endonèvre sont négatives, la maladie n’étant pas liée à et 40 m/s. L’analyse en génétique moléculaire d’une maladie de
des dépôts de l’immunoglobuline monoclonale ou de sa chaîne CMT est actuellement la première option diagnostique. Après éli-
légère. Un marquage des vaisseaux peut montrer une proliféra- mination de la forme la plus fréquente liée à une duplication de la
tion vasculaire anormale en lien avec la sécrétion de VEGF [39] . PMP22 par les méthodes classiques, le séquençage par la méthode
L’examen en microscopie électronique objective des anomalies Sanger est peu à peu remplacé par les méthodes modernes de
très particulières de la compaction myélinique qui sont caracté- séquençage à haut débit. En cas de forme sporadique, si un diag-
ristiques de cette maladie et peuvent être visibles dans 1 à 7 % nostic de neuropathie héréditaire est suspecté mais incertain, une
des fibres myélinisées dans 80 % des cas de POEMS [40] . Ces ano- biopsie nerveuse est parfois réalisée ; dans cet article sont décrites
malies myéliniques correspondent à une non-compaction d’une des caractéristiques microscopiques qui peuvent orienter vers la
portion du mésaxone et sont visibles sur une partie de la circonfé- recherche d’une mutation d’un gène spécifique.
rence de l’axone ou sur toute sa circonférence souvent au niveau La réalisation d’une biopsie nerveuse restant l’exception dans
de trois ou quatre lamelles consécutives (Fig. 10). Elles sont mor- la démarche diagnostique des neuropathies héréditaires, nous ne
phologiquement différentes des aspects de lamelles myéliniques détaillons pas les différents types lésionnels rencontrés dans ces

8 EMC - Neurologie
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Biopsie du nerf périphérique  17-030-E-10

Tableau 2.
Corrélations entre le génotype et les particularités histologiques dans certaines neuropathies héréditaires de type CMT (maladie de Charcot-Marie-Tooth).
Gène Dénomination Anomalies histologiques
PMP22 (duplication ou mutation) CMT1A Bulbes d’oignons
CMT1E
DSS
Délétion PMP22 HNPP Tomacula
Mutation MPZ CMT1B Myéline mal compactée, hypermyélinisation
Bulbes d’oignons
Mutations EGR2 (Krox20) CMT1D Démyélinisation sévère ou absence de myéline
NHC
Mutations CX32 CMTX Nombreux bouquets de régénération (clusters)
Mutations MTMR2, MTMR13, FDG4 (Frabin) CMT4B (1 et 2) Hypermyélinisation (interne et externe)
CMT4H
Mutations SH3TC2 (KIAA1985) CMT4C Prolifération des membranes basales (bulbes d’oignon)
Atteinte des fibres amyéliniques
Mutations INF2 Prolifération de filaments d’actine
Atteinte des fibres amyéliniques
Mutations NDRG1 CMT4D Dépôts ad axonaux
Mutations PRX CMT4F Anomalies des boucles paranodales
Dysjonction des bandes de Cajal
Mutations NEFL CMT2E Axones géants
CMT1F
Mutations MFN2 et GDAP1 CMT2A Anomalies mitochondriales
CMT4A
Mutations LMNA (Lamine) AR-CMT2A Raréfaction sévère des fibres myélinisées sans signe de régénération
Mutations CNTNAP1 NHC Dysruption des jonctions axogliales (région paranodale)

DSS : syndrome de Déjerine-Sottas ; HNPP : neuropathie héréditaire avec hypersensibilité à la pression ; NHC : neuropathie héréditaire congénitale.

neuropathies mais le lecteur peut se référer à quelques articles de existe un immunomarquage spécifique de la TTR au niveau des
référence sur le sujet. Le Tableau 2 résume les caractéristiques neu- dépôts amyloïdes [44] .
ropathologiques permettant d’orienter le diagnostic génétique
dans certains cas de maladie de CMT [5] . Neuropathie à axones géants
Cette neuropathie héréditaire récessive est exceptionnellement
rencontrée en France, elle concerne plutôt des populations venant
Neuropathies congénitales
des régions méditerranéennes. Le phénotype clinique associe
Les niveaux lésionnels responsables d’une hypotonie néona- une polyneuropathie axonale sévère à des cheveux bouclés et
tale sont variés : système nerveux central, corne antérieure, nerf des atteintes du système nerveux central. D’autres phénotypes
périphérique, jonction neuromusculaire et muscle. À cet âge, les atypiques ont été décrits comme pouvant ressembler à une mala-
neuropathies périphériques ne sont pas toujours reconnues. Un die de CMT ou une paraplégie spastique [45] . Des mutations
nombre significatif de cas a été rapporté avant l’ère de la biolo- du gène de la gigagoxine sont responsables de cette neuropa-
gie moléculaire et, depuis, les mutations concernant des gènes thie. La biopsie nerveuse qui peut révéler l’affection objective
variés ont été rapportés : EGR2, PMP22, P0, MTMR2 et MTMR13 [41] . une raréfaction axonale associée à des dilatations segmentaires
Une absence totale de fibres myélinisées (neuropathie congénitale de certains axones myélinisés ou non, du fait d’une intense
amyélinisante) est très rarement observée et pourrait constituer prolifération des neurofilaments. Ces aspects sont identiques à
une entité à part. ceux qui ont été décrits au cours des neuropathies induites par
l’hexane.
Autres neuropathies héréditaires Dystrophie neuroaxonale infantile et juvénile (maladie
Neuropathie héréditaire sensitive et autonome de Seitelberger)
Habituellement, ce diagnostic est suspecté à partir des données Cette maladie survient chez l’enfant jeune et est exceptionnelle.
cliniques et génétiques et la biopsie nerveuse n’est pas néces- Elle se manifeste surtout par des signes d’atteinte du système ner-
saire. Elle montrerait une raréfaction non seulement des fibres veux central mais les nerfs périphériques sont très souvent atteints
myélinisées mais également une atteinte très sévère des fibres de façon plus ou moins latente. La biopsie permet de mettre en
amyéliniques. évidence des lésions caractéristiques qui sont également celles
observées au niveau du système nerveux central, correspondant
Neuropathie amyloïde familiale à une prolifération anarchique de vésicules et de tubules de 20 à
Cette polyneuropathie sévère est le plus souvent en rapport 40 nm de diamètre.
avec une mutation du gène de la transthyrétine (TTR) dont le
diagnostic est fait par l’analyse en biologie moléculaire. Il ne faut Maladies de surcharge
donc pas réaliser de biopsie nerveuse si le diagnostic est suspecté, Dans quelques cas, la neuropathie périphérique peut être révé-
sans avoir réalisé au préalable l’analyse génétique. Néanmoins, latrice de la neurolipidose. Cependant, le plus souvent, ce sont
il n’est pas rare que l’amylose soit découverte fortuitement sur les signes d’atteinte du système nerveux central qui sont au pre-
une biopsie réalisée pour une neuropathie apparemment idiopa- mier plan et qui peuvent masquer l’atteinte périphérique détectée
thique pouvant même parfois, sur le plan électrophysiologique, simplement par une étude électrophysiologique systématique.
se présenter comme une atteinte démyélinisante résistant aux En l’absence de données cliniques ou de l’apport des examens
traitements habituels des polyradiculonévrites inflammatoires complémentaires, l’examen en microscopie du nerf peut être
démyélinisantes chroniques [42, 43] . Les aspects en microscopie déterminant pour le diagnostic. Le gène muté est souvent connu,
optique et électronique sont identiques à ceux qui ont été décrits ce qui permet une confirmation diagnostique par la biologie molé-
précédemment dans le cadre de l’amylose AL, hormis le fait qu’il culaire.

EMC - Neurologie 9
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17-030-E-10  Biopsie du nerf périphérique

Sphingolipidoses plus grand compte des constatations cliniques et électrophysiolo-


Leucodystrophie métachromatique. Les inclusions sont giques ainsi que d’autres examens complémentaires. Dans tous les
souvent vues sur les coupes semi-fines en microscopie optique. cas, l’indication de la biopsie nerveuse repose sur une discussion
En microscopie électronique, il s’agit d’inclusions lipidiques de au cas par cas. Bien que les techniques biopsiques et de fixation
structure particulière et caractéristique en lamelles et prismes. des prélèvements puissent être réalisées n’importe où, à la condi-
Maladie de Krabbe. L’examen ultrastructural révèle des struc- tion que ces techniques soient réalisées parfaitement, les examens
tures prismatiques et allongées dans les cytoplasmes schwanniens microscopiques et leur interprétation ne peuvent être pratiqués
et les macrophages. que dans des laboratoires très spécialisés.
Maladie de Fabry. En ultrastructure, la surcharge est caracté-
risée par des inclusions concentriques lamellaires de forte densité
dans les cellules de Schwann, les cellules périneurales et les cellules Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
endothéliales. d’intérêts en relation avec cet article.
Maladie de Niemann-Pick. Les inclusions, entourées par les
membranes, contiennent des lamelles parallèles espacées de 4,4 à
6 nm dans les cellules de Schwann et les macrophages.
Maladie de Gaucher. L’atteinte du nerf périphérique qui peut
 Références
être silencieuse cliniquement a été démontrée dans les formes [1] Mathis S, Magy L, Le Masson G, Richard L, Soulages A, Solé G, et al.
infantiles. Les inclusions sont amorphes, d’apparence irrégulière, Value of nerve biopsy in the management of peripheral neuropathies.
et se trouvent également dans les cellules de Schwann et les his- Expert Rev Neurother 2018;18:589–602.
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Adrénoleucodystrophie et adrénomyéloneuropathie. Les [3] Weis J, Brandner S, Lammens M, Sommer C, Vallat J-M. Proces-
inclusions typiques, dans les cellules de Schwann et parfois dans sing of nerve biopsies: a practical guide for neuropathologists. Clin
les macrophages, sont identiques à celles observées au niveau du Neuropathol 2012;31:7–23.
cortex surrénal. Elles sont peu nombreuses et souvent difficiles à [4] King R, Ginsberg L. The nerve biopsy: indications, technical aspects,
trouver en microscopie électronique. Il s’agit de structures trila- and contribution. Handb Clin Neurol 2013;115:155–70.
mellaires séparées par des espaces d’environ 1 à 5 nm. [5] Duchesne M, Mathis S, Richard L, Magdelaine C, Corcia P, Nouioua
Neurolipidoses moins fréquentes. Il s’agit de maladies S, et al. Nerve biopsy is still useful in some inherited neuropathies. J
exceptionnelles comme les céroïde-lipofuschinoses caractérisées Neuropathol Exp Neurol 2018;77:88–99.
par la présence de structures lamellaires le plus souvent curvi- [6] Gabriel CM, Howard R, Kinsella N, Lucas S, McColl I, Saldanha G,
lignes. Dans la maladie de Tangier, il y a d’assez nombreuses et al. Prospective study of the usefulness of sural nerve biopsy. J Neurol
vacuoles claires dans les cytoplasmes schwanniens. Dans les Neurosurg Psychiatry 2000;69:442–6.
muco-poly-saccaridoses, les lésions des cellules de Schwann sont [7] Collins MP, Mendell JR, Periquet MI, Sahenk Z, Amato AA, Gronseth
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de la biologie moléculaire. Les examens en microscopie électro- 2007;78:1271–2.
nique de routine et immunocytochimiques peuvent contribuer [12] Uro-Soste E, Fernandez C, Authier F-J, Bassez G, Butori C, Chapon
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J.-M. Vallat, Professeur des Universités, praticien hospitalier (Jean-michel.vallat@unilim.fr).


Service de neurologie, Centre national de référence « Neuropathies périphériques rares », CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges
cedex, France.
M. Duchesne, Assistante hospitalo-universitaire.
Service de neurologie, Centre national de référence « Neuropathies périphériques rares », CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges
cedex, France.
Service d’anatomie pathologique, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France.
L. Magy, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de neurologie, Centre national de référence « Neuropathies périphériques rares », CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges
cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Vallat JM, Duchesne M, Magy L. Biopsie du nerf périphérique. EMC - Neurologie 2020;43(3):1-11
[Article 17-030-E-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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EMC - Neurologie 11
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 17-045-A-60

Aspects médicolégaux et médicosociaux


de l’épilepsie
M. Lemesle Martin, J. Mata-Peñuela, I. François-Purssell

Résumé : Cet article expose les principales situations médicolégales que peut rencontrer un patient
épileptique dans ses actes de la vie quotidienne en France ainsi que ses responsabilités. Les conditions
de scolarisation, d’aptitude au travail, d’aptitude à la conduite automobile, d’aptitude à la pratique des
sports, etc. d’une personne épileptique sont abordées. Différents points médicojuridiques tels que le secret
médical, l’information du patient épileptique sur sa maladie et ses risques, les certificats médicaux, les
contrats d’assurance et leurs dispositions sont discutés.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Épilepsie ; Loi et épilepsie ; Travail et épilepsie ; Conduite automobile et épilepsie ;


Scolarité et épilepsie

Plan ■ Loisirs et sports 9


Sports 9
■ Introduction 1 Vacances et voyages 10
■ Scolarisation des épileptiques 10
■ Épilepsies 1
Définition et classification 1 Projet personnalisé de scolarisation (PPS) 10
Évolution de l’épilepsie 2 Autres plans de scolarisation 10
Gravité de l’épilepsie 2 ■ Conclusion générale 11
Épilepsie et handicap 2
Invalidité 2
Retraite anticipée pour inaptitude médicale 2
■ Épilepsie et travail 3  Introduction
Généralités 3
Notion de risque 3 La maladie épileptique, du fait de la variabilité de ses formes, son
Notion de danger 3 caractère imprévisible, pose des problèmes spécifiques en matière
Notion d’aptitude 3 médicolégale. Nous entendons par médicolégales les situations
Épilepsie maladie professionnelle 3 qui mêlent aspects médicaux et juridiques : secret médical, certi-
Épilepsie et accident du travail 4 ficats médicaux, contrats d’assurance, aptitude au travail ou aux
Réparation de l’épilepsie « professionnelle » (accident de travail sports, mais aussi passages à l’acte pouvant conduire à commet-
ou maladie professionnelle) : détermination du taux d’incapacité tre des infractions (et donc question du discernement), risque de
permanente 4 mort subite pouvant rendre le décès suspect, etc.
Aptitude au poste de travail : rôle du médecin du travail 4 Nous parcourons ici divers aspects et, pour chacun, nous
Responsabilités 4 exposons les principes généraux et les modalités particulières à
Conclusion : épilepsie et travail 5 l’épilepsie.
■ Épilepsie et permis de conduire 5 Il est nécessaire de préciser que lorsque nous parlons ici
d’épilepsie, cela englobe toutes les formes de la maladie, ce qui
■ Relation entre le patient épileptique et ses médecins 6 est nécessairement réducteur.
Secret médical 6
Certificats médicaux 7
Informations éclairées et droits du patient 7
■ Responsabilité pénale de la personne épileptique 8
 Épilepsies
Conduite délictueuse ou criminelle 8
Risques de blessures des enfants par les mères épileptiques 8
Définition et classification
Jurisprudence 8 Les épilepsies sont des maladies cérébrales chroniques qui
■ Épilepsie, vie quotidienne et interaction sociale 9 touchent environ 1 % de la population française. Elles débutent
Précautions à domicile 9 le plus souvent dans l’enfance et après 60 ans mais la préva-
Mariage 9 lence cumulée augmente avec l’âge. Elles constituent la première
Assurances 9 cause non traumatique de handicap acquis du sujet jeune. Leurs

EMC - Neurologie 1
Volume 43 > n◦ 3 > juillet 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(20)42781-2
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17-045-A-60  Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie

présentations cliniques sont hétérogènes, les étiologies sont


variables mais le point commun est l’existence de crises épilep-
Épilepsie et handicap
tiques qui constituent la principale manifestation éventuellement La loi du 11 février 2005 précise que « constitue un handicap
accompagnée d’autres troubles associés. Les définitions de toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie
l’épilepsie ont évolué depuis 1981 et maintenant le diagnos- en société subie dans son environnement par une personne en
tic d’épilepsie peut être posé dès l’apparition de la première raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une
crise épileptique si le risque de récidive épileptique est supé- ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cogni-
rieur à 60 % dans l’année qui suit. Cette nouvelle définition tives ou psychiques, à cause d’un polyhandicap ou d’un trouble
prend en compte des facteurs de risque associés, tels que de santé invalidant » [5] .
l’existence d’une lésion cérébrale à l’imagerie, la présence d’un Si pour deux tiers des sujets épileptiques l’épilepsie est phar-
examen neurologique anormal, des anomalies paroxystiques sur macosensible et entraîne peu de conséquences au quotidien, 25
l’électroencéphalogramme [1] . La dernière classification des crises à 35 % suivant les auteurs gardent une épilepsie phamacorésis-
se veut plus opérationnelle et prenant en compte l’ensemble des tante avec au moins une crise par an sous traitement bien adapté
facteurs impactant la vie quotidienne des patients : le type de crise à leur épilepsie. La difficulté de ces patients épileptiques est de faire
épileptique (focal, généralisé ou inconnu), l’étiologie de l’épilepsie reconnaître ce handicap alors que la crise épileptique, survenant
(structurelle, génétique, infectieuse, métabolique, inflammatoire transitoirement, ne va durer que quelques secondes à quelques
ou inconnue), les comorbidités associées (déficit neurologique, minutes avec une fréquence variable d’un patient à l’autre (chaque
troubles cognitifs, troubles psychiatriques, etc.). jour, chaque semaine, chaque mois ou chaque an). De plus, le
Elle permet d’identifier certains syndromes épileptiques spéci- caractère imprévisible de ces crises oblige le patient à être en
fiques et aide à la prise en charge thérapeutique et l’établissement permanence en alerte face à ce risque de survenue de crise et
du pronostic fonctionnel de la maladie [2, 3] . Compte tenu de ses conséquences, empêchant certaines activités en fonction du
la multiplicité des épilepsies, cette identification diagnostique risque encouru (par exemple : la conduite automobile).
est un préalable indispensable pour adapter les prises en charge Le guide-barème établi en 2007, pour l’évaluation des défi-
médicosociales et médicolégales au besoin du patient. Les épi- ciences et incapacités des personnes handicapées, ne prend en
lepsies ayant des causes diverses, des pronostics différents, des compte que les crises épileptiques selon quatre niveaux de gravité
sensibilités aux traitements inconstantes, des retentissements psy- en fonction de leur retentissement scolaire ou professionnel [6] .
chologiques et psychiatriques variables, toute décision ne peut La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)
être qu’individuelle. a publié un guide d’appui pour l’élaboration de réponses aux
besoins des personnes présentant une épilepsie, pour aider les
professionnels des maisons départementales des personnes han-
Évolution de l’épilepsie dicapées (MDPH) dans leur mission d’évaluation des besoins de
compensation des personnes ayant une épilepsie. Dorénavant,
La maladie épileptique peut évoluer vers la guérison, en parti- cette évaluation doit prendre en compte, non seulement les don-
culier pour un certain nombre d’enfants. Pour d’autres, l’épilepsie nées relatives aux crises et leurs conséquences immédiates et
se poursuit à l’âge adulte de façon plus ou moins active. Cer- post-critiques, mais aussi les données relatives aux déficiences
taines formes d’épilepsies focales peuvent être opérées et certains associées, les données environnementales et les données fonction-
patients sont ainsi guéris. La reconnaissance du cadre syndro- nelles. Cette approche globale prend en considération toutes les
mique dans lequel évolue l’épilepsie est donc essentielle pour répercussions liées à des déficiences dans la vie de la personne
mieux définir son pronostic évolutif potentiel et adapter la prise concernée, qu’il s’agisse ou non de l’épilepsie, pour la détermina-
en charge thérapeutique et médicosociale aux besoins du patient. tion du taux d’incapacité [7] .

Gravité de l’épilepsie Invalidité


La classification des épilepsies et la reconnaissance des syn- L’invalidité est une notion de Sécurité sociale qui concerne tout
dromes épileptiques vont aider le praticien à déterminer la gravité salarié ayant des droits ouverts. Lorsque l’épilepsie justifie la pres-
de l’épilepsie et les risques encourus en lien avec les récidives de cription d’un arrêt de travail dans le cadre de l’Assurance maladie
crises épileptiques. (épilepsie non prise en charge par l’assurance accident de travail
Les épilepsies les plus sévères sont dites « pharmacorésistantes » ou maladie professionnelle), l’assuré peut bénéficier du versement
et touchent 25 à 35 % des patients épileptiques suivant les auteurs. d’indemnités journalières pendant une période de 360 jours, voire
Parmi ces patients, il existe une grande hétérogénéité de situa- de trois ans, mais uniquement en cas « d’épilepsie grave » (ALD
tions. Certains d’entre eux ne souffrent que de leurs crises sans 9). Au terme de ces délais, la reprise peut se faire, en cas de besoin,
troubles associés mais avec une fréquence de crises qui limite les dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique, sur prescription du
principaux actes de la vie quotidienne. D’autres ont des troubles médecin traitant, en accord avec le praticien conseil, l’employeur
associés inconstants, en lien avec les crises ou la maladie causale. et le médecin du travail. Si le praticien conseil juge que l’état de
Parfois ce sont les traitements anti-épileptiques qui sont respon- santé entraîne une incapacité de 66,66 % et que la reprise de son
sables de ces troubles intermittents. Enfin, certains patients ont travail est impossible, l’assuré peut alors bénéficier d’une pen-
une déficience permanente qui associée à l’épilepsie impacte la sion d’invalidité de première catégorie (C1), cumulable avec le
qualité de vie. salaire d’un travail à temps partiel, avec les allocations de chô-
Les critères de gravité des épilepsies sont résumés dans le guide : mage, ou avec une allocation adulte handicapé différentielle (sous
Affection de longue durée de la Haute Autorité de santé (HAS) de condition de ressources). Pour une incapacité de 66,66 % et une
2007 [4] . incompatibilité avec tout emploi, l’assuré peut alors bénéficier
L’exonération du ticket modérateur est accordée au titre de d’une pension d’invalidité de deuxième catégorie (C2), cumulable
l’ALD 9 « Formes graves des affections neurologiques et muscu- uniquement avec une allocation adulte handicapé différentielle
laires (dont myopathie), épilepsie grave ». L’épilepsie, qui s’intègre (sous condition de ressources).
dans le contexte d’une pathologie à l’origine de déficits neurolo- Si le salarié retrouve un emploi auquel il est déclaré apte par
giques ou neuropsychologiques permanents, est concernée avec le médecin du travail, cela suspend le versement de sa pension
exonération initiale de cinq ans, renouvelable. L’épilepsie non d’invalidité.
associée à des déficits permanents, en présence d’au moins un des
critères de gravité suivants : fréquence des crises élevée ; nature des Retraite anticipée pour inaptitude médicale
crises (pouvant être à l’origine de chutes ou entraîner une rupture
du contact avec l’entourage, sévérité allant jusqu’à l’état de mal À 60 ans, lorsque l’épilepsie justifie l’attribution d’un sta-
épileptique), pharmacorésistance, est exonérée, initialement pour tut travailleur handicapé ou d’une pension d’invalidité Sécurité
deux ans, renouvelable. sociale ou lorsqu’elle génère, selon le médecin-conseil de la Caisse

2 EMC - Neurologie
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Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie  17-045-A-60

Figure 1. Schématisation du processus interactif permettant


d’évaluer le risque d’un patient épileptique au travail.

