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Résumé. – Le diagnostic précoce des traumatismes pancréatiques est marqué par une absence fréquente de
corrélation entre la gravité des lésions et la séméiologie initiale. Le retard au diagnostic peut être responsable
de complications graves, dont le traitement peut être difficile. La pancréatite aiguë post-traumatique en est
une, qui est associée à un risque élevé de décès tardif. Les décisions dépendent des circonstances de ce
diagnostic. Chez un blessé hémodynamiquement instable, les procédures les plus efficaces s’imposent pour le
traitement de l’hémorragie, et une laparotomie doit être réalisée au plus vite. À ventre ouvert, une
laparotomie écourtée peut s’imposer dans certains cas. Si l’hémodynamique est contrôlée, on doit reconnaître
la lésion, son site et sa gravité, qui repose sur l’existence d’une rupture du Wirsung et de l’association à une
lésion duodénale. Les contusions bénignes, sans rupture canalaire, relèvent le plus souvent du drainage au
contact. En cas de lésion corporéale ou caudale avec rupture du Wirsung, la résection du pancréas est
proposée, d’autant plus que la résection est inférieure à 50-60 %, car ses suites sont simples :
splénopancréatectomie ou pancréatectomie gauche. En cas de lésion pancréatique droite avec Wirsung
rompu, on proposera le plus souvent le drainage, car la duodénopancréatectomie (DPC) est un geste lourd
aux mauvais résultats, et parce que la mise en place d’une prothèse par cathétérisme rétrograde
endoscopique peut être décidée en postopératoire, et enfin parce que la gestion d’une fistule pancréatique
pure est souvent simple. Si une DPC est inévitable, il faut penser à la possibilité de repousser le rétablissement
des continuités à j1 ou j2. Lorsqu’il existe une atteinte duodénale associée, elle est traitée par suture si elle est
simple, par anastomose duodénojéjunale sur anse en Y si elle est plus importante, gestes associés à une
gastrostomie de décharge et à une jéjunostomie d’alimentation, voire à une exclusion duodénale en cas de
contusion pancréatique sérieuse. Une DPC peut, là aussi, s’imposer. À ventre fermé, il faut faire appel à la
tomodensitométrie (TDM) multibarrettes, la pancréatographie par résonance magnétique ou la cholangio-
pancréatographie rétrograde endoscopique à la recherche de la rupture canalaire. Si le Wirsung est intact, la
surveillance est clinicobiologique et radiologique (TDM). Si le Wirsung est rompu, il existe une indication de
pose de prothèse par voie endoscopique. En cas d’échec, la décision peut être difficile : la résection gauche
évite le risque de complications, mais il est certain que l’option non opératoire peut être un succès, et
notamment chez l’enfant… La décision s’appuie sur le site de la lésion, l’état clinique, et l’âge du blessé.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
RARETÉ DES TRAUMATISMES DU PANCRÉAS ¶ Mortalité globale : entre 5 et 30 % des cas (Tableau 2)
La fréquence des traumatismes pancréatiques est de 0,25 cas pour Les deux tiers des décès surviennent dans les 48 premières heures
100 000 habitants dans l’étude de Nilsson. [46] Dans les séries portant après l’accident et sont dus en fait plus souvent aux lésions
sur les traumatismes abdominaux, l’atteinte pancréatique est rare, hémorragiques associées (Tableau 3). Ainsi, la lésion pancréatique
entre 1 et 6 % des cas chez l’adulte [12, 23] et moins de 1 % des elle-même n’est responsable du décès du blessé que dans 5 à 10 %
admissions en traumatologie chez l’enfant. [33, 43] des cas. Le point le plus impressionnant est que lorsque c’est le
En Europe, les traumatismes pancréatiques sont fermés deux fois pancréas qui est responsable du décès, le diagnostic a été fait avec
sur trois et surviennent surtout au cours d’accidents de la voie retard, souvent chez un polytraumatisé, dans un délai de 4 à 8 jours
publique. [ 3 4 ] Les mécanismes préférentiels sont la violente après l’accident. Dans ce type de situation de diagnostic tardif, la
décélération chez un passager ou un conducteur ceinturé ou le choc mortalité peut dépasser 50 %. [12, 20, 21, 23, 34, 49] Ce dernier point montre
du conducteur non ceinturé sur le volant. [18] La fracture du corps l’importance fondamentale du diagnostic précoce de contusion
du pancréas cisaillé sur le billot vertébral postérieur est décrite. C’est pancréatique chez tout traumatisé abdominal.
