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OBJECTIFS

L’accueil hospitalier du patient traumatisé sévère est une période critique qui vise dans le même
temps :
 à assurer une prise en charge réanimatoire des fonctions vitales
 à suivre une démarche diagnostique lésionnelle rigoureuse
 à mettre en place une stratégie thérapeutique adaptée.

ANTICIPATION
Après contact avec le médecin régulateur du SAMU, le « trauma leader » anticipe l’arrivée du
patient et pré-active l’équipe de traumatologie au sens large : l’équipe du déchocage pour
préparation du site, du matériel adapté (cathéters, transfusion, etCO 2, etc), le centre de transfusion
sanguine, le service de radiologie, l’équipe d’anesthésie et les différents intervenants chirurgicaux
potentiellement impliqués.
L’anticipation du risque d’hémorragie sévère se fait sur les critères préhospitaliers du Red Flag :
Shock Index (FC/PAS) ≥ 1, PAM ≤ 70 mmHg, Hb capillaire ≤ 13 g/dL, fracture cliniquement
instable du bassin, intubation orotrachéale. La présence de 2 critères ou plus fait suspecter une
hémorragie sévère. Plus le nombre de critères est élevé, plus le risque d’hémorragie sévère est
élevé.

À L’ARRIVÉE DU PATIENT À L’HÔPITAL


 Transmission de l’équipe de SMUR et transfert du monitorage sur l’aire d’accueil
(SpO2/ECG/PNI/FR + etCO2 si intubé)
 Transfert du patient en monobloc strict, minerve rigide et plan dur vers le brancard de
l’aire d’accueil.
 Examen clinique urgent : arrêt de tout saignement extériorisé (agrafes, pinces,
compression, garrot…) et ceinture pelvienne si fracture du bassin, voies aériennes libres
ou contrôlées, ventilation correcte, signes de bas débit ; puis examen clinique complet de
la tête aux pieds (avec examen du dos en cas de trauma pénétrant ++)
 Biologie délocalisée (par IDE) : glycémie capillaire, hémoglobine capillaire puis groupage
(x2), bilan biologique complet d’admission et outils de biologie délocalisée le cas échéant
(tests viscoélastiques)
 Imagerie délocalisée (par médecin) :
 eFAST : recherche d’un épanchement intrapéritonéal, intrathoracique (hémothorax ou
pneumothorax), péricardique
 Doppler transcrânien bilatéral sur l’artère cérébrale moyenne à la recherche d’arguments
évocateurs d’une HTIC (Index de pulsatilité ≥ 1,4 et vélocité diastolique ≤ 20 cm/sec)
 Radiographie thoracique : si patient instable ou si doute à la eFAST
 Radiographie de bassin : si choc hémorragique avec bassin suspect
Sur la base de ces premiers examens, le « trauma leader » décide de l’orientation et de la
priorisation diagnostique / thérapeutique : bilan lésionnel complet au scanner ou chirurgie /
radiologie interventionnelle d’hémostase en urgence.
DÉTRESSE CIRCULATOIRE (HORS TRAUMATISME CRÂNIEN)
 Mise en place d’abords vasculaires fiables et de bon calibre (14G, 16G).
 Si anticipé (= ne pas perdre de temps !), mise en place de cathéters fémoraux (abord
simultané, sûr, rapide) pour monitorage invasif de la pression artérielle et voies sécurisées
de perfusion ; un abord cave supérieur doit être envisagé si traumatisme délabrant
abdominal, pelvien ou des 2 membres inférieurs.
 Transfusion immédiate avec CGR O Rh+ (Rh- si femme en âge de procréer) pour un
objectif d’Hb entre 7 et 9 g/dL.
 Objectif de PAS à 80-90 mmHg jusqu’à la réalisation de l’hémostase avec remplissage par
cristalloïdes et introduction de la noradrénaline IVSE si non obtention des objectifs de PA
malgré le remplissage (750-1 000 ml).
 En cas d’arrêt cardiaque traumatique ou d’inefficacité circulatoire réfractaire aux
premières manœuvres de réanimation : thoracostomie bilatérale (3e espace intercostal ligne
axillaire antérieure) pour traiter une potentielle tamponnade.
 En cas de décision d’un geste d’hémostase à réaliser immédiatement : laparotomie
d’hémostase, thoracotomie d’hémostase : préparer les dispositifs d’épargne sanguine au
bloc opératoire, éventuelle retransfusion d’un hémothorax massif (cf. Drainage pleural).
 Traitement de la coagulopathie (cf. fiche Urgences Choc hémorragique traumatique) :
 Hémostase interventionnelle dans les plus brefs délais.
 Acide tranexamique (administration le plus tôt possible mais pas au-delà de 3 h après le
début du traumatisme, 1 g en 10 min puis 1 g en 8 h)
 Objectif hémoglobine 7-9 g/dL avec ratio de PFC/CGR de 1/1 à 1/2.
 Objectif TP > 40 %, fibrinogène > 1,5 G/L, plaquettes > 50 G/L (ou 100 G/L si hémorragie
active) idéalement guidés par test viscoélastique (cf. Hémostase délocalisée).
 Objectif de calcémie ionisée ≥ 1,2 mmol/L.
 Réchauffement du patient par les solutés, transfusions (via accélérateur – réchauffeur)
 L’administration de facteur VII activé recombinant ne s’envisage qu’en « sauvetage »
après échec des thérapeutiques sus-citées. La dose est de
200 µg/kg, et éventuellement 100 µg/kg une heure plus tard si la première injection n’a
pas été efficace.
 Une mesure du débit cardiaque (échographie cardiaque transthoracique) est nécessaire le
plus tôt possible pour optimiser le remplissage vasculaire et adapter des vasopresseurs
(sans retarder les gestes thérapeutiques).
 Remarques :
 L’etCO₂ est un très bon reflet du débit cardiaque.
 Une bradycardie dans un choc hémorragique signe une hypovolémie extrême et un
désamorçage cardiaque imminent.

