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Les lésions traumatiques du tarse antérieur et de l’avant-pied font souvent, plus encore que les
traumatismes de l’arrière-pied, figure de parent pauvre de la pathologie en général et de la traumatologie
en particulier. Elles nécessitent pourtant une attention particulière car elles peuvent laisser de graves
séquelles, en particulier douloureuses non seulement pour la marche mais aussi pour le chaussage et
même pour la simple station debout. Leur diagnostic est souvent difficile car les radiographies simples
sont le siège de superpositions qui peuvent les rendre difficilement interprétables ; en particulier, une
lésion même déplacée de l’articulation de Lisfranc peut être occultée et passer inaperçue ; la
tomodensitométrie, à l’ère où cette radiographie est proposée comme premier examen en urgence pour
tout polytraumatisme, devrait s’imposer en cas de simples contusions du pied. Le traitement primaire est
en effet le garant d’un résultat fonctionnel tardif correct ; il consiste en la réduction précise de ces fractures
en sachant que l’arthrodèse en bonne position, en particulier pour les fractures du naviculaire et les
fractures luxations de l’interligne de Lisfranc, est parfois la solution de choix qui peut être pratiquée même
en urgence.
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Appareil locomoteur 1
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14-099-A-10 ¶ Fractures et luxations du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges
2 Appareil locomoteur
Anatomie pathologique
Il est classique de distinguer trois variétés de fracture :
• fracture sagittale ou légèrement oblique formée de deux
fragments, le fragment latéral comprenant la crête qui limite
en arrière la gouttière du tendon du muscle long fibulaire ;
• fracture partielle qui intéresse surtout l’angle médial. Elle
s’associe souvent à des fractures du tarse, en particulier au
talus, au calcanéus ou à l’os naviculaire, ou encore à des
fractures des métatarsiens. Elle peut se voir aussi dans le cadre
de luxations tarsométatarsiennes ;
• fracture comminutive par écrasement ou tassement qui
échappe à toute description.
Symptomatologie
Le diagnostic clinique est impossible. La symptomatologie se
résume en une douleur exquise, une ecchymose localisée sur la
face latérale du pied, entre l’apophyse postérieure du 5 e
métatarsien et le calcanéus. Le fragment latéral, déplacé en
Figure 2. Fracture du naviculaire ostéosynthésée par un double vissage. dehors, en arrière et en bas peut faire saillie ; il est même parfois
mobilisable. Lorsque l’os est gravement fracturé, le bord latéral
peut paraître raccourci. La recherche des mouvements de
l’articulation médiotarsienne est douloureuse. La mobilité est
d’ailleurs parfois nulle. Cette douleur peut s’étendre au tendon
du muscle long fibulaire qui entre parfois en contact avec le
fragment.
C’est la radiographie qui affirme et précise le diagnostic. Des
incidences spéciales ont été décrites pour éviter des superposi-
tions d’ombres dues aux autres os du pied ; actuellement, en cas
de doute, un examen tomodensitométrique permet d’établir un
diagnostic précis et de rechercher les lésions associées, en
particulier sur l’interligne de Lisfranc.
Il ne faut pas confondre une fracture du cuboïde avec un os
surnuméraire, en particulier l’os sous-péronier, situé en arrière
du cuboïde, avec le cuboïde accessoire qui, lui, est situé en
avant de l’os intéressé, enfin avec le calcanéus surnuméraire
situé entre le cuboïde et le talus, prolongeant en quelque sorte
la grande apophyse de calcanéus.
Traitement
Il est la plupart du temps orthopédique. En cas de lésions
Figure 3. Fracture du naviculaire synthésée par un double embrochage. isolées, une immobilisation de 6 semaines dans une botte en
résine de marche est suffisante. En cas de lésions associées, c’est
le traitement de ces dernières qui conditionne la conduite à
En cas de fracture déplacée sans impaction, une ostéosyn- tenir, un geste direct sur le cuboïde étant exceptionnel.
thèse par vis (Fig. 2) est une solution à retenir ; parfois, un
embrochage unique ou double peut être suffisant (Fig. 3) ; cette
intervention doit être complétée par une immobilisation dans
une botte en résine pendant 6 semaines. ■ Fractures des cunéiformes
S’il existe une comminution ou un tassement, le risque de
nécrose doit faire préférer, à la simple ostéosynthèse, une Elles n’ont guère d’individualité, étant en général associées
arthrodèse plus ou moins localisée, au minimum talonaviculaire aux fractures des métatarsiens, de l’os naviculaire ou aux
associée le plus souvent à une greffe osseuse corticospongieuse. dislocations complexes du pied, en particulier lors des luxations-
fractures tarsométatarsiennes.
