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LES TRAUMATISMES DE LA RATE ORIENTATIONS THERAPEUTIQUES EN

MILIEU AFRICAIN

Article · January 1998

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Sosso Maurice Aurelien

University of Yaounde I
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 LES TRAUMATISMES DE LA RATE
ORIENTATIONS THERAPEUTIQUES EN MILIEU AFRICAIN
P. MASSO-MISSÉ*, A. ESSOMBA*, S.N. FOWO, S. TAKONGMO* M.A. SOSSO*
RÉSUMÉ
Les auteurs rapportent leurs orientations thérapeuti-
ques dans les traumatismes de la rate chez 111 patients
admis dans leur service de juillet 84 à mars 1995 à
Yaoundé. Il s'agissait de 78 hommes et 33 femmes d'âge
moyen de 22,4 ans et la tranche d'âge la plus touchée
était celle comprise entre 20 et 24 ans.
Le taux des lésions de grade I à III était élevé (70 %) et
les lésions associées étaient peu fréquentes (20,3 %)
Concernant la stratégie décisionnelle, 89 patients étaient
explorés systématiquement pour hémopéritoine et chez
les 22 derniers patients l'exploration tenait compte de
l'état hémodynamique initial. La mortalité était faible
(5 patients). La splénectomie était la technique de prédi-
lection (81 patients), justifiée non par la sévérité des
lésions spléniques mais par l'habitude des chirurgiens.
La promotion correcte du traitement non opératoire
éviterait les laparatomies inutiles dans les séries afri-
caines où les lésions de grade I à III constituent près de
70 % des lésions.
Mots-clés : Rate Traumatique - Splénectomie -
Traitement conservateur.
INTRODUCTION
Les lésions spléniques au cours des traumatismes de l'abdo-
men sont fréquentes. Les accidents infectieux, thrombo-
emboliques et la sensibilité au paludisme dans les zones
d'endémie sont une réalité qui influence désormais la straté-
gie décisionnelle de la plupart des chirurgiens au cours des
traumatismes de la rate (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8). Au Cameroun,
malgré une nette évolution dans le traitement des lésions
spléniques (9, 10) la splénectomie reste la technique de pré-
dilection. Ce travail rapporte et discute les orientations
thérapeutiques au cours des traumatismes de la rate.
Travail du Service de Chirurgie Générale et Digestive de l'Hôpital Central
de Yaoundé
Correspondance : Pierre MASSO-MISSE: Service de chirurgie générale et
Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (11)
PATIENTS ET METHODES
111 traumatisés de l'abdomen avec lésions spléniques ont
été recensés dans notre Service pendant la période allant de
juillet 84 à mars 1995.
Nos patients se répartissaient en 78 hommes et 33 femmes.
L'âge moyen était de 22,4 ans avec des extrêmes de 4 et 59
ans. Le nombre des blessés de moins de 20 ans était de 34
patients. La tranche d'âge la plus touchée était celle
comprise entre 20 et 24 ans (32 patients).
Les différentes étiologies étaient :
- une contusion de l'abdomen 106 patients (accidents de
la voie publique : 85 patients ; chute d'une hauteur :
11 patients et bagarre : 10 patients)
- une plaie pénétrante : 5 patients (3 plaies par arme
blanche et 2 plaies par arme à feu).
Concernant la stratégie décisionnelle, 89 patients étaient
explorés systématiquement pour hémopéritoine clinique-
ment évident ou après ponction abdominale simple à
l'aiguille fine ayant ramené du sang incoagulable. Chez les
22 derniers patients, l'exploration a tenu compte de l'état
hémodynamique initial. Lorsque la tension artérielle était
inférieure à 70mm de Hg, la décision d'une laparotomie
était formelle. Quand l'état hémodynamique était stable ou
stabilisé après réanimation, l'indication d'une surveillance
clinique, biologique et échographique pendant au moins
une dizaine de jours était proposée. L'apparition au cours
de la surveillance des signes de décompensation hémody-
namique ou d'irritation péritonéale était l'indication d'une
exploration chirurgicale. La surveillance clinique consistait
à évaluer l'état hémodynamique toutes les 30 mn jusqu'à la
stabilisation durable des paramètres et 4 fois en 24 h les
jours suivants, à apprécier les signes abdominaux et systé-
miques. Le bilan biologique portait surtout sur la numéra-
tion globulaire et l'hématocrite. L'échographie était le
support unique de l'imagerie, elle était faite dès que l'état
du blessé permettait un déplacement prudent. Une
digestive: hôpital central de Yaoundé.
* Département de Chirurgie Faculté de Médecine et des Sciences Biomé-
dicales de Yaoundé
LES TRAUMATISMES DE LA RATE… 643