Danger Risque Exposition

Risque = danger x exposition


« Probabilité que le potentiel de nuisance
(élément qui provoque inconfort, gène, danger)
soit atteint dans les conditions d’utilisation et/ou d’exposition »

Prévention Protection
Réduire la probabilité de survenue Supprimer ou réduire les conséquences
d’un danger pour l’individu d’une exposition dangereuse

L’évaluation du risque est la résultante de la connaissance du danger


et de celle des expositions potentielles
Si l’un des deux paramètres est nul, le risque disparaît

régionale de Sécurité sociale, une incapacité de 50 %, le patient imposent à l’individu (astreintes) en termes de charges de travail
peut faire valoir des droits à une retraite anticipée pour inaptitude physique, sensoriel, mental et psychologique.
médicale à taux plein au prorata de son nombre de trimestres de La dangerosité de la crise épileptique est liée au risque d’accident
cotisation. pour l’intéressé et/ou des tiers du fait d’une suspension temporaire
de l’état de conscience, d’une suspension temporaire de l’activité,
avec ou sans perte de conscience ou d’un risque de chute.
 Épilepsie et travail [8–16]

Notion d’aptitude
Généralités
Pour le médecin du travail, la détermination de l’aptitude est
En France, environ un individu sur 100 est épileptique. La plu- un acte médical qui suppose la confrontation d’un état de santé
part, en âge de travailler, exercent en milieu ordinaire. Hormis la un moment donné et son évolution prévisible avec les caracté-
gêne que peut susciter le regard d’autrui sur le fait d’être épilep- ristiques du poste de travail occupé par le salarié, et les risques
tique, la peur de perdre son emploi conduit un certain nombre inhérents et identifiés pour ce poste. Elle est assimilée à une pres-
d’entre eux à cacher sciemment cet antécédent en dépit des cription qui engage la responsabilité morale, civile et pénale du
risques encourus pour l’individu lui-même ainsi que pour autrui. médecin vis-à-vis du salarié, de ses ayants droit et de l’employeur.
La maladie épileptique peut impacter les capacités d’un individu L’avis d’aptitude formulé par le médecin du travail est lié à la date
à travailler en raison de plusieurs aspects : les crises épileptiques, de l’examen médical, et pour le poste occupé par le salarié au
les déficiences associées à la maladie épileptique, l’étiologie de moment de son examen.
l’épilepsie et/ou les retentissements de la maladie épileptique et Dans tous les cas, pour pouvoir bien statuer sur l’aptitude au
de ses traitements sur le comportement, la fatigue, l’attention et travail, il faut évaluer :
la concentration, la mémoire, la vigilance, etc. • le poste de travail et ses contraintes réglementaires, écono-
Pour aider le patient épileptique à trouver son chemin au sein miques, organisationnelles, techniques, environnementales et
du dédale des réglementations de la législation du travail, des relationnelles ;
consultations « épilepsies et travail » s’organisent mais sont encore • le degré de charge de travail physique, sensoriel, mental et psy-
peu accessibles. Un groupe de travail consacré à ce sujet a rédigé chologique ;
des fiches pratiques disponibles sur le site de la Ligue française • l’activité et le comportement du salarié dans son poste de tra-
contre l’épilepsie. Ces fiches apportent une aide aux profession- vail ;
nels de santé et de l’emploi pour accompagner leurs patients. • le milieu de travail, la tolérance du groupe à l’égard de la
maladie, les possibilités de premiers secours en intervention au
Notion de risque (Fig. 1) [16] regard des risques ;
• finalement, tous les éléments indispensables à l’identification
Le risque correspond à la probabilité pour que le potentiel de des risques et les mesures de prévention existantes.
nuisance soit atteint lors de conditions d’exposition.
La connaissance du processus interactif, entre la maladie (épi-
lepsie) chez un patient donné avec son état de santé et le milieu Épilepsie maladie professionnelle
du travail, va permettre, dans le temps, d’identifier et d’évaluer Au titre de l’article L.461.1 du Code de la Sécurité sociale, les
ce risque. C’est la base de la décision d’aptitude à une formation atteintes neurologiques centrales sous forme d’encéphalopathies
professionnelle, au travail, à un poste de travail, à une fonction, essentiellement aiguës et les mouvements désordonnés involon-
à l’exercice d’un métier, à l’accès et au maintien dans l’emploi. taires, sont reconnus en tant que maladie professionnelle.
L’employeur est toujours obligé d’évaluer le risque et le médecin Parmi les agents causants d’épilepsies secondaires pouvant faire
du travail doit l’identifier et le prévenir. l’objet d’une reconnaissance en tant que maladie professionnelle,
on trouve l’oxyde de carbone, les vapeurs métalliques, ainsi que
certaines atteintes infectieuses.
Notion de danger Tout médecin, quel que soit le mode d’exercice, qui évoque
Le danger est le potentiel de nuisance intrinsèque. Il s’inscrit l’existence d’un lien entre l’épilepsie et le travail a l’obligation de
dans un processus relationnel dynamique qui impose la connais- rédiger un certificat médical permettant à l’intéressé de faire une
sance, d’une part, de la maladie et du malade, et, d’autre part, demande de prise en charge au titre d’une maladie professionnelle
du travail, de ses contraintes et du degré de sollicitation qu’elles hors tableau auprès de sa Caisse primaire d’assurance maladie.

EMC - Neurologie 3
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17-045-A-60  Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie

La loi travail (El Khomri) a changé depuis le 1er janvier 2017.


Épilepsie et accident du travail Les salariés nouvellement embauchés ne passent plus de visite
Les données statistiques des publications disponibles sur le sujet médicale d’embauche mais une visite d’information et de préven-
peuvent être contradictoires en fonction des populations étudiées. tion organisée après l’embauche (dans les 3 mois). Le patient est
Pour des populations comparables, il n’est pas identifié de risque apte par défaut à tout (sauf métiers à surveillance individuelle
majoré (statistiquement significatif) d’accident du travail chez les renforcée). Les visites médicales périodiques sont plus espacées et
épileptiques. Néanmoins, en cas d’accident, ils ont plus souvent dépendent des conditions de travail propres à l’emploi du salarié
recours aux services d’urgences probablement pour prévenir le (délai maximal de 5 ans réduit à 3 ans en cas de handicap). La
risque de complication, en particulier une récidive épileptique [17] . visite médicale de reprise est obligatoire pour tout arrêt de plus de
Plusieurs arguments sont avancés pour expliquer cette constata- 30 jours. Il peut s’agir d’une visite de préreprise pour les arrêts de
tion. Le premier tient au fait que l’activité musculaire et cérébrale plus de trois mois. Par ailleurs cette visite médicale peut être faite
constituerait un antagoniste aux paroxysmes épileptiques (niveau à la demande du salarié ou de l’employeur.
d’attention, niveau de vigilance, fatigue, état psychique), tout se Le médecin du travail, sur la fiche de visite, peut formuler
passe comme si le cerveau trop occupé n’avait pas l’énergie néces- plusieurs types d’avis allant de la formulation « apte » à celle
saire pour « déclencher » une crise ; le maintien d’une activité d’« inapte ». Sur la formulation « apte » le médecin du travail
physique et/ou psychique aurait donc un « effet anticonvulsi- peut inclure des commentaires sur l’aptitude : restrictions, recom-
vant ». Le second tient à la faible fréquence des crises du fait de mandations, réserves d’aménagement ou interdictions de tâches,
l’efficacité du traitement, de la possibilité de rémission, voire de horaires, etc.
guérison, en fonction de l’âge. Le troisième serait la conséquence D’autre part son avis d’aptitude peut être contesté par l’intéressé
de la mise en œuvre d’un mécanisme de sauvegarde, sauvegarde ou son employeur et dans ce cas, le litige est réglé par l’Inspection
de sa vie et de son emploi, l’individu « ne s’autorisant pas à avoir du travail.
de crise sur les lieux de son travail » pour ne pas attirer l’attention. En matière d’épilepsie son avis peut avoir pour effets :
Enfin, force est de constater que la plupart des crises motrices • l’impossibilité d’accès ou de maintien à un poste de travail
surviendraient essentiellement pendant les pauses, les repas et la au cas où ce dernier serait susceptible de mettre en jeu la vie
nuit. du salarié ou des autres salariés (travail en hauteur, travail sur
Concernant les accidents de trajets, ils sont redoutés par les machines dangereuses, poste de sécurité, conduite de véhicules
employeurs et le médecin du travail. Sans données précises sur ou d’engins) ;
les accidents de trajet, les études portant sur les accidents de cir- • la possibilité d’accès ou le maintien au poste de travail sous
culation des patients épileptiques conducteurs ne mettent pas en réserve d’aménagements de ce dernier, aménagements des
évidence de risque accru chez un patient épileptique par rapport conditions de travail, aménagements matériels, aide technique,
à la population générale s’il n’est pas soumis à d’autres comorbi- etc. Dans ce cas le rôle du Service d’appui au maintien dans
dités (alcool, drogues, etc.) [18] . Les règles d’aptitude au permis de l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) est alors impor-
conduire doivent être respectées (cf. infra) et cela constitue un vrai tant.
handicap pour certains patients qui ne répondent pas aux critères
leur permettant d’obtenir l’aptitude médicale requise.
Responsabilités (Fig. 2) [16]
Responsabilités de l’employeur
Réparation de l’épilepsie « professionnelle » L’employeur a une obligation de résultats pour assurer la pré-
(accident de travail ou maladie servation de l’état de santé des salariés du fait de leur travail et
professionnelle) : détermination du taux garantir leur sécurité.
Cette obligation impose le recours à l’avis du médecin du travail
d’incapacité permanente pour ce qui est de la santé depuis la loi du 11 octobre 1946 (loi
L’épilepsie conséquence d’un accident du travail ou d’une fondatrice de la médecine du travail), et à l’avis des intervenants
maladie professionnelle peut générer, après consolidation selon en prévention des risques professionnels (IPRP) pour ce qui est
l’article L.341-1 du Code de Sécurité sociale, la reconnaissance de la sécurité. L’employeur a l’obligation de s’assurer auprès de la
d’un taux médical d’incapacité permanente. Ce taux médical qui Sécurité sociale d’informer et de former ses salariés sur les dangers
conditionne la réparation est fonction du type d’épilepsie et de et les risques inhérents à leurs activités professionnelles, dangers
son retentissement professionnel. Les taux d’incapacité sont esti- et risques devant être colligés dans le « document unique ».
més selon la fréquence et la gravité des crises, les effets secondaires La responsabilité de l’employeur peut être engagée :
des traitements et les déficiences mentales pouvant en résulter. • dans le cadre d’une procédure civile pour réparation de pré-
Le taux médical d’incapacité permanente peut être majoré par judices (dommages et intérêts) causés à un salarié en cas
l’attribution d’un taux professionnel (ou coefficient profession- d’accident ou de maladie professionnelle dans le cadre d’une
nel). faute inexcusable pour défaut d’information et de formation,
négligence, inobservation des règlements, imprudence, inat-
tention, etc. ;
Aptitude au poste de travail : rôle • dans le cadre d’une procédure pénale avec un risque d’amende
et/ou de peine d’emprisonnement notamment pour coups et
du médecin du travail blessures involontaires, voire homicide involontaire (mise en
En dehors des incompatibilités réglementaires il n’y a pas de danger d’autrui).
règle, mais un principe : chaque épileptique est un cas particulier
et l’épilepsie qui peut constituer un handicap ne doit être consi- Responsabilité du médecin du travail
dérée a priori : ni comme un obstacle à l’emploi, ni comme une Le médecin du travail a une obligation de résultats : obliga-
cause d’inaptitude, ni comme une cause d’incapacité, ni comme tion d’information et preuve de l’information sur l’existence d’un
une cause d’invalidité. danger ou d’un risque aussi bien vis-à-vis de l’employeur que du
Dès lors qu’un patient épileptique est confronté à un handicap, salarié dans le cadre du respect le plus strict du secret profession-
en lien avec sa pathologie, il est de son intérêt de faire reconnaître nel. Le médecin du travail est seul habilité à décider si le salarié
ce handicap auprès de la Commission des droits et de l’autonomie est médicalement apte au poste de travail défini par l’employeur.
des personnes handicapées (CDAPH) et de faire une demande Les avis spécialisés ne concernent que l’existence d’une incom-
de Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) patibilité réglementaire. Le droit du travail ignore les avis du
auprès de la MDPH, ce qui lui permet, avec le médecin du travail, médecin-conseil. L’invalidité n’est pas une inaptitude. Dans le
d’étudier les possibilités d’aménagement de poste et de respect des doute (absence de connaissance des conditions de travail, absence
précautions éventuelles à mettre en œuvre, pour la tenue de son d’information sur la santé de l’intéressé) la fiche concluant la visite
poste de travail. médicale doit faire état d’une « aptitude impossible à déterminer ».

4 EMC - Neurologie
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Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie  17-045-A-60

Figure 2. Les différents types de responsabilités


Dommage AT/MP Faute
et de réparations en cas d’accident du travail (AT)
Lésion Travail inadapté, dangereux,
ou de maladie professionnelle (MP). IPP : invali-
Préjudice(s) mal conçu
dité permanente partielle.
Perte de chance Relation de causalité Aptitude inappropriée

Principes de présomption d’origine, de la preuve, de précaution, de plausibilité, de prévention,


de mise en danger d’autrui... de l’obligation de moyens à l’obligation de résultats... le risque 0 !?

Responsabilité
Collective Contractuelle Délictuelle Individuelle

Civile
Sociale Négligence Pénale
Faute inexcusable Inattention Coups et blessures
Faute intentionnelle Inobservation des règlements involontaires/volontaires
Inconscience Mise en danger d’autrui
Ignorance

Réparation

Sociale Civile
Pénale
Forfaitaire (IPP) Tous préjudices
Tous préjudices
Préjudice patrimonial (patrimoniaux et extrapatrimoniaux :
Amendes, prison
« théorique » pretium doloris,
Pas d'assurance
Assurance obligatoire préjudice d’agrément, esthétique)
Assurance personnelle

La responsabilité du médecin du travail, qui est d’abord morale consacre « au moins 150 demi-journées par an à ses activités effec-
et éthique (non écrite), peut être engagée dans le cadre d’une tives en milieu de travail » (nombre basé sur 10 demi-journées de
procédure pénale, civile, disciplinaire ou ordinale. travail échelonnées de façon mensuelle).
Les missions des magistrats du tribunal des affaires de Sécurité La formulation de l’aptitude met en cause la santé, la sécurité
sociale (TASS) et de la cour d’appel concernent la recherche d’une et l’emploi et engage l’avenir professionnel et parfois le devenir
faute inexcusable au motif que le médecin du travail aurait dû social du salarié. La décision d’aptitude pose un problème éthique
avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et que dans la mesure où elle peut, dans certains cas, porter atteinte aux
les mesures pour l’en préserver n’ont pas été prises. libertés individuelles et placer le médecin du travail à un carre-
La responsabilité pénale du médecin du travail peut être enga- four entre deux droits, quasiment considérés comme des droits
gée : de l’Homme : le droit à la santé et le droit au travail. La décision
• s’il a « créé ou contribué à créer la situation qui a permis la d’aptitude engage la responsabilité civile et pénale du médecin du
réalisation du dommage » ; travail.
• en cas de délivrance d’une aptitude médicale après une éva- Un épileptique traité et (re) connu est moins dangereux que
luation sommaire à un professionnel de la route soumis à un l’épileptique évincé de son travail et cherchant un autre emploi
traitement psychotrope ; en dissimulant sa maladie.
• en cas d’absence de précaution permettant d’éviter le risque, en
cas de violation du secret professionnel.
La responsabilité civile du médecin du travail peut être engagée  Épilepsie et permis
pour faute technique ou faute contre l’humanisme.
de conduire [19–22]

Responsabilité du médecin traitant « Les crises d’épilepsie ou autres perturbations brutales de l’état
et des médecins spécialistes de conscience constituent un danger grave pour la sécurité rou-
Le médecin traitant ou le médecin spécialiste ne doivent fournir tière lorsqu’elles surviennent lors de la conduite d’un véhicule à
aucune information médicale au médecin du travail sans l’accord moteur ». L’arrêté du 18 décembre 2015 remplace l’arrêté de 2010
préalable obligatoire de l’intéressé. Ils ont par ailleurs une obli- modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 et définit différentes situa-
gation de résultat d’informer son patient des conséquences de tions en tenant compte de la diversité des syndromes épileptiques
l’utilisation des documents qu’ils lui remettent en fonction de dans la décision d’aptitude à la conduite. Le délai sans crise requis
leur destinataire, en particulier lorsque ce dernier est le médecin varie en fonction du risque éventuel de récidive de crises et du type
du travail. de véhicule conduit. La règle générale pour les véhicules légers est
d’autoriser la conduite automobile après un an sans crise. Pour les
véhicules dits « lourds » (incluant les transports de personnes et
Conclusion : épilepsie et travail auto-écoles), la reconnaissance d’une épilepsie exclut ces profes-
La formulation de l’aptitude reste bien le pivot de l’activité sions et impose un délai de dix ans sans crise et sans traitement
du médecin du travail et repose avant tout sur la connaissance avant de pouvoir reprendre ce type de métier.
du poste de travail et des conditions réelles de l’activité profes- Les jeunes épileptiques qui sollicitent, dès l’âge de 16 ans,
sionnelle justifiant ainsi les dispositions réglementaires de la loi l’apprentissage de la conduite accompagnée sont soumis à la
de modernisation sociale prévoyant que le médecin du travail même réglementation.

EMC - Neurologie 5
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17-045-A-60  Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie

“ Point fort “ Point fort


Épilepsie et travail Épilepsie et permis de conduire
• L’absentéisme « accident du travail » des épileptiques • Délais requis sans crise épileptique pour l’aptitude à la
n’est pas différent de celui de la population normale. conduite de véhicules légers.
• En dehors des incompatibilités réglementaires il n’y a • Examen médical périodique tant que le conducteur
pas de règle pour l’emploi d’un épileptique. n’est pas resté cinq ans sans crise.
• Obligation est faite à l’employeur et au médecin • Après cinq ans sans crise, la délivrance d’un permis de
d’identifier les dangers. conduire peut être envisagée sans limitation de durée de
• Obligation est faite à l’employeur d’évaluer le risque et validité.
au médecin de l’apprécier. • Crise d’épilepsie provoquée : apte au cas par cas, après
• Le médecin du travail a une obligation de résultats. avis du neurologue.
• La détermination de l’aptitude : • Première crise non provoquée ou crise unique : six mois
◦ est un acte médical réservé au médecin du travail qui sans crise (exceptions possibles).
engage sa responsabilité civile et pénale ; • Épilepsie déclarée : une année sans crise.
◦ repose sur la connaissance du poste de travail et des • Crises exclusivement durant le sommeil : plus d’un an
conditions réelles de l’activité professionnelle ; avec ce schéma exclusif de crises.
◦ met en cause la santé, la sécurité et l’emploi et engage • Crises sans effet sur la conscience ou la capacité
l’avenir professionnel et parfois le devenir social du d’action : plus d’un an avec ce schéma exclusif de crises.
salarié. • Modification ou arrêt du traitement anti-épileptique
• L’invalidité n’est pas une inaptitude. ordonné par un médecin : six mois.
• Le médecin traitant ne peut communiquer des informa- • Reprise d’un traitement efficace pour crise après arrêt de
tions au médecin du travail que dans le strict respect du traitement : trois mois.
secret médical.
• Tout médecin, quel que soit le mode d’exercice, qui
évoque l’existence d’un lien entre l’épilepsie et le travail
a l’obligation de rédiger un certificat médical. le patient que lui seul décide de la divulgation des informa-
tions concernant son état de santé. Le secret couvre tout ce qui
vient à la connaissance du médecin et de toute autre personne
amenée à intervenir dans les soins de la personne. Le partage
Certains véhicules tels les engins de chantier relèvent du Certifi- d’informations est possible entre médecins qui prennent part aux
cat d’aptitude à la conduite en sécurité (CACES) dont la validation soins du patient, sous réserve que celui-ci ne s’y oppose pas. Les
médicale annuelle est assurée par le médecin du travail. proches peuvent être informés, sauf opposition du patient, et
En pratique, la délivrance ou le maintien du permis de conduire l’information doit être celle qui leur est nécessaire pour aider et
sont décidés au sein de la commission médicale primaire organisée soutenir le patient.
par le préfet. L’avis du médecin traitant ou du neurologue traitant Après la mort du patient, le secret est supposé demeurer absolu.
peut être transmis par le patient au médecin agréé exerçant auprès Toutefois, le CSP prévoit que les ayants droit peuvent connaître
de la commission. Au vu de ces informations, celui-ci se prononce les causes de la mort « pour faire valoir des droits, connaître la
sur l’aptitude ou non du patient à conduire. Il engage sa responsa- cause du décès ou défendre la mémoire du défunt ».
bilité médicale lors de la formulation de cet avis qui est transmis au
conducteur par l’autorité préfectorale. Les médecins de la commis-
sion peuvent aussi recourir à des avis d’experts spécialistes agréés
Mineurs
pour l’examen des conducteurs. Si la décision aboutit à une inap- Les titulaires de l’autorité parentale reçoivent les informations
titude, le candidat peut faire appel de cette décision auprès de concernant l’état de santé du mineur. Ce dernier doit recevoir les
la commission départementale ou interdépartementale d’appel. informations qu’il est en mesure de comprendre, et prendre part
En cas d’inaptitude, si l’état de santé évolue de façon favorable autant que possible aux décisions le concernant.
et après un certain délai minimal recommandé, le patient peut
renouveler sa candidature. Majeurs protégés [23]

Dans tous les cas, la responsabilité du médecin traitant et du


spécialiste n’est pas dégagée par l’avis du médecin agréé qui donne En cas de tutelle, le tuteur peut être destinataire des infor-
un avis médical à un temps t. Le médecin traitant et le neurologue mations. Le majeur protégé reçoit les informations qu’il peut
doivent informer le patient sur les dangers auxquels il s’expose assimiler. Il donne son avis sur les soins et traitements proposés,
s’il continue de conduire malgré une épilepsie active et apporter et son opinion doit être prise en compte.
la preuve de l’avoir fait au cas où il y aurait un litige ultérieur.
[24]
Il est conseillé de consigner par écrit toutes les informations qui Personne de confiance
auront été délivrées au patient. Tenus au secret professionnel, ils Définie par l’article L.1111-6 du CSP, elle est désignée par le
ne peuvent en aucun cas signaler l’état du patient à la commission patient au moment de l’hospitalisation. La personne de confiance
médicale. En outre, le patient est tenu de déclarer l’évolution de a pour mission de rendre compte de la volonté de la personne.
son état de santé à la commission. La responsabilité du conducteur Cette personne est susceptible d’accompagner le patient lors des
peut être engagée s’il a négligé de mettre en œuvre les précautions consultations et donc de partager avec le patient des informations
médicales que lui a conseillées son médecin. à caractère confidentiel.