DÉTRESSE RESPIRATOIRE
 Intubation si détresse respiratoire, état de choc profond, traumatisme facial majeur,
chirurgie urgente, défaillance neurologique, douleur incontrôlable…
 Intubation en séquence rapide (estomac plein), minerve rigide ouverte, partie postérieure
en place : maintien manuel de l’axe tête-cou-tronc, sans traction.
 Chariot d’intubation difficile à disposition.
 Exsufflation à l’aiguille ou drainage en urgence d’un pneumothorax compressif
(cf. Drainage pleural).
 Objectif de SpO2 > 95 % et un etCO2 à 35-38 mmHg (puis adaptation de la ventilation la
plus précoce aux gaz du sang).

DÉTRESSE NEUROLOGIQUE
 Une mydriase signe la plupart du temps un engagement cérébral : osmothérapie immédiate
nécessaire (cf. Osmothérapie).
 Si traumatisme crânien :
 En l’absence d’instabilité hémodynamique et de saignement, maintenir une
PAM ≥ 80 mmHg.
 Si choc hémorragique associé, respecter une PAM à 80 mmHg et effectuer le plus vite
possible l’hémostase chirurgicale.
 Maintien d’une hémostase correcte (TP > 60 %, Plaquettes > 100 G/L).
 Contrôle des ACSOS (cf. traitement d’une HITC).
 Si traumatisme médullaire :
 Toucher rectal (tonus sphinctérien) indispensable pour déceler une lésion médullaire
complète, en particulier chez le patient sédaté. Maintenir PAM ≥ 70 mmHg.

LÉSIONS PÉRIPHÉRIQUES
 Immobilisation des fractures par attelles (limite saignement et lésions des paquets
vasculonerveux). Nettoyage des plaies souillées.
 Antibioprophylaxie : amoxicilline + ac clavulanique 2 g puis 1 g × 3 /24 h. Ajouter une
injection de 5 mg/kg/j de gentamicine en cas de fracture ouverte Cauchoix II ou III
(Bacillus cereus). Utiliser la clindamycine 900 mg si allergie. Traitement pour 24 h en cas
d’ostéosynthèse.
 Analgésie si patient non sédaté. Pas de sédation sans intubation (estomac plein).
 Réalisation d’un Quick test™ (immunisation antitétanique).
 Une fracture-disjonction pubienne doit faire suspecter des lésions urétrales : urétrographie
rétrograde systématique. En cas de lésion des voies urinaires, pose de cathéter sus-pubien
(après contrôle de l’hémostase).

ORIENTATION DU PATIENT APRÈS L’ÉVALUATION INITIALE


 Patient stable ou instable initialement et stabilisé par les manœuvres de réanimation :
tomodensitométrie corps entier : hélice cérébrale sans injection puis base du crâne,
cervico-thoraco-abdomino-pelvienne avec injection de produit de contraste afin
d’identifier les lésions vasculaires (dissection aortique, TSA, obstruction vasculaire…), les
fuites vasculaires actives et d’étudier précisément le parenchyme des organes pleins (rate,
foie, reins). Reconstructions osseuses du rachis cervical, dorsal, lombaire et sacré. Scanner
interprété en double lecture, selon un protocole précis.
 Patient instable malgré les manœuvres de réanimation : hémostase en urgence après la
réalisation des manœuvres de réanimation initiales (les plus courtes possibles) : chirurgie
ou artériographie et embolisation vasculaire.
STRATÉGIE DÉCISIONNELLE
 Décision des séquences de soin selon le bilan lésionnel identifié et le plateau technique
disponible.
 Approche de type « Damage control » en cas de gravité physiologique importante :
hypoxémie sévère, choc persistant avec acidose majeure (pH < 7,20), trouble métabolique
(hyperkaliémie, rhabdomyolyse, anurie), d’hypothermie profonde… Seules les lésions
dont le traitement ne peut subir aucun délai sont réalisées, par la technique la plus rapide :
packing, fixateur externe…
 En cas de coexistence d’une lésion responsable d’un choc hémorragique et d’une lésion
neurochirurgicale, il convient d’assurer le plus rapidement possible la chirurgie
hémostatique avant d’engager l’intervention neurochirurgicale. Idéalement prise en charge
dans une « salle hybride ».

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