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Contusions et plaies de l’abdomen


D. Mutter, C. Schmidt-Mutter, J. Marescaux

Les contusions et plaies de l’abdomen sont classiquement regroupées dans la même entité car les grands
principes de leur traitement se superposent. Ils visent à restaurer un état hémodynamique satisfaisant, à
réaliser un bilan lésionnel aussi rapide et précis que possible, et enfin à traiter de façon optimale chaque
lésion. La prise en charge de ces traumatisés débute par leur « ramassage » et leur transfert en unité
spécialisée. Là, une étroite collaboration entre plusieurs spécialistes (anesthésiste, réanimateur,
chirurgien, radiologue) est nécessaire pour assurer le diagnostic et le traitement des lésions. La prise en
charge de ces blessés est en constante évolution, prenant en compte les apports les plus récents de la
technique : échographie, scanners et angiographies diagnostiques et interventionnelles facilement
disponibles dans les centres les mieux équipés ; laparoscopie diagnostique et thérapeutique pour les
praticiens les mieux formés. Il s’y ajoute une modification de certains concepts, en particulier la chirurgie
« écourtée » où le pronostic immédiat prime sur le traitement définitif des lésions et l’approche mini-
invasive et conservatrice face à de nombreux traumatismes hémorragiques. Cette mutation améliore la
survie des patients tout en diminuant les complications et séquelles liées au traitement des lésions.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Contusions de l’abdomen ; Plaies de l’abdomen ; Chirurgie de l’abdomen ;


Radiologie de l’abdomen

Plan entraînés à l’accueil des urgences, et une équipe multidiscipli-


naire incluant toutes les spécialités qui jouent un rôle prépon-
¶ Introduction 1 dérant dans le traitement urgent des lésions vitales :
réanimation, radiologie interventionnelle, chirurgie spécialisée
¶ Définition 2 par organe. Les technologies les plus récentes et en particulier
¶ Épidémiologie 2 l’imagerie, ainsi que l’application des concepts novateurs en
¶ Accueil du traumatisé 2 termes d’approche mini-invasive, de traitement en plusieurs
Réanimation 2 temps ou différé de l’urgence ont considérablement diminué les
Topographie lésionnelle 4 effets délétères d’une approche autrefois certainement trop
Aspects spécifiques selon le terrain 4 agressive des patients traumatisés.
Aspects selon le mécanisme 5 La prise en charge des patients traumatisés implique le
Examens complémentaires 5 respect de principes « conservateurs » qui ont comme objectif de
¶ Intervention chirurgicale 8 limiter l’agressivité thérapeutique initiale en privilégiant la
Indications opératoires formelles 9 réanimation. Le premier principe a été élaboré en situations de
Indications opératoires relatives 9 guerre : il s’agit de la chirurgie « écourtée » ou de « contrôle
Laparoscopie 9 aigu ». Le patient atteint de défaillance multiviscérale ou de
Minilaparotomie 10 choc hémorragique bénéficie dans un premier temps du simple
Laparotomie 10 contrôle de l’hémorragie et de la prévention d’une contamina-
Principes du traitement chirurgical 10 tion digestive, avec une fermeture de l’abdomen sans tension.
Complications 14 Après une réanimation de 24 à 96 heures, une seconde inter-
vention est programmée à la recherche des lésions méconnues
¶ Conclusion 15
et reconstructions anatomiques dans des conditions plus
favorables. [1, 2] Le second principe vient de l’évolution de la
radiologie. La performance et l’accessibilité de l’imagerie et en
■ Introduction particulier du scanner, ainsi que les possibilités de la radiologie
interventionnelle ont mis cette discipline au premier plan de
En Europe et hors des zones de guerres, les traumatismes l’accueil des urgences, en particulier pour le contrôle aigu de
abdominaux surviennent dans plus de 60 % des cas au cours nombreuses hémorragies. [2-5] Enfin, la laparoscopie a
d’accidents sur la voie publique. L’accueil de ces urgences a aujourd’hui sa place dans le contexte de l’urgence traumatique
considérablement évolué au cours de ces dernières années et est abdominale, offrant à la fois un intérêt diagnostique et un
de plus en plus dévolu à des structures spécialisées dans leur intérêt thérapeutique dans de nombreux cas. [6-9] Les plaies et
prise en charge. Elles permettent un accès à des praticiens les contusions de l’abdomen sont classiquement regroupées,

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pour des raisons didactiques, dans un même chapitre. Cepen- « d’arrachement » des organes est proportionnelle à leur masse
dant, plusieurs éléments les différencient : le mécanisme et au carré de la vitesse. Les dégâts viscéraux les plus graves sont
lésionnel, la stratégie diagnostique et thérapeutique, et souvent liés aux arrachements vasculaires de l’aorte, de la veine cave par
le pronostic. D’autres éléments doivent également être pris en traction du foie, et des vaisseaux mésentériques par la traction
compte lors de l’évaluation des lésions du patient : l’état des anses intestinales. Les lésions par arme blanche et surtout
général, du fait des pathologies associées ou du mécanisme du par arme à feu sont moins fréquentes dans nos contrées. Les
traumatisme (en particulier l’état de choc), l’unicité ou la armes blanches provoquent des lésions directes des organes
multiplicité des lésions (la distinction en urgence entre les deux touchés. Le pronostic lésionnel ne dépend pas tant de l’arme
étant souvent difficile, voire impossible) et bien entendu utilisée que de la façon dont elle est utilisée. Les lésions par
l’expérience et les moyens pouvant être mis en œuvre pour la arme à feu sont particulières. Elles entraînent des dégâts sur le
prise en charge du polytraumatisme par l’équipe d’accueil trajet du projectile mais également à distance en fonction de
(anesthésistes-réanimateurs, radiologues, chirurgiens...). leur cinétique. Ainsi, les armes civiles à cinétique lente provo-
Pour ces différentes raisons, notre travail esquisse une quent moins de lésions d’onde de choc que les armes de guerre
stratégie diagnostique et thérapeutique adaptée aux différentes à cinétique rapide. Enfin, les plaies faisant suite à des explosions
situations cliniques rencontrées. Sans avoir la prétention de associent les lésions par contusion (effet de l’onde de choc) et
donner des « recettes miracles » sur un sujet loin d’être consen- les traumatismes directs par projection d’éclats ou de corps
suel, le but de cette démarche est d’éviter une perte de chance étrangers. Les autres étiologies regroupent les accidents sportifs,
pour des patients souvent jeunes. les accidents du travail, les tentatives d’autolyse, les catastrophes
naturelles et les attentats.
La répartition en âge et en sexe des traumatisés de l’abdomen
■ Définition reflète l’origine accidentelle des traumatismes. La moitié des
blessés a moins de 45 ans, et il s’agit de sujets masculins dans
Le traumatisme abdominal se définit comme un traumatisme 78 % des cas. [12, 13] Aux États-Unis, l’étiologie des traumatismes
intéressant la région comprise entre le diaphragme en haut et abdominaux est plus fréquemment violente, par arme à feu ou
le plancher pelvien en bas, quel que soit le point d’impact. par arme blanche (60 % des cas dans certains trauma centers de
Celui-ci peut être direct, par traumatisme pénétrant alors associé grandes villes). En zone de guerre, les plaies par armes à feu,
à une effraction du péritoine, ou indirect, par choc ou onde de plus fréquentes que les contusions, sont responsables de dégâts
choc. Sur le plan anatomique, l’abdomen remonte très haut, majeurs.
jusqu’à une ligne se projetant au niveau du cinquième espace
intercostal en avant. Le traumatisme peut être une simple
atteinte de la paroi de l’abdomen, ou avoir pour conséquence ■ Accueil du traumatisé
des lésions viscérales localisées à proximité ou à distance du
point d’entrée. L’atteinte abdominale peut se faire lors d’une Selon les circonstances et le lieu du traumatisme, le ramas-
plaie thoracique par une brèche diaphragmatique, réalisant une sage, le transport et le triage des patients traumatisés sont
plaie thoracoabdominale. Toute plaie en apparence thoracique effectués par des équipes différentes (Samu, pompiers, militai-
peut s’accompagner d’une lésion intra-abdominale. La mécon- res...). Nous situerons délibérément dans cet article la prise en
naissance de cette atteinte abdominale est fréquente car les charge des patients au-delà de l’étape préhospitalière.
plaies thoraciques isolées nécessitent rarement une exploration Une première évaluation rapide et globale du patient trauma-
chirurgicale et il existe un réel risque de méconnaître une tisé peut être effectuée à l’aide de scores prenant en compte des
brèche diaphragmatique et une lésion viscérale sous-jacente. Un données anatomiques et physiologiques. Ceux-ci permettent
traumatisme par accident sur la voie publique peut être à une évaluation approximative du type d’hospitalisation néces-
l’origine de lésions dont le point d’impact se situe au niveau du saire (Trauma Index), de la probabilité de survie (Trauma Score)
pelvis. Un impact pelvien peut se rencontrer lors de tir par arme .
ou du risque de décès (Injury Severity Score) en fonction de
à feu ou après un empalement. Ces lésions sont graves car elles critères d’alerte traumatique (Tableau 1). Enfin, un arbre
s’accompagnent d’une importante attrition musculaire, de décisionnel simple peut être proposé (Fig. 1).
lésions osseuses et d’hématomes conséquents, ainsi que de
blessures vésicale, urétrale ou rectale se compliquant de gan-
grène gazeuse. Les lésions vasculonerveuses associées sont Réanimation
spectaculaires : atteinte du nerf sciatique, lésion de l’artère
fessière dont l’hémostase est difficile. La réanimation entreprise dès la prise en charge sur les lieux
Lorsqu’il existe un impact postérieur, l’abdomen est atteint de l’accident est poursuivie à l’accueil du patient et a pour
après traversée de l’espace rétropéritonéal. Ces lésions sont donc objectif le traitement d’un état de choc ou la prévention d’un
transfixiantes et atteignent l’appareil urinaire, les glandes choc latent. Elle vise à contrôler les fonctions vitales, puis
surrénales, les gros vaisseaux et le rachis. Dans ce cas, des cherche des lésions méconnues ou des complications.
lésions intrapéritonéales par contiguïté doivent systématique- Le maintien de la fonction respiratoire peut nécessiter une
ment être recherchées. ventilation assistée. Celle-ci s’impose face à une détresse
respiratoire et doit être envisagée si le patient n’est pas capable

■ Épidémiologie Tableau 1.
En Europe, les accidents sur la voie publique constituent Critères d’alerte traumatique (d’après American College of
l’étiologie principale des traumatismes de l’abdomen. Ces Surgeon [30]).
accidents sont à l’origine de 60 % des lésions et responsables de 1. Pression artérielle systolique < à 90 mmHg
10 à 30 % des décès observés. [10] Le port obligatoire de la 2. Score de Glasgow ≤ 12
ceinture de sécurité et, plus récemment, la présence de coussins
3. Fréquence respiratoire < 10 ou > 29
gonflables frontaux et latéraux ont permis de diminuer la
fréquence et la gravité des lésions chez les passagers des 4. Plaie pénétrante de la tête, du cou, du thorax ou de l’abdomen
véhicules automobiles. En cas de choc direct, les mécanismes 5. Brûlure > 15 % de la surface corporelle
lésionnels rencontrés sont les écrasements de l’abdomen sur le 6. Déficit neurologique ou paralysie
volant ou sur le tableau de bord. Ils déterminent des lésions 7. Éjection d’un véhicule automobile
directes comme l’écrasement du pancréas sur le billot verté- 8. Patient nécessitant une désincarcération
bral. [11] En dehors des traumatismes directs, les lésions secon- 9. Chute d’une hauteur supérieure à 6 m
daires à une décélération brutale, en cas d’impact du véhicule
10. Choc piéton-véhicule à plus de 35 km/h
sur un obstacle fixe, peuvent être spectaculaires. L’énergie

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Figure 1. Arbre décisionnel devant


un traumatisme abdominal. PLP :
Traumatisme abdominal ponction-lavage du péritoine.
plaie ou contusion

Choc hémorragique État hémodynamique stable : bilan lésionnel clinique


plaie pénétrante Échographie - PLP - scanner

Pathologique Doute Normal(e)

Suspicion perforation Hémopéritoine


organe creux foie/rate

Exploration
chirurgicale Dégradation Surveillance

Laparoscopie
±
Laparotomie

En pratique, deux tableaux doivent être distingués selon l’état

“ Points forts
hémodynamique du patient.