une lésion souvent rencontrée chez l’enfant (un mécanisme
particulier est la chute à vélo de l’enfant avec un impact du guidon ¶ Morbidité élevée des traumatismes du pancréas
dans l’abdomen) [33] ou chez des blessés ayant un abdomen reconnus (Tableau 4)
hypotonique (choc par surprise, alcoolique, femme mince). [70] Ces
circonstances de survenue expliquent la forte prédominance Les fistules pancréatiques surviennent dans près d’un tiers des cas
masculine dans toutes les séries, et le jeune âge des blessés avec chez les survivants initiaux, les pseudokystes, les abcès profonds
80 % des traumatisés âgés de moins de 40 ans. [8, 12, 25, 36, 69] Aux États- sont plus rares (environ 10 % des survivants). Hémorragies
Unis ou en Afrique du Sud les traumatismes pancréatiques secondaires et métastases septiques peuvent survenir. En pratique,
comportent une proportion de plaies bien plus importante, par arme le taux d’abcès profonds et de fistules pancréatiques est directement
à feu dans la majorité des cas. [24] corrélé à l’atteinte du canal de Wirsung. [7, 11, 26]
Tableau 2. – Mortalité des traumatismes du pancréas, à partir de séries de traumatismes pancréatiques survenue chez des adultes (A) et des
enfants (P)
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Techniques chirurgicales Traumatismes du pancréas. Principes de techniques et de tactique chirurgicales 40-898
Tableau 3. – Cause des décès chez les blessés présentant un traumatisme du pancréas
Auteurs (année) Hémorragie non pancréatique Hémorragie pancréatique, Défaillance multiviscérale Autres (crâne ++)
pancréatite, abcès pancréatique
– : non mentionné.
a Lorsque le blessé présente plusieurs complications seule la plus grave a été mentionnée.
bFistule duodénale et/ou biliaire, abcès de paroi, iléus persistant, autres.
Contusion ou lacération Lacération, perforation Écrasement, perforation ou section Atteinte combinée Atteinte combinée
pancréatique avec une atteinte ou section complète du corps complète de la tête pancréatique. duodénopancréatique. duodénopancréatique.
parenchymateuse limitée. et de la queue avec atteinte Atteinte pancréatique limitée. Atteinte pancréatique sévère
Wirsung intact. du Wirsung. Pas d’atteinte duodénale. (rupture du Wirsung).
Pas d’atteinte duodénale Pas d’atteinte duodénale.
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40-898 Traumatismes du pancréas. Principes de techniques et de tactique chirurgicales Techniques chirurgicales
ATTEINTE DU WIRSUNG ?
Réintervention sur patient stabilisé ATTEINTE DU DUODÉNUM ?
Certitude ou suspicion ++
Wirsung intact
de lésion du Wirsung
chez les traumatisés admis en réanimation. On considère qu’un sans tarder être conduits en salle d’opération, tout en poursuivant la
traumatisé présentant un score IGSII supérieur à 30 présente un réanimation. Si les critères de risque de coagulopathie sont présents,
risque vital majeur. [40] à savoir une hypothermie, une acidose, un transfusion de plus de
cinq culots, il est déjà probable que le chirurgien sera amené à
Techniques et décisions réaliser une laparotomie écourtée. [3, 35] La priorité est alors le
contrôle de l’hémorragie par une incision médiane (Fig. 4), des
thérapeutiques gestes rapides et sommaires (splénectomie, tamponnements
On peut en pratique opposer deux circonstances de prise en charge périhépatiques et autres), la limitation de la contamination en cas de
des traumatismes du pancréas (TP). Lorsque la laparotomie lésions d’organes creux (simple agrafage des plaies intestinales) et
d’urgence s’impose, et le plus souvent alors pour un tableau la fermeture pariétale pour réanimation active et réchauffement actif.
