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Fractures et luxations du tarse antérieur,


des métatarsiens et des phalanges
J.-P. Delagoutte

Les lésions traumatiques du tarse antérieur et de l’avant-pied font souvent, plus encore que les
traumatismes de l’arrière-pied, figure de parent pauvre de la pathologie en général et de la traumatologie
en particulier. Elles nécessitent pourtant une attention particulière car elles peuvent laisser de graves
séquelles, en particulier douloureuses non seulement pour la marche mais aussi pour le chaussage et
même pour la simple station debout. Leur diagnostic est souvent difficile car les radiographies simples
sont le siège de superpositions qui peuvent les rendre difficilement interprétables ; en particulier, une
lésion même déplacée de l’articulation de Lisfranc peut être occultée et passer inaperçue ; la
tomodensitométrie, à l’ère où cette radiographie est proposée comme premier examen en urgence pour
tout polytraumatisme, devrait s’imposer en cas de simples contusions du pied. Le traitement primaire est
en effet le garant d’un résultat fonctionnel tardif correct ; il consiste en la réduction précise de ces fractures
en sachant que l’arthrodèse en bonne position, en particulier pour les fractures du naviculaire et les
fractures luxations de l’interligne de Lisfranc, est parfois la solution de choix qui peut être pratiquée même
en urgence.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fracture ; Os naviculaire ; Métatarsien ; Phalange ; Orteils

Plan ¶ Fractures luxations de l’articulation tarsométatarsienne 9


Étude radioclinique 9
¶ Introduction 1 Classification 10
Conséquences thérapeutiques 10
¶ Fracture de l’os naviculaire 1
¶ Conclusion 10
Étiopathogénie 1
Classification 2
Éléments de diagnostic 2
Traitement 2 ■ Introduction
¶ Fracture du cuboïde 3 Les lésions traumatiques du tarse antérieur et de l’avant-pied
Mécanisme 3 font souvent, plus encore que les traumatismes de l’arrière-
Anatomie pathologique 3 pied, figure de parent pauvre de la pathologie. Elles sont aussi
Symptomatologie 3 considérées comme mineures ou secondaires par rapport à
Traitement 3 d’autres atteintes plus proximales ou générales, en particulier
¶ Fractures des cunéiformes 3 lorsqu’elles surviennent dans le cadre d’un polytraumatisme, et
Mécanisme 3 passent fréquemment à l’arrière-plan dans la stratégie thérapeu-
Anatomie pathologique 3 tique. Elles risquent néanmoins de déterminer des séquelles
Symptomatologie et traitement 4 fonctionnelles importantes, même à la simple station debout,
d’autant que se surajoutent souvent des lésions des parties
¶ Fractures des métatarsiens 4 molles, en particulier cutanées et vasculonerveuses. De ce fait,
Topographie 4 leur étude analytique paraît indispensable sans qu’il soit
Diagnostic et traitement 6 nécessaire d’entrer dans des détails de spécialistes.
¶ Fractures des phalanges 7
Mécanisme 7 ■ Fracture de l’os naviculaire
Anatomie pathologique 7
Symptomatologie clinique et principes thérapeutiques 7 La fracture de l’os naviculaire est classiquement rare ; en
réalité, cette rareté n’est qu’apparente, et tous les services de
¶ Fractures des os sésamoïdes 7
traumatologie peuvent faire état de séries plus ou moins
Rappel anatomique et physiopathologique 8
importantes de tels traumatismes. Elle passe souvent inaperçue,
Diagnostic et évolution 8 surtout lorsqu’elle survient dans le cadre d’un polytraumatisme.
Conclusion 9
¶ Luxations du complexe métatarso-sésamoïdo-phalangien 9 Étiopathogénie
L’os naviculaire est la clé de voûte de l’arche médiale du
pied ; il fait partie de l’articulation médiotarsienne et plus

Appareil locomoteur 1
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globalement du couple de torsion, qui comprend ce dernier


article et l’articulation sous-talienne ; cet ensemble permet de
favoriser la transmission de la charge du poids du corps de
l’arrière-pied vers l’avant-pied, soulageant en amont l’articula-
tion tibiotalienne et en aval le complexe tarsométatarsien. Pour
être bref, on peut dire que l’articulation talonaviculaire est
l’élément souple, mobile et amortisseur de cette transmission,
l’ensemble calcanéocuboïdien en étant l’élément de stabilité.
C’est ainsi que Steinhauser [1] a montré que le blocage expéri-
mental de l’articulation talonaviculaire réduit de façon impor-
tante les mouvements du pied en inversion et en éversion et
entraîne un blocage automatique du jeu sous-talien.
On comprend ainsi le rôle fondamental de l’os naviculaire
dans les mouvements et la stabilité du pied, ce rôle étant encore
amplifié par l’insertion du puissant muscle de l’arche médiale
du pied, le muscle tibial postérieur, dont le rôle dans le
maintien de l’ensemble de la statique du pied, est primordial. Il
est donc le centre des lésions du médiotarse que l’on peut
qualifier de lésions périnaviculaires [2].
Le mécanisme de la fracture de l’os naviculaire est bien
connu depuis les travaux de Gérard [3, 4] à travers la thèse de Figure 1. Fracture tassement du naviculaire.
Pierson [5] en 1981. De par les conditions physiologiques dans
lesquelles il fonctionne, et de par sa situation dans le pied, cet
os est soumis à deux ordres de forces qui déterminent sa
fracture : les forces de tassement d’une part et les forces de Les lésions associées ne sont pas rares : fracture du cunéi-
flexion d’autre part. Des phénomènes d’arrachement peuvent forme médial, fracture du cuboïde, diastasis intercunéen,
également intervenir en particulier en cas de fractures parcellai- luxation sous-talienne médiale.
res. Le déplacement dorsal de l’osselet peut engendrer une L’os naviculaire est parfois le siège de fracture de fatigue, en
souffrance cutanée risquant d’évoluer vers la nécrose. particulier chez les coureurs de fond ou de demi-fond. Le
diagnostic est parfois difficile car la radiographie simple, comme
Classification souvent en la matière, est fréquemment muette. La scintigra-
phie est l’examen clé, plus facile à obtenir que l’imagerie en
Il convient de distinguer les fractures parcellaires et les résonance magnétique (IRM).
fractures du corps de l’os naviculaire.