Cas particulier de l’épilepsie


 Relation entre le patient
L’épilepsie entraîne souvent des crises inopinées pouvant
épileptique et ses médecins mettre la personne en danger. La nécessité d’une attitude adéquate
vis-à-vis des règles d’hygiène de vie et de certaines précautions ou
Secret médical contraintes (horaires, etc.), amène à discuter de sa maladie avec
Défini par l’article L.1110-4 du Code de la santé publique (CSP), l’entourage, dans le cadre du travail ou de la vie scolaire. Cette
et l’article 226-13 du Code pénal, le secret est la garantie pour révélation implique un risque de stigmatisation, préjugés, voire

6 EMC - Neurologie
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Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie  17-045-A-60

attitudes de mise à l’écart ou de rejet, mais ces réactions sont les soins qu’il lui propose... » [25–28] . L’information donnée doit
démesurées par rapport à la réalité des risques. être la plus large possible (diagnostic, description de la maladie,
Si, en ce qui concerne le milieu de vie ou les collègues de tra- traitements, soins, risques, contre-indications, traitements médi-
vail, la plus grande liberté peut être laissée au patient en matière camenteux, etc.) de même que celle sur les risques encourus du
d’information, il n’en va pas de même en ce qui concerne les fait de la maladie [29] . Il doit adapter son information au patient
contrats d’assurances quels qu’ils soient (cf. infra). et veiller à sa compréhension par le patient et son entourage
La prise d’un traitement au long cours justifie, pour les enfants, et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution [25] . L’information
un projet d’accueil individualisé (PAI). Le texte réglementant les doit être dispensée au seul patient au cours d’un entretien indi-
PAI prévoit le respect du secret, tout en précisant que ce secret viduel sauf si ce dernier sollicite la présence « d’une personne de
ne doit pas empêcher de « déterminer avec l’équipe d’accueil les confiance ou d’un membre de la famille » [24] . Il est indispensable
mesures à prendre pour faciliter la bonne adaptation de l’enfant que le médecin conserve la preuve de l’information donnée, y
ou de l’adolescent » (cf. infra). La décision de révéler des infor- compris des efforts faits pour convaincre le patient de se soigner ou
mations couvertes par le secret médical à certains membres de la des dangers encourus. En cas de litige, la preuve de l’information
communauté d’accueil facilitant l’intégration de l’enfant, appar- incombe au médecin : « la preuve peut être rapportée par tous
tient à la famille. moyens » et notamment par « présomptions » au sens de l’article
La non-révélation d’informations adéquates peut constituer 1353 du Code civil [24, 29–33] . Les patients peuvent trouver un cer-
une prise de risque : risque accru d’accident ou de comportements tain nombre de fiches techniques sur leurs droits sur le site du
inadéquats en cas de crise, mais aussi risque de non-prise en charge ministère des Solidarités et de la Santé [34] .
des conséquences financières d’un accident par les assurances en
cas de choix de ne pas divulguer une inaptitude à une activité. Risque de mort soudaine inattendue
Le risque de mort soudaine inattendue est une complica-
Certificats médicaux tion dramatique de la maladie épileptique. Ce risque est actuelle-
ment de l’ordre de 1,2/1000 par an [35] . Ce risque prédomine chez
Le certificat médical est un acte médical, qui engage la respon-
les jeunes épileptiques, adultes, pharmacorésistants, présentant
sabilité du médecin qui le rédige.
des crises tonicocloniques généralisées avec un risque cumulatif
Tout certificat doit comporter : identités du rédacteur et du
avec les années [35, 36] . Aujourd’hui, il n’existe pas de mesure pré-
demandeur, date de rédaction (et date de l’examen si différente),
ventive spécifique face à ce risque. L’approche à adopter avec le
motif de la demande de certificat, signature du rédacteur.
patient et son entourage est délicate et doit être modulée de façon
Le contenu dépend du contexte de la demande. Il doit tou-
individuelle [37] , mais l’information est indispensable et souhaitée
jours être descriptif, précis, et ne jamais impliquer un tiers. Les
par la plupart des patients et leurs familles. Le réseau « Sentinelle
propos du patient, s’ils sont nécessaires, doivent être écrits entre
mortalité épilepsie » apporte aux médecins et aux patients et leur
guillemets.
entourage des informations et un soutien efficace [38] .
Il doit être remis en main propre à l’intéressé majeur et au titu-
laire de l’autorité parentale pour les mineurs. Pour les majeurs
protégés : si la protection est une curatelle, ou une sauvegarde de
État de mal épileptique convulsif généralisé
justice, le certificat est remis à l’intéressé. Si la personne est sous Cette urgence médicale peut aboutir au décès du patient en
tutelle, la loi prévoit (cf. infra) que la personne protégée doit être moyenne dans 20 % des cas [39] . La prise en charge thérapeutique
associée le plus possible et dans la mesure de ses compétences aux de l’état de mal épileptique est bien définie et a fait l’objet de
décisions la concernant. La remise du certificat est donc faite à mise à jour périodique pour être la plus précoce possible et inclure
l’intéressé ou à son tuteur. l’utilisation des nouvelles thérapeutiques disponibles [39–41] . Les
Pour l’aptitude au travail, seul le médecin du travail est habi- patients et leur entourage doivent être informés de cette complica-
lité à déterminer l’aptitude d’une personne à un emploi. Tout tion potentielle, des signes et de la nécessité d’une hospitalisation
autre document produit par le patient reviendrait à une décla- rapide.
ration par lui-même de son inaptitude avec un risque majeur de
licenciement. Le médecin qui traite une personne épileptique peut Effets secondaires des anti-épileptiques
remettre à cette dernière un certificat décrivant sa maladie, et c’est
La loi du 4 mars 2002 renforcée par la loi du 22 avril 2005
elle-même qui le remet au médecin du travail.
fait obligation au médecin d’informer les patients concernant
Le contenu du certificat est très délicat à définir : il dépend de
leur traitement ou leur incapacité médicale. Les conditions
la finalité. Un certificat dit de « coups et blessures » doit être très
d’utilisation des anti-épileptiques, les posologies, les précautions
précis. Une attestation de non-contre-indication à la pratique d’un
d’emploi, les principaux effets secondaires des molécules utili-
sport peut se limiter à quelques mots. Il faut toutefois vérifier les
sées doivent être précisés au patient de même que la possibilité
contre-indications au sport en question, et préciser le niveau de
d’interactions médicamenteuses lorsqu’elles sont connues. Par
pratique (loisir, compétition, problème du surclassement pour les
exemple, certains anti-épileptiques, en particulier les inducteurs
plus jeunes).
enzymatiques, interfèrent avec la contraception orale en dimi-
Dans le cadre de l’épilepsie, la difficulté pour un médecin est
nuant son effet. Si tel est le cas, il est essentiel d’en informer
parfois de refuser un certificat. C’est le cas, par exemple, lorsque
les patientes pour qu’elles puissent avoir recours aux moyens
la demande porte sur une aptitude à une activité non accessible
contraceptifs adaptés. En cas d’oubli d’information, ou de non-
et pour laquelle il demande une dérogation. La responsabilité du
information, la responsabilité du médecin pourrait être mise en
médecin pouvant être engagée, on ne peut que lui recommander
cause. Néanmoins le patient est libre de refuser les traitements,
la plus extrême prudence avant d’accorder ce type de certificat.
même au risque de sa vie.
Les certificats d’aptitude à la vie en collectivité (centres de
vacances) doivent également faire l’objet de réserves : selon la
forme et la gravité de la maladie épileptique du sujet, ce certificat
Épilepsie et grossesse
peut ou non être délivré, le critère étant le risque encouru par le Chaque année 5000 femmes épileptiques mènent une gros-
jeune. sesse en France. Une information préalable concernant les risques
Pour l’aptitude au travail, se référer au chapitre « Épilepsie et encourus pour cette grossesse et en particulier les risques térato-
travail » (cf. supra) gènes est indispensable. Des recommandations sont éditées pour
le suivi de ces grossesses considérées à risque [42–44] . Une femme
épileptique, à qui ces informations n’auraient pas été délivrées ou
Informations éclairées et droits du patient qui n’aurait pas eu les surveillances appropriées alors qu’elle serait
victime de complications au cours de sa grossesse avec conséquen-
Maladie épileptique ces sur son fœtus, pourrait impliquer le médecin qui n’aurait pas
Le médecin doit apporter à son patient une « information rempli son rôle de conseil et/ou de prévention. En particulier la
loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et prescription des spécialités à base de valproate de sodium chez les

EMC - Neurologie 7
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17-045-A-60  Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie

filles et femmes en âge d’avoir des enfants impose la rédaction porelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut
d’un formulaire annuel d’accord de soins par le médecin spécia- bénéficier d’une mesure de protection juridique... s’il n’en est dis-
liste et sa patiente (ou son représentant légal) et la remise d’une posé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de
brochure d’information et d’une carte patiente [45] . la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut
toutefois être limitée expressément à l’une de ces deux missions. »
Informations sur les liens épilepsie et génétique La protection des personnes est alors du ressort du juge des
tutelles, saisi par l’intéressé ou ses proches.
Au cours de ces dernières décennies, de nombreux gènes ont
La MAJ est indiquée dans les conditions suivantes (art. 495 du
été identifiés et certains sont susceptibles d’influencer le risque de
Code civil) : « Lorsque les mesures mises en œuvre en applica-
certains syndromes épileptiques [46] . En l’absence de réglementa-
tion des articles L.271-1 à L.271-5 du Code de l’action sociale et
tion propre à l’épilepsie, les recommandations sur les indications
des familles au profit d’une personne majeure n’ont pas permis
de tests génétiques s’appliquent [47] . Un consentement éclairé du
une gestion satisfaisante par celle-ci de ses prestations sociales et
patient est indispensable, ainsi que la préservation de l’intimité
que sa santé ou sa sécurité est compromise, le juge des tutelles
et de la confidentialité des informations génétiques.
peut ordonner une mesure d’accompagnement judiciaire desti-
née à rétablir l’autonomie de l’intéressé dans la gestion de ses
Droits du patient épileptique ressources ». En termes plus simples, la MAJ concerne la gestion
Les droits du patient épileptique ne sont pas spécifiques et sont des prestations sociales, la personne garde tous ses droits. La MAJ
décrits dans les droits usuels des patients. L’accès à son dossier est prononcée à la demande du procureur de la République et peut
médical est possible au même titre que tout patient, selon les concerner toute personne en difficulté.
modalités d’accès réservées au patient et à ses proches (fiche 11 La mesure de protection judiciaire peut concerner des personnes
parcours patient, article L1111-7 du CSP) [34, 47] . atteintes d’épilepsie avec des troubles cognitifs et/ou comporte-
Lorsque des renseignements administratifs d’un patient mentaux associés, ou ayant des formes graves de la maladie. Le
hospitalisé sont traités par informatique, celui-ci dispose, confor- médecin doit savoir si la personne qu’il soigne est un majeur pro-
mément à la loi, d’un droit d’accès et de rectifications pour tégé. Dans tous les cas, la personne soignée doit être informée
les informations nominatives. Le patient peut exercer son droit et son consentement recherché, ses refus respectés lorsqu’ils ne
pour accéder ou rectifier ces données en s’adressant au directeur mettent pas sa vie en danger.
de l’hôpital. La Commission nationale de l’informatique et des
libertés (CNIL) est l’organe officiel chargé de faire respecter cette
loi. La protection des données personnelles et les règles de libre  Responsabilité pénale
circulation de ces données ont été renforcées par le règlement
(UE) 2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril de la personne épileptique
2016 [48] . Conduite délictueuse ou criminelle [53]
Protocoles de recherche La question de l’abolition ou de l’altération du discernement
et du contrôle des actes par une personne qui commettrait une
L’ordonnance n◦ 2016-800 du 16 juin 2016 relative aux infraction (quelle qu’en soit la gravité) alors qu’elle se trouverait
recherches impliquant la personne humaine modifiant la loi la loi en période pré- ou post-critique immédiate mérite d’être posée.
du 9 août 2004 (n◦ 2004-806), complétée par le décret du 26 avril Cette question est maintenant anecdotique dans la réflexion sur
2006 (n◦ 2006-477) précise qu’aucun protocole ne peut être envi- la responsabilité pénale, mais reste une préoccupation clinique.
sagé sans l’information du sujet. Cette information doit porter Il en est ainsi pour certains gestes ou comportements déplacés
sur le protocole, ses objectifs, les contraintes, et les risques de (déshabillage en public, familiarités gestuelles d’hommes vis-à-vis
l’expérimentation. Elle doit être orale et relayée par un support de femmes, etc.) que certains de nos patients pourraient avoir en
écrit qui va être étudié par le Comité de protection des personnes période post-critique. En cas de poursuite judiciaire, l’expert doit
(CPP) et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). réunir les éléments de preuve que ces gestes ou comportements
Le promoteur doit contracter une assurance pour la protection délictueux s’intègrent dans la symptomatologie attendue de la
des patients en vue de leur participation à une étude clinique selon période post-critique des crises habituelles du patient pour argu-
la loi 1121-10 et conformément aux articles R1121-4 à R1121-9 menter la défense du patient.
modifiés du CSP. L’identification d’une psychose postictale explique le plus sou-
Pour les mineurs, l’information est donnée aux titulaires de vent les rares cas de violence épileptique [54] . En cas d’épilepsie, les
l’autorité parentale, et une information adaptée doit être donnée agressions surviennent dans 22,8 % des cas au cours d’une psy-
au mineur. Le refus de ce dernier doit toujours être respecté. chose postictale [53] et dans 7 % des cas en période interictale [55] .
La loi définit des personnes vulnérables vis-à-vis de la recherche. La violence en tant que manifestation épileptique en cours de
Aucune recherche n’est autorisée sur les sujets sous sauvegarde crise est exceptionnelle [56] . Un sujet épileptique peut réagir vio-
de justice. Les personnes sous curatelle sont supposées pouvoir lemment s’il se sent menacé, limité dans ses mouvements par son
consentir, mais de nombreux protocoles prévoient l’exclusion de entourage pendant la confusion post-critique. Il vaut mieux éviter
toute personne protégée, quel que soit le degré de protection. les interventions pendant cette phase post-critique [55, 56] .
Pour les personnes sous tutelle, la personne doit toujours être Dans d’autres circonstances, l’exercice, par une personne épi-
consultée, l’information étant adaptée à ses capacités. Le tuteur leptique, d’une activité connue comme lui étant déconseillée,
est consulté, et autorise ou non la recherche. Ce n’est pas stricto pourrait être considéré comme une prise délibérée de risque et
sensu un consentement, car on ne peut pas consentir pour autrui donc engager sa responsabilité.
en droit français.
Dans une situation d’urgence, un proche ou un médecin indé-
pendant peut donner son consentement pour l’inclusion et le Risques de blessures des enfants
consentement du patient est différé temporairement [49–51] .
par les mères épileptiques
Protection des personnes majeures Une mère épileptique peut, au cours de crises épileptiques, avoir

La loi n 2007-308 du 5 mars 2007 dissocie les mesures dues à le risque de blesser son enfant. Il est important de conseiller la
un problème médical (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle), de mère de façon à éviter les situations à risque. Toutes les précautions
celles dues à des difficultés sociales (mesure d’accompagnement proposées sont adaptées en fonction de la sévérité de l’épilepsie
judiciaire [MAJ]) [52] . et de l’équilibre thérapeutique.
L’article 425 du Code civil définit les conditions d’une mesure
de protection : « Toute personne dans l’impossibilité de pour- Jurisprudence
voir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement
constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés cor- Certains cas ont été portés devant la justice.

8 EMC - Neurologie
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Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie  17-045-A-60

 Épilepsie, vie quotidienne Le dernier avenant dit « convention AERAS 2019 » a été signé le
22 juillet 2019 ; il introduit le « droit à l’oubli » et la grille de
et interaction sociale référence AERAS (GRA). En cas de difficultés liées à l’application
de la convention, il est recommandé de saisir la Commission de
Précautions à domicile médiation qui est chargée de traiter les réclamations individuelles.
Le traitement des dossiers par la commission de médiation est
La brutalité de survenue de crises épileptiques peut aboutir à
confidentiel.
des blessures des patients épileptiques et il est important de l’en
informer en fonction de la sévérité de son épilepsie afin de limiter
les risques de blessure. Autres contrats d’assurance
Exemples de précautions : en cas de crises nocturnes, choisir L’article 21 de la loi Lagarde du 1er juillet 2010 a instauré la
un lit bas et discuter la mise de barrières protégées, attention aux déliaison entre le contrat de prêt et son contrat d’assurance. Dans
moquettes qui peuvent favoriser les brûlures par frottement. Les ce cadre, les patients épileptiques peuvent solliciter une assurance
bains sont déconseillés au profit des douches à l’Italienne. Un pour risque aggravé pour permettre l’acceptation de leur dossier.
système de sécurité pour l’arrivée et l’écoulement de l’eau est sou- La loi de séparation et de régulation des activités bancaires du
haitable et il faut déconseiller la fermeture de la porte de la salle 26 juillet 2013 (article 60), la loi relative à la consommation du
de bain. Les balcons peuvent être équipés de rambarde surélevée. 17 mars 2014 (article 54), la loi du 21 février 2017 ratifiant deux
Dans la cuisine, il est proposé de préférer les plaques à induction ordonnances sur la consommation (article 10) améliorent les pos-
avec minuteur et d’éviter les manipulations de bouilloire ou de sibilités de délégation d’assurance.
cocotte-minute. Une protection contre tous les objets ou surfaces Le fait d’être épileptique est sans influence sur les contrats
anguleux peut être installée. d’assurance de biens de la personne épileptique (biens immobi-
liers comme le logement ou biens mobiliers) ou de l’assurance
Mariage des dommages causés aux tiers dans toute autre circonstance que
la conduite automobile. Ainsi, pour la responsabilité civile, les
Il n’y a pas si longtemps, des lois empêchaient le mariage enfants mineurs ou l’assuré épileptique lui-même n’ont pas de
aux patients épileptiques et leur intégration au sein de la conditions particulières pour être assurés ni de tarifs particuliers,
société [46, 57, 58] . La fréquence des crises influence encore la ni de cas d’exclusion. Les clauses de garantie sont appliquées.
fréquence des mariages [59, 60] et les divorces seraient plus fré- En cas d’assurance complémentaire santé, en France, elle inter-
quents [61] . vient en complément d’un régime obligatoire. La plupart n’ont
Le certificat prénuptial obligatoire a été supprimé. pas de questionnaire médical.
Un meilleur contrôle de crises peut aussi favoriser les discordes Les assurances contre l’annulation ou le retard de voyages
et le divorce, cela d’autant plus que les divorces sont devenus réservés n’incluent pas, en général, les annulations liées à
plus faciles avec notre société actuelle. Dans certaines cultures, l’épilepsie [61] .
par exemple en Inde, les mariages sont le plus souvent arran- L’aptitude au permis de conduire étant obtenue auprès de
gés par les parents et la connaissance de la maladie épileptique l’autorité compétente (cf. permis de conduire), le patient épi-
d’une jeune fille peut perturber les négociations du mariage : 55 % leptique n’est pas soumis à une surprime pour son assurance
des patientes cacheraient leur épilepsie à leur conjoint avant le automobile, du fait de son épilepsie. Il reste soumis au coefficient
mariage et le risque de divorce est beaucoup plus élevé chez ces bonus-malus lié à l’antériorité des accidents pour lesquels il a été
patientes comparativement à celles qui ont révélé leur épilepsie reconnu responsable.
avant le mariage [60] . On assiste à une stigmatisation de l’épilepsie
et une discrimination de la patiente, l’épilepsie constituant une
entrave à la vie conjugale. De plus, une loi indienne jugeait encore  Loisirs et sports [67]

récemment que l’épilepsie était une aliénation mentale offrant


une raison de divorcer [57] . Sports
La pratique du sport chez l’épileptique peut avoir un impact
Assurances [62] favorable sans aggraver la fréquence des crises voire en réduisant
Ce sont les textes relatifs aux contrats qui vont s’appliquer. Dans le nombre de crises [68, 69] . Il est néanmoins recommandé une cer-
un contrat, chaque partie s’engage à remplir un certain nombre taine prudence en fonction du type d’épilepsie, en particulier au
de conditions. Dès lors que l’état de santé du contractant est en cas où les conséquences d’une chute ou d’une perte de connais-
jeu, tous manquements ou omissions dans les informations sont sance au cours d’un exercice physique présentent un danger.
considérés comme un manquement, et l’assureur est en droit de Ainsi, il est recommandé le plus souvent d’exclure les conditions
ne pas verser les indemnités, même si l’accident qui survient n’a extrêmes et de porter un casque pour certains sports (cyclisme,
rien à voir avec la maladie non signalée lors de la signature du équitation, etc.). Tous les sports d’eau nécessitent d’évaluer les
contrat. risques pour leur pratique. Globalement la tendance serait plu-
Le médecin, à qui une personne souffrant d’épilepsie demande tôt à observer moins d’accident de sport chez les épileptiques que
de remplir un questionnaire médical, doit donc expliquer à cette dans la population générale [17] . Certaines activités nécessitent un
personne qu’il ne faut en aucun cas dissimuler ou minimiser la examen médical et une certification qui excluent cette pratique
maladie épileptique. aux personnes souffrant d’épilepsie active (par exemple : conduite
automobile en compétition, plongée [70, 71] , aviation, etc.). Ces
Assurances prévoyance contraintes définies comme des règles sont établies pour protéger
Pour les contrats d’assurance prévoyance contre les risques de la personne épileptique contre elle-même, mais aussi les autres
décès et/ou de maladie et/ou accident, il peut être nécessaire de personnes.
répondre à un questionnaire spécifique sur la maladie épileptique, Le médecin doit informer son patient des contre-indications
accompagné de documents médicaux. Le dossier est soumis à éventuelles pour les sports qu’il pratique ainsi que les risques
l’avis du médecin-conseil de la société d’assurance qui doit établir qu’il encourt à continuer de les pratiquer. Il peut lui remettre à
les risques en fonction des statistiques médicales. Puis l’assureur sa demande, en l’absence de contre-indication, un certificat de
rend sa décision et détermine la tarification avec ou sans exclusion non-contre-indication pour l’activité sportive précisée. Le patient
des risques liés à l’épilepsie [63] . peut être adressé chez un médecin du sport pour faire valider
son aptitude à certaines activités sportives à risque. Le patient,
Convention « s’assurer et emprunter bien informé, est libre de suivre ou non les recommandations du
[64–66] médecin. Capovilla [72] classe les sports en fonction du niveau de
avec un risque aggravé de santé » (AERAS) risque potentiel de blessure, encouru par un sujet épileptique. Les
La convention AERAS a pour objet d’élargir l’accès à l’assurance sports du groupe 1 ne s’accompagnent pas de risque significatif ;
et au crédit des personnes présentant un risque de santé aggravé. les sports du groupe 2 peuvent s’accompagner d’un risque modéré

EMC - Neurologie 9
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17-045-A-60  Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie

Tableau 1.
Classification des sports en fonction des risques encourus par le patient et/ou les spectateurs selon les trois groupes de risque définis.
Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3
Athlétisme Ski alpin, snowboard Aviation
Bowling Tir à l’arc Vol libre
Sports collectifs de contact (judo, lutte, etc.) Biathlon, triathlon, Alpinisme
Sports collectifs au sol (basket-ball, hockey, Pentathlon moderne Plongée sous-marine, apnée, plongée bouteille
football, volley-ball, etc.) Javelot Plongeon de haut vol
Ski de fond Cyclisme Sports motorisés
Danse sportive Canoë-Kayak Parachutisme
Golf Gymnastique Rodéo
Sports de raquettes (tennis de table, tennis, etc.) Équitation Navigation solitaire
Curling Escrime Saut à ski
Tir sportif Surf, windsurf
Skateboard
Natation
Ski nautique

pour le patient mais pas pour les spectateurs. Les sports du groupe scolaire (AVS), avec ou sans aménagement de l’emploi du temps
3 s’accompagnent d’un risque élevé de blessures pour le patient ou de statuer sur d’autres orientations : Unités localisées pour
et dans certains cas aussi pour les spectateurs (Tableau 1). Ainsi, l’inclusion scolaire (ULIS), Institut médicoéducatif (IME), Service
il est possible de s’inspirer, par analogie, des règles éditées pour le d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), Section
permis de conduire, pour donner les autorisations en les adaptant d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), Insti-
à chaque patient : le groupe 1 est accessible à tout le monde, le tut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP). L’attribution
groupe 2 est assimilé au permis de véhicule léger et le groupe 3 au de matériels pédagogiques adaptés est possible.
permis de véhicule lourd. Si l’épilepsie est stabilisée et que l’enfant ne présente pas de
La dispense de sport à l’école ne doit pas être systématique et troubles cognitifs et/ou du comportement associés, un PAI peut
est souvent préjudiciable à la bonne intégration en milieu scolaire. suffire [78] .
Elle peut cependant être limitée pour la pratique de certains sports
(à évaluer au cas par cas).
Dorénavant l’Éducation nationale fournit un certificat médical
Autres plans de scolarisation [76]
type à remplir par le médecin en cas de contre-indication médicale Le PAI concerne les élèves atteints de maladie chronique (dont
au sport pour les examens d’état. l’épilepsie) et leur permet de suivre une scolarité normale. Réalisé
Pour les sports en compétition, chaque fédération sportive éta- avec le médecin de l’Éducation nationale, il permet un aménage-
blit les règles qui lui permettent d’autoriser ou non le sport qu’elle ment de la scolarité si besoin, la prise des traitements sur le temps
organise en fonction de critères médicaux. de classe et la mise en place d’un protocole d’urgence.
Le Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE)
Vacances et voyages concerne les élèves qui risquent de ne pas maîtriser certaines
connaissances et compétences attendues à la fin d’un cycle
Il est prudent de se munir de son ordonnance justifiant la prise
de médicaments et de garder une réserve de ses traitements avec
soi en cas de perte de bagage. Pour les voyages internationaux,
une version anglaise de l’ordonnance peut permettre de justifier
de détenir plusieurs boîtes de traitement. Il est important de bien
“ Point fort
veiller à tenir compte des décalages horaires éventuels et de bien
programmer sa prise de médicaments voire si besoin d’anticiper Le patient et ses droits
ce décalage pour adapter les nouveaux horaires de prises médica- • Le secret médical est opposable à tous sauf au patient
menteuses de façon progressive. concerné.
Il n’existe pas de précautions particulières pour prendre l’avion. • Tout certificat médical engage la responsabilité du
médecin et doit être remis en main propre à l’intéressé.
• L’information du médecin à son patient doit être loyale,
 Scolarisation des épileptiques [73–75]
claire et appropriée sur son état, aussi complète que pos-
Le droit à l’éducation existe pour tous et ce droit est confirmé sible, et concerne autant les investigations que les soins
dans de nombreux textes de lois nationaux et internationaux. qu’il propose. Pour les mineurs et personnes protégées,
Différents plans ou projets sont proposés par l’Éducation natio- l’information doit être adaptée et leur avis consulté. Le
nale pour répondre au mieux au besoin particulier des élèves. Pour détenteur de l’autorité parentale et le tuteur sont aussi
chacun de ses plans, l’Éducation nationale a décrit au sein d’un informés.
document [76] : • La mesure d’accompagnement judiciaire peut concer-
• les élèves concernés ; ner toute personne en difficulté sociale.
• les objectifs du plan ; • Les conduites délictueuses ou criminelles au cours des
• la procédure de demande ; crises épileptiques sont rares et peuvent être liées à une
• ce que permettra le plan en pratique.
psychose postictale.
• Tout manquement ou omission lors de la signature d’un
Projet personnalisé de scolarisation (PPS) [77] contrat d’assurance peut aboutir à sa non-validité.
• La convention AERAS permet aux personnes ayant un
Le PPS permet d’éviter l’exclusion scolaire en cas d’épilepsie
invalidante. Le PPS est élaboré par la MDPH en équipe pluridis-
risque aggravé d’accéder à des contrats d’assurance.
ciplinaire, se basant sur différents documents obligatoires dont
• Le droit à l’éducation existe pour tous. Le PPS permet
le guide des besoins de compensation en matière de scolarisa- d’établir les modalités de la scolarisation d’un enfant pré-
tion (GEVA-sco). La scolarisation est susceptible d’intervenir selon sentant un handicap.
diverses modalités : milieu ordinaire, avec ou sans auxiliaire de vie

10 EMC - Neurologie
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Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie  17-045-A-60

d’enseignement, il peut donc également être mis en place pour [16] Lemesle Martin M, Smolik HJ, François-Purssell I. Aspects médi-
les élèves intellectuellement précoces en difficulté scolaire. Il est colégaux et médicosociaux de l’épilepsie. EMC - Neurologie
établi par le chef d’établissement ou le directeur de l’école pour la 2013;10(3):1–13 [Article 17-045-A-60].
mise en place de pratiques pédagogiques différenciées et diversi- [17] Téllez-Zenteno JF, Hunter G, Wiebe S. Injuries in people
fiées. with self-reported epilepsy: A population-based study. Epilepsia
Le Plan d’accompagnement personnalisé (PAP) permet à tout 2008;49:954–61.
élève présentant des difficultés scolaires durables en raison d’un [18] Kwon C, Liu M, Quan H, Thoo V, Wiebe S, Jetté N. Motor vehicle
trouble des apprentissages (dyslexie, dysphasie, troubles du lan- accidents, suicides, and assults in epilepsy. A population-based study.
gage, etc.) de bénéficier d’aménagements et d’adaptations de Neurology 2011;76:801–6.
[19] Arrêté du 18/12/2015, Journal officiel du 29/12/2015, texte 54.
nature pédagogique. Le médecin de l’Éducation nationale sur pro-
[20] Arrêté du 31/08/2010, Journal officiel du 14/09/2010, texte 1.
position du conseil des maîtres ou à la demande de la famille met
[21] Arrêté du 21/12/2005, Journal officiel n◦ 301 du 28/12/2005, texte
en place les adaptations pédagogiques. numéro 113.
[22] Directive 91/439/CEE du conseil du 29 juillet 1991, relative au permis
de conduire. Journal officiel n◦ L237 du 24/08/1991. p. 0001-0024.
 Conclusion générale [23] Article L1111-2 alinéa 4, Article L1111-4 alinéa 6 du Code de la santé
publique.
[24] Article L1111-6 du Code de la santé publique.
À travers cet article, différents volets médicosociaux et médi-
[25] Article R 4127-34 et 35 du Code la santé publique.
colégaux concernant les patients épileptiques ont été abordés.
[26] Kirby M. Informed consent: what does it mean? J Med Ethics
Chaque patient épileptique souffre d’une maladie qui en fonc- 1983;9:9–75.
tion de sa gravité peut entraîner des contraintes et des limites très [27] Dawes PJ, Davison P. Informed consent: what do patients want to
différentes d’un patient à l’autre. Du parcours de scolarité à la vie know? Monash Bioethics Rev 1994;13:20–6.
professionnelle, en passant par le parcours personnel de vie, le [28] Beran RG. Informed consent, a legal requirement in the management
parcours de santé, la vie quotidienne, la vie sociale, la conduite of patients with epilepsy. In: Beran RG, editor. Epilepsy: duty of care.
automobile, les loisirs et les sports, différents thèmes ont été abor- Tel Aviv: Yozmot; 2000. p. 25–50.
dés apportant des informations sur les droits du patient mais aussi [29] Beran RG, Sungaran R, Venn N, Hung A. Review of the legal obliga-
sur les restrictions auxquelles le handicap engendré par sa maladie tions of the doctor to discuss Sudden Unexplained Death in Epilepsy
peut le soumettre. (SUDEP): a cohort controlled comparative cross-matched study in an
outpatient epilepsy clinic. Seizure 2004;13:523–8.
[30] Arrêt n◦ 426 du 25 février 1997. Cour de cassation, Première chambre
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs n’ont pas transmis de déclaration civile pourvoi n◦ 94-19.685.
de liens d’intérêts en relation avec cet article. [31] Arrêt du 14 octobre 1997. Cour de cassation, Première chambre civile
n◦ 95-19.609.
[32] Arrêt n◦ 573 du 3 juin 2010. Cour de cassation, Première chambre civile
 Références n◦ 09-13.591.
[33] Article 16 à 16-9 du Code civil.
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EMC - Neurologie 11
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

17-045-A-60  Aspects médicolégaux et médicosociaux de l’épilepsie

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n◦ 2006-131, article 5 et n◦ 2007-131. www.recherche-biomedicale.sante.gouv.fr

M. Lemesle Martin (martine.lemesle@chu-dijon.fr).


Neurophysiologie clinique, CHU de Dijon, 14, rue Paul-Gaffarel, BP 77908, 21079 Dijon cedex, France.
J. Mata-Peñuela.
Service de médecine de santé au travail, CHU de Dijon, 14, rue Paul-Gaffarel, BP 77908, 21079 Dijon cedex, France.
I. François-Purssell.
Service de médecine légale, CHU de Dijon, 14, rue Paul-Gaffarel, BP 77908, 21079 Dijon cedex, France.
Unité de formation et de recherche (UFR) médecine, Université de Bourgogne, 7, boulevard Jeanne-d’Arc, BP 87900, 21079 Dijon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lemesle Martin M, Mata-Peñuela J, François-Purssell I. Aspects médicolégaux et médicosociaux de
l’épilepsie. EMC - Neurologie 2020;43(3):1-12 [Article 17-045-A-60].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Neurologie
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 17-066-A-65

Rééducation de la sclérose en plaques


L. Mailhan, I. Monteil-Roch

Résumé : La rééducation de la sclérose en plaques est complémentaire des traitements de la maladie,


propose des traitements pharmacologiques et non pharmacologiques pour les symptômes fonctionnelle-
ment gênants ou à risque de complications médicales, optimise les capacités fonctionnelles des patients
et améliore leur qualité de vie. Elle est fondée sur l’adhésion du patient à un programme personnalisé
de soins, avec des objectifs fonctionnels clairs, réalistes et partagés. La prise en charge conjointe des
difficultés architecturales et socioprofessionnelles est indispensable pour un transfert pérenne des acquis
dans la vie quotidienne. La pratique d’une activité physique permet le maintien des améliorations dans
le temps. Chez les patients plus dépendants (EDSS [expanded disability status scale] > 7,5), des séjours
peuvent être discutés.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Sclérose en plaques ; Rééducation ; Activité physique ; Fatigue ; Qualité de vie

Plan La prise en charge rééducative est globale, centrée sur les symp-
tômes du patient, et se fait en lien avec le neurologue référent et
■ Introduction 1 les intervenants en charge du patient, paramédicaux ou aidants
familiaux. Elle est complémentaire des traitements de fond de la
■ Modalités et résultats de la rééducation 1 maladie.
Modalités 1 La rééducation fixe des objectifs fonctionnels, adaptés à chaque
Efficacité de la rééducation 2 patient et fonction du mode évolutif de la SEP (forme rémittente,
■ Spécificités de la sclérose en plaques 2 primaire ou secondairement progressive), de l’examen neurolo-
Évolutivité 2 gique du patient, de ses potentialités fonctionnelles et de son
Thermosensibilité 2 environnement social et architectural.
Fatigue 2 Les modalités de la rééducation, les spécificités liées à la SEP et la
■ Prise en charge de la douleur et des troubles sensitifs 2 prise en charge des principaux symptômes rencontrés dans cette

maladie sont détaillées ici.
Prise en charge du déficit moteur et de la spasticité 3
Déficit moteur 3


Spasticité
Prise en charge cognitive et thymique
3
3
 Modalités et résultats
Troubles cognitifs 3 de la rééducation
Troubles thymiques 3
■ Prise en charge vésicosphinctérienne et génitosexuelle 3 Modalités
Troubles vésicosphinctériens 3 Trois modalités de prise en charge rééducative
Troubles génitosexuels 4

En France, il existe trois principales modalités de prise en charge
Autres symptômes 4
rééducative pour les patients atteints de SEP.
Troubles neurovisuels 4
L’hospitalisation temps plein permet au patient de réaliser des
Syndrome cérébelleux 4
pauses entre ses différentes rééducations, aux équipes d’évaluer
Troubles de déglutition 4
les fluctuations du patient dans la journée et d’un jour à l’autre
■ Place de l’activité physique 4 en termes de symptômes (spasticité, fatigue) et de possibilités
■ Place des aides techniques et des aides humaines 4 fonctionnelles (possibilités de transferts la nuit alors qu’ils ne
■ Prise en charge sociale 4 sont pas réalisables le matin par exemple), et facilite la réali-
sation d’examens complémentaires éventuels. L’hospitalisation
■ Conduite automobile 4 de jour évite une hospitalisation complète au patient, en pro-
■ Conclusion 4 posant des rééducations sur des demi-journées deux à trois
fois par semaine. Elle est génératrice de fatigue liée aux trans-
ports.
Les durées de séjour sont fonction des centres, de trois à quatre
 Introduction semaines en hospitalisation à temps plein, six semaines en hospi-
talisation de jour, sous peine de générer une fatigue qui masquera
La rééducation de la sclérose en plaques (SEP) a connu un essor les bénéfices fonctionnels du séjour.
important durant les 20 dernières années du fait du développe- La rééducation en libéral est plus facile à intégrer dans l’emploi
ment de traitements de fond qui ont modifié l’évolution de la du temps d’un patient en activité professionnelle. Elle est dépen-
maladie (diminution du nombre de poussées annuelles) et de la dante des intervenants, difficile dans certains territoires de santé
modification de l’image de la maladie dans les médias. mal couverts. Elle est exceptionnellement réalisable au domicile,

EMC - Neurologie 1
Volume 43 > n◦ 3 > juillet 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(20)92712-4
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17-066-A-65  Rééducation de la sclérose en plaques

avec des difficultés pratiques d’accès aux soins (accessibilité archi- sont qu’une façon de contourner une difficulté pour garder une
tecturale, transports médicalisés, temps d’installation long avec fonction.
durée réduite des séances). Des explications itératives au patient et à son entourage sont
Aucune étude actuelle n’est disponible dans la littérature pour indispensables pour aboutir à un contrat d’objectifs commun et
comparer les différents types de prise en charge en France. réaliste.
Quelques articles existent pour comparer les prises en charge à
l’étranger mais le modèle économique et d’organisation des soins
ne permet pas d’extrapoler les résultats à notre modèle. Thermosensibilité
Soixante-dix pour cent des patients atteints de SEP voient leur
Quand rééduquer ?
état aggravé par la chaleur, d’où des thérapies annexes qui peuvent
Les études disponibles évaluent les effets de la rééducation pour être utiles.
des EDSS (expanded disability status scale) inférieures à 6,5 [1] . La cryothérapie est un traitement complémentaire dont
La rééducation après une poussée permet une meilleure récupé- l’efficacité n’a pas été démontrée mais qui est utilisé dans les
ration [2] . centres référents de rééducation de la SEP, sous forme de balnéo-
En pratique, tout patient ayant une gêne fonctionnelle, même thérapie froide (piscine en trèfle remplie d’eau entre 12 et 15 ◦ C),
mineure, peut bénéficier d’une prise en charge rééducative, au ou de manchons réfrigérés enrobant les membres inférieurs ou le
mieux supervisée par un médecin de médecine physique et de tronc. Les effets observés sont rapides, sur la fatigue, le syndrome
réadaptation. cérébelleux, la spasticité, mais ils sont temporaires (2 h environ).
Chez les patients les plus dépendants, l’organisation de séjours Les cabines de cryothérapie n’ont fait l’objet d’aucune évaluation
de répit permet une évaluation transversale des besoins du patient dans cette population, leur accès difficile et leur coût les limitent
et ménage un temps de repos aux aidants, garant du maintien à peu d’utilisateurs actuellement. Des essais de commercialisation
au domicile. Le séjour en hospitalisation à temps plein est alors de systèmes de réfrigération ont été faits, mais leur manipulation
centré sur l’évaluation des symptômes possiblement gênants, et et le réchauffement rapide ne permettent pas un bénéfice signifi-
la réadaptation cible les aides techniques éventuelles qui peuvent catif. L’utilisation de douches fraîches au domicile ou l’acquisition
améliorer le quotidien du patient ou de ses aidants. d’un climatiseur peuvent améliorer le quotidien du patient.
Chez ces patients, les piscines de rééducation classiques (hors
À quelle fréquence rééduquer ? centres spécialisés) étant chauffées entre 32 et 34 ◦ C, aucun
Une étude de 2005 [3] a mis en évidence une rémanence des bénéfice fonctionnel ne peut être attendu d’une séance de
bénéfices à six mois du séjour de rééducation. Un séjour peut donc balnéothérapie. Chez les patients non thermosensibles, la balnéo-
être proposé tous les neuf mois environ aux patients. thérapie améliore la qualité de vie [13] , les capacités fonctionnelles,
Les durées des sessions d’exercices et leur fréquence sont listées l’équilibre et la fatigue perçue [14] .
dans un article de 2008 [4] .
Fatigue
Efficacité de la rééducation
La gestion des symptômes gênant le sommeil est primordiale :
Amélioration analytique douleurs neuropathiques, spasticité, troubles urinaires. Le dépis-
tage et la prise en charge d’un éventuel syndrome d’apnées du
Une étude de 2005 a mis en évidence l’amélioration analytique
sommeil est également indispensable [15] .
et fonctionnelle d’une prise en charge rééducative de trois à quatre
Une partie de la fatigue peut être liée au déconditionnement
semaines en hospitalisation temps plein dans un service spécia-
à l’effort, phénomène décrit en 1968 par Saltin chez des sujets
lisé [3] : chez 21 patients, il était noté une amélioration de la force
sains [16] . Le reconditionnement s’attache à inverser le phénomène
musculaire du quadriceps le plus déficitaire et des ischiojambiers
et à réhabituer le corps (le système cardiovasculaire en particulier)
les moins déficitaires sur isocinétisme, de l’équilibre statique yeux
à des efforts progressivement croissants. Les aides techniques uti-
ouverts et yeux fermés, de la vitesse de marche spontanée. Plu-
lisées tiennent compte des déficits des patients : il peut s’agir d’un
sieurs études ont depuis démontré l’efficacité d’un programme de
plan incliné pour verticaliser le patient avec des durées et des incli-
rééducation sur la marche, l’équilibre statique et dynamique et la
naisons variables, d’un ergocycle sans puis avec résistance, d’un
coordination [5, 6] .
tapis roulant permettant la course.
La gestion de la fatigue est un élément déterminant pour le
Amélioration cérébrale maintien des acquis et le gain progressif des capacités fonc-
Dans certaines études [7] , une réorganisation cérébrale sur tionnelles. Elle est fondée sur le principe qu’une récupération
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle était est d’autant plus rapide et plus efficace qu’elle est faite avant
observée après une période de rééducation, de façon paral- l’épuisement. Le patient doit donc arrêter son activité en cours
lèle à l’amélioration significative de la vitesse de marche et de (dans la mesure du possible) dès les signes avant-coureurs
l’équilibre [7, 8] . de fatigue, signes individuels, variables (diplopie, paresthésies,
Une autre étude a démontré sur l’IRM une augmentation de recurvatum de genou, steppage du pied), ou après un temps chro-
l’épaisseur corticale [9] . nométré si aucun signe n’est identifié. La pause peut être réalisée
debout (contre un mur, appuyé sur une canne, ou en appui fessier
Amélioration de la qualité de vie sur le bord d’une table), assis, ou couché. La réalisation régulière
La rééducation a également montré un effet positif sur l’humeur de ces pauses permet à terme de repousser le moment d’apparition
et la qualité de vie des patients [10–12] . des signes avant-coureurs et de la fatigue.

 Spécificités de la sclérose  Prise en charge de la douleur


en plaques et des troubles sensitifs
Évolutivité Les paresthésies sont fréquentes dans la sclérose en plaques,
associées aux troubles sensitifs. Les techniques de désensitiza-
Le caractère évolutif de la maladie oblige à une réévaluation tion, simples d’utilisation, peuvent être proposées : il s’agit
régulière des possibilités fonctionnelles du patient afin d’adapter de stimuler la zone gênante via les mécanorécepteurs afin
les objectifs de la prise en charge. d’inhiber l’information nociceptive via une inhibition présynap-
La proposition d’aides techniques est souvent vécue comme une tique médullaire (théorie du gate control). Pour ce faire, des bains
aggravation de l’état neurologique du patient, alors qu’elles ne de particules sèches de type lentilles, réalisées pendant 10 à

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Rééducation de la sclérose en plaques  17-066-A-65

20 minutes au niveau des mains ou des pieds, le massage des zones cité puisse être observée après neurotomie) et de l’évolutivité de la
impactées par une balle à picots, peuvent diminuer les paresthé- pathologie qui fait préférer des gestes conservateurs ou réversibles.
sies pour des périodes de quelques minutes à plusieurs heures. La prise en charge non médicamenteuse repose sur :
Les douleurs neuropathiques ont des caractéristiques classiques. • le traitement des épines irritatives : des troubles vésicosphinc-
Outre les traitements médicamenteux classiques, des techniques tériens non traités, une lésion cutanée (ongle incarné, brûlure,
non médicamenteuses peuvent être proposées. escarre) peuvent majorer une hypertonie et la rendre fonction-
Le TENS (transcutaneous electric neuro stimulation) a montré son nellement gênante ;
efficacité sur les douleurs neuropathiques surtout pseudoradi- • les étirements des chaînes spastiques sont l’élément fondamen-
culaires [17] . Les appareils sont en location dans le commerce, tal de la prise en charge. Ils doivent être faits quotidiennement
remboursés dans cette indication. Les patients peuvent donc uti- par le patient (autorééducation), aidés si besoin par un kinési-
liser cette technique au domicile. thérapeute ;
L’acupuncture a un effet non significatif sur les douleurs neu- • la cryothérapie (voir supra) ;
ropathiques [18] , avec une durée d’effet très variable. Elle peut être Aucun des autres traitements complémentaires (stimulations
proposée aux patients intolérants aux traitements médicamen- magnétiques transcrâniennes, vibrations tendineuses) n’a fait la
teux, lorsque l’offre de soins est possible. preuve de son efficacité dans cette population [29] .

