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Collège Hospitalo-Universitaire de Chirurgie Pédiatrique

MANUEL DE CHIRURGIE PÉDIATRIQUE


(chirurgie viscérale)
Année 1998

TRAUMATISMES DU THORAX.
J.F. DYON

I - LES TRAUMATISMES FERMES

1 - Diagnostic et conduite à tenir initiale


2 - Le diagnostic étiologique
3 - Le pronostic des traumatismes du thorax de l’enfant
4 - La surveillance ultérieure

II - LES TRAUMATISMES OUVERTS


III - LES LÉSIONS PAR SÉVICES

Les atteintes traumatiques du thorax de l’enfant se répartissent en traumatismes fermés, les plus
fréquents, et traumatismes ouverts ou pénétrants. Quelle que soit la lésion, il faut parfois savoir évoquer
un sévice.
I - LES TRAUMATISMES FERMES
Fréquents, ils peuvent entraîner une impotence fonctionnelle respiratoire pouvant mettre en
danger la vie du blessé. Ils se voient à tout âge surtout entre 5 et 7 ans ou 12 et 15 ans, les traumatismes
obstétricaux ou néonatals sont également connus, parfois iatrogènes.
L’agent en cause est le plus souvent un accident de la voie publique, un franchissement, une
chute d’une hauteur parfois importante, un accident de sport ou un accident domestique. Les atteintes
thoraciques graves de l’enfant sont très souvent en relation avec un polytraumatisme, mais à la
différence de l’adulte, la gravité est surtout dûe aux traumatismes crânio-cérébraux associés plutôt qu’au
nombre de lésions.
La souplesse de la cage thoracique de l’enfant explique la relative bénignité de la plupart des
traumatismes du thorax, la rareté des fractures de côtes et des volets thoraciques. Par contre les lésions
internes peuvent être graves (épanchements pleuraux, contusions pulmonaires), même en l’absence de
lésion pariétale. Le petit calibre de l’arbre aérien explique également le risque précoce d’encombrement
et d’obstruction.
Du point de vue physiopathologique, 3 grands principes vont guider la prise en charge et le
traitement :
- la paroi thoracique doit rester mobile, le jeu du diaphragme étant primordial. La douleur est un facteur
aggravant car elle diminue l’ampliation thoracique,
- la cavité pleurale doit être vidée pour maintenir solidaire le poumon et la paroi. Tout épanchement,
sanglant ou gazeux, sera évacué,
- les voies aériennes doivent rester libres : étage supérieur (fosses nasales, bouche, pharynx), étage
inférieur (trachée et bronches). L’inhalation du contenu gastrique est une complication particulièrement
redoutable d’où la nécessité de vider l’estomac.

1 - Diagnostic et conduite à tenir initiale


Tout accidenté du thorax doit être par principe considéré comme un polytraumatisé. en sachant
que l’état du blessé à l’arrivée n’a aucune valeur pronostique. En effet quelque soit le tableau initial la
situation peut s’améliorer ou se dégrader à tout moment.
Les circonstances de l’accident méritent d’être connues, ce qui permet de préciser le mécanisme de
certaines lésions (décélération, écrasement).

A - L’examen clinique
Il doit être rapide, lié aux conditions de l’urgence, mais précis et rigoureux. Il apprécie :
- le degré d’insuffisance respiratoire : le degré d’encombrement des voies aériennes, signes de détresse
respiratoire, dyspnée, respiration anormale, cyanose, trouble de la conscience parfois. La valeur de
l’inspection, percussion, auscultation, est à souligner. Cet examen apprécie l’état de l’hématose du
blessé.
- l’état hémodynamique : existence d’un choc, recherche de signes d’hémorragie interne, évaluation
rapide des pertes sanguines éventuelles.
Cet examen correspond à l’ABC des anglo-saxons (Airway, Breathing, Circulation).
La recherche de lésions associées, fréquentes, doit être systématique, atteinte crânienne. en
particulier. L’état de conscience est un facteur important pouvant être d’ordre neurologique central ou lié
à une anémie aiguë.
Le traitement d’urgence est actuellement souvent mis en oeuvre sur les lieux de l’accident grâce
aux moyens médicalisés (SAMU). Le transport sera ensuite effectué le plus rapidement possible en
milieu hospitalier bien équipé.