Fractures parcellaires Éléments de diagnostic


Elles correspondent à un mécanisme d’arrachement et Nous n’insistons pas sur l’examen clinique qui ne fait que
intéressent une zone très limitée de l’os, en principe extra- suggérer le diagnostic ; c’est néanmoins un point d’appel et la
articulaire pour les fractures du tubercule et articulaire très recherche systématique d’une atteinte du médiopied doit faire
localisée, sans compromettre la fonction, pour les arrachements partie de tout examen, en particulier en face d’un polytrauma-
ligamentaires dorsaux. Les fractures du tubercule médial tisé, victime d’une « contusion » du pied. Le diagnostic est sous
comprennent elles-mêmes deux variétés : les fractures frontales la dépendance exclusive de la radiographie. Il est parfois
et les fractures sagittales. Elles sont à différencier de l’os tibial nécessaire de compléter les incidences habituelles par des
latéral ou os sésamoïde du tendon du muscle tibial postérieur coupes tomodensitométriques qui permettent d’apprécier le
qui peut d’ailleurs devenir douloureux à l’occasion d’un phénomène d’impaction qui domine le pronostic de ces
traumatisme. À ce propos, le diagnostic différentiel se pose
fractures.
surtout avec la forme de naviculaire accessoire de type II de
L’évolution de cette fracture, surtout en cas de lésions
Veitch [6] : l’osselet apparaît à distance du corps de l’os, avec des
contours plus ou moins modifiés « comme mangés aux mites » plurifragmentaires ou d’une luxation associée, n’est pas toujours
réalisant un aspect de synchondrose ; le type III est en fait une favorable. En effet, en plus du retard de consolidation très
hypertrophie du tubercule déterminant un naviculaire cornu ou fréquent, on peut observer, dans un nombre non négligeable de
crochu et ne prêtant pas à confusion avec une fracture et le cas, l’apparition d’une ostéonécrose. Elle est classique et grave,
type I étant inclus et bien distinct au sein de l’extrémité distale car elle aboutit très rapidement à une arthrose extensive,
du tendon. entraînant des troubles de la statique du pied, par perturbation
de l’appui sur l’arche médiale et report de la charge sur le bord
Fractures du corps latéral du pied. Elle désorganise totalement l’appui du médio-
pied et entraîne des douleurs invalidantes et une difficulté
Elles peuvent se diviser en plusieurs catégories :
croissante au port de chaussures. Elle détermine également une
• fractures sagittales : détachant généralement deux fragments
hypersollicitation de l’articulation métatarsophalangienne de
médial et latéral et dont le trait est le plus souvent franc ;
l’hallux qui, très rapidement se luxe en valgus. Cette évolution
• fractures frontales : il existe un fragment volumineux com-
survient d’autant plus souvent que le tendon du muscle tibial
prenant le tubercule ; le trait est extra-articulaire vis-à-vis de
l’interligne cunéonaviculaire, mais intra-articulaire en ce qui postérieur perd sa fonction par synovite ou dégénérescence et
concerne l’articulation talonaviculaire ; ne maintient plus la hauteur de l’arche médiale. Cette détério-
• fractures horizontales : plus volontiers polyfragmentaires, ration survient, comme l’a remarqué Pierson [5], très rapide-
risquant d’entraîner un aplatissement de l’os (Fig. 1) ; ment, parfois dans un délai inférieur à 1 an.
• fractures complexes : à leur sujet, deux notions doivent être
distinguées :
C l’impaction : elle peut être dorsale, plantaire ou talocu-
Traitement
néenne ; elle est un facteur de nécrose indiscutable ; Le traitement dépend de la variété anatomique de la fracture.
C le déplacement : il est le plus souvent dorsal, talonavicu- En face d’une fracture peu déplacée, sans phénomènes
laire ou cunéonaviculaire : il peut déterminer une luxation d’impaction, une immobilisation dans une botte en résine est
médiotarsienne ou une énucléation dorsale avec les risques suffisante ; trois semaines sans appui, puis trois nouvelles
de lésions cutanées. semaines avec appui sur la botte.

2 Appareil locomoteur

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Anatomie pathologique
Il est classique de distinguer trois variétés de fracture :
• fracture sagittale ou légèrement oblique formée de deux
fragments, le fragment latéral comprenant la crête qui limite
en arrière la gouttière du tendon du muscle long fibulaire ;
• fracture partielle qui intéresse surtout l’angle médial. Elle
s’associe souvent à des fractures du tarse, en particulier au
talus, au calcanéus ou à l’os naviculaire, ou encore à des
fractures des métatarsiens. Elle peut se voir aussi dans le cadre
de luxations tarsométatarsiennes ;
• fracture comminutive par écrasement ou tassement qui
échappe à toute description.

Symptomatologie
Le diagnostic clinique est impossible. La symptomatologie se
résume en une douleur exquise, une ecchymose localisée sur la
face latérale du pied, entre l’apophyse postérieure du 5 e
métatarsien et le calcanéus. Le fragment latéral, déplacé en
Figure 2. Fracture du naviculaire ostéosynthésée par un double vissage. dehors, en arrière et en bas peut faire saillie ; il est même parfois
mobilisable. Lorsque l’os est gravement fracturé, le bord latéral
peut paraître raccourci. La recherche des mouvements de
l’articulation médiotarsienne est douloureuse. La mobilité est
d’ailleurs parfois nulle. Cette douleur peut s’étendre au tendon
du muscle long fibulaire qui entre parfois en contact avec le
fragment.
C’est la radiographie qui affirme et précise le diagnostic. Des
incidences spéciales ont été décrites pour éviter des superposi-
tions d’ombres dues aux autres os du pied ; actuellement, en cas
de doute, un examen tomodensitométrique permet d’établir un
diagnostic précis et de rechercher les lésions associées, en
particulier sur l’interligne de Lisfranc.
Il ne faut pas confondre une fracture du cuboïde avec un os
surnuméraire, en particulier l’os sous-péronier, situé en arrière
du cuboïde, avec le cuboïde accessoire qui, lui, est situé en
avant de l’os intéressé, enfin avec le calcanéus surnuméraire
situé entre le cuboïde et le talus, prolongeant en quelque sorte
la grande apophyse de calcanéus.

Traitement
Il est la plupart du temps orthopédique. En cas de lésions
Figure 3. Fracture du naviculaire synthésée par un double embrochage. isolées, une immobilisation de 6 semaines dans une botte en
résine de marche est suffisante. En cas de lésions associées, c’est
le traitement de ces dernières qui conditionne la conduite à
En cas de fracture déplacée sans impaction, une ostéosyn- tenir, un geste direct sur le cuboïde étant exceptionnel.
thèse par vis (Fig. 2) est une solution à retenir ; parfois, un
embrochage unique ou double peut être suffisant (Fig. 3) ; cette
intervention doit être complétée par une immobilisation dans
une botte en résine pendant 6 semaines. ■ Fractures des cunéiformes
S’il existe une comminution ou un tassement, le risque de
nécrose doit faire préférer, à la simple ostéosynthèse, une Elles n’ont guère d’individualité, étant en général associées
arthrodèse plus ou moins localisée, au minimum talonaviculaire aux fractures des métatarsiens, de l’os naviculaire ou aux
associée le plus souvent à une greffe osseuse corticospongieuse. dislocations complexes du pied, en particulier lors des luxations-
fractures tarsométatarsiennes.

■ Fracture du cuboïde Mécanisme


Les fractures du cuboïde sont exceptionnelles, bien que cet os Le mécanisme de production de ces fractures est en général
fasse partie de l’arche latérale du pied et soit soumis à des forces une compression ou un écrasement. Citons l’exemple classique
de pression importantes. Lelièvre disait qu’il n’en avait rencon- et ancien du cavalier qui tombe de sa monture et dont le pied
tré que cinq cas dans sa carrière. En réalité, elles entrent se trouve pris en étau entre le sol et le corps de l’animal.
souvent dans le cadre de lésions multiples complexes, en D’autres situations du même type peuvent se rencontrer dans la
particulier leur présence doit faire rechercher une atteinte du vie courante ou lors d’accidents d’automobiles.
complexe tarsométatarsien.