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alors en dehors. L’association d’une fracture du cunéiforme d’une soirée festive. Cette localisation touche préférentiellement
médial et d’une fracture de la base du 1 er métatarsien est les sujets jeunes et en particulier sportifs (en dessous de 30 ans
classique et certains auteurs ont récemment insisté sur ce dans un tiers des cas).
point [7]. D’après Jones, cette fracture survient à trois quarts de pouce
de la base métatarsienne ; il en concluait que cette fracture était
Symptomatologie et traitement la conséquence d’une force dirigée vers l’avant de la base
métatarsienne et occasionnée par le poids du corps sur un pied
Le diagnostic clinique est impossible, hormis les cas de en éversion et équinisme. Le terme de fracture de Jones fut ainsi
déplacements fragmentaires ; le diagnostic d’entorse est le plus appliqué à toutes les fractures de la base du 5e métatarsien. En
souvent évoqué, d’autant plus que les radiographies ne sont pas réalité, on s’aperçut que la consolidation de ces fractures variait
toujours explicites. À la face dorsale du pied, on constate une en fonction de leur siège anatomique.
ecchymose plus ou moins étendue ; la douleur est souvent plus En 1960 Stewart [12] définit la limite distale de la fracture de
localisée ; la radiographie est donc indispensable aidée le plus Jones au niveau de l’extrémité distale de l’articulation entre les
souvent par des tomodensitométries. Il est en effet impératif 4e et 5e métatarsiens.
d’obtenir des images précises pour rechercher une lésion En 1972, Dameron [13] établit la distinction entre la fracture
associée, en particulier au complexe de Lisfranc. de Jones ainsi délimitée et l’avulsion tubérositaire intéressant la
L’évolution de ces fractures n’altère que très rarement la partie la plus proximale du 5e métatarsien.
morphologie de l’arche médiale du pied qui reste intacte. Seules Cette distinction est importante en raison de l’évolution de
les fractures à type d’écrasement ou de pulvérisation peuvent la la fracture dont les potentiels de consolidation sont différents.
faire céder. En 1993, Lawrence [14] signale que l’avulsion tubérositaire est
Le pronostic de ces fractures, lorsqu’elles sont isolées, est habituellement extra-articulaire mais que la propagation
bon ; quelques douleurs résiduelles peuvent persister quelques cuboïdométatarsienne n’est pas rare.
mois. En fait, la base du 5 e métatarsien comporte trois zones
Sur le plan pratique, le traitement est le plus souvent ortho- anatomiques :
pédique par immobilisation dans une botte en résine pendant • l’apophyse styloïde, strictement extra-articulaire ;
5 à 6 semaines, dont 3 semaines sans appui. • la partie proximale de la tubérosité qui s’articule avec le
cuboïde ;
• la partie distale de la tubérosité qui s’articule avec le
■ Fractures des métatarsiens 5e métatarsien.
Les métatarsiens jouent un rôle important dans la statique du On peut donc distinguer :
pied en particulier au cours de la transmission du poids du • l’avulsion de l’apophyse styloïde ;
corps lors de la marche, de l’arrière-pied vers l’avant-pied. En • la fracture proximale de la tubérosité (trait passant par
effet, à ce moment, les têtes métatarsiennes qui participent aux l’articulation cuboïdométatarsienne) ;
articulations métatarsophalangiennes supportent harmonieuse- • la fracture de la partie distale de la tubérosité passant par
ment la totalité de la charge ; dans ces conditions, tout vice l’articulation intermétatarsienne : c’est la fracture de Jones
architectural unique ou multiple du métatarse aboutit automa- proprement dite.
tiquement à une surcharge fonctionnelle localisée ou globale, se Cette classification est simple et nous semble préférable à la
traduisant par un tableau douloureux, déterminant la métatar- classification de Stewart [12] qui distingue cinq variétés : fracture
salgie. Il est donc discutable de prétendre, comme l’écrivaient de Jones, fracture intra-articulaire, fracture extra-articulaire par
Delbet et Helfrich en 1896 [8], que « les fractures des métatar- arrachement, fracture comminutive par écrasement, avulsion
siens (et des phalanges) sont sans importance, le plus souvent épiphysaire de l’enfant.