échographie de contrôle était faîte de façon systématique Tableau N°2 - Lésions associées
au dixième jour d'hospitalisation. La classification de
Shackford (1, 3, 8 ) des lésions spléniques en 5 grades de Lésions GI GII
gravité croissante a été adoptée (Tableau N°1). A.INTRA-PÉRITONÉALES
Hépatiques 3 1
Tableau N°1 : Classification de SHACKFORD et perforation gastrique 2 0
lésions anatomiques iléale 1 1
colique 1 1
Grade GI GII rénales 2 1
(n = 73) (n = 20) pancréatiques 2 0
splénomégalies 12
Grade I Plaie superficielle ou autres 5 0
décapsulation. 0 7
B EXTRA-PERITONÉALE-S
Grade Il Plaie profonde n'atteignant pas fracture des côtes 3 0
le hile ou plaie étoilée 17 9 fracture des membres 7 0
Grade III Hématome sous capsulaire 26 4 T.Crânien 2 0
Plaie atteignant le hile Lésion pleuro-pulmonaire 1 0
Eclatement polaire ou
d'une hémi-rate. 2 fissures de moins de 2 cm de profondeur et un hématome
Grade IV Fracas de la rate ou lésion capsulaire constituaient l'essentiel des trois lésions hépati-
pédiculaire 25 0 ques.
Chez 71 patients, le volume de la rate était modéré (10
Grade V Écrasement de la rate 5 0 patients), important (2 patients) et paraissait normal chez le
ou pronostic vital en jeu
reste des patients.
Peu de lésions extra abdominales mettaient le pronostic
Nos malades ont été répartis en 2 groupes :
vital en jeu : un volet thoracique instable et 2 comas de
- Groupe 1 (G1) (81 patients) : le traitement était d'em-
stade II.
blée radical ; il s'agissait de 59 hommes et 22 femmes ;
La splénectomie était réalisée d'emblée chez 81 patients,
l'âge moyen était de 24, 49 ans.
suivie d'une autotransplantation chez 4 patients.
- Groupe 2 (G2) (30 patients) : le traitement était conser-
Le détail des résultats du traitement conservateur et la
vateur, il s'agissait de 19 hommes et 11 femmes ; l'âge
splénectomie, leur morbidité en ce qui concerne la reprise
moyen était de 16,85 ans.
hémorragique et les collections de l'étage sus-mésocolique
et leur mortalité est rapporté au Tableau N° 3.
RÉSULTATS
Tableau N°3: Morbidité et mortalité du
Le tableau N°1 montre la répartition des lésions spléniques
traitement conservateur et de la splénectomie
en fonction des différents groupes chez 93 patients (la
description des lésions per-opératoires étant imprécise chez Patients ASPh Hémor. Mort.
12 patients - chez les 6 autres, le traitement des lésions
spléniques était non opératoire : 2 patients âgés de moins Traitement cons.
de 10 ans et 4 de plus de 20 ans). TNO 6 0 0 0
Splénorraphies 14 1 0 0
splénectomies partielles 4 0 1 0
L'atteinte splénique était isolée chez 88 patients. Le détail Electrocoagulation (isolée) 6 0 0 0
des lésions associées est donné au Tableau N°2 ; concer-
nant les lésions intrapéritonéales, les plaies du pancréas Splénectomies 77 3 0 5
étaient : une simple suffusion hémorragique sans rupture avec auto-transplantation 4 0 0 0
du feuillet péritonéal chez 1 patient et une rupture de la TNO = Traitement non opératoire - ASPh = Abcès sous phrénique
queue du pancréas. Hémor.= Hémorragie - Mort.= Mortalité

Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (11)