État de choc hypovolémique


• Fonction respiratoire : éventuellement ventilation Le diagnostic d’un état de choc hypovolémique peut être
assistée. orienté par la clinique (pâleur, agitation, sueurs, vasoconstric-
• Fonction cardiocirculatoire : remplissage vasculaire. tion périphérique, tachypnée superficielle, tachycardie avec
• Pantalon antichoc. pouls faible et filant, pression artérielle pincée, abaissée, voire
• Lutte contre l’hypothermie : élément clé, fondamental, effondrée), mais les paramètres hémodynamiques d’un blessé à
souvent négligé. l’arrivée sont souvent perturbés par le stress, le transport ou les
lésions associées. Un état de choc hypovolémique (pression
artérielle systolique < 80 mmHg) ou une instabilité hémodyna-
mique ne sont confirmés qu’après avoir perfusé rapidement
d’exécuter un ordre simple, avec un état hémodynamique 1 000 à 1 500 ml de soluté de remplissage (macromolécules,
instable et/ou une fréquence respiratoire supérieure à cristalloïdes...) sans obtenir de gain sur la pression artérielle ou
30 cycles/min. la fréquence cardiaque.
Le maintien de la fonction cardiocirculatoire passe par la Une réanimation ayant pour objectif la restauration, au
correction d’un état de choc hypovolémique ou d’une hypovo- moins partielle, d’un état hémodynamique satisfaisant s’impose
lémie persistante. L’utilisation d’un pantalon antichoc permet, dans les plus brefs délais. Selon les pays et les choix techniques,
par une augmentation des résistances du système vasculaire cette étape peut être débutée lors de la phase préhospitalière de
périphérique, de conserver une tension suffisante pour tenter prise en charge du blessé. Lors du ramassage ou du transport, il
d’amener un patient vivant au bloc opératoire. [10] La sur- est mis en place une ou plusieurs voies veineuses de gros
veillance clinique (pression artérielle [PA], fréquence cardiaque calibre, perfusé des solutés cristalloïdes ou des macromolécules.
[FC], pression veineuse centrale [PVC], diurèse) et la transmis- Le patient peut être intubé pour ventilation assistée dès le
sion précise des données de réanimation (volumes et types de ramassage ou pendant le transport. Dans les autres cas, le
solutés perfusés, transfusions) permettent d’adapter le remplis- ramassage a pour but le transfert le plus rapide possible du
sage vasculaire. blessé vers un centre spécialisé où est mise en œuvre la phase
La lutte contre l’hypothermie, définie comme une température de réanimation.
centrale inférieure à 35 °C, est fondamentale. [14] L’hypothermie En cas d’intervention chirurgicale d’hémostase urgente, un
est liée aux conditions de l’accident et au délai de transfert, recueil sanguin précoce pour autotransfusion doit être envi-
mais également secondaire aux examens répétés, aux remplissa- sagé. [15] Toutefois, les risques infectieux pouvant être liés à une
ges et transfusions massifs et aux interventions. Elle diminue la contamination bactérienne d’un hémopéritoine en limitent
pression artérielle, la fréquence cardiaque et est responsable de l’utilisation. [16]
troubles du rythme en dessous de 32-30 °C. Elle diminue le
niveau fonctionnel du système nerveux et perturbe l’hémostase.
État hémodynamique stable
Sa correction est un objectif constant du réanimateur, et sera un Le bilan lésionnel d’un patient présentant un état hémody-
des facteurs incitant à limiter les gestes chirurgicaux à leur strict namique stable doit être réalisé sans retard. Il est le plus
nécessaire dans un premier temps, quitte à programmer complet possible pour orienter la prescription des examens
d’emblée une réintervention à distance de la phase critique. complémentaires. Dans ce cas, le patient bénéficie d’une

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surveillance neurologique basée sur l’état de vigilance, l’orien- d’un tympanisme, de même que la diminution des bruits
tation temporospatiale, la réflexivité pupillaire, la recherche de hydroaériques à l’auscultation, ont peu d’intérêt car la présence
signes de latéralisation, et elle est plus ou moins standardisée d’un iléus fonctionnel est fréquente après un traumatisme
par les scores d’évaluation neurologique (Glasgow Coma Scale abdominal.
ou Echelle de Coma de Glasgow).
Cet examen est impératif avant une sédation. Certains Touchers pelviens
éléments de thérapeutique doivent être systématiquement
envisagés et adaptés en fonction de la situation : antibiopro- Les touchers pelviens sont de réalisation systématique face à
phylaxie, prophylaxie antitétanique, prévention de l’hémorragie tout traumatisme abdominal. Un bombement du cul-de-sac de
digestive de stress, prophylaxie antithrombotique, drogues Douglas, une douleur élective à sa palpation orientent vers une
vasoactives et diurétiques avec maintien d’une diurèse abon- irritation péritonéale aiguë.
dante (100 ml/h), sédation. Les indications de cette dernière
sont multiples (confort du patient, analgésie, état d’agitation,
hypertension intracrânienne, hypothermie, adaptation au Topographie lésionnelle
ventilateur), mais ses complications potentielles doivent être Le point d’impact lésionnel permettra de suspecter les
connues (problème de la surveillance neurologique, modifica- organes potentiellement traumatisés : ceci est vrai pour les
tion du tableau clinique, effet dépresseur circulatoire et plaies et chocs directs, mais peu informatif pour les lésions par
ventilatoire). décélération ou par effet de souffle.
• La localisation d’une lésion au niveau de l’hypocondre gauche
Bilan clinique initial permet difficilement de distinguer un traumatisme isolé de
L’examen clinique initial est fondamental et a un double l’abdomen d’un traumatisme thoracique, d’autant que
intérêt : servir d’examen de référence et définir le degré l’inhibition respiratoire est souvent au premier plan et que
d’urgence. [17] Il doit être considéré avec la plus grande pru- l’association des deux types de lésions est fréquente. L’organe
dence s’il existe des lésions cérébrales ou médullaires associées le plus fréquemment atteint dans cette région est la rate.
ou si le patient est sédaté. D’autres organes peuvent être lésés : le rein gauche, la glande
surrénale gauche, l’angle colique gauche, le pancréas, la
Interrogatoire coupole diaphragmatique gauche ou des gros vaisseaux
L’interrogatoire d’un patient conscient est orienté dans trois pédiculaires : rénal, splénique ou colique.
directions : • En cas d’atteinte gastrique, un traumatisme épigastrique
• tester rapidement l’orientation temporospatiale du blessé ; entraîne une contracture d’emblée mais des nausées ou des
• définir le plus précisément les circonstances et le mécanisme vomissements sont inconstants. Un traumatisme médian peut
du traumatisme (où, quand et comment s’est-il produit en se compliquer d’une rupture duodénale, ou d’atteintes du
interrogeant au besoin les témoins et l’équipe de « ramas- côlon transverse, du bas œsophage, du thorax, du foie, du
sage ») ; pancréas et des gros vaisseaux.
• connaître les antécédents médicochirurgicaux, les éventuels • Lorsque le traumatisme est localisé au niveau de l’hypocondre
traitements en cours (antiagrégants, anticoagulants, antidia- droit, le foie est fréquemment lésé. On distinguera les lésions
bétiques...), et une éventuelle grossesse. Si le patient est dues à un traumatisme fermé de l’abdomen et celles liées à
inconscient, confus ou sédaté, les seuls renseignements une plaie. De véritables ruptures hépatiques peuvent se
utilisables sont ceux fournis par l’équipe de ramassage, rencontrer au cours de traumatismes fermés de l’abdomen
l’entourage et les témoins. (Fig. 2). Les lésions les plus graves sont celles qui touchent les
veines hépatiques (plaie ou arrachement). Si le patient ne
Examen clinique décède pas immédiatement, ces plaies sont difficiles à traiter.
D’autres organes peuvent être lésés : vésicule biliaire, angle
L’examen clinique doit être pratiqué chez un patient dévêtu
colique droit, duodénum ou pancréas.
et si possible réchauffé. Il nécessite rigueur et méthode et ne
• Localisé dans le flanc gauche, le traumatisme peut entraîner
doit jamais se limiter exclusivement à la région qui « semble
une lésion rénale, surrénalienne, splénique, colique gauche,
lésée ». Selon l’habitude de l’examinateur, il sera pratiqué par
des voies excrétrices gauches ou de l’intestin grêle.
région topographique (crâne, thorax, abdomen...) ou par
fonction (circulatoire, respiratoire, motrice...). • Un traumatisme ombilical orientera vers une lésion de
l’intestin grêle, du mésentère, des gros vaisseaux ou de
Inspection l’épiploon.
• Au niveau du flanc droit, un traumatisme peut léser le rein
L’inspection recherche des points d’impact (ecchymose, droit, la surrénale, le foie, le côlon droit, les voies excrétrices
hématome, plaie...). La constatation d’ecchymoses comme une droites, l’intestin grêle et le duodénopancréas.
marque de ceinture de sécurité au niveau thoracoabdominal • En fosse iliaque gauche, les principaux organes concernés sont
indique un mécanisme de décélération important faisant le côlon sigmoïde et son méso, l’annexe gauche chez la
craindre des lésions internes d’arrachement. En cas de plaie, sa femme et les vaisseaux iliaques gauches.
topographie, son degré de souillure sont notés ainsi que tout • En fosse iliaque droite, ce seront le cæcum, les annexes droites
élément anatomique (épiploon, intestin...), liquide (sang, urine, et les vaisseaux iliaques droits.
matières...) ou gaz (plaie gastrique, colique, diaphragmatique ou • Au niveau hypogastrique, l’organe principalement atteint est la
pulmonaire) éventuellement extériorisé. Une plaie provoquée vessie. Les autres organes potentiellement traumatisés dans
par projectile implique l’exploration de son orifice d’entrée et cette région anatomique sont le rectum, l’utérus et le vagin
fait chercher un orifice de sortie le cas échéant. chez la femme.
Palpation
La palpation, réalisée progressivement, cherche un point
Aspects spécifiques selon le terrain
douloureux, une défense ou une contracture, mais l’examen est
difficile en urgence. La distinction entre une douleur d’origine Femme enceinte
pariétale ou profonde n’est pas évidente. L’atteinte des dernières Un traumatisme survenant chez la femme enceinte entraîne
côtes peut orienter vers un traumatisme thoracique associé, une un risque pour la grossesse. Deux types de complications sont à
lésion splénique à gauche et une lésion hépatique à droite. redouter : celles liées au traumatisme initial, parmi lesquelles
l’interruption de grossesse (au cours des deux premiers trimes-
Percussion tres) et l’hématome rétroplacentaire. L’interruption de grossesse
La percussion peut montrer une matité, signe d’un épanche- peut se manifester immédiatement ou après un délai variable.
ment intrapéritonéal abondant. En revanche, la constatation Les symptômes les plus fréquents sont les métrorragies et les

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Aspects selon le mécanisme


Traumatismes fermés de l’abdomen
Les lésions consécutives à un traumatisme fermé dépendent
du mécanisme lésionnel. Il faut différencier les contusions
directes des lésions liées à un phénomène de décélération.
Lors des contusions directes, il existe le plus souvent une
notion anamnestique ou des signes évocateurs d’un impact
(ecchymose ou hématome). Les chocs basithoraciques peuvent
être responsables de lésions intrathoraciques mais ils se compli-
quent fréquemment d’une lésion du foie à droite ou de la rate
à gauche.
Les lésions de décélération sont torpides, intrapéritonéales,
souvent majeures et multiples. Elles peuvent se situer à tout
endroit dans l’abdomen. Ces lésions sont essentiellement
rencontrées au cours des accidents de la circulation ou des
chutes d’une hauteur élevée.