B - La conduite à tenir initiale est le plus souvent univoque


- Traitement de l’insuffisance respiratoire, allant de l’aspiration oropharyngée à la ventilation assistée par
intubation endo-trachéale.
- Traitement de l’état hémodynamique, pose d’une voie veineuse, restauration de la masse sanguine en
sachant qu’il faut éviter une surcharge volémique qui aggraverait les lésions pulmonaires.
- Pose d’une sonde naso-gastrique au moindre doute pour éviter toute inhalation, surtout en cas
d’estomac plein ou dilatation gastrique.
- A ce stade clinique, la recherche d’un pneumothorax suffocant est une priorité chez l’enfant.
L’association dyspnée aiguë, cyanose, tachycardie, hypotension, turgescence des veines jugulaires,
tympanisme thoracique, est très évocatrice. Il est parfois nécessaire d’effectuer une ponction ou un
drainage de la cavité pleurale en urgence avant même la confirmation radiologique.
- Le traitement de la douleur doit toujours être débuté rapidement, à dose efficace pour permettre un
mieux être de l’enfant et une amélioration des capacités ventilatoires.

C- Les examens para-cliniques


doivent permettre un diagnostic lésionnel et sont à effectuer dès que l’état clinique le permet.
- La radiographie de thorax est l’examen de base à effectuer si possible en position verticale, de face,
parfois de profil. Les clichés numérisés actuels permettent d’obtenir des images précises : épanchement
gazeux ou liquidien, ascension de coupole, anomalie du médiastin, fractures de côtes..
- L’échographie a une grande valeur chez l’enfant. Ne nécessitant pas d’anesthésie, elle évite une
mobilisation du blessé. Elle est thoraco-abdominale et permet d’apprécier une collection liquidienne sus-
diaphragmatique, un épanchement abdominal associé fréquent. Parfois la dynamique des coupoles est
visible.
- La tomodensitométrie corps entier constitue néanmoins l’approche la plus rationnelle en cas de
polytraumatisme. Elle étudie en une seule séance les régions cranio-cérébrale, rachidienne, thoracique,
abdominale. L’injection intra-veineuse de produits de contraste (angioscanner) permet d’évaluer la
vascularisation des organes, d’objectiver une rupture éventuelle vasculaire. Le parenchyme pulmonaire
est bien étudié par ce moyen.
- L’analyse biologique est nécessaire (hémogramme, hémoglobinémie, degré d’acidose). L’étude des gaz
du sang est importante mais leur valeur, jugée bonne parfois, ne met pas à l’abri une décompensation
rapide.
- D’autres examens seront utilisés selon les arguments cliniques :
. broncho-fibroscopie en urgence, angiographie

2 - Le diagnostic étiologique
Les lésions possibles sont nombreuses, étant donné la complexité anatomophysiologique du
thorax. Il est néanmoins nécessaire d’en connaître l’existence et de les rechercher de façon
systématique.
1 - Les atteintes de la paroi thoracique.
Elles sont relativement peu fréquentes chez l’enfant, d’autant que les fractures de côtes peuvent
être invisibles au début (fracture en bois vert). Le diagnostic est clinique, douleur exquise à la palpation,
et le traitement simple calmer la douleur pour préserver la mobilité du thorax.
Le volet thoracique est rare chez l’enfant, observé surtout chez l’adolescent au thorax plus rigide.
Résultant de la fracture en série de 3 côtes ou plus, son diagnostic doit être précoce par l’observation
d’une respiration paradoxale. Quelquefois le volet est engrené et peut se mobiliser secondairement, qu’il
soit latéral, antérieur ou sternal. Le traitement consiste en une stabilisation pneumatique interne par
ventilation assistée, le traitement chirurgical étant rarement nécessaire chez l’enfant.

2 - Les épanchements intrathoraciques


sont très habituels chez l’enfant (30 % à 50 % des cas).

a) Les épanchements pleuraux sont les plus fréquents.


Sanguins ou gazeux ils peuvent être abondants et ou bilatéraux et engager rapidement le pronostic vital.
Leur diagnostic est impératif en urgence.
- Le pneumothorax présente des signes cliniques évocateurs à rechercher. L’image radiologique le
caractérise avec parfois déviation du médiastin.
- L’hémothorax est également à l’origine d’une dyspnée, matité à la percussion, choc hypovolémique.
fréquent, absence de turgescence des veines du cou. Sa confirmation est radiologique voire
échographique.
- L’épanchement mixte, hémopneumothorax n’est pas rare.
Tout épanchement nécessite un geste en urgence : au minimum une ponction à l’aiguille de gros calibre
ou mieux un drainage. Tout drainage doit être chirurgical et aseptique, rigoureux dans sa technique, par
voie axillaire ou antérieure mais non déclive. Il faut utiliser un gros drain 18 CH au minimum, placé en
siphonnage au bocal avec plongeur ou en dépression douce (moins 10 à moins 30 cm d’eau). Le drain
sera maintenu plusieurs jours.
Ce geste constitue la base de la surveillance car l’aspect initial de l’épanchement ne permet pas toujours
d’évaluer la gravité de la lésion thoracique.

b) Les épanchements du médiastin sont beaucoup plus rares.