faciles à diagnostiquer et simples à traiter ». De plus, en effet, Facture avulsion de l’apophyse styloïde. C’est la plus
leur traitement n’est pas toujours aisé et, surtout lorsque la commune (tennis fracture de Lawrence [14] ou Geto fracture des
fracture est ouverte, il oblige parfois à des sacrifices osseux mais Japonais). Le rôle de la violente traction du muscle court
aussi dans les parties molles. Il est donc nécessaire de bien fibulaire est discuté : en effet, le déplacement du fragment
connaître ces fractures de façon à leur opposer un traitement avulsé est faible ; par ailleurs, les insertions dépassent l’apophyse
adéquat qui doit être primaire et rapide [9]. elle-même et il serait possible de reproduire la fracture en
agrafant le tendon au métatarsien : interviendrait surtout la
Topographie bandelette latérale de l’aponévrose plantaire [15] qui s’insère
uniquement sur la pointe styloïdienne. Cette fracture est à
Les fractures des métatarsiens peuvent atteindre la base, la différencier de la fracture des os accessoires : os peroneum le
diaphyse ou le col de l’os. long du bord latéral du cuboïde ; os de Vésale adjacent à
l’insertion terminale du tendon ; noyau apophysaire chez
Fractures de la base l’enfant (ligne à bords réguliers, parallèles à la diaphyse) visible
Elles se présentent différemment selon qu’elles siègent sur les entre 9 et 14 ans.
métatarsiens extrêmes ou sur les métatarsiens médians. Le traitement est habituellement chirurgical ; aux vis ou
broches qui risquent d’entraîner un éclatement du fragment il
Fractures de la base des trois métatarsiens médians vaut mieux préférer l’utilisation des ancres ou encore la
Lorsqu’elles sont isolées, elles sont peu déplacées, fréquem- réinsertion par fils passant dans un tunnel transosseux et fixés
ment multiples, le mécanisme étant indirect par hyperflexion distalement dans la tubérosité. Une immobilisation dans une
ou hyperextension de l’avant-pied. Micheli [10] a décrit une botte en résine est une bonne précaution pendant 3 à
forme particulière survenant chez les danseurs au cours de la 4 semaines.
montée sur pointes : il s’agit d’une fracture tassement- Fracture proximale articulaire de la tubérosité. Le trait est
séparation, la base du 2e métatarsien s’écrasant dans la mortaise situé dans l’articulation entre le cuboïde et le 5e métatarsien ; le
représentée par les trois cunéiformes. Ces fractures basales trait est souvent oblique ; cette fracture est exposée aux
doivent faire rechercher une atteinte de l’interligne tarsométa- déplacements secondaires, car c’est à son niveau que s’exerce la
tarsien (luxation ou fracture articulaire proprement dite) dont traction du tendon du muscle court fibulaire.
elle est la complication fréquente. Ces fractures, de par leur Le traitement peut être orthopédique par immobilisation dans
mécanisme indirect, sont rarement ouvertes. une botte en résine pendant 6 semaines ; en cas de déplace-
ment, l’ostéosynthèse est préférable ; haubanage ou mieux
Fractures de la base du 5e métatarsien vissage intramédullaire (la courbure de l’os n’est pas une gêne à
De très nombreux auteurs les ont étudiées depuis Jones [11] ce niveau).
qui, en 1902, a décrit pour la première fois sa variété extra- Fracture de Jones. Le trait est le plus souvent transversal,
articulaire, à l’occasion d’un cas personnel survenu au cours dans la zone délimitée par les extrémités de l’articulation entre
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Fractures de la diaphyse
Elles résultent d’un mécanisme direct ou indirect ; le méca-
nisme indirect est, la plupart du temps, une chute sur la pointe
Figure 4. Fracture complexe du segment médial de l’interligne de des pieds : les métatarsiens subissent un redressement de leur
Lisfranc. concavité plantaire, une flexion latérale et une torsion, déter-
minant un trait transversal ou spiroïde ; un ou plusieurs
métatarsiens peuvent être fracturés en même temps (Fig. 5). En
les 4e et 5e métatarsiens ; les délais de consolidation sont longs cas de traumatisme direct, il s’agit, le plus souvent de la chute
et l’évolution vers la pseudarthrose fréquente en l’absence d’un d’un objet lourd sur le métatarse, en particulier au cours
traitement adéquat. d’accidents du travail ; à ce propos, il faut convenir que la
Il faut la différencier d’une fracture de fatigue : la localisation chaussure de sécurité n’est pas d’une protection absolue à
de trait est plus distale. l’égard de ces fractures ; elle peut même aggraver la lésion, le
Le traitement est le plus souvent chirurgical : l’abord doit rebord postérieur de la pièce métallique renforçant l’empeigne
éviter les branches du nerf sural ; l’ostéosynthèse peut faire du soulier ayant un effet « guillotine » sur la portion proximale
appel à une plaque ou un hauban ; la vis est contre-indiquée en des métatarsiens. De plus, l’ouverture cutanée est fréquente, de
raison de la courbure de l’os à ce niveau ; les agrafes à mémoire même que les lésions associées (tendons extenseurs, vaisseaux,
de forme trouvent également là une bonne indication [16]. en particulier le paquet dorsal du tarse, nerfs). La peau est très
souvent le siège d’écrasement et les risques de nécrose secon-
Fractures de la base du 1er métatarsien daire sont importants. Enfin, le caractère du traumatisme
Il s’agit le plus souvent d’un traumatisme direct et, de ce fait, détermine souvent des fractures polyradiaires et polyfragmen-
ces fractures sont volontiers ouvertes et polyfragmentaires. Le taires exposant les esquilles osseuses à la nécrose.