Plaies de l’abdomen
Les plaies non pénétrantes posent le problème de leur
diagnostic en cas de réaction péritonéale intense. Une explora-
tion laparoscopique permet de confirmer ou d’infirmer le
caractère pénétrant, et permet de réaliser un bilan lésionnel
précis.
Les plaies pénétrantes sont, en pratique civile, essentiellement
le fait d’armes blanches ou d’armes à feu. Elles peuvent être
dangereuses par l’importance de l’hémorragie en cas de lésions
vasculaires. Il n’existe généralement pas de dévitalisation
parenchymateuse sauf en cas d’atteinte pédiculaire d’un organe :
c’est en particulier le cas des plaies lombaires avec section du
pédicule rénal.
En présence d’une plaie par arme à feu, il faut différencier les
atteintes en fonction des projectiles en cause. Pour les projecti-
Figure 2. Fracture hépatique par traumatisme direct par coup de sabot
les classiques, le danger vient essentiellement des atteintes
de cheval.
viscérales multiples.
A. Fracture transfixiante du parenchyme hépatique.
En cas d’atteinte par des projectiles à haute vélocité (armes de
B. La fracture préserve la bifurcation porte, ce qui a permis un traitement
guerre ou certaines armes de chasse), il faut rechercher des
exclusivement conservateur avec des suites simples.
lésions vasculaires ou tissulaires parfois importantes, à distance
du trajet du projectile. Dans les deux cas, il faut s’efforcer de
trouver les points d’entrée et de sortie du projectile. S’il s’agit
contractions utérines. Le risque vital pour le fœtus est d’autant d’un projectile à haute vélocité, voire à fragmentation, il faut
plus grand que la grossesse est avancée. Bien qu’une rupture chercher d’éventuelles lésions d’autres territoires ou régions
utérine soit exceptionnelle, elle peut se rencontrer, associée dans anatomiques. Enfin, le retrait du projectile, s’il peut être
ce cas à une mort fœtale. L’hématome rétroplacentaire est intéressant en particulier en matière criminelle, n’est pas
souvent consécutif à un traumatisme direct sur l’abdomen au impératif s’il nécessite une aggravation des délabrements
cours du troisième trimestre de grossesse. Il se manifeste tissulaires pour son extraction.
cliniquement par une douleur très intense avec contracture
utérine et des signes d’hypovolémie, une diminution ou la Examens complémentaires
disparition des mouvements fœtaux et une accélération du
rythme cardiaque fœtal. C’est une indication de césarienne en Examens biologiques
urgence. L’association à des lésions intrapéritonéales n’est pas
Le bilan biologique initial doit être réalisé le plus rapidement
rare.
possible. Cependant l’absence des résultats ne doit pas retarder
Certaines complications iatrogènes sont également spécifiques un geste chirurgical de sauvetage dans les cas « désespérés ». Un
de la grossesse. En cas de traumatisme abdominal, une irradia- échantillon de sang du blessé est, au mieux, prélevé dès le
tion pour examens complémentaires doit être évitée, sauf s’il ramassage et le transport, avant la perfusion de quantités
existe un risque vital immédiat pour la mère, ou si la région importantes de solutés macromoléculaires.
incriminée est éloignée de l’utérus et que celui-ci peut être
protégé efficacement. Par ailleurs, beaucoup de médicaments Groupe sanguin et anticorps irréguliers
présentent un risque tératogène et l’opportunité de tout geste
invasif doit être envisagée à la lumière des risques encourus par La détermination du groupe et la recherche des anticorps
la mère et l’enfant. irréguliers est fondamentale en vue d’une transfusion sanguine.
Cependant en cas de réelle urgence, si les solutés de remplissage
macromoléculaires ne suffisent pas à maintenir la volémie et
Polytraumatisé l’oxygénation tissulaire du traumatisé, dans l’attente d’un geste
Le cas particulier du polytraumatisé ne sera pas abordé dans d’hémostase en urgence, le centre de transfusion sanguine peut
cet article. En effet, sa prise en charge, la hiérarchisation des délivrer sur prescription médicale (réanimatoire) des concentrés
lésions et leur traitement spécifique doivent faire l’objet d’une globulaires O négatifs. Le sang délivré par la suite sera adapté
prise en charge globale incluant les réanimateurs, les orthopé- en fonction de la détermination post-transfusionnelle du
distes et les neurochirurgiens. groupe, du Rhésus et d’éventuelles agglutinines irrégulières.
La contusion de l’abdomen n’est qu’un élément du polytrau-
matisme : seule l’hémorragie doit alors faire l’objet d’une prise Numération-formule sanguine
en charge en extrême urgence et prime sur toute autre lésion L’hémoglobine et l’hématocrite sont en urgence de mauvais
dès lors que le risque vital est en jeu. reflets d’un choc hémorragique. Une microcytose dans un

Médecine d’urgence 5
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contexte ethnique particulier (pourtour méditerranéen), doit Imagerie des traumatismes abdominaux
faire évoquer une hémoglobinopathie, potentiellement associée
à une augmentation de volume et à une fragilité de la rate. L’imagerie a aujourd’hui une place prépondérante dans la
Après un traumatisme, il existe de manière quasi constante prise en charge précoce des traumatismes de l’abdomen. Elle
une élévation des polynucléaires neutrophiles liée à un phéno- répond à deux objectifs essentiels : détecter et localiser, voire
mène de démargination. En cas de traumatisme abdominal plus traiter par embolisation un saignement, dépister les lésions
ancien, la constatation d’une neutropénie est un élément de viscérales nécessitant une prise en charge chirurgicale.
pronostic très défavorable. Chez un traumatisé abdominal, l’indication des examens
Le taux de plaquettes n’est pas à lui seul un bon reflet de d’imagerie doit toujours être pondérée par l’état général du
l’importance du risque de saignements diffus. Les transfusions patient. La réalisation de ces examens ne se conçoit que chez
massives sont aujourd’hui constituées de concentrés érythrocy- un patient hémodynamiquement stable car leur durée est
taires déleucocytés et déplaquettés. Elles induisent une throm- souvent longue et un retard à l’acte chirurgical ne doit pas être
bocytopénie. Sous la limite de 100 000/mm3 atteinte après justifié par la réalisation d’une imagerie. Lorsque l’état général
6-8 unités de sang, elle nécessite l’administration de 1 à 2 unités du patient le permet, les examens radiologiques sont orientés
de concentrés plaquettaires [18] et de plasma frais congelé. par les données anamnestiques et l’examen clinique du patient.
Il convient de ne pas se focaliser exclusivement sur la région
abdominale.
Hémostase
Même si les examens standards gardent une place dans le
Les perturbations de l’hémostase, classées en coagulopathies cadre de l’urgence (radiographie d’abdomen sans préparation,
de dilution, de consommation et de lyse sont fréquentes chez clichés centrés sur les coupoles diaphragmatiques, radiographie
le traumatisé. [18] Un allongement significatif du temps de thoracique, radiographies osseuses [colonne, bassin et côtes]), il
céphaline (TCA ou TCK) en urgence peut être le témoin d’un faut reconnaître que l’échographie abdominale et la tomoden-
traitement héparinique préalable au traumatisme. Une diminu- sitométrie (TDM) ont considérablement modifié les données du
tion patente du taux de prothrombine (TP < 60 %) ou mieux, problème : la disponibilité de ces examens en urgence est
une élévation de l’international normalized ratio (INR) > 2,5 peut aujourd’hui impérative dans les centres d’accueil d’urgence.
être liée à une prise régulière d’antivitamine K, mais peut
également faire partie d’un trouble majeur de la coagulation Abdomen sans préparation
type coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) qui est un
Il comprend classiquement trois incidences : deux clichés de
facteur péjoratif. Ces deux tests ne permettent qu’une approche
face, debout et couché, et un cliché centré sur les coupoles
de l’hémostase secondaire, et un taux de thrombocytes normal
diaphragmatiques. Si l’état du patient ne permet pas sa vertica-
n’élimine pas un trouble de l’hémostase primaire. Enfin, en cas
lisation, le cliché de face debout peut être remplacé par un
de transfusion massive, supérieure à la moitié de la masse
cliché couché de profil. Le but de ces radiographies est de
sanguine ou d’hypothermie sévère, il faut compenser la
dépister un épanchement gazeux intra- ou rétropéritonéal. La
consommation des facteurs de coagulation par la transfusion de
sensibilité de cet examen est faible : elle permet le diagnostic de
plasma frais et de facteurs stables. Les troubles majeurs de
rupture d’un organe creux dans moins de 50 % des cas (69 %
l’hémostase rencontrés chez des patients opérés en urgence de
pour les ruptures gastriques ou duodénales, mais 30 % pour les
traumatismes abdominaux graves sont en partie à l’origine de
ruptures de l’intestin grêle). Ainsi, l’absence d’épanchement
l’évolution de la chirurgie en plusieurs temps. Ceci permet une
gazeux n’est pas le garant de l’absence de perforation d’un
correction des troubles secondaires aux transfusions et à
organe creux. La présence d’un tel épanchement peut en outre
l’hypothermie dans l’attente d’un geste chirurgical majeur.
signifier l’existence d’un pneumothorax ou d’une rupture
vésicale après sondage. Ces clichés « de débrouillage », permet-
Biochimie
tent la localisation d’un éventuel projectile abdominal et la
L’ionogramme sanguin est souvent normal à l’admission. Il constatation de signes indirects d’épanchement intrapéritonéal
peut ensuite se modifier avec apparition d’une hypokaliémie et (grisaille diffuse, espacement interanse...). Toutefois, en présence
d’une hypernatrémie en cas de troisième secteur intestinal par d’un traumatisme abdominal grave ou d’un polytraumatisme,
iléus réflexe. ces clichés ne seront pas réalisés, remplacés par un examen
Lors d’un traumatisme majeur, on peut observer une hyper- TDM.
kaliémie dans le cadre d’une rhabdomyolyse avec une élévation
concomitante de créatine phosphokinases (CPK) et de la Radiographie thoracique
myoglobine.
La radiographie thoracique, dans le cadre d’un traumatisme
L’élévation précoce de l’urée et de la créatinine sanguine
abdominal, recherche essentiellement une rupture diaphragma-
témoigne d’une insuffisance rénale préexistante, alors que leur
tique et des fractures des dernières côtes. Une rupture diaphrag-
augmentation secondaire signe une insuffisance rénale aiguë,
matique survient dans 1 à 7 % des traumatismes abdominaux
facteur de gravité supplémentaire. Celle-ci est d’étiologie
graves et passe inaperçue dans 66 % des cas. [20] La radiographie
multiple : choc, rhabdomyolyse, iatrogène...
thoracique recherche en outre, un pneumothorax et/ou un
L’interprétation de l’amylasémie et de la lipasémie est difficile
hémothorax, une surélévation des coupoles diaphragmatiques,
en urgence. Bien qu’il n’existe pas de corrélation entre les taux
un corps étranger intrathoracique ou une fracture des arcs
de ces enzymes et une pancréatite aiguë traumatique, des
costaux, notamment inférieurs. Là encore, la valeur de cet
valeurs supérieures à 5 fois la normale dès l’admission doivent
examen est faible par rapport à l’examen TDM
faire évoquer ce diagnostic. Les traumatismes abdominaux sont
thoracoabdominal.
fréquemment associés à une élévation modérée et transitoire de
ces enzymes.
Le dosage des enzymes hépatiques est réalisé afin de détecter
Radiographies osseuses
une hépatopathie préexistante et de servir d’examen de réfé- Elles sont orientées par l’examen clinique. En cas de troubles
rence en cas de traumatisme hépatique. de la conscience, certaines équipes pratiquent systématiquement
La classique recherche d’une hématurie à la bandelette a peu un bilan « complet » du rachis, du bassin et des membres. Dans
d’intérêt dans ce contexte car les lésions urologiques graves se le cas des traumatismes de l’abdomen, ces radiographies
manifestent soit par une hématurie macroscopique, soit par une recherchent des traumatismes costaux bas, de la colonne ou du
anurie. Une hématurie microscopique est présente dans la bassin. Elles peuvent révéler ou confirmer la gravité du trauma-
plupart des traumatismes abdominaux, sans pour autant signer tisme. La topographie des lésions peut parfois orienter vers une
une atteinte urologique significative. lésion abdominale : le foie ou la rate atteints par des fractures
Le dosage d’autres marqueurs, en particulier les marqueurs de des dernières côtes respectivement à droite et à gauche ; des
l’inflammation tissulaire (interleukine IL6, IL8...) n’ont pas fait lésions de la moelle épinière, des lésions nerveuses ou des
la preuve de leur intérêt en urgence. [19] fractures rénales parfois liées à des fractures des dernières