- aériens (pneumo-médiastin) ils peuvent être associés à un emphysème sous cutané cervical donnant
une crépitation neigeuse. Il faut rechercher une rupture trachéo-bronchique. Parfois il s’agit d’une
hyperpression à glotte fermée sans grande conséquence.
- sanguins (hémo-médiastin) ils orientent vers une rupture vasculaire ou un hématome.

3 - Les lésions pulmonaires


- Les contusions du parenchyme sont fréquentes chez l’enfant. Dues à une extravasation alvéolaire et
interstitielle, elles se manifestent souvent par une petite hémoptysie retardée. Radiologiquement les
foyers multiples sont fréquents, avec image en tempête de neige assez caractéristique. L’évolution est
régressive en 8 à 15 jours, avec parfois un aspect d’image ronde signant un hématome le plus souvent
transitoire et résolutif. Une cavitation aérienne, pneumatocèle, peut également être reconnue.
- Les grandes ruptures pulmonaires, très hémorragiques sont exceptionnelles. Elles nécessitent alors une
exploration chirurgicale rapide.
Quelle que soit la lésion, la survenue d’une pneumopathie par infection surajoutée est fréquente. Cette
évolution peut entraîner un hypoxie réfractaire de pronostic redoutable (syndrome de détresse
respiratoire aiguë, SDRA). Néanmoins, ces risques sont moindres chez l’enfant, du fait de l’absence
habituelle de tares respiratoires préexistantes.

4 - Les ruptures de l’arbre trachéo-bronchique


Elles sont rares, mais à bien reconnaître précocement. Une rupture de trachée ou de grosse bronche se
manifeste par la triade évocatrice, parfois incomplète, qui associe :
- un syndrome d’épanchement gazeux : pleural, médiastinal et/ou sous-cutané, et/ou bilatéral parfois
suffocant,
- une hémoptysie, inconstante,
- un syndrome d’exclusion pulmonaire clinique et radiologique : poumon rétracté, atélectasie.
Une endoscopie est impérative au moindre doute, fibroscopie en salle d’opération, car la réparation
chirurgicale précoce s’impose, sous peine de décès ou séquelles importantes.

5 - Les lésions du médiastin


Elles sont encore plus rares que chez l’adulte

a) les contusions cardiopéricardiques surviennent surtout lors d’un choc frontal, après un traumatisme
majeur, et peuvent être la cause de mort immédiate. Un tableau de tamponnade nécessite un diagnostic
immédiat avec décompression par ponction péricardique. Dans les cas moins sévères, le diagnostic est
suspecté cliniquement : souffle, douleur sternale et scapulaire gauche, insuffisance cardiaque. Le
diagnostic fait appel à l’échocardiographie, dosage des SGOT, fraction MB des isoenzymes CPK, voire
angiographie.
Selon les lésions, une réparation sous circulation extracorporelle peut être nécessaire.

b) La rupture de l’aorte thoracique au niveau de l’isthme. On ne l’observe que chez l’adolescent après un
traumatisme violent et décélération brutale. Seules les formes incomplètes (fissuration) survivent. Le
diagnostic est orienté par un souffle systolique postérieur, asymétrie des pouls entre les membres
supérieurs et les membres inférieurs, élargissement du médiastin à la radio.
L’angiographie reste l’examen nécessaire pour un diagnostic formel et une cure chirurgicale urgente.

c) Les lésions de l’œsophage. Elles sont exceptionnelles, parfois iatrogènes. Elles sont observées en cas
de baro traumatisme à glotte fermée avec rupture basse de l’œsophage entraînant douleur, pneumo-
médiastin, épanchement pleural. Le diagnostic est radiologique, transit œsophagien et endoscopique. La
réparation chirurgicale doit être précoce.

d) Les lésions du système lymphatique, canal thoracique, sont rarissimes. Elles se manifestent par un
épanchement pleural laiteux (chylothorax).