 Prise en charge du déficit moteur  Prise en charge cognitive


et de la spasticité et thymique
Déficit moteur Troubles cognitifs
L’évaluation des troubles cognitifs fait appel à de nombreuses
Les techniques de renforcement musculaire et de réentraîne- batteries validées spécifiquement dans cette population. Le SDMT
ment à l’effort sont utilisées, avec un effet significatif sur la fatigue, (symbol digit modalities test) semble actuellement le test de réfé-
les capacités fonctionnelles, la qualité de vie [19] . rence d’évaluation de l’existence de troubles cognitifs [30] .
On privilégie le renforcement des muscles déficitaires en Les techniques de rééducation ne sont pas spécifiques. Des
excentrique, qui améliore la force musculaire pour les muscles pauses fréquentes à visée de gestion de la fatigue doivent être
ischiojambiers [20] et favorise le transfert des gains de force dans proposées régulièrement, et le bilan et les séances de rééducation
les tests fonctionnels [21] . doivent être séquencés.
La contrainte induite, dont l’efficacité dans les formes chro-
niques d’accident vasculaire cérébral [22] a été démontrée, aurait
un effet sur la plasticité cérébrale dans la SEP [23] . Troubles thymiques
La stimulation auditive rythmée a démontré son efficacité dans
cinq études, avec un effet positif sur la marche (vitesse et péri- Les troubles anxiodépressifs sont fréquents dans la SEP [31] ,
mètre) [24] , sur la qualité de vie et la fatigue physique [25] . liés à l’évolutivité imprévisible de la maladie et aux capacités
La marche avec allègement du poids du corps ou exosquelette d’adaptation (coping) des patients [32] , en particulier via le support
n’a pas montré de supériorité à la rééducation classique dans la social [33] . La prise en charge doit donc associer des traitements
SEP [26] . Le matériel est coûteux, l’installation chronophage, mais médicamenteux (pour l’anxiété) et des traitements non médica-
son utilisation souvent appréciée chez les patients non marchants. menteux (pour l’anxiété et le support social). La prise en charge
Des orthèses peuvent être prescrites pour compenser un déficit conjointe par un psychologue clinicien et un psychomotricien
moteur : orthèse de releveurs rigide standard ou dynamique pour (renarcissisation, prise de conscience corporelle, apprentissage des
un déficit des releveurs du pied, orthèse cruropédieuse pour un techniques de relaxation) est optimale.
recurvatum de genou non contrôlé (exceptionnel). L’indication de
l’appareillage est évaluée au mieux par un médecin de médecine
physique et de réadaptation afin d’en fixer les objectifs et d’éviter  Prise en charge
la réalisation d’appareils coûteux non utilisés.
vésicosphinctérienne
et génitosexuelle
Spasticité
Troubles vésicosphinctériens
Une prise en charge médicamenteuse peut être proposée en cas
de spasticité diffuse. Per os, seuls le baclofène et la tizanidine ont Leur prévalence est de plus de 80 % dans la SEP. L’hyperactivité
fait la preuve de leur efficacité [27] . Le baclofène intrathécal (testé du muscle vésical est source de fuites urinaires, socialement
grâce à la mise en place d’un site sous-cutané relié aux espaces péri- handicapantes. La rétention urinaire peut engendrer infections
duraux, puis relayé par un réservoir intra-abdominal si les tests urinaires et, à terme, constitue un risque pour le haut appareil uri-
sont concluants) est efficace dans les membres inférieurs chez naire (insuffisance rénale). Ces troubles doivent donc être dépistés
les patients avec une SEP. La spasticité étant généralement utile systématiquement par un interrogatoire exhaustif, couplé à des
à la verticalisation, son usage est réservé aux patients non mar- examens biologiques ou morphologiques selon la symptomatolo-
chants dans des objectifs de nursing, d’installation au lit/fauteuil gie des patients [34, 35] .
ou antalgique (spasmes) [27] . Les traitements pharmacologiques sont proposés de première
Les dérivés cannabinoïdes n’ont pas d’effet prouvé sur la spas- intention (anticholinergiques en cas d’hyperactivité vésicale iso-
ticité [28] . lée, alphabloquants en cas de rétention). En cas d’absence
En cas de spasticité focale, les injections de toxine botu- d’efficacité ou d’échappement secondaire au traitement médica-
lique sont le traitement de première intention [27] . Ses objectifs, menteux, des solutions alternatives existent : toxine botulique
lorsqu’ils sont fonctionnels (membres inférieurs chez les patients intradétrusorienne, apprentissage des autosondages intermit-
marchants, membres supérieurs exceptionnellement), sont au tents, endoprothèse uréthrale chez l’homme, chirurgie de
mieux fixés par la réalisation préalable de blocs moteurs (anes- dérivation des urines. La neuromodulation du nerf tibial posté-
thésie sélective du ou des muscles spastiques considérés a priori rieur et la neuromodulation sacrée font également partie de la
comme gênants) afin d’évaluer l’effet de la privation de spasti- stratégie de seconde ligne dans l’hyperactivité vésicale [36, 37] .
cité sur la marche/les transferts/la préhension, etc. Les solutions Les troubles du transit sont fréquents, plutôt sur un mode
chirurgicales (neurotomies sélectives, drézotomies) sont excep- de ralentissement du transit et de troubles de l’exonération.
tionnelles dans cette population du fait du caractère supposé Une bonne installation (une flexion de 110◦ de hanches per-
irréversible de ces gestes (bien que 15 % de récidive de la spasti- met le relâchement du sphincter anal), le respect de règles

EMC - Neurologie 3
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17-066-A-65  Rééducation de la sclérose en plaques

hygiénodiététiques (apports hydriques, régime riche en fibres) et résistance à la fatigue, la mobilité et la qualité de vie. Le main-
le recours à des régulateurs du transit (laxatifs), associés à des tien d’une activité sur le long terme est nécessaire pour maintenir
suppositoires pour favoriser le réflexe d’exonération et éviter les les bénéfices [45] . Des activités spécifiques telles que le yoga ou
fuites fécales, permettent d’assurer une qualité de vie correcte aux le Pilates ont été évaluées dans cette population mais n’ont pas
patients. montré de supériorité sur une autre activité physique [46, 47] .

Troubles génitosexuels  Place des aides techniques


Ils sont associés aux troubles vésicosphinctériens.
Chez l’homme, la plainte principale concerne les troubles
et des aides humaines
érectiles. Les médicaments oraux, inhibiteurs de la phospho- La proposition d’aides techniques est souvent vécue comme
diestérase 5 sont les traitements de première intention. En cas une aggravation de la maladie. Elle doit donc s’intégrer dans une
de contre-indication ou d’inefficacité, des traitements locaux prise en charge globale visant à montrer au patient les possibili-
existent (vacuum, injections intracaverneuses). Une prise en tés fonctionnelles et l’autonomie qu’elles peuvent permettre. La
charge spécialisée est indiquée en cas de troubles de l’éjaculation prise d’une ou deux cannes, l’utilisation d’un fauteuil roulant,
chez le patient jeune en désir de procréation [38, 39] . manuel ou électrique, l’adaptation du domicile, la mise en place
Chez la femme, il peut exister une diminution de la lubrifi- d’aides humaines institutionnelles visent à améliorer l’autonomie
cation vaginale, pour laquelle des lubrifiants peuvent être utiles. du patient dans son environnement, à gérer la fatigue, de façon
Des conseils d’installation et la gestion de symptômes gênants parfois ciblée (fauteuil roulant électrique pour les sorties exté-
(spasticité, troubles sensitifs) sont complémentaires. Des traite- rieures par exemple, aide humaine pour la toilette le matin avant
ments médicamenteux ou une prise en charge psychosexologique que le patient aille travailler), et à éviter que le conjoint devienne
peuvent également être indiqués [40] . le soignant à moyen terme. Les séjours de rééducation, durant les-
quels les patients sont confrontés à d’autres patients à des stades
différents et dans des situations socioprofessionnelles diverses,
 Autres symptômes sont souvent un moment privilégié pour mettre en place ces aides.
Des visites à domicile par des ergothérapeutes hospitaliers ou par
Troubles neurovisuels des associations (Association des paralysés de France, Ecoreso)
peuvent fournir des argumentaires aux demandes d’adaptations.
Les troubles neurovisuels nécessitent un bilan neuro-
ophtalmologique. Une rééducation orthoptique peut être
justifiée en cas de trouble oculomoteur. Une bonne installation  Prise en charge sociale
et le recours à des aides techniques (loupes, verres grossissants)
aident souvent à améliorer le quotidien des patients. En cas de Elle est indispensable et permet de s’assurer que la mise en place
douleurs orbitaires séquellaires d’une névrite optique rétrobul- des solutions proposées ne se heurte pas à des obstacles financiers
baire (NORB), la glace pilée dans la bouche permet de contrôler ou environnementaux. Elle est assurée par le service social du ser-
temporairement les douleurs. La prescription de verres teintés vice hospitalier référent du patient (où exerce le neurologue qui
peut également diminuer les séquelles à type d’éblouissement suit le patient), relayée si besoin par les plateformes spécialisées
séquellaires de NORB. Enfin, certains centres de rééducation spé- dans le handicap. Le médecin traitant du patient peut se faire aider
cialisés en basse vision proposent des programmes de rééducation des médecins spécialistes pour les dossiers sociaux nécessitant des
spécifiques des troubles neurovisuels. évaluations spécifiques (protocole de soins 100 % affection longue
durée, dossier auprès d’une maison départementale pour per-
sonnes handicapées pour une carte de stationnement, une carte
Syndrome cérébelleux invalidité, une demande de financements pour des aides tech-
Le syndrome cérébelleux est peu sensible à la rééducation. Si la niques ou humaines, la reconnaissance de qualité de travailleur
force musculaire est conservée, des lests (aux chevilles, aux poi- handicapé, etc.). Le maintien dans l’emploi peut être évalué par
gnets) peuvent être tentés pour limiter la dysmétrie. Des conseils des structures spécialisées de type COMETE ou UEROS, qui per-
d’installation par un ergothérapeute (membre supérieur en chaîne mettent de faire le lien avec le médecin du travail et d’adapter le
semi-fermée, coude posé sur un plan stable) et des essais d’aides cas échéant le poste de travail du patient [48, 49] .
techniques (stylo lesté, couverts à manche grossi, etc.) doivent être
proposés. Des aides techniques permettent de sécuriser la déam-
bulation : bâtons de marche, cannes lestées avec embouts étoilés,  Conduite automobile
déambulateur avec panier lesté, etc.
Si les recommandations sont claires pour les patients atteins de
pathologies stabilisées (traumatisme crânien, accident vasculaire
Troubles de déglutition cérébral), elles ne sont pas formalisées pour les patients atteints
de SEP du fait de l’évolutivité variable et des symptomatologies
Ils doivent être dépistés car ils sont à risque d’infection pulmo- individuelles. La réalisation d’un bilan neurovisuel et d’un bilan
naire (fausses routes) et de dénutrition. Ils sont dans la plupart des neuropsychologique, en particulier le temps de réaction sur la
cas gérés par l’apprentissage de postures de tête et cou adaptées batterie TAP (test of attentional performance), complétée par une
et/ou par l’adaptation des textures de l’alimentation (éviction des évaluation sur route s’il n’existe pas de contre-indication à la
aliments à risque, eau pétillante, alimentation mixée, ou semi- conduite automobile est indiquée chez les patients les plus à
liquide) [41] . Certaines phases de la déglutition sont sensibles à la risque [50] .
rééducation orthophonique. Dans quelques rares cas, à des stades
évolués, une gastrostomie est nécessaire. Les traitements par sti-
mulation électrique ou toxine botulique n’ont pas fait la preuve
de leur efficacité [42] .
 Conclusion
Une prise en charge pluridisciplinaire, au mieux en service de
rééducation spécialisé, permet d’améliorer les capacités motrices
 Place de l’activité physique des patients atteints de SEP pour les EDSS inférieures à 6,5, de
traiter les symptômes associés (douleurs, troubles de déglutition,
La pratique du sport chez les patients atteints de SEP a long- troubles thymiques, troubles vésicosphinctériens), de compen-
temps été controversée. Des études montrent que le sport et ser les incapacités par la mise en place d’aides techniques ou
l’activité physique ne sont pas délétères et sont essentiels pour humaines et d’améliorer la qualité de vie des patients pour tous
ces patients [43, 44] . Leur bénéfice a été démontré sur l’équilibre, la les patients, quel que soit leur score EDSS. La mise en place d’une

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Rééducation de la sclérose en plaques  17-066-A-65

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2017;16:274–9. 2019;100:1534–55.

L. Mailhan, Docteur en médecine, PhD (Laurence.mailhan@invalides.fr).


Service de médecine physique et de réadaptation, Institution nationale des Invalides, 6, boulevard des Invalides, 75007 Paris cedex 7, France.
I. Monteil-Roch, Docteur en médecine.
Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpital La Porte-Verte, 6, avenue du Maréchal-Franchet-d’Esperey, 78000 Versailles, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mailhan L, Monteil-Roch I. Rééducation de la sclérose en plaques. EMC - Neurologie 2020;43(3):1-6
[Article 17-066-A-65].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

6 EMC - Neurologie
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 17-210-B-20

Néoformations intracrâniennes : gliomes


de grade II
A. Darlix, V. Rigau, H. Duffau

Résumé : Les gliomes diffus de bas grade, ou gliomes de grade II selon l’Organisation mondiale de
la santé (OMS), représentent un sous-groupe de tumeurs cérébrales primitives rares et hétérogènes,
qui affectent le plus souvent des patients jeunes menant une vie normale jusqu’à la survenue d’une crise
d’épilepsie inaugurale. En imagerie par résonance magnétique conventionnelle, ces tumeurs apparaissent
comme une masse mal limitée, généralement assez homogène, touchant la substance blanche et la
substance grise, en hyposignal sur les séquences en T1 et hypersignal sur les séquences en T2. Diverses
altérations moléculaires identifiées au cours des 20 dernières années, notamment la mutation du gène de
l’isocitrate déshydrogénase et la codélétion 1p19q (associée aux oligodendrogliomes), ont été intégrées
en 2016 dans la nouvelle classification de l’OMS. La meilleure connaissance de l’histoire spontanée de
ces gliomes, à savoir la croissance continue, l’infiltration le long des faisceaux de substance blanche et
l’évolution inéluctable vers une gliome malin – menaçant ainsi les pronostics fonctionnel et vital – associée
à une diminution des risques d’effets secondaires liés aux traitements (notamment à la chirurgie), a
transformé la stratégie abstentionniste « traditionnelle » en une attitude résolument thérapeutique. Le but
est dorénavant de tendre vers l’élaboration de prises en charge dynamiques et adaptées à chaque patient,
à savoir de déterminer l’ordre et le moment de chacun des traitements (première voire multiples exérèses
chirurgicales les plus larges possibles, première voire multiples lignes de chimiothérapie, radiothérapie)
en fonction de l’évolution tumorale (mesurée sur les imageries par résonance magnétique régulières
de contrôle), de l’état clinique et neuropsychologique du patient, de la biologie tumorale, ainsi que de
l’anatomie fonctionnelle cérébrale individuelle (étudiée par les méthodes de cartographie, et susceptible
de se remodeler grâce aux mécanismes de neuroplasticité), afin d’éviter la transformation maligne le
plus longtemps possible tout en préservant la qualité de vie. Une telle approche pluridisciplinaire dans le
cadre de cette maladie cérébrale chronique permet de donner un véritable avenir aux patients porteurs
de gliomes diffus de bas grade, avec la possibilité de concevoir des projets à long terme sur le plan
socioprofessionnel ou familial.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Gliomes diffus de bas grade ; Chirurgie ; Chimiothérapie ; Radiothérapie ; Qualité de vie ;
Biologie moléculaire

Plan ■ Stratégies thérapeutiques 8


Traitement antiépileptique 8
■ Introduction 1 Place de la chirurgie 8
Place des traitements médicaux 9
■ Anatomopathologie et biologie moléculaire 2 Vers une prise en charge individualisée et sérielle 11
Classification histomoléculaire des gliomes diffus de bas grade 2
■ Conclusion 11
Vers la transformation maligne des gliomes diffus de bas grade 3
Notion d’hétérogénéité tumorale 4
■ Présentation clinique : statuts neurologique


et neuropsychologique
Sémiologie radiologique
4
4
 Introduction
Imagerie morphologique 4
Les gliomes diffus de bas grade (GDBG), ou gliomes de grade II
Imagerie métabolique 5
selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [1] , consti-
Radiogénomique et utilisation des outils d’intelligence artificielle 6
tuent une entité hétérogène regroupant des tumeurs cérébrales
Imagerie fonctionnelle 6
primitives complexes avec différentes caractéristiques cliniques,
■ Histoire naturelle et facteurs pronostiques spontanés 7 radiologiques, histologiques et moléculaires. Grâce à la meilleure
Déroulement de l’histoire naturelle 7 compréhension de leur histoire naturelle et à la démonstration,
Données de survie 7 au cours des 20 dernières années, qu’il ne s’agissait pas in fine de
Facteurs pronostiques spontanés 7 tumeurs « bénignes », mais bien de tumeurs « prémalignes », la

EMC - Neurologie 1
Volume 43 > n◦ 3 > juillet 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(20)42749-6
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17-210-B-20  Néoformations intracrâniennes : gliomes de grade II

A B C
Figure 1.
A. Astrocytome fibrillaire. Prolifération d’astrocytes néoplasiques au cytoplasme peu abondant, souvent inapparent, sur un fond fibrillaire lâche et microkystique
(hématéine-éosine-safran ×200).
B. Astrocytome gémistocytique. Prolifération contenant des cellules astrocytaires néoplasiques au corps cellulaire abondant, laqué et éosinophile, de forme
anguleuse et au noyau excentré (hématéine-éosine-safran ×1000).
C. Oligodendrogliome. Aspect caractéristique en nid d’abeille (hématéine-éosine-safran ×100).

prise en charge des patients s’est modifiée, aboutissant à des straté- associant les critères morphologiques aux données de la biologie
gies individualisées fondées sur des thérapies précoces et répétées, moléculaire [13, 14] .
et non plus sur une simple surveillance [2] . Les gènes IDH (isocitrate déshydrogénase) codent deux
Les GDBG constituent un sous-type tumoral rare parmi les isoformes de l’enzyme du même nom, qui catalysent la décar-
tumeurs primitives du système nerveux central (approximative- boxylation de l’isocitrate, ce qui induit la réduction du NAPD
ment 15 % des gliomes diffus). Leur incidence est faible, estimée (nicotinamide adénine dinucléotide phosphate) en NADPH (nico-
à 1/105 [3] . Les GDBG affectent essentiellement des patients tinamide adénine dinucléotide phosphate hydrogène) dans le
jeunes [4] , qui mènent une vie familiale, sociale et profession- cytoplasme des mitochondries. Il existe deux isoformes prin-
nelle normale. L’épilepsie constitue le mode de révélation le plus cipales : IDH1 au niveau du cytosol et IDH2 au niveau
fréquent [5] . mitochondrial. Les gènes IDH1 et IDH2 se situent respectivement
Les GDBG sont classiquement localisés au sein ou proche des sur les chromosomes 2 (2q33.3) et 15 (15q26.1). Les mutations
zones cérébrales « éloquentes », avec une implication fréquente les plus fréquemment décrites dans les gliomes concernent les
de l’insula, des régions frontales et des régions temporales, et sites actifs des enzymes : R132 pour IDH1 et R172 pour IDH2.
une implication très rare des régions postérieures, ce qui les dif- Les mutations d’IDH1 et d’IDH2 touchent un seul allèle et sont
férencie des glioblastomes [6] . Ils migrent le long des fibres de mutuellement exclusives. La mutation du gène IDH1 est apparue
la substance blanche, l’infiltration tumorale suivant préférentiel- comme un événement précoce et un marqueur diagnostique et
lement les faisceaux de substance blanche intrahémisphériques pronostique dans les gliomes [15] . La survie globale est significative-
(notamment faisceaux unciné, arqué et fronto-occipital infé- ment plus longue pour les gliomes IDH muté que pour les gliomes
rieur pour les gliomes paralimbiques) et/ou interhémisphériques IDH non mutés (dits wild-type). La mutation la plus fréquente
selon leur localisation initiale, mais aussi les voies de projec- d’IDH1 est la mutation R132H. Le produit de cette mutation est
tion comme le faisceau pyramidal. Ils sont caractérisés par une reconnu de façon sélective par l’anticorps anti-IDH1 R132H utilisé
croissance continue et linéaire, avec un taux de croissance radio- en pratique quotidienne sur coupes en paraffine. Les mutations
logique du diamètre tumoral moyen de l’ordre de 4 mm par des gènes IDH sont liées à d’autres anomalies moléculaires (codé-
an, tant pour les gliomes symptomatiques que pour les gliomes letion 1p19q, mutation de P53 et d’ATRX).
asymptomatiques [7, 8] . La transformation maligne des GDBG est Le gène TP53, situé sur le chromosome 17, est un gène sup-
inéluctable, mettant en jeu le pronostic fonctionnel puis vital des presseur de tumeur impliqué dans plusieurs phénomènes comme
patients [9, 10] . Même si la survie est très variable d’un patient à la réparation de l’ADN (acide désoxyribonucléique) ou l’apoptose.
l’autre, et de fait imprédictible à l’échelon individuel, la médiane Au sein des tumeurs gliales, les mutations du gène TP53 sont carac-
de survie a été évaluée à environ 14 ans chez les patients traités téristiques des astrocytomes de grades II et III selon l’OMS et des
par chirurgie précoce [11] , montrant que, contrairement aux idées glioblastomes secondaires. Il existe plusieurs mutations de TP53
reçues, il ne s’agit en aucun cas d’une tumeur « bénigne ». qui sont toutes responsables d’une accumulation intranucléaire
de protéine p53 non fonctionnelle, détectable en immunohisto-
chimie [16] . Une concordance de 89 % a été apportée entre les
 Anatomopathologie et biologie mutations du gène TP53 et l’expression immunohistochimique de
la protéine p53. En pratique quotidienne, l’immunohistochimie
moléculaire remplace donc la recherche de mutations du gène TP53 qui est
rarement réalisée.
Classification histomoléculaire des gliomes Le gène ATRX (alpha thalassemia/mental retardation syndrome
X-linked) se trouve sur le chromosome X (Xq21.1) et code une
diffus de bas grade protéine nucléaire ubiquitaire. Celle-ci module la transcription et
La classification de l’OMS de 2007 des gliomes diffus repo- régule les états chromatiniens, notamment au niveau des télo-
sait sur deux critères histologiques qui sont le type cytologique mères. Dans les gliomes diffus, il a été noté une association
prédominant (définissant l’oligodendrogliome, l’astrocytome et de la mutation d’ATRX avec la morphologie astrocytaire [17] . La
l’oligoastrocytome) et le grade de malignité [12] (Fig. 1). Les critères mutation du gène ATRX semble mutuellement exclusive avec
définissant le grading des tumeurs reposent sur l’hypercellularité, la codéletion 1p19q, bien que de rares exceptions aient été
la présence d’atypies, le compte mitotique, la prolifération endo- décrites [18] . La mutation du gène ATRX aboutit à la produc-
théliocapillaire et la présence de nécrose. Cependant, dans la tion d’une protéine tronquée anormale et se traduit par une
dernière classification de l’OMS de 2016 [1] , a été soulignée la limite perte d’expression de la protéine en immunohistochimie. Cette
des critères morphologiques seuls (variabilité inter- et intraobser- mutation serait associée à un meilleur pronostic pour les gliomes
vateur, corrélation imparfaite à la survie) et, avec l’avènement astrocytaires ayant une mutation des gènes IDH.
des techniques de biologie moléculaire et la meilleure connais- La codéletion 1p19q est l’apanage des oligodendogliomes.
sance de la gliomagenèse, est née une classification dite intégrée Il s’agit d’une vraie codéletion due à une translocation