6 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

vertèbres dorsales ou des premières vertèbres lombaires. Enfin, La qualité et la rapidité de réalisation de l’examen TDM,
la vessie ou l’urètre postérieur peuvent être lésés par une lorsqu’il est réalisé sur des machines modernes et performantes,
fracture ou disjonction pubienne. en ont fait l’examen de référence. Il doit être systématique, et
au moindre doute « corps entier ». Un examen TDM doit être
Échographie abdominopelvienne réalisé systématiquement chez des patients admis pour poly-
C’est actuellement l’examen de première ligne après l’examen traumatisme, et être en particulier centré sur la région céphali-
clinique. Elle est recommandée dans l’examen initial de tout que. Il permet de détecter jusqu’à 38 % de lésions non
traumatisé abdominal, en particulier lors de traumatisme fermé. suspectées initialement et modifie l’attitude de la prise en
L’échographie est non invasive, ne nécessite aucune préparation charge dans 25 % des cas. [27] Cet examen est moins opérateur-
ni injection et peut être réalisée au lit du blessé alors que les dépendant que l’échographie et offre une représentation des
premiers soins sont apportés au patient. Sa sensibilité pour la images interprétable par un médecin qui n’a pas réalisé lui-
décision d’une intervention est de 88 à 93 % et sa spécificité de même l’examen. Il permet de visualiser la cavité péritonéale et
90 à 99 %. [21, 22] les espaces anatomiques contigus (thorax, rétropéritoine, paroi,
Les limites de cet examen en urgence sont liées au matériel petit bassin et pelvis).
disponible ou accessible en urgence, dont la qualité n’est pas Cet examen est plus performant que l’échographie pour la
toujours optimale, à l’opérateur souvent peu aguerri à la recherche d’un pneumopéritoine, d’un hématome intramural
réalisation d’examens en conditions difficiles, en urgence chez d’une portion du tube digestif, d’une lésion pancréatique, de
des malades parfois agités, et enfin au malade lui-même : certaines lésions vasculaires.
hémopéritoine, iléus réflexe, emphysème sous-cutané et obésité La TDM peut toutefois être prise en défaut pour le diagnostic
peuvent gêner la réalisation et l’interprétation de l’examen. De de certaines lésions duodénopancréatiques et grêles. Si la
plus, pour des raisons de densité tissulaire, certaines lésions spécificité et la sensibilité de cet examen, quels que soient
« hémorragiques » peuvent être difficiles à déceler au cours l’opérateur et la machine, n’atteignent jamais 100 %, une TDM
d’une échographie réalisée précocement après le traumatisme « normale » constitue un argument important en faveur de
(jusqu’à la 24e heure). Le rôle essentiel de cet examen est la l’absence de lésion significative.
recherche d’un épanchement intrapéritonéal dont l’origine est
d’abord hémorragique. De petite abondance, cet épanchement Imagerie par résonance magnétique (IRM)
est le plus souvent retrouvé dans les zones déclives (cul-de-sac La réalisation de cet examen ne fait pas partie de l’arsenal
de Douglas, récessus de Morrison, gouttières pariétocoliques), [23] conventionnel utilisé en urgence devant un traumatisme
mais il peut également se concentrer autour des organes lésés. abdominal. Son bénéfice par rapport à l’examen TDM est faible.
Toutefois, la localisation de l’épanchement à l’échographie n’a Sa principale indication est la recherche d’une rupture
pas valeur d’orientation topographique. L’échographie participe diaphragmatique lorsque la radiographie thoracique est équivo-
également à l’inventaire des lésions parenchymateuses : lésion que. Il permet alors de mettre en évidence la poche et le
hépatique, splénique ou rénale. Le bloc duodénopancréatique contenu herniaire. L’IRM sera, en revanche, un examen de
(hématome sous-capsulaire, hématome interne, contusion, seconde intention en cas de doute concernant des lésions
rupture) et le mésentère sont mal explorés. Les lésions d’organes viscérales ou vasculaires.
creux tels que la vésicule biliaire, le duodénum, l’intestin grêle
ou le côlon sont imparfaitement décelées : [24] l’échographie ne Artériographie
détecte pas de façon fiable le pneumopéritoine. L’échographie Si son rôle diagnostique exclusif tend à diminuer, l’artério-
couplée au doppler, pulsé et/ou couleur, permet un examen graphie prend aujourd’hui une place de plus en plus importante
vasculaire de qualité, en particulier à la recherche de lésions dans le cadre de l’urgence en raison de son potentiel thérapeu-
vasculaires rénales et mésentériques. tique. Les progrès de la radiologie interventionnelle ainsi que la
Outre son intérêt immédiat (dont la fiabilité doit toujours disponibilité du matériel et des opérateurs dans les centres
être relativisée en fonction de l’état clinique du blessé et de d’accueil des urgences ont permis de multiplier les indications
l’expérience de l’opérateur), l’échographie a un intérêt indénia- de cette technique. Les injections artérielles sélectives sont de
ble dans le suivi évolutif. Cependant, une échographie réalisée plus en plus réalisées, parfois afin d’établir un diagnostic précis,
très précocement, même par un opérateur entraîné, peut être complétées par des embolisations sélectives afin d’obtenir une
prise en défaut et il faut savoir répéter l’examen à distance, stabilité tensionnelle avant un geste chirurgical. Comme
voire réaliser une TDM rapidement s’il existe une discordance exemples, on citera des embolisations spléniques dans un but
entre la clinique et l’imagerie. de conservation d’une rate traumatique avec 88 % de succès, [5]
hépatiques et mésentériques dans un but hémostatique.
Tomodensitométrie abdominopelvienne Dans certains cas, l’embolisation est volontairement à
La TDM abdominopelvienne est aujourd’hui la méthode l’origine d’une ischémie (intestinale par exemple), mais elle
d’imagerie de choix pour l’exploration de l’abdomen en contrôle une hémorragie aiguë et permet d’obtenir une stabili-
urgence. [25] Elle est utilisée aussi bien pour les abdomens aigus sation hémodynamique du patient afin de le réanimer et de
non pénétrants que pour certains traumatismes ouverts, et compléter le bilan lésionnel avant d’intervenir dans des condi-
détecte la plupart des lésions intra- et extrapéritonéales. tions idéales.
L’exploration, si possible réalisée sans et avec injection de La mise en place de prothèses expansives endovasculaires
produit de contraste intraveineux (en l’absence d’insuffisance (stents) pour ponter une rupture artérielle [2] est une voie en
rénale, d’allergie et de la prise de certains antidiabétiques oraux) cours d’évaluation. Le traitement conservateur d’une lésion
couvre toute la cavité abdominale, des coupoles au pelvis. Ainsi, hépatique grave avec embolisation artérielle et stent en regard
la perfusion des organes peut être contrôlée et l’excrétion rénale d’une plaie de la veine cave ont également été réalisés avec
est objectivée par un urogramme. L’administration d’un produit succès.
de contraste hydrosoluble dilué à 1-2,5 % est réalisée par
ingestion ou par une sonde nasogastrique en cas de patient Autres examens
comateux ou non coopérant, alors après intubation trachéale : En fonction du contexte clinique, d’autres examens peuvent
elle facilite l’interprétation des clichés et peut identifier un être exceptionnellement demandés. Le bilan urologique com-
hématome ou retrouver une brèche touchant l’estomac, le prend parfois une urographie intraveineuse (UIV) ou une
duodénum ou l’intestin grêle. [26] Un lavement rectal opaque cystographie rétrograde selon la localisation du traumatisme. Il
recherche une éventuelle plaie du rectum ou du côlon gauche. s’agit alors d’examens de seconde intention envisageables chez
Enfin, un remplissage vésical par un produit de contraste dilué des patients hémodynamiquement stables.
à 2 % permet de préciser le siège, sous- ou intrapéritonéal d’une Les examens endoscopiques n’ont que peu de place dans le
rupture vésicale. La réalisation de coupes avec une « fenêtre bilan lésionnel des traumatismes de l’abdomen. On citera de
osseuse » permet un bilan lésionnel de la colonne vertébrale rares indications comme une opacification rétrograde du
dans le même temps. Wirsung à la recherche d’une rupture canalaire (Fig. 3).

Médecine d’urgence 7
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

apportent le plus souvent un nombre d’informations supérieur


à la PLP. Cependant, en l’absence de plateau technique adéquat
ou disponible, la PLP reste un examen relativement performant
en urgence pour les traumatismes abdominaux. Elle garde alors,
dans ce contexte de dénuement clinique, la valeur qu’elle avait
à son origine.
La PLP se pratique chez un blessé en décubitus dorsal dont la
vessie a été si possible préalablement vidée. Sous anesthésie
locale, une courte incision médiane sous-ombilicale est prati-
quée de manière aseptique.
Une extravasation sanguine signe immédiatement une lésion
vasculaire abdominale grave imposant une exploration chirur-
gicale. Sinon, un cathéter est introduit dans la cavité péritonéale
et dirigé vers le cul-de-sac de Douglas ; 500 à 1 000 ml de sérum
physiologique ou de solution de Ringer sont perfusés. Ce liquide
est ensuite recueilli par simple déclivité. Un minimum de
500 ml de liquide est nécessaire pour le comptage des globules
rouges et blancs. En cas d’épanchement abdominal, du liquide
est recueilli avant instillation. Les critères de positivité de la PLP
ont été définis en 1970 et sont toujours d’actualité : [28, 29]
aspiration initiale de plus de 5 ml de sang, compte de globules
rouges supérieur à 100 000/mm3, compte de globules blancs
supérieur à 500/mm 3 , présence d’autres produits (matières
fécales, germes ou pus, bile, urine...). L’opérateur peut ainsi
évaluer l’existence d’une complication. Des prélèvements
peuvent également être réalisés pour dosage de l’amylase ou
examen bactériologique. Bien réalisée, la PLP a une sensibilité
de 90 à 99 % et une spécificité supérieure à 85 %. [21, 30, 31] Ses
complications propres sont exceptionnelles.
Le risque de faux positif est important en cas d’hématome
sous-péritonéal ou de fracture du bassin. [32] Le principal
reproche de la technique est de ne donner aucune information
sur l’organe lésé et le volume de l’hémopéritoine. Elle entraîne
donc un nombre non négligeable de laparotomies inutiles,
d’autant que le traitement conservateur des lésions hépatiques
et spléniques, souvent à l’origine de l’hémopéritoine, est de plus
en plus souvent proposé. Elle détecte rapidement les hémorra-
gies, mais doit être répétée car une lésion d’organe creux peut
se traduire par une infection péritonéale après un délai de
quelques heures. Trois à cinq heures sont nécessaires pour
qu’une élévation significative des leucocytes permette de
suspecter une plaie d’organe creux.
L’utilisation de la PLP dépend donc de l’environnement
médical et technique. On lui préférera dans la majorité des cas
un examen ultrasonographique, rapidement complété par un
examen TDM ou une laparoscopie exploratrice en cas de doute.

Cœlioscopie diagnostique exclusive


La cœlioscopie diagnostique ne doit pas se substituer aux
examens d’imagerie habituels. Elle implique un acte chirurgical
susceptible de faire décompenser un patient pouvant bénéficier
du traitement conservateur de ses lésions. Toutefois, en cas de
doute, elle permet une exploration complète de la cavité
péritonéale, à la recherche de lésions viscérales ou parenchyma-
teuses. Dans certains centres, elle est proposée au lit du patient
en réanimation. Cela ne correspond pas à la pratique euro-
Figure 3. Fracture du pancréas par choc direct de l’abdomen sur le péenne pour laquelle elle est réservée au bloc opératoire. Sa
guidon d’un deux-roues. meilleure indication réside dans l’exploration des plaies par
A. Visualisation de l’isthme du pancréas fracturé au niveau de la tête. arme blanche.
B. Visualisation de la fracture de l’isthme du pancréas.
C. Mise en évidence d’une rupture complète du canal de Wirsung avec
extravasation lors d’une cholangiowirsungographie rétrograde. ■ Intervention chirurgicale
La solution de l’exploration chirurgicale de tout patient
traumatisé de l’abdomen présentant un syndrome abdominal
Ponction-lavage du péritoine (PLP)
douloureux et un choc hypovolémique est une règle encore
La pratique de la PLP est actuellement remise en cause dans souvent rencontrée. Toutefois, le « triage » de ces patients,
de nombreux centres. [21] L’intérêt de cet examen est diverse- effectué à la lumière du premier bilan clinique et d’imagerie, est
ment apprécié en fonction des équipes car il est grandement de plus en plus fréquent, tant pour des raisons de coûts que
dépendant du plateau technique disponible en urgence et de pour éviter les complications liées à des laparotomies inuti-
l’habitude des équipes. [17] Depuis l’avènement de l’échographie les. [33] Enfin, dans certains centres, le nombre de patients
et du scanner, les équipes bénéficiant en urgence du matériel et présentant un traumatisme abdominal ne permettrait pas de les
du concours de radiologues entraînés ont peu recours à la PLP : explorer chirurgicalement d’une façon systématique. Pour ces
les renseignements fournis par ces deux examens d’imagerie raisons, la fréquence des interventions chirurgicales pour