644
Les suppurations pariétales et les infections broncho-
pulmonaires étaient respectivement observées chez 11 et
4 patients.
La mortalité a été essentiellement le fait d'une correction
insuffisante de l'anémie aiguë : les décès sont survenus
après splénectomie, en per-opératoire (2 patients) ou dans
les 24 heures (2 patients), rarement ils étaient liés à une
lésion associée : volet thoracique instable (1 patient). Il
s'agissait de patients de 18 à 56 ans, sans tares, mais avec
un hémopéritoine chiffré entre 2 et 2,5 litres de sang
(4 patients).
DISCUSSION
Les accidents post splénectomie à type d'OPSI (Over
Whelming post splenectomy Infection) et d'accidents
thrombo-emboliques sont des réalités établies (3). En
milieu tropical l'asplénie expose en outre à une sensibilité
plus grande au paludisme. La décision d'enlever une rate
devrait être pesée en Afrique noire. Et pourtant la splénec-
tomie reste le traitement de prédilection (9, 10). Mais
existe t-il des arguments en faveur de ce choix ?
Pour la majorité des auteurs, l'évaluation des lésions splé-
niques oriente le choix thérapeutique. Le traitement opé-
ratoire conservateur s'applique aux lésions spléniques de
Grade I et II les lésions de Grade III sont traitées soit par
suture des tranches, par prothèse peri-splénique, par splé-
nectomie partielle ou par splénectomie totale. La splénec-
tomie sanctionne généralement les lésions de grade IV.
Quant aux lésions de grade V la conduite est plus nuancée.
De rares auteurs pratiquent d'emblée une splénectomie
totale (1). Pour la majorité des auteurs, la hiérarchie des
gestes est décidée après hémostase temporaire obtenue par
tamponnement de la rate. La splénectomie étant le seul fait
des rates dévascularisées. Dans notre série, pour 93
patients, on comptait 56 lésions de grade II et III dont 43
ont été traités par splénectomie. Le rapport paraît excessif
pour ce genre de lésion.
Cette tendance n'est pas liée non plus à notre échantillon où
la population est jeune ; l'âge est inférieur ou égal à 20 ans
chez 34 patients.
Chez le sujet jeune, il est unanimement admis, qu'en raison
d'un décollement splénopariétal plus facile, d'une queue de
pancréas libre qui se laisse mobiliser sans dommage sup-
Médecine d'Afrique Noire : 1998, 45 (11)
P. MASSO-MISSÉ, A. ESSOMBA, S.N. FOWO, S. TAKONGMO, M.A. SOSSO
plémentaire et de la qualité du tissu et de la capsule, que
l'abord du hile et la mobilisation de la rate sont faciles :
ces conditions sont favorables à une chirurgie conserva-
trice.
Elle ne semble pas non plus être le fait des lésions asso-
ciées. Elles sont peu courantes dans nos séries et très peu
mettent le pronostic vital en jeu. Par contre les séries occi-
dentales font cas d'une grande fréquence des lésions asso-
ciées d'une extrême gravité (4, 12) et ceci explique sans
doute leur mortalité et leur morbidité élevées pour leurs
conditions d'exercices. Elles ne sont plus considérées com-
me une contre-indication à la réparation splénique dans la
mesure où l'état hémodynamique peut être contrôlé et
qu'aucune lésion ne compromet à court terme le pronostic
vital (2). Cette attitude s'étend aux perforations d'organes
creux si la contamination abdominale reste limitée. Le
patient devenu plus vulnérable à l'infection, il faudrait lui
préserver ses moyens de défenses spléniques.
En milieu tropical le risque de rupture de la rate notam-
ment au cours des traumatismes mineurs a été évoqué.
Dans les zones d'endémie, l'infection et les ré-infections
palustres entraînent une augmentation du volume de la rate
entre 0 et 5 ans. La splénomégalie disparaît entre 5 et
10 ans en même temps que se constitue une immunité
solide. Cette tranche d'âge a été la plus exposée dans la
série de SOSSO (9). Après 10 ans, 2 à 10 % des sujets sont
porteurs d'une splénomégalie chronique et dans 75 % de
cas, l'étiologie est idiopathique. Un faisceau d'arguments
comme la distribution géographique, la forte augmentation
des anticorps anti-hématozoaires et la régression de la splé-
nomégalie sous traitement antipaludique prolongé (100mg
de chloroquine par jour pendant 6 mois), fait envisager
l'hypothèse d'une réaction immunitaire anormale (11,12).
Il se pose le problème de fragilité réelle de ces rates aux
traumatismes, de leur sacrifice systématique. Ces spléno-
mégalies "idiopathiques" sous les tropiques, doivent-elles
encore être considérées comme des rates pathologiques ?
N'ayant conservé que trois splénomégalies modérées pour
des lésions superficielles traitées par sutures simples, il
nous est difficile de formuler une indication précise. Nous
pensons qu'une splénomégalie modérée facilement mobili-
sable avec des lésions de grade I et II, chez le sujet jeune