2 EMC - Neurologie
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Néoformations intracrâniennes : gliomes de grade II  17-210-B-20

Morphologie Astrocytome Oligodendrogliome

Statut IDH IDH muté IDH non muté


Tests génétiques non faits ou
non concluants
Autres résultats
Perte d’ATRX Codélétion
de biologie
Mutation TP53 1p19q
moléculaire

Astrocytome diffus, NOS


Astrocytome diffus, IDH muté
Oligodendrogliome, NOS
Oligoastrocytome, NOS

Oligodendrogliome diffus, IDH


muté, codélété 1p19q

Après exclusion d’autres


entités : astrocytome diffus
IDH non muté
Oligodendrogliome NOS
Figure 2. Classification histomoléculaire des gliomes diffus de bas grade (d’après [1] ). IDH : isocitrate déshydrogénase ; NOS : not otherwise specified.

t(1 ;19)(q10 ;p10), qu’il ne faut pas confondre avec les pertes Cette nouvelle classification permet une meilleure reproducti-
partielles du 1p ou du 19q, pouvant être retrouvées dans les bilité et définit des groupes diagnostiques plus homogènes. Elle
autres gliomes (et notamment astrocytaire), et sont de mau- reste cependant imparfaite sur le plan pronostique, du fait notam-
vais pronostic. Il a été démontré que le statut 1p19q avait de ment de la non-prise en compte de l’hétérogénéité au sein d’une
meilleures valeurs pronostique et prédictive que la différenciation même tumeur [21] .
histologique pour affirmer le diagnostic d’oligodendrogliome. La Le terme de gliome diffus NOS (not otherwise specified) peut être
codélétion s’associe toujours à une mutation des gènes IDH1 ou utilisé de façon provisoire en attendant le résultat de la recherche
IDH2, mais est mutuellement exclusive avec les mutations de p53. de mutation minoritaire si l’étude immunohistochimique avec
Le gène CIC (CapICua), situé sur le bras long du chromosome 19 l’anticorps anti-IDH1 est négatif et, si ATRX est maintenu, la codé-
(19q13.2), code la protéine du même nom qui est un répresseur letion doit être recherchée.
transcriptionnel. La mutation du gène CIC a été identifiée dans Avec la classification intégrée de l’OMS de 2016, le diagnos-
des oligodendrogliomes codélétés 1p19q. tic d’oligoastrocytome disparaît. En cas de codéletion 1p19q, le
La présence d’un gain du bras court du chromosome 7 (7p) est diagnostic d’oligodendrogliome est retenu. En l’absence de codé-
étroitement lié à l’amplification d’EGFR (epidermal growth factor letion, celui d’astrocytome IDH muté ou IDH non muté est porté.
receptor), le gène EGFR étant situé sur le chromosome 7. La perte du En cas de morphologie oligoastrocytaire, le diagnostic d’attente
bras long du chromosome 10 (10q) affecte le gène PTEN (phospha- NOS permet d’attendre les résultats de la biologie moléculaire. En
tase and TENsine homologous gene) situé sur le chromosome 10q. cas de discordance des données, un contrôle des techniques doit
PTEN est un gène suppresseur de tumeur qui contrôle la proliféra- être fait et une relecture doit être demandée.
tion cellulaire par le biais de la voie PI3 kinase/AKT. L’inactivation
de PTEN dérégule donc cette voie. L’association fréquente de ces
deux anomalies chromosomiques dans les gliomes (+7p/–10q) est Vers la transformation maligne des gliomes
associée à un mauvais pronostic et généralement à une histologie diffus de bas grade
de glioblastome.
L’amplification du gène EGFR est exceptionnelle dans les GDBG Si la transformation maligne des GDBG est inéluctable, le délai
et, comme la méthylation du promoteur de la MGMT (méthyle avant sa survenue est, lui, variable d’un patient en l’autre, en fonc-
guanine méthyle transférase), n’est pas recherchée en routine tion notamment des caractéristiques biologiques de la tumeur et
dans les GDBG. des traitements oncologiques délivrés. Des arguments cliniques et
La nouvelle classification de l’OMS de 2016 prend en compte ces biologiques rapportés ces dernières années suggèrent l’existence
nouvelles connaissances en biologie moléculaire et propose une d’un véritable continuum entre la phase véritablement de « bas
nouvelle approche histomoléculaire avec un diagnostic intégré grade » et la transformation maligne de la maladie. En effet,
(Fig. 2). l’analyse exhaustive de prélèvement tumoraux issus d’exérèse
De façon schématique, on distingue maintenant trois grands totale ou subtotale a permis la mise en évidence, chez un nombre
types de GDBG : non négligeable de patients, de foyers caractérisés par une densi-
• les gliomes présentant une codéletion 1p19q et une mutation fication cellulaire et une densité vasculaire plus élevée (voire une
d’IDH (environ 30 % des cas), correspondant au oligodendro- prolifération endothéliale mimine) [22] . Ces foyers (de grade « II+ »)
gliomes, présentant une vitesse de croissance plus lente, une correspondent à un degré de malignité intermédiaire puisqu’ils
meilleure chimiosensibilité et un meilleur pronostic en termes ne réunissent pas les critères pour un diagnostic de gliome de
de survie [19] ; grade III de l’OMS. Ils sont associés à une survie plus courte que
• les gliomes avec mutation IDH sans codéletion 1p19q (environ les GDBG « purs ». De la même façon, des cas de foyers de gliome
50 % des cas), de morphologie astrocytaire, souvent associés à malin (grade III, voire grade IV de l’OMS) entourés de gliome de
une inactivation du gène ATRX et/ou une surexpression de P53. grade II de l’OMS ont été décrits au sein de véritables GDBG [21] .
Ils sont de pronostic intermédiaire ; Malgré cette transformation maligne « focale », des survies pro-
• les gliomes sans mutation IDH ni codélétion 1p19q (environ longées ont été rapportées après exérèse totale ou subtotale, et ce
20 % des cas) qui évoluent classiquement de manière plus agres- y compris en l’absence de traitement médical immédiat [21] . Ces
sive [20] . observations remettent en cause la vision dichotomique classique

EMC - Neurologie 3
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17-210-B-20  Néoformations intracrâniennes : gliomes de grade II

entre les gliomes de grade II de l’OMS et les gliomes de plus haut  Présentation clinique : statuts
grade, les seconds correspondant vraisemblablement, au moins
dans certains cas, à l’évolution des premiers. Sans remettre en neurologique
cause l’utilité de la détermination du grade histologique, ces résul-
tats plaident en faveur d’une prise en compte de l’hétérogénéité
et neuropsychologique
tumorale vis-à-vis de ce grade, pour orienter au mieux la décision Les GDBG sont classiquement diagnostiqués chez des patients
thérapeutique. En effet, l’attitude classique actuelle consistant à jeunes (médiane de 37 ans au diagnostic radiologique), qui
déterminer la stratégie thérapeutique sur la base du grade tumo- mènent alors une vie familiale et socioprofessionnelle normale [4] .
ral le plus élevé trouvé au sein de la tumeur semble discutable, L’épilepsie (partielle ou secondairement généralisée) représente le
notamment après une exérèse totale ou subtotale [21] . mode de révélation le plus fréquent des GDBG et survient dans
plus de 90 % des cas [4, 5] . Elle est volontiers pharmacorésistante (15
Notion d’hétérogénéité tumorale à 50 % des cas) [5] . Les signes déficitaires sont rares compte tenu des
phénomènes de plasticité cérébrale rendus possibles par la vitesse
En 2014, von Deimling a étudié une cohorte de 43 oligoastrocy- de croissance relativement lente des GDBG. De la même façon,
tomes [23] . Ces gliomes ont été revus du point de vue histologique, les signes d’hypertension intracrânienne sont exceptionnels, et
immunohistochimique et moléculaire avec des techniques de ce malgré un volume tumoral parfois très important, témoignant
séquençage. Trente et un des 43 oligoastrocytomes ont été reclas- de la lenteur de l’évolution lésionnelle. La découverte est parfois
sés en oligodendrogliomes car positifs avec l’anticorps anti-IDH1 fortuite [8] , sur une imagerie réalisée devant une symptomatologie
et codélétés 1p19q. Onze autres gliomes ont été reclassés en astro- non en lien avec le GDBG ou de façon systématique (6,0 % des
cytomes, étant mutés pour ATRX. C’était la fin annoncée des cas dans la série française [4] ).
oligoastrocytomes, et une simplification relative du paysage des Même si les signes déficitaires sont rares, les patients sont rare-
gliomes diffus. ment complètement asymptomatiques puisqu’il existe dans la
En 2015, juste avant la sortie de la nouvelle classification, Suzuki grande majorité des cas des déficits neuropsychologiques dès le
a présenté une série de 52 cas de gliomes dans lesquels est étu- diagnostic, y compris pour les GDBG de découverte fortuite [27, 28] .
diée l’expansion clonale des mutations, avec chez 14 d’entre eux Les processus attentionnels, la mémoire de travail, les fonctions
l’étude de l’évolution des mutations au cours des rechutes [24] . Les exécutives, l’apprentissage sont particulièrement touchés, ainsi
gliomes sont classés selon la présence ou non de mutation d’IDH1, que les aspects émotionnels et comportementaux [27] . L’existence
de la codélétion 1p19q et de mutation de TERT. Par ailleurs, les de ces troubles, avant tout traitement à visée oncologique, plaide
auteurs soulignent une séquencialité avec la mutation d’IDH1 très en faveur d’un impact négatif du GDBG lui-même sur les pro-
précoce, puis d’autres comme la mutation de TP53 plus tardive. cessus cognitifs. De ce fait, une évaluation neuropsychologique
Enfin, les auteurs analysent l’hétérogénéité au sein d’un même complète, incluant une échelle de qualité de vie, doit être systé-
échantillon de résection tumorale, en réalisant des prélèvements matiquement réalisée en pratique clinique, et ce dans plusieurs
cartographiés et en étudiant les mutations en chaque point. Il en buts :
découle que, malgré la classification de ces gliomes grâce à des • rechercher un déficit cognitif discret passé inaperçu lors de
données de bio-informatique sur de grandes cohortes de patients, l’examen standard, grâce à des outils d’évaluation adaptés ;
et malgré la meilleure connaissance de la chronologie des muta- • élaborer la meilleure stratégie thérapeutique individuelle (par
tions au cours de leur évolution, les gliomes n’en restent pas moins exemple, décision de chimiothérapie néoadjuvante plutôt que
des tumeurs hétérogènes. de chirurgie première dans le cadre d’un GDBG très infiltrant à
Dans son étude en 2015, Peudetour et al. ont montré que la l’origine de troubles cognitifs déjà notables) ;
présence de microfoyers de densité cellulaire augmentée, présents • adapter la technique chirurgicale (notamment sélectionner les
dans des prélèvements tissulaires de GDBG issus de résections chi- tâches peropératoires sur la base de l’évaluation neuropsycho-
rurgicales, même s’ils ne présentaient pas les critères suffisants du logique) ;
point de vue histologique pour porter le diagnostic de gliomes • bénéficier d’un bilan neurocognitif de référence, préthérapeu-
anaplasiques, suggéraient une transformation infrahistologique tique, crucial pour le suivi post-traitement à long terme ;
avec une survie plus courte chez ces patients [22] . Il a été démontré • planifier une réhabilitation fonctionnelle postopératoire, essen-
que plusieurs voies de signalisation étaient déréglées au sein de tielle car la chirurgie peut induire un déficit neurocognitif
ces foyers, leur conférant un caractère plus agressif. transitoire [29] ;
Une étude du réseau POLA a étudié 156 oligodendrogliomes • potentiellement, dépister de façon plus précoce une récidive
IDH-muté, 1p19q codélétés [25] . Au sein de ce groupe a priori tumorale, la survenue d’une altération cognitives pouvant
homogène au moins sur la morphologie, trois sous-groupes représenter un facteur prédictif précoce de récidive dans les
ont été individualisés en fonction de leur expression différen- études neuropsychologiques longitudinales.
tielle de gènes : gènes proangiogéniques ou impliqués dans la En résumé, l’examen neuropsychologique est crucial dans la
transition épithéliomésenchymateuse, et expression du proto- prise en charge des GDBG, puisqu’il permet la surveillance de
oncogène MYC dans le groupe O1 ; gènes de la lignée neuronale et l’état neurologique, cognitif et/ou comportemental, constitue une
proneurogéniques pour O2 ; et enfin des gènes d’oligodendrocytes aide à la décision thérapeutique et représente potentiellement un
matures dans le groupe O3. Le groupe des oligodendrogliomes est indice précoce d’évolution de la tumeur, avant même sa mise en
donc un groupe plus hétérogène du point de vue de l’expression évidence par l’imagerie.
génique qu’il n’y paraît.
En 2017, Venteicher et al. se sont intéressés au microenvironne-
ment tumoral dans les GDBG et ont montré que les astrocytomes
IDH-mutés ont un microenvironnement enrichi en macrophages
 Sémiologie radiologique
et microglie, par rapport aux oligodendrogliomes [26] . Les auteurs Imagerie morphologique
formulent l’hypothèse que les astrocytomes IDH1-mutés et les
oligodendrogliomes également IDH-mutés proviennent du même Même si la tomodensitométrie cérébrale peut objectiver une
progéniteur commun de type cellule souche neurale, indifféren- image assez évocatrice (hypodensité spontanée non rehaussée
ciée et proliférante. Ils ont également montré que les différences après injection d’iode, parfois avec des calcifications), l’imagerie
d’expression géniques peuvent être minimes entre tumeurs IDH- par résonance magnétique (IRM) cérébrale est l’examen de réfé-
mutées, mais que l’expression des gènes varie beaucoup d’une rence dans les GDBG. En IRM conventionnelle (Fig. 3A), les
cellule à l’autre au sein de la même tumeur. GDBG apparaissent comme une masse mal limitée, généralement
L’hétérogénéité est donc présente entre patients, mais égale- assez homogène, touchant la substance blanche et la substance
ment chez un même patient au sein de la même tumeur et au grise, en hyposignal sur les séquences T1 et hypersignal sur les
cours de son évolution, et ce au-delà de toute classification his- séquences T2/fluid attenuated inversion recovery (FLAIR). La pré-
tologique et même des grands groupes issus des résultats de la sence de calcifications intratumorales est possible, notamment
biologie moléculaire. dans les oligodendrogliomes. Même si classiquement les GDBG

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ne présentent pas de prise de contraste, près de 30 % d’entre survie des GDBG [9] . Ce calcul de la pente de croissance tumo-
eux peuvent être rehaussés après injection de gadolinium (de rale est utile tout au long de la surveillance et pour objectiver
façon peu intense et/ou punctiforme) [30] . En effet, certains rehaus- l’éventuelle réponse aux thérapies [33] .
sements mal délimités peuvent rester stables dans le temps. Les GDBG infiltrent le cerveau en migrant le long des fibres
Toutefois, l’apparition d’une prise de contraste (hors de contexte blanches. Cependant, l’IRM morphologique n’est pas à même de
de radiothérapie), a fortiori si elle est nodulaire, signe la trans- montrer les limites de l’infiltration tumorale. En effet, il a été
formation maligne de la maladie. De la même façon, certaines démontré, à l’aide de biopsies étagées, que les GDBG envahissaient
tumeurs non rehaussées après injection de gadolinium corres- le parenchyme au-delà des anomalies de signal FLAIR, avec des
pondent sur le plan histologique à de véritables gliomes de haut cellules tumorales pouvant être retrouvées jusqu’à 2 cm autour de
grade, soulignant l’intérêt d’une exérèse le plus large possible pour ces anomalies [34] . L’utilisation de nouvelles techniques d’imagerie
rendre compte au plus près de l’ensemble de la biologie de la métabolique pourrait permettre d’affiner le diagnostic.
tumeur.
Les GDBG ont des localisations assez spécifiques par rapport à
l’ensemble des gliomes, et aux glioblastomes [6, 31] . Leur répartition Imagerie métabolique
est symétrique et homogène, avec une implication prédominante
des régions fronto-temporo-insulaires, et peu de localisations L’imagerie métabolique peut être utile pour le diagnostic, pour
postérieures [4, 6, 31] . Les localisations sous-tentorielles sont excep- guider la biopsie ou la résection chirurgicale, pour planifier la
tionnelles chez l’adulte. Des corrélations entre la topographie radiothérapie et pour évaluer la réponse aux traitements. Des
tumorale et certains paramètres de biologie moléculaire ont été réserves peuvent néanmoins être encore émises quant à la fiabi-
décrits, avec une localisation préférentielle en région frontale des lité de cette imagerie métabolique, qui mérite de fait d’être validée
tumeurs avec mutation IDH ou codélétion 1p19q [6, 32] . plus avant.
Le volume des GDBG est souvent déjà important lors du La spectroscopie-IRM mesure les principaux métabolites dans
diagnostic, avec une médiane évaluée aux alentours de 48 cm3 le tissu tumoral. Diverses modifications peuvent être observées
(étendue : 0,1–461 cm3 ) [4] . Le tracé de la courbe de croissance dans les GDBG : élévation du pic de choline (en lien avec
du diamètre tumoral moyen (calculé à partir de son volume) sur l’augmentation du turn-over membranaire), diminution du pic de
deux IRM espacées de trois mois (voire de six semaines seulement NAA (N-acéthyl aspartate) (perte neuronale) et augmentation du
s’il existe des critères pronostiques péjoratifs) représente une aide myo-inositol (prolifération gliale) [35] . La présence de lactates et
précieuse lors du diagnostic initial, notamment en permettant la de lipides (reflétant la nécrose) est associée à une plus importante
détection des gliomes à croissance rapide qui se comportent alors activité proliférative et à un comportement tumoral plus agres-
comme une véritable tumeur maligne. En effet, une corrélation sif [35] . Le ratio choline/NAA est utile pour distinguer un GDBG
statistique a été montrée entre la cinétique évolutive (évolution d’un gliome de plus haut grade [36] , et est corrélé au volume san-
du diamètre tumoral moyen en millimètres/an) et la médiane de guin cérébral relatif (VSCr) [37] . Par ailleurs, des études ont montré

A B C

D E
Figure 3.
A à C. Imagerie par résonance magnétique anatomique avant tout traitement, objectivant l’existence d’un gliome de grade II frontocalleux gauche : coupes
sagittales T1 avec injection de gadolinium (A), coupes coronales T2 (B) et coupes axiales fluid attenuated inversion recovery (FLAIR) (C). La tumeur est en
hyposignal T1 peu visible (A, flèche) alors qu’elle est mieux visualisée sur les pondérations T2 et surtout FLAIR, témoignant du caractère diffus, mal délimité.
À souligner que le patient ne présente pas de déficit neurologique (une seule crise inaugurale) malgré l’infiltration d’une importante partie du lobe frontal
gauche « dominant » (patient droitier), incluant la région dite de « Broca ».
D, E. Photographies peropératoires avant (D) et après (E) exérèse effectuée selon des limites fonctionnelles, identifiées à la fois en cortical et sous-cortical
(chiffres) grâce à la cartographie électrique chez un patient éveillé et réalisant un véritable bilan cognitif au fur et à mesure de la lobectomie frontale gauche
(les lettres en surface corticale représentent les contours tumoraux repérés par échographie peropératoire).

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F G H
Figure 3. (suite)
F à H. Imagerie par résonance magnétique anatomique postopératoire, objectivant une résection remnologiquement complète : coupes sagittales en T1 avec
injection de gadolinium (F), coupes coronalesen en T2 (G) et coupes axiales fluid attenuated inversion recovery (H). Le patient a présenté un déficit langagier
et cognitif (de mémoire de travail verbale) transitoire en postchirurgical immédiat, dont il a récupéré après une rééducation fonctionnelle adaptée. Il mène
actuellement une vie familiale, sociale et professionnelle normale avec 7 ans de recul, et n’a pas eu de traitement oncologique adjuvant, le diagnostic de
gliome de grade II ayant été histologiquement confirmé.

que le D-2-hydroxyglutarate, oncométabolite qui s’accumule dans tures radiomiques permettaient par ailleurs de prédire le pronostic
les gliomes avec mutation IDH, était détectable in vivo par des parmi les tumeurs avec mutation IDH [42] . Ces résultats doivent
techniques de spectroscopie [38] . Cette technique pourrait donc être validés.
être utile pour prédire le statut IDH, avant la chirurgie. Cepen- D’autres travaux ont utilisé des techniques fondées sur le voxel
dant, la détection du D-2-hydroxyglutarate nécessite des outils pour prédire les caractéristiques moléculaires de la tumeur. La
de spectroscopie spécifiques et complexes qui ne peuvent, pour technique de voxel-based lesion-symptom mapping (VLSM) est une
l’heure, être utilisés en pratique clinique de routine. méthode statistique qui permet la comparaison d’un paramètre
Les séquences de perfusion-IRM DSCI (dynamic susceptibility d’intérêt à l’échelle du voxel. Cette méthode a été utilisée pour
contrast imaging) permettent de calculer le VSCr, qui est corrélé à la analyser les relations entre la localisation tumorale et divers
vascularisation tumorale. Un VCSr augmenté dans les GDBG est paramètres biologiques tumoraux [6, 44] . Ces études suggèrent
prédictif d’une transformation maligne, avant même l’apparition une prédominance des GDBG avec mutation IDH et/ou codélé-
d’une prise de contraste [39] . tion 1p19q dans les régions frontales.
Certains examens de médecine nucléaire, comme la tomogra-
phie par émission de positons (TEP) peuvent également apporter
des informations complémentaires lors du diagnostic et du suivi Imagerie fonctionnelle
d’un GDBG [40] . La TEP au 18 F-fluorodéoxyglucose (FDG) a une Le développement des techniques d’imagerie neurofonction-
valeur limitée, en raison d’une faible captation des GDBG par nelle, à savoir IRM fonctionnelle (IRMf), magnétoencéphalogra-
rapport au cerveau normal. D’autres traceurs dérivés des acides phie, tractographie des fibres blanches par imagerie par tenseur de
aminés (11 C-méthionine MET, 18 F-fluoro-ethyl-L-tyrosine FET ou diffusion, et stimulation magnétique transcrânienne, a permis la
18
F-dihydroxyphenylalanine DOPA) ont montré un intérêt dans réalisation de cartographies non invasives de l’ensemble du cer-
les GDBG, du fait d’une forte captation dans le tissu tumoral veau. Ces méthodes donnent une estimation de la localisation des
par rapport au tissu sein, et ce indépendamment de l’existence aires éloquentes (c’est-à-dire impliquées dans les fonctions senso-
d’une rupture de la barrière hématoencéphalique. Ces traceurs rimotrices, visuelle, langagière, cognitives et émotionnelles) par
semblent utiles pour identifier des zones tumorales plus agressives rapport à la tumeur, tout en renseignant sur la latéralisation hémi-
au diagnostic (et donc guider l’éventuelle biopsie) et diagnosti- sphérique du langage. Néanmoins, l’imagerie fonctionnelle n’est
quer une progression tumorale (y compris diagnostic différentiel pas suffisamment fiable à l’échelon individuel pour pouvoir être
avec une radionécrose) [40] . Quelques études suggèrent par ailleurs utilisée en pratique clinique. Cela est dû au fait que cette imagerie
une valeur pronostique du TEP utilisant ces traceurs [41] . Il faut n’est pas un reflet direct de la réalité fonctionnelle cérébrale, mais
noter cependant que la validité de ces techniques n’a pas été for- une approximation très indirecte, fondée sur des reconstructions
mellement établie, limitant leur utilisation en pratique clinique. biomathématiques, ce qui explique pourquoi les résultats peuvent
Par ailleurs, leur accessibilité n’est pas garantie, notamment pour être variables selon le modèle utilisé [45] .
la TEP utilisant la MET, qui, du fait de la demi-vie très courte du Une méta-analyse fondée sur dix études de corrélation avec
11
C (20 min), impose une fabrication du ligand sur site grâce à un les stimulations électriques corticales directes a permis d’estimer
cyclotron. la sensibilité de l’IRMf pour le langage à 67 % (51–80 %), avec
une spécificité de 55 % (25–82 %), montrant donc une faible
précision de cette technique [46] . Qui plus est, l’IRMf n’est pas
Radiogénomique et utilisation des outils capable de différencier les régions essentielles pour la fonction
d’intelligence artificielle (qui doivent donc être chirurgicalement préservées) des régions
cérébrales impliquées mais non cruciales pour une fonction don-
Ces dernières années, des techniques nouvelles d’analyse de née (donc qui peuvent être chirurgicalement enlevées puisqu’une
l’image visent à extraire, de façon plus ou moins automatisée, compensation fonctionnelle est possible). Le développement de
une grande quantité de données quantitatives sans hypothèse a l’IRMf de repos, qui permet une cartographie fonctionnelle chez
priori, et de corréler les profils radiomiques ainsi identifiés aux un sujet ne réalisant aucune tâche, pourrait faciliter l’étude des
altérations moléculaires tumorales (notion de radiogénomique) réseaux neuronaux, y compris de la cognition et de l’émotion,
ou au pronostic des patients. Ces techniques utilisent des outils chez des patients porteurs de tumeur cérébrale possiblement à
d’intelligence artificielle pour permettre au système, après une l’origine d’un déficit neurologique [47] .
phase d’apprentissage, de définir des algorithmes de classification. Quant à l’imagerie par tenseur de diffusion, qui permet la trac-
Ainsi, dans les gliomes de grade II ou III de l’OMS, certains travaux tographie des principaux faisceaux de substance blanche, cette
suggèrent la possibilité de prédire le statut IDH [42] ou l’existence nouvelle technique nécessite d’être validée. En effet, l’utilisation
d’une codélétion 1p19q [43] . Dans l’étude de Liu et al., des signa- de différents modèles et logiciels à partir des mêmes données