trait peut irradier vers l’interligne cunéométatarsien et modifier La diaphyse des métatarsiens est également le siège de
l’architecture de la première colonne du pied [7] : en effet, dans prédilection des fractures de fatigue. En effet Wilson [17] dans
ces cas, le trait peut être soit transnaviculaire, soit transcunéen, une population non ciblée, et Delahaye [18] chez les militaires,
soit n’atteindre que la base du 1er métatarsien (Fig. 4). L’inter- la décrivent en première ligne (86 % et 40 %). Chez le sportif
position du tendon du muscle tibial antérieur est possible, de haut niveau, Matheson [19] la trouve au troisième rang après
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le tibia (49 %) et le tarse (25 %). Ce type de fracture, qui horizontal (médial ou latéral), soit vertical ; en particulier, la
survient sans traumatisme direct ou indirect, est connu depuis tête métatarsienne chute en position plantaire, risquant de créer
Breithaup, chirurgien militaire qui décrivit en 1855, leur un hyperappui ultérieur, source de métatarsalgies.
survenue après de longues marches ; d’autres auteurs s’y sont
intéressés et ont désigné, sous des vocables divers ce type de
fracture : « os forcé », « entorse osseuse » [19]. Elles surviennent Diagnostic et traitement
après un effort excessif souvent en début de saison chez des Le diagnostic des fractures des métatarsiens ne pose pas de
sportifs et toujours sur un os sain. De Sèze [20] les compare aux difficultés particulières. Cliniquement il fait appel aux notions
ruptures métalliques par efforts alternés. Certains facteurs y classiques (douleur, œdème, hématome) ; les déformations étant
prédisposent : ainsi, l’insuffisance du 1er métatarsien, constitu- souvent mineures, voire absentes, fréquemment cachées par un
tionnelle par brièveté du 1er métatarsien ou acquise iatrogéni- volumineux œdème. Quant à l’impotence, elle est variable, plus
que postopératoire ; l’affaissement de l’arche médiale n’est pas volontiers marquée en cas de lésions pluriradiaires. Des clichés
un facteur significatif : Matheson [19] retrouve 16 % de pieds radiographiques sont indispensables sous plusieurs incidences
plats ; en revanche, il compte 27 % de pieds creux dans la pour dérouler au mieux chaque rayon ; des coupes tomodensi-
population de fractures de fatigue survenant chez les athlètes. tométriques sont également utiles pour déceler d’éventuelles
L’impotence douloureuse est très variable. Elle n’est associée associations avec une fracture et/ou une luxation
aux premiers signes radiologiques qu’après 2 à 3 semaines tarsométatarsienne.
d’évolution. L’évolution radiologique se déroule en quatre En cas de fractures ouvertes, il faut avant tout rechercher les
étapes [21] : lésions associées des parties molles : appréciation de l’état
• stade I : l’os est apparemment intègre ; cutané et recherche de zones dévascularisées ou exposées à une
• stade II : survient une apposition périostée fusiforme ; nécrose secondaire, présence d’une atteinte vasculaire sur un
• stade III : il existe une densification périostée et une ostéolyse tronc intermétatarsien ou une branche collatérale, par méca-
diaphysaire ; nisme direct ou par étirement, source de dévascularisation
• stade IV : le cal osseux s’intègre au cortex. d’installation rapide. Le muscle court extenseur et les tendons
Seule, la scintigraphie permet un diagnostic précoce. La extenseurs peuvent être au minimum contus (mais exposés au
localisation élective est le tiers distal du clavier médian et, par risque de nécrose secondaire), le plus souvent dilacérés et sièges
ordre de fréquence, ce sont les 2e et 3e métatarsiens ; plus de phénomènes de traction ou d’étirement.
rarement le 4e et le 5e [18, 20]. Enfin, ces lésions survenant souvent dans le cadre d’un
Le traitement des fractures de fatigue étant spécifique, nous polytraumatisme, il est important de penser au diagnostic et
l’évoquons ici pour ne plus y revenir : une simple décharge avec d’effectuer les radiographies qui s’imposent. Elles sont parfois
contention souple est prescrite pendant 3 semaines, suivie d’une complexes et c’est dans ce contexte que les coupes tomodensi-
mobilisation immédiate de toutes les articulations. Les compli- tométriques sont utiles. La localisation sous-capitale est souvent
cations sont exceptionnelles (pseudarthrose et algodystrophie). méconnue dans ces cas.