Mécanisme Anatomie pathologique


Il s’agit, le plus souvent de chocs directs sur le bord latéral du Le trait est variable : transversal, sagittal ou multiple ; chacun
pied. Exceptionnellement, le cuboïde se fracture par compres- des trois cunéiformes peut être fracturé ; mais c’est le médial qui
sion entre le calcanéus et les métatarsiens, en particulier, lors de est le plus souvent atteint. En général, le déplacement est nul,
chutes ou de sauts sur un pied surpris en flexion plantaire il n’existe que si la fracture atteint ou modifie la disposition de
forcée ; c’est dans ces cas qu’une atteinte simultanée de l’inter- l’interligne de Lisfranc ; c’est habituellement le cas pour la
ligne de Lisfranc est possible. fracture transversale du cunéiforme latéral ; le métatarse se luxe

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alors en dehors. L’association d’une fracture du cunéiforme d’une soirée festive. Cette localisation touche préférentiellement
médial et d’une fracture de la base du 1 er métatarsien est les sujets jeunes et en particulier sportifs (en dessous de 30 ans
classique et certains auteurs ont récemment insisté sur ce dans un tiers des cas).
point [7]. D’après Jones, cette fracture survient à trois quarts de pouce
de la base métatarsienne ; il en concluait que cette fracture était
Symptomatologie et traitement la conséquence d’une force dirigée vers l’avant de la base
métatarsienne et occasionnée par le poids du corps sur un pied
Le diagnostic clinique est impossible, hormis les cas de en éversion et équinisme. Le terme de fracture de Jones fut ainsi
déplacements fragmentaires ; le diagnostic d’entorse est le plus appliqué à toutes les fractures de la base du 5e métatarsien. En
souvent évoqué, d’autant plus que les radiographies ne sont pas réalité, on s’aperçut que la consolidation de ces fractures variait
toujours explicites. À la face dorsale du pied, on constate une en fonction de leur siège anatomique.
ecchymose plus ou moins étendue ; la douleur est souvent plus En 1960 Stewart [12] définit la limite distale de la fracture de
localisée ; la radiographie est donc indispensable aidée le plus Jones au niveau de l’extrémité distale de l’articulation entre les
souvent par des tomodensitométries. Il est en effet impératif 4e et 5e métatarsiens.
d’obtenir des images précises pour rechercher une lésion En 1972, Dameron [13] établit la distinction entre la fracture
associée, en particulier au complexe de Lisfranc. de Jones ainsi délimitée et l’avulsion tubérositaire intéressant la
L’évolution de ces fractures n’altère que très rarement la partie la plus proximale du 5e métatarsien.
morphologie de l’arche médiale du pied qui reste intacte. Seules Cette distinction est importante en raison de l’évolution de
les fractures à type d’écrasement ou de pulvérisation peuvent la la fracture dont les potentiels de consolidation sont différents.
faire céder. En 1993, Lawrence [14] signale que l’avulsion tubérositaire est
Le pronostic de ces fractures, lorsqu’elles sont isolées, est habituellement extra-articulaire mais que la propagation
bon ; quelques douleurs résiduelles peuvent persister quelques cuboïdométatarsienne n’est pas rare.
mois. En fait, la base du 5 e métatarsien comporte trois zones
Sur le plan pratique, le traitement est le plus souvent ortho- anatomiques :
pédique par immobilisation dans une botte en résine pendant • l’apophyse styloïde, strictement extra-articulaire ;
5 à 6 semaines, dont 3 semaines sans appui. • la partie proximale de la tubérosité qui s’articule avec le
cuboïde ;
• la partie distale de la tubérosité qui s’articule avec le
■ Fractures des métatarsiens 5e métatarsien.
Les métatarsiens jouent un rôle important dans la statique du On peut donc distinguer :
pied en particulier au cours de la transmission du poids du • l’avulsion de l’apophyse styloïde ;
corps lors de la marche, de l’arrière-pied vers l’avant-pied. En • la fracture proximale de la tubérosité (trait passant par
effet, à ce moment, les têtes métatarsiennes qui participent aux l’articulation cuboïdométatarsienne) ;
articulations métatarsophalangiennes supportent harmonieuse- • la fracture de la partie distale de la tubérosité passant par
ment la totalité de la charge ; dans ces conditions, tout vice l’articulation intermétatarsienne : c’est la fracture de Jones
architectural unique ou multiple du métatarse aboutit automa- proprement dite.
tiquement à une surcharge fonctionnelle localisée ou globale, se Cette classification est simple et nous semble préférable à la
traduisant par un tableau douloureux, déterminant la métatar- classification de Stewart [12] qui distingue cinq variétés : fracture
salgie. Il est donc discutable de prétendre, comme l’écrivaient de Jones, fracture intra-articulaire, fracture extra-articulaire par
Delbet et Helfrich en 1896 [8], que « les fractures des métatar- arrachement, fracture comminutive par écrasement, avulsion
siens (et des phalanges) sont sans importance, le plus souvent épiphysaire de l’enfant.
faciles à diagnostiquer et simples à traiter ». De plus, en effet, Facture avulsion de l’apophyse styloïde. C’est la plus
leur traitement n’est pas toujours aisé et, surtout lorsque la commune (tennis fracture de Lawrence [14] ou Geto fracture des
fracture est ouverte, il oblige parfois à des sacrifices osseux mais Japonais). Le rôle de la violente traction du muscle court
aussi dans les parties molles. Il est donc nécessaire de bien fibulaire est discuté : en effet, le déplacement du fragment
connaître ces fractures de façon à leur opposer un traitement avulsé est faible ; par ailleurs, les insertions dépassent l’apophyse
adéquat qui doit être primaire et rapide [9]. elle-même et il serait possible de reproduire la fracture en
agrafant le tendon au métatarsien : interviendrait surtout la
Topographie bandelette latérale de l’aponévrose plantaire [15] qui s’insère
uniquement sur la pointe styloïdienne. Cette fracture est à
Les fractures des métatarsiens peuvent atteindre la base, la différencier de la fracture des os accessoires : os peroneum le
diaphyse ou le col de l’os. long du bord latéral du cuboïde ; os de Vésale adjacent à
l’insertion terminale du tendon ; noyau apophysaire chez
Fractures de la base l’enfant (ligne à bords réguliers, parallèles à la diaphyse) visible
Elles se présentent différemment selon qu’elles siègent sur les entre 9 et 14 ans.
métatarsiens extrêmes ou sur les métatarsiens médians. Le traitement est habituellement chirurgical ; aux vis ou
broches qui risquent d’entraîner un éclatement du fragment il
Fractures de la base des trois métatarsiens médians vaut mieux préférer l’utilisation des ancres ou encore la
Lorsqu’elles sont isolées, elles sont peu déplacées, fréquem- réinsertion par fils passant dans un tunnel transosseux et fixés
ment multiples, le mécanisme étant indirect par hyperflexion distalement dans la tubérosité. Une immobilisation dans une
ou hyperextension de l’avant-pied. Micheli [10] a décrit une botte en résine est une bonne précaution pendant 3 à
forme particulière survenant chez les danseurs au cours de la 4 semaines.
montée sur pointes : il s’agit d’une fracture tassement- Fracture proximale articulaire de la tubérosité. Le trait est
séparation, la base du 2e métatarsien s’écrasant dans la mortaise situé dans l’articulation entre le cuboïde et le 5e métatarsien ; le
représentée par les trois cunéiformes. Ces fractures basales trait est souvent oblique ; cette fracture est exposée aux
doivent faire rechercher une atteinte de l’interligne tarsométa- déplacements secondaires, car c’est à son niveau que s’exerce la
tarsien (luxation ou fracture articulaire proprement dite) dont traction du tendon du muscle court fibulaire.
elle est la complication fréquente. Ces fractures, de par leur Le traitement peut être orthopédique par immobilisation dans
mécanisme indirect, sont rarement ouvertes. une botte en résine pendant 6 semaines ; en cas de déplace-
ment, l’ostéosynthèse est préférable ; haubanage ou mieux
Fractures de la base du 5e métatarsien vissage intramédullaire (la courbure de l’os n’est pas une gêne à
De très nombreux auteurs les ont étudiées depuis Jones [11] ce niveau).
qui, en 1902, a décrit pour la première fois sa variété extra- Fracture de Jones. Le trait est le plus souvent transversal,
articulaire, à l’occasion d’un cas personnel survenu au cours dans la zone délimitée par les extrémités de l’articulation entre