8 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

traumatisme abdominal diminue ces dernières années et imagerie éventuellement « interventionnelle » (scanner, artério-
l’évolution se fait vers une attitude conservatrice. Bien entendu, graphie) de ceux nécessitant une laparotomie d’emblée. Dans ce
la chirurgie en urgence reste la règle chez le traumatisé abdo- cas, il n’y a pas de place pour la laparoscopie.
minal dont l’hémodynamique est instable malgré une réanima-
tion bien menée, ou en cas de lésion évidente d’organe creux. Péritonite
Enfin, le problème se pose différemment selon qu’il s’agit d’une Dans le cadre d’un traumatisme abdominal, en l’absence
contusion abdominale ou d’une plaie abdominale. Il y a encore d’hémorragie évidente et de contexte ascitique, tout épanche-
peu de temps, face à une plaie pénétrante abdominale, le ment intrapéritonéal abondant doit faire suspecter une perfora-
« dogme » était celui de l’exploration chirurgicale systématique. tion d’organe creux. Le diagnostic est évident si un pneumo-
Cette attitude, considérée comme classique pour de nombreuses péritoine est associé, mais plus difficile si le patient présente des
équipes européennes, tend à être battue en brèche par la signes cliniques de péritonite (défense généralisée ou contrac-
pratique des trauma-centers américains. Ces équipes intervenant ture abdominale). Dans ce contexte, il est possible de retarder
en urgence ont une attitude de moins en moins intervention- quelque peu la chirurgie afin de conditionner le blessé en vue
niste et bénéficient en particulier de l’amélioration de l’image- de l’intervention : réanimation hydroélectrolytique, aspiration
rie. Leurs résultats sont satisfaisants en termes de mortalité et de gastrique, sondage vésical, administration d’antibiotiques.
morbidité. [33-35] En effet, 10 % des plaies pénétrantes de
l’abdomen ne s’accompagnent d’aucune lésion viscérale. Dans Plaies avec extériorisation
certains cas, le résultat du traitement chirurgical en urgence de
certaines lésions n’apporte pas de bénéfice significatif. Une plaie Qu’il s’agisse d’une éviscération (épiploon, intestin grêle...) ou
hépatique isolée est au mieux traitée dans un premier temps de de l’extériorisation de liquide digestif, l’indication opératoire est
façon conservatoire. formelle. Comme dans le cas précédent, un court délai peut être
La décision opératoire sera prise après avis de tous les mis à profit pour le conditionnement optimal du blessé.
membres de l’équipe intervenante : le réanimateur, le chirurgien
et le radiologue. Cependant, le chirurgien reste seul juge de Indications opératoires relatives
l’attitude pratique à adopter qui dépend de son expérience et
La notion de relativité dans l’indication opératoire est plus le
des moyens techniques à sa disposition.
fait de l’évolution des tendances dans la prise en charge des
L’exploration locale de l’orifice de pénétration et du trajet
traumatismes abdominaux que de la pathologie rencontrée.
d’une plaie abdominale est impérative. La laparotomie explora-
Cette évolution est liée à la moindre agressivité recherchée dans
trice n’est plus systématiquement réalisée et la laparoscopie peut
tous les domaines de la chirurgie. Elle dépend de l’équipe
aujourd’hui en être une alternative. [8] En fait, de plus en plus
médicochirurgicale qui accueille le patient. Un chirurgien
de lésions sont l’objet d’une « surveillance chirurgicale armée »,
exerçant seul dans un centre où les moyens disponibles sont
au besoin en réanimation. C’est le cas pour certaines lésions
limités sera amené à avoir une conduite plus agressive et
hépatiques, spléniques, rénales, pancréatiques ou certains
réalisera une laparotomie exploratrice chez un patient dont
hématomes, et ce d’autant plus qu’ils sont rétropéritonéaux. En
l’examen n’élimine pas de façon formelle une lésion viscérale.
cas de contusion abdominale, il faut savoir ne pas passer à côté
Il ne peut se permettre une surveillance rapprochée qui se
d’une indication chirurgicale. Les moyens diagnostiques actuels
prolongera éventuellement plusieurs jours. À l’inverse, un centre
d’imagerie permettent une bonne évaluation lésionnelle et
disposant de plusieurs équipes à même de prendre en charge un
évitent le recours à l’exploration chirurgicale de principe.
traumatisé pourra voir plusieurs membres de chaque spécialité
En pratique, dans la plupart des centres européens, les
(anesthésiste-réanimateur, chirurgien, radiologue) se relayer et
indications de laparotomie exploratrice en urgence restent de
assurer un suivi attentif du patient.
mise en cas de doute diagnostique, et le taux de laparotomie
Ainsi, une plaie potentiellement non pénétrante pourra faire
exploratrice « blanche » (laparotomie ne révélant aucune lésion
l’objet d’une surveillance rigoureuse avec examen clinique et
abdominale) avoisine les 30 %.
radiologique répété. Un épanchement intrapéritonéal de faible
abondance et/ou de nature indéterminée, une lésion rétropéri-
Indications opératoires formelles tonéale, certaines lésions d’organes pleins, une incertitude
diagnostique associée à un « abdomen chirurgical » pourront
parfois être surveillés en milieu de soins intensifs.

Laparoscopie
“ Points forts La laparoscopie exploratrice de l’abdomen est réalisée depuis
plusieurs décennies, [36, 37] même au lit du patient traumatisé
• Choc hypovolémique ou persistance d’un état dans certains cas, [38] et son intérêt en urgence pour une équipe
hémodynamique instable. entraînée est certain. Cependant, il faut attendre le développe-
• Péritonite. ment de la chirurgie laparoscopique viscérale et son évolution
• Plaie avec extériorisation du contenu abdominal. technologique (caméras tri-CCD, lumières froides, instrumenta-
tion) pour voir la laparoscopie d’urgence prendre son essor.
Depuis 1992, de nombreuses équipes font état de leur expé-
rience tant pour l’exploration [39] et le triage [40] que le traite-
ment des traumatismes abdominaux en urgence : plaies par
Choc hypovolémique
arme blanche [8] ou par arme à feu, [31] lésions spléniques [41] ou
Un choc hypovolémique ou la persistance d’un état hémody- diaphragmatiques. [42]
namique instable chez un patient ayant subi un traumatisme Cette nouvelle approche n’est pas encore consensuelle, mais
abdominal et qui est correctement réanimé, en dehors d’une elle est inéluctable et doit aujourd’hui faire partie des gestes
autre cause de spoliation sanguine, doit inciter à une interven- envisagés dans la prise en charge des traumatismes abdominaux.
tion chirurgicale en urgence. Dans ce cas précis, les examens La laparoscopie doit être considérée comme un moyen et non
complémentaires sont le plus souvent synonymes de perte de comme une fin en soi. Il faut cependant reconnaître qu’une
temps et donc de chance pour le patient. Seul un inventaire exploration abdominale laparoscopique dans le but de juger du
lésionnel extra-abdominal rapide, thoracique et neurologique, caractère pénétrant ou non d’une plaie est moins agressive
éliminera une autre étiologie au choc chez le polytraumatisé. qu’une laparotomie. Pour les équipes les plus entraînées à cette
L’exploration consistera en une laparotomie permettant l’explo- chirurgie laparoscopique, disposant de matériel de qualité pour
ration de toute la cavité péritonéale à la recherche d’une lésion la pratique de l’urgence, certains gestes thérapeutiques peuvent
qui est le plus souvent parenchymateuse ou vasculaire. La être réalisés : suture de plaie viscérale, splénectomie ou mise en
difficulté consiste à trier les patients devant bénéficier d’une place de filet périsplénique, hémostase, toilette péritonéale. [8, 41]

Médecine d’urgence 9
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

Les contre-indications de laparoscopie exploratrice sont potentielle des lésions. Dans le même ordre d’idées, les lésions
aujourd’hui bien cernées : ce sont tout d’abord l’instabilité multiples (crâne, rachis, membres...) et/ou les lésions des régions
hémodynamique ou le choc cardiocirculatoire. En effet, l’hyper- anatomiques voisines (thorax, périnée, rétropéritoine...) doivent
pression intra-abdominale diminue le retour veineux central en être systématiquement recherchées. Certains auteurs proposent
augmentant les résistances périphériques, et fait chuter l’index des critères d’alerte traumatique orientant vers un traitement
cardiaque. [43] Ensuite, les troubles de l’hémostase non corrigés, chirurgical (Tableau 1). [30]
l’hypertension intracrânienne ou la présence d’une valve de Il est plus difficile de poser une « bonne » indication chirurgi-
Leveen sont les plus classiques. Un trouble de conscience non cale, que de décider de la voie d’abord (laparotomie médiane ou
étiqueté ou la suspicion d’un hématome intracérébral seront autre, laparoscopie). Ce point technique dépendant de l’expé-
également considérés comme des contre-indications. Toutefois, le rience de l’opérateur et de ses habitudes sera envisagé organe par
contexte de l’urgence en lui-même n’est pas une contre-indication. organe. Lors de l’exploration chirurgicale de la cavité péritonéale,
Les indications opératoires de la laparoscopie recouvrent tous une méthodologie doit être respectée : la priorité est le contrôle
les champs d’application de la chirurgie exploratrice devant un d’une hémorragie, puis un examen visuel systématique de tous les
traumatisme. Ainsi, elle évaluera l’étiologie et la gravité d’un organes est réalisé en y associant la palpation et en se méfiant
hémopéritoine, recherchera l’origine d’un syndrome septique et d’une lésion de la « face cachée » difficile à mettre en évidence.
jugera de la nécessité d’un geste opératoire complémentaire. En Enfin tout liquide intrapéritonéal anormal sera prélevé pour
cas de doute lors de l’exploration par laparoscopie sur une examen microbiologique afin de permettre une étude bactério-
lésion ou un organe, ou en cas d’impossibilité d’explorer de logique et mycologique (Candida et levures souvent présents
façon satisfaisante une partie de la cavité abdominale en raison dans les lésions du tube digestif).
de l’hématome ou de l’occlusion réflexe, la démarche diagnos- Les grands principes de traitement des lésions viscérales, rappelés
tique doit être poursuivie jusqu’à son terme et une conversion organe par organe, n’ont pas pour but de préciser le détail du bilan
en laparotomie est de mise. et du traitement de chaque lésion rencontrée. Notre intention est
Les limites de la technique peuvent être liées au matériel. de rappeler les grandes lignes de leur prise en charge en tenant
Pour permettre une exploration de bonne qualité, un matériel compte de l’évolution récente des lignes de conduite.
adéquat est requis : caméra tri-CCD, seule à même de faire la
distinction entre des couleurs proches (intestin viable ou Lésions vasculaires
nécrosé, aspect de caillots), lumière de forte puissance pour Les plaies des mésos (mésentère, mésocôlon et mésorectum)
pallier la perte de lumière liée à la présence de sang dans le doivent être recherchées systématiquement. Certaines dilacéra-
champ opératoire (par absorption et non-réflexion de l’onde tions ou plaies avec arrachement vasculaire peuvent nécessiter
lumineuse par l’hème de l’hémoglobine) et optiques de bonne des résections intestinales, coliques ou grêles étendues.
qualité. Le personnel médical doit également avoir une bonne Les atteintes des vaisseaux pelviens provoquent le plus
expérience de cette chirurgie qui nécessite une parfaite collabo- souvent un hématome rétropéritonéal qui, en l’absence de
ration entre le chirurgien et l’anesthésiste. Dans ces conditions, signes hémodynamiques alarmants, doit être traité par sur-
la laparoscopie apporte un bénéfice certain au patient en veillance simple. Si toutefois un geste s’avère nécessaire, il faut
limitant les conséquences pariétales et souvent les complications préférer une embolisation sous contrôle angiographique, lorsque
respiratoires ou septiques d’une laparotomie inutile. cela est possible, à une hémostase par abord chirurgical direct
dont la morbimortalité n’est pas négligeable.
Minilaparotomie Les plaies de l’aorte ou de ses collatérales nécessitent un
clampage en urgence, plus rarement la mise en place d’une
La minilaparotomie représente l’alternative entre l’exploration sonde à ballonnet occlusive. [10] Les plaies de la veine cave ou
par une laparotomie classique et la laparoscopie. Elle n’est plus de ses branches, comme toutes les plaies veineuses, sont de
de mise si cette dernière peut être réalisée. Elle est souvent réparation difficile. Une compression hémostatique doit être
complémentaire de la PLP en permettant une exploration réalisée en urgence. La réparation de ces gros troncs, d’indica-
restreinte de la cavité abdominale mais elle est un geste tion et de réalisation compliquées, doit être confiée à un
chirurgical à part entière. La minilaparotomie n’est pas indiquée chirurgien entraîné à ce type de chirurgie. Leur pronostic est
si le patient présente des signes imposant une exploration gravissime, associé à une lourde mortalité.
abdominale : celle-ci doit être de bonne qualité et complète, par
laparoscopie ou par laparotomie. Un examen négatif risquerait Lésions de la rate
de faussement rassurer l’équipe médicochirurgicale et de La prise en charge des traumatismes spléniques a considérable-
retarder la prise en charge d’une lésion majeure. ment évolué ces dernières années. Le dogme de la résection
splénique systématique devant un traumatisme a évolué et les
Laparotomie conservations, avec ou sans mise en place de filet, les résections
partielles et les embolisations font partie des choix thérapeutiques
La laparotomie par voie médiane est préférable en urgence à la disposition des opérateurs. Ici encore, l’habitude et la disponi-
aux autres voies d’abord. L’incision est orientée par le diagnostic bilité des équipes sont des éléments importants de ce choix.
lésionnel préopératoire. En cas d’exploration systématique, Du fait d’infections potentiellement mortelles après splénec-
l’incision est périombilicale, sur environ 10 cm. Elle permet une tomie, les indications d’un geste radical ont été revues à la
exploration systématique de l’ensemble de la cavité abdominale. baisse, tout particulièrement chez l’enfant. Avant l’âge de 4 ans,
Elle pourra être élargie vers le haut ou vers le bas selon les le risque d’infection gravissime est tel qu’une splénectomie ne
résultats de l’exploration, ou vers le thorax en cas de nécessité. doit être envisagée qu’en dernier recours. Le traitement est bien
Elle permet le traitement des lésions rencontrées et de lésions entendu conditionné par la gravité des lésions et l’état général
associées méconnues en préopératoire. du patient. Les traumatismes spléniques peuvent être classés en
Elle est indiquée de première intention, avant tout examen fonction de leur lésion anatomique ou échographique. [44] Le
complémentaire risquant de retarder la chirurgie en cas de geste chirurgical dépend de la clinique. Des tableaux de gravité
syndrome hémorragique persistant malgré une réanimation bien variable peuvent être rencontrés : ce seront une vague gêne, une
conduite. L’état hémodynamique du blessé est donc le premier douleur de l’hypocondre gauche ou une douleur irradiant à
argument de décision du geste chirurgical. Une laparotomie est l’épaule homolatérale. Un état de choc d’emblée, ou des signes
indiquée en cas de positivité de la PLP ou d’échec ou d’insuffi- généraux apparaissant de manière retardée après un intervalle
sance de la laparoscopie. libre de quelques heures ou quelques jours, signent générale-
ment la rupture d’un hématome sous-capsulaire. En cas
Principes du traitement chirurgical d’hémopéritoine massif avec collapsus cardiovasculaire, véritable
urgence vitale, il y a souvent une nécessité de splénectomie
Le premier principe de prise en charge d’un traumatisé d’hémostase. La voie d’abord la plus classique reste l’incision
abdominal est avant tout de ne pas sous-estimer la gravité abdominale médiane plutôt sus-ombilicale. Certaines équipes