Le traitement doit rétablir une parabole métatarsienne
Fractures du col des métatarsiens horizontale fonctionnelle (index plus minus ou index plus) et
Elles répondent au même mécanisme que les précédentes. éviter qu’il se modifie en cas de lésions non déplacées à
Elles surviennent souvent au cours d’accidents d’automobile, l’origine ; le déplacement vertical doit également être corrigé.
l’avant-pied subissant par exemple une flexion et une torsion Nous préconisons un embrochage percutané par voie rétrograde
sur une des pédales. En cas d’accidents du travail, il s’agit de (Fig. 6) qui évite de léser les articulations métatarsophalangien-
chutes d’échelles, le pied subissant le même type de trauma- nes qui peuvent ainsi être mobilisées rapidement. Ce geste est
tisme en étant bloqué entre les barreaux. Cette plus grande parfois difficile et nécessite dans certains cas un mini-abord
fréquence de survenue est due à la fragilité du col : amincisse- dorsal ; il s’applique aussi bien aux fractures de la diaphyse
ment cortical et pauvreté trabéculaire. Le déplacement est soit qu’aux fractures du col.
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siège du repos de l’âme, étant la partie du squelette qui se du 1er métatarsien accroît les contraintes en compression sur
conserverait le plus longtemps, voire serait éternelle [22]. L’étude l’os sésamoïde latéral, alors qu’elle les réduit sur l’os sésa-
des fractures récentes des os sésamoïdes doit être envisagée en moïde médial, la pronation du premier rayon produisant
même temps que celle des lésions anciennes ; en effet, il existe l’effet inverse ;
des formes de passage d’un état aigu vers un état chronique, et • la surcharge fonctionnelle professionnelle ou sportive peut
d’autre part, l’étiologie traumatique peut générer les deux accroître la fréquence des microtraumatismes sur les os
variétés de lésions. sésamoïdes ;
• le traumatisme est également un élément dans la pathologie
sésamoïdienne ; il peut déterminer deux variétés de fractures :
Rappel anatomique et physiopathologique C la fracture aiguë qui relève d’un mécanisme d’écrasement
Ce sont des pièces osseuses formées de tissu spongieux dense lié à une force de compression verticale, s’exerçant sur un
à corticale compacte très dure et résistante ; ils sont recouverts os sésamoïde bloqué sous la tête métatarsienne par la
sur leur face supérieure de cartilage. Ils sont au nombre de deux, contraction du muscle court fléchisseur de l’hallux, au
le médial étant plus volumineux (10 × 11 mm) que le latéral (10 cours d’une chute d’un lieu élevé ou d’une réception d’un
× 8 mm). Ils sont inclus dans l’épaisseur du ligament glénoïdien saut en hauteur souvent modeste, plus rarement d’un
à la face inférieure de l’articulation métatarsophalangienne du écrasement direct de l’avant-pied ;
gros orteil. Leur face supérieure concave longitudinalement et C la fracture de fatigue qui résulte de microtraumatismes
convexe transversalement s’adapte à chacune des deux gouttiè- répétitifs où, à chaque appui antérieur, s’associent des
res longitudinales situées à la face inférieure de la tête métatar- contraintes verticales en compression et des contraintes
sienne. Une crête osseuse médiane sépare ces gouttières et horizontales en tension par dorsiflexion de l’orteil. Les
permet le maintien des os sésamoïdes dans leur mouvement facteurs prédisposants évoqués ci-dessus et le surmenage
antéropostérieur lors de la flexion-extension de l’articulation fonctionnel semblent jouer un rôle important dans la
métatarsophalangienne. La plaque sésamoïdienne ou ligament genèse de cette variété lésionnelle.
intersésamoïdien relie les deux osselets entre eux et donc les
Une forme particulière est représentée par la survenue de la
ligaments glénoïdiens constituant ainsi la sangle sésamoïdienne.
fracture au cours d’une luxation métatarsophalangienne du gros
Les os sésamoïdes recouvrent l’insertion d’une portion des orteil : dans ce cas, il semble que le système sésamoïdien soit le
fibres terminales des tendons de certains muscles intrinsèques siège de forces de tractions longitudinales associées éventuelle-
du pied : muscle court abducteur et faisceau médial du muscle ment à des contraintes en flexion par cisaillement sur la
court fléchisseur pour l’os sésamoïde médial, faisceaux oblique convexité de la tête métatarsienne.