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rendant la réduction à foyer fermé impossible ; cette irréducti-


bilité est parfois en rapport avec la rupture des ligaments
dorsaux tarsométatarsiens lorsque le déplacement est plantaire
lors d’un traumatisme en flexion plantaire. Dans d’autres cas, le
fragment distal se déplace vers le haut, créant une angulation à
convexité plantaire ; elle risque de modifier la longueur du
premier rayon dont elle peut perturber la fonction, créant un
syndrome d’insuffisance.
Le traitement est le plus souvent chirurgical par embrochage
qui peut s’effectuer soit par voie percutanée, soit à ciel ouvert.
Les cals vicieux ne sont pas rares et entraînent une diminution
de longueur de l’arche médiale et une verticalisation du 1er
métatarsien ; dans les formes comminutives, une arthrodèse par
interposition d’un greffon autogène est parfois la solution la
plus raisonnable, maintenue par une plaque pontant la base
métatarsienne et prenant appui sur le métatarsien.

Fractures de la diaphyse
Elles résultent d’un mécanisme direct ou indirect ; le méca-
nisme indirect est, la plupart du temps, une chute sur la pointe
Figure 4. Fracture complexe du segment médial de l’interligne de des pieds : les métatarsiens subissent un redressement de leur
Lisfranc. concavité plantaire, une flexion latérale et une torsion, déter-
minant un trait transversal ou spiroïde ; un ou plusieurs
métatarsiens peuvent être fracturés en même temps (Fig. 5). En
les 4e et 5e métatarsiens ; les délais de consolidation sont longs cas de traumatisme direct, il s’agit, le plus souvent de la chute
et l’évolution vers la pseudarthrose fréquente en l’absence d’un d’un objet lourd sur le métatarse, en particulier au cours
traitement adéquat. d’accidents du travail ; à ce propos, il faut convenir que la
Il faut la différencier d’une fracture de fatigue : la localisation chaussure de sécurité n’est pas d’une protection absolue à
de trait est plus distale. l’égard de ces fractures ; elle peut même aggraver la lésion, le
Le traitement est le plus souvent chirurgical : l’abord doit rebord postérieur de la pièce métallique renforçant l’empeigne
éviter les branches du nerf sural ; l’ostéosynthèse peut faire du soulier ayant un effet « guillotine » sur la portion proximale
appel à une plaque ou un hauban ; la vis est contre-indiquée en des métatarsiens. De plus, l’ouverture cutanée est fréquente, de
raison de la courbure de l’os à ce niveau ; les agrafes à mémoire même que les lésions associées (tendons extenseurs, vaisseaux,
de forme trouvent également là une bonne indication [16]. en particulier le paquet dorsal du tarse, nerfs). La peau est très
souvent le siège d’écrasement et les risques de nécrose secon-
Fractures de la base du 1er métatarsien daire sont importants. Enfin, le caractère du traumatisme
Il s’agit le plus souvent d’un traumatisme direct et, de ce fait, détermine souvent des fractures polyradiaires et polyfragmen-
ces fractures sont volontiers ouvertes et polyfragmentaires. Le taires exposant les esquilles osseuses à la nécrose.
trait peut irradier vers l’interligne cunéométatarsien et modifier La diaphyse des métatarsiens est également le siège de
l’architecture de la première colonne du pied [7] : en effet, dans prédilection des fractures de fatigue. En effet Wilson [17] dans
ces cas, le trait peut être soit transnaviculaire, soit transcunéen, une population non ciblée, et Delahaye [18] chez les militaires,
soit n’atteindre que la base du 1er métatarsien (Fig. 4). L’inter- la décrivent en première ligne (86 % et 40 %). Chez le sportif
position du tendon du muscle tibial antérieur est possible, de haut niveau, Matheson [19] la trouve au troisième rang après

Figure 5. Fractures de la diaphyse des


métatarsiens.

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Figure 6. Ostéosynthèse par embrochage


rétrograde.

le tibia (49 %) et le tarse (25 %). Ce type de fracture, qui horizontal (médial ou latéral), soit vertical ; en particulier, la
survient sans traumatisme direct ou indirect, est connu depuis tête métatarsienne chute en position plantaire, risquant de créer
Breithaup, chirurgien militaire qui décrivit en 1855, leur un hyperappui ultérieur, source de métatarsalgies.
survenue après de longues marches ; d’autres auteurs s’y sont
intéressés et ont désigné, sous des vocables divers ce type de
fracture : « os forcé », « entorse osseuse » [19]. Elles surviennent Diagnostic et traitement
après un effort excessif souvent en début de saison chez des Le diagnostic des fractures des métatarsiens ne pose pas de
sportifs et toujours sur un os sain. De Sèze [20] les compare aux difficultés particulières. Cliniquement il fait appel aux notions
ruptures métalliques par efforts alternés. Certains facteurs y classiques (douleur, œdème, hématome) ; les déformations étant
prédisposent : ainsi, l’insuffisance du 1er métatarsien, constitu- souvent mineures, voire absentes, fréquemment cachées par un
tionnelle par brièveté du 1er métatarsien ou acquise iatrogéni- volumineux œdème. Quant à l’impotence, elle est variable, plus
que postopératoire ; l’affaissement de l’arche médiale n’est pas volontiers marquée en cas de lésions pluriradiaires. Des clichés
un facteur significatif : Matheson [19] retrouve 16 % de pieds radiographiques sont indispensables sous plusieurs incidences
plats ; en revanche, il compte 27 % de pieds creux dans la pour dérouler au mieux chaque rayon ; des coupes tomodensi-
population de fractures de fatigue survenant chez les athlètes. tométriques sont également utiles pour déceler d’éventuelles
L’impotence douloureuse est très variable. Elle n’est associée associations avec une fracture et/ou une luxation
aux premiers signes radiologiques qu’après 2 à 3 semaines tarsométatarsienne.
d’évolution. L’évolution radiologique se déroule en quatre En cas de fractures ouvertes, il faut avant tout rechercher les
étapes [21] : lésions associées des parties molles : appréciation de l’état
• stade I : l’os est apparemment intègre ; cutané et recherche de zones dévascularisées ou exposées à une
• stade II : survient une apposition périostée fusiforme ; nécrose secondaire, présence d’une atteinte vasculaire sur un
• stade III : il existe une densification périostée et une ostéolyse tronc intermétatarsien ou une branche collatérale, par méca-
diaphysaire ; nisme direct ou par étirement, source de dévascularisation
• stade IV : le cal osseux s’intègre au cortex. d’installation rapide. Le muscle court extenseur et les tendons
Seule, la scintigraphie permet un diagnostic précoce. La extenseurs peuvent être au minimum contus (mais exposés au
localisation élective est le tiers distal du clavier médian et, par risque de nécrose secondaire), le plus souvent dilacérés et sièges
ordre de fréquence, ce sont les 2e et 3e métatarsiens ; plus de phénomènes de traction ou d’étirement.
rarement le 4e et le 5e [18, 20]. Enfin, ces lésions survenant souvent dans le cadre d’un
Le traitement des fractures de fatigue étant spécifique, nous polytraumatisme, il est important de penser au diagnostic et
l’évoquons ici pour ne plus y revenir : une simple décharge avec d’effectuer les radiographies qui s’imposent. Elles sont parfois
contention souple est prescrite pendant 3 semaines, suivie d’une complexes et c’est dans ce contexte que les coupes tomodensi-
mobilisation immédiate de toutes les articulations. Les compli- tométriques sont utiles. La localisation sous-capitale est souvent
cations sont exceptionnelles (pseudarthrose et algodystrophie). méconnue dans ces cas.
Le traitement doit rétablir une parabole métatarsienne
Fractures du col des métatarsiens horizontale fonctionnelle (index plus minus ou index plus) et
Elles répondent au même mécanisme que les précédentes. éviter qu’il se modifie en cas de lésions non déplacées à
Elles surviennent souvent au cours d’accidents d’automobile, l’origine ; le déplacement vertical doit également être corrigé.
l’avant-pied subissant par exemple une flexion et une torsion Nous préconisons un embrochage percutané par voie rétrograde
sur une des pédales. En cas d’accidents du travail, il s’agit de (Fig. 6) qui évite de léser les articulations métatarsophalangien-
chutes d’échelles, le pied subissant le même type de trauma- nes qui peuvent ainsi être mobilisées rapidement. Ce geste est
tisme en étant bloqué entre les barreaux. Cette plus grande parfois difficile et nécessite dans certains cas un mini-abord
fréquence de survenue est due à la fragilité du col : amincisse- dorsal ; il s’applique aussi bien aux fractures de la diaphyse
ment cortical et pauvreté trabéculaire. Le déplacement est soit qu’aux fractures du col.