hémorragique non contrôlé, le diagnostic du TP et la mesure de sa Dans la majorité des cas, des gestes complexes sur le pancréas sont
gravité sont faits à ventre ouvert et dépendent de la qualité de alors proscrits (ou en tous cas remis à plus tard) et c’est un simple
l’exploration ; les décisions prises alors prennent en compte le drainage pancréatique ou bien un tamponnement en regard de la
contexte de cette urgence. Bien différente est la situation dans lésion pancréatique qui doit être choisi (Fig. 5). Néanmoins, il peut
laquelle l’état du blessé ne conduit pas à la laparotomie d’emblée et exister des cas (de plaies par balle en particulier) où la gravité des
permet un bilan, plus ou moins orienté au départ, mais qui a été lésions est telle que l’hémostase artérielle et/ou le contrôle des fuites
transformé par les progrès réalisés en imagerie (tomodensitométrie digestives aboutissent à une duodénopancréatectomie presque
[TDM] multibarrettes, Wirsungo-imagerie par résonance magnétique complète. C’est dans ce contexte que les anastomoses de la
[IRM]), en endoscopie (wirsungographie rétrograde et cathétérisme, reconstruction digestive ne sont réalisées que dans un second temps,
voire prothèse wirsungienne). Ces techniques peuvent parfois être au cours de la réintervention. (Fig. 6). Quelques observations isolées
plus performantes que les explorations de visu pendant une de DPC en deux temps et couronnées de succès ont ainsi été
laparotomie. Mais que le diagnostic soit réalisé à ventre ouvert ou rapportées. [19, 62]
fermé, il est dominé par l’appréciation exacte des lésions et tout
particulièrement par l’existence ou non d’une rupture du Wirsung ¶ Si la situation est stabilisée, une exploration complète
et l’importance d’une éventuelle atteinte du duodénum. C’est donc du pancréas s’impose
l’état du blessé à l’arrivée qui dicte les circonstances et les moyens
Au cours de toute laparotomie pour trauma abdominal [63] ,
du diagnostic et des décisions thérapeutiques.
l’exploration du pancréas doit être systématique et complète. Si le
pancréas peut être « aperçu » à travers le petit épiploon, il n’est
DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT DES TRAUMAS
DU PANCRÉAS À VENTRE OUVERT réellement exposé que lorsque sont réalisés :
On peut, là encore, opposer deux situations différentes, celle où le – l’ouverture large de l’arrière-cavité des épiploons ;
TP n’est qu’un des éléments d’un tableau gravissime imposant une
– la mobilisation de l’angle colique droit prolongée par
laparotomie écourtée, et celle où le contrôle de la situation permet
l’abaissement de droite à gauche de la racine du mésocôlon
une exploration complète du pancréas et ouvre le choix des procédés
transverse ;
de traitement (Fig. 3).
– un décollement duodénoépiploïque permettant d’examiner la face
¶ Si une laparotomie écourtée s’impose … cachée du pancréas (Fig. 7). Au cours de cette « marche d’approche »
Les blessés les plus graves qui sont amenés en état de choc le chirurgien peut rencontrer des indices particulièrement
réfractaire au remplissage et avec un hémopéritoine évident doivent évocateurs :
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Figure 14 A. Rupture du
duodénum dans une portion
d’exposition difficile, de D3 à
l’angle duodénojéjunal. B. Ré-
paration par résection de la por-
tion située derrière la racine du
mésentère, fermeture des extré-
mités par agrafage. Rétablisse-
ment de la continuité par anas-
tomose duodénojéjunale sur
courte anse en Y.