10 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

préfèrent la voie sous-costale qui, si elle n’est réalisée que sur la Tableau 2.
Classification des lésions hépatiques. [46]
partie gauche de l’abdomen, expose à une difficulté majeure
pour l’exploration et le traitement d’éventuelles lésions asso- Grade I Hématome sous-capsulaire non expansif, inférieur à 10 %
ciées. Devant un tableau d’hémopéritoine nécessitant une de la surface
transfusion sanguine, l’abstention chirurgicale n’est pas appro-
Fracture capsulaire, non hémorragique, < 1 cm de profon-
priée. Différentes options sont possibles. Si le patient est stable
deur
hémodynamiquement, une laparoscopie peut être envisagée. Les
Grade II Hématome sous-capsulaire non expansif, 10 à 50 %
options thérapeutiques dépendent des lésions observées, de
de la surface
l’expérience et des habitudes des équipes : simple décaillotage,
avec ou sans drainage, filets résorbables périspléniques, spléno- Hématome profond, non expansif, < 2 cm de diamètre
raphies, produits hémostatiques locaux (collagènes, celluloses) et Fracture capsulaire hémorragique
colles biologiques ou splénectomie, totale ou partielle. Fracture parenchymateuse < 10 cm de longueur
Un traitement conservateur est actuellement possible dans Fracture parenchymateuse de 1 à 3 cm de profondeur
plus de 50 % des cas avec un faible taux de récidive hémorra- Grade III Hématome sous-capsulaire > 50 % de la surface
gique (2 % pour Feliciano et al.). [45] En cas de contusion simple Hématome sous-capsulaire rompu hémorragique
et d’hémopéritoine ne nécessitant pas de transfusion, l’attitude
Hématome sous-capsulaire expansif
actuelle est la surveillance « armée » et constante, en milieu
Hématome intraparenchymateux, expansif ou > 2 cm
chirurgical ou de réanimation (unité de soins intensifs). Cette
w de diamètre
surveillance est classiquement d’une durée de 21 jours.
Les critères de contre-indication du geste chirurgical différé Fracture parenchymateuse > 3 cm de profondeur
sont : Grade IV Hématome intraparenchymateux hémorragique
• patient hémodynamiquement instable (pression artérielle Fracture parenchymateuse de 25 à 50 % unilobaire
systolique < 90 mmHg, pouls > 110/min) après remplissage Grade V Fracture parenchymateuse > 50 % uni- ou bilobaire
vasculaire > 2 l ; Lésion veineuse cave ou sus-hépatique
• âge supérieur à 55 ans ; Grade VI Avulsion hépatique
• traumatisme crânien associé (sauf enfant de moins de
15 ans) ;
• importance des lésions à l’examen ultrasonographique [44] ou
TDM ;
• apparition de signes péritonéaux (lésions associées) ;
• chute du taux d’hémoglobine nécessitant une transfusion
sanguine.
La présence ou l’apparition de l’un de ces éléments conduit
le plus souvent à une option chirurgicale.
Le risque de rupture splénique en deux temps doit rester à
l’esprit : il n’est pas négligeable, 1 à 20 % selon les séries, et
responsable d’une importante mortalité (5 à 15 %).
Les suites opératoires après splénectomie totale nécessitent
une surveillance de la numération plaquettaire qui s’élève
classiquement dans les 10 jours suivant l’intervention, pouvant
dépasser 800 000 à 1 million d’éléments/mm3, et imposant,
pour certains, un traitement antiagrégant. Le risque d’infection
postopératoire précoce et tardif, essentiellement à pneumoco-
que, justifie une vaccination antipneumococcique et, chez
l’enfant, une antibioprophylaxie.

Lésions du foie
Les traumatismes hépatiques restent graves, bien que leur Figure 4. Diagnostic scanographique d’une plaie pénétrante du foie
pronostic se soit largement amélioré. Leur traitement est par arme blanche. L’imagerie confirme le trajet intrahépatique exclusif de
aujourd’hui dans la majorité des cas conservateur. La classifica- la plaie et a permis un traitement conservateur.
tion de Moore [46] permet de décrire les différents types de
lésions (Tableau 2). Les hématomes sous-capsulaires du foie
nécessitent exceptionnellement une intervention chirurgicale. Il
s’agit d’un tamponnement périhépatique (et non intrahépati-
en est de même des hémopéritoines chez un patient hémody-
que) qui permet de contrôler la grande majorité des hémorragies
namiquement stable (Fig. 4).
d’origine hépatique en tassant autour du foie des champs
Cette notion de stabilité hémodynamique est le principal
abdominaux et/ou de grandes compresses. Ceci comprime le
argument permettant de surseoir à un abord chirurgical en cas
de lésion hépatique. Lorsque ces lésions sont de découverte foie en haut et en arrière, permettant ainsi une hémostase
peropératoire, il n’y a pas de traitement codifié : [47] l’évolution transitoire des plaies. La fermeture abdominale se fait champs
de la prise en charge tend à limiter les gestes à effectuer en en place et le patient est réanimé. Une artériographie et un
urgence. Aucun geste doit être réalisé en présence d’une lésion geste endovasculaire (embolisation ou stent vasculaire) permet-
qui ne saigne plus, les éraillures et petites fractures du paren- tent un contrôle des lésions hémorragiques. [2] Une seconde
chyme hépatique sont traitées par électrocoagulation, tampon- intervention est réalisée de manière semi-réglée entre la 24e et
nement, colles biologiques... la 72e heure afin d’ôter ces champs et de réaliser un geste
Les sutures, traumatiques, sont évitées. Les résections hépati- d’hémostase complémentaire si cela s’avère nécessaire. Ce
ques à la demande sont exceptionnelles, réservées aux trauma- principe de chirurgie « de guerre » a permis de modifier consi-
tismes majeurs et associées à une mortalité importante. dérablement le pronostic des traumatismes graves du foie. Il a
Dans les faits, il n’existe pratiquement aucune indication de l’avantage d’être rapide, de limiter les risques d’hypothermie et
résection hépatique anatomique dans le cadre de l’urgence du les conséquences de l’enchaînement transfusion-hypothermie-
fait de la très lourde morbidité et mortalité dans ce contexte. De acidose-troubles de l’hémostase rapidement à l’origine de
la même façon, la réalisation de gros points de rapprochement complications vitales chez ces patients. Un geste chirurgical a
hépatiques, source d’hématome et d’infection, ne doit plus être minima permet en outre le transfert du patient, si besoin, vers
faite. On lui préfère, en urgence, le « packing hépatique ». [48] Il un centre spécialisé.

Médecine d’urgence 11
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

Tableau 3. Tableau 4.
Classification des lésions pancréatiques. Classification des lésions rénales.
Classe I Contusion - Lacération périphérique Type I Contusions mineures
Canal de Wirsung indemne Type II Contusions et plaies sans atteinte de l’arbre excréteur
Classe II Lacération distale, du corps ou de la queue - rupture Type III Plaies importantes et/ou fragmentation, avec ou sans extravasa-
du parenchyme - Suspicion de section du canal de tion urinaire
Wirsung Type IV Atteinte du pédicule rénal
-Pas de lésion duodénale associée
Classe III Lacération proximale, de la tête - Transsection
de la glande - Rupture du parenchyme - Suspicion
de section du canal de Wirsung - Pas de lésion duodé-
La seule indication chirurgicale urgente concerne l’atteinte du
nale associée pédicule rénal. Il peut s’agir d’une rupture ou d’une thrombose
artérielle. Le diagnostic est scanographique, avec injection, ou
Classe IV Rupture combinée grave duodénopancréatique
artériographique. Le pronostic pour le rein est grave et la
D’après Lucas. [49] L’existence d’une ou de plusieurs des atteintes citées dans ce néphrectomie en urgence souvent requise. Une thrombose
tableau implique la classification des lésions dans la classe correspondante. La
bilatérale entraîne le plus souvent la perte des reins. [53]
classification intègre les lésions duodénales associées car leur réparation sera
concomitante à celle du pancréas.
Lésions des organes creux
Lésions (duodéno-) pancréatiques Les traumatismes de l’intestin grêle et du côlon arrivent
respectivement en 3 e et 4 e position des lésions viscérales
Les traumatismes (duodéno-) pancréatiques sont, dans la observées lors des traumatismes abdominaux, après les lésions
plupart des cas, secondaires à des accidents de la circulation. Ils de la rate et du foie. [54] Un pneumopéritoine radiologique
peuvent être classés en fonction de l’atteinte concomitante du visible sur les clichés standards d’abdomen sans préparation est
duodénum et du pancréas (Tableau 3). [49] Ici encore, le traite- présent dans moins de 25 % de ces perforations. Il est tardif,
ment est essentiellement conservateur, associant une mise au accompagnant les signes péritonéaux. La TDM est plus perfor-
repos de la glande pancréatique par aspiration gastrique et mante dans ce contexte avec environ 50 % à 70 % de ruptures
éventuellement traitement médical par somatostatine. intestinales diagnostiquées. [17, 55]
L’exploration de l’ensemble du pancréas et du duodénum Le traitement chirurgical fait appel à une toilette péritonéale,
impose un décollement splénopancréatique et un décollement un drainage (classiquement des quatre quadrants) et au traite-
duodénopancréatique. La chirurgie sera « minimaliste », dans la ment du segment lésé. Une antibiothérapie à spectre large
mesure du possible, avec excision simple des foyers d’attrition (germes à Gram négatif et anaérobies essentiellement) secondai-
pancréatique et drainage de contact. Une atteinte duodénale est rement adaptée en fonction des résultats bactériologiques des
rarement isolée et une dérivation sur une anse rarement prélèvements peropératoires sera administrée.
indiquée en urgence. Une plaie duodénale doit être traitée par On insistera sur la nécessité d’explorer la vascularisation des
exclusion duodénale (suture du pylore, vagotomie et gastroen- organes digestifs, en particulier le côlon et l’intestin grêle, afin
téroanastomose) et drainage de la plaie duodénale avec ou sans de ne pas méconnaître une lésion ischémique par désinsertion
suture de celle-ci. [50] Un geste d’exérèse pancréatique est mésentérique.
nécessaire lorsqu’il existe une section du canal de Wirsung, en En cas de doute, le geste chirurgical sera complété par une
général par rupture de l’isthme de la glande (Fig. 3A, B, C). Un artériographie afin de s’assurer de la vascularisation de la totalité
geste de suture simple expose à un risque majeur de fistule des organes abdominaux si cela n’a pas été effectué lors d’un
pancréatique. Une plaie isthmique ou caudale du pancréas doit examen TDM préopératoire.
être traitée par splénopancréatectomie caudale, sans céder ici à
la tentation d’un geste conservateur. [51] Un traumatisme Lésions de l’intestin grêle
profond de la tête du pancréas, ou son éclatement, impose une
L’exploration de tout l’intestin grêle avec contrôle de toutes
duodénopancréatectomie céphalique en urgence. Ce geste, rare,
ses faces est impérative. Si une brèche minime peut éventuelle-
est grevé d’une lourde mortalité et morbidité. Un drainage
ment être suturée sans résection lorsque les tissus avoisinants
abdominal large est recommandé par tous les auteurs. Il doit
sont sains, la règle impose une résection de la partie traumatisée
être déclive et proche des sutures digestives. Une jéjunostomie
et une suture terminoterminale, non protégée. Il est exception-
d’alimentation est très largement recommandée dans ce
nel, même en contexte de péritonite, d’avoir recours à une
contexte, permettant une hyperalimentation entérale précoce
jéjunostomie ou une iléostomie.
du patient en l’absence de lésions digestives d’aval.
Lésions du côlon et du rectum
Lésions épiploïques
À l’inverse des lésions du grêle, il est exceptionnel de réaliser,
Les lésions épiploïques sont le plus souvent hémorragiques dans un contexte d’urgence (donc à côlon non préparé), la suture
par arrachement, responsables de volumineux hématomes simple d’une plaie colique. Les rares cas où ce geste peut être
disséquants rendant le bilan lésionnel difficile. Leur traitement envisagé sont les plaies minimes, datant de moins de 6 heures,
est une résection permettant d’obtenir une hémostase rapide et et non souillées, chez un patient jeune. Lorsque la plaie se situe
complète. Elles s’associent dans certains cas à une désinsertion sur un segment mobile du côlon, celui-ci peut être monté à la
mésentérique, responsable d’une ischémie intestinale souvent peau sur baguette avec extériorisation de la plaie, réalisant une
étendue. colostomie temporaire de dérivation. Ce cas idéal se rencontre
rarement. Habituellement, on est en face d’un délabrement plus
Lésions rénales important par éclatement de l’organe avec une contamination
La découverte d’un hématome rétropéritonéal, en l’absence péritonéale. Une colectomie segmentaire est appropriée (sigmoï-
de saignement évolutif, ne doit pas entraîner son exploration dectomie, colectomie gauche, colectomie droite).
systématique. En effet, un tel hématome est souvent contrôlé En l’absence de lésion vasculaire associée, le rétablissement de
spontanément. L’exploration des reins n’est, de ce fait, pas la continuité est effectué d’emblée, par anastomose terminoter-
systématique non plus. Les lésions rénales sont habituellement minale, ou latérolatérale, manuelle ou mécanique (agrafeuse
classées en quatre types (Tableau 4). Si les lésions de types I et linéaire de type GIA®). Cette anastomose est protégée par une
II ne nécessitent pas de traitement, il est aujourd’hui admis que colostomie d’amont sur baguette en cas de péritonite associée. En
les lésions de type III peuvent, elles aussi, bénéficier d’un cas de doute sur l’intégrité du mésentère, ou en cas de choc, ainsi
traitement différé, [52] ce qui permettrait de sauver le rein dans qu’en présence d’une lésion sigmoïdienne importante ou d’une
un nombre non négligeable de cas. Les décès observés sont le lésion du haut rectum, une colostomie terminale temporaire avec
plus souvent liés aux lésions associées. fermeture du segment d’aval selon Hartmann est indiquée. En cas