6 Appareil locomoteur

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Fractures et luxations du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges ¶ 14-099-A-10

Figure 7. Fracture de la première phalange des premier et deuxième


orteils.

Figure 8. Fractures de la première phalange des orteils ostéosynthésées


Ainsi, les fractures des métatarsiens peuvent paraître a priori
par plaque et broche.
des lésions bénignes ; en réalité, elles demandent un diagnostic
et un traitement précis car elles risquent d’engendrer des
séquelles invalidantes sous la forme de métatarsalgies, de également d’une fracture unicondylienne. La matrice unguéale
thérapeutique secondaire difficile. est souvent lésée dans les fractures de la phalange distale ; ce
genre de fracture peut entraîner des dystrophies unguéales
douloureuses et disgracieuses. Le déplacement de ces fractures
■ Fractures des phalanges (Fig. 7) est fréquemment dorsal, le fragment distal étant attiré par le
système extenseur : il se crée alors une angulation à sinus ouvert
Elles ne sont pas exceptionnelles. Elles passent parfois vers le haut.
inaperçues et, de ce fait, peuvent déterminer des douleurs
résiduelles ainsi que des déformations que l’oubli du trauma-
tisme causal qualifie de « spontanées ». Lorsqu’elles sont Symptomatologie clinique et principes
diagnostiquées, le pronostic est généralement favorable. thérapeutiques
Le gonflement, la douleur exquise au niveau du trait, provo-
Mécanisme quée en refoulant en arrière l’extrémité de l’orteil, les ecchymo-
Il peut s’agir d’un mécanisme direct et, la plupart du temps, ses surtout latérales et plantaires constituent les signes
c’est un choc sur l’extrémité du pied ou un écrasement de cardinaux. Le diagnostic ne peut qu’être évoqué par l’examen
l’avant-pied par la chute d’un objet pesant sur les orteils. Les clinique ; il est confirmé par une radiographie qu’il faut bien
lésions anatomiques sont parfois sévères, atteignant non centrer pour éviter les superpositions ; en général, le trait de
seulement le squelette mais également les parties molles et fracture est facile à détecter dans ces conditions.
l’ongle. Les lésions sont parfois polydigitales. La fréquence et la Sur le plan évolutif, plusieurs points sont à considérer. Les
gravité de tels traumatismes ont diminué au cours des accidents fractures de la phalange moyenne et distale sont bénignes ; en
du travail en raison du port obligatoire dans certains métiers de revanche, les fractures de la phalange proximale, en particulier
la chaussure de sécurité qui est efficace à ce niveau, contraire- celle du gros orteil, sont d’évolution plus péjorative, pouvant
ment à ce qui se passe pour les métatarsiens. retentir sur la statique du pied si elles sont mal traitées, créant
Les traumatismes indirects ne sont pas exceptionnels : on les une zone de conflit soit avec la semelle soit avec l’empeigne de
rencontre en particulier dans la pratique sportive au cours du la chaussure. Par ailleurs, la consolidation est longue à obtenir ;
judo ou de sauts par exemple ; il s’agit d’un mécanisme de ces lésions peuvent rester douloureuses pendant plusieurs mois.
torsion ou de flexion entraînant un redressement de la courbure Il convient de porter son attention sur la réduction et d’éviter
de l’os. la pérennisation de la déformation qui pourrait avoir un
retentissement sur la marche, le malade esquivant l’appui ce qui
déporte le pied en varus ou en cavus ; enfin, l’immobilisation
Anatomie pathologique ne doit pas être trop prolongée pour ne pas déterminer des
On distingue les fractures extra-articulaires et les fractures raideurs articulaires, en particulier métatarsophalangiennes.
articulaires. Le traitement ne doit pas être trop agressif, la mise en
syndactylie des orteils adjacents étant le plus souvent préconi-
Fractures extra-articulaires sée. La confection d’un chausson en résine peut être également
indiquée ; les fracture des phalanges du gros orteil peuvent
Elles peuvent être situées soit sur la diaphyse soit dans la
nécessiter un embrochage, voire une ostéosynthèse par mini-
région métaphysaire ; le trait peut être transversal, oblique, voire
plaque (Fig. 8) ; parfois, en cas de fractures complexes dans
spiroïde. Il est parfois multifragmentaire ; en cas de fracture
l’articulation interphalangienne du gros orteil, une arthrodèse
spiroïde, un spicule osseux peut menacer la peau. Signalons la
peut être la solution de sécurité évitant la pseudarthrose ou le
classique, mais rare, fracture sagittale séparant la phalange en
cal vicieux et procurant l’indolence.
deux fragments, l’un latéral, l’autre médial. Le déplacement est
variable pouvant se faire soit dans le sens vertical, soit dans le
sens horizontal.
■ Fractures des os sésamoïdes
Fractures articulaires Ces os sont ainsi nommés car ils ressemblent aux grains de
Le trait est soit vertical, soit horizontal, déterminant une sésame indien. Ils seraient doués d’après les données de la
fracture bicondylienne en « Y » ou en « V ». Il peut s’agir mythologie de propriétés magiques et seraient, pour Ushaia le

Appareil locomoteur 7
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14-099-A-10 ¶ Fractures et luxations du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges

siège du repos de l’âme, étant la partie du squelette qui se du 1er métatarsien accroît les contraintes en compression sur
conserverait le plus longtemps, voire serait éternelle [22]. L’étude l’os sésamoïde latéral, alors qu’elle les réduit sur l’os sésa-
des fractures récentes des os sésamoïdes doit être envisagée en moïde médial, la pronation du premier rayon produisant
même temps que celle des lésions anciennes ; en effet, il existe l’effet inverse ;
des formes de passage d’un état aigu vers un état chronique, et • la surcharge fonctionnelle professionnelle ou sportive peut
d’autre part, l’étiologie traumatique peut générer les deux accroître la fréquence des microtraumatismes sur les os
variétés de lésions. sésamoïdes ;
• le traumatisme est également un élément dans la pathologie
sésamoïdienne ; il peut déterminer deux variétés de fractures :
Rappel anatomique et physiopathologique C la fracture aiguë qui relève d’un mécanisme d’écrasement
Ce sont des pièces osseuses formées de tissu spongieux dense lié à une force de compression verticale, s’exerçant sur un
à corticale compacte très dure et résistante ; ils sont recouverts os sésamoïde bloqué sous la tête métatarsienne par la
sur leur face supérieure de cartilage. Ils sont au nombre de deux, contraction du muscle court fléchisseur de l’hallux, au
le médial étant plus volumineux (10 × 11 mm) que le latéral (10 cours d’une chute d’un lieu élevé ou d’une réception d’un
× 8 mm). Ils sont inclus dans l’épaisseur du ligament glénoïdien saut en hauteur souvent modeste, plus rarement d’un
à la face inférieure de l’articulation métatarsophalangienne du écrasement direct de l’avant-pied ;
gros orteil. Leur face supérieure concave longitudinalement et C la fracture de fatigue qui résulte de microtraumatismes
convexe transversalement s’adapte à chacune des deux gouttiè- répétitifs où, à chaque appui antérieur, s’associent des
res longitudinales situées à la face inférieure de la tête métatar- contraintes verticales en compression et des contraintes
sienne. Une crête osseuse médiane sépare ces gouttières et horizontales en tension par dorsiflexion de l’orteil. Les
permet le maintien des os sésamoïdes dans leur mouvement facteurs prédisposants évoqués ci-dessus et le surmenage
antéropostérieur lors de la flexion-extension de l’articulation fonctionnel semblent jouer un rôle important dans la
métatarsophalangienne. La plaque sésamoïdienne ou ligament genèse de cette variété lésionnelle.
intersésamoïdien relie les deux osselets entre eux et donc les
Une forme particulière est représentée par la survenue de la
ligaments glénoïdiens constituant ainsi la sangle sésamoïdienne.
fracture au cours d’une luxation métatarsophalangienne du gros
Les os sésamoïdes recouvrent l’insertion d’une portion des orteil : dans ce cas, il semble que le système sésamoïdien soit le
fibres terminales des tendons de certains muscles intrinsèques siège de forces de tractions longitudinales associées éventuelle-
du pied : muscle court abducteur et faisceau médial du muscle ment à des contraintes en flexion par cisaillement sur la
court fléchisseur pour l’os sésamoïde médial, faisceaux oblique convexité de la tête métatarsienne.
et transverse du muscle adducteur et faisceau latéral du muscle
court fléchisseur pour l’os sésamoïde latéral. Les os sésamoïdes
sont donc davantage solidaires de la phalange que du métatar-
sien, ce qui explique leur intrication lors des luxations métatar-
Diagnostic et évolution
sophalangiennes du gros orteil. Enfin, du point de vue Les affections de la région sésamoïdienne se manifestent le
biomécanique, ils ont un double rôle, statique (appui antéro- plus souvent par un retentissement fonctionnel dû à la douleur
médial du pied) et dynamique (poussée de l’avant-pied, amor- et par des signes locaux similaires, quelle qu’en soit leur
tissement des contraintes sur la tête métatarsienne). Le système étiologie.
sésamoïdien fonctionne à la manière d’une catapulte, la fronde En cas de fracture aiguë, le début douloureux est brutal,
étant représentée par les os sésamoïdes et le ligament intersésa- précis, contemporain d’un traumatisme initial généralement
moïdien. Lors de la marche, les os sésamoïdes sont soumis à dûment identifié. Ce dernier n’est pas toujours grave et intense
deux ordres de contraintes de directions perpendiculaires ; une et a pu être oublié. L’examen peut montrer une tuméfaction
force de compression verticale et une force de tension horizon- plantaire et recherche une douleur à la pression sésamoïdienne
tale. La contrainte en compression est celle qui varie le plus en et à la dorsiflexion du gros orteil. Les clichés de face et surtout
intensité, la pression sésamoïdienne croît de la phase planti- les incidences axiales de type Walter Muller ou Guntz montrent
grade à la phase digitigrade ; en fin de phase plantigrade, la les deux fragments bien individualisés aux bords nets et aux
première tête métatarsienne est soumise à une pression double angles vifs témoignant du caractère aigu et traumatique de la
de celle des quatre autres têtes. Pendant la phase suivante de lésion. Des coupes tomodensitométriques peuvent confirmer
poussée, le poids du corps se porte progressivement sur la cette hypothèse, permettant de mettre en évidence une struc-
première articulation métatarsophalangienne à la faveur de la ture osseuse régulière et homogène. En revanche, si le bilan
pronation de l’arrière-pied. Cette pronation produit alors un radiologique est pratiqué plus tardivement (quelques semaines
abaissement de l’os sésamoïde médial par rapport à l’os sésa- ou quelques mois après l’accident), le remaniement du trait de
moïde latéral, le premier étant donc plus vulnérable à cette fracture et une éventuelle nécrose associée rendent le diagnostic
phase que ce dernier. Au cours de la pratique du sport, des hypothétique et le caractère traumatique et aigu de la lésion ne
forces considérables de compression s’appliquent sur l’appareil peut être affirmé. Une radiographie controlatérale peut néan-
sésamoïdien atteignant 300 kg chez le coureur de vitesse en moins permettre d’éliminer un os sésamoïde bipartita [23], mais
pleine course. laisse planer un doute sur une atteinte chronique de fatigue. En
Par ailleurs, des facteurs morphostatiques ou fonctionnels faveur de cette étiologie, il faut retenir un début insidieux (après
peuvent agir et aggraver cet état critique pour le système une longue marche ou une épreuve sportive), la notion de
sésamoïdien : surmenage fonctionnel local dans un contexte morphostatique
• le varus du 1er métatarsien provoque une subluxation latérale prédisposant. Sur les clichés radiologiques, les contours de la
de la sangle sésamoïdienne. L’os sésamoïde médial entre alors zone fracturaire de l’osselet sont flous, arrondis et la structure
en contact avec la crête plantaire de la première tête métatar- osseuse est inhomogène. Les fragments peuvent apparaître
sienne et y augmente les contraintes alors qu’elles diminuent augmentés de volume par rapport au côté opposé.
pour l’os sésamoïde latéral ; Aiguës ou chroniques, les fractures sésamoïdiennes se carac-
• l’aplasie ou l’hypoplasie de la crête plantaire centrale de la térisent donc par la persistance de métatarsalgies médiales
première tête métatarsienne peut être à l’origine d’une retentissant sur la marche et engendrant une boiterie liée à un
mobilité transversale excessive des os sésamoïdes et exposer appui excessif sur la bande latérale de la plante. La scintigraphie
ceux-ci à une atteinte traumatique ; osseuse est utile en cas de lésion fraîche et permet un diagnostic
• la rotation selon son axe du 1er métatarsien entraîne des de certitude si elle est positive. Elle est moins précise en face des
variations de pression sous les os sésamoïdes : la supination affections chroniques. L’évolution de cette pathologie aiguë ou