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Techniques chirurgicales Traumatismes du pancréas. Principes de techniques et de tactique chirurgicales 40-898
pseudokystes pancréatiques post-traumatiques est variable. Plus faveur d’une lésion pancréatique isolée sans rupture du Wirsung. Il
d’un quart environ guérissent spontanément. [27, 33, 64] Pour les kystes suppose une surveillance attentive et quelques mesures
persistants, le traitement chirurgical est efficace au prix d’une faible thérapeutiques.
morbidité [27, 33] et le risque de complication sérieuse (rupture du La surveillance du blessé doit se faire en milieu chirurgical. Elle
kyste, surinfection) est de 5 à 10 % des traumatisés du pancréas. [27, repose sur des critères cliniques, biologiques (amylasémie, lipasémie,
45]
outre les marqueurs biologiques habituels de tout patient réanimé)
et surtout radiologiques : la tomodensitométrie abdominale [2], reste
En absence de toute lésion canalaire (classe I de Lucas) l’examen de choix pour détecter d’éventuelles complications.
Le traitement non opératoire a sa meilleure indication pour les Le traitement médical d’une contusion de classe I s’apparente à celui
patients présentant un traumatisme abdominal fermé et chez qui il d’une pancréatite aiguë. Il comprend la diète et la mise en place
existe une convergence d’arguments cliniques et paracliniques en d’une sonde nasogastrique en cas de vomissements, un apport
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hydroélectrolytique adapté, des antalgiques, mais l’antibiothérapie patient et les conditions de l’intervention. C’est bien souvent le
préventive est discutée. L’administration d’octéotride, qui a pour but silence clinique total sous surveillance pluriquotidienne qui conduit
de diminuer le taux de fistules en inhibant la sécrétion exocrine à poursuivre une option non opératoire initiale.
pancréatique, a été étudiée sur de petits effectifs dans plusieurs
Si le blessé présente une atteinte canalaire au niveau corporéal ou
travaux avec des résultats contradictoires. [48] On peut néanmoins
caudal, chez l’enfant aussi bien que chez l’adulte, la prothèse mise
proposer d’administrer ce type de substance aux patients qui restent
suspects d’atteinte canalaire et paraissent à haut risque de fuite en place dans la même séance qu’une CPRE diagnostique pratiquée
pancréatique, et à ceux qui présenteraient, plus tard dans leur dans les premières 24 heures constitue l’option idéale. En cas
histoire, une fistule constituée. C’est dans la majeure partie des cas d’échec, ou de non-disposition de la technique, c’est la
l’aggravation clinique qui déclenche l’intervention (Fig. 19). splénopancréatectomie ou la pancréatectomie gauche (Fig. 8, 9) qui
Les résultats du traitement non opératoire des traumatismes du est classiquement proposée en raison du risque important de
pancréas sans lésion du Wirsung sont excellents, avec une mortalité pseudokyste, évalué entre 70 et 90 % des cas, avec une chance de
inférieure à 5 % et une morbidité inférieure à 20 %. C’est dire tout guérison spontanée de moins de 20 % [11, 33], et imposant le plus
l’intérêt de la CPRE ou de la PRM précoces. [5, 9, 10, 52, 68] souvent, après une hospitalisation prolongée, un geste chirurgical
de dérivation du kyste. [31, 43] On peut bien sûr opposer à cette option
Si une atteinte du Wirsung est probable ou certaine que la conservation du pancréas gauche est justifiée chez l’enfant ou
l’adolescent si elle se fait par une kystoanastomose … et même si
Chez le blessé stable présentant une rupture du Wirsung objectivée
par la tomodensitométrie abdominale injectée, la PRM et/ou la c’est au prix d’une durée totale de traitement de plusieurs semaines.
CPRE, et non suspect d’une atteinte duodénale, le traitement dépend Là encore, les observations d’attitudes non opératoires de fractures
de la localisation de la lésion pancréatique et du contexte. pancréatiques authentifiées se multiplient, qui s’appuient toujours
sur la certitude d’une situation clinique parfaite, contrôlée plusieurs
Si le blessé présente une atteinte canalaire céphalique, la mise en
fois par jour… relayées par un drainage externe transcutané du
place d’une prothèse endocanalaire a donné d’excellents résultats
au sein d’équipes entraînées, chez l’enfant comme chez l’adulte. [59] pseudokyste pancréatique (PKP) survenu à 2 ou 3 semaines, lui-
Le principal facteur prédictif de succès est la position de la prothèse même suivi, en cas d’échec, d’une anastomose kystodigestive.