et transverse du muscle adducteur et faisceau latéral du muscle
court fléchisseur pour l’os sésamoïde latéral. Les os sésamoïdes
sont donc davantage solidaires de la phalange que du métatar-
sien, ce qui explique leur intrication lors des luxations métatar-
Diagnostic et évolution
sophalangiennes du gros orteil. Enfin, du point de vue Les affections de la région sésamoïdienne se manifestent le
biomécanique, ils ont un double rôle, statique (appui antéro- plus souvent par un retentissement fonctionnel dû à la douleur
médial du pied) et dynamique (poussée de l’avant-pied, amor- et par des signes locaux similaires, quelle qu’en soit leur
tissement des contraintes sur la tête métatarsienne). Le système étiologie.
sésamoïdien fonctionne à la manière d’une catapulte, la fronde En cas de fracture aiguë, le début douloureux est brutal,
étant représentée par les os sésamoïdes et le ligament intersésa- précis, contemporain d’un traumatisme initial généralement
moïdien. Lors de la marche, les os sésamoïdes sont soumis à dûment identifié. Ce dernier n’est pas toujours grave et intense
deux ordres de contraintes de directions perpendiculaires ; une et a pu être oublié. L’examen peut montrer une tuméfaction
force de compression verticale et une force de tension horizon- plantaire et recherche une douleur à la pression sésamoïdienne
tale. La contrainte en compression est celle qui varie le plus en et à la dorsiflexion du gros orteil. Les clichés de face et surtout
intensité, la pression sésamoïdienne croît de la phase planti- les incidences axiales de type Walter Muller ou Guntz montrent
grade à la phase digitigrade ; en fin de phase plantigrade, la les deux fragments bien individualisés aux bords nets et aux
première tête métatarsienne est soumise à une pression double angles vifs témoignant du caractère aigu et traumatique de la
de celle des quatre autres têtes. Pendant la phase suivante de lésion. Des coupes tomodensitométriques peuvent confirmer
poussée, le poids du corps se porte progressivement sur la cette hypothèse, permettant de mettre en évidence une struc-
première articulation métatarsophalangienne à la faveur de la ture osseuse régulière et homogène. En revanche, si le bilan
pronation de l’arrière-pied. Cette pronation produit alors un radiologique est pratiqué plus tardivement (quelques semaines
abaissement de l’os sésamoïde médial par rapport à l’os sésa- ou quelques mois après l’accident), le remaniement du trait de
moïde latéral, le premier étant donc plus vulnérable à cette fracture et une éventuelle nécrose associée rendent le diagnostic
phase que ce dernier. Au cours de la pratique du sport, des hypothétique et le caractère traumatique et aigu de la lésion ne
forces considérables de compression s’appliquent sur l’appareil peut être affirmé. Une radiographie controlatérale peut néan-
sésamoïdien atteignant 300 kg chez le coureur de vitesse en moins permettre d’éliminer un os sésamoïde bipartita [23], mais
pleine course. laisse planer un doute sur une atteinte chronique de fatigue. En
Par ailleurs, des facteurs morphostatiques ou fonctionnels faveur de cette étiologie, il faut retenir un début insidieux (après
peuvent agir et aggraver cet état critique pour le système une longue marche ou une épreuve sportive), la notion de
sésamoïdien : surmenage fonctionnel local dans un contexte morphostatique
• le varus du 1er métatarsien provoque une subluxation latérale prédisposant. Sur les clichés radiologiques, les contours de la
de la sangle sésamoïdienne. L’os sésamoïde médial entre alors zone fracturaire de l’osselet sont flous, arrondis et la structure
en contact avec la crête plantaire de la première tête métatar- osseuse est inhomogène. Les fragments peuvent apparaître
sienne et y augmente les contraintes alors qu’elles diminuent augmentés de volume par rapport au côté opposé.