12 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

Tableau 5.
Lésions rencontrées dans les traumatismes abdominaux opérés (en %). [39]

Organe % atteinte Répartition % atteinte


Rate 43
Foie 35
Hématome rétropéritonéal 15
Mésentère 13
Génito-urinaire 7 Rein 39
Vessie 46
Ovaires 15
Diaphragme 5 Gauche 93
Droit 4,5
Bilatéral 2,5
Intestin 5 Grêle 73
Côlon 27
Vaisseaux 3 Mésentère 63
Veine cave 29
Aorte 0,01
Duodénum-pancréas 0,03
Estomac 0,02

de colectomie droite, l’attitude la plus classique est le rétablisse- contraste. Il s’y associe fréquemment un important hématome
ment d’emblée, iléocolique transverse, non protégé. pelvien. Le traitement est ici un drainage vésical. Une sonde
Les lésions rectales basses, sous-douglassiennes, sont de vésicale est laissée en place pour une durée de 10 à 15 jours.
traitement plus difficile : une anastomose en urgence n’est pas
envisageable et le traitement consiste en une colostomie iliaque Lésions pariétales
gauche de dérivation associée à un drainage.
Diaphragme
Dans tous les cas, une toilette avec drainage de la cavité
péritonéale est réalisée. Les traumatismes abdominaux par choc direct sont à l’origine
d’une hyperpression intrapéritonéale pouvant être à l’origine
Lésions gastriques d’une rupture diaphragmatique. Ces ruptures surviennent dans
Les plaies, perforations ou dilacérations gastriques sont 1 à 2 % des traumatismes thoracoabdominaux sévères, à gauche
traitées par avivement des berges et sutures muqueuses puis dans 90 % des cas (Tableau 5). Elles sont souvent méconnues.
séreuses en deux plans, protégées par une aspiration gastrique à En cas de plaie par arme blanche ou arme à feu, tous les types
double courant (liquide/air). Dans de très rares cas, si l’atteinte de lésion peuvent se rencontrer et sont méconnus dans 7 % des
gastrique est trop importante, une gastrectomie partielle, voire cas. [56] Les lésions diaphragmatiques sont parfois d’expression
totale, est nécessaire. Il faut noter qu’une perforation gastrique retardée, de quelques heures à quelques jours, car le diagnostic
sur une face de l’estomac (le plus souvent antérieure) doit n’en est pas effectué en urgence. Le diagnostic est évoqué
toujours faire rechercher une lésion sur le versant opposé de devant une détresse respiratoire avec anomalies auscultatoires de
l’organe (plaie transfixiante ou écrasement gastrique avec la base pulmonaire et en particulier la présence de bruits
répercussion antérieure et postérieure). Une lésion postérieure hydroaériques. La radiographie simple du thorax évoque le
est souvent associée à une lésion pancréatique. diagnostic en ne retrouvant pas le contour normal de la coupole
diaphragmatique, mais la présence de clartés digestives dans le
Lésions vésicales thorax, en particulier gastrique. Le diagnostic différentiel doit
Deux tableaux cliniques peuvent marquer une rupture être fait avec un pneumothorax ; c’est l’une des raisons pour
vésicale. La rupture intrapéritonéale de vessie est une rupture du lesquelles il est conseillé en urgence de ne drainer un pneumo-
dôme vésical par traumatisme sur vessie pleine. Cliniquement, thorax (sauf pneumothorax suffocant) qu’après avoir mis en
le patient présente des douleurs abdominales progressivement place une sonde nasogastrique. Idéalement, le diagnostic est fait
croissantes, sans miction ni sensation de réplétion vésicale et par l’examen TDM, mais là encore, la lecture de l’imagerie est
surtout sans globe vésical. parfois trompeuse et la rupture diaphragmatique doit être
Un sondage vésical doit être effectué de façon atraumatique systématiquement recherchée. Les ruptures diaphragmatiques
afin de ne pas aggraver une possible lésion urétrale associée. Il sont parfois diagnostiquées de manière « fortuite » à distance du
ne ramène pas ou très peu d’urine. L’échographie et le scanner traumatisme causal. Les lésions qui sont des ruptures de
abdominopelvien peuvent orienter le diagnostic, mais le coupole, des désinsertions ou des ruptures centrales paraverté-
meilleur examen dans ce cas est la cystographie rétrograde. brales doivent faire l’objet d’une réparation anatomique en
Cette dernière permet dans le même temps le bilan d’une urgence. Celle-ci est réalisée au fil non résorbable à points
éventuelle lésion urétrale associée. Une rupture intrapéritonéale séparés sans prothèse, par voie abdominale ou thoracique,
impose un contrôle de l’intégrité du trigone vésical, puis une éventuellement par laparoscopie ou par thoracoscopie. [56] La
suture en deux plans de la plaie, par voie laparoscopique ou par mise en place de prothèse est réservée aux ruptures traitées
laparotomie. Le second tableau observé est celui d’une rupture tardivement lorsque l’étoffe s’est rétractée et ne permet plus de
sous-péritonéale de vessie : le mécanisme le plus fréquent est le réparation idéale. Enfin, la fermeture d’une brèche diaphragma-
cisaillement ou l’embrochage vésical ou cours d’une fracture du tique doit toujours être associée à un drainage pleural. La
bassin et/ou d’une disjonction pubienne. La douleur hypogas- mortalité des lésions diaphragmatiques est élevée, de l’ordre de
trique prédomine. 20 à 30 %, souvent due aux lésions associées.
Cette dernière n’est généralement pas associée à des signes
Paroi abdominale
péritonéaux. La miction est conservée avec hématurie associée.
Au toucher rectal il existe une sensation d’empâtement pelvien. La paroi abdominale peut être lésée par un traumatisme
Comme pour la rupture intrapéritonéale, le meilleur examen est direct ou présenter une perte de substance. Le plus souvent, cela
la cystographie rétrograde qui permet le bilan d’une éventuelle impliquera une fermeture pariétale éventuellement associée à
lésion urétrale associée et montre l’extravasation du produit de une cicatrisation dirigée. La prise en charge d’un syndrome du

