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LES TRAUMATISMES GRAVES ET POLYTRAUMATISMES

Flavien KABORE

Maître de conférences Agrégé en Anesthésie réanimation UFRSDS

OBJECTIFS

1. Définir les termes suivants : polytraumatisé, polyblessé, polyfracturé


2. Citer les 3 principes devant guider la prise en charge initiale du polytraumatisé
3. Conduire l’évaluation clinique initiale du polytraumatisé
4. Décrire la mise en condition du polytraumatisé
5. Décrire les stratégies diagnostiques devant un polytraumatisé
6. Décrire les orientations thérapeutiques devant un polytraumatisé

INTRODUCTION

Le polytraumatisé ou traumatisé grave est un blessé présentant 2 ou plusieurs lésions


traumatiques graves, dont l’une au moins met en jeu le pronostic vital.

Le traumatisé grave est un blessé dont le pronostic vital est engagé à court terme, soit par la
gravité d’une ou plusieurs lésions, soit du fait de leur association.

Le polyblessé est un blessé présentant 2 ou plusieurs lésions traumatiques n’engageant pas le


pronostic vital.

Le polyfracturé est un blessé présentant plusieurs fractures. Il peut devenir un ploytraumatisé.


Un polytraumatisé n’est pas forcément un polyfracturé.

Trois principes sont à garder à l'esprit lors de la prise en charge d'un polytraumatisé :

le pronostic vital est engagé, il faut être rapide et efficace ;

les lésions sont multiples, il faut les reconnaître ;

la prise en charge doit être hiérarchisée en tenant compte de l'évolutivité des


lésions.

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La prise en charge du polytraumatisé doit se faire dans des centres disposant de l’ensemble
du plateau technique nécessaire, par une équipe médicale formée, entrainée et spécialisée pour
le réanimer sans perte de temps.

I. PRISE EN CHARGE PREHOSPITALIERE

La prise en charge préhospitalière comporte 2 axes : une estimation initiale et une phase de
réanimation. Tout traumatisé grave ou suspecté ainsi doit être considéré comme à haut risque
de lésion rachidienne instable et devra donc bénéficier d’une immobilisation de l’axe cranio-
rachidien lors de toutes les procédures diagnostiques et thérapeutiques.

I.1. Analyse des circonstances de l’accident

 Prise du bilan des premiers secours


 Examen des lieux de l’accident
 Nombre et gravité apparente des blessés

I.2. Evaluation de la gravité de la situation

 Neurologique : score de Glasgow, examen des pupilles et réflexes photomoteur, TR


(recherche atonie du sphincter anal faisant suspecter un traumatisme médullaire)
 Hémodynamique : plaie hémorragique ou saignement extériorisé, PA, FC
 Respiratoire : FR, signes de lutte, signe d’hypoxie, SpO2

I.3. Mise en condition simultanée

 Immobilisation en rectitude cranio rachidienne :


- Collier cervical rigide avec appui mentonnier et occipital
- Matelas à dépression (dit « coquille »)
- Mobilisation sur plan rigide
- Brancardage avec 4 opérateurs
 Mise en place de 2 abords veineux périphériques de gros calibre
 Monitorage : PA, SpO2, ECG, température
 Mesure de l’hémoglobine capillaire (hemocue)
 Oxygénothérapie à fort débit au masque à réserve

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I.4. Prise en charge des défaillances vitales immédiates

a- Respiratoire
Objectif : assurer une oxygénation cellulaire optimale de l’ensemble des organes dans les
délais les plus brefs en rétablissant une hématose correcte et une pression de perfusion
tissulaire suffisante notamment cérébrale. Il faut combattre les effets délétères de
l’hypercapnie, l’hypoxie et l’hypotension artérielle.
Le diagnostic est le plus souvent facile devant une anomalie de la FR, du rythme ou de
l’amplitude des mouvements respiratoires. Il peut s’y associer des signes de lutte, de tirage,
emphysème sous cutané, une cyanose, une tachycardie ou une bradycardie, anxiété ou
agitation si malade conscient.
 Commencer par contrôler la liberté des voies aériennes supérieures puis
 Oxygénothérapie à fort débit
 Intubation et ventilation mécanique (si détresse respiratoire, état de choc
hypovolémique, agitation, convulsions, GCS8)
 Exsufflation d’un pneumothorax compressif
 Le drainage pleural doit rester exceptionnel en préhospitalier

b- Neurologique
Intubation orotrachéale si GCS8 puis sédation en continue
Osmothérapie par mannitol IV en cas de mydriase unilatérale aréactive

c- Hémodynamique
Hémostase des plaies hémorragiques
Traitement du choc hémorragique (pâleur, agitation ou prostration, sueurs ; pouls petit, filant,
rapide ; tachycardie ou bradycardie et TA effondrée).
Les mécanismes de choc sont dominés par l’hypovolémie: remplissage vasculaire par
cristalloïdes ou colloïdes
Perfusion de vasopresseurs
Transfusion de produits sanguins

Après la prise en charge des défaillances vitales immédiates, assurer très rapidement le
transfert vers une structure hospitalière adéquate.