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débouche sur différentes reconstructions, montrant que la un traitement médical). Dans ce contexte, les critères radiolo-
tractographie n’est ni fiable ni reproductible [48] , tout par- giques classiques, initialement proposés par McDonald et plus par
ticulièrement en présence d’une tumeur cérébrale [49] . Les le groupe RANO [54] ne sont pas appropriés aux GDBG, puisqu’ils
corrélations entre cette méthode et l’électrophysiologie peropé- ne tiennent compte que du calcul de deux diamètres et non du
ratoire (électrostimulations directes sous-corticales) ont retrouvé volume (avec extraction secondaire du diamètre moyen).
une concordance dans seulement 82 % des cas [50] . Une tracto- La deuxième phase de la maladie est inéluctable et se caractérise
graphie négative ne veut pas formellement dire qu’il n’y a pas de par une accélération de la vitesse de croissance tumorale, possi-
fibres cruciales au sein du gliome. De plus, cette technique n’est blement associée à la survenue de prises de contraste (signant la
capable de fournir qu’une information anatomique (indirecte) transformation maligne de la tumeur vers un gliome de grade III
mais en aucun cas une information sur la fonction des faisceaux ou IV de l’OMS), d’œdème, d’effet de masse et de possible nécrose.
sous-corticaux. De fait, si la tractographie représente un outil à la Les mécanismes exacts impliqués dans la transformation maligne
fois didactique et de recherche, il n’est pas raisonnable à l’heure sont mal connus, empêchant donc de prédire sa survenue à
actuelle de se fonder sur cette méthode pour poser une indication l’échelon individuel, même si des modifications génétiques sont
opératoire ni pour planifier l’acte chirurgical [50] . volontiers associées. Il est néanmoins exceptionnel d’observer une
transformation maligne pour des GDBG de petit volume (infé-
rieur à 10–15 cm3 ). Sur le plan clinique, les conséquences d’une
 Histoire naturelle et facteurs telle transformation sont majeures, avec apparition et/ou aggra-
vation de l’épilepsie, installation de signes déficitaires, voire une
pronostiques spontanés hypertension intracrânienne. La mise en jeu du pronostic neu-
rologique résulte de l’atteinte d’une zone fonctionnelle par trois
Malgré une variabilité intrinsèque du comportement biolo- mécanismes, qui peuvent s’associer :
gique des GDBG, leur histoire naturelle est désormais bien • une vitesse de croissance tumorale supérieure aux capacités de
connue. Alors qu’ils ont été longtemps considérés comme des plasticité cérébrale ;
tumeurs « bénignes », peu voire non évolutives, de nombreux • une augmentation de l’effet de masse sur les zones éloquentes
travaux publiés ces vingt dernières années ont permis de mettre jouxtant la tumeur et préalablement recrutées par des phéno-
en évidence une évolutivité constante des GDBG, en démontrant mènes de plasticité ;
que ces tumeurs : • une destruction des réseaux axonaux infiltrés par la tumeur et
• présentaient une croissance spontanée linéaire et continue [7] ; jusque-là préservés.
• infiltraient le parenchyme cérébral le long des voies blanches, Bien qu’utile sur le plan clinique, cette dichotomie entre la
et ce au-delà des anomalies de l’IRM [34] ; phase prémaligne et la période suivant la transformation maligne
• se transformaient inéluctablement en gliome de haut grade semble peu appropriée sur le plan biologique : il semble exister
(transformation maligne) [51] . en fait un continuum entre ces phases évolutives, durant lequel
Ainsi, la notion de « bénignité » des GDBG a été complètement l’acquisition des caractéristiques génotypiques et phénotypiques
abandonnée à ce jour. de malignité est progressive. La difficulté est donc d’apprécier,
pour un patient donné à un instant donné, à quel niveau il se
Déroulement de l’histoire naturelle situe dans la transition du grade II vers le grade III ou IV de l’OMS
(cf. supra) [12] .
L’histoire naturelle des GDBG est caractérisée par deux phases
distinctes : une première phase, avant la transformation maligne,
caractérisée par une croissance tumorale lente, continue et
Données de survie
linéaire ; puis une deuxième phase pendant laquelle le GDBG La transformation maligne des GDBG, inéluctable, aboutit inva-
subit des modifications aboutissant à sa transformation maligne riablement au décès des patients. Dans une étude dont le but était
en gliome de grade III ou IV de l’OMS, ou vers une gliomatose de comparer une stratégie de résection chirurgicale première à une
cérébrale. simple biopsie, la médiane de survie était de 14,4 ans chez les
Sur le plan clinique, la phase pré-maligne de la maladie se patients ayant bénéficié d’une chirurgie précoce [11] . Elle était de
caractérise par une période occulte pendant laquelle le patient ne plus de 14 ans (médiane non atteinte ; 80 % de survivants à 14 ans)
présente pas de symptôme manifeste, puis par une phase symp- pour les oligodendrogliomes IDH-mutés, 1p19q codélétés ; de
tomatique, marquée dans une grande majorité des cas par la 10,2 ans pour les astrocytomes IDH-mutés, sans codélétion 1p19q ;
survenue de crises d’épilepsie (à noter cependant qu’il existe, dès et de 5,3 ans pour les astrocytomes IDH wild-type. Dans l’étude de
la phase « asymptomatique », de véritables troubles cognitifs [28] ). phase III du Radiation Therapy Oncology Group (RTOG), 9802
Le caractère longtemps asymptomatique des GDBG, ainsi que la comparant la RT seule à la RT suivie d’une chimiothérapie par
rareté ou la discrétion des troubles neurologiques, sont expliqués PCV (procarbazine, chloroéthyl cyclohexyl nitroso-urée [CCNU],
par deux mécanismes : vincristine), la survie globale médiane était de 13,3 ans dans le
• l’infiltration du parenchyme cérébral par des cellules tumorales bras RT-PCV [55] .
isolées qui permet l’existence de tissu fonctionnel au sein de la
tumeur ;
• la lenteur de l’évolution tumorale, au fil des années, qui autorise
Facteurs pronostiques spontanés
la mise en place d’une adaptation cérébrale par des phénomènes Un âge plus élevé, un état général altéré (indice de Karnofsky
de plasticité, permettant une réorganisation dynamique des < 70) et l’existence d’un déficit neurologique au moment du diag-
réseaux fonctionnels envahis par la tumeur [52] . Ces mécanismes nostic sont des facteurs cliniques associés à un pronostic plus
de neuroplasticité sont généralement sous-tendus par le recru- sombre dans plusieurs études [4, 56] .
tement d’aires périlésionnelles ou situées à distance du gliome D’autres facteurs, liés à la tumeur, impactent le pronostic. Parmi
– au sein du même hémisphère, voire en controlatéral [53] . ces facteurs, un volume tumoral important et un franchissement
Sur le plan radiologique, on constate au cours de cette phase de la ligne médiane en imagerie sont associés à une survie plus
prémaligne une croissance linéaire de l’ordre de 4 mm de dia- courte, de même qu’une vitesse de croissance plus rapide [9] . Dans
mètre tumoral moyen par an (calculée sur 2 IRM successives, une étude française portant sur 143 GDBG, une vitesse de crois-
selon la méthodologie mentionnée [cf. supra]), tant chez les sance (diamètre tumoral moyen) supérieure ou égale à 8 mm par
patients symptomatiques que chez les patients avec un GDBG an était associée à une survie globale médiane de 5,1 ans, contre
de découverte fortuite [8] . Par conséquent, le concept de « sur- plus de 15 ans pour les tumeurs ayant une vitesse de croissance
vie sans progression » n’a aucune signification dans les GDBG inférieur à 8 mm/an [9] . L’apparition d’une prise de contraste,
non traités ou à la suite d’une résection chirurgicale partielle, surtout si elle est nodulaire, représente un facteur péjoratif [30] .
puisque, par définition, tous les GDBG évoluent continuellement La localisation tumorale impacte également le pronostic [4, 57] .
(ce concept reste en revanche valide à la suite d’une exérèse rem- Ainsi, les tumeurs de localisation frontale sont associées à un
nologiquement complète ou en cas de stabilisation préalable par meilleur pronostic, et ce quelle que soit la qualité de l’exérèse

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17-210-B-20  Néoformations intracrâniennes : gliomes de grade II

chirurgicale [4] . Cet avantage pronostique pour les GDBG de concomitante possible de corticostéroïdes ou de chimiothérapie.
topographie frontale pourrait être en lien avec une meilleure Les molécules les plus récentes (lévéritacétam, lamotrigine et plus
résectabilité de ces tumeurs [58] , mais aussi avec des différences récemment lacosamide) sont préférées, du fait de leur profil de
en termes de caractéristiques biologiques tumorales intrinsèques, tolérance favorable (malgré des effets secondaires thymiques et
avec, par exemple, une localisation préférentielle en région fron- comportementaux possibles avec le lévétiractam). De manière
tale des tumeurs présentant une codélétion 1p19q [6, 32] . D’autres générale, l’impact des antiépileptiques sur les aspects cognitifs
paramètres radiologiques ont également été associés à une survie ou psychopathologiques ne doit pas être méconnu. Comme pour
plus courte, notamment une augmentation du VSCr en IRM de toute épilepsie, il convient d’informer le patient des risques inhé-
perfusion [39] . rents à la conduite automobile, ainsi que de la législation vis-à-vis
Sur le plan biologique, un phénotype oligodendroglial (versus du permis de conduire.
un phénotype astrocytaire) et/ou l’existence d’une codélé- L’interruption éventuelle du traitement antiépileptique doit
tion 1p19q et la présence d’une mutation IDH sont associés à être envisagée au cas par cas en fonction du mode de vie de chaque
un meilleur pronostic [13, 14, 56] . Ainsi, dans l’étude du TCGA (The patient, et se doit d’être progressive sur une durée de trois à six
Cancer Genome Atlas), le pronostic des gliomes de grades II et mois, le cas échéant sous monitorage clinique, voire électroencé-
III de l’OMS différait selon les statuts IDH et 1p19q : survie glo- phalographique, rapproché.
bale médiane de huit ans, 6,3 ans et 1,7 ans pour les tumeurs À noter que les traitements oncologiques spécifiques (chirurgie,
IDH-mutées et codélétées 1p19q, les tumeurs IDH-mutées mais chimiothérapie, RT) peuvent également avoir un impact positif
non codélétées 1p19q et les tumeurs IDH wild-type, respective- sur l’épilepsie. Ainsi, la qualité de l’exérèse chirurgicale est pré-
ment [14] . Cependant il faut noter que ces analyses de survie ne dictive du contrôle des crises chez ces patients [5, 63] . Un impact
prenaient pas en compte, dans une analyse multivariée, les autres favorable de la chimiothérapie [5, 64] et de RT [5] a également été
facteurs pronostiques démontrés dans les GDBG. Il faut noter rapporté, et ce non seulement chez les patients avec une régres-
par ailleurs, malgré un pronostic habituellement moins favorable sion radiologique significative du volume tumoral, mais aussi
pour les astrocytomes IDH wild-type [13–15] , que plusieurs travaux lorsqu’une simple stabilisation est obtenue.
récents ont rapporté une survie favorable chez certains patients
porteurs d’une tumeur de ce type [59] , soulignant l’importance de
prendre en compte d‘autres paramètres pour les choix thérapeu- Place de la chirurgie
tiques. La méthylation du promoteur de la MGMT pourrait prédire Impact de la résection chirurgicale sur la survie
une survie prolongée chez les patients traités par témozolomide
(TMZ) [60] .
dans les gliomes diffus de bas grade
Pour répondre à la nécessité d’identifier, en postopératoire après La chirurgie est, dans tous les cas, nécessaire pour bénéficier
exérèse subtotale, les patients à haut risque d’évolution péjora- d’un prélèvement tissulaire, dans le but de différencier les sous-
tive et requérant l’introduction d’un traitement complémentaire types tumoraux, de définir le grade de la tumeur et d’étudier ses
d’emblée, différents scores pronostiques ont été proposés dans les caractéristiques moléculaires.
GDBG [56] . À ce jour, cependant, aucun score n’a pris en compte Au-delà de cette visée histomoléculaire, le but de la chirurgie
l’ensemble des facteurs pronostiques rapportés (notamment les est de tendre vers une exérèse maximaliste afin de minimiser les
paramètres de biologie moléculaire, la pente de croissance spon- risques de transformation maligne et d’augmenter les médianes
tanée, etc.). de survie, tout en préservant, voire en améliorant, la qualité de
vie [2, 62] .
La qualité de l’exérèse doit systématiquement être objectivée
 Stratégies thérapeutiques par une IRM postopératoire. Un point critique est la définition de
la résection complète, à savoir, dans les GDBG, une ablation de
l’ensemble des régions apparaissant en hypersignal FLAIR, véri-
L’existence d’un pronostic fonctionnel puis vital engagé à
fiable en comparant les IRM pré- et postchirurgicales. Une exérèse
moyen terme chez des patients jeunes, avec une vie active sur le
est considérée comme subtotale quand le volume résiduel est
plan familial, social et professionnel lors du diagnostic, doublée
inférieur à 10 ± 5 cm3 et partielle si ce dernier est supérieur à
d’une diminution des risques thérapeutiques, a débouché sur une
10 ± 5 cm3 . Malgré l’absence d’essai randomisé, toutes les séries
prise en charge interventionniste précoce des GDBG.
chirurgicales fondées sur une évaluation postopératoire objective
Pour autant, la prise en charge de ces patients reste à ce jour
par IRM ont démontré un impact significatif de l’exérèse sur la
controversée [2, 61] , au-delà de la chirurgie d’exérèse initiale dont
survie globale en retardant la transformation maligne, à la condi-
le bénéfice a été démontré. L’arsenal thérapeutique comprend,
tion que l’exérèse soit complète ou au moins subtotale (évidence
outre les traitements à visée antiépileptique, différentes options
de classe II) [4, 57, 65–67] . Une méta-analyse a confirmé un bénéfice
(résection chirurgicale, éventuellement répétée ; chimiothérapie ;
significatif de la chirurgie sur la survie à la suite d’une résection
RT) qui sont à considérer non pas tant isolément, mais plutôt
complète versus subtotale [68] . Une étude norvégienne a comparé
en association, dans une optique de stratégie thérapeutique à
la survie dans deux cohortes de patients avec GDBG. Dans le pre-
adapter en fonction de chaque patient, et aussi pour un patient
mier groupe, les patients ont bénéficié d’une simple biopsie et
donné au fur et à mesure des différentes phases de l’histoire de
d’un suivi, avec une médiane de survie de 5,8 ans seulement. Dans
la maladie. L’objectif d’une telle attitude est de tendre vers une
le second groupe, une chirurgie d’exérèse précoce a été pratiquée :
« neuro-oncologie fonctionnelle », dans le but de préserver (voire
la médiane de survie était de 14,4 ans, démontrant l’impact signi-
d’améliorer) la qualité de vie, et d’augmenter la durée de survie
ficatif de l’intervention (en sachant que ce bénéfice persistait après
en retardant la transformation maligne [62] .
ajustement en fonction des marqueurs moléculaires) [11] . La plus
importante série chirurgicale (n = 1097 patients), rapportée par le
Traitement antiépileptique Réseau d’étude français des gliomes, a montré une survie médiane
de 13 ans par rapport au premier traitement et de 15 ans par rap-
Une épilepsie est très fréquemment observée chez les patients port au premier symptôme – soit globalement le double si l’on
porteurs d’un GDBG [5] . Cette épilepsie est parfois difficilement compare à une attitude attentiste [4] .
contrôlée par les traitements antiépileptiques, notamment pour De fait, une étude prospective randomisée ne serait actuelle-
les GDBG localisés dans les régions rolandique, temporale et ment plus éthique. La chirurgie précoce est préconisée lors du
insulaire/paralimbique. L’existence de crises fréquentes impacte diagnostic d’un GDBG. La biopsie (tout en restant conscient du
négativement la qualité de vie des patients. L’introduction d’un risque de sous-cotation du grade déjà évoqué) doit être réservée
traitement antiépileptique est indiquée dès la première crise chez exclusivement aux contre-indications de l’intervention, notam-
les patients porteurs d’un GDBG, dans le but d’augmenter le délai ment dans les gliomatoses. Une chirurgie « préventive » est
avant une seconde crise éventuelle. L’utilisation d’une monothé- également proposée dans le cadre des GDBG asymptomatiques,
rapie est privilégiée en première intention. Les antiépileptiques car débouchant sur un plus grand nombre de résections totales
inducteurs enzymatiques doivent être évités du fait de l’utilisation du fait d’un volume tumoral plus faible [69] . C’est la raison pour