qui doit être placée au mieux en pont de part et d’autre de la
fracture. [59] Lorsque ce geste n’est pas réalisable, il existe deux
DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT « RETARDÉS »
alternatives thérapeutiques. La première, volontiers pratiquée chez AU STADE DES COMPLICATIONS
l’enfant, consiste en un traitement médical et une surveillance en
milieu chirurgical, suivie d’un éventuel geste de dérivation interne Lorsque le trauma est passé inaperçu, mais aussi quand une attitude
si un pseudokyste survient, ce qui se produira dans 80 % des cas. La non opératoire a été choisie, il peut se révéler après la phase aiguë,
deuxième, qui est souhaitable en cas de doute sur une lésion dans les semaines suivantes. La contusion parenchymateuse peut
associée (duodénale notamment) est la laparotomie exploratrice avec évoluer vers une pancréatite aiguë infectée ou non, la rupture de
un traitement des lésions par exérèse ou drainage selon l’état du canaux pancréatiques favorise le développement de pseudokystes
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Techniques chirurgicales Traumatismes du pancréas. Principes de techniques et de tactique chirurgicales 40-898
Figure 17 A, B. Trauma
pancréatique avec petite fuite
canalaire en imagerie par réso-
nance magnétique (IRM) (flè-
che). C, D, E, F. Stanislas,
22 ans. Chute à skis. Trauma-
tisme crânien et contusion ab-
dominale. Douleur abdominale
et défense de l’hypocondre gau-
che, tension stable. En tomo-
densitométrie (TDM), contu-
sion du foie gauche, suspicion
d’atteinte du corps du pancréas
(C, D, E). Mis en surveillance
clinique. IRM afin de vérifier
l’intégrité du canal de Wirsung
(F), permettant une sortie pré-
coce.
de séméiologie progressive, tandis que la contusion duodénale les nécrosectomies et les drainages nécessaires (le drainage de
associée peut, elle aussi, se révéler de manière retardée par une Mikulicz est souvent utile), mais surtout, elle est un moyen
sténose. d’éliminer un doute sur d’autres lésions associées, sur le
duodénum, le grêle, voire le côlon transverse (Fig. 20). La
¶ Pancréatite aiguë et suppurations pancréatiques morbidité postopératoire est dominée par le risque de fistule
Il s’agit souvent de polytraumatisés chez qui le trauma du pancréatique externe estimé à 10-20 %. Ces fistules pancréatiques
pancréas est évoqué devant une dégradation clinique qui fait pures peuvent se prolonger mais elles se tarissent presque toujours
découvrir de façon retardée (après le 4e ou 5e jour le plus souvent) dans les 6 mois. [70] On peut les considérer comme un moindre mal,
une pancréatite aiguë. La TDM permet d’en étayer le diagnostic et car la laparotomie précoce a probablement, en matière de
d’apprécier sa gravité théorique par le volume de pancréas non pancréatite aiguë traumatique, les mêmes inconvénients que pour
irrigué et par l’importance des collections et suffusions à distance. les pancréatites aiguës nécrosantes plus classiques, à savoir une
Ces dernières peuvent déjà évoquer l’infection par la présence de mortalité lourde dans un tableau de suppuration profonde
bulles gazeuses. Ce type de pancréatite est très grave. Chez tous résistante à toutes les agressions. Dans les cas, en effet, où il
ces patients le pronostic vital est en jeu, puisque, dans ce cas, la n’existe pas d’indication certaine à une laparotomie, on peut
mortalité peut atteindre 40 %. [20, 34] Leur prise en charge au recommander d’appliquer aux pancréatites aiguës post-
moment du diagnostic est tout d’abord dominée par l’intérêt d’une traumatiques et aux abcès de la loge pancréatite les méthodes
laparotomie : elle permet de caractériser les lésions et de pratiquer « modernes » de traitement des pancréatites aiguës (PA) infectées,
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40-898 Traumatismes du pancréas. Principes de techniques et de tactique chirurgicales Techniques chirurgicales
Figure 17 (Suite) G, H, I,
J, K, L. Traumatisme abdomi-
nal. Rupture de l’isthme pan-
créatique avec épanchement pé-
ripancréatique (G). Au 13e jour,
constitution d’une collection
organisée prépancréatique (H).