pour l’os sésamoïde latéral ; Aiguës ou chroniques, les fractures sésamoïdiennes se carac-
• l’aplasie ou l’hypoplasie de la crête plantaire centrale de la térisent donc par la persistance de métatarsalgies médiales
première tête métatarsienne peut être à l’origine d’une retentissant sur la marche et engendrant une boiterie liée à un
mobilité transversale excessive des os sésamoïdes et exposer appui excessif sur la bande latérale de la plante. La scintigraphie
ceux-ci à une atteinte traumatique ; osseuse est utile en cas de lésion fraîche et permet un diagnostic
• la rotation selon son axe du 1er métatarsien entraîne des de certitude si elle est positive. Elle est moins précise en face des
variations de pression sous les os sésamoïdes : la supination affections chroniques. L’évolution de cette pathologie aiguë ou
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chronique peut se faire vers la nécrose ; pour Voutey et Mir- La possibilité de réduire la luxation à foyer fermé est donc
bey [24], 40 % des nécroses sont la conséquence d’une fracture. conditionnée par le type lésionnel et surtout par l’atteinte ou
Quoi qu’il en soit, la douleur est encore l’élément dominant la non du système sésamoïdien et en particulier du ligament
scène clinique : algies plantaires, médiales et antérieures, intersésamoïdien [30]. Les lésions du système sésamoïdien sont
évoluant typiquement sur un fond de gêne fonctionnelle, de trois types : soit fracture du ou des osselets avec possibilité
exacerbée lors des tentatives de reprises de sport et, entre autres, d’incarcération d’un fragment au niveau de l’articulation [31, 32],
de la course. Le plus souvent, la gêne a entraîné l’arrêt des soit atteinte de la capsule plantaire avec luxation latérale des os
activités sportives malgré les périodes de mise au repos parfois sésamoïdes [33], soit rupture du ligament intersésamoïden et
prolongées. Radiologiquement, la nécrose peut être massive et déplacement des os sésamoïdes de part et d’autre de
globale ou se présenter sous forme d’une séparation osseuse bi- l’articulation [33].
ou polyfragmentaire avec diastasis et remaniements architectu- Le traitement est soit orthopédique, soit chirurgical. Si la
raux de type ostéoporotique. Les fragments de l’osselet peuvent majorité des luxations peuvent se réduire par manœuvres
aussi apparaître augmentés de volume et ses contours flous. externes, certaines sont irréductibles par cette méthode et
Le traitement réclame un diagnostic précoce car, comme nous peuvent nécessiter un abord chirurgical, en particulier lorsque le
l’avons vu, l’évolution vers la nécrose est non seulement ligament intersésamoïdien est intact (type I de Jahss [26]). Après
extensive mais rapide ; il est le plus souvent conservateur réduction (à foyer fermé ou ouvert), une immobilisation rigide
(ostéosynthèse directe par cerclage [25]) ou traitement orthopé- par chausson ou botte en résine est habituellement prescrite
dique par immobilisation de 4 à 6 semaines suivie du port pour une durée de 1 mois. En cas de fracture, une ostéosuture
d’orthèse plantaire d’exclusion d’appui sous la première tête est possible. Aucune récidive de luxation n’est notée dans la
métatarsienne, la sésamoïdectomie étant d’indication excep- littérature et la majorité des auteurs constatent de bons résultats
à moyen terme avec un traitement conservateur même si un
tionnelle. Une immobilisation de l’articulation métatarsopha-
enraidissement métatarsophalangien est constaté [30] . Une
langienne par broches est préconisée par certains auteurs, en
sésamoïdectomie n’est envisagée qu’en cas de persistance des
particulier en cas de retard de consolidation ou de
douleurs, en particulier dans les cas de types IIB où il existe une
pseudarthrose.
fracture d’un osselet.
Conclusion
Affection mal connue, la fracture des os sésamoïdes repré- ■ Fractures luxations de
sente l’aspect le plus fréquent des lésions de cet osselet ; un l’articulation tarsométatarsienne
examen attentif doit permettre de l’authentifier et, lorsqu’elle
est suspectée, tout doit être mis en œuvre pour la différencier
des autres pathologies sésamoïdiennes : ostéonécrose ou maladie Étude radioclinique
de Rénander, fracture de fatigue, ostéochondrite, infection...) et
Ces lésions sont très souvent méconnues ; elles méritent une
des lésions périsésamoïdiennes (bursite, tendinopathie d’inser-
attention toute particulière [34-36]. En effet, la garantie d’un bon
tion des muscles intrinsèques du gros orteil : court fléchisseur et
résultat fonctionnel passe obligatoirement par une prise en
court abducteur).
charge rapide et un traitement adéquat, le jeu subtil de ce
complexe articulaire étant bien souvent très rapidement com-
promis en raison des microlésions cartilagineuses toujours
■ Luxations du complexe associées, même si les radiographies ne les mettent pas en
évidence de façon claire. La reconstitution anatomique de
métatarso-sésamoïdo-phalangien l’interligne tarsométatarsien est impérative, parfois au prix
d’une arthrodèse.