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Fractures et luxations du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges ¶ 14-099-A-10

chronique peut se faire vers la nécrose ; pour Voutey et Mir- La possibilité de réduire la luxation à foyer fermé est donc
bey [24], 40 % des nécroses sont la conséquence d’une fracture. conditionnée par le type lésionnel et surtout par l’atteinte ou
Quoi qu’il en soit, la douleur est encore l’élément dominant la non du système sésamoïdien et en particulier du ligament
scène clinique : algies plantaires, médiales et antérieures, intersésamoïdien [30]. Les lésions du système sésamoïdien sont
évoluant typiquement sur un fond de gêne fonctionnelle, de trois types : soit fracture du ou des osselets avec possibilité
exacerbée lors des tentatives de reprises de sport et, entre autres, d’incarcération d’un fragment au niveau de l’articulation [31, 32],
de la course. Le plus souvent, la gêne a entraîné l’arrêt des soit atteinte de la capsule plantaire avec luxation latérale des os
activités sportives malgré les périodes de mise au repos parfois sésamoïdes [33], soit rupture du ligament intersésamoïden et
prolongées. Radiologiquement, la nécrose peut être massive et déplacement des os sésamoïdes de part et d’autre de
globale ou se présenter sous forme d’une séparation osseuse bi- l’articulation [33].
ou polyfragmentaire avec diastasis et remaniements architectu- Le traitement est soit orthopédique, soit chirurgical. Si la
raux de type ostéoporotique. Les fragments de l’osselet peuvent majorité des luxations peuvent se réduire par manœuvres
aussi apparaître augmentés de volume et ses contours flous. externes, certaines sont irréductibles par cette méthode et
Le traitement réclame un diagnostic précoce car, comme nous peuvent nécessiter un abord chirurgical, en particulier lorsque le
l’avons vu, l’évolution vers la nécrose est non seulement ligament intersésamoïdien est intact (type I de Jahss [26]). Après
extensive mais rapide ; il est le plus souvent conservateur réduction (à foyer fermé ou ouvert), une immobilisation rigide
(ostéosynthèse directe par cerclage [25]) ou traitement orthopé- par chausson ou botte en résine est habituellement prescrite
dique par immobilisation de 4 à 6 semaines suivie du port pour une durée de 1 mois. En cas de fracture, une ostéosuture
d’orthèse plantaire d’exclusion d’appui sous la première tête est possible. Aucune récidive de luxation n’est notée dans la
métatarsienne, la sésamoïdectomie étant d’indication excep- littérature et la majorité des auteurs constatent de bons résultats
à moyen terme avec un traitement conservateur même si un
tionnelle. Une immobilisation de l’articulation métatarsopha-
enraidissement métatarsophalangien est constaté [30] . Une
langienne par broches est préconisée par certains auteurs, en
sésamoïdectomie n’est envisagée qu’en cas de persistance des
particulier en cas de retard de consolidation ou de
douleurs, en particulier dans les cas de types IIB où il existe une
pseudarthrose.
fracture d’un osselet.

Conclusion
Affection mal connue, la fracture des os sésamoïdes repré- ■ Fractures luxations de
sente l’aspect le plus fréquent des lésions de cet osselet ; un l’articulation tarsométatarsienne
examen attentif doit permettre de l’authentifier et, lorsqu’elle
est suspectée, tout doit être mis en œuvre pour la différencier
des autres pathologies sésamoïdiennes : ostéonécrose ou maladie Étude radioclinique
de Rénander, fracture de fatigue, ostéochondrite, infection...) et
Ces lésions sont très souvent méconnues ; elles méritent une
des lésions périsésamoïdiennes (bursite, tendinopathie d’inser-
attention toute particulière [34-36]. En effet, la garantie d’un bon
tion des muscles intrinsèques du gros orteil : court fléchisseur et
résultat fonctionnel passe obligatoirement par une prise en
court abducteur).
charge rapide et un traitement adéquat, le jeu subtil de ce
complexe articulaire étant bien souvent très rapidement com-
promis en raison des microlésions cartilagineuses toujours
■ Luxations du complexe associées, même si les radiographies ne les mettent pas en
évidence de façon claire. La reconstitution anatomique de
métatarso-sésamoïdo-phalangien l’interligne tarsométatarsien est impérative, parfois au prix
d’une arthrodèse.
Ces traumatismes forment un ensemble quasiment indisso-
La symptomatologie clinique n’est pas très significative car,
ciable, les luxations-fractures sésamoïdiennes étant intimement comme pour les autres traumatismes du médiopied, elle se
associées aux luxations métatarsophalangiennes du gros orteil. résume en une déformation du médiopied souvent marquée,
Ces dernières sont rares et ont été démembrées par Jahss [26] en celui-ci étant, en plus, le siège d’un œdème d’installation rapide.
1980. La classification proposée par cet auteur tient compte de Les fragments osseux peuvent aussi fragiliser la peau qui risque
l’association ou non à la luxation métatarsophalangienne de d’être vouée à la nécrose plus ou moins localisée. C’est dire la
l’atteinte du ligament intersésamoïdien. Dans le type I, le nécessité d’un traitement précoce qui est la plupart du temps
système sésamoïdien reste intact (en particulier le ligament chirurgical.
intersésamoïdien). Cette forme est habituellement irréductible Le bilan radiographique est donc indispensable. Les clichés
par manœuvres externes en raison de l’incarcération du tendon banals sont insuffisants dans de nombreux cas, même en
conjoint. Dans le type II, il existe, soit une atteinte du ligament utilisant les incidences spéciales déroulant l’interligne ; une telle
intersésamoïdien (IIA), soit une fracture transversale d’un des os insuffisance de la radiologie conventionnelle a déjà été souli-
sésamoïde (IIB). Dans cette forme II, le type de l’atteinte gnée par Bonnel [37] et Lerat [38] pour expliquer que le diagnostic
sésamoïdienne permet habituellement une réduction à foyer est fait tardivement dans 20 % des cas. Bonnel [37] (et nous
fermé. D’autres auteurs ont apporté quelques précisions à cette partageons son avis) considère que tout avant-pied présentant
classification : Copeland et Kanat [27] proposent un type IIC une ecchymose en regard de l’interligne de Lisfranc et dont les
associant une rupture du ligament intersésamoïdien et une radiographies standards ne permettent qu’une mauvaise dis-
fracture de l’os sésamoïde latéral. Hussain [28] décrit l’association tinction des surfaces articulaires, doit être soumis à une
d’une luxation de type I (donc avec préservation du ligament exploration plus poussée. Celle-ci doit comprendre :
intersésamoïdien) et d’une fracture de l’os sésamoïde latéral ; il • des incidences standards en position forcée : adduction,
décrit ainsi une sous-classe IA. Garcia Mata [29] rapporte trois cas flexions plantaire et dorsale ;
de luxation dorsale de l’articulation métatarsophalangienne • un examen en coupes : il est indispensable. La tomographie
appartenant aux trois groupes de Jahss réduits à foyer fermé ; est remplacée par l’examen tomodensitométrique sur lequel
ces auteurs insistent sur l’importance de la luxation associée des ont insisté Piat et al. [39]. Lui seul permet de comprendre le
os sésamoïdes en tant que facteur d’irréductibilité et proposent mécanisme de production des lésions. Par exemple, un trait
une modification de la classification de Jahss. Enfin, Killian [30] de fracture oblique sur l’os cunéiforme latéral non apparent
rapporte un type III dans lequel les os sésamoïdes sont intacts sur un cliché standard fait comprendre la détermination pour
et normalement positionnés mais avec une rupture complète cette fracture d’une abduction forcée dans la mortaise
des tendons conjoints. représentée par l’encastrement du 2e métatarsien entre les