Rupture canalaire ? IRM à j15
(I, J) : collection volumineuse
sans visibilité du Wirsung.
Surveillance simple. À 2 mois,
quelques douleurs résiduelles.
IRM à j62 (K, L) : petite collec-
tion en continuité avec le Wir-
sung distal confirmant la fuite
canalaire. Abstention. Guéri-
son.
faites de drainages percutanés placés si possible selon des surveillance que le patient est jeune. [27, 57] Les PKP post-traumatiques
trajectoires rétropéritonéales, et utilisant des drains de gros calibre. de l’enfant guérissent spontanément dans un quart [66] à la moitié
Les premiers résultats en matière de PA post-traumatique seraient des cas [29] Ailleurs, on discute l’une des méthodes classiques de
excellents. [22] De tels drainages permettent aussi d’effectuer de traitement, la dérivation externe, la dérivation kystodigestive, et le
véritables nécrosectomies rétropéritonéales par une technique drainage wirsungien par CPRE. [52] Le drainage externe sous contrôle
vidéoassistée en utilisant un néphroscope introduit à travers le trajet échographique ou TDM est aussi efficace ici que dans les PKP après
du drain [13] (Fig. 21). pancréatite aiguë alcoolique ou biliaire, mais il faut savoir qu’il a dû
être laissé en place et entretenu ou modifié durant plus de 2 mois
¶ Pseudokyste post-traumatique secondaire chez plusieurs patients avant d’obtenir une guérison définitive. [32, 65]
Le pseudokyste post-traumatique peut être de découverte très L’alternative thérapeutique au drainage externe du pseudokyste est
tardive, et même poser parfois le problème d’une tumeur kystique le drainage interne : la kystogastrostomie ou la kystojéjunostomie.
du pancréas qu’il faut rapporter à un traumatisme abdominal Ce sont des interventions techniquement simples et de morbidité
ancien. Mais le plus souvent c’est dans les trois semaines après inférieure à 20 %. Elles doivent être réalisées après un délai de
l’accident que surviennent des signes classiques (troubles de vidange maturation des adhérences qui cernent le PKP, délai de 6 semaines
gastrique, douleur, élévation de l’amylasémie, images typiques en après l’accident chez l’adulte et de 4 semaines chez l’enfant. [27] Elles
échographie ou TDM. Sa fréquence est relativement élevée (jusqu’à ont la faveur de certaines équipes pédiatriques [27, 31], qui préconisent
48 % des cas), dans certaines séries pédiatriques) [9, 33] où l’option parfois de les réaliser par voie gastroscopique, sous forme de
non opératoire est plus souvent adoptée. On pourrait schématiser le kystogastrostomie. [50, 65] Chez l’adulte, les pseudokystes sont rares,
principe de son traitement : les décisions dépendent à la fois de son dus, dans la majorité des cas, à des lésions du Wirsung.
caractère symptomatique ou non, de sa taille, et du terrain sur lequel Actuellement, grâce aux progrès de la CPRE [68], certains auteurs
il survient. De petits PKP (moins de 4 ou 5 cm de diamètre) sans proposent un traitement endoscopique avec mise en place d’une
signe clinique ni indice d’infection méritent d’autant plus une simple prothèse intrawirsungienne [37, 59], mais les résultats, en particulier
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Techniques chirurgicales Traumatismes du pancréas. Principes de techniques et de tactique chirurgicales 40-898
Conclusion
Les traumatismes pancréatiques sont caractérisés par le nombre
important des éléments qui entrent en jeu dans la décision
thérapeutique. Les plus importants à l’arrivée sont l’hémodynamique
du blessé, la présence de lésions associées et l’existence de signes de
péritonite qu’ils soient cliniques, radiologiques ou biologiques. Les
explorations pré- ou peropératoires doivent avant tout permettre de
préciser la localisation proximale ou distale de la lésion du pancréas,
d’apprécier l’existence d’une atteinte duodénale associée et de parvenir
au diagnostic d’une éventuelle rupture canalaire.