Ces traumatismes forment un ensemble quasiment indisso-
La symptomatologie clinique n’est pas très significative car,
ciable, les luxations-fractures sésamoïdiennes étant intimement comme pour les autres traumatismes du médiopied, elle se
associées aux luxations métatarsophalangiennes du gros orteil. résume en une déformation du médiopied souvent marquée,
Ces dernières sont rares et ont été démembrées par Jahss [26] en celui-ci étant, en plus, le siège d’un œdème d’installation rapide.
1980. La classification proposée par cet auteur tient compte de Les fragments osseux peuvent aussi fragiliser la peau qui risque
l’association ou non à la luxation métatarsophalangienne de d’être vouée à la nécrose plus ou moins localisée. C’est dire la
l’atteinte du ligament intersésamoïdien. Dans le type I, le nécessité d’un traitement précoce qui est la plupart du temps
système sésamoïdien reste intact (en particulier le ligament chirurgical.
intersésamoïdien). Cette forme est habituellement irréductible Le bilan radiographique est donc indispensable. Les clichés
par manœuvres externes en raison de l’incarcération du tendon banals sont insuffisants dans de nombreux cas, même en
conjoint. Dans le type II, il existe, soit une atteinte du ligament utilisant les incidences spéciales déroulant l’interligne ; une telle
intersésamoïdien (IIA), soit une fracture transversale d’un des os insuffisance de la radiologie conventionnelle a déjà été souli-
sésamoïde (IIB). Dans cette forme II, le type de l’atteinte gnée par Bonnel [37] et Lerat [38] pour expliquer que le diagnostic
sésamoïdienne permet habituellement une réduction à foyer est fait tardivement dans 20 % des cas. Bonnel [37] (et nous
fermé. D’autres auteurs ont apporté quelques précisions à cette partageons son avis) considère que tout avant-pied présentant
classification : Copeland et Kanat [27] proposent un type IIC une ecchymose en regard de l’interligne de Lisfranc et dont les
associant une rupture du ligament intersésamoïdien et une radiographies standards ne permettent qu’une mauvaise dis-
fracture de l’os sésamoïde latéral. Hussain [28] décrit l’association tinction des surfaces articulaires, doit être soumis à une
d’une luxation de type I (donc avec préservation du ligament exploration plus poussée. Celle-ci doit comprendre :
intersésamoïdien) et d’une fracture de l’os sésamoïde latéral ; il • des incidences standards en position forcée : adduction,
décrit ainsi une sous-classe IA. Garcia Mata [29] rapporte trois cas flexions plantaire et dorsale ;
de luxation dorsale de l’articulation métatarsophalangienne • un examen en coupes : il est indispensable. La tomographie
appartenant aux trois groupes de Jahss réduits à foyer fermé ; est remplacée par l’examen tomodensitométrique sur lequel
ces auteurs insistent sur l’importance de la luxation associée des ont insisté Piat et al. [39]. Lui seul permet de comprendre le
os sésamoïdes en tant que facteur d’irréductibilité et proposent mécanisme de production des lésions. Par exemple, un trait
une modification de la classification de Jahss. Enfin, Killian [30] de fracture oblique sur l’os cunéiforme latéral non apparent
rapporte un type III dans lequel les os sésamoïdes sont intacts sur un cliché standard fait comprendre la détermination pour
et normalement positionnés mais avec une rupture complète cette fracture d’une abduction forcée dans la mortaise
des tendons conjoints. représentée par l’encastrement du 2e métatarsien entre les
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moderne (en particulier le scanner), qui peut être pratiquée au [25] Galois L, Pfeffer F, Traversari R, Mainard D, Delagoutte JP. Fractures
cours du bilan d’admission des traumatisés ; elles ne doivent pas et luxations des sésamoïdes de l’hallux. Med Chir Pied 2001;17:151-5.
être reléguées au second plan sous prétexte qu’elles ne mettent [26] Jahss MH. Traumatic dislocations of the first metatarsophalangeal joint.
pas en jeu le pronostic vital ; en l’absence de traitement adéquat Foot Ankle 1980;1:15-21.
et rapide, elles retentissent certainement sur le pronostic [27] Copeland CL, Kanat IO. A new classification of traumatic dislocation
fonctionnel et risquent de péjorer le résultat du traitement des of the first metatarso-phalangeal joint: type II C. J Foot Surg 1991;30:
234-7.
autres atteintes générales ou proximales en déterminant des
[28] HussainA. Dislocation of the first metatarso-phalangeal joint with frac-
podalgies variées gênantes non seulement pour la locomotion
ture of the fibular sesamoïd. A case report. Clin Orthop Relat Res 1999;
mais également pour la simple station debout.
359:209-12.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Delagoutte J.-P. Fractures et luxations du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 14-099-A-10, 2007.
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