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14-099-A-10 ¶ Fractures et luxations du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges

trois os cunéiformes. De même, en cas de luxation partielle Mécanisme en adduction


des métatarsiens médians, l’absence de déplacement transver-
sal dans ce type de luxation, explique la mutité du cliché de Il peut s’associer ou non à une supination ou à une prona-
tion. L’adduction pure entraîne une entorse grave latérale, une
face et, étant donné la disposition dépressive de la base des
entorse avec fracture de l’apophyse styloïde du 5e métatarsien,
métatarsiens, le cliché de profil strict peut aussi être muet ou
une luxation du 1er métatarsien avec fracture des métatarsiens
ne montrer qu’une différence d’obliquité diaphysaire. Seule
ou une luxation des os cunéiformes avec luxation du 2e méta-
une incidence spéciale avec inclinaison des rayons à
tarsien. En adduction-supination-flexion plantaire, il se produit
20 degrés et du pied à 10 degrés peut dégager la base des
une luxation dorsale médiale totale des métatarsiens, une
3e et 4e métatarsiens en position de luxation. Enfin, l’appa- luxation dorsale médiale totale avec luxation columnospatulaire
rente bénignité d’une fracture de l’apophyse styloïde du ou une luxation dorsale médiale avec fracture métatarsienne.
5e métatarsien ne doit pas faire méconnaître qu’elle peut Dans le mécanisme en adduction-pronation, il se produit une
signer une lésion de l’articulation tarsométatarsienne au luxation divergente. Notons que classiquement, on nomme
même titre que la fracture d’une malléole pour une fracture « spatule » le premier rayon et « colonne » ou « palette » les
du cou de pied ou l’arrachement parcellaire condylien témoin quatre rayons latéraux.
d’une entorse grave du genou. La recherche de mouvements
anormaux en varus forcé et flexion dorsale est nécessaire pour Mécanisme en supination pure
explorer tout l’interligne tarsométatarsien à la recherche de
lésions ligamentaires plus ou moins importantes ; Il s’agit d’un mécanisme rare qui entraîne une luxation
• des examens radiographiques en amont et en aval, car la dorsale du 1er métatarsien et une luxation plantaire des 3e, 4e
complexité du mécanisme responsable des lésions de l’articu- et 5e métatarsiens. Le 2e métatarsien constitue l’axe de rotation.
lation de Lisfranc impose une recherche très soigneuse des
lésions à distance de cet interligne ; certaines sont discrètes Mécanisme en pronation pure
mais n’en demandent pas moins une attention particulière,
Il provoque un déplacement inverse, associant une luxation
telles par exemple que les fractures de l’os naviculaire. De
plantaire du 1er métatarsien et une luxation dorsale des 3e, 4e
même, une subluxation associée de l’interligne de Chopart ne et 5e métatarsiens. Il est rare.
doit pas faire méconnaître une luxation-fracture de l’interli-
gne de Lisfranc. Plus exceptionnelle est l’association avec une
fracture d’un os sésamoïde.

Classification “ Point fort


À la classification classique de Quenu et Kuss [40, 41] dont se
Nous voyons ainsi qu’il est possible de faire entrer dans
sont inspirés les autres auteurs [42-47], nous préférons la classifi-
cation de Bonnel [37] fondée sur la mécanique articulaire. Malgré l’une ou l’autre de ces catégories l’ensemble des fractures
de nombreux essais expérimentaux, après les travaux de Ait- du complexe tarsométatarsien. Cette classification permet
ken [48] et Jeffreys [49], Bonnel n’est pas parvenu à reproduire les donc d’éviter, dans le répertoire des lésions, la rubrique
lésions observées en clinique ; par ailleurs, certaines lésions « inclassable » ; d’autre part, sur le plan thérapeutique,
affirmées sur les clichés ne trouvent pas leur place dans la l’analyse du bilan radiographique permet de rechercher et
classification de Quenu. Aussi, Bonnel [37] pense-t-il pouvoir de traiter toutes les lésions osseuses articulaires ou
proposer une classification biomécanique prenant en compte la ligamentaires.
direction du traumatisme et ses conséquences sur les structures
du pied.

Mécanisme en flexion plantaire pure Conséquences thérapeutiques


Lors d’un choc antéropostérieur isolé, plusieurs types de
Le traitement orthopédique (par immobilisation pendant
lésions peuvent être observés : l’entorse grave dorsale, la
6 semaines) ne s’adresse qu’aux lésions peu ou pas déplacées qui
luxation dorsale totale des métatarsiens, la luxation dorsale
sont rares. Une ostéosynthèse par vis ou broches est possible en
partielle du 1er métatarsien associée souvent à une fracture de
particulier lorsque les fractures siègent au niveau des trois
l’os cunéiforme médial [7], et la luxation dorsale associée à une
premiers métatarsiens ; une réduction préalable est nécessaire en
fracture métatarsienne.
se fondant sur le 2e métatarsien dont la longueur et l’encastre-
ment entre les os cunéiformes doivent être respectés avec
Mécanisme en flexion dorsale pure précision pour éviter une répercussion sur la parabole métatar-
Lors d’un écrasement, il est possible d’observer une entorse sienne. En cas de lésions plus complexes, l’embrochage paraît
grave plantaire, une luxation plantaire totale pure des métatar- souvent inefficace car il persiste des micromouvements au
niveau d’un interligne qui est le siège de lésions chondrales
siens, une luxation partielle plantaire avec diastasis entre les
génératrices de douleurs et de difficultés à la marche et au
deux premiers cunéiformes ou une luxation plantaire associée à
chaussage. C’est la raison pour laquelle une arthrodèse immé-
une fracture métatarsienne.
diate est souvent la solution à retenir pour garantir l’avenir
fonctionnel du pied. Cette arthrodèse peut être totale (Fig. 9) ou
Mécanisme en abduction partielle, atteignant un ou plusieurs rayons. Elle doit rétablir
Dans ce type de mécanisme, la position du pied est telle que l’anatomie de l’interligne articulaire, garant du respect de la
l’abduction est souvent associée à un déplacement en supina- longueur des métatarsiens. Dans tous les cas une immobilisation
tion ou en pronation. Lors de l’abduction pure, il se produit dans une botte en résine pour 6 semaines dont 3 sans appui est
une entorse grave médiale, une luxation totale homolatérale nécessaire.
latérale ou une luxation totale homolatérale latérale associée à
une fracture métatarsienne. En abduction-supination, on
constate une luxation divergente. Lorsque s’y associe une ■ Conclusion
flexion plantaire, on observe une luxation dorsale latérale totale
des métatarsiens. Lors de l’abduction-pronation et de l’abduc- Nous voulons insister sur la nécessité d’une prise en charge
tion pronation-flexion dorsale on observe une luxation plan- précoce des fractures et luxations de l’avant-pied et du tarse
taire latérale. moyen dont le diagnostic est maintenant facilité par l’imagerie

10 Appareil locomoteur

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Fractures et luxations du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges ¶ 14-099-A-10

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moderne (en particulier le scanner), qui peut être pratiquée au [25] Galois L, Pfeffer F, Traversari R, Mainard D, Delagoutte JP. Fractures
cours du bilan d’admission des traumatisés ; elles ne doivent pas et luxations des sésamoïdes de l’hallux. Med Chir Pied 2001;17:151-5.
être reléguées au second plan sous prétexte qu’elles ne mettent [26] Jahss MH. Traumatic dislocations of the first metatarsophalangeal joint.
pas en jeu le pronostic vital ; en l’absence de traitement adéquat Foot Ankle 1980;1:15-21.
et rapide, elles retentissent certainement sur le pronostic [27] Copeland CL, Kanat IO. A new classification of traumatic dislocation
fonctionnel et risquent de péjorer le résultat du traitement des of the first metatarso-phalangeal joint: type II C. J Foot Surg 1991;30:
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autres atteintes générales ou proximales en déterminant des
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mais également pour la simple station debout.
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J.-P. Delagoutte, Professeur Emérite, chirurgien consultant (juliette.chort@ciril.fr).


CHU Nancy, service ATOL (Professeur H. Coudane), hôpital Central, 29, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy cedex.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Delagoutte J.-P. Fractures et luxations du tarse antérieur, des métatarsiens et des phalanges. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 14-099-A-10, 2007.

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