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laquelle une politique de dépistage a été envisagée dans la popula- d’emblée) doit être discutée au cas par cas, en fonction d’un
tion générale, dans le but de diagnostiquer précocement les GDBG ensemble de paramètres cliniques (état général du patient, défi-
et ainsi les traiter plus efficacement [70] . En conclusion, la chirurgie cit neurologique), radiologiques (qualité de l’exérèse quantifiée
d’exérèse représente actuellement la première option thérapeu- par IRM postopératoire [65] , pente de croissance tumorale sponta-
tique dans les GDBG [2, 71] . née préopératoire [9] et postopératoire [80] , localisation du résidu
tumoral laissé en place et impact clinique de l’extension atten-
Considérations fonctionnelles due de l’infiltration tumorale en FLAIR), et biologiques (index de
prolifération, grade de l’OMS avec les réserves discutées ci-dessous
Une méta-analyse a montré qu’au-delà du fait que l’utilisation vis-à-vis de l’hétérogénéité tumorale, paramètres de biologie molé-
des techniques de cartographie par stimulation électrique perchi- culaire). De manière générale, aucun de ces paramètres ne doit
rurgicale augmentait significativement le pourcentage de patients dicter à lui seul la décision de débuter un traitement (versus sur-
avec résection totale ou subtotale, elle diminuait significative- veillance clinicoradiologique régulière), mais c’est bien l’ensemble
ment le taux de déficits postopératoires permanents [72] . En ce de ces facteurs qui doivent être considérés pour une prise de
sens, la chirurgie éveillée est une procédure bien tolérée, qui per- décision adaptée. De fait, aucune étude randomisée à ce jour
met : n’a cherché à évaluer l’impact d’un traitement médical d’emblée
• d’étendre les indications opératoires en zones « éloquentes » ; (chimiothérapie, RT, ou association des deux) par rapport à une
• d’identifier les structures corticales et sous-corticales cru- surveillance clinique et radiologique régulière après résection
ciales pour la fonction, notamment concernant les fonctions totale ou subtotale chez ces patients. En revanche, l’étude de
sensorimotrices, langagières, visuospatiales, cognitives et émo- phase III 22845 de l’European Organization for Research and
tionnelles [73] ; Treatment of Cancer (EORTC) a montré l’absence d’impact en
• de réduire le risque de séquelles neurologiques à moins de 2 % ; survie globale de la RT réalisée de façon précoce (versus RT plus
• d’effectuer des résections selon des limites fonctionnelles, sans tardive) [81] .
marge, ce qui les optimise ; Après exérèse partielle ou biopsie, l’instauration d’un traite-
• de majorer la survie globale des patients [10, 62] . ment médical d’emblée est souhaitable, si possible après une
En effet, l’utilisation d’une cartographie fonctionnelle en condi- courte période de surveillance, de façon à pouvoir évaluer la pente
tion éveillée chez les patients avec GDBG localisés en régions de croissance tumorale spontanée dont la valeur pronostique a été
éloquentes a permis d’augmenter très significativement la survie démontrée [9] .
à long terme via une majoration de l’étendue de l’exérèse [74] . Par
ailleurs, la chirurgie éveillée en régions « non fonctionnelles »
peut déboucher sur une résection « supratotale », c’est-à-dire la Choix du traitement de première ligne
résection d’une marge de sécurité autour de l’hypersignal FLAIR Si l’indication d’un traitement complémentaire est retenue
visible sur l’IRM, car infiltré par des cellules tumorales dans un (quel que soit le délai par rapport à la chirurgie), différentes
rayon de 1 à 2 cm, avec un impact à long terme très significatif options sont à discuter : TMZ en monothérapie, polychimiothé-
sur la transformation maligne [75] . rapie par PCV, RT, RT suivie de PCV, RT avec TMZ concomitant
Lorsqu’une exérèse totale n’est pas réalisable pour des rai- et/ou adjuvant, etc. La stratégie thérapeutique doit viser à une
sons fonctionnelles, une ou plusieurs réinterventions peuvent optimisation de la balance oncofonctionnelle, en tenant compte
être envisagées, avec un impact sur la survie tout en préservant des effets secondaires possibles de chaque option de traitement.
les fonctions cérébrales. En effet, la chirurgie éveillée permet
d’effectuer une ou plusieurs réinterventions avec préservation Place de la radiothérapie
fonctionnelle et amélioration de l’étendue de la résection, y La RT constitue un traitement efficace dans les gliomes [81–83] ,
compris en zone éloquente, grâce aux mécanismes de plasticité qui a été longtemps considéré comme le traitement standard
cérébrale (Fig. 3B, C) [52, 53, 76, 77] . après exérèse chirurgicale dans les GDBG. Une dose de 50,4 Gy
Qui plus est, les exérèses larges, surtout si elles sont complètes est classiquement délivrée. Deux essais randomisés (les études
sur l’imagerie, améliorent le contrôle de l’épilepsie dans approxi- de l’EORTC 22844 : 45 Gy en 5 semaines versus 59,4 Gy en
mativement 80 % des cas, en particulier chez des patients avec une 6,6 semaines ; et du North Central Cancer Treatment Group
épilepsie préopératoire prolongée [5] . Comme susmentionné, il est [NCCTG] : 50,4 Gy versus 64,8 Gy) ont montré l’absence d’impact
primordial de réaliser une réhabilitation fonctionnelle précoce d’une augmentation de la dose sur la survie globale ou la sur-
et intensive en postopératoire, adapté au bilan cognitif post- vie sans progression [84, 85] , Les techniques avancées de type IMRT
chirurgical immédiat [29] . Enfin, moyennant cette rééducation doivent être privilégiées dans le but de réduire la dose délivrée
fonctionnelle et cognitive individualisée dans la phase postopéra- aux tissus en dehors du volume cible (voir recommandations du
toire précoce, des améliorations neuropsychologiques ont même National Comprehensive Cancer Network [NCCN] 2019), mais
été observées à la suite de la résection, notamment concernant il n’existe à ce jour pas de données prospectives démontrant un
la mémoire et les fonctions exécutives [78] . Un essai randomisé impact de leur utilisation sur la survie ou sur la toxicité cogni-
récent a montré que la rééducation cognitive avait un impact favo- tive. Dans l’étude du NCCTG ayant inclus 203 patients avec un
rable sur les plaintes cognitives à court et long termes, ainsi que GDBG sus-tentoriel opéré (quelle que soit la qualité de la résec-
sur la fatigue mentale chez les patients porteurs de gliomes [79] . tion), la survie sans progression médiane était de 5,2 ans après la
Ainsi, dans les GDBG de découverte fortuite, une série chirurgi- RT [85] . Dans une série française portant sur 33 patients porteurs
cale a montré que 98 % des patients retrouvaient leur activité d’un GDBG sus-tentoriel traités par RT en première ligne, une
socioprofessionnelle à la suite de l’intervention [69] . diminution du diamètre tumoral moyen était observée chez tous
En résumé, la chirurgie précoce et la plus radicale possible se les patients, avec une diminution maximale de 65,9 % du volume
doit d’être envisagée en première intention dans les GDBG, car tumoral initial en médiane [82] . Une majoration du volume tumo-
elle permet un impact favorable à la fois sur la survie et sur la ral était observée après une médiane de 42 mois dans cette étude.
qualité de vie. Du fait de risques cognitifs, l’intégration de la RT dans la
séquence thérapeutique globale est discutée. En effet, l’étude de
phase III 22845 de l’EORTC a montré l’absence d’impact en survie
Place des traitements médicaux globale de la RT réalisée de façon précoce par rapport à la RT réa-
Timing des traitements médicaux : quels patients lisée de façon plus tardive, malgré une augmentation de la survie
sans progression [81] . Par ailleurs, la RT est associée à un déclin cog-
traiter et quand ? nitif (capacités attentionnelles, fonctionnement exécutif, vitesse
La question de la place de la surveillance postopératoire et du de traitement de l’information [86] ). La survie médiane actuelle
choix du moment de l’instauration d’un traitement médical est dépassant dix ans dans les études [11, 55] , les patients sont sujets, à
une question centrale dans la prise en charge des GDBG. Après distance de la RT, à cette toxicité. C’est pourquoi de nombreuses
exérèse totale ou subtotale, l’instauration d’une surveillance cli- équipes ne proposent la RT qu’en cas d’échappement thérapeu-
nicoradiologique régulière (pas de traitement médical spécifique tique à la suite de chirurgie(s) et de chimiothérapie(s) [87] .

EMC - Neurologie 9
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17-210-B-20  Néoformations intracrâniennes : gliomes de grade II

Diagnostic
Bilan neuropsychologique
Calcul de la pente de croissance sur 2 IRM consécutives

Résection chirurgicale
possible à priori
Non (et pas
Oui (ou d’HTIC)
HTIC)
Biopsie

Résection Résection Résection


totale ou subtotale partielle
supratotale
Chimiothérapie
(CT) de 1e ligne
Suivi IRM
et clinique

Réduction Stabilisation Progression


Progression Croissance
du résidu Radiothérapie ou
CT 2e ligne

Réduction au Réduction au
moins moins subtotale Croissance Réduction Stabilisation Progression
Résection subtotale impossible
Résection au
au moins possible (ou (et pas
moins subtotale
subtotale ER/ HTIC) ER/ HTIC) Suivi IRM
impossible (et pas CT 2e ou
possible (ou et clinique
ER/ HTIC) Réduction au Réduction au 3e ligne
ER/ HTIC)
moins moins
subtotale subtotale
possible (ou impossible (et
ER/ HTIC) pas ER/ HTIC)

Transfor-
Suivi IRM mation
et clinique maligne
Figure 4. Stratégie thérapeutique dynamique dans les gliomes de grade II (d’après [2, 53] ). CT : chimiothérapie ; IRM : imagerie par résonance magnétique ;
ER : épilepsie réfractaire ; HTIC : hypertension intracrânienne. Flèches pointillées : réorganisation fonctionnelle (neuroplasticité).

Place de l’association radiothérapie-chimiothérapie cer aux États-Unis), 1054 patients présentant un GDBG à « haut
Comme dans les gliomes anaplasiques, l’association RT-PCV risque » (selon la définition du RTOG 9802) recevant un traite-
améliore la survie des patients porteurs d’un GDBG. Dans l’étude ment médical précoce (dans les 6 mois après le diagnostic) étaient
de phase III du RTOG 9802, la RT seule était comparée à la RT inclus : chimiothérapie seule n = 496 (monochimiothérapie dans
suivie d’une chimiothérapie par PCV chez les patients de moins 89,3 % des cas, vraisemblablement TMZ) et radiochimiothérapie
de 40 ans ayant bénéficié d’une biopsie ou d’une résection sub- n = 588 (monochimiothérapie dans 92,5 % des cas, vraisembla-
totale, ou de 40 ans ou plus ayant bénéficié d’une biopsie ou blement TMZ également) [89] . Il n’était pas retrouvé de différence
d’une résection (quelle que soit sa qualité). L’adjonction de PCV en survie globale entre ces deux groupes. Bien qu’intéressants,
à la RT conduisait à une augmentation significative de la survie ces résultats doivent être considérés avec précaution du fait d’une
globale (survie globale médiane 13,3 ans dans le bras RT-PCV ver- durée de suivi limitée, d’une proportion plus importante de codé-
sus 7,8 ans dans le groupe RT seule ; HR [hazard ratio] : 0.59 ; létions 1p19q dans le groupe chimiothérapie seule et d’un nombre
p = 0,003) [55] . Sur la base de ces résultats, la stratégie associant relativement important de données manquantes pour des fac-
RT et PCV a fait l’objet de recommandations européennes pour teurs pronostiques tels que la mutation IDH ou l’étendue de la
tous les patients nécessitant un traitement [61] . Pourtant, même résection.
si cette étude apporte une preuve de l’efficacité de la chimiothé-
rapie dans les GDBG, elle présente plusieurs limites qui rendent Place de la chimiothérapie seule
délicate la généralisation de l’utilisation de l’association RT-PCV L’activité du TMZ, un agent alkylant, au diagnostic ou à la pro-
en traitement « médical » de première intention chez tous les gression dans les GDBG a été montrée dans plusieurs études de
patients (proportion importante de patients présentant une prise phase II [89–91] . Une diminution lente et progressive du volume
de contraste en imagerie, pas de prise en compte de la qualité de tumoral (ou du diamètre tumoral moyen) sous TMZ est observée
l’exérèse, faible proportion d’exérèses totales, pas de données de chez une majorité de patients (92 à 100 %) [19, 90, 91] . Il s’agit le plus
qualité de vie et absence d’évaluation adaptée de l’impact cognitif souvent de réponses partielles ou mineures, avec peu de réponses
du traitement). complètes [19, 91] . La durée de réponse (réduction volumique) est
À noter que l’association de la RT avec la chimiothérapie par associée à la présence d’une codélétion 1p19q. Dans l’étude de
TMZ est une option dans les astrocytomes [61] , mais cette recom- l’EORTC 22033-26033, la survie sans progression était évaluée à
mandation n’est faite que sur la base d’extrapolation des données 39 mois chez les patients à « haut risque » (au moins un facteur
sur les gliomes anaplasiques [88] . Dans une étude fondée sur les de risque parmi : âge > 40 ans, maladie évolutive, taille tumorale
données de la National Cancer Data Base (registre rétrospectif > 5 cm, tumeur dépassant la ligne médiane ou symptômes neuro-
qui enregistre environ 70 % des nouveaux diagnostics de can- logiques) recevant du TMZ en traitement initial adjuvant [83] . Par

10 EMC - Neurologie
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Néoformations intracrâniennes : gliomes de grade II  17-210-B-20

ailleurs, les quelques études ayant évalué l’impact du TMZ sur la tégie a fait l’objet de quelques publications [90, 99] mais doit être
cognition et sur la qualité de vie des patients suggèrent l’absence évaluée plus avant dans de plus grandes études.
de toxicité [92, 93] . Cependant, ces résultats doivent être validés par
une évaluation complète et longitudinale de la cognition et de la Vers des thérapies innovantes ?
qualité de vie chez un plus grand nombre de patients, en prenant
en compte les autres facteurs pouvant avoir un impact tels que Malgré d’importantes avancées dans la caractérisation molé-
la tumeur elle-même, la chirurgie, l’épilepsie et les traitements culaire des gliomes, les thérapies ciblées n’ont montré que peu
antiépileptiques, mais aussi le niveau cognitif prémorbide et les d’efficacité à ce jour dans la prise en charge des GDBG. Les inhibi-
aspects psychopathologiques (notamment dépression, anxiété ou teurs de la protéine IDH-mutée constituent une voie prometteuse
colère). et font l’objet de nombreux travaux actuellement [100] . L’impact
Le rôle du PCV dans les GDBG a également été démontré dans des immunothérapies (immune checkpoints inhibitors, vaccination
plusieurs études de phase II monobras, dont certaines avec évalua- peptidique, thérapies cellulaires de type CAR-T cells) est également
tion volumétrique de la réponse tumorale [94, 95] . Une diminution en cours d’évaluation.
du volume tumoral est observée chez tous les patients recevant
du PCV, avec une décroissance médiane du diamètre tumoral Vers une prise en charge individualisée
moyen de 10 mm par an. Cette diminution se poursuit après
l’interruption du PCV chez la plupart des patients, pendant une et sérielle
durée médiane de 2,7 ans à partir de la fin du PCV. La survie sans La prise en charge optimale des patients porteurs d’un GDBG
progression a été évaluée à 46 mois après PCV ; elle semble être doit être déterminée au cas par cas pour chaque patient, en
plus longue pour les patients présentant un GDBG codélété 1p19q prenant en compte divers paramètres cliniques, radiologiques
que pour les patients avec une tumeur non codélétée (67 mois ver- et biologiques. La question de la séquence des traitements est
sus 35 mois ; p = 0,0024) [95] . L’impact du PCV sur la survie globale cruciale dans ce contexte. En effet, s’agissant d’une maladie chro-
a été confirmé par l’étude du RTOG 9802 [54] . nique avec des survies prolongées, l’utilisation des différentes
La question de la supériorité du PCV par rapport au TMZ n’a options thérapeutiques doit être pensée non seulement en fonc-
pas fait l’objet d’une étude prospective dans les GDBG. Dans les tion de leur efficacité propre mais aussi en fonction de leur
gliomes anaplasiques, aucune différence significative n’a été mise intégration au sein d’une stratégie thérapeutique plus large, mul-
en évidence à ce jour en termes de survie sans progression ou de tiséquentielle. Ainsi, par exemple, l’utilisation d’emblée de la RT
survie globale au diagnostic [96] ou à la récurrence [97] . Le profil de et du PCV peut compromettre la prise en charge ultérieure en
tolérance doit également être pris en considération, le PCV étant limitant les options restant disponibles. Des réponses prolongées
associé à une toxicité générale et hématologique significativement ont été rapportées après PCV [94] et après RT [83] , et considérant
plus élevée [19, 94] , et, semble-t-il, à une diminution de la qualité le nombre limité d’options thérapeutiques, l’intérêt d’une sur-
de vie [97] . Par ailleurs, l’impact attendu du traitement médical veillance rapprochée du volume tumoral après RT ou PCV est une
choisi en première ligne doit être considéré non pas de façon option à discuter (notion de traitement séquentiel).
isolée, mais de façon intégrée dans la séquence thérapeutique Il convient donc d’avoir une vision globale d’ensemble de la
globale qui peut associer, de manière séquentielle, le TMZ et le stratégie thérapeutique à court, moyen et long termes [50] . En effet,
PCV. le but est désormais d’évoluer vers une vision holistique, fondée
Du fait de l’activité démontrée de la chimiothérapie dans les sur l’anticipation d’une approche multithérapeutique individua-
GDBG, de l’absence de bénéfice d’une RT précoce (versus tardive) lisée et à long terme, avec adaptation en temps réel de la stratégie
sur la survie globale et de la toxicité cognitive de la RT, nombre au fil des ans via le retour clinique, radiologique et histomolécu-
d’équipes choisissent actuellement de retarder la RT (utilisée à la laire rendu possible grâce à une surveillance régulière. Une telle
progression) et de favoriser la chimiothérapie seule comme trai- attitude dynamique remet en question la prise en charge tradi-
tement initial dans les GDBG [87] . L’étude EORTC 22033-26033 a tionnelle, et ce à plusieurs égards :
évalué l’efficacité de la chimiothérapie par TMZ en monothéra- • en proposant un traitement précoce ;
pie (selon un schéma « dose dense ») par rapport à la RT seule • en répétant les thérapeutiques (par exemple, multiples résec-
chez des patients avec un GDBG à « haut risque » [83] . Il n’était tions chirurgicales espacées de plusieurs années, ou périodes de
retrouvé aucune différence en PFS (objectif principal de l’étude) chimiothérapie entrecoupées de phases de simple surveillance,
entre le bras TMZ (n = 237) et le bras RT (n = 240) (PFS médiane etc.) ;
39 mois dans le bras TMZ versus 46 mois dans le bras RT ; p = 0,22). • en modifiant l’« ordre classique » des traitements (par exemple,
Parmi les patients avec un astrocytome IDH-muté mais sans codé- chimiothérapie néoadjuvante préopératoire suivie de chirurgie
létion 1p19q, la PFS médiane était supérieure dans le groupe RT large, pas de RT précoce, etc.).
(HR : 1,86 ; p = 0,0043). Cependant, l’absence de données de Le but d’une telle stratégie est d’optimiser à la fois les médianes
survie globale ne permet aucune conclusion pertinente pour le de survie et la qualité de vie. En ce sens, au-delà du ratio béné-
moment. Les résultats d’une étude en population fondée sur les fice/risque de chaque traitement considéré isolément, l’impact
données du National Cancer Database aux États-Unis apporte de la stratégie thérapeutique globale sur le temps cumulatif de
également des éléments de réflexion intéressants [98] . Dans cette qualité de vie optimale versus le temps avant transformation
étude, des patients porteurs d’un GDBG réséqué ont reçu une maligne devrait être systématiquement pris en considération, et
RT seule (n = 1466) ou une chimiothérapie seule (n = 787) en pas uniquement la survie indépendamment du statut fonctionnel
première ligne postchirurgie. En analyse multivariée (prenant en du patient. En d’autres termes, la prise en charge individuali-
compte l’âge et la qualité de la résection notamment), seule la sée devrait se fonder sur la compréhension des interactions entre
chimiothérapie était significativement associée à la survie glo- l’histoire naturelle du GDBG, les mécanismes de neuroplasticité
bale (HR : 0,405 ; intervalle de confiance 95 % : 0,277–0,592 ; réactionnels et la modulation oncofonctionnelle induite par les
p < 0,001). Cependant, cette étude présente également de nom- thérapies multiples (Fig. 4) [2, 44] .
breuses limites, notamment l’absence de prise en compte, dans
l’analyse de survie, des paramètres de biologie moléculaire du fait
d’un nombre très important de données manquantes. Cette limite  Conclusion
est d’autant plus dommageable que, parmi les patients avec un sta-
tut 1p19q disponible, 66,8 % présentaient une codélétion dans le La meilleure connaissance de l’histoire naturelle des GDBG
groupe traité par chimiothérapie seule contre 33,2 % seulement (croissance, migration et transformation anaplasique inéluc-
dans le groupe RT. tables), associée à une diminution des risques de chacun des
À noter que, pour des tumeurs non opérables en raison d’une traitements, a transformé la vision abstentionniste « tradition-
infiltration trop massive des zones fonctionnelles, une chimiothé- nelle » en une attitude résolument thérapeutique. Le but est
rapie néoadjuvante (préopératoire) peut être discutée en première désormais d’élaborer des stratégies thérapeutiques dynamiques
intention, dans le but de permettre une régression de l’infiltration et personnalisées, à savoir de déterminer l’ordre et le moment
et d’ouvrir la porte à une chirurgie d’exérèse seconde. Cette stra- de chacun des traitements (première voire multiples exérèses

EMC - Neurologie 11
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17-210-B-20  Néoformations intracrâniennes : gliomes de grade II

chirurgicales maximalistes, première voire multiples lignes de chi- [2] Mandonnet E, Duffau H. An attempt to conceptualize the individual onco-
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sur les IRM régulières de contrôle), de l’état clinique et neurocog- low-grade glioma patients. Crit Rev Oncol Hematol 2018;122:83–91.
nitif, ainsi que de l’anatomie fonctionnelle cérébrale individuelle [3] Darlix A, Zouaoui S, Rigau V, Bessaoud F, Figarella-Branger D, Mathieu-
(étudiée par les méthodes de cartographie, et susceptible de se Daudé H, et al. Epidemiology for primary brain tumors: a nationwide
réorganiser grâce aux mécanismes de neuroplasticité), afin d’éviter population-based study. J Neurooncol 2017;131:525–46.
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chet L, et al. Spontaneous and therapeutic prognostic factors in adult
la qualité de vie. Seule une approche pluridisciplinaire, voire en hemispheric WHO grade II gliomas: a series of 1097 cases. J Neurosurg
réseaux pluricentriques, dans le cadre de cette maladie cérébrale 2013;118:1157–68.
chronique permet de donner un véritable avenir aux patients por- [5] Pallud J, McKhann GM. Diffuse low-grade glioma-related epilepsy. Neu-
teurs de GDBG, avec la possibilité de concevoir des projets à long rosurg Clin N Am 2019;30:43–54.
terme, tant sur le plan socioprofessionnel que sur le plan familial. [6] Darlix A, Deverdun J, Menjot de Champfleur N, Castan F, Zouaoui
La prochaine étape devrait être celle d’un dépistage précoce afin S, Rigau V, et al. IDH mutation and 1p19q codeletion distinguish
de proposer un traitement préventif [71] . two radiological patterns of diffuse low-grade gliomas. J Neurooncol
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tumeur prémaligne (croissance tumorale continue et
et al. Velocity of tumor spontaneous expansion predicts long-term out-
transformation maligne inéluctable). comes for diffuse low-grade gliomas. Neuro Oncol 2013;15:595–606.
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associées aux critères histologiques dans la classification [11] Jakola AS, Skjulsvik AJ, Myrmel KS, Sjåvik K, Unsgård G, Torp SH,
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codélété 1p19q. new individualized therapeutic strategies. Londres: Springer; 2013.
• Un GDBG doit être suspecté devant toute crise [13] Eckel-Passow JE, Lachance DH, Molinaro AM, Walsh KM, Decker PA,
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L’examen de référence est l’IRM cérébrale, qui doit per- mutations in tumors. N Engl J Med 2015;372:2499–508.
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cinétique de croissance. Les troubles cognitifs, même s’ils grative genomic analysis of diffuse lower-grade gliomas. N Engl J Med
sont minimes, sont la règle dans les GDBG, du fait de la 2015;372:2481–98.
tumeur elle-même, devant déboucher sur un bilan neuro- [15] Xia L, Wu B, Fu Z, Feng F, Qiao E, Li Q, et al. Prognostic role of
psychologique. IDH mutations in gliomas: a meta-analysis of 55 observational studies.
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nismes de plasticité cérébrale et à l’utilisation de méthodes [17] Nandakumar P, Mansouri A, Das S. The role of ATRX in glioma biology.
de cartographie fonctionnelle peropératoire) ont trans- Front Oncol 2017;7:236.
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Immunohistochemical ATRX expression is not a surrogate for 1p19q
active, dès le diagnostic. codeletion. Brain Tumor Pathol 2018;35:106–13.
• La résection chirurgicale est à considérer en première [19] Ricard D, Kaloshi G, Amiel-Benouaich A, Lejeune J, Marie Y, Man-
intention chaque fois que possible, et peut être répétée. donnet E, et al. Dynamic history of low-grade gliomas before and after
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A. Darlix, Docteur en médecine, PhD, neuro-oncologue.


Département d’oncologie médicale, Institut du cancer de Montpellier, Université de Montpellier, 208, avenue des Apothicaires, 34298 Montpellier cedex 5,
France.
Inserm U1191, Équipe « plasticité cérébrale, cellules souches et tumeurs gliales », Institut de génomique fonctionnelle, 141, rue de la Cardonille, 34094
Montpellier cedex 5, France.
V. Rigau, Docteur en médecine, PhD, pathologiste.
Département d’anatomopathologie, Hôpital Gui-de-Chauliac, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France.
Inserm U1191, Équipe « plasticité cérébrale, cellules souches et tumeurs gliales », Institut de génomique fonctionnelle, 141, rue de la Cardonille, 34094
Montpellier cedex 5, France.
H. Duffau, Docteur en médecine, PhD, neurochirurgien (h-duffau@chu-montpellier.fr).
Département de neurochirurgie, Hôpital Gui-de-Chauliac, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex 5, France.
Inserm U1191, Équipe « plasticité cérébrale, cellules souches et tumeurs gliales », Institut de génomique fonctionnelle, 141, rue de la Cardonille, 34094
Montpellier cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Darlix A, Rigau V, Duffau H. Néoformations intracrâniennes : gliomes de grade II. EMC - Neurologie
2020;43(3):1-14 [Article 17-210-B-20].

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