mérite un traitement opératoire conservateur en zone d'en-
démie palustre. Quant à leur fragilité, la distribution parti-
LES TRAUMATISMES DE LA RATE…
culière des lésions spléniques traumatiques, entre 5 et 10
ans en Afrique s'explique par l'exposition aux accidents de
la voie publique des piétons et particulièrement des scolair-
es de cet âge ; en zone d'endémie palustre, elle peut aussi
suggérer dans la même tranche d'âge, le rôle possible de la
splénomégalie.
Pour certains chirurgiens, la splénectomie reste encore à
l'heure actuelle la sanction thérapeutique pour une rupture
de rate ; chez d'autres, le taux de conservation augmente
progressivement (1, 2, 8). Certains auteurs estiment que ce
taux peut être porté jusqu'à 95 % sans augmentation de la
morbidité et de la mortalité (2).
Les procédés de réparation de la rate sont multiples. Dans
cette série, nous nous sommes limités :
- à la suture de la capsule appuyée ou non sur du matériel
résorbable, à la suture de la tranche splénique avec
interposition ou non de matériel résorbable,
- aux splénectomies partielles, bien que cette technique
pose actuellement le problème de "masse critique" ;
l'estimation de cette masse varie selon les auteurs : de 25
à 60 grammes. Pour prévenir les complications post-
splénectomies, un consensus s'est établi autour de 50%
de la masse splénique et la conservation d'un flux
artériel suffisant.
- l'électrocoagulation a été rarement utilisée seule dans les
avulsions capsulaires et les déchirures superficielles,
mais souvent comme adjuvant dans les splénorraphies et
dans les splénectomies partielles.
- quant aux treillis résorbables, aux colles biologiques, à
l'utilisation des infrarouges... notre expérience sur ce
type de matériel et d'équipement reste très limitée.
- les résultats peu encourageants de l'auto-transplantation
après traumatisme de la rate (fonction immunitaire plus
ou moins normalisée, protection contre le pneumocoque
i n e fficace par défaut de vascularisation artérialisée)
limitent les indications de cette technique (4 patients).
Le traitement non opératoire (6, 13, 14, 15), initialement
appliqué chez l'enfant ne connaît plus de discrimination
d'âge. Pour la majorité des auteurs, il est indiqué chez les
BIBLIOGRAPHIE
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Les traumatismes de la rate : traitement conservateur ou exérèse ?
Chirurgie, 1989 , 115 : 43-50.
645
blessés en état hémodynamique stable ou stabilisé après
transfusion d'une à quatre unités de sang par 24 H. Au
cours de la surveillance , malgré l'apport indéniable de la
biologie, de l'échographie et surtout de la tomodensitomé-
trie et de la cœlioscopie, la primauté de l'examen clinique
répété comme élément décisionnel déterminant pour une
exploration secondaire est établie. Ceci explique que le
traitement non opératoire, malgré les conditions d'exercice
souvent difficiles, soit possible dans plusieurs Centres
Hospitalo-universitaires en Afrique Sub-saharienne. Dans
cette série, en raison du pourcentage éloquent des lésions
de grade I et II et de leur tendance à l'hémostase spontanée,
de la faible proportion des lésions associées, la promotion
dans le Service du traitement non opératoire ouvre une
bonne perspective thérapeutique ; malheureusement l'écho-
graphie reste le seul examen morphologique disponible
pour ce genre de lésion chez des patients en situation
hémodynamique stable ou stabilisée. La superposition des
lésions échographiques aux lésions anatomiques surtout de
grade III à V étant selon notre expérience, mauvaise ; la
hantise d'une intervention tardive plane. Des aléas comme
la réticence relative à l'introduction d'une nouvelle thérapie,
le taux croissant des patients avec une infection à VIH, le
temps de séro-conversion et leur inadéquation avec des
transfusions massives n'ont pas empêché l'application pru-
dente du traitement non-opératoire chez des patients en état
hémodynamique stable.
En conclusion, le traitement radical ne se justifie ni par la
sévérité des lésions spléniques ni par celle des lésions asso-
ciées. La splénectomie reste la technique de prédilection
par sa simplicité, par la crainte d'une augmentation de la
morbidité, mais aussi surtout parce que certains opérateurs
rejettent le traitement conservateur refusant ainsi un risque
calculé. En outre la hiérarchisation des moyens diagnos-
tiques n'est toujours pas possible en Afrique. Souvent c'est
le coût des investigations entièrement supporté par le
patient qui limite les explorations. La promotion correcte
du traitement non opératoire éviterait bien des laparotomies
inutiles dans nos séries africaines où les lésions de grade I à
III constituent près de 70 % de lésions.
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