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II. PRISE EN CHARGE HOSPITALIERE INITIALE
La conduite à tenir diagnostique et thérapeutique doit être systématique quelque soit l’état
clinique du patient.
 Installation du patient, monitorage, sondage vésical (ou cathéter sus
pubien)
 Mise en place d’un cathéter veineux central et d’un cathéter artériel :
administration de catécholamines, monitorage continu de la PA,
prélèvements sanguins pour examens biologiques.
Examens biologiques : NFS, hémostase, groupage sanguin/rhésus, RAI,
ionogramme sanguin, urée, créatininémie, transaminases, lipasémie, Gaz du
sang (GDS), lactates artériels, troponine I, dosage HCG chez la femme.
 Prise en charge du choc hémorragique :
 Remplissage vasculaire par colloïdes,
 Perfusion de vasopresseurs (noradrénaline IVSE) : PAM cible >80 mm
Hg si TC grave, > 50mm Hg dans les autres cas.
 Transfusion de CGR adaptée au débit hémorragique et à
l’hémodynamique. Hb cible : >9g/dl si TCG et >7g/dl dans les autres
cas.
 Transfusion de PFC dès le 3è CGR prescrit en raison de la dilution
prévisible des facteurs de coagulation. TP cible >50% si TCG et >30%
dans les autres cas.
 Transfusion de culots plaquettaires en cas de thrombopénie : <
100 000/mm si TCG, <50000/mm sinon.
 Antibiotique (amoxicilline-acide clavulanique) si fracture ouverte, plaie
pénétrante de l’abdomen ou du thorax, fracture de la base du crâne.
 Mise à jour de la vaccination antitétanique.
 Examens d’imagerie de 1ere ligne : réalisés au lit du malade, dès l’arrivée
dans le service. Leur objectif est de diagnostiquer une lésion responsable d’une
instabilité hémodynamique ou respiratoire dont le traitement prévaudra sur le
reste du bilan lésionnel.
Echographie abdominale, pleurale, péricardique, radiographie du rachis
cervical de profil, du thorax et du bassin de face.
 Bilan lésionnel complet dans le cas d’un patient stable ou stabilisé (body-
scanner, radiographies osseuses standard en fonction de l’examen clinique,

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examen clinique complémentaire systématique à la recherche de lésions
passées inaperçues).
Le monitorage du patient doit être poursuivi pendant le transport et pendant la
réalisation de l’imagerie.
 Prise en charge thérapeutique spécifique
o En fonction des lésions mises en évidence au bilan initial : traitement
médical et surveillance en réanimation, traitement chirurgical,
artérioembolisation.
o Indication de « bloc direct » (sans bilan lésionnel complet)= instabilité
hémodynamique avec lésion vasculaire non contrôlée, hémothorax
massif, hémopéritoine abondant.
 Surveillance
o Clinique continue en réanimation ou Unité de Soins Intensifs :
monitorage continu des constantes hémodynamiques (FC, PA) et
respiratoires (FR, SpO2), surveillance neurologique (GCS, pupilles,
examens neurologiques répétés si suspicion de lésion médullaire), T°,
Pression IntraCrânienne si TC Grave (TCG).
o Paraclinique : NFS, hémostase, Gaz du sang, lactates artériels, imagerie
médicale en fonction des cas.
 Gravité et complications
La gravité d’un polytraumatisme dépend :
- Des lésions initiales, en particulier la présence d’un TCG et de l’association de ces
lésions (ex : TCG et contusion pulmonaire hypoxémiante ou TCG et CIVD)
- Du terrain du patient
- De la rapidité de mise en place des soins
- De la présence d’un état de choc réfractaire.
Les complications sont :
- A court terme : décès par hémorragie cataclysmique ou lésion cérébrale ou
médullaire gravissime (lésions létales d’emblée) ;
- A moyen terme : décès par défaillance multiviscérale, complications infectieuses,
thromboemboliques ;
- A long terme : décès, invalidité, impotence fonctionnelle, séquelles
psychologiques.

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CONCLUSION

La prise en charge d'un polytraumatisé, qui est l'exemple type d'un patient médico-
chirurgical lourd de réanimation, doit bénéficier de la collaboration d'équipes
multidisciplinaires. Un plateau technique opérationnel comprenant l’imagerie, le laboratoire et
la banque de sang est indispensable à cette prise en charge. La stratégie est dominée par les
problèmes hémodynamiques, qui conditionnent l’articulation entre explorations radiologiques,
réanimation et chirurgie.

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