Médecine d’urgence 13
25-200-D-30 ¶ Contusions et plaies de l’abdomen

compartiment abdominal pose d’autres problèmes et en parti- l’hypoxémie. Ce sont également les complications cardiocircula-
culier celui de la réintégration des anses, lié à l’œdème trauma- toires, secondaires à un choc hypovolémique, une rhabdomyolyse,
tique et à l’iléus réflexe. un choc toxi-infectieux, ou des ischémies prolongées.
Lors de la prise en charge d’une plaie, il est nécessaire Ces complications non spécifiques sont encore infectieuses,
d’exciser les berges, en particulier en cas de plaie par arme à feu. imposant la recherche d’une porte d’entrée méconnue, ou
Le parage doit être complet, incluant les muscles et le péritoine. rénales. Une insuffisance rénale apparaît dans les suites d’une
La peau est grossièrement rapprochée et drainée. Habituellement, hypovolémie. L’insuffisance peut être mécanique par obstacle,
la paroi est refermée après une laparotomie. Exceptionnellement, ou fonctionnelle, entrant dans le cadre des défaillances polyvis-
la fermeture pariétale ne peut être réalisée de première intention cérales. Des complications métaboliques, liées à la réanimation,
et certains auteurs proposent alors la mise en place de sacs de ne sont pas rares. Enfin les complications abdominales chirur-
protection irrigués [57, 58] avec fermeture secondaire, après gicales doivent être recherchées systématiquement, hémorragi-
disparition de l’œdème lié à la réanimation et à l’ischémie. ques, septiques et pariétales.
Certains auteurs proposent l’utilisation de filets, mais ceux-ci sont
responsables de fistules digestives postopératoires. [59] Complications hémorragiques
Traitement de cas particuliers L’hémorragie postopératoire peut poser un problème majeur
dans la détermination de son étiologie et de la conduite à tenir.
Polytraumatisé En effet, si une hémorragie brutale, avec ou sans extériorisation
La contusion abdominale est un élément fréquemment de sang, se produit au décours d’une splénectomie et s’accom-
associé à un polytraumatisme. Dans ce contexte, le pronostic de pagne d’une distension abdominale et d’un collapsus cardiovas-
chaque lésion prise isolément n’est pas significatif du pronostic culaire, la reprise chirurgicale s’impose. Aucun bilan complé-
global du patient. Le diagnostic d’une lésion abdominale est mentaire, biologique ou d’imagerie n’est nécessaire. À l’inverse,
difficile, notamment lorsqu’il existe des troubles de conscience une déglobulisation progressive et constante avec chute de
dès le ramassage du patient. De surcroît, la survenue de compli- l’hématocrite et éventuellement extériorisation progressive mais
cations postopératoires est fréquente chez ces patients, résul- lente de sang chez un traumatisé grave, pose le problème de
tante combinée des gestes chirurgicaux et de la réanimation. l’indication de reprise chirurgicale. L’association des zones de
Une laparotomie reste indiquée chez tout polytraumatisé en suffusion hémorragique dans le foyer lésionnel à des troubles de
état de choc non contrôlé et sans facteur hémorragique identifié. la crase secondaires au remplissage massif, aux transfusions
abondantes et à une hypothermie, ne permet pas toujours de
Place de la laparotomie « écourtée » ou « abrégée » trancher en faveur de la reprise ou de l’abstention. Une concer-
Le principe de la laparotomie écourtée est une application des tation rapprochée entre les différentes équipes médicales et
principes de la chirurgie de guerre. Son but est de pouvoir chirurgicales assurant la prise en charge du patient et l’expé-
assurer un geste de sauvetage, souvent hémostatique, chez un rience de ces traumatismes permettent seuls de trancher. Les
blessé initialement intransportable, afin de permettre son examens complémentaires, radiologie et TDM plus que l’écho-
transfert rapide vers une base arrière moins exposée et mieux graphie, apporteront leur contribution à cette discussion. En
équipée. Cette technique a été particulièrement utilisée par les outre, il faut toujours rechercher une hémorragie liée au stress,
Américains lors de la guerre du Vietnam. Il a été constaté que, se manifestant par des ulcères gastroduodénaux, en réalisant
contre toute attente, la mortalité et la morbidité des patients une gastroduodénoscopie.
traités de la sorte étaient inférieures à celles des patients pour Les critères de reprise chirurgicale sont la mauvaise tolérance de
lesquels un traitement « radical » était tenté d’emblée. l’hémorragie en l’absence de troubles majeurs de la crase et l’origine
L’intérêt principal de la laparotomie écourtée est, après avoir des lésions susceptibles de saigner (rate, foie, gros vaisseaux).
réalisé en extrême urgence un geste d’hémostase indispensable, Il ne faut pas oublier qu’une hémorragie minime est aggravée
l’agrafage d’une perforation digestive, le drainage de la cavité par les troubles de la crase, qu’un caillot peut être responsable
péritonéale... et un très rapide bilan lésionnel, de pouvoir de troubles de la crase par fibrinolyse locale, mais à l’inverse
bénéficier d’une prise en charge réanimatoire immédiate visant qu’une laparotomie inutile peut aggraver l’état d’un patient en
à corriger les troubles hydroélectrolytiques, les troubles de la situation précaire.
crase, les déficits de thermorégulation, ces derniers jouant un
rôle délétère majeur pour le patient. Une intervention réglée, Complications septiques
éventuellement après transfert, permettra d’effectuer dans un
Le risque septique majeur chez le traumatisé abdominal est la
deuxième temps un geste « radical » chez un patient déchoqué,
gangrène gazeuse qui risque de se développer sur un terrain
dans des conditions opératoires et réanimatoires optimales. Ce
altéré. Sa mise en évidence repose sur une surveillance rigou-
traitement ne s’adresse évidemment qu’aux patients les plus
reuse des pansements et de l’état général du patient. Son
atteints ne pouvant supporter, dans de bonnes conditions, un
traitement fait appel à un débridement chirurgical large et à
geste chirurgical immédiat de longue durée. Il faut noter que
l’oxygénothérapie hyperbare.
l’indication d’une laparotomie écourtée est difficile à poser et
Des complications septiques classiques peuvent apparaître au
doit être décidée avant l’installation des troubles précités.
décours de l’intervention : infection péritonéale liée à un
D’autre part, elle peut parfois apparaître comme contraire à la
épanchement mal drainé ou à un hématome postopératoire ou
« logique » classique de l’urgence. Son indication n’est souvent
à une perforation d’organes creux méconnue initialement.
correctement envisagée que par des équipes chirurgicales
L’examen du patient (altération de l’état général), la biologie
rompues à la prise en charge des polytraumatisés. Elle constitue
(syndrome inflammatoire) et une hyperthermie amènent
un des plus grands progrès thérapeutiques en terme de chirurgie
l’équipe médicochirurgicale à rechercher un foyer septique.
d’urgence, en particulier hépatique. Dans un contexte d’écono-
Outre l’examen des téguments et cicatrices à la recherche d’un
mie de santé, elle trouve sa place en permettant la prise en
abcès pariétal, un examen TDM recherche une collection
charge des urgences vitales dans un centre d’accueil général
profonde. Bien limitée, elle est le plus souvent traitée de façon
avant transfert des patients vers un centre spécialisé.
conservatoire par ponction et drainage percutané sous contrôle
échographique ou TDM. En cas de péritonite diffuse, une
Complications exploration chirurgicale s’impose. Une péritonite sans fistule
Les complications de la chirurgie des traumatismes abdominaux impose une toilette et un drainage de la cavité péritonéale avec
sont liées à l’évolution spontanée du traumatisme ou à sa prise en éventuelle exérèse de débris nécrotiques résiduels. La prise en
charge chirurgicale. Certaines de ces complications ne sont pas charge d’une fistule digestive est plus compliquée. Responsable
spécifiques. Ce sont les complications respiratoires, secondaires à un d’une péritonite, elle impose son extériorisation. Lorsqu’elle est
pneumothorax, un hémothorax, une surinfection pulmonaire, un d’origine sus-mésocolique, la fistule est dirigée à la peau.
syndrome de détresse respiratoire aigu de l’adulte (SDRA), une Lorsque la fistule est sous-mésocolique, la réalisation d’une
embolie pulmonaire avec ses conséquences cérébrales liées à stomie doit être privilégiée. Une fois extériorisée, la fistule sera

14 Médecine d’urgence
Contusions et plaies de l’abdomen ¶ 25-200-D-30

appareillée et traitée dans un deuxième temps. Les péritonites


postopératoires sont toutefois grevées d’une mortalité avoisinant
les 50 %. [60] “ Ne pas oublier
Complications pariétales Recherche systématique des lésions fréquemment
Des complications pariétales peuvent survenir à la suite de méconnues en urgence :
contusions majeures responsables d’ischémie et de nécrose • rupture du diaphragme ;
tissulaire. Cela impose un débridement et une cicatrisation • rupture du pancréas ;
dirigée. Elles peuvent être la conséquence d’un problème • rupture de la vessie ;
septique secondaire à une intervention réalisée en urgence en
• rupture de l’urètre.
milieu de péritonite, ou à un geste de sauvetage dans de
mauvaises conditions d’asepsie peropératoire. Ces gestes,
effectués dans des conditions difficiles et d’urgence vitale, sont
à l’origine d’abcès pariétaux. Ils sont traités par une mise à plat
et des soins locaux qui permettent leur guérison. Parfois, ils
■ Références
imposent une reprise chirurgicale. À distance, ces complications [1] Chosidow D, Lesurtel M, Sauvat F, Paugam C, Johanet H, Marmuse JP,
évoluent vers une éventration secondaire dans 5 à 15 % des et al. Interest in several surgeries for serious abdominal trauma. Ann
cas. [61, 62] Dans les cas les moins favorables, en particulier en Chir 2000;125:62-5.
cas de dénutrition et de troubles métaboliques associés liés à un [2] Burch JM. New concepts in trauma. Am J Surg 1997;173:44-6.
séjour prolongé en réanimation, un abcès pariétal peut se [3] Lisenmaier U, Krotz M, Hauser H, Rock C, Rieger J, Bohndorf K, et al.
compliquer d’une éviscération imposant une reprise chirurgicale Whole-body computed tomography in polytrauma: techniques and
en urgence. Il existe alors en outre un risque accru de fistule management. Eur Radiol 2002;12:1728-40.
digestive, en particulier du grêle ou du côlon. [4] Dinc H, Simsek A, Ozyavuz R, Ozgur GK, Gumele HR. Endovascular
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■ Conclusion [5] Baron BJ, Scalea TM, Clafani SJA, Duncan AO, Trooskin SZ,
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[6] Rieman JF. Diagnostic laparoscopy. Endoscopy 2003;35:43-7.
et radiologiques disposant d’un maximum de moyens. Le
[7] Simon RJ, Rabin J, Kuhls D. Impact of increased use of laparoscopy on
plateau technique est de haut niveau, complet et accessible en
negative laparotomy rates after penetrating trauma. J Trauma 2002;53:
permanence aux équipes dédiées à la prise en charge des 297-302.
urgences. Il associe l’imagerie, échographie, TDM, artériogra- [8] Mutter D, Nord M, Vix M, Evrard S, Marescaux J. Laparoscopic
phies diagnostiques et interventionnelles, la réanimation, evaluation of abdominal stab wounds. Dig Surg 1997;14:39-42.
l’anesthésie et la chirurgie. Ceci permet une prise en charge [9] Sosa JL, Baker M, Puente I, Sims D, Sleeman D, Ginzburg E, et al.
optimale de ces patients. En cas de moyens limités, l’équipe Negative laparotomy in abdominal gunshot wounds: potential impact
d’accueil doit prendre la décision d’une intervention de sauve- of laparoscopy. J Trauma 1995;38:194-7.
tage pour assurer le transfert secondaire du patient dans les [10] Orliaguet G, Cohen S. Traumatismes abdominaux. In: Carli P, Riou B,
meilleures conditions. Le geste réalisé tient compte de l’évolu- editors. Urgences médico-chirugicales de l’adulte. Paris: Arnette;
tion des possibilités thérapeutiques et est limité à la prise en 1991. p. 496-503.
charge palliative des lésions les plus urgentes. Le packing [11] Mutter D, Marescaux J. Traumatismes du pancréas. Encycl Méd Chir
périhépatique contrôlant une hémorragie et permettant le (Elsevier SAS, Paris), Hépatologie, 7-106-A-60, 1995.
transfert du patient et son traitement dans les meilleures [12] Laborde Y, Champetier J, Letoublon C, Aubert M, Gabelle P, Dyon J,
conditions en est un bon exemple. et al. Les traumatismes du pancréas : à propos de 42 observations. J Chir
Le but du traitement initial est de ne pas induire de « perte (Paris) 1982;119:47-54.
de chances » pour le patient, en se réservant la possibilité [13] Wilson RH, Moorehaed RJ. Current management of trauma to the
d’actes médicaux et chirurgicaux ultérieurs. Dans les centres pancreas. Br J Surg 1991;78:1196-202.
équipés et préparés à l’accueil de ces blessés, le traitement [14] Galani M, Thomas F. Répercussion du traumatisme sur l’équilibre ther-
mique. In: Otteni JC, editor. Le polytraumatisé. Paris: Masson; 1986.
« définitif » en un temps des lésions n’est plus un impératif. Il
p. 130-4.
faut lui préférer le traitement pas à pas des lésions en fonction
[15] Jancovici R, Diraison Y, Pons F, Jeanbourquin D, Dumurgier C,
de leur urgence : contrôle de l’hémorragie et réanimation étant Brinquin L. Chirurgie d’hémostase des plaies et traumatismes du
les seules urgences absolues. L’aspect de plus en plus conserva- thorax. In: Barriot P, Riou B, editors. Le choc hemorragique. Paris:
teur et mini-invasif de la prise en charge de ces traumatisés Masson; 1991. p. 125-33.
associant surveillance armée, radiologie interventionnelle et [16] Barriot P, Riou B. Autotransfusion preopératoire. In: Barriot P, Riou B,
laparoscopie représente la plus importante évolution de ces editors. Le choc hémorragique. Paris: Masson; 1991. p. 39-41.
dernières années. [17] Lenriot JP. Stratégie diagnostique dans les contusions abdominales de
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[18] Boyer C, Schmitt M. Répercussions du traumatisme sur l’hémostase.
In: Otteni JC, editor. Le polytraumatisé. Paris: Masson; 1986. p. 122-6.

“ Points forts
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Biochemical characterization of individual injury pattern and injury
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[20] Murray JG, Caoili E, Gruden JF, Evans SJJ, Halvorsen RA,
• La qualité de l’imagerie dans le bilan étiologique des Mackersie RC. Acute rupture of the diaphragm due to blunt trauma:
traumatismes, les possibilités de la réanimation ainsi que la diagnostic sensitivity and specificity of CT. AJR Am J Roentgenol 1996;
qualité et les possibilités de la radiologie interventionnelle 166:1035-9.
restreignent les indications d’un acte chirurgical agressif [21] MacKenney M, Lantz K, Nunez D, Sosa JL, Sleeman D, Axelrad A.
d’emblée. Les exemples les plus typiques en sont le Can ultrasound replace diagnostic peritoneal lavage in the assessment
contrôle des hémorragies hépatiques par packing premier of blunt trauma? J Trauma 1994;37:439-41.
[22] Porter RS, Nester BA, Dalsey WC, O’Mara M, Gleeson T, Pennell R,
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• L’artériographie interventionnelle avec contrôle de [23] Kimura A, Otsuka T. Emergency center ultrasonography in the
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D. Mutter, Professeur des Universités (didier.mutter@chru-strasbourg.fr).


Chirurgie digestive et endocrinienne, Clinique chirurgicale A, Hôpital Civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.
C. Schmidt-Mutter, Praticien hospitalier.
Département d’anesthésie-réanimation, Hôpital Civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.
J. Marescaux, Professeur des Universités.
Chirurgie digestive et endocrinienne, Clinique chirurgicale A, Hôpital Civil, 1, place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mutter D., Schmidt-Mutter C., Marescaux J. Contusions et plaies de l’abdomen. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-200-D-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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