6 - Les lésions associées


Elles doivent être absolument recherchées : pathologie frontière et poly-traumatismes.

a) L’atteinte cervico-thoracique, avec fracture de la première côte ou de la clavicule doit conduire à un


examen neurologique soigneux (atteinte du plexus brachial, du nerf phrénique) et recherche de lésions
vasculaires (TABC - aorte).

b) L’atteinte thoraco-abdominale est très fréquente.


Le diagnostic de contusion d’organe plein (rate, foie, pancréas, rein) ou creux (estomac, intestin grêle)
est impératif. Comme devant tout traumatisme de l’abdomen, il faut recourir à des moyens de diagnostic
fiables: échographie, Doppler vasculaire, TDM, UIV. La laparotomie exploratrice est indiquée dans
certains cas de grande urgence, la vérification des coupoles diaphragmatiques étant alors obligatoire.

c) La rupture diaphragmatique
Rare, elle n’est pas toujours de diagnostic aisé. Elle majore la détresse respiratoire et doit être décelée
précocement. Le cliché thoraco-abdominal montre la surélévation d’une coupole, l’ascension de
l’estomac et de la sonde gastrique en cas de rupture gauche la plus fréquente. Parfois des clartés
digestives sont observées dans le thorax.
On peut s’aider de l’échographie, TOGD, péritonéographie. Le traitement est chirurgical par voie
abdominale.

d) Le syndrome de MORESTIN
Il est du à une hyperpression brutale du système cave supérieur lors d’un écrasement thoracique violent
avec effet de blast. Il se révèle par des pétéchies cervico-faciales, hémorragie conjonctivale, et peut se
compliquer de cécité. Il nécessite toujours un examen ophtalmologique rapide (fond d’œil).

e) Les polytraumatismes
Variés, ils peuvent faire passer au second plan la cage thoracique, qu’il ne faudra pourtant pas négliger.
La gravité est surtout liée à l’atteinte crânienne concomitante (score de Glasgow). Les lésions de
l’appareil locomoteur et du rachis sont également fréquentes.
3 - Le pronostic des traumatismes du thorax de l’enfant :
Il est meilleur que chez l’adulte en cas d’atteinte isolée. Par contre la fréquence des associations
lésionnelles et surtout crâniennes explique la mortalité (10 à 15 % des cas).

4 - La surveillance ultérieure
Elle doit surtout rechercher trois types de lésions passées inaperçues et évolutives à bas bruit.
- sténose trachéo-bronchique par rupture incomplète
- lésion du diaphragme avec découverte d’une éventration
- lésion vasculaire artérielle, anévrisme de l’aorte
La révélation de ces anomalies peut en effet être tardive et dramatique et justifie une surveillance
à long terme. Un cliché thoraco-abdominal à distance doit être conseillé.

II - LES TRAUMATISMES OUVERTS


Ils sont beaucoup plus rares et ne présentent pas d’individualité propre par rapport à l’adulte. Le
traitement fait le plus souvent appel aux techniques de rééquilibration, drainage des épanchements.
Parfois, une thoracotomie exploratrice est indiquée.

III - LES LÉSIONS PAR SÉVICES


Elles constituent une pathologie particulière à l’enfant. De gravité variable, elles s’observent à
tout âge, même chez le nouveau-né. Le contexte social, l’existence de lésions déjà anciennes, la
présence de cals osseux, doivent orienter le diagnostic et inciter à une enquête.

Pour en savoir plus :


- Traumatismes fermés du thorax, physiopathologie, diagnostic, traitement
Azorin J.
La Revue du Praticien (Paris) 1995, 45, 1402-1406
- Les traumatisme thoraciques de l’enfant
Canarelli J.P.
VIIIe Séminaire d’Enseignement de Chirurgie Pédiatrique Viscérale,
Paris 3-5 Décembre 1989.
- Les traumatismes du thorax chez l’enfant
A propos de quatre-vingt-treize observations
Debeugny P., Canarelli J.P., Giard H., Ricard J., Bonnevalle M., Dambron P.
Ann Chir. 1991, 45, 549-559.
- Particularités des traumatismes thoraciques de l’enfant
Reinberg O., Mir A., Genton N.
Chir. Pédiatr. 1990, 31, 139-145.
OBJECTIFS
1) Énumérer les lésions possibles
2) Connaître la conduite à tenir à la phase initiale et précoce.
3) Connaître les symptômes
4) Connaître l’évolutivité latente de certaines lésions thoraciques.

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