Le chirurgien dispose d’un arsenal thérapeutique très large : traitement
non opératoire et surveillance en milieu chirurgical, prothèse
intrawirsungienne endoscopique, drainage pancréatique par voie
radiologique, traitement chirurgical conservateur, pancréatectomie ou
splénopancréatectomie gauches, duodénopancréatectomie céphalique
(en un ou deux temps). Si la mortalité des traumatismes pancréatiques
est le plus souvent liée aux lésions associées, dans les cas où le pancréas
est en cause, c’est le retard au diagnostic de lésion grave (c’est-à-dire
comportant une atteinte canalaire) qui est le plus souvent retrouvé.
Cette recherche est une des clés décisionnelles : si la rupture canalaire
est certaine ou très hautement probable, elle doit faire discuter des
options actives, ayant pour but soit la mise en place d’un tuteur
prothétique (par endoscopie), soit une résection pancréatique dont la
Figure 18 Traumatisme abdominal par accident de la voie publique. Apparition re- gravité doit être confrontée à l’état du patient et à l’habitude du
tardée d’un pseudokyste pancréatique. Traitement initial par ponction-drainage percu- chirurgien, soit la mise en place d’un très large drainage local n’obérant
tané sous échographie (drain en place, astérisque). Après 6 semaines, cathétérisme ré- pas la reprise opératoire ultérieure ; ce n’est que devant une situation
trograde de la papille et wirsungographie : fuite sur le Wirsung distal (flèche).
Intervention sans délai : paroi du kyste se prêtant mal à l’anastomose et réalisation
clinique sereine affirmée par une surveillance pluriquotidienne que
d’une splénopancréactectomie gauche limitée. l’option non opératoire d’une rupture wirsungienne authentifiée peut
être proposée. Cette attitude doit être extrêmement attentive, profiter au
maximum des ressources de la TDM et/ou de l’IRM, et mettre à
lorsqu’il existe une inflammation pancréatique, ne sont pas aussi
contribution l’endoscopie interventionnelle.
bons que lorsque la CPRE et la mise en place de la prothèse sont
Dans le cas d’une laparotomie d’urgence pour tableau hémorragique
effectuées dans un délai de moins de 48 heures après le
majeur et/ou polytraumatisme abdominal, les ressources stratégiques
traumatisme. [37]
d’une laparotomie écourtée doivent rester à l’esprit de l’opérateur.
¶ Sténoses duodénales
Elles sont plus fréquentes chez l’enfant et sont dues à des Remerciements. – au docteur C. Sengel, CHU de Grenoble, et au professeur Valette, CHU de
hématomes duodénaux intramuraux qui, en se résorbant, Lyon.
Figures 19 à 21 et Références ➤
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40-898 Traumatismes du pancréas. Principes de techniques et de tactique chirurgicales Techniques chirurgicales
Figure 19 Femme de
35 ans. Agression : contusions
multiples. Douleurs diffuses.
Amylasémie à six fois la nor-
male et lipasémie à 20 fois la
normale. Tomodensitométrie à
l’arrivée : contusion des seg-
ments hépatiques 2 et 4 (flèches
fines). Contusion pancréatique
corporéale sans signe de frac-
ture franche (flèches larges). In-
filtration hématique de la racine
du mésentère (astérisque). Ap-
parition d’une défense abdomi-
nale. Intervention à la 6e heure :
contusion pancréatique sans
rupture du parenchyme. Explo-
ration complète et drainage
large. Guérison.
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Techniques chirurgicales Traumatismes du pancréas. Principes de techniques et de tactique chirurgicales 40-898
Figure 20 A. Manifesta-
tion retardée d’une contusion
pancréatique, sous forme de
pancréatite aiguë conduisant à
une laparotomie. B. Traitement
d’une pancréatite aiguë opérée
au stade précoce : exploration
prudente, et mise en place d’un
large drainage de la loge pan-
créatique associée à la triade des
stomies (gastrostomie, cholé-
cystectomie, jéjunostomie d’ali-